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UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DE SCIENCE
POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE III
Centre de Droit Maritime et des Transports
MÉMOIRE
L’ÉCHOUEMENT DU NAVIRE
MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS
Année de soutenance : 2007
Sous la direction de Monsieur Christian Scapel
Par Pierre Gallavardin.
2
Remerciements:
A Monsieur Christian Scapel et Monsieur Pierre Bonassies de m’avoir apporté
le regard du droit sur la profession maritime.
A Monsieur Frédéric Fievet de la Compagnie maritime Fouquet Sacop de
m’avoir donné la possibilité et encouragé à suivre cette formation.
A Monsieur Georges Figuière et Monsieur Pierre Albertini de m’avoir fait
partager leur expérience.
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION..........................................................................................page 4
CHAPITRE 1 : Les échouements et leurs causes ........................................page 9
Section 1 : L’investigation après accident.....................................................page 9
Section 2 : Causes d’échouement : étude de cas réels................................page 14
Section 3 : L’élément humain et la gestion de la sécurité.............................page 32
CHAPITRE 2 : Le régime juridique de l’échouement....................................page 42
Section 1 : Le régime juridique de l’armateur en cas d’échouement ............page 42
Section 2 : L’échouement dans le contrat de transport de marchandises ....page 47
Section 3 : L’échouement dans le contrat d’affrètement...............................page 52
Section 4 : Le navire victime d’échouement : Institutions du droit maritime..page 57
CHAPITRE 3 : Mesures correctives et préventives en cas d’échouement ...page 64
Section 1 : Les mesures correctives suite à l’échouement ...........................page 64
Section 2 : Les mesures préventives en matière de sécurité maritime.........page 72
BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................page 81
TABLE DES ANNEXES................................................................................page 83
TABLE DES MATIERES...............................................................................page 92
4
INTRODUCTION
Aucune époque n’a été à l’abri d’accidents maritimes majeurs qui, parfois, ont
été meurtriers et ont entraîné d’importantes pollutions maritimes ; les noms de
l’« Amoco Cadiz », de l’« Exxon Valdez» et du « Torrey Canyon » sont tristement
familiers pour tous ; ce sont tous trois des échouements.
Le terme d’échouement est souvent mal utilisé et confondu avec le terme
d’échouage. En effet, dans la langue française, il faut distinguer ces deux termes.
L’échouage est défini comme la « situation d’un navire qui touche
intentionnellement le fond et cesse de flotter».1
On parle d’« échouage » lorsque un
navire est volontairement échoué, par exemple dans un bassin ou une cale
sèche (avant de faire le carénage2
du navire). On parle aussi d’échouage lorsque un
navire s’échoue volontairement sur la plage à marée basse sous l’effet de la marée;
en effet, l’état de la marée étant prévisible, la situation du navire l’est également.
L’échouage a donc un caractère prévisible et intentionnel.
L’échouement est défini comme un « arrêt accidentel d’un navire par contact
sur le fond ».3
Lorsqu’un navire est immobilisé accidentellement sur un haut fond,
c'est-à-dire dans un endroit où le navire ne dispose plus d’assez d’eau sous la quille
pour naviguer, c’est un échouement. L’échouement se produit généralement non loin
de la côte mais il peut également se produire au large dans une zone de hauts fonds
ou d’écueils.
La Cour d’Appel de Rouen, dans un arrêt du 26 avril 1974 « Abeille 14 » et
navire « Salat » donne une définition de l’échouement : Il y a échouement lorsque le
navire touche le fond ou heurte le rivage et se trouve arrêté faute d’eau suffisante
sous sa quille4
, ou, en des termes moins « heureux » mais de même signification :
l’échouement est la situation d’un navire dont la quille est engagée accidentellement
sur un fond rocheux ou sableux et ne peut plus se mouvoir par ses propres moyens5
.
La Cour distingue bien l’échouage, opération volontaire, de l’échouement, qui a un
caractère accidentel.
1
Définition dictionnaire le « petit robert ».
2
Carénage=nettoyer la partie submergée du navire et la repeindre.
3
Définition dictionnaire le « petit robert ».
4
Rodière, Traité général de droit maritime, Evénements de mer, 151, n°153.
5
Lavergne-Lafage, Les transports par mer, 4ème
Ed, 26.
5
Il y a cependant une exception lorsque le navire est échoué volontairement
mais où l’on parle d’échouement. Lorsque le navire est sur le point de sombrer, se
briser sur des rochers, ou de tomber aux mains d’ennemis ; le capitaine se décide à
le mettre à la côte en un endroit qui lui parait favorable, et où il a des chances
d’échapper à une perte totale6
. De même, si le navire est amarré dans un port et
que, sous l’effet du vent et des vagues, les amarres risquent de céder, le
Commandant peut décider d’échouer le navire dans un endroit du port qui lui parait
favorable afin de l’immobiliser en attendant que la tempête soit passée. On parle
dans ce cas « d’échouement volontaire ».
L’anglais étant la langue de référence dans l’industrie du shipping, il convient
d’énoncer la traduction anglaise de l’échouement. En anglais, nous distinguons
« grouding » et « stranding » :
« Grounding » est le contact intentionnel d’un navire avec le fond pendant que celui-
ci est au mouillage ou amarré à quai. Ce contact résultant de la baisse du niveau de
la mer. Ce terme sera donc l’équivalent de l’échouage.7
« Stranding » est la traduction anglaise d’échouement. C’est le contact d’un navire
avec le fond qui, ainsi, l’immobilisera. Il a un caractère involontaire mais peut
également être volontaire dans le cas où le navire est mis à la côte pour éviter un
plus grand danger. 8
L’échouement était spécifiquement visé par l’article 350 du Code de
commerce, en tant que risque maritime pris à la charge par l’assureur. Aujourd’hui,
l’article L.172-11 du Code des assurances dispose : « l’assureur réponde des
dommages matériels causés aux objets assurés par toute fortune de mer ou par un
événement de force majeure ». L’article 2 des Conditions générales de la Police
française d’assurances maritimes sur facultés met aux risques des assureurs les
dommages et pertes matériels, ainsi que les pertes de poids ou de quantités, causés
aux objets assurés, notamment par échouement, que l’assurance ait été conclue
« Tous risques » ou « F.A.P. sauf ».
6
Georges Ripert, droit maritime, Tome II, collection Haller, Paris 1929, Ed Rousseau et Cie.
7
“The Mariner’s role in collecting evidence in light of ISM”, 3rd Ed 2006.P.131. The Nautical Institute, Dr Phil
Anderson.
8
“The Mariner’s role in collecting evidence in light of ISM”, 3rd Ed 2006.P.131. The Nautical Institute, Dr Phil
Anderson.
6
Selon l’article 38 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 : « Le transporteur est
responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage,
abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve à sa
charge que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés ».
Selon les Règles d’York et d’Anvers 1994 (règle V) : « Quand un navire est
intentionnellement mis à la côte pour le salut commun, qu’il dût ou non y être drossé,
les pertes ou dommages en résultant et subis par les propriétés engagées dans
l’aventure maritime commune seront admis en avarie commune ». Les dépenses
pour alléger le navire échoué et les dommages en résultant sont également admis en
avarie commune (Règle VIII).
Malgré le fait que les naufrages, les collisions entre navires et les
échouements restent relativement rares par rapport à l’importance du trafic maritime,
ils peuvent avoir des conséquences désastreuses sur l’intégrité du navire, sur la vie
humaine et sur l’environnement.
Ces catastrophes ont néanmoins eu des conséquences juridiques
bénéfiques : L’élaboration et l’enrichissement de règlements, lois et conventions. Par
exemple, les grandes pollutions marines ont entraîné une évolution des règles de
sécurité à bord des navires pour prévenir la pollution et également une augmentation
des plafonds d’indemnisation des victimes.
L’échouement est toujours causé par l’accumulation de plusieurs facteurs. Le
défaut de préparation du voyage, l’information nautique erronée, la mauvaise gestion
des ressources passerelle et la pression commerciale des chargeurs pourront être
des causes d’échouement.
Les statistiques sur les demandes d’indemnisations sont un outil intéressant
pour connaître l’origine des accidents maritimes. Le Club de Protection et
d’Indemnités UK Club révèle qu’environ 80% des échouements ont pour origine
l’erreur humaine. Cette erreur humaine pourra être due à un défaut dans la conduite
du navire et dans l’estimation de la position, à une mauvaise communication entre le
pilote et le Commandant, à un défaut de compréhension de l’information nautique.
7
Hormis l’erreur humaine, les mauvaises conditions météorologiques, une avarie de
barre ou de l’équipement de propulsion, un manque de tenue de l’ancre au mouillage
pourront également être des causes d’échouement.
Comme nous venons de l’énoncer, les causes d’échouement sont
nombreuses et variées. On constate que les progrès technologiques ne peuvent
garantir à eux seuls la sécurité à bord des navires. En effet, le manque de formation
des marins et la mauvaise organisation du travail à bord apparaissent comme les
causes contemporaines les plus importantes et les plus difficiles à enrayer afin
d’éviter de nouvelles catastrophes maritimes.
Un navire échoué peut parfois sortir de cette situation par ses propres
moyens : en se déhalant avec l’aide de ses ancres, en faisant gîter fortement le
navire, ou à marée haute, en vidant ses ballasts. Généralement, le recours à un
remorqueur est nécessaire.
Dans une mer forte l’échouement peut entraîner la destruction progressive du
navire qui va talonner violemment le fond à chaque vague. Si, par ailleurs,
l’échouement se produit sur un écueil entouré d’eaux profondes, le navire risque de
couler après avoir été brisé par la mer. Ces situations peuvent entraîner de
catastrophiques pollutions marines.
Le navire victime d’un échouement risque sa perte. En effet, dans certains cas
il ne sera pas renfloué soit parce qu’il n’est pas possible de le renflouer parce que le
navire est trop endommagé, soit parce que le coût des réparations est supérieur à la
valeur du navire.
Ainsi, ce mémoire est divisé en trois grandes parties :
La première partie est consacrée aux causes des échouements. Après avoir
exposé brièvement le régime juridique de l’investigation après un accident maritime,
nous allons étudier, à travers une analyse de cas réels d’échouements ayant eu lieu
ces dernières années, les principaux facteurs d’échouements. Ces cas
d’échouements sont vus à travers l’œil d’un expert technique dans le but d’identifier
leurs causes. Le facteur humain étant une cause en constante augmentation, nous
8
mettrons l’accent sur l’organisation du travail à bord des navires et la compétence
des équipages.
La deuxième partie de cette étude présente les grandes lignes du régime
juridique de l’échouement qui, contrairement à l’abordage, n’est régi par aucune
convention spécifique ; c’est donc le droit maritime général qui s’applique. Dans cette
partie, nous présenterons de manière synthétique le droit applicable à l’armateur, au
fréteur, au transporteur, à l’affréteur et aux ayants droits à la marchandise. Ensuite,
nous exposerons les deux institutions du droit maritime que sont l’assistance
maritime et les avaries communes, celles-ci pouvant fréquemment s’appliquer en cas
d’échouement.
La troisième partie de ce mémoire énonce les mesures correctives et les
mesures préventives qui peuvent être appliquées après un échouement. Les
mesures correctives sont les mesures prises par le Commandant, l’armateur, les
sociétés de classification ou tout autre organisme susceptible d’amener une aide
substantielle dans la gestion du sinistre et afin d’en limiter les conséquences.
La deuxième section de ce chapitre fait un état des lieux des mesures préventives en
matière de sécurité maritime prises ces derniers mois afin d’enrayer les accidents
maritimes. Enfin, nous ouvrirons le débat sur les besoins en formation et la pénurie
des officiers de la marine marchande.
9
CHAPITRE 1
LES ECHOUEMENTS ET LEURS CAUSES
Dans ce chapitre, nous étudierons, à travers une analyse de cas réels, les
différents facteurs qui peuvent causer un échouement.
Dans la première section de ce chapitre, nous exposerons le régime juridique
de l’investigation après un accident maritime et la procédure que les experts
techniques appliquent pour l’enquête et l’analyse des sinistres.
La deuxième section sera consacrée, à travers différents cas réels, à l’exposé
des facteurs qui sont à l’origine d’un échouement.
Enfin dans la dernière section de ce chapitre, nous insisterons sur l’élément
humain, principale cause d’échouement.
Section 1
Les institutions spécialisées dans l’investigation après
accident et leurs procédures
Les situations vécues après les accidents de ces dernières années ont démontré
l’importance de recadrer la réglementation internationale et communautaire sur les
enquêtes techniques. Dans cette section nous exposerons brièvement le rôle de ces
organisations. Une étude plus approfondie des mesures communautaires « paquet
Erika 3 » sera exposée dans le Chapitre 3 du mémoire.
I. Cadre juridique
1. Au plan national :
La « loi du 3 janvier 2002 sur les enquêtes techniques après évènement de
mer » et « le décret du 26 janvier 2004 relatif aux enquêtes techniques après
évènement de mer, accident ou incident du transport terrestre ». 9
9
www.bea-mer.fr
10
L’organisme français d’enquête est le « BEA mer » (Bureau Enquête
Accident). Il dépend du ministère du développement durable (ministère compétent en
matière de détermination et de contrôle des normes de sécurité de la navigation) et
conduit son action indépendamment des autres services.
2. Au plan européen :
Après la « Directive 1999/35/CE du Conseil du 29 avril 1999 relative aux
transbordeurs rouliers et engins à passagers à grande vitesse », en 2001, la
Commission a souligné dans son livre blanc la nécessité de diligenter des enquêtes
techniques indépendantes, basées sur l’analyse des circonstances et des causes
des accidents, dont les résultats seraient orientés vers la prévention des risques et
les moyens d’améliorer la législation.
La gestion des naufrages de l’Erika et du Prestige a montré les insuffisances
et les lacunes des réglementations internationales ainsi que communautaires. Les
enquêtes menées par les experts après ces deux naufrages ont pris beaucoup de
temps et beaucoup de difficultés sont apparues pour les mener à terme. L’UE essaie
de remédier à ces insuffisances dans le paquet Erika III adopté en début d’année
2007.
L’Agence Européenne pour la Sécurité Maritime « EMSA »10
a été chargée de
coordonner ces enquêtes après accident au plan européen.
Ces mesures seront présentées dans le chapitre 3, consacré notamment aux
mesures du paquet Erika 3.
3. Au plan international :
La résolution A 849 (20) « Code pour la conduite des enquêtes sur les
accidents et les incidents de mer » adoptée le 27 novembre 1997 par l’Organisation
Maritime Internationale et amendée par la résolution A884 (21)11
.
De nombreux organismes existent à l’étranger, les plus renommés sont le « MCA »
anglais (Maritime and Coastguard Agency), l’ « ATSB » australien (Australian
Transport Safety Bureau), le « TSBC » canadien (Transportation Safety Board of
Canada).
10
Règlement CE 1406/2002
11
Source OMI
11
II. Procédure d’investigation et mise en place du « Code pour la
conduite des enquêtes sur les accidents et les incidents de
mer » 12
En suivant ce code, les participants à l’enquête doivent être guidés par la loi
du pays dans lequel l’enquête est menée. En particulier, par la nécessité d’informer
les parties intéressées qu’une enquête est menée, d’organiser des interrogatoires
avec les témoins de l’accident, de s’assurer de la présence d’un représentant légal
lors des interviews.
Les informations généralement nécessaires pour l’enquête sont :
1. Les caractéristiques du navire :
Le nom du navire, son numéro IMO, son port d’immatriculation, son indicatif radio ;
Le nom et l’adresse du propriétaire et du ou des gestionnaire(s) du navire ;
Le type de navire, le lieu et la date de construction ;
Le nom et l’adresse de l’affréteur et le type d’affrètement ;
Le port en lourd, la jauge et les principales dimensions du navire;
Le moyen de propulsion et le type de moteur(s) ;
La quantité de combustible et l’emplacement des soutes ;
L’équipement radio, navigation et les moyens de sauvetage du navire.
2. Les documents à produire :
Les certificats du navire (certificat d’immatriculation, certificat ISM, certificat de
classification, les certificats statutaires…) ;
Les journaux de bord (passerelle, radiocommunication, machine, cargaison);
La liste, les brevets et qualifications de l’équipage ;
Les enregistreurs de données (cap, sondeur, alarmes machines, audio,…) ;
Les registres des hydrocarbures (partie cargaison et partie machine) ;
La documentation ISM de la compagnie ;
Les ordres permanents du Commandant et du chef mécanicien ;
Le suivi de la maintenance du navire ;
L’état des commandes de pièces détachées et les inventaires ;
12
Résolution OMI A 849, www.maiif.net (Marine Accident Investigators’ International Forum)
12
L’enregistrement des tests drogue et alcool de l’équipage ;
Le suivi des publications et cartes nautiques,…
3. Le déroulement du voyage en cours :
Le port de début et de fin de voyage et les dates associées ;
Le détail de la cargaison ;
Le tirant d’eau et les courbes de stabilité ;
Tous les événements qui ont pu avoir une influence sur le déroulement de l’accident.
4. La description du personnel embarqué :
Le nom, l’age, la nationalité, la fonction ;
L’expérience et les brevets de l’équipage;
Les habitudes alimentaires (consommation d’alcool, de cigarette);
L’état des heures de repos au moment de l’accident ;
Les blessures éventuelles et le traitement médical ;
5. Le descriptif de l’événement :
La météorologie au moment de l’accident, L’état de la mer, du courant ;
Le type d’accident ; la date, le lieu et l’heure ;
La chronologie des événements ;
Le nombre de personnes présentes à la passerelle, à la machine;
Le trafic dans la zone.
6. Autres :
La description de l’assistance après l’événement ;
Le Commandant doit authentifier les documents fournis ;
Les sources externes d’informations (enregistrements audio et vidéo des
sémaphores, des CROSS).
7. Dans le cas particulier d’un échouement :
Les dernières positions et la méthode de positionnement ;
Les cartes nautiques et tous les moyens d’aides à la navigation utilisés ;
La description et l’état des capacités avant et après l’événement ;
Les moyens de pompage pour lutter contre les envahissements ;
13
Les facteurs ayant pu agir sur les efforts et les contraintes de structures ;
Les calculs de stabilité pendant le voyage ;
La position de l’échouement ;
Les actions immédiates prises ;
La nature et l’étendue des dommages.
14
Section 2
Causes d’échouement : Etudes de cas réels
« Malgré les progrès techniques et les aides à la navigation toujours plus
nombreuses, on ne peut prétendre assurer la même sécurité en mer que sur terre.
La nature du danger est trop différente et ses conséquences éventuelles
redoutables »13
.
Par ailleurs, les différentes études l’ont montré, les accidents ne sont pas
provoqués par une seule cause mais par l’accumulation de plusieurs facteurs qui,
combinés entre eux, pourront entraîner un échouement.
Parmi tous ces facteurs et en contradiction avec 80% des budgets alloués aux
programmes de sécurité mis en œuvre jusqu’alors par les organisations
internationales, Le facteur humain reste la principale cause d’événement de mer14
.
En effet, près de 3/4 des événements de mer et plus de 80% des abordages et des
échouements seraient directement dus à une erreur humaine.
Dans cette partie, nous étudierons différents cas réels d’échouement en se
basant sur des rapports d’expertises afin d’illustrer les principales causes
d’échouement.
I. L’avarie machine du « Rokia Delmas »
1. Description
1.1 Caractéristiques du navire
Le Rokia Delmas est un roulier/porte-conteneurs de 185m de long et d’un tirant d’eau
de 11,20m. Ce navire, propriété de la société Cma-Cgm sous pavillon de Panama, a
fait la une de l’actualité maritime pendant l’hiver 2006/2007. Le Rokia Delmas a été
construit en 1985 au Japon, il était affecté sur la ligne Europe - Afrique de l’ouest. Il
était propulsé par un moteur Diesel et sa vitesse était de 16 nœuds.
13
P.Chauveau : Traité de droit maritime. Librairies techniques, Paris 1958.
14
Philippe Boisson, “Politiques et droit de la sécurité maritime”, Ed Bureau Veritas.
15
Rokia Delmas échoué le 24 octobre 2006 sur l’île de ré
1.2 Chronologie des faits15
Le mardi 24 octobre 2006, vers 4h du matin, le Rokia Delmas, en avarie totale
de machine, est drossé par la tempête sur la côte Sud de l'île de Ré. Après avoir
mouillé une ancre, il s'échoue par l'arrière sur un plateau rocheux à environ 1 mille
nautique dans le sud de la Couarde sur mer. Le navire transporte notamment des
conteneurs divers, des fèves de cacao, du bois ainsi que 500 tonnes de fuel lourd et
50 tonnes de Diesel marine pour sa propulsion.
Alors que la majorité de l'équipage a été immédiatement hélitreuillé, le
commandant et 5 membres d'équipage sont restés à bord pour aider les
investigations des équipes d'interventions.
2 Analyse des causes
L’enquête technique officielle et la procédure judiciaire n’ayant pas abouti, nous
nous cantonnerons à donner quelques pistes sur les causes de l’accident.
La cause initiale de l’échouement a été l’avarie totale du moteur de propulsion du
navire. Cette situation a été aggravée par des conditions météorologiques très
difficiles et d’un vent venant du sud ouest faisant dériver le navire vers la côte.
Ensuite, lors de l’enquête, les experts devront déterminer la cause de cette avarie et
si, celle-ci n’a pas été la conséquence d’un défaut dans la maintenance du moteur
principal ou de ses organes. La maintenance du navire dont l’ensemble des
procédures harmonisées est prévu par le code ISM16
permet de « garantir le bon
7 Journal « Le Marin » du 03/11/2006, source préfecture de l’atlantique
16
Code international de gestion de la sécurité (International safety management).
16
fonctionnement de tous les appareils du navire et de maîtriser les équipements de
contrôle, de mesure et d’essai».17
3 Conclusion
Après l’échouement, le navire présentait une gîte de 20° et une voie d'eau a été
détectée. Aucune pollution n'était alors observée. Le jour même de l’échouement, les
premières investigations à bord ont montré qu'il n'était pas possible de déséchouer le
navire à la marée haute du soir. Le lendemain, les plongées effectuées ont détecté
une brèche d'au moins 20 mètres de long sur 50 centimètres de large confirmant
l'impossibilité de remorquer le navire dans cet état.
3.1 Prévention de la pollution
Le 30 octobre 2006, Le pompage du combustible, stocké dans les soutes du
navire, débutait. Tout un dispositif de prévention de la pollution du littoral et de
dépollution du navire a été mis en place.
Dispositif antipollution du navire Rokia Delmas
18
3.2 Déclaration en perte totale19
Le 24 novembre 2006, le navire a été déclaré en perte totale par les
assureurs. En effet, le coût estimé du sauvetage et des réparations était supérieur à
la valeur du navire. En conséquence, le Rokia Delmas, mis en service il y a 21 ans,
17
Source www.afcan.org/dossiers_sécurité.
18
Source préfecture de l’atlantique, journal « le marin », 3/11/2006
19
Source AFP
17
n’a pas été réparé. La CMA-CGM est restée propriétaire du navire et responsable de
son enlèvement. Les assureurs ont couvert l'ensemble des coûts de l'opération
jusqu'à l'enlèvement.
3.3 L’allègement du navire
La cargaison (conteneurs, bois, cacao) a été extraite du navire grâce à une
grue flottante néerlandaise de la société SMIT20
.
Après la dépollution de la coque et le déchargement de la majeure partie de la
cargaison, les opérations de pré-découpage de la partie arrière du château et des
appendices, comme le mât ou le guindeau, ont commencé le 9 mars 2007.
Au cours d'une manoeuvre délicate, menée le 8 avril, le château du Rokia
Delmas a été retiré d'un bloc. L'ensemble, large de 30 mètres et haut de 15 mètres, a
été débarqué par la barge Rambiz et conduit, comme toutes les parties découpées,
au port de La Pallice. L'épave est prévue d’être remorquée pendant l’été 2007 à la
Rochelle puis renforcée pour permettre un transfert vers le lieu où elle sera
démantelée.
Le château du Rokia Delmas retiré de la coque.
21
20
Cette société est celle qui avait découpé et démantelé le roulier « Tricolor », navire qui, suite à un abordage
avait coulé sur un haut fond du pas de calais le 14 décembre 2002.
21
Source préfecture de l’atlantique
18
II. Mouillage dangereux à l’origine de l’échouement d’un
pétrolier22
.
1 Description
1.1 Caractéristiques du navire
Ce navire est un pétrolier double coque d’environ 20 000 Tonnes de port en
lourd. C’est un pétrolier neuf muni de moyens de pompage de la cargaison et
d’appareil de navigation de dernière génération. Il est affrété par des grandes
compagnies pétrolières et est destiné au cabotage international.
1.2 Chronologie des faits
En 2003, le pétrolier, chargé d’environ 15 000 Tonnes de pétrole à bord, a
appareillé du port d’Ambes sur la Garonne à destination du Havre.
La manœuvre d’appareillage, sur les conseils du pilote a débuté à 14h00.
A 15h15, le navire commençait la descente du fleuve.
A 17h30, la station de pilotage du Verdon (située à l’embouchure de la Gironde) a
informé le navire que les mauvaises conditions météorologiques ne permettront pas
le débarquement du pilote en mer. A ce moment, étant donné l’état de la marée et le
tirant d’eau du navire, il n’était pas possible de faire demi-tour, ni de trouver un
mouillage ou un quai sûr, autre que le mouillage de « Suzac » (voir carte ci-après).
Après concertation avec le pilote et à cause du danger que pouvait représenter la
sortie en mer (mauvais balisage, forte houle, mauvaise visibilité) le Commandant a
décidé de se rendre au mouillage de « Suzac » en attendant que les conditions
météorologiques soient plus clémentes. Le pilote et le commandant se sont alors mis
d’accord sur la position de mouillage future.
Sur les conseils du pilote, le navire est passé par le travers de la bouée 12a, a
contourné la bouée M1, s’est présenté face au jusant23
et a mouillé l’ancre bâbord à
19h12.
A 19h30, le pilote a débarqué sans donner de consigne particulière.
22
Etant donné la confidentialité du dossier, nous ne citerons ni le nom du navire, ni la compagnie maritime, ni le
nom des parties à cet échouement. (Source : Rapport compagnie).
23
Courant de marée descendante. Dans ce cas, courant portant au nord-ouest.
19
A 19h40, le Commandant a donné l’ordre de stopper la machine et qu’elle puisse
être disponible en 5 minutes. Puis, après avoir donné ses instructions à l’officier de
quart, le commandant a quitté la passerelle.
A ce moment, l’alarme de positionnement du GPS et celle du sondeur n’étaient pas
correctement ajustées.
A 19h48, Le Commandant a été informé par l’Officier de quart et la station de
pilotage du Verdon que l’ancre du navire chassait24
; il donna alors immédiatement
l’ordre de démarrer la machine afin d’éviter l’échouement.
A 19h55, le navire était échoué à 0,5 mille dans l’ouest de la pointe de Suzac.
Embouchure de la Gironde, manœuvre du pétrolier
25
24
L’ancre glisse sur le fond et ne retient plus le navire.
25
Extrait de la carte « british admiralty » du pétrolier, annotation personnelle.
20
2 Analyse des causes
2.1 Les conditions météorologiques
Lorsque le navire est arrivé à Suzac, il n’avait pas d’autre choix que de
mouiller. A cause du niveau de la marée et des conditions météo, sortir en haute mer
ou retourner à quai n’était pas envisageable. De plus, les prévisions météo
disponibles au départ d’Ambes n’étaient pas suffisantes pour savoir précisément les
conditions existantes à l’embouchure de la Gironde.
2.2 La position de mouillage
La position du mouillage n’a pas laissé le temps au Commandant de réagir.
En effet, à cause du fort courant, en moins de 10 minutes, le navire s’est échoué.
2.3 L’Utilisation des aides à la navigation
La veille au mouillage n’a pas été adéquate. L’alarme du GPS a été mal
renseignée. Le plan de voyage ne détaillait pas cette zone de mouillage.
3 Conclusion
La météorologie a été la cause directe de l’accident.
Cependant, d’autres facteurs ont contribué à l’échouement du navire :
La décision du commandant et du port de faire appareiller le navire alors que les
conditions à la sortie de la Gironde n’étaient pas « praticable », la décision du
commandant sur les conseils du pilote quant à la position du mouillage qui n’a pas
laissé assez de temps pour réagir et les lacunes de l’officier de quart concernant
l’utilisation des aides à la navigation (GPS).
Suite à cet échouement, l’armateur a tiré des leçons et émis des
recommandations destinées aux autres navires de la compagnie26
:
- Le Commandant contactera systématiquement le port et la station de pilote avant
l’appareillage pour avoir des précisions sur la météo à l’embouchure.
- Un mouillage au centre de la zone de « Suzac » aurait augmenté le temps pour
réagir. La procédure a été revue avec le port et les pilotes.
26
Rapport de l’armateur du pétrolier, validé par le service vetting (service sécurité) de l’affréteur.
21
- Les alarmes du GPS et du sondeur devront être correctement utilisées.
Une revue des procédures de plan de voyage, de mouillage, de report
d’appareillage a été effectuée au sein de la compagnie.
La compagnie a également fait une analyse des risques des différents ports
touchés et des séminaires ont eu lieu avec les officiers à des fins de sensibilisation et
de formation.
22
III. Erreur d’appréciation : L’échouement du « CMA-CGM
Normandie »
1. Description
Le 27 mars 2001 à 23h02, le porte-conteneurs CMA-CGM Normandie, faisant
route dans le détroit de Malacca de Port-Kelang (Malaisie) à Jakarta (Indonésie),
s’est échoué sur le Helen Mar Reef dans le DST27
de Singapour.
Nous allons exposer et analyser les principaux éléments du rapport du BEA mer28
.
Le Cma-Cgm Normandie échoué sur le « Helen Mar Reef »
1.1 Caractéristiques du navire
Le CMA-CGM Normandie est un porte-conteneurs « over-panamax » de 4734
EVP29
, construit en 1991 en Corée.
Longueur : 275,67m, Largeur : 37,18m, Tirant d’eau : 12,4m, Port en lourd : 53378 t.
Vitesse en service: 24 nœuds.
Equipement de la passerelle de navigation :
Une carte électronique qui permet le simple suivi de la navigation sur des cartes
numérisées, l’affichage de la route, une alarme d’approche d’un point tournant,
sonore et visuelle, prévient l’officier de quart.
Deux récepteurs GPS, deux radars, deux sondeurs, deux compas gyroscopiques, un
pilote automatique…
27
Dispositif de Séparation de Trafic (Voie à sens unique, obligatoire et surveillée)
28
Bureau Enquête Accident Mer, Journal de la Marine Marchande du 12 Octobre 2001.
29
Equivalent Vingt pieds, conteneur « standard ».
23
1.2 Chronologie des faits :
Le Normandie appareille de Port-Kelang en Malaisie le 27 mars 2001 à
12h40 ;
- A 14H17, après avoir traversé le DST de Malacca, il en emprunte la voie sud ;
- A 21H25, le navire a doublé le point tournant n°7. La route passe du 130° au
120°et la veille VHF passe du canal 88 au canal 73 en entrant dans le DST Ouest.
Le navire n’a pas appelé le VTS30
en entrant dans ce DST;
- A 22H37, un point le situe dans la moitié droite de cette voie, soit à 0,8 mille dans
le sud du way-point 08 et de la bouée qui marquent l’entrée de la route en eau
profonde, qu’il aurait pu emprunter;
- A 22H51, un point le situe à 1’ dans le sud du way-point 09, soit à 0,1’ à l’extérieur
du DST. Ce point comme celui de 22h37 d’ailleurs, sont approximatifs à en juger par
les aberrations de vitesse moyenne. Les points sont effectués par une seule
méthode de positionnement (relèvement/distance)31
. Le navire vient alors au 044°.
C’est à peu près à ce moment que le commandant monte à la passerelle. Le navire
fait donc route au 044° parallèlement à la limite sud du DST, à 0,1’ à l’extérieur de
celui-ci. Cette route le ferait passer à 0,1’ des hauts fonds d’Helen Mar Reef, dont on
voit le feu à éclats 6 secondes, ainsi que la RACON32
sur le radar. Sa vitesse
moyenne est de 21 nœuds ;
- Il rattrape un autre navire, un caboteur, qui se trouve sur son avant bâbord, et qui
fait la même route, à 16 nœuds environ ;
- L’officier de quart maintient son cap, pensant pouvoir doubler le caboteur puis
revenir dans le DST ; le commandant ne dit rien, confortant en cela l’action de
l’officier de quart.
- A 22H55, le caboteur vient à droite au 065° pour doubler et s’écarter de la route
d’autres navires qui marchent à faible allure.
- A 22H57, le CMA-CGM Normandie perçoit cette manœuvre. Le caboteur se trouve
toujours sur son avant bâbord.
- A 22H59, il vient encore à droite, au 058°, pratiquement cap sur le Helen Mar Reef.
Il a déjà passé la ligne de sonde des 20 mètres.
- A 23H00 les deux navires sont bord à bord.
30
« Vessel Trafic Service » : Service à terre chargé de surveiller et de coordonner le trafic.
31
Deux méthodes différentes de positionnement sont recommandées.
32
Radar Beacon= Balise émettant des signaux visibles sur la radar de la passerelle.
24
- Vers 23H01, alors que l’officier de quart commence à revenir à gauche, le
commandant qui, comme lui, n’avait d’yeux que pour les feux du caboteur, aperçoit
soudain le feu d’Helen Mar Reef légèrement par tribord avant. Il donne alors l’ordre
de mettre la barre toute à gauche. Mais il est trop tard et le navire s’échoue.
33
Route reconstituée minute par minute ; en rouge : CMA-CGM normandie ; en vert : le caboteur.
2. Analyse des causes
Selon le rapport du BEA mer, la cause de l’accident tient essentiellement au
fait que le « Normandie » s’est laissé « piéger » sur la droite, puis à l’extérieur du
DST, par des navires qui, tirant moins d’eau et allant moins vite, peuvent y naviguer
sans gêner ceux qui au contraire, ont davantage besoin de la route en eau profonde.
Les DST ont supprimé l’essentiel des situations « frontales » mais n’ont supprimé ni
les navires traversiers à certains endroits, ni les problèmes de vitesses différentes.
A cet égard, on peut noter que les navires actuels disposent :
33
Exposé de navigation, 2002, par Mr Gallavardin, Barbotin, Wittmar, Queguiner, école marine marchande.
25
- D’une capacité de manœuvre machine limitée par la programmation des variations
d’allure. Mais il est possible de shunter la programmation dans les situations
d’urgence, comme c’était le cas.
S’agissant de la machine, sans doute aurait-on dû procéder :
- Soit à un ralentissement permettant de passer sur l’arrière des navires rattrapés
pour regagner le DST, manœuvre qui aurait pu être effectuée dès 22h37 et encore à
22h57,au lieu de venir à droite
- Soit à un crash stop34
, mais on note à ce sujet qu’il ne serait sans doute intervenu
qu’au moment de l’abattée en grand, et il était déjà trop tard.
- Dans certains endroits, et c’est le cas à Singapour, de VTS performants,
susceptibles de leur apporter une aide substantielle.
Le VTS a appelé le navire pour s’inquiéter de sa route. Or, l’officier de quart dit
n’avoir rien entendu alors que les VHF se trouvent devant les commandes du pilote
automatique où il se trouvait le plus souvent. Le commandant n’a pas non plus
entendu ces appels alors qu’ils entendaient les conversations des navires rattrapés
sur ce canal.
Mais, de toute façon, l’officier de quart connaissait bien sa position et pensait
sincèrement pouvoir revenir sur la gauche à temps.
On ne peut alors parler que « d’erreur d’appréciation » pour le moins fâcheuse
qui remonte à 22h37, heure à laquelle le CMA-CGM Normandie pouvait encore
passer derrière le caboteur rattrapé pour le laisser par tribord.
Cette erreur d’appréciation a été partagée et en quelque sorte « entérinée » par le
commandant, qui n’est intervenu que quelques secondes avant l’échouement.
En fait, persuadés à tort qu’ils pourraient se rabattre dès que les feux des navires
rattrapés passeraient sur l’arrière de leur travers bâbord, ils n’ont vu ni ces feux, ni
celui d’Helen Mar Reef.
Les consignes permanentes du commandant précisaient qu’il devait être prévenu en
cas de « sortie de route ». On peut admettre qu’un officier qualifié et chevronné ait
pensé pouvoir résoudre ce qui n’était à priori qu’une banale manœuvre d’évitement.
34
Action de mettre la machine en arrière toute afin de stopper le navire au plus vite.
26
3. Conclusion
3.1 Erreur dans la navigation
Il apparaît évident que la cause première de l’échouement est un mauvais
choix dans la manœuvre par le second capitaine. Cet événement de mer semble
avoir été l’aboutissement d’une série d’erreurs et de fautes dans la navigation du
navire.
Il est à noter que la navigation dans le détroit de Malacca est un exercice
difficile ; en effet, le trafic, les hauts fonds et le courant en font un des passages
maritimes les plus appréhendés par les marins et ce malgré toutes les aides à la
navigation dont disposent l’officier de quart.
3.2 Forte pression commerciale
On aurait donc pu incriminer la vitesse « élevée » du navire (21 nœuds) qui
laissait moins de temps à l’officier de quart pour réagir. Or, l’enquête l’a montré, si le
navire avait coupé la route du caboteur sur son arrière et était remonté au nord avant
de le dépasser sur bâbord sans réduire sa vitesse, l’échouement aurait été évité.
Il est vrai que les commandants de ces navires ont des impératifs de temps et
une forte pression commerciale, cependant réduire sa vitesse reste une manœuvre
classique d’évitement et qui doit être utilisé lorsque cela est nécessaire35
. De plus
tout comme l’affirme le code ISM36
« le Commandant détient l’autorité suprême à
bord du navire pour prendre toutes décisions qu’il jugera utiles pour assurer la
sécurité des personnes et des biens, et pour prévenir la pollution ».
3.3 Manque de vigilance
Nous avons vu précédemment que le CMA-CGM Normandie était doté de
nombreuses et sophistiquées « aides à la navigation » (Carte électronique, Deux
radars, sondeurs, loch doppler37
,…). Or, il semble important de souligner qu’aucun
système anticollision ne peut remplacer l’œil et l’analyse pertinente de l’officier de
quart.
Lors de l’échouement, le Commandant était à la passerelle depuis une dizaine
de minutes. Il est vrai que de nuit, tant l’œil que le cerveau nécessitent quelques
35
Voir annexe : exemple d’ordres permanents du commandant.
36
Code Internationale de Gestion de la sécurité.
37
Le loch doppler, par réfléchissement d’ondes, donne la vitesse du navire par rapport au fond de la mer.
27
minutes d’adaptation pour percevoir « normalement » la situation. Cependant, il
apparaît que le commandant était « passivement » présent à la passerelle et n’a pas
analysé la situation. En effet, une simple analyse de la carte lui aurait permis de
s’alarmer de l’écart entre la route tracée et la position réelle du navire. De plus, le feu
du « Helen Mar Reef » était bien visible sur l’avant du navire…
3.4 Conclusion du BEA mer
Nous ne ferons pas de conclusion hâtive étant donné que cette affaire est
toujours devant les instances judiciaires.
Cependant, tel que le fait apparaître le rapport du BEA mer, l’erreur d’appréciation du
second capitaine serait donc la cause directe de l’échouement. L’ingérence du
Commandant ayant également contribué à cet accident.
En effet, ni la fatigue, ni le manque d’expérience, ni la mauvaise organisation, ni
l’incompréhension et ni le manque de formation ne semble être mis en cause en
l’espèce…
28
IV. Un cas d’école, l’échouement du « RMS RATINGEN »
RMS Mulheim, échoué le 24 mars 2003, soit un jour avant son sister ship,
Le RMS Ratingen !
1. Description
1.1 Caractéristiques du navire et composition de l’équipage :
Le RMS RATINGEN appartient à un important groupe armatorial allemand
(Rhein Maas Shipping), spécialisé dans le transport de marchandises diverses (plus
particulièrement en Europe de l’ouest). Les neuf navires gérés en propre38
par cet
armement sont des caboteurs fluviomaritimes sous pavillon Antigua & Barbuda.
Longueur = 88 mètres ; Port en lourd = 2530 Tonnes, Tirant d’eau = 4,09m.
Le navire est à cale unique du type « box shape »39
et est âgé de moins d’un an au
moment de l’accident. Il est classé par le Bureau Veritas sous la meilleure cote.
Il est automatisé et dispose d’une alarme de quart. Il était à jour de tous ces
certificats, documentations nautiques et présentait un très bon aspect général.
L’équipage était composé de six hommes de nationalité polonaise titulaires de
leur brevet conformément aux dispositions de la convention STCW 78/9540
:
38
« En propre » signifie en fond propre, c'est-à-dire que le navire appartient à l’armateur. Les autres navires dont
dispose l’armateur sont affrétés.
39
Cale unique parallélépipédique.
40
Convention internationale sur les normes, aptitudes et qualifications des gens de mer.
29
Un capitaine ; un second capitaine ; Un chef mécanicien ; trois matelots, dont deux
matelots faisant partie du quart à la mer.
Les horaires de travail de l’équipe pont étaient comme suit :
Capitaine: 06h00/12h00 - 18h00/24h00;
Second capitaine: 00h00/06h00 - 12h00/18h00.
1.2 Chronologie des faits41
A 06h00, le 25 mars 2003, le capitaine prend le quart à la suite du second, le
navire traverse la voie descendante et se dirige vers un point tournant42
dans le milieu
de la voie montante du DST. Vers 07h45, il devra changer de cap pour venir au
Nord-Est, en direction du Pas de Calais.
A 07h00, le commandant porte sa position sur la carte. A partir de cette heure
aucune autre position n’est plus portée.
Vers 07h40, le Navire passe par le travers de son point tournant, mais le
commandant ne procède à aucun changement de route.
Entre 07h50 et 09h30, le navire va changer deux fois de route sur la gauche de 25°
et 15°. La logique de ces changements de route a échappé aux enquêteurs.
A 09h45, le navire est échoué sur la plage de Berck, la visibilité est bonne.
A 10h34, le CROSS entre en contact avec le navire qui lui avait communiqué sa
position avec une erreur de 12NM43
et qui ne demandait pas assistance.
A 13h40, grâce à la marée haute, le « RMS Ratingen » est complètement
déséchoué ; il reprend sa route vers son port de destination.
Le 26 mars, l’armement recevait du bord des informations sur l’état du capitaine
indiquant une inaptitude à assurer ses fonctions…
Le 27 mars, le navire accostait à Brème où il était soumis à une inspection
minutieuse afin de déterminer l’état de navigabilité du navire.
41
Rapporté par le BEA mer.
42
En anglais Way Point, indiqué « WP » sur la carte ci-après.
43
12milles nautiques est environ égale à 22km.
30
Extrait de la carte du RMS Ratingen de 04h00 jusqu’au moment de l’échouement ; les chiffres
romains sont une position estimée.
2 Analyse des causes de l’accident
La cause première de l’échouement apparaît être l’endormissement du
Capitaine. En effet, le Commandant n’a aucune conscience de ce qui s’est passé
entre 07h00 et l’échouement du navire à 09h45.
Ensuite, il convient de douter des compétences du capitaine en tant qu’officier
de quart. Il était seul à la passerelle (sans l’assistance d’un homme de veille) sans
l’alarme « homme mort »44
, ni aucune autre alarme active.
Après l’échouement du navire, le commandant n’a pas prévenu les autorités
(c’est un promeneur matinal qui a prévenu le CROSS Gris-Nez) ; il n’a pas non plus
prévenu son armement (celui-ci a été informé par la préfecture de la manche vers
11h00). Le rapport de mer est apparu « extrêmement laconique et succinct et pour
44
Alarme qui sonne à intervalle régulier (ex : 10min) pour s’assurer d’une veille efficace et qui déclenche
l’alarme générale du navire s’il elle n’est pas acquitté à temps (ex : dans les 30 secondes).
31
tout dire indigent »45
. Ces faits ont démontré l’incompétence du Commandant à
assurer ses fonctions.
Enfin, il convient de remarquer que l’inaptitude du capitaine a été aggravée
par les conditions et la surcharge de travail. En effet le capitaine, comme son
second, ne pouvaient disposer de période de repos nécessaires à la bonne marche
du navire.
3 Conclusion
Les causes mises en lumière par l’échouement du RMS RATINGEN sont la
compétence de l’équipage, l’organisation du travail à bord, le nombre insuffisant
d’officier de quart, la non assistance de l’officier de quart par un veilleur pendant la
nuit.
Même si cet échouement n’a pas eu de conséquences catastrophiques, le cas
exposé ci-dessus reflète à lui seul les principales causes d’échouement de ces
dernières années. Ces causes sont toutes liées au facteur humain.
45
Rapport BEA mer.
32
Section 3
L’élément humain et la gestion de la sécurité
Selon différentes études, les accidents liés à un défaut technique (par ex :
défaut de structure) sont en baisse depuis quelques années. Ceci s’explique
notamment par le rajeunissement de la flotte mondiale. A contrario, l’erreur humaine,
qui peut se définir comme « fait ou omission humaine identifiable comme cause
directe ou concourante entraînant un accident »46
, est une cause en constante
augmentation.
Ni les double coques, ni les aciers à haute résistance, ni l’électronique de bord
ne sauraient à eux seuls garantir la sécurité. Il a même été constaté que, parfois, les
progrès technologiques pouvaient entraîner une augmentation des risques
d’accident47
.
Dans cette section, nous présenterons les deux aspects qui tiennent la part la
plus importante dans l’origine des erreurs humaines : l’organisation du travail à bord
et la compétence des équipages.
En rouge : % des demandes d’indemnisation à la suite d’un échouement,
En jaune : % de toutes les demandes d’indemnisation.
48
46
UK P&I club.
47
Comité de la Sécurité Maritime, 65/15/1, 10 février 1995.
48
Analysis of major claims, UK P&I club, www.ukpandi.com.
33
I. Les effectifs et la sécurité de la navigation
Il serait utopique pour les armateurs d’envisager la conception de navires-
robots téléguidés49
; un navire devra toujours être exploité avec la présence de
personnes à bord. La question se pose de savoir combien.
1. Réglementation internationale sur les effectifs à bord des navires.
Au sens des Résolutions A 890 et A 925 de l’OMI, le niveau d’effectif est fixé
par les administrations des états du pavillon en tenant compte des points suivants :
- Application et respect des prescriptions relatives aux heures de travail et de
repos50
;
- Application par la compagnie des prescriptions de la section 6 du code ISM51
;
- Paramètres d’exploitation du navire en mer et au port (type d’opérations
commerciales, fréquence des escales, type du navire et de ses équipements,
nombre d’inspections requises dans les ports,…) ;
- Qualification du personnel pour l’accomplissement des taches nécessaires à
l’exploitation du navire52
;
- Souci d’éviter les heures de travail excessives.
C’est l’armateur qui aura le devoir d’établir la décision d’effectif en tenant compte
des résolutions précitées. Cette décision d’effectif devra décrire le personnel requis à
bord de chaque navire en nombre et en qualité afin d’assurer une exploitation du
navire en toute sécurité.53
Ensuite, l’administration de l’état du pavillon du navire aura pour rôle de contrôler la
conformité de cette proposition et délivrera le certificat d’effectif minimum de sécurité.
2. La mauvaise interprétation de ces normes
De nombreux accidents l’ont montré, ces normes n’ont pas toujours bien été
interprétées.
49
Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Philippe Boisson, Ed. Bureau Veritas, p.383.
50
Normes de l’OIT (Organisation Internationale du Travail).
51
« Ressources et personnel ».
52
Convention STCW.
53
Résolution A 890, Annexe 2 de l’OMI.
34
En effet, le « RMS Ratingen » est un exemple parmi tant d’autres. Il a souvent
été constaté que les propositions d’effectifs minimums des armateurs entérinées par
les administrations de l’état du pavillon, n’avaient pas correctement considérés les
conditions d’exploitation des navires.
De plus, en France, dans le cadre du pavillon RIF54
, le nombre de marins de
nationalité française (ou européenne) imposé à bord est basé sur la décision
d’effectif et non sur le nombre réel de personne à bord. Les compagnies maritimes
étant à but lucratif, elles auront tout intérêt à employer des marins d’autres
nationalités à plus bas salaires et donc à proposer une décision d’effectif la plus
réduite possible.
On peut donc constater qu’un problème réglementaire existe dans la mesure
ou la sécurité et le profit s’opposent directement.
3. Le Capitaine de quart à la passerelle
Il était autrefois traditionnel dans la marine marchande que le capitaine soit
dispensé du quart à la passerelle, ce qui lui permettait d’avoir plus de temps pour
s’attacher aux problèmes de fond et d’avoir une meilleure vision de la marche du
navire. Mais pour des raisons économiques, bons nombres d’armements ont
supprimé un ou plusieurs officiers pont obligeant le commandant à assurer le quart à
la passerelle.
Ceci a eu pour conséquence de nombreux accidents causés par la fatigue.
En effet, selon une étude du MAIB55
, 92% des navires échoués ne disposaient que
de deux officiers pont.
Une affaire récente a mis en lumière ce problème56
:
« Le commandant d'un caboteur n'a pas à assurer de quarts, en plus de ses
responsabilités spécifiques ». C'est la conclusion judiciaire d'un conflit qui a opposé,
pendant plusieurs années, le commandant Pierre Laumaillé et l'un de ses collègues
à leur ex-employeur, la compagnie maritime Navale française.
Retour sur l'année 2000 : Pierre Laumaillé commande alors le Pointe du Cormoran,
un navire chimiquier d'un peu plus de 100 m de long. Mer du Nord, Atlantique,
Méditerranée... C'est typiquement du cabotage avec ses contraintes particulières que
54
Registre International Français, pavillon bis français.
55
Marine Accident Investigation Branch, etude de Juillet 2004 « Bridge Watchkeeping safety Study ».
56
Article Ouest France du 05/05/2006.
35
sont les escales à répétition, la navigation près des côtes, dans des zones
fréquentées.
À bord, l'état-major est composé du commandant, d'un second et d'un lieutenant.
Résultat : Pierre Laumaillé doit effectuer deux quarts de quatre heures, alors qu'il
estime ne pas avoir à le faire. Il porte l'affaire devant la justice.
Il est débouté, en janvier 2001, mais obtient ensuite satisfaction sur le fond devant la
cour d'appel de Rennes et 28 000 € pour avoir effectué une partie du travail (le quart
à la passerelle) du second lieutenant manquant sur le navire.
Les deux parties se pourvoient alors devant la Cour de cassation. En juin 2004, la
Navale française est à nouveau déboutée et le commandant obtient une révision du
calcul de son indemnisation. Le dernier épisode s'est joué, le 17 mars 2006, devant
la cour d'appel de Caen qui a accordé à Pierre Laumaillé l'intégralité de la solde du
lieutenant absent, des congés payés et des dommages et intérêts pour un montant
total de 84 000 €.
L'affaire a débordé le cadre du conflit entre la compagnie et son employé. Elle
a conduit à une révision des effectifs de certains caboteurs et à des règles sur le
temps de travail des capitaines, jusqu'ici non encadré par le code du travail maritime.
4. La fatigue :
Une étude de Ghislaine Tirilly (chercheur à l’INRET57
) paru en février 200558
, a
été effectuée à bord d’un navire de commerce sur le sommeil des marins.
Il apparaît que, durant la nuit, la vigilance baisse fortement augmentant ainsi le
risque d’accident sur cette période.
Néanmoins, si les variations de la vigilance restent soumises à l’influence de
l’heure de la journée dans des conditions de fractionnement du sommeil, les
différentes étapes de l’embarquement (début, milieu ou fin d’embarquement) et
l’organisation de la vie sociale à bord jouent un rôle non négligeable sur le niveau de
vigilance, notamment, en agissant via le rythme veille/sommeil (Tirilly, 2002).
Enfin, ces résultats montrent que, dans les situations d’horaires fractionnés, la
question de la répartition des épisodes de sommeil sur les 24 heures est plus
57
INRET : Institut National de Recherche sur les Transport et leur Sécurité.
58
« Horaires de travail, sommeil et vigilance chez les marins : quelles incidences sur les risques d'accidents en
mer? »
36
importante que la durée de sommeil quotidien pour le maintien de la rythmicité
circadienne de la vigilance
Sur le plan pratique, les différents résultats mis en évidence dans ces deux
études peuvent trouver des applications, notamment en matière d’aménagement des
horaires et de sécurité.
Concernant les horaires de travail, les seuls aspects pris en compte dans le code du
travail maritime sont la durée du travail et la durée de repos, quotidiens et
hebdomadaires. Or, l’ajustement du rythme veille/sommeil et de la vigilance est le
résultat d’un compromis entre les besoins physiologiques, les exigences liées au
travail et à l’environnement physique et social.
Dans le secteur de la marine marchande, les quarts de travail interfèrent avec la vie
sociale à bord, ce qui se traduit dans la majorité des cas par un retard du coucher et
des difficultés d’ajustement pour le quart de 0h à 4h. Pour aménager les horaires, un
bon compromis serait de permettre à la grande majorité du personnel embarqué de
prendre au moins un des deux principaux repas par jour avec la majorité du
personnel embarqué et de bénéficier d’une période de repos aux heures privilégiées
de vie commune.
Par ailleurs, il faut souligner l’évolution temporelle de la vigilance dans les risques
d’accidents ou d’incidents auxquels sont exposés les marins. En matière de sécurité,
ces heures de baisses de vigilance correspondent à deux époques que l’on pourrait
qualifier de « moments à risque » où la capacité à se maintenir éveillé est faible. Il
n’est donc pas étonnant que de nombreux accidents maritimes surviennent la nuit
pour des raisons souvent inconnues (Jegaden, 2001).S’il existe bien une relation
entre les baisses de vigilance nocturne et les données relatives aux heures
d’accidents, celle-ci n’a jamais été formellement identifiée en situation de travail
maritime. Dans tous les cas, mieux vaut éviter de travailler dans des conditions
favorables aux baisses de vigilance lors de ces moments critiques (seul à la
passerelle, par exemple).
37
Nombre de navires échoués, étudiés par le MAIB
59
, réparties sur 24h.
Enfin, l’ensemble de ces résultats souligne l’importance de prendre en compte
la situation dans sa globalité avant d’incriminer un « défaut de veille ». En France,
soixante-quinze abordages entre navires de commerce et navires de pêche ont été
étudiés depuis la mise en place en 1997 du BEA mer. Le principal résultat de cette
étude est de montrer que la cause principale de ces abordages était à rechercher
dans le défaut de veille, autant sur les navires de commerce que sur les navires de
pêche impliqués. Cette implication des personnes en charge du quart, sur les navires
de commerce comme sur les navires de pêche, doit cependant être examinée à la
lumière des conditions dans lesquelles elles sont parfois amenées à exercer leurs
fonctions; se pose alors la question des instructions du capitaine, de la qualification
de la personne en charge du quart et de l’organisation du travail à bord...
Ainsi, dans le contexte maritime actuel, l’analyse de l’homme au travail devrait
contribuer aux réflexions à mener dans toute démarche de sécurité.
L’étude de Ghislaine Tirilly (2005) a montré que si l’on veut évaluer les
fluctuations de la vigilance en mer et les risques d’accidents associés, il est
nécessaire de prendre en compte non seulement les horaires de travail au sens strict
(heure et durée de travail) mais aussi le fractionnement du sommeil qu’ils imposent
et les différents paramètres liés à l’organisation générale à bord au travail (différentes
étapes de l’embarquement, par exemple) et hors travail (repas, moments privilégiés
de contacts sociaux). Une telle approche est donc à encourager dans le domaine
maritime.
L’amélioration des conditions de travail et de sécurité à bord peut aussi passer
par la formation des professionnels de la mer, en leur apportant les connaissances
59
MAIB : Marine Accident Investigation Branch, équivalent du BEA mer au Royaume-Uni.
38
nécessaires sur le fonctionnement de l’homme au travail, en particulier en situation
de privation de sommeil.
5. Conclusion
Au niveau international, en s’appuyant sur les enquêtes du BEA mer et du
MAIB, les instances européennes et mondiales sont interpellées sur ce qui se révèle
être la principale cause des échouements : une organisation inadéquate du travail de
quart et la perte de vigilance qui en résulte sur les navires concernés.
L’institut français de la mer et l’institut maritime de prévention ont demandé que, en
conséquent, les organismes européens et internationaux concernés prennent des
mesures urgentes et vigoureuses pour un retour à une organisation du quart à trois
officiers avec, en période d’obscurité, l’assistance obligatoire d’un veilleur60
.
Il convient de signaler que les tribunaux ont pris en compte ce phénomène
bien avant le législateur international. Dans la jurisprudence anglaise et française, on
révèle par exemple de nombreuses décisions qui indiquent que l’insuffisance
d’officiers ou d’équipage peut être révélatrice de l’innavigabilité du navire61
ou de la
faute inexcusable de l’armateur62
.
60
www.meretmarine.com, « Améliorer la veille à bord des navires de commerce », 16/01/2007.
61
« Politiques et Droit de la Sécurité Maritime », Philippe Boisson, Ed. Bureau Veritas, p.390.
62
« Kini Karsten », TGI Caen, 03/09/1990 et navire “Heideberg“, CA Bordeaux, 31/05/2005, DMF 663,
commentaire A. Vialard.
39
II. Formation et qualification du personnel naviguant
On a coutume de dire que « le bon équipage fait le bon navire ». Autrefois,
cela se traduisait par un équipage homogène, bien formé, entraîné et communiquant
facilement dans la langue maternelle de ses membres63
.
Il semble qu’aujourd’hui, cela ait quelque peu changé.
1. La compétence des équipages
Le commerce maritime a été particulièrement touché par le mouvement
d’internationalisation du commerce qui s’est crée dans le courant du XXème siècle.
La concurrence féroce a entraîné la nécessité de réduire les coûts d’exploitation des
navires. Or, une part significative des coûts est constituée par les salaires de
l’équipage. Pour profiter des ces faibles coûts de main d’œuvre et d’autres avantages
fiscaux, le changement de pavillon est devenu monnaie courante.
Ces mutations ont vue l’apparition d’équipages mixtes64
, multinationaux et
pluriculturels65
.
Ces équipages donnent souvent lieu à des difficultés de communication et de
compréhension. Des compétences douteuses et des différences d’appréciation en ce
qui concerne la conduite du navire est également constaté66
.
Plusieurs accidents récents en ont apportés la preuve.
Par exemple la tragédie du Scandinavian Star, navire à passagers sous pavillon
Bahamas reliant Oslo à Frederikshavn. Ce navire a été victime d’un incendie le 6
avril 1990 faisant 158 victimes. La mauvaise connaissance de l’anglais par le
personnel portugais et l’incohérence qui a régné pendant les manoeuvres
d’évacuation du navire a contribué à une augmentation des victimes67
.
De même la mixité culturelle à bord du Braer a également été mise en cause :
Ce navire avait choisi la route la plus courte, mais aussi la plus dangereuse, pour se
rendre de la Norvège au Canada. Le pétrolier libérien Braer subit dans la nuit du 4
janvier 1993 une avarie de machine dans une forte tempête. En effet, de l’eau s’est
63
« Politiques et Droit de la Sécurité Maritime », Philippe Boisson, Ed. Bureau Veritas, p.392.
64
Equipage constitué de plusieurs nationalités.
65
«The challenge facing shipping over multinational crewing ». Lloyd’s List, 2 March 1993.
66
C. Duong, La compétence des équipages, facteur clef de la sécurité maritime, Bureau Veritas, Juin 1994.
67
Journal l’humanité, article du 9 avril 1990.
40
infiltrée dans les soutes du navire. L’équipage est évacué le 5 au matin. Il s’échoue
dans les îles shetlands au Royaume-uni et se brise progressivement laissant
échapper 84 500 tonnes pétrole brut.
Le Braer déversant ses 84500 tonnes de pétrole.68
2. La diversité des systèmes de formation
Les pays industrialisés et autres pays européens ont établi leurs propres
systèmes de formation professionnelle qui assure un niveau correct de qualification,
alors qu’il y aurait beaucoup à dire à propos d’autres systèmes de formation. Par
manque de ressources adéquates, de traditions maritimes, de normes
d’enseignement ou d’outil pour en évaluer le degré d’efficacité, de grandes disparités
existent.
Ces disparités ont été à l’origine de la convention STCW adoptée par l’OMI en
1978 et révisée en 1995. Cette convention qui traite des normes de qualification des
gens de mer a, dans sa révision de 1995, clarifiée les fonctions de l’état du pavillon
(en le responsabilisant sur l’aptitude et la qualification des marins employés sur ces
navires) et a impliqué l’état du port dans le contrôle des qualifications de l’équipage
ainsi que l’OMI dans la vérification de la qualité des instituts de formations.
Ces problèmes de compétence ont donc été identifiés par les instances
internationales mais de gros progrès restent encore à faire…
68
Photo source CEDRE. www.cedre.fr.
41
3. la pénurie des officiers de la marine marchande
Un autre facteur aggravant est apparu : la pénurie des officiers de la marine
marchande. En effet, le métier de marin n’a plus l’attrait qu’il possédait. Aux
compétences de techniciens s’ajoute désormais une bureaucratie grandissante avec
une multitude de procédures et de check-lists à appliquer. De plus, les
responsabilités accrues par la criminalisation de la pollution, les inspections à
répétitions, des escales courtes ainsi qu’une dégradation des conditions de vie à
bord font partie des causes de cette pénurie.
Celle-ci n’a fait que s’accroître ces dernières années pour atteindre le déficit
record de 40.000 postes à pourvoir dans le monde pour les cinq prochaines
années69
. Cette tendance, n’ayant pas été anticipée, est vouée à être un handicap
durable pour les armateurs et donc un facteur aggravant d’accident en mer.
De plus l’ingérence et l’absence de concertation des pouvoirs publics ont
laissé en friche le terrain de la formation maritime depuis plusieurs décennies.
Les armateurs français ont, pour la plupart, délaissé la formation maritime à la
française et ne se sont que très peu impliqué pour la soutenir et l’adapter.
La formation maritime subit donc des problèmes de recrutement. Il est impensable
que, alors que les officiers de la marine marchande sont très recherchés, les écoles
de la marine marchande ne parviennent pas à faire « le plein ».
69
Intervention du DRH de Bourbon, 06/12/2006, 2ème
assises de l’économie maritime et du littoral.
42
CHAPITRE 2
Le régime juridique de l’échouement
Dans ce chapitre nous donnerons les grandes lignes du régime juridique qui
sera susceptible de s’appliquer en cas d’échouement d’un navire de commerce.
Le régime juridique pouvant s’appliquer en cas d’échouement étant le régime
du droit maritime en général, le sujet est beaucoup trop vaste pour pouvoir être
complet dans cette partie et de nombreux ouvrages l’ont déjà traité70
.
Nous présenterons donc de manière relativement concise ce régime.
La première section de ce chapitre sera consacrée au régime juridique de
l’armateur.
Ensuite nous présenterons le régime de l’échouement dans le contrat de
transport, puis dans le contrat d’affrètement.
Enfin, nous détaillerons le navire victime d’un échouement.
Section 1
Le régime juridique de l’armateur en cas d’échouement
L’armateur est définit par l’article premier de la loi du 3 janvier 1969 comme
« celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire ».
Nous allons étudier successivement les sources de la responsabilité de l’armateur, la
limitation de responsabilité dont il peut bénéficier et le régime spécial de
responsabilité en cas de pollution par les hydrocarbures.
I. Les sources de la responsabilité de l’armateur
La responsabilité de l’armateur peut être contractuelle. En effet, l’armateur est
responsable de la bonne exécution des contrats conclus pour son compte. Son
70
Le dernier en date : Traité de droit maritime, Pierre Bonassies & Christian Scapel, Ed LGJD, 2006.
43
régime de responsabilité sera alors déterminé par le régime contractuel applicable
(affrètement, contrat de transport).
La responsabilité de l’armateur peut être extracontractuelle. Ainsi, l’armateur
est responsable des ses fautes personnelles. S’agissant d’un échouement, la faute
de l’armateur sera exclusivement ou presque d’avoir laissé naviguer un navire en
état d’innavigabilité. L’innavigabilité71
est une notion qui inclut tout défaut du navire,
tout manquement dans la documentation ainsi que l’incompétence de l’équipage.
L’armateur pourra également être responsable pour faute de ses préposés.
En effet, aux termes de l’article 3 de la loi du 3 janvier 1969, l’armateur répond de
ses préposés terrestres et maritimes. Il sera donc responsable de la faute
extracontractuelle du capitaine pour faute nautique.
Par application de l’article 1384 du code civile, l’armateur sera responsable du
fait des choses72
. L’article 1384 pourra donc jouer chaque fois qu’il y a un
échouement.
Le régime des contraventions de grande voirie pourra également être une
source de responsabilité de l’armateur. Une sanction pénale sera alors prononcée à
l’encontre de la personne qui porte atteinte au domaine public.
L’armateur pourra enfin être sanctionné pour blessure ou homicide
involontaire par application des articles 222-6 et 222-19 du code pénal et il encourra
une responsabilité pénale en cas de pollution du navire en assumant une partie du
paiement de l’amende infligé au capitaine.
II. La limitation de responsabilité de l’armateur
La limitation de responsabilité de l’armateur est l’une des institutions les plus
originales du droit maritime. Elle est régit par la convention de 197673
et permet aux
créanciers maritimes (propriétaires, assureurs, assistants) de limiter leur
responsabilité à un plafond proportionnel au tonnage du navire.
La limitation s’appliquera aux créances de responsabilité qui concernent un
navire. Elle s’applique à toute dette de responsabilité extracontractuelle ou
contractuelle.
71
Voir cours CDMT de Mr Figuière sur la définition d’innavigabilité.
72
Arrêt de cassation, navire « Lamoricière », 19/06/1952.
73
« Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes », les tribunaux français
peuvent encore appliquer la convention internationale précédente de 1957.
44
La créance concernée doit être née de l’exploitation du navire, être en relation
avec l’administration et la navigation74
.
De plus, tous ceux qui participent directement à cette exploitation pourront en
bénéficier (assureur, assistant).
Cependant, il convient de préciser que la limitation ne pourra être opposée par
l’affréteur à temps à l’armateur fréteur du navire.75
La condition du droit à la limitation est l’absence de faute inexcusable76
. Celle-
ci est définit par son caractère volontaire, sa gravité exceptionnelle et à la conscience
de la probabilité du danger77
; seul le défaut d’intention la distingue de la faute
intentionnelle. Les tribunaux se sont montrés très sévères quant à l’appréciation de
la notion de faute pour l’armateur. En droit américain, dans l’affaire de l’Amoco Cadiz
(navire échoué sur les côtes bretonnes en 1978), le fait pour l’armateur d’avoir
installé un appareil à gouverner non encore parfaitement au point et de ne pas avoir
suffisamment formé l’équipage à son utilisation a été considéré comme une faute ne
donnant pas droit au bénéfice de la limitation. En France, malgré l’arrêt « Multitank
arcadia », de la cour de cassation du 08/10/2003, les tribunaux français ont toujours
fait preuve de sévérité à cet égard78
.
La procédure utilisée par l’armateur qui veut bénéficier de son droit à la
limitation est celle de la constitution d’un fond de limitation. En France, la procédure
sera une requête au président du tribunal de commerce, soit du port d’attache du
navire, soit du port où le navire se trouve. Une fois le fond constitué, mainlevée doit
être donnée de toute saisie exercée contre le navire. Le liquidateur dressera ensuite
la liste des créanciers et chacun sera réglé par le dépositaire du fonds
proportionnellement au montant de leur créance.
III. En cas de pollution par les hydrocarbures
A partir du sinistre du Torrey Canyon, le 18 mars 1967, les instances
maritimes internationales se sont préoccupées des mesures de prévention mais
aussi de la réparation financière à la suite d’une pollution par hydrocarbures.
74
Arrêt Chbre des Lords, Tojo Maru, 16 mars 1971.
75
Navire Djakarta, Lloyd’s Law Reports 2004.I.460
76
Sur la Faute inexcusable : article d’Isabelle Corbier, « faute inexcusable : la notion à facettes multiples »,2005.
77
Cass. 15/07/1941.
78
Voir arrêt Heideberg du 23/08/1993, TC de Bordeaux ; Arrêt de cassation du Johanna Hendrika, 20 mai 1997.
45
79
Le 29 novembre 1969, les états ont signé la Convention sur la responsabilité
civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures80
. Cette
convention a été modifiée par le protocole du 27 novembre 1992 (ratifié par la
France).
Cette convention ne s’applique qu’aux dommages par pollution. Elle fait peser
la responsabilité sur le propriétaire du navire (facilement identifiable car son nom
apparaît sur le registre d’immatriculation). C’est une responsabilité de plein droit : le
propriétaire de navire sera donc déclaré responsable alors même qu’il n’a pas
commis de faute, du seul fait du lien de causalité entre la pollution et l’accident de
son navire.
Cependant, sa responsabilité pourra s’exonérer en cas de force majeure81
,
d’actes de guerre, fait d’un tiers (le propriétaire du navire conserve un droit de
recours contre le tiers responsable du dommage), faute de la victime ou de l’état
concerné (exemple suédois où la mauvaise cartographie de ses eaux a été
79
Source : Institut Supérieur d’économie Maritime
80
Ratifié par la France, décret du 26 juin 1976.
81
Voir mémoire CDMT 2006/2007 sur la « force majeure ».
46
considéré comme une faute de la Suède82
). De plus, dans la convention de 69/92,
même si la responsabilité du propriétaire est fortement canalisée, l’affréteur,
l’armateur exploitant ou le capitaine pourra être mis en cause en cas de faute
inexcusable.
Cette responsabilité est limitée : Pour les sinistres survenus après la 1er
Novembre 2003, le montant de base est de 4 510 000 DTS83
, augmenté de 631 DTS
par unité de jauge au-delà de 5 000 unités, avec un maximum de 89 770 000 DTS (
environ 110 millions d’euros).
Au terme de la convention, tout pétrolier doit posséder un certificat délivré par
l’état du pavillon attestant de la souscription d’une assurance de responsabilité civile
pour les dommages par pollution (voir certificat en annexe).
Suite au constat de l’insuffisance des indemnisations versées, un fond
complémentaire a été crée pour l’indemnisation des dommages par pollution : le
FIPOL84
. Ce fond est financé par les entreprises pétrolières.
Exemple de l’Exxon Valdez :
L’échouement de l’Exxon Valdez a donné suite à un long procès ayant pour but
l’indemnisation du préjudice matériel subi. En effet, ce navire s’est échoué le 24 mars
1989 dans la baie du Prince William en Alaska. En déversant 50 000 Tonnes de
pétrole brut, il avait provoqué une catastrophe écologique majeure. Les procès se
sont déroulés aux Etats-Unis où, en plus de l’indemnisation du préjudice matériel,
des « punitives damages »85
ont été infligés à la société propriétaire du navire.
Le dernier épisode du procès a eu lieu le 23 décembre 200686
réduisant
significativement les dommages et intérêts. Dans le cas de l’Exxon Valdez, le tribunal
d’Anchorage, Alaska, avait fixé les dommages punitifs à 5 milliards de dollars en
1994. La compagnie pétrolière a fait appel et, après de multiples rebondissements,
obtenu dernièrement une réduction de l’amende par la cour suprême à 2,5 milliards
de dollars (soit tout de même neuf fois le montant du préjudice matériel). La cour
relève des circonstances atténuantes à Exxon dans sa rapidité à avoir mis en œuvre
le nettoyage du site et à dédommager les pertes économiques des plaignants…
82
Arrêt du 13 janvier 1983 (DMF 1983.648).
83
Droit de Tirage Spécial.
84
Fond d’Indemnisation pour les dommages de Pollution par les Hydrocarbures, mémoire CDMT 2006/007.
85
Particularité du droit américain, indemnisations supplémentaires pour les infractions particulièrement graves.
86
Journal Le Marin, 29 décembre 2006.
47
Section 2
L’échouement dans le contrat de transport de
marchandises
Dans le cadre d’un contrat de transport de marchandises par mer, nous
pouvons distinguer deux parties distinctes : le transporteur, d’une part, et les ayants
droits à la marchandises, d’autre part.
Le transporteur, qui sera souvent un armateur, aura pour obligation principale
le déplacement de la marchandise.
Les ayants droits à la marchandise, constitués du chargeur et du destinataire,
auront pour obligations principales la mise à disposition de la marchandise, la
réception de la marchandise en temps et lieu convenu, le paiement du fret.
Dans cette partie, nous exposerons succinctement le régime applicable, les
obligations et les responsabilités des parties au contrat de transport de marchandises
par mer.
I. Le régime applicable au contrat de transport de marchandises
En raison de la diversité et de la complexité des textes, la détermination du
texte applicable n’est pas facile. Nous nous bornerons à exposer ce régime dans sa
phase maritime, les échouements ayant lieu principalement lorsque le navire fait
route.
Alors que la loi française du 18 juin 1966 s’applique pour le cabotage national
français, la convention de Bruxelles du 25 août 1924 (droit commun du contrat de
transport) « pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement »
sera la loi applicable dans la majorité des transports internationaux.
La convention de Bruxelles de 1924 s’applique aux transports internationaux, c'est-à-
dire « entre ports relevant de deux états différents »87
si le connaissement a été émis
87
Article 10, convention de 1924, modifié par le protocole de 1968.
48
dans un état contractant ou bien si le transport a lieu au départ d’un état contractant
ou encore si le connaissement contient une clause Paramount88
.
Lorsque la convention de 1924 n’est pas applicable, la convention de Rome
de 1980 régissant la loi applicable aux obligations contractuelles pourra s’imposer.
En effet, la convention de Rome (article 4, alinéa 4) édicte que, dans le contrat de
transport de marchandises, « si le pays dans lequel le transporteur a son
établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans
lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement
principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec
ce pays » et donc sa loi s’imposera.
Sous la pression des pays traditionnellement dit « de chargeurs », les règles
de Hambourg de 1978 ont été élaborées dans le but avoué d’aggraver la
responsabilité du transporteur. Cette convention internationale n’est entrée en
vigueur que le 1er
novembre 1992 et seulement dans des pays qui ne représentent
que 0.5% de la flotte mondiale (la France ne l’a pas ratifiée). Le champ d’application
des règles de Hambourg est plus large que la convention de Bruxelles : port de
chargement, port de déchargement, connaissement émis dans un état contractant ou
clause Paramount renvoyant aux règles.
Cette situation entraîne donc un désordre mondial 89
qui, espérons-le, devrait
être résolu avec les travaux actuels de la CNUDCI90
…
II. Les obligations des parties au contrat de transport dans la
phase maritime
1. Obligations du transporteur dans la phase maritime
La principale obligation du transporteur est d’exercer une diligence
raisonnable91
pour :
a) mettre le navire en état de navigabilité,
b) convenablement armer, équiper et approvisionner le navire,
88
Article 10c, clause qui prévoit que les dispositions de la convention régiront le contrat.
89
Aix-en-Provence 7 mai 1997, navire Klim Voroshilov, DMF 1998.29; Cass. 28 mars 2000, navire Teesta,
DMF 2000.920 ; Cass. 28 mai 2002, navire World Apollo, DMF 2002.613.
90
Voir Ph. Delebecque, DMF 2004.820.
91
En anglais : « due diligence ».
49
c) approprier et mettre en bon état les cales…pour le transport et la
conservation des marchandises92
.
La « due diligence » pourrait se définir comme la diligence due par le bon
professionnel. Et nous verrons ensuite que seul le transporteur qui fait la preuve de
sa diligence raisonnable pourra invoquer indistinctement tous les cas exceptés93
.
L’obligation de soins appropriés à la marchandise s’appliquera pendant tout le
transport et même après. En cas d’échouement, par exemple, il pourra également
s’appliquer en cas de sacrifice d’une partie de la marchandise pour en sauver l’autre
partie.
L’accomplissement du voyage est l’objet essentiel du voyage. Le transporteur
s’engage « à acheminer une marchandise déterminée, d’un port à un autre »94
; il
sera tenu d’agir « de façon appropriée et soigneuse » (Art3.2, Conv. Bruxelles).
Le voyage devra s’accomplir en « droiture ». En cas d’interruption du voyage, le
décret du 31 décembre 1966, article 40, prévoit que « le transporteur ou son
représentant doit faire diligence pour assurer le transbordement et son déplacement
jusqu’au port de destination ».
Donc dans le cas d’un navire échoué, le transbordement pourra être accompli (ex :
Rokia Delmas). Les frais de transbordement pourront être à la charge des ayants
droits à la marchandise lorsque l’interruption est due à un cas excepté. Dans les
autres cas, les frais seront à la charge du transporteur.
Cependant, ces règles n’étant pas d’ordre public, des clauses du connaissement
pourront aménager cette répartition des frais en faisant en sorte, par exemple, qu’ils
incombent toujours à la marchandise.
2. Obligations des ayants droits à la marchandise
Dans la phase maritime, une seule obligation pèse sur les ayants droits à la
marchandise ; le chargeur devra faire preuve de sincérité dans la déclaration de la
nature de la marchandise.
Ainsi, en cas d’échouement provoqué par une fausse déclaration sur l’emballage ou
la nature de la marchandise (par exemple, une explosion provoqué par
l’incompatibilité entre deux produits dangereux pourra entraîné un incendie, un
92
Convention de Bruxelles, article 3.1
93
Cas dans lesquels le transporteur est exonéré de sa responsabilité.
94
Loi de 66, art 15.
50
naufrage, un échouement), le transporteur sera exonéré de toute responsabilité pour
les pertes survenues à ces marchandises.
Les ayants droits à la marchandise auront l’obligation de payer le fret. En cas
d’événements de mer, l’article 45 du décret du 31 décembre de 1966, édicte que « le
transporteur est payé du fret des marchandises jetées à la mer pour le salut
commun, à charge de contribution ». En son article 46, le décret énonce que le fret
ne sera pas dû si la marchandise vient à périr à la suite de la négligence du
transporteur à mettre le navire en bon état de navigabilité. En pratique, les
transporteurs insèrent souvent une clause dans les connaissements dite de «fret
acquis à tout événement », laquelle tend à maintenir le paiement du fret quel que soit
le sort de la marchandise.
III. la responsabilité du transporteur
1 Domaine de la responsabilité
Le transporteur supporte une « présomption de responsabilité ». La
Convention de Bruxelles de 1924 institue, en ses articles 3 et 4, une responsabilité
de plein droit à l’égard du transporteur. «Le transporteur est responsable des pertes
et dommages subis par la marchandise…à moins qu’il ne prouve… »95
.
Dans le projet CNUDCI et dans les règles de Hambourg, il est énoncé que le
transporteur est responsable de tout dommage subi par la marchandise pendant la
période où elle est sous sa responsabilité, à moins qu’il ne prouve que ni sa faute, ni
celle de l’un de ses préposés n’a causé ou contribué au dommage.
2 Les cas exceptés
La convention de Bruxelles a prévu dix-huit cas exceptés qui contribuent à
l’allègement de la responsabilité du transporteur. En effet, il ne sera pas responsable
s’il prouve l’existence de l’un de ces cas. Ces cas exceptés pourront être invoqués
en cas d’échouement si celui-ci, par exemple, résultait d’une faute nautique96
, d’un
incendie, des périls ou accidents de la mer, d’un acte de Dieu, d’un sauvetage ou
tentative de sauvetage.
95
Loi du 18 juin 1966, Art. 27.
96
Commentaire de trois décisions relatives à la faute nautique, DMF 2004, p. 635-641, Isabelle Corbier.
51
Ainsi dans un arrêt du 23 septembre 1999, navire « Ville d’Aurore »97
, qui
opposait la Compagnie CMA98
, transporteur maritime, à la Compagnie Securitas,
assureur des ayants droits à la marchandise, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a
décidé que « le transporteur maritime n’est pas responsable des pertes ou
dommages aux marchandises résultant ou provenant d’une faute nautique. Mais ce
principe ne l’exonère pas de la responsabilité afférente aux dommages provenant
d’une faute distincte, en particulier ceux résultant d’une faute commerciale.
En l’espèce, le navire s’était échoué lorsqu’il procédait avec le pilote du port
d’Alexandrie de la zone de mouillage vers l’intérieur du port. Une faute nautique a été
commise par le commandant, cause de l’échouement. Une faute commerciale a
également été constatée dans le manque de soin et de mesures conservatoires
apportés à la marchandise à la suite de l’échouement entraînant des pertes et
dommages sur la cargaison.
Le transporteur n’a pas payé les dommages dus à la faute nautique du Capitaine.
Par contre, il a payé tous les dommages résultants de ses fautes commerciales.
3. La limitation de responsabilité du transporteur
La convention de Bruxelles, la loi de 66 et les règles de Hambourg accordent
au transporteur le bénéfice d’une limitation de responsabilité.
La limitation de responsabilité du transporteur maritime déroge au droit commun qui
veut que l’auteur en assure la réparation intégrale.
La limitation s’applique selon deux modes de calcul, soit par colis ou unité, soit
par kilo de marchandise perdue ou endommagée, le montant le plus élevé étant
appliqué.
Cependant, tout comme la limitation de responsabilité de l’armateur, cette
limitation sera « déplafonnée » en cas de faute inexcusable du transporteur99
.
97
DMF 2001.617. p 598.
98
Compagnie Maritime d’Affrètement.
99
Navire teleghma, Aix-en Provence, 07/01/1997, DMF 1997.397 ; Navire Girolata, Cass. 27/10/1998.
52
Section 3
L’échouement dans le contrat d’affrètement
Alors que le contrat de transport sous connaissement correspond en majorité
au trafic maritime de lignes régulières (par exemple : le transport des conteneurs), le
contrat d’affrètement maritime régit l’autre partie du transport maritime, c'est-à-dire
principalement le transport des marchandises en vrac (pétrole, minerais, produits
chimiques, céréales…).
Le contrat d’affrètement ou Charte-partie est le contrat par lequel « le fréteur
s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à disposition d’un
affréteur »100
.
A la différence du contrat de transport, le contrat d’affrètement est placé très
largement sous le principe de la liberté contractuelle. L’éventail de contrats
d’affrètement étant très large, nous dégagerons les grandes lignes de l’affrètement à
temps, puis de l’affrètement au voyage.
I. Le contrat d’affrètement à temps
La Charte-partie à temps est un contrat passé pour louer un navire pendant un
temps déterminé (par ex : un an).
Selon les dispositions de la Charte-partie, le fréteur (souvent l’armateur)
s’engage à mettre à la disposition de l’affréteur, la durée convenue et dans un but
d’exploitation, le navire désigné, armé par son équipage. (L’armateur restera tenu
d’assurer son navire).
Le fréteur devra assurer la gestion nautique du navire, l’affréteur, la gestion
commerciale.
1. obligation du fréteur à temps
L’obligation fondamentale du fréteur est de s’assurer que le navire est en état
de navigabilité. Il s’agit d’un devoir dont la rigueur peut être tempérée par la seule
100
Article 1er
, loi du 18 juin 1966.
53
obligation d’exercer une diligence raisonnable pour maintenir le navire en état de
navigabilité. Cette obligation contractuelle est devenue, avec l’entrée du code ISM,
une obligation absolue.
Le fréteur devra également s’engager sur les performances du navire. En
effet, il sera susceptible de payer des indemnités si la vitesse du navire garantie dans
la charte-partie n’est pas respectée ou si le navire a consommé plus de combustible
que convenu (sauf si la cause est d’origine météorologique : ex. : vent > force 4).
2. obligation de l’affréteur à temps
L’affréteur à temps aura l’obligation d’envoyer le navire dans un port sûr
(Clause de « Safe Port »). « Un port ne sera pas considéré comme étant sûr, si
pendant la période considérée, le navire en cause ne peut pas l’atteindre, y opérer et
en appareiller sans, en l’absence de circonstances anormales, être exposé à des
dangers qui ne pourraient être évités par une navigation prudente et l’expérience
habituelle du marin »101
.
Un port ne sera pas sûr pour deux raisons : soit un élément matériel qui fait
obstacle à la navigation, soit un événement d’ordre politique qui menace la sécurité
du navire.
Dans la sentence arbitrale n°1099 de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris
du 25 juin 2004 concernant un navire transportant 150 000 tonnes de minerai de fer
qui s’était échoué sur un haut fond à la sortie de son port de chargement, les arbitres
ont conclu que « l’événement ne tenait ni d’une innavigabilité du navire, ni à une
faute du capitaine ou de l’équipage, et ne pouvait s’expliquer que par l’absence de
balisage du haut fond sur lequel le navire s’était échoué ». Le port a donc été
considéré « non sûr » (unsafe). L’affréteur à temps avait garanti le caractère sûr du
port. C’est pourquoi, il en a assumé toutes les conséquences financières à l’égard de
son cocontractant.
De plus, en cas de mauvais temps dans un port, les autorités portuaires
doivent mettre tous moyens à disposition du navire pour que le port/quai reste sûr.
L’affréteur, lui, restera garant à l’égard du fréteur, il pourra désigner un autre port ou
quai sûr. Néanmoins le Capitaine a une obligation de diligence et le fait, par
exemple, qu’il ne dispose pas d’aussières en nombre suffisant pour doubler
101
Judge Seller, Eastern city, Queen’s Bench, 30 juill. 1958. LLR1958.2.17.
54
l’amarrage, engage la responsabilité du fréteur pour les dommages au navire qui en
résultent102
.
3. Suspension de l’affrètement à temps
L’affréteur à temps pourra suspendre l’affrètement (« Off Hire ») dans les cas
où le fréteur ne respecte pas ses obligations. Dans ce cas, l’affrètement sera
suspendu jusqu’au rétablissement de la navigabilité du navire.
Dans le cas d’événements empêchant le plein usage du navire, il est de
jurisprudence que l’incident motivant l’intention de suspendre l’affrètement doit
empêcher le plein usage du navire.
Exemple : Le « Marika M» est un navire qui s’est échoué à Barhein le 17 juillet
1980103
alors qu’il faisait route sur le poste désigné par l’affréteur. Le navire est resté
échoué 10 jours, puis a eu à attendre un poste à quai encore 10 jours après son
déséchouement. Le tribunal décida que la Charte avait été suspendue pour la
période au cours de laquelle le navire était échoué. Une fois déséchoué, le navire
était à nouveau a même d’être utilisé pleinement et devait donc être repris en charge
par l’affréteur.
II. Le contrat d’affrètement au voyage
L'affrètement au voyage est le contrat par lequel le fréteur met à la disposition
de l'affréteur, en tout ou en partie, un navire armé et équipé dont il conserve la
gestion nautique et la gestion commerciale, en vue d'accomplir, relativement à une
cargaison, un ou plusieurs voyages déterminés.
Le contrat définit la nature et l'importance de la cargaison; il précise également
les lieux de chargement et de déchargement, ainsi que le temps prévu pour effectuer
ces opérations.
1. obligations du fréteur au voyage
Le fréteur doit présenter, au lieu et au moment convenu, le navire en bon état
de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir le voyage prévu.
102
Sentence n°1111, CAMP, C/P Synacomex, Port/post sûr.
103
Lloyd Rep 622, C/P NYPE, cours CDMT de Mr Figuière.
55
Il s'oblige, en outre, à maintenir le navire en bon état de navigabilité et à faire
toute diligence qui dépendent de lui pour exécuter le voyage.
Le fréteur est responsable de la perte ou de l'avarie des biens reçus à bord,
dans les limites prévues par le contrat. Il peut cependant se libérer de cette
responsabilité en établissant que les dommages ne résultent pas d'un manquement
à ses obligations.
2. obligations de l’affréteur au voyage
L'affréteur est tenu de mettre à bord la cargaison, suivant la quantité et la
qualité convenues. S'il ne le fait pas, il est néanmoins tenu de payer le fret prévu.
Il peut, cependant, résilier le contrat avant de commencer le chargement; il doit alors
au fréteur une indemnité correspondant au préjudice subi par ce dernier, mais qui ne
peut excéder le montant du fret.
Dans le cas d’un navire qui s’échoue alors qu’il est en chargement dans un
port, le fréteur a l’obligation de signer et remettre les connaissements selon les
termes de la Charte-partie contre paiement du fret sur poids connaissementé104
.
En l’espèce, un navire a été donné en affrètement sous charte-partie « Norgrain
89 ». Au port de chargement et alors qu’une grande partie du tonnage prévu était
déjà à bord, le navire, sous l’effet de la marée, a rompu ses amarres et s’est échoué
sur un haut fond à proximité. L’armateur a déclaré son navire en avaries communes
et a soumis la signature et la remise des connaissements à diverses conditions dont
le refus de l’armateur de délivrer des connaissements établis conformément à la
Charte-partie. Les arbitres ont déclaré qu’il fallait faire une application stricte des
dispositions de la Charte-partie.
L'affréteur doit charger et décharger la cargaison dans les délais alloués par le
contrat ou, à défaut, dans un délai raisonnable ou suivant l'usage du port.
Les délais pour charger ou décharger courent à compter du moment où le fréteur
informe l'affréteur que le navire est prêt à charger ou à décharger, après son arrivée
au port. En cas de dépassement des délais alloués, pour une cause qui n'est pas
imputable au fréteur, l'affréteur doit, à compter de la fin du délai alloué pour charger
ou décharger, des surestaries; celles-ci sont considérées comme un supplément du
fret et sont dues pour toute la période additionnelle effectivement requise pour les
opérations de chargement ou de déchargement.
104
Sentence 1053, CAMP, 26 septembre 2001.
56
Le fret est dû à la fin du voyage. Il n'est toutefois pas dû en toutes
circonstances. Ainsi, lorsque l'achèvement du voyage devient impossible, l'affréteur
n'est tenu au fret que si cette impossibilité est due à une cause non imputable au
fréteur.
Le contrat est résolu de plein droit, sans dommages intérêts de part et d'autre, si,
avant le commencement du voyage, il survient une force majeure qui rend impossible
l'exécution du voyage.
Quant à l’obligation de port sûr, l’affréteur au voyage pourra être désigné
responsable dans la mesure où une clause stipulant cette obligation a été négociée
au préalable dans la charte-partie105
.
105
Sentence 1099, CAMP, 25 juin 2004.
57
Section 4
Le Navire victime d’échouement :
Institutions du droit maritime
Lorsqu’un navire est affecté par un incident dans son exploitation et, plus
particulièrement, en cas d’échouement, deux institutions seront susceptibles d’entrer
en jeu : L’assistance maritime et la théorie des avaries communes.
Dans cette partie, nous étudierons donc successivement ces deux institutions,
puis nous nous interrogerons sur le rôle des experts maritimes.
I. L’assistance maritime
A la suite d’un échouement, le navire peut avoir besoin de l’aide d’un
remorqueur pour se déséchouer.
La question qui se pose dans ce cas est de savoir si ce sont les règles du contrat
d’assistance maritime ou bien les règles du contrat de remorquage qui s’appliquent.
L’application des règles de l’assistance entraînera le paiement d’une indemnité
beaucoup plus élevée pour l’armateur que les règles du remorquage « classique ».
L’assistance est régie par la convention de Londres du 28 avril 1989 entrée en
application en France le 20 décembre 2002. L’assistance est définie comme tout acte
ou activité entrepris pour « assister un navire ou tout autre bien en danger dans
n’importe quelles eaux ».
Le contrat d’assistance en mer, dont il existe plusieurs modèles type106
, est
signé entre un représentant des biens à sauver (en générale le Capitaine) et
l’assistant.
En cas de résultat utile (« no cure, no pay »), le montant de la rémunération revenant
à l’assistant est déterminé selon des critères très précisément énumérés qui sont
fonction de la valeur des biens sauvés (navire et cargaisons): soit par négociation,
soit par voie arbitrale, soit par voie judiciaire.
Dans une affaire opposant la compagnie les Abeilles (remorqueur « Abeille
14 ») et la compagnie européenne d’armement (navire « Salat »), la Cour d’Appel de
106
Les plus courantes : Lloyd’s Open Form ; contrat Villeneau.
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  • 1. UNIVERSITÉ DE DROIT, D'ÉCONOMIE ET DE SCIENCE POLITIQUE D'AIX-MARSEILLE III Centre de Droit Maritime et des Transports MÉMOIRE L’ÉCHOUEMENT DU NAVIRE MASTER II DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS Année de soutenance : 2007 Sous la direction de Monsieur Christian Scapel Par Pierre Gallavardin.
  • 2. 2 Remerciements: A Monsieur Christian Scapel et Monsieur Pierre Bonassies de m’avoir apporté le regard du droit sur la profession maritime. A Monsieur Frédéric Fievet de la Compagnie maritime Fouquet Sacop de m’avoir donné la possibilité et encouragé à suivre cette formation. A Monsieur Georges Figuière et Monsieur Pierre Albertini de m’avoir fait partager leur expérience.
  • 3. 3 SOMMAIRE INTRODUCTION..........................................................................................page 4 CHAPITRE 1 : Les échouements et leurs causes ........................................page 9 Section 1 : L’investigation après accident.....................................................page 9 Section 2 : Causes d’échouement : étude de cas réels................................page 14 Section 3 : L’élément humain et la gestion de la sécurité.............................page 32 CHAPITRE 2 : Le régime juridique de l’échouement....................................page 42 Section 1 : Le régime juridique de l’armateur en cas d’échouement ............page 42 Section 2 : L’échouement dans le contrat de transport de marchandises ....page 47 Section 3 : L’échouement dans le contrat d’affrètement...............................page 52 Section 4 : Le navire victime d’échouement : Institutions du droit maritime..page 57 CHAPITRE 3 : Mesures correctives et préventives en cas d’échouement ...page 64 Section 1 : Les mesures correctives suite à l’échouement ...........................page 64 Section 2 : Les mesures préventives en matière de sécurité maritime.........page 72 BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................page 81 TABLE DES ANNEXES................................................................................page 83 TABLE DES MATIERES...............................................................................page 92
  • 4. 4 INTRODUCTION Aucune époque n’a été à l’abri d’accidents maritimes majeurs qui, parfois, ont été meurtriers et ont entraîné d’importantes pollutions maritimes ; les noms de l’« Amoco Cadiz », de l’« Exxon Valdez» et du « Torrey Canyon » sont tristement familiers pour tous ; ce sont tous trois des échouements. Le terme d’échouement est souvent mal utilisé et confondu avec le terme d’échouage. En effet, dans la langue française, il faut distinguer ces deux termes. L’échouage est défini comme la « situation d’un navire qui touche intentionnellement le fond et cesse de flotter».1 On parle d’« échouage » lorsque un navire est volontairement échoué, par exemple dans un bassin ou une cale sèche (avant de faire le carénage2 du navire). On parle aussi d’échouage lorsque un navire s’échoue volontairement sur la plage à marée basse sous l’effet de la marée; en effet, l’état de la marée étant prévisible, la situation du navire l’est également. L’échouage a donc un caractère prévisible et intentionnel. L’échouement est défini comme un « arrêt accidentel d’un navire par contact sur le fond ».3 Lorsqu’un navire est immobilisé accidentellement sur un haut fond, c'est-à-dire dans un endroit où le navire ne dispose plus d’assez d’eau sous la quille pour naviguer, c’est un échouement. L’échouement se produit généralement non loin de la côte mais il peut également se produire au large dans une zone de hauts fonds ou d’écueils. La Cour d’Appel de Rouen, dans un arrêt du 26 avril 1974 « Abeille 14 » et navire « Salat » donne une définition de l’échouement : Il y a échouement lorsque le navire touche le fond ou heurte le rivage et se trouve arrêté faute d’eau suffisante sous sa quille4 , ou, en des termes moins « heureux » mais de même signification : l’échouement est la situation d’un navire dont la quille est engagée accidentellement sur un fond rocheux ou sableux et ne peut plus se mouvoir par ses propres moyens5 . La Cour distingue bien l’échouage, opération volontaire, de l’échouement, qui a un caractère accidentel. 1 Définition dictionnaire le « petit robert ». 2 Carénage=nettoyer la partie submergée du navire et la repeindre. 3 Définition dictionnaire le « petit robert ». 4 Rodière, Traité général de droit maritime, Evénements de mer, 151, n°153. 5 Lavergne-Lafage, Les transports par mer, 4ème Ed, 26.
  • 5. 5 Il y a cependant une exception lorsque le navire est échoué volontairement mais où l’on parle d’échouement. Lorsque le navire est sur le point de sombrer, se briser sur des rochers, ou de tomber aux mains d’ennemis ; le capitaine se décide à le mettre à la côte en un endroit qui lui parait favorable, et où il a des chances d’échapper à une perte totale6 . De même, si le navire est amarré dans un port et que, sous l’effet du vent et des vagues, les amarres risquent de céder, le Commandant peut décider d’échouer le navire dans un endroit du port qui lui parait favorable afin de l’immobiliser en attendant que la tempête soit passée. On parle dans ce cas « d’échouement volontaire ». L’anglais étant la langue de référence dans l’industrie du shipping, il convient d’énoncer la traduction anglaise de l’échouement. En anglais, nous distinguons « grouding » et « stranding » : « Grounding » est le contact intentionnel d’un navire avec le fond pendant que celui- ci est au mouillage ou amarré à quai. Ce contact résultant de la baisse du niveau de la mer. Ce terme sera donc l’équivalent de l’échouage.7 « Stranding » est la traduction anglaise d’échouement. C’est le contact d’un navire avec le fond qui, ainsi, l’immobilisera. Il a un caractère involontaire mais peut également être volontaire dans le cas où le navire est mis à la côte pour éviter un plus grand danger. 8 L’échouement était spécifiquement visé par l’article 350 du Code de commerce, en tant que risque maritime pris à la charge par l’assureur. Aujourd’hui, l’article L.172-11 du Code des assurances dispose : « l’assureur réponde des dommages matériels causés aux objets assurés par toute fortune de mer ou par un événement de force majeure ». L’article 2 des Conditions générales de la Police française d’assurances maritimes sur facultés met aux risques des assureurs les dommages et pertes matériels, ainsi que les pertes de poids ou de quantités, causés aux objets assurés, notamment par échouement, que l’assurance ait été conclue « Tous risques » ou « F.A.P. sauf ». 6 Georges Ripert, droit maritime, Tome II, collection Haller, Paris 1929, Ed Rousseau et Cie. 7 “The Mariner’s role in collecting evidence in light of ISM”, 3rd Ed 2006.P.131. The Nautical Institute, Dr Phil Anderson. 8 “The Mariner’s role in collecting evidence in light of ISM”, 3rd Ed 2006.P.131. The Nautical Institute, Dr Phil Anderson.
  • 6. 6 Selon l’article 38 de la loi n° 66-420 du 18 juin 1966 : « Le transporteur est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve à sa charge que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés ». Selon les Règles d’York et d’Anvers 1994 (règle V) : « Quand un navire est intentionnellement mis à la côte pour le salut commun, qu’il dût ou non y être drossé, les pertes ou dommages en résultant et subis par les propriétés engagées dans l’aventure maritime commune seront admis en avarie commune ». Les dépenses pour alléger le navire échoué et les dommages en résultant sont également admis en avarie commune (Règle VIII). Malgré le fait que les naufrages, les collisions entre navires et les échouements restent relativement rares par rapport à l’importance du trafic maritime, ils peuvent avoir des conséquences désastreuses sur l’intégrité du navire, sur la vie humaine et sur l’environnement. Ces catastrophes ont néanmoins eu des conséquences juridiques bénéfiques : L’élaboration et l’enrichissement de règlements, lois et conventions. Par exemple, les grandes pollutions marines ont entraîné une évolution des règles de sécurité à bord des navires pour prévenir la pollution et également une augmentation des plafonds d’indemnisation des victimes. L’échouement est toujours causé par l’accumulation de plusieurs facteurs. Le défaut de préparation du voyage, l’information nautique erronée, la mauvaise gestion des ressources passerelle et la pression commerciale des chargeurs pourront être des causes d’échouement. Les statistiques sur les demandes d’indemnisations sont un outil intéressant pour connaître l’origine des accidents maritimes. Le Club de Protection et d’Indemnités UK Club révèle qu’environ 80% des échouements ont pour origine l’erreur humaine. Cette erreur humaine pourra être due à un défaut dans la conduite du navire et dans l’estimation de la position, à une mauvaise communication entre le pilote et le Commandant, à un défaut de compréhension de l’information nautique.
  • 7. 7 Hormis l’erreur humaine, les mauvaises conditions météorologiques, une avarie de barre ou de l’équipement de propulsion, un manque de tenue de l’ancre au mouillage pourront également être des causes d’échouement. Comme nous venons de l’énoncer, les causes d’échouement sont nombreuses et variées. On constate que les progrès technologiques ne peuvent garantir à eux seuls la sécurité à bord des navires. En effet, le manque de formation des marins et la mauvaise organisation du travail à bord apparaissent comme les causes contemporaines les plus importantes et les plus difficiles à enrayer afin d’éviter de nouvelles catastrophes maritimes. Un navire échoué peut parfois sortir de cette situation par ses propres moyens : en se déhalant avec l’aide de ses ancres, en faisant gîter fortement le navire, ou à marée haute, en vidant ses ballasts. Généralement, le recours à un remorqueur est nécessaire. Dans une mer forte l’échouement peut entraîner la destruction progressive du navire qui va talonner violemment le fond à chaque vague. Si, par ailleurs, l’échouement se produit sur un écueil entouré d’eaux profondes, le navire risque de couler après avoir été brisé par la mer. Ces situations peuvent entraîner de catastrophiques pollutions marines. Le navire victime d’un échouement risque sa perte. En effet, dans certains cas il ne sera pas renfloué soit parce qu’il n’est pas possible de le renflouer parce que le navire est trop endommagé, soit parce que le coût des réparations est supérieur à la valeur du navire. Ainsi, ce mémoire est divisé en trois grandes parties : La première partie est consacrée aux causes des échouements. Après avoir exposé brièvement le régime juridique de l’investigation après un accident maritime, nous allons étudier, à travers une analyse de cas réels d’échouements ayant eu lieu ces dernières années, les principaux facteurs d’échouements. Ces cas d’échouements sont vus à travers l’œil d’un expert technique dans le but d’identifier leurs causes. Le facteur humain étant une cause en constante augmentation, nous
  • 8. 8 mettrons l’accent sur l’organisation du travail à bord des navires et la compétence des équipages. La deuxième partie de cette étude présente les grandes lignes du régime juridique de l’échouement qui, contrairement à l’abordage, n’est régi par aucune convention spécifique ; c’est donc le droit maritime général qui s’applique. Dans cette partie, nous présenterons de manière synthétique le droit applicable à l’armateur, au fréteur, au transporteur, à l’affréteur et aux ayants droits à la marchandise. Ensuite, nous exposerons les deux institutions du droit maritime que sont l’assistance maritime et les avaries communes, celles-ci pouvant fréquemment s’appliquer en cas d’échouement. La troisième partie de ce mémoire énonce les mesures correctives et les mesures préventives qui peuvent être appliquées après un échouement. Les mesures correctives sont les mesures prises par le Commandant, l’armateur, les sociétés de classification ou tout autre organisme susceptible d’amener une aide substantielle dans la gestion du sinistre et afin d’en limiter les conséquences. La deuxième section de ce chapitre fait un état des lieux des mesures préventives en matière de sécurité maritime prises ces derniers mois afin d’enrayer les accidents maritimes. Enfin, nous ouvrirons le débat sur les besoins en formation et la pénurie des officiers de la marine marchande.
  • 9. 9 CHAPITRE 1 LES ECHOUEMENTS ET LEURS CAUSES Dans ce chapitre, nous étudierons, à travers une analyse de cas réels, les différents facteurs qui peuvent causer un échouement. Dans la première section de ce chapitre, nous exposerons le régime juridique de l’investigation après un accident maritime et la procédure que les experts techniques appliquent pour l’enquête et l’analyse des sinistres. La deuxième section sera consacrée, à travers différents cas réels, à l’exposé des facteurs qui sont à l’origine d’un échouement. Enfin dans la dernière section de ce chapitre, nous insisterons sur l’élément humain, principale cause d’échouement. Section 1 Les institutions spécialisées dans l’investigation après accident et leurs procédures Les situations vécues après les accidents de ces dernières années ont démontré l’importance de recadrer la réglementation internationale et communautaire sur les enquêtes techniques. Dans cette section nous exposerons brièvement le rôle de ces organisations. Une étude plus approfondie des mesures communautaires « paquet Erika 3 » sera exposée dans le Chapitre 3 du mémoire. I. Cadre juridique 1. Au plan national : La « loi du 3 janvier 2002 sur les enquêtes techniques après évènement de mer » et « le décret du 26 janvier 2004 relatif aux enquêtes techniques après évènement de mer, accident ou incident du transport terrestre ». 9 9 www.bea-mer.fr
  • 10. 10 L’organisme français d’enquête est le « BEA mer » (Bureau Enquête Accident). Il dépend du ministère du développement durable (ministère compétent en matière de détermination et de contrôle des normes de sécurité de la navigation) et conduit son action indépendamment des autres services. 2. Au plan européen : Après la « Directive 1999/35/CE du Conseil du 29 avril 1999 relative aux transbordeurs rouliers et engins à passagers à grande vitesse », en 2001, la Commission a souligné dans son livre blanc la nécessité de diligenter des enquêtes techniques indépendantes, basées sur l’analyse des circonstances et des causes des accidents, dont les résultats seraient orientés vers la prévention des risques et les moyens d’améliorer la législation. La gestion des naufrages de l’Erika et du Prestige a montré les insuffisances et les lacunes des réglementations internationales ainsi que communautaires. Les enquêtes menées par les experts après ces deux naufrages ont pris beaucoup de temps et beaucoup de difficultés sont apparues pour les mener à terme. L’UE essaie de remédier à ces insuffisances dans le paquet Erika III adopté en début d’année 2007. L’Agence Européenne pour la Sécurité Maritime « EMSA »10 a été chargée de coordonner ces enquêtes après accident au plan européen. Ces mesures seront présentées dans le chapitre 3, consacré notamment aux mesures du paquet Erika 3. 3. Au plan international : La résolution A 849 (20) « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et les incidents de mer » adoptée le 27 novembre 1997 par l’Organisation Maritime Internationale et amendée par la résolution A884 (21)11 . De nombreux organismes existent à l’étranger, les plus renommés sont le « MCA » anglais (Maritime and Coastguard Agency), l’ « ATSB » australien (Australian Transport Safety Bureau), le « TSBC » canadien (Transportation Safety Board of Canada). 10 Règlement CE 1406/2002 11 Source OMI
  • 11. 11 II. Procédure d’investigation et mise en place du « Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et les incidents de mer » 12 En suivant ce code, les participants à l’enquête doivent être guidés par la loi du pays dans lequel l’enquête est menée. En particulier, par la nécessité d’informer les parties intéressées qu’une enquête est menée, d’organiser des interrogatoires avec les témoins de l’accident, de s’assurer de la présence d’un représentant légal lors des interviews. Les informations généralement nécessaires pour l’enquête sont : 1. Les caractéristiques du navire : Le nom du navire, son numéro IMO, son port d’immatriculation, son indicatif radio ; Le nom et l’adresse du propriétaire et du ou des gestionnaire(s) du navire ; Le type de navire, le lieu et la date de construction ; Le nom et l’adresse de l’affréteur et le type d’affrètement ; Le port en lourd, la jauge et les principales dimensions du navire; Le moyen de propulsion et le type de moteur(s) ; La quantité de combustible et l’emplacement des soutes ; L’équipement radio, navigation et les moyens de sauvetage du navire. 2. Les documents à produire : Les certificats du navire (certificat d’immatriculation, certificat ISM, certificat de classification, les certificats statutaires…) ; Les journaux de bord (passerelle, radiocommunication, machine, cargaison); La liste, les brevets et qualifications de l’équipage ; Les enregistreurs de données (cap, sondeur, alarmes machines, audio,…) ; Les registres des hydrocarbures (partie cargaison et partie machine) ; La documentation ISM de la compagnie ; Les ordres permanents du Commandant et du chef mécanicien ; Le suivi de la maintenance du navire ; L’état des commandes de pièces détachées et les inventaires ; 12 Résolution OMI A 849, www.maiif.net (Marine Accident Investigators’ International Forum)
  • 12. 12 L’enregistrement des tests drogue et alcool de l’équipage ; Le suivi des publications et cartes nautiques,… 3. Le déroulement du voyage en cours : Le port de début et de fin de voyage et les dates associées ; Le détail de la cargaison ; Le tirant d’eau et les courbes de stabilité ; Tous les événements qui ont pu avoir une influence sur le déroulement de l’accident. 4. La description du personnel embarqué : Le nom, l’age, la nationalité, la fonction ; L’expérience et les brevets de l’équipage; Les habitudes alimentaires (consommation d’alcool, de cigarette); L’état des heures de repos au moment de l’accident ; Les blessures éventuelles et le traitement médical ; 5. Le descriptif de l’événement : La météorologie au moment de l’accident, L’état de la mer, du courant ; Le type d’accident ; la date, le lieu et l’heure ; La chronologie des événements ; Le nombre de personnes présentes à la passerelle, à la machine; Le trafic dans la zone. 6. Autres : La description de l’assistance après l’événement ; Le Commandant doit authentifier les documents fournis ; Les sources externes d’informations (enregistrements audio et vidéo des sémaphores, des CROSS). 7. Dans le cas particulier d’un échouement : Les dernières positions et la méthode de positionnement ; Les cartes nautiques et tous les moyens d’aides à la navigation utilisés ; La description et l’état des capacités avant et après l’événement ; Les moyens de pompage pour lutter contre les envahissements ;
  • 13. 13 Les facteurs ayant pu agir sur les efforts et les contraintes de structures ; Les calculs de stabilité pendant le voyage ; La position de l’échouement ; Les actions immédiates prises ; La nature et l’étendue des dommages.
  • 14. 14 Section 2 Causes d’échouement : Etudes de cas réels « Malgré les progrès techniques et les aides à la navigation toujours plus nombreuses, on ne peut prétendre assurer la même sécurité en mer que sur terre. La nature du danger est trop différente et ses conséquences éventuelles redoutables »13 . Par ailleurs, les différentes études l’ont montré, les accidents ne sont pas provoqués par une seule cause mais par l’accumulation de plusieurs facteurs qui, combinés entre eux, pourront entraîner un échouement. Parmi tous ces facteurs et en contradiction avec 80% des budgets alloués aux programmes de sécurité mis en œuvre jusqu’alors par les organisations internationales, Le facteur humain reste la principale cause d’événement de mer14 . En effet, près de 3/4 des événements de mer et plus de 80% des abordages et des échouements seraient directement dus à une erreur humaine. Dans cette partie, nous étudierons différents cas réels d’échouement en se basant sur des rapports d’expertises afin d’illustrer les principales causes d’échouement. I. L’avarie machine du « Rokia Delmas » 1. Description 1.1 Caractéristiques du navire Le Rokia Delmas est un roulier/porte-conteneurs de 185m de long et d’un tirant d’eau de 11,20m. Ce navire, propriété de la société Cma-Cgm sous pavillon de Panama, a fait la une de l’actualité maritime pendant l’hiver 2006/2007. Le Rokia Delmas a été construit en 1985 au Japon, il était affecté sur la ligne Europe - Afrique de l’ouest. Il était propulsé par un moteur Diesel et sa vitesse était de 16 nœuds. 13 P.Chauveau : Traité de droit maritime. Librairies techniques, Paris 1958. 14 Philippe Boisson, “Politiques et droit de la sécurité maritime”, Ed Bureau Veritas.
  • 15. 15 Rokia Delmas échoué le 24 octobre 2006 sur l’île de ré 1.2 Chronologie des faits15 Le mardi 24 octobre 2006, vers 4h du matin, le Rokia Delmas, en avarie totale de machine, est drossé par la tempête sur la côte Sud de l'île de Ré. Après avoir mouillé une ancre, il s'échoue par l'arrière sur un plateau rocheux à environ 1 mille nautique dans le sud de la Couarde sur mer. Le navire transporte notamment des conteneurs divers, des fèves de cacao, du bois ainsi que 500 tonnes de fuel lourd et 50 tonnes de Diesel marine pour sa propulsion. Alors que la majorité de l'équipage a été immédiatement hélitreuillé, le commandant et 5 membres d'équipage sont restés à bord pour aider les investigations des équipes d'interventions. 2 Analyse des causes L’enquête technique officielle et la procédure judiciaire n’ayant pas abouti, nous nous cantonnerons à donner quelques pistes sur les causes de l’accident. La cause initiale de l’échouement a été l’avarie totale du moteur de propulsion du navire. Cette situation a été aggravée par des conditions météorologiques très difficiles et d’un vent venant du sud ouest faisant dériver le navire vers la côte. Ensuite, lors de l’enquête, les experts devront déterminer la cause de cette avarie et si, celle-ci n’a pas été la conséquence d’un défaut dans la maintenance du moteur principal ou de ses organes. La maintenance du navire dont l’ensemble des procédures harmonisées est prévu par le code ISM16 permet de « garantir le bon 7 Journal « Le Marin » du 03/11/2006, source préfecture de l’atlantique 16 Code international de gestion de la sécurité (International safety management).
  • 16. 16 fonctionnement de tous les appareils du navire et de maîtriser les équipements de contrôle, de mesure et d’essai».17 3 Conclusion Après l’échouement, le navire présentait une gîte de 20° et une voie d'eau a été détectée. Aucune pollution n'était alors observée. Le jour même de l’échouement, les premières investigations à bord ont montré qu'il n'était pas possible de déséchouer le navire à la marée haute du soir. Le lendemain, les plongées effectuées ont détecté une brèche d'au moins 20 mètres de long sur 50 centimètres de large confirmant l'impossibilité de remorquer le navire dans cet état. 3.1 Prévention de la pollution Le 30 octobre 2006, Le pompage du combustible, stocké dans les soutes du navire, débutait. Tout un dispositif de prévention de la pollution du littoral et de dépollution du navire a été mis en place. Dispositif antipollution du navire Rokia Delmas 18 3.2 Déclaration en perte totale19 Le 24 novembre 2006, le navire a été déclaré en perte totale par les assureurs. En effet, le coût estimé du sauvetage et des réparations était supérieur à la valeur du navire. En conséquence, le Rokia Delmas, mis en service il y a 21 ans, 17 Source www.afcan.org/dossiers_sécurité. 18 Source préfecture de l’atlantique, journal « le marin », 3/11/2006 19 Source AFP
  • 17. 17 n’a pas été réparé. La CMA-CGM est restée propriétaire du navire et responsable de son enlèvement. Les assureurs ont couvert l'ensemble des coûts de l'opération jusqu'à l'enlèvement. 3.3 L’allègement du navire La cargaison (conteneurs, bois, cacao) a été extraite du navire grâce à une grue flottante néerlandaise de la société SMIT20 . Après la dépollution de la coque et le déchargement de la majeure partie de la cargaison, les opérations de pré-découpage de la partie arrière du château et des appendices, comme le mât ou le guindeau, ont commencé le 9 mars 2007. Au cours d'une manoeuvre délicate, menée le 8 avril, le château du Rokia Delmas a été retiré d'un bloc. L'ensemble, large de 30 mètres et haut de 15 mètres, a été débarqué par la barge Rambiz et conduit, comme toutes les parties découpées, au port de La Pallice. L'épave est prévue d’être remorquée pendant l’été 2007 à la Rochelle puis renforcée pour permettre un transfert vers le lieu où elle sera démantelée. Le château du Rokia Delmas retiré de la coque. 21 20 Cette société est celle qui avait découpé et démantelé le roulier « Tricolor », navire qui, suite à un abordage avait coulé sur un haut fond du pas de calais le 14 décembre 2002. 21 Source préfecture de l’atlantique
  • 18. 18 II. Mouillage dangereux à l’origine de l’échouement d’un pétrolier22 . 1 Description 1.1 Caractéristiques du navire Ce navire est un pétrolier double coque d’environ 20 000 Tonnes de port en lourd. C’est un pétrolier neuf muni de moyens de pompage de la cargaison et d’appareil de navigation de dernière génération. Il est affrété par des grandes compagnies pétrolières et est destiné au cabotage international. 1.2 Chronologie des faits En 2003, le pétrolier, chargé d’environ 15 000 Tonnes de pétrole à bord, a appareillé du port d’Ambes sur la Garonne à destination du Havre. La manœuvre d’appareillage, sur les conseils du pilote a débuté à 14h00. A 15h15, le navire commençait la descente du fleuve. A 17h30, la station de pilotage du Verdon (située à l’embouchure de la Gironde) a informé le navire que les mauvaises conditions météorologiques ne permettront pas le débarquement du pilote en mer. A ce moment, étant donné l’état de la marée et le tirant d’eau du navire, il n’était pas possible de faire demi-tour, ni de trouver un mouillage ou un quai sûr, autre que le mouillage de « Suzac » (voir carte ci-après). Après concertation avec le pilote et à cause du danger que pouvait représenter la sortie en mer (mauvais balisage, forte houle, mauvaise visibilité) le Commandant a décidé de se rendre au mouillage de « Suzac » en attendant que les conditions météorologiques soient plus clémentes. Le pilote et le commandant se sont alors mis d’accord sur la position de mouillage future. Sur les conseils du pilote, le navire est passé par le travers de la bouée 12a, a contourné la bouée M1, s’est présenté face au jusant23 et a mouillé l’ancre bâbord à 19h12. A 19h30, le pilote a débarqué sans donner de consigne particulière. 22 Etant donné la confidentialité du dossier, nous ne citerons ni le nom du navire, ni la compagnie maritime, ni le nom des parties à cet échouement. (Source : Rapport compagnie). 23 Courant de marée descendante. Dans ce cas, courant portant au nord-ouest.
  • 19. 19 A 19h40, le Commandant a donné l’ordre de stopper la machine et qu’elle puisse être disponible en 5 minutes. Puis, après avoir donné ses instructions à l’officier de quart, le commandant a quitté la passerelle. A ce moment, l’alarme de positionnement du GPS et celle du sondeur n’étaient pas correctement ajustées. A 19h48, Le Commandant a été informé par l’Officier de quart et la station de pilotage du Verdon que l’ancre du navire chassait24 ; il donna alors immédiatement l’ordre de démarrer la machine afin d’éviter l’échouement. A 19h55, le navire était échoué à 0,5 mille dans l’ouest de la pointe de Suzac. Embouchure de la Gironde, manœuvre du pétrolier 25 24 L’ancre glisse sur le fond et ne retient plus le navire. 25 Extrait de la carte « british admiralty » du pétrolier, annotation personnelle.
  • 20. 20 2 Analyse des causes 2.1 Les conditions météorologiques Lorsque le navire est arrivé à Suzac, il n’avait pas d’autre choix que de mouiller. A cause du niveau de la marée et des conditions météo, sortir en haute mer ou retourner à quai n’était pas envisageable. De plus, les prévisions météo disponibles au départ d’Ambes n’étaient pas suffisantes pour savoir précisément les conditions existantes à l’embouchure de la Gironde. 2.2 La position de mouillage La position du mouillage n’a pas laissé le temps au Commandant de réagir. En effet, à cause du fort courant, en moins de 10 minutes, le navire s’est échoué. 2.3 L’Utilisation des aides à la navigation La veille au mouillage n’a pas été adéquate. L’alarme du GPS a été mal renseignée. Le plan de voyage ne détaillait pas cette zone de mouillage. 3 Conclusion La météorologie a été la cause directe de l’accident. Cependant, d’autres facteurs ont contribué à l’échouement du navire : La décision du commandant et du port de faire appareiller le navire alors que les conditions à la sortie de la Gironde n’étaient pas « praticable », la décision du commandant sur les conseils du pilote quant à la position du mouillage qui n’a pas laissé assez de temps pour réagir et les lacunes de l’officier de quart concernant l’utilisation des aides à la navigation (GPS). Suite à cet échouement, l’armateur a tiré des leçons et émis des recommandations destinées aux autres navires de la compagnie26 : - Le Commandant contactera systématiquement le port et la station de pilote avant l’appareillage pour avoir des précisions sur la météo à l’embouchure. - Un mouillage au centre de la zone de « Suzac » aurait augmenté le temps pour réagir. La procédure a été revue avec le port et les pilotes. 26 Rapport de l’armateur du pétrolier, validé par le service vetting (service sécurité) de l’affréteur.
  • 21. 21 - Les alarmes du GPS et du sondeur devront être correctement utilisées. Une revue des procédures de plan de voyage, de mouillage, de report d’appareillage a été effectuée au sein de la compagnie. La compagnie a également fait une analyse des risques des différents ports touchés et des séminaires ont eu lieu avec les officiers à des fins de sensibilisation et de formation.
  • 22. 22 III. Erreur d’appréciation : L’échouement du « CMA-CGM Normandie » 1. Description Le 27 mars 2001 à 23h02, le porte-conteneurs CMA-CGM Normandie, faisant route dans le détroit de Malacca de Port-Kelang (Malaisie) à Jakarta (Indonésie), s’est échoué sur le Helen Mar Reef dans le DST27 de Singapour. Nous allons exposer et analyser les principaux éléments du rapport du BEA mer28 . Le Cma-Cgm Normandie échoué sur le « Helen Mar Reef » 1.1 Caractéristiques du navire Le CMA-CGM Normandie est un porte-conteneurs « over-panamax » de 4734 EVP29 , construit en 1991 en Corée. Longueur : 275,67m, Largeur : 37,18m, Tirant d’eau : 12,4m, Port en lourd : 53378 t. Vitesse en service: 24 nœuds. Equipement de la passerelle de navigation : Une carte électronique qui permet le simple suivi de la navigation sur des cartes numérisées, l’affichage de la route, une alarme d’approche d’un point tournant, sonore et visuelle, prévient l’officier de quart. Deux récepteurs GPS, deux radars, deux sondeurs, deux compas gyroscopiques, un pilote automatique… 27 Dispositif de Séparation de Trafic (Voie à sens unique, obligatoire et surveillée) 28 Bureau Enquête Accident Mer, Journal de la Marine Marchande du 12 Octobre 2001. 29 Equivalent Vingt pieds, conteneur « standard ».
  • 23. 23 1.2 Chronologie des faits : Le Normandie appareille de Port-Kelang en Malaisie le 27 mars 2001 à 12h40 ; - A 14H17, après avoir traversé le DST de Malacca, il en emprunte la voie sud ; - A 21H25, le navire a doublé le point tournant n°7. La route passe du 130° au 120°et la veille VHF passe du canal 88 au canal 73 en entrant dans le DST Ouest. Le navire n’a pas appelé le VTS30 en entrant dans ce DST; - A 22H37, un point le situe dans la moitié droite de cette voie, soit à 0,8 mille dans le sud du way-point 08 et de la bouée qui marquent l’entrée de la route en eau profonde, qu’il aurait pu emprunter; - A 22H51, un point le situe à 1’ dans le sud du way-point 09, soit à 0,1’ à l’extérieur du DST. Ce point comme celui de 22h37 d’ailleurs, sont approximatifs à en juger par les aberrations de vitesse moyenne. Les points sont effectués par une seule méthode de positionnement (relèvement/distance)31 . Le navire vient alors au 044°. C’est à peu près à ce moment que le commandant monte à la passerelle. Le navire fait donc route au 044° parallèlement à la limite sud du DST, à 0,1’ à l’extérieur de celui-ci. Cette route le ferait passer à 0,1’ des hauts fonds d’Helen Mar Reef, dont on voit le feu à éclats 6 secondes, ainsi que la RACON32 sur le radar. Sa vitesse moyenne est de 21 nœuds ; - Il rattrape un autre navire, un caboteur, qui se trouve sur son avant bâbord, et qui fait la même route, à 16 nœuds environ ; - L’officier de quart maintient son cap, pensant pouvoir doubler le caboteur puis revenir dans le DST ; le commandant ne dit rien, confortant en cela l’action de l’officier de quart. - A 22H55, le caboteur vient à droite au 065° pour doubler et s’écarter de la route d’autres navires qui marchent à faible allure. - A 22H57, le CMA-CGM Normandie perçoit cette manœuvre. Le caboteur se trouve toujours sur son avant bâbord. - A 22H59, il vient encore à droite, au 058°, pratiquement cap sur le Helen Mar Reef. Il a déjà passé la ligne de sonde des 20 mètres. - A 23H00 les deux navires sont bord à bord. 30 « Vessel Trafic Service » : Service à terre chargé de surveiller et de coordonner le trafic. 31 Deux méthodes différentes de positionnement sont recommandées. 32 Radar Beacon= Balise émettant des signaux visibles sur la radar de la passerelle.
  • 24. 24 - Vers 23H01, alors que l’officier de quart commence à revenir à gauche, le commandant qui, comme lui, n’avait d’yeux que pour les feux du caboteur, aperçoit soudain le feu d’Helen Mar Reef légèrement par tribord avant. Il donne alors l’ordre de mettre la barre toute à gauche. Mais il est trop tard et le navire s’échoue. 33 Route reconstituée minute par minute ; en rouge : CMA-CGM normandie ; en vert : le caboteur. 2. Analyse des causes Selon le rapport du BEA mer, la cause de l’accident tient essentiellement au fait que le « Normandie » s’est laissé « piéger » sur la droite, puis à l’extérieur du DST, par des navires qui, tirant moins d’eau et allant moins vite, peuvent y naviguer sans gêner ceux qui au contraire, ont davantage besoin de la route en eau profonde. Les DST ont supprimé l’essentiel des situations « frontales » mais n’ont supprimé ni les navires traversiers à certains endroits, ni les problèmes de vitesses différentes. A cet égard, on peut noter que les navires actuels disposent : 33 Exposé de navigation, 2002, par Mr Gallavardin, Barbotin, Wittmar, Queguiner, école marine marchande.
  • 25. 25 - D’une capacité de manœuvre machine limitée par la programmation des variations d’allure. Mais il est possible de shunter la programmation dans les situations d’urgence, comme c’était le cas. S’agissant de la machine, sans doute aurait-on dû procéder : - Soit à un ralentissement permettant de passer sur l’arrière des navires rattrapés pour regagner le DST, manœuvre qui aurait pu être effectuée dès 22h37 et encore à 22h57,au lieu de venir à droite - Soit à un crash stop34 , mais on note à ce sujet qu’il ne serait sans doute intervenu qu’au moment de l’abattée en grand, et il était déjà trop tard. - Dans certains endroits, et c’est le cas à Singapour, de VTS performants, susceptibles de leur apporter une aide substantielle. Le VTS a appelé le navire pour s’inquiéter de sa route. Or, l’officier de quart dit n’avoir rien entendu alors que les VHF se trouvent devant les commandes du pilote automatique où il se trouvait le plus souvent. Le commandant n’a pas non plus entendu ces appels alors qu’ils entendaient les conversations des navires rattrapés sur ce canal. Mais, de toute façon, l’officier de quart connaissait bien sa position et pensait sincèrement pouvoir revenir sur la gauche à temps. On ne peut alors parler que « d’erreur d’appréciation » pour le moins fâcheuse qui remonte à 22h37, heure à laquelle le CMA-CGM Normandie pouvait encore passer derrière le caboteur rattrapé pour le laisser par tribord. Cette erreur d’appréciation a été partagée et en quelque sorte « entérinée » par le commandant, qui n’est intervenu que quelques secondes avant l’échouement. En fait, persuadés à tort qu’ils pourraient se rabattre dès que les feux des navires rattrapés passeraient sur l’arrière de leur travers bâbord, ils n’ont vu ni ces feux, ni celui d’Helen Mar Reef. Les consignes permanentes du commandant précisaient qu’il devait être prévenu en cas de « sortie de route ». On peut admettre qu’un officier qualifié et chevronné ait pensé pouvoir résoudre ce qui n’était à priori qu’une banale manœuvre d’évitement. 34 Action de mettre la machine en arrière toute afin de stopper le navire au plus vite.
  • 26. 26 3. Conclusion 3.1 Erreur dans la navigation Il apparaît évident que la cause première de l’échouement est un mauvais choix dans la manœuvre par le second capitaine. Cet événement de mer semble avoir été l’aboutissement d’une série d’erreurs et de fautes dans la navigation du navire. Il est à noter que la navigation dans le détroit de Malacca est un exercice difficile ; en effet, le trafic, les hauts fonds et le courant en font un des passages maritimes les plus appréhendés par les marins et ce malgré toutes les aides à la navigation dont disposent l’officier de quart. 3.2 Forte pression commerciale On aurait donc pu incriminer la vitesse « élevée » du navire (21 nœuds) qui laissait moins de temps à l’officier de quart pour réagir. Or, l’enquête l’a montré, si le navire avait coupé la route du caboteur sur son arrière et était remonté au nord avant de le dépasser sur bâbord sans réduire sa vitesse, l’échouement aurait été évité. Il est vrai que les commandants de ces navires ont des impératifs de temps et une forte pression commerciale, cependant réduire sa vitesse reste une manœuvre classique d’évitement et qui doit être utilisé lorsque cela est nécessaire35 . De plus tout comme l’affirme le code ISM36 « le Commandant détient l’autorité suprême à bord du navire pour prendre toutes décisions qu’il jugera utiles pour assurer la sécurité des personnes et des biens, et pour prévenir la pollution ». 3.3 Manque de vigilance Nous avons vu précédemment que le CMA-CGM Normandie était doté de nombreuses et sophistiquées « aides à la navigation » (Carte électronique, Deux radars, sondeurs, loch doppler37 ,…). Or, il semble important de souligner qu’aucun système anticollision ne peut remplacer l’œil et l’analyse pertinente de l’officier de quart. Lors de l’échouement, le Commandant était à la passerelle depuis une dizaine de minutes. Il est vrai que de nuit, tant l’œil que le cerveau nécessitent quelques 35 Voir annexe : exemple d’ordres permanents du commandant. 36 Code Internationale de Gestion de la sécurité. 37 Le loch doppler, par réfléchissement d’ondes, donne la vitesse du navire par rapport au fond de la mer.
  • 27. 27 minutes d’adaptation pour percevoir « normalement » la situation. Cependant, il apparaît que le commandant était « passivement » présent à la passerelle et n’a pas analysé la situation. En effet, une simple analyse de la carte lui aurait permis de s’alarmer de l’écart entre la route tracée et la position réelle du navire. De plus, le feu du « Helen Mar Reef » était bien visible sur l’avant du navire… 3.4 Conclusion du BEA mer Nous ne ferons pas de conclusion hâtive étant donné que cette affaire est toujours devant les instances judiciaires. Cependant, tel que le fait apparaître le rapport du BEA mer, l’erreur d’appréciation du second capitaine serait donc la cause directe de l’échouement. L’ingérence du Commandant ayant également contribué à cet accident. En effet, ni la fatigue, ni le manque d’expérience, ni la mauvaise organisation, ni l’incompréhension et ni le manque de formation ne semble être mis en cause en l’espèce…
  • 28. 28 IV. Un cas d’école, l’échouement du « RMS RATINGEN » RMS Mulheim, échoué le 24 mars 2003, soit un jour avant son sister ship, Le RMS Ratingen ! 1. Description 1.1 Caractéristiques du navire et composition de l’équipage : Le RMS RATINGEN appartient à un important groupe armatorial allemand (Rhein Maas Shipping), spécialisé dans le transport de marchandises diverses (plus particulièrement en Europe de l’ouest). Les neuf navires gérés en propre38 par cet armement sont des caboteurs fluviomaritimes sous pavillon Antigua & Barbuda. Longueur = 88 mètres ; Port en lourd = 2530 Tonnes, Tirant d’eau = 4,09m. Le navire est à cale unique du type « box shape »39 et est âgé de moins d’un an au moment de l’accident. Il est classé par le Bureau Veritas sous la meilleure cote. Il est automatisé et dispose d’une alarme de quart. Il était à jour de tous ces certificats, documentations nautiques et présentait un très bon aspect général. L’équipage était composé de six hommes de nationalité polonaise titulaires de leur brevet conformément aux dispositions de la convention STCW 78/9540 : 38 « En propre » signifie en fond propre, c'est-à-dire que le navire appartient à l’armateur. Les autres navires dont dispose l’armateur sont affrétés. 39 Cale unique parallélépipédique. 40 Convention internationale sur les normes, aptitudes et qualifications des gens de mer.
  • 29. 29 Un capitaine ; un second capitaine ; Un chef mécanicien ; trois matelots, dont deux matelots faisant partie du quart à la mer. Les horaires de travail de l’équipe pont étaient comme suit : Capitaine: 06h00/12h00 - 18h00/24h00; Second capitaine: 00h00/06h00 - 12h00/18h00. 1.2 Chronologie des faits41 A 06h00, le 25 mars 2003, le capitaine prend le quart à la suite du second, le navire traverse la voie descendante et se dirige vers un point tournant42 dans le milieu de la voie montante du DST. Vers 07h45, il devra changer de cap pour venir au Nord-Est, en direction du Pas de Calais. A 07h00, le commandant porte sa position sur la carte. A partir de cette heure aucune autre position n’est plus portée. Vers 07h40, le Navire passe par le travers de son point tournant, mais le commandant ne procède à aucun changement de route. Entre 07h50 et 09h30, le navire va changer deux fois de route sur la gauche de 25° et 15°. La logique de ces changements de route a échappé aux enquêteurs. A 09h45, le navire est échoué sur la plage de Berck, la visibilité est bonne. A 10h34, le CROSS entre en contact avec le navire qui lui avait communiqué sa position avec une erreur de 12NM43 et qui ne demandait pas assistance. A 13h40, grâce à la marée haute, le « RMS Ratingen » est complètement déséchoué ; il reprend sa route vers son port de destination. Le 26 mars, l’armement recevait du bord des informations sur l’état du capitaine indiquant une inaptitude à assurer ses fonctions… Le 27 mars, le navire accostait à Brème où il était soumis à une inspection minutieuse afin de déterminer l’état de navigabilité du navire. 41 Rapporté par le BEA mer. 42 En anglais Way Point, indiqué « WP » sur la carte ci-après. 43 12milles nautiques est environ égale à 22km.
  • 30. 30 Extrait de la carte du RMS Ratingen de 04h00 jusqu’au moment de l’échouement ; les chiffres romains sont une position estimée. 2 Analyse des causes de l’accident La cause première de l’échouement apparaît être l’endormissement du Capitaine. En effet, le Commandant n’a aucune conscience de ce qui s’est passé entre 07h00 et l’échouement du navire à 09h45. Ensuite, il convient de douter des compétences du capitaine en tant qu’officier de quart. Il était seul à la passerelle (sans l’assistance d’un homme de veille) sans l’alarme « homme mort »44 , ni aucune autre alarme active. Après l’échouement du navire, le commandant n’a pas prévenu les autorités (c’est un promeneur matinal qui a prévenu le CROSS Gris-Nez) ; il n’a pas non plus prévenu son armement (celui-ci a été informé par la préfecture de la manche vers 11h00). Le rapport de mer est apparu « extrêmement laconique et succinct et pour 44 Alarme qui sonne à intervalle régulier (ex : 10min) pour s’assurer d’une veille efficace et qui déclenche l’alarme générale du navire s’il elle n’est pas acquitté à temps (ex : dans les 30 secondes).
  • 31. 31 tout dire indigent »45 . Ces faits ont démontré l’incompétence du Commandant à assurer ses fonctions. Enfin, il convient de remarquer que l’inaptitude du capitaine a été aggravée par les conditions et la surcharge de travail. En effet le capitaine, comme son second, ne pouvaient disposer de période de repos nécessaires à la bonne marche du navire. 3 Conclusion Les causes mises en lumière par l’échouement du RMS RATINGEN sont la compétence de l’équipage, l’organisation du travail à bord, le nombre insuffisant d’officier de quart, la non assistance de l’officier de quart par un veilleur pendant la nuit. Même si cet échouement n’a pas eu de conséquences catastrophiques, le cas exposé ci-dessus reflète à lui seul les principales causes d’échouement de ces dernières années. Ces causes sont toutes liées au facteur humain. 45 Rapport BEA mer.
  • 32. 32 Section 3 L’élément humain et la gestion de la sécurité Selon différentes études, les accidents liés à un défaut technique (par ex : défaut de structure) sont en baisse depuis quelques années. Ceci s’explique notamment par le rajeunissement de la flotte mondiale. A contrario, l’erreur humaine, qui peut se définir comme « fait ou omission humaine identifiable comme cause directe ou concourante entraînant un accident »46 , est une cause en constante augmentation. Ni les double coques, ni les aciers à haute résistance, ni l’électronique de bord ne sauraient à eux seuls garantir la sécurité. Il a même été constaté que, parfois, les progrès technologiques pouvaient entraîner une augmentation des risques d’accident47 . Dans cette section, nous présenterons les deux aspects qui tiennent la part la plus importante dans l’origine des erreurs humaines : l’organisation du travail à bord et la compétence des équipages. En rouge : % des demandes d’indemnisation à la suite d’un échouement, En jaune : % de toutes les demandes d’indemnisation. 48 46 UK P&I club. 47 Comité de la Sécurité Maritime, 65/15/1, 10 février 1995. 48 Analysis of major claims, UK P&I club, www.ukpandi.com.
  • 33. 33 I. Les effectifs et la sécurité de la navigation Il serait utopique pour les armateurs d’envisager la conception de navires- robots téléguidés49 ; un navire devra toujours être exploité avec la présence de personnes à bord. La question se pose de savoir combien. 1. Réglementation internationale sur les effectifs à bord des navires. Au sens des Résolutions A 890 et A 925 de l’OMI, le niveau d’effectif est fixé par les administrations des états du pavillon en tenant compte des points suivants : - Application et respect des prescriptions relatives aux heures de travail et de repos50 ; - Application par la compagnie des prescriptions de la section 6 du code ISM51 ; - Paramètres d’exploitation du navire en mer et au port (type d’opérations commerciales, fréquence des escales, type du navire et de ses équipements, nombre d’inspections requises dans les ports,…) ; - Qualification du personnel pour l’accomplissement des taches nécessaires à l’exploitation du navire52 ; - Souci d’éviter les heures de travail excessives. C’est l’armateur qui aura le devoir d’établir la décision d’effectif en tenant compte des résolutions précitées. Cette décision d’effectif devra décrire le personnel requis à bord de chaque navire en nombre et en qualité afin d’assurer une exploitation du navire en toute sécurité.53 Ensuite, l’administration de l’état du pavillon du navire aura pour rôle de contrôler la conformité de cette proposition et délivrera le certificat d’effectif minimum de sécurité. 2. La mauvaise interprétation de ces normes De nombreux accidents l’ont montré, ces normes n’ont pas toujours bien été interprétées. 49 Politiques et Droit de la Sécurité Maritime, Philippe Boisson, Ed. Bureau Veritas, p.383. 50 Normes de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). 51 « Ressources et personnel ». 52 Convention STCW. 53 Résolution A 890, Annexe 2 de l’OMI.
  • 34. 34 En effet, le « RMS Ratingen » est un exemple parmi tant d’autres. Il a souvent été constaté que les propositions d’effectifs minimums des armateurs entérinées par les administrations de l’état du pavillon, n’avaient pas correctement considérés les conditions d’exploitation des navires. De plus, en France, dans le cadre du pavillon RIF54 , le nombre de marins de nationalité française (ou européenne) imposé à bord est basé sur la décision d’effectif et non sur le nombre réel de personne à bord. Les compagnies maritimes étant à but lucratif, elles auront tout intérêt à employer des marins d’autres nationalités à plus bas salaires et donc à proposer une décision d’effectif la plus réduite possible. On peut donc constater qu’un problème réglementaire existe dans la mesure ou la sécurité et le profit s’opposent directement. 3. Le Capitaine de quart à la passerelle Il était autrefois traditionnel dans la marine marchande que le capitaine soit dispensé du quart à la passerelle, ce qui lui permettait d’avoir plus de temps pour s’attacher aux problèmes de fond et d’avoir une meilleure vision de la marche du navire. Mais pour des raisons économiques, bons nombres d’armements ont supprimé un ou plusieurs officiers pont obligeant le commandant à assurer le quart à la passerelle. Ceci a eu pour conséquence de nombreux accidents causés par la fatigue. En effet, selon une étude du MAIB55 , 92% des navires échoués ne disposaient que de deux officiers pont. Une affaire récente a mis en lumière ce problème56 : « Le commandant d'un caboteur n'a pas à assurer de quarts, en plus de ses responsabilités spécifiques ». C'est la conclusion judiciaire d'un conflit qui a opposé, pendant plusieurs années, le commandant Pierre Laumaillé et l'un de ses collègues à leur ex-employeur, la compagnie maritime Navale française. Retour sur l'année 2000 : Pierre Laumaillé commande alors le Pointe du Cormoran, un navire chimiquier d'un peu plus de 100 m de long. Mer du Nord, Atlantique, Méditerranée... C'est typiquement du cabotage avec ses contraintes particulières que 54 Registre International Français, pavillon bis français. 55 Marine Accident Investigation Branch, etude de Juillet 2004 « Bridge Watchkeeping safety Study ». 56 Article Ouest France du 05/05/2006.
  • 35. 35 sont les escales à répétition, la navigation près des côtes, dans des zones fréquentées. À bord, l'état-major est composé du commandant, d'un second et d'un lieutenant. Résultat : Pierre Laumaillé doit effectuer deux quarts de quatre heures, alors qu'il estime ne pas avoir à le faire. Il porte l'affaire devant la justice. Il est débouté, en janvier 2001, mais obtient ensuite satisfaction sur le fond devant la cour d'appel de Rennes et 28 000 € pour avoir effectué une partie du travail (le quart à la passerelle) du second lieutenant manquant sur le navire. Les deux parties se pourvoient alors devant la Cour de cassation. En juin 2004, la Navale française est à nouveau déboutée et le commandant obtient une révision du calcul de son indemnisation. Le dernier épisode s'est joué, le 17 mars 2006, devant la cour d'appel de Caen qui a accordé à Pierre Laumaillé l'intégralité de la solde du lieutenant absent, des congés payés et des dommages et intérêts pour un montant total de 84 000 €. L'affaire a débordé le cadre du conflit entre la compagnie et son employé. Elle a conduit à une révision des effectifs de certains caboteurs et à des règles sur le temps de travail des capitaines, jusqu'ici non encadré par le code du travail maritime. 4. La fatigue : Une étude de Ghislaine Tirilly (chercheur à l’INRET57 ) paru en février 200558 , a été effectuée à bord d’un navire de commerce sur le sommeil des marins. Il apparaît que, durant la nuit, la vigilance baisse fortement augmentant ainsi le risque d’accident sur cette période. Néanmoins, si les variations de la vigilance restent soumises à l’influence de l’heure de la journée dans des conditions de fractionnement du sommeil, les différentes étapes de l’embarquement (début, milieu ou fin d’embarquement) et l’organisation de la vie sociale à bord jouent un rôle non négligeable sur le niveau de vigilance, notamment, en agissant via le rythme veille/sommeil (Tirilly, 2002). Enfin, ces résultats montrent que, dans les situations d’horaires fractionnés, la question de la répartition des épisodes de sommeil sur les 24 heures est plus 57 INRET : Institut National de Recherche sur les Transport et leur Sécurité. 58 « Horaires de travail, sommeil et vigilance chez les marins : quelles incidences sur les risques d'accidents en mer? »
  • 36. 36 importante que la durée de sommeil quotidien pour le maintien de la rythmicité circadienne de la vigilance Sur le plan pratique, les différents résultats mis en évidence dans ces deux études peuvent trouver des applications, notamment en matière d’aménagement des horaires et de sécurité. Concernant les horaires de travail, les seuls aspects pris en compte dans le code du travail maritime sont la durée du travail et la durée de repos, quotidiens et hebdomadaires. Or, l’ajustement du rythme veille/sommeil et de la vigilance est le résultat d’un compromis entre les besoins physiologiques, les exigences liées au travail et à l’environnement physique et social. Dans le secteur de la marine marchande, les quarts de travail interfèrent avec la vie sociale à bord, ce qui se traduit dans la majorité des cas par un retard du coucher et des difficultés d’ajustement pour le quart de 0h à 4h. Pour aménager les horaires, un bon compromis serait de permettre à la grande majorité du personnel embarqué de prendre au moins un des deux principaux repas par jour avec la majorité du personnel embarqué et de bénéficier d’une période de repos aux heures privilégiées de vie commune. Par ailleurs, il faut souligner l’évolution temporelle de la vigilance dans les risques d’accidents ou d’incidents auxquels sont exposés les marins. En matière de sécurité, ces heures de baisses de vigilance correspondent à deux époques que l’on pourrait qualifier de « moments à risque » où la capacité à se maintenir éveillé est faible. Il n’est donc pas étonnant que de nombreux accidents maritimes surviennent la nuit pour des raisons souvent inconnues (Jegaden, 2001).S’il existe bien une relation entre les baisses de vigilance nocturne et les données relatives aux heures d’accidents, celle-ci n’a jamais été formellement identifiée en situation de travail maritime. Dans tous les cas, mieux vaut éviter de travailler dans des conditions favorables aux baisses de vigilance lors de ces moments critiques (seul à la passerelle, par exemple).
  • 37. 37 Nombre de navires échoués, étudiés par le MAIB 59 , réparties sur 24h. Enfin, l’ensemble de ces résultats souligne l’importance de prendre en compte la situation dans sa globalité avant d’incriminer un « défaut de veille ». En France, soixante-quinze abordages entre navires de commerce et navires de pêche ont été étudiés depuis la mise en place en 1997 du BEA mer. Le principal résultat de cette étude est de montrer que la cause principale de ces abordages était à rechercher dans le défaut de veille, autant sur les navires de commerce que sur les navires de pêche impliqués. Cette implication des personnes en charge du quart, sur les navires de commerce comme sur les navires de pêche, doit cependant être examinée à la lumière des conditions dans lesquelles elles sont parfois amenées à exercer leurs fonctions; se pose alors la question des instructions du capitaine, de la qualification de la personne en charge du quart et de l’organisation du travail à bord... Ainsi, dans le contexte maritime actuel, l’analyse de l’homme au travail devrait contribuer aux réflexions à mener dans toute démarche de sécurité. L’étude de Ghislaine Tirilly (2005) a montré que si l’on veut évaluer les fluctuations de la vigilance en mer et les risques d’accidents associés, il est nécessaire de prendre en compte non seulement les horaires de travail au sens strict (heure et durée de travail) mais aussi le fractionnement du sommeil qu’ils imposent et les différents paramètres liés à l’organisation générale à bord au travail (différentes étapes de l’embarquement, par exemple) et hors travail (repas, moments privilégiés de contacts sociaux). Une telle approche est donc à encourager dans le domaine maritime. L’amélioration des conditions de travail et de sécurité à bord peut aussi passer par la formation des professionnels de la mer, en leur apportant les connaissances 59 MAIB : Marine Accident Investigation Branch, équivalent du BEA mer au Royaume-Uni.
  • 38. 38 nécessaires sur le fonctionnement de l’homme au travail, en particulier en situation de privation de sommeil. 5. Conclusion Au niveau international, en s’appuyant sur les enquêtes du BEA mer et du MAIB, les instances européennes et mondiales sont interpellées sur ce qui se révèle être la principale cause des échouements : une organisation inadéquate du travail de quart et la perte de vigilance qui en résulte sur les navires concernés. L’institut français de la mer et l’institut maritime de prévention ont demandé que, en conséquent, les organismes européens et internationaux concernés prennent des mesures urgentes et vigoureuses pour un retour à une organisation du quart à trois officiers avec, en période d’obscurité, l’assistance obligatoire d’un veilleur60 . Il convient de signaler que les tribunaux ont pris en compte ce phénomène bien avant le législateur international. Dans la jurisprudence anglaise et française, on révèle par exemple de nombreuses décisions qui indiquent que l’insuffisance d’officiers ou d’équipage peut être révélatrice de l’innavigabilité du navire61 ou de la faute inexcusable de l’armateur62 . 60 www.meretmarine.com, « Améliorer la veille à bord des navires de commerce », 16/01/2007. 61 « Politiques et Droit de la Sécurité Maritime », Philippe Boisson, Ed. Bureau Veritas, p.390. 62 « Kini Karsten », TGI Caen, 03/09/1990 et navire “Heideberg“, CA Bordeaux, 31/05/2005, DMF 663, commentaire A. Vialard.
  • 39. 39 II. Formation et qualification du personnel naviguant On a coutume de dire que « le bon équipage fait le bon navire ». Autrefois, cela se traduisait par un équipage homogène, bien formé, entraîné et communiquant facilement dans la langue maternelle de ses membres63 . Il semble qu’aujourd’hui, cela ait quelque peu changé. 1. La compétence des équipages Le commerce maritime a été particulièrement touché par le mouvement d’internationalisation du commerce qui s’est crée dans le courant du XXème siècle. La concurrence féroce a entraîné la nécessité de réduire les coûts d’exploitation des navires. Or, une part significative des coûts est constituée par les salaires de l’équipage. Pour profiter des ces faibles coûts de main d’œuvre et d’autres avantages fiscaux, le changement de pavillon est devenu monnaie courante. Ces mutations ont vue l’apparition d’équipages mixtes64 , multinationaux et pluriculturels65 . Ces équipages donnent souvent lieu à des difficultés de communication et de compréhension. Des compétences douteuses et des différences d’appréciation en ce qui concerne la conduite du navire est également constaté66 . Plusieurs accidents récents en ont apportés la preuve. Par exemple la tragédie du Scandinavian Star, navire à passagers sous pavillon Bahamas reliant Oslo à Frederikshavn. Ce navire a été victime d’un incendie le 6 avril 1990 faisant 158 victimes. La mauvaise connaissance de l’anglais par le personnel portugais et l’incohérence qui a régné pendant les manoeuvres d’évacuation du navire a contribué à une augmentation des victimes67 . De même la mixité culturelle à bord du Braer a également été mise en cause : Ce navire avait choisi la route la plus courte, mais aussi la plus dangereuse, pour se rendre de la Norvège au Canada. Le pétrolier libérien Braer subit dans la nuit du 4 janvier 1993 une avarie de machine dans une forte tempête. En effet, de l’eau s’est 63 « Politiques et Droit de la Sécurité Maritime », Philippe Boisson, Ed. Bureau Veritas, p.392. 64 Equipage constitué de plusieurs nationalités. 65 «The challenge facing shipping over multinational crewing ». Lloyd’s List, 2 March 1993. 66 C. Duong, La compétence des équipages, facteur clef de la sécurité maritime, Bureau Veritas, Juin 1994. 67 Journal l’humanité, article du 9 avril 1990.
  • 40. 40 infiltrée dans les soutes du navire. L’équipage est évacué le 5 au matin. Il s’échoue dans les îles shetlands au Royaume-uni et se brise progressivement laissant échapper 84 500 tonnes pétrole brut. Le Braer déversant ses 84500 tonnes de pétrole.68 2. La diversité des systèmes de formation Les pays industrialisés et autres pays européens ont établi leurs propres systèmes de formation professionnelle qui assure un niveau correct de qualification, alors qu’il y aurait beaucoup à dire à propos d’autres systèmes de formation. Par manque de ressources adéquates, de traditions maritimes, de normes d’enseignement ou d’outil pour en évaluer le degré d’efficacité, de grandes disparités existent. Ces disparités ont été à l’origine de la convention STCW adoptée par l’OMI en 1978 et révisée en 1995. Cette convention qui traite des normes de qualification des gens de mer a, dans sa révision de 1995, clarifiée les fonctions de l’état du pavillon (en le responsabilisant sur l’aptitude et la qualification des marins employés sur ces navires) et a impliqué l’état du port dans le contrôle des qualifications de l’équipage ainsi que l’OMI dans la vérification de la qualité des instituts de formations. Ces problèmes de compétence ont donc été identifiés par les instances internationales mais de gros progrès restent encore à faire… 68 Photo source CEDRE. www.cedre.fr.
  • 41. 41 3. la pénurie des officiers de la marine marchande Un autre facteur aggravant est apparu : la pénurie des officiers de la marine marchande. En effet, le métier de marin n’a plus l’attrait qu’il possédait. Aux compétences de techniciens s’ajoute désormais une bureaucratie grandissante avec une multitude de procédures et de check-lists à appliquer. De plus, les responsabilités accrues par la criminalisation de la pollution, les inspections à répétitions, des escales courtes ainsi qu’une dégradation des conditions de vie à bord font partie des causes de cette pénurie. Celle-ci n’a fait que s’accroître ces dernières années pour atteindre le déficit record de 40.000 postes à pourvoir dans le monde pour les cinq prochaines années69 . Cette tendance, n’ayant pas été anticipée, est vouée à être un handicap durable pour les armateurs et donc un facteur aggravant d’accident en mer. De plus l’ingérence et l’absence de concertation des pouvoirs publics ont laissé en friche le terrain de la formation maritime depuis plusieurs décennies. Les armateurs français ont, pour la plupart, délaissé la formation maritime à la française et ne se sont que très peu impliqué pour la soutenir et l’adapter. La formation maritime subit donc des problèmes de recrutement. Il est impensable que, alors que les officiers de la marine marchande sont très recherchés, les écoles de la marine marchande ne parviennent pas à faire « le plein ». 69 Intervention du DRH de Bourbon, 06/12/2006, 2ème assises de l’économie maritime et du littoral.
  • 42. 42 CHAPITRE 2 Le régime juridique de l’échouement Dans ce chapitre nous donnerons les grandes lignes du régime juridique qui sera susceptible de s’appliquer en cas d’échouement d’un navire de commerce. Le régime juridique pouvant s’appliquer en cas d’échouement étant le régime du droit maritime en général, le sujet est beaucoup trop vaste pour pouvoir être complet dans cette partie et de nombreux ouvrages l’ont déjà traité70 . Nous présenterons donc de manière relativement concise ce régime. La première section de ce chapitre sera consacrée au régime juridique de l’armateur. Ensuite nous présenterons le régime de l’échouement dans le contrat de transport, puis dans le contrat d’affrètement. Enfin, nous détaillerons le navire victime d’un échouement. Section 1 Le régime juridique de l’armateur en cas d’échouement L’armateur est définit par l’article premier de la loi du 3 janvier 1969 comme « celui qui exploite le navire en son nom, qu’il en soit ou non propriétaire ». Nous allons étudier successivement les sources de la responsabilité de l’armateur, la limitation de responsabilité dont il peut bénéficier et le régime spécial de responsabilité en cas de pollution par les hydrocarbures. I. Les sources de la responsabilité de l’armateur La responsabilité de l’armateur peut être contractuelle. En effet, l’armateur est responsable de la bonne exécution des contrats conclus pour son compte. Son 70 Le dernier en date : Traité de droit maritime, Pierre Bonassies & Christian Scapel, Ed LGJD, 2006.
  • 43. 43 régime de responsabilité sera alors déterminé par le régime contractuel applicable (affrètement, contrat de transport). La responsabilité de l’armateur peut être extracontractuelle. Ainsi, l’armateur est responsable des ses fautes personnelles. S’agissant d’un échouement, la faute de l’armateur sera exclusivement ou presque d’avoir laissé naviguer un navire en état d’innavigabilité. L’innavigabilité71 est une notion qui inclut tout défaut du navire, tout manquement dans la documentation ainsi que l’incompétence de l’équipage. L’armateur pourra également être responsable pour faute de ses préposés. En effet, aux termes de l’article 3 de la loi du 3 janvier 1969, l’armateur répond de ses préposés terrestres et maritimes. Il sera donc responsable de la faute extracontractuelle du capitaine pour faute nautique. Par application de l’article 1384 du code civile, l’armateur sera responsable du fait des choses72 . L’article 1384 pourra donc jouer chaque fois qu’il y a un échouement. Le régime des contraventions de grande voirie pourra également être une source de responsabilité de l’armateur. Une sanction pénale sera alors prononcée à l’encontre de la personne qui porte atteinte au domaine public. L’armateur pourra enfin être sanctionné pour blessure ou homicide involontaire par application des articles 222-6 et 222-19 du code pénal et il encourra une responsabilité pénale en cas de pollution du navire en assumant une partie du paiement de l’amende infligé au capitaine. II. La limitation de responsabilité de l’armateur La limitation de responsabilité de l’armateur est l’une des institutions les plus originales du droit maritime. Elle est régit par la convention de 197673 et permet aux créanciers maritimes (propriétaires, assureurs, assistants) de limiter leur responsabilité à un plafond proportionnel au tonnage du navire. La limitation s’appliquera aux créances de responsabilité qui concernent un navire. Elle s’applique à toute dette de responsabilité extracontractuelle ou contractuelle. 71 Voir cours CDMT de Mr Figuière sur la définition d’innavigabilité. 72 Arrêt de cassation, navire « Lamoricière », 19/06/1952. 73 « Convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes », les tribunaux français peuvent encore appliquer la convention internationale précédente de 1957.
  • 44. 44 La créance concernée doit être née de l’exploitation du navire, être en relation avec l’administration et la navigation74 . De plus, tous ceux qui participent directement à cette exploitation pourront en bénéficier (assureur, assistant). Cependant, il convient de préciser que la limitation ne pourra être opposée par l’affréteur à temps à l’armateur fréteur du navire.75 La condition du droit à la limitation est l’absence de faute inexcusable76 . Celle- ci est définit par son caractère volontaire, sa gravité exceptionnelle et à la conscience de la probabilité du danger77 ; seul le défaut d’intention la distingue de la faute intentionnelle. Les tribunaux se sont montrés très sévères quant à l’appréciation de la notion de faute pour l’armateur. En droit américain, dans l’affaire de l’Amoco Cadiz (navire échoué sur les côtes bretonnes en 1978), le fait pour l’armateur d’avoir installé un appareil à gouverner non encore parfaitement au point et de ne pas avoir suffisamment formé l’équipage à son utilisation a été considéré comme une faute ne donnant pas droit au bénéfice de la limitation. En France, malgré l’arrêt « Multitank arcadia », de la cour de cassation du 08/10/2003, les tribunaux français ont toujours fait preuve de sévérité à cet égard78 . La procédure utilisée par l’armateur qui veut bénéficier de son droit à la limitation est celle de la constitution d’un fond de limitation. En France, la procédure sera une requête au président du tribunal de commerce, soit du port d’attache du navire, soit du port où le navire se trouve. Une fois le fond constitué, mainlevée doit être donnée de toute saisie exercée contre le navire. Le liquidateur dressera ensuite la liste des créanciers et chacun sera réglé par le dépositaire du fonds proportionnellement au montant de leur créance. III. En cas de pollution par les hydrocarbures A partir du sinistre du Torrey Canyon, le 18 mars 1967, les instances maritimes internationales se sont préoccupées des mesures de prévention mais aussi de la réparation financière à la suite d’une pollution par hydrocarbures. 74 Arrêt Chbre des Lords, Tojo Maru, 16 mars 1971. 75 Navire Djakarta, Lloyd’s Law Reports 2004.I.460 76 Sur la Faute inexcusable : article d’Isabelle Corbier, « faute inexcusable : la notion à facettes multiples »,2005. 77 Cass. 15/07/1941. 78 Voir arrêt Heideberg du 23/08/1993, TC de Bordeaux ; Arrêt de cassation du Johanna Hendrika, 20 mai 1997.
  • 45. 45 79 Le 29 novembre 1969, les états ont signé la Convention sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures80 . Cette convention a été modifiée par le protocole du 27 novembre 1992 (ratifié par la France). Cette convention ne s’applique qu’aux dommages par pollution. Elle fait peser la responsabilité sur le propriétaire du navire (facilement identifiable car son nom apparaît sur le registre d’immatriculation). C’est une responsabilité de plein droit : le propriétaire de navire sera donc déclaré responsable alors même qu’il n’a pas commis de faute, du seul fait du lien de causalité entre la pollution et l’accident de son navire. Cependant, sa responsabilité pourra s’exonérer en cas de force majeure81 , d’actes de guerre, fait d’un tiers (le propriétaire du navire conserve un droit de recours contre le tiers responsable du dommage), faute de la victime ou de l’état concerné (exemple suédois où la mauvaise cartographie de ses eaux a été 79 Source : Institut Supérieur d’économie Maritime 80 Ratifié par la France, décret du 26 juin 1976. 81 Voir mémoire CDMT 2006/2007 sur la « force majeure ».
  • 46. 46 considéré comme une faute de la Suède82 ). De plus, dans la convention de 69/92, même si la responsabilité du propriétaire est fortement canalisée, l’affréteur, l’armateur exploitant ou le capitaine pourra être mis en cause en cas de faute inexcusable. Cette responsabilité est limitée : Pour les sinistres survenus après la 1er Novembre 2003, le montant de base est de 4 510 000 DTS83 , augmenté de 631 DTS par unité de jauge au-delà de 5 000 unités, avec un maximum de 89 770 000 DTS ( environ 110 millions d’euros). Au terme de la convention, tout pétrolier doit posséder un certificat délivré par l’état du pavillon attestant de la souscription d’une assurance de responsabilité civile pour les dommages par pollution (voir certificat en annexe). Suite au constat de l’insuffisance des indemnisations versées, un fond complémentaire a été crée pour l’indemnisation des dommages par pollution : le FIPOL84 . Ce fond est financé par les entreprises pétrolières. Exemple de l’Exxon Valdez : L’échouement de l’Exxon Valdez a donné suite à un long procès ayant pour but l’indemnisation du préjudice matériel subi. En effet, ce navire s’est échoué le 24 mars 1989 dans la baie du Prince William en Alaska. En déversant 50 000 Tonnes de pétrole brut, il avait provoqué une catastrophe écologique majeure. Les procès se sont déroulés aux Etats-Unis où, en plus de l’indemnisation du préjudice matériel, des « punitives damages »85 ont été infligés à la société propriétaire du navire. Le dernier épisode du procès a eu lieu le 23 décembre 200686 réduisant significativement les dommages et intérêts. Dans le cas de l’Exxon Valdez, le tribunal d’Anchorage, Alaska, avait fixé les dommages punitifs à 5 milliards de dollars en 1994. La compagnie pétrolière a fait appel et, après de multiples rebondissements, obtenu dernièrement une réduction de l’amende par la cour suprême à 2,5 milliards de dollars (soit tout de même neuf fois le montant du préjudice matériel). La cour relève des circonstances atténuantes à Exxon dans sa rapidité à avoir mis en œuvre le nettoyage du site et à dédommager les pertes économiques des plaignants… 82 Arrêt du 13 janvier 1983 (DMF 1983.648). 83 Droit de Tirage Spécial. 84 Fond d’Indemnisation pour les dommages de Pollution par les Hydrocarbures, mémoire CDMT 2006/007. 85 Particularité du droit américain, indemnisations supplémentaires pour les infractions particulièrement graves. 86 Journal Le Marin, 29 décembre 2006.
  • 47. 47 Section 2 L’échouement dans le contrat de transport de marchandises Dans le cadre d’un contrat de transport de marchandises par mer, nous pouvons distinguer deux parties distinctes : le transporteur, d’une part, et les ayants droits à la marchandises, d’autre part. Le transporteur, qui sera souvent un armateur, aura pour obligation principale le déplacement de la marchandise. Les ayants droits à la marchandise, constitués du chargeur et du destinataire, auront pour obligations principales la mise à disposition de la marchandise, la réception de la marchandise en temps et lieu convenu, le paiement du fret. Dans cette partie, nous exposerons succinctement le régime applicable, les obligations et les responsabilités des parties au contrat de transport de marchandises par mer. I. Le régime applicable au contrat de transport de marchandises En raison de la diversité et de la complexité des textes, la détermination du texte applicable n’est pas facile. Nous nous bornerons à exposer ce régime dans sa phase maritime, les échouements ayant lieu principalement lorsque le navire fait route. Alors que la loi française du 18 juin 1966 s’applique pour le cabotage national français, la convention de Bruxelles du 25 août 1924 (droit commun du contrat de transport) « pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement » sera la loi applicable dans la majorité des transports internationaux. La convention de Bruxelles de 1924 s’applique aux transports internationaux, c'est-à- dire « entre ports relevant de deux états différents »87 si le connaissement a été émis 87 Article 10, convention de 1924, modifié par le protocole de 1968.
  • 48. 48 dans un état contractant ou bien si le transport a lieu au départ d’un état contractant ou encore si le connaissement contient une clause Paramount88 . Lorsque la convention de 1924 n’est pas applicable, la convention de Rome de 1980 régissant la loi applicable aux obligations contractuelles pourra s’imposer. En effet, la convention de Rome (article 4, alinéa 4) édicte que, dans le contrat de transport de marchandises, « si le pays dans lequel le transporteur a son établissement principal au moment de la conclusion du contrat est aussi celui dans lequel est situé le lieu de chargement ou de déchargement ou l’établissement principal de l’expéditeur, il est présumé que le contrat a les liens les plus étroits avec ce pays » et donc sa loi s’imposera. Sous la pression des pays traditionnellement dit « de chargeurs », les règles de Hambourg de 1978 ont été élaborées dans le but avoué d’aggraver la responsabilité du transporteur. Cette convention internationale n’est entrée en vigueur que le 1er novembre 1992 et seulement dans des pays qui ne représentent que 0.5% de la flotte mondiale (la France ne l’a pas ratifiée). Le champ d’application des règles de Hambourg est plus large que la convention de Bruxelles : port de chargement, port de déchargement, connaissement émis dans un état contractant ou clause Paramount renvoyant aux règles. Cette situation entraîne donc un désordre mondial 89 qui, espérons-le, devrait être résolu avec les travaux actuels de la CNUDCI90 … II. Les obligations des parties au contrat de transport dans la phase maritime 1. Obligations du transporteur dans la phase maritime La principale obligation du transporteur est d’exercer une diligence raisonnable91 pour : a) mettre le navire en état de navigabilité, b) convenablement armer, équiper et approvisionner le navire, 88 Article 10c, clause qui prévoit que les dispositions de la convention régiront le contrat. 89 Aix-en-Provence 7 mai 1997, navire Klim Voroshilov, DMF 1998.29; Cass. 28 mars 2000, navire Teesta, DMF 2000.920 ; Cass. 28 mai 2002, navire World Apollo, DMF 2002.613. 90 Voir Ph. Delebecque, DMF 2004.820. 91 En anglais : « due diligence ».
  • 49. 49 c) approprier et mettre en bon état les cales…pour le transport et la conservation des marchandises92 . La « due diligence » pourrait se définir comme la diligence due par le bon professionnel. Et nous verrons ensuite que seul le transporteur qui fait la preuve de sa diligence raisonnable pourra invoquer indistinctement tous les cas exceptés93 . L’obligation de soins appropriés à la marchandise s’appliquera pendant tout le transport et même après. En cas d’échouement, par exemple, il pourra également s’appliquer en cas de sacrifice d’une partie de la marchandise pour en sauver l’autre partie. L’accomplissement du voyage est l’objet essentiel du voyage. Le transporteur s’engage « à acheminer une marchandise déterminée, d’un port à un autre »94 ; il sera tenu d’agir « de façon appropriée et soigneuse » (Art3.2, Conv. Bruxelles). Le voyage devra s’accomplir en « droiture ». En cas d’interruption du voyage, le décret du 31 décembre 1966, article 40, prévoit que « le transporteur ou son représentant doit faire diligence pour assurer le transbordement et son déplacement jusqu’au port de destination ». Donc dans le cas d’un navire échoué, le transbordement pourra être accompli (ex : Rokia Delmas). Les frais de transbordement pourront être à la charge des ayants droits à la marchandise lorsque l’interruption est due à un cas excepté. Dans les autres cas, les frais seront à la charge du transporteur. Cependant, ces règles n’étant pas d’ordre public, des clauses du connaissement pourront aménager cette répartition des frais en faisant en sorte, par exemple, qu’ils incombent toujours à la marchandise. 2. Obligations des ayants droits à la marchandise Dans la phase maritime, une seule obligation pèse sur les ayants droits à la marchandise ; le chargeur devra faire preuve de sincérité dans la déclaration de la nature de la marchandise. Ainsi, en cas d’échouement provoqué par une fausse déclaration sur l’emballage ou la nature de la marchandise (par exemple, une explosion provoqué par l’incompatibilité entre deux produits dangereux pourra entraîné un incendie, un 92 Convention de Bruxelles, article 3.1 93 Cas dans lesquels le transporteur est exonéré de sa responsabilité. 94 Loi de 66, art 15.
  • 50. 50 naufrage, un échouement), le transporteur sera exonéré de toute responsabilité pour les pertes survenues à ces marchandises. Les ayants droits à la marchandise auront l’obligation de payer le fret. En cas d’événements de mer, l’article 45 du décret du 31 décembre de 1966, édicte que « le transporteur est payé du fret des marchandises jetées à la mer pour le salut commun, à charge de contribution ». En son article 46, le décret énonce que le fret ne sera pas dû si la marchandise vient à périr à la suite de la négligence du transporteur à mettre le navire en bon état de navigabilité. En pratique, les transporteurs insèrent souvent une clause dans les connaissements dite de «fret acquis à tout événement », laquelle tend à maintenir le paiement du fret quel que soit le sort de la marchandise. III. la responsabilité du transporteur 1 Domaine de la responsabilité Le transporteur supporte une « présomption de responsabilité ». La Convention de Bruxelles de 1924 institue, en ses articles 3 et 4, une responsabilité de plein droit à l’égard du transporteur. «Le transporteur est responsable des pertes et dommages subis par la marchandise…à moins qu’il ne prouve… »95 . Dans le projet CNUDCI et dans les règles de Hambourg, il est énoncé que le transporteur est responsable de tout dommage subi par la marchandise pendant la période où elle est sous sa responsabilité, à moins qu’il ne prouve que ni sa faute, ni celle de l’un de ses préposés n’a causé ou contribué au dommage. 2 Les cas exceptés La convention de Bruxelles a prévu dix-huit cas exceptés qui contribuent à l’allègement de la responsabilité du transporteur. En effet, il ne sera pas responsable s’il prouve l’existence de l’un de ces cas. Ces cas exceptés pourront être invoqués en cas d’échouement si celui-ci, par exemple, résultait d’une faute nautique96 , d’un incendie, des périls ou accidents de la mer, d’un acte de Dieu, d’un sauvetage ou tentative de sauvetage. 95 Loi du 18 juin 1966, Art. 27. 96 Commentaire de trois décisions relatives à la faute nautique, DMF 2004, p. 635-641, Isabelle Corbier.
  • 51. 51 Ainsi dans un arrêt du 23 septembre 1999, navire « Ville d’Aurore »97 , qui opposait la Compagnie CMA98 , transporteur maritime, à la Compagnie Securitas, assureur des ayants droits à la marchandise, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a décidé que « le transporteur maritime n’est pas responsable des pertes ou dommages aux marchandises résultant ou provenant d’une faute nautique. Mais ce principe ne l’exonère pas de la responsabilité afférente aux dommages provenant d’une faute distincte, en particulier ceux résultant d’une faute commerciale. En l’espèce, le navire s’était échoué lorsqu’il procédait avec le pilote du port d’Alexandrie de la zone de mouillage vers l’intérieur du port. Une faute nautique a été commise par le commandant, cause de l’échouement. Une faute commerciale a également été constatée dans le manque de soin et de mesures conservatoires apportés à la marchandise à la suite de l’échouement entraînant des pertes et dommages sur la cargaison. Le transporteur n’a pas payé les dommages dus à la faute nautique du Capitaine. Par contre, il a payé tous les dommages résultants de ses fautes commerciales. 3. La limitation de responsabilité du transporteur La convention de Bruxelles, la loi de 66 et les règles de Hambourg accordent au transporteur le bénéfice d’une limitation de responsabilité. La limitation de responsabilité du transporteur maritime déroge au droit commun qui veut que l’auteur en assure la réparation intégrale. La limitation s’applique selon deux modes de calcul, soit par colis ou unité, soit par kilo de marchandise perdue ou endommagée, le montant le plus élevé étant appliqué. Cependant, tout comme la limitation de responsabilité de l’armateur, cette limitation sera « déplafonnée » en cas de faute inexcusable du transporteur99 . 97 DMF 2001.617. p 598. 98 Compagnie Maritime d’Affrètement. 99 Navire teleghma, Aix-en Provence, 07/01/1997, DMF 1997.397 ; Navire Girolata, Cass. 27/10/1998.
  • 52. 52 Section 3 L’échouement dans le contrat d’affrètement Alors que le contrat de transport sous connaissement correspond en majorité au trafic maritime de lignes régulières (par exemple : le transport des conteneurs), le contrat d’affrètement maritime régit l’autre partie du transport maritime, c'est-à-dire principalement le transport des marchandises en vrac (pétrole, minerais, produits chimiques, céréales…). Le contrat d’affrètement ou Charte-partie est le contrat par lequel « le fréteur s’engage, moyennant rémunération, à mettre un navire à disposition d’un affréteur »100 . A la différence du contrat de transport, le contrat d’affrètement est placé très largement sous le principe de la liberté contractuelle. L’éventail de contrats d’affrètement étant très large, nous dégagerons les grandes lignes de l’affrètement à temps, puis de l’affrètement au voyage. I. Le contrat d’affrètement à temps La Charte-partie à temps est un contrat passé pour louer un navire pendant un temps déterminé (par ex : un an). Selon les dispositions de la Charte-partie, le fréteur (souvent l’armateur) s’engage à mettre à la disposition de l’affréteur, la durée convenue et dans un but d’exploitation, le navire désigné, armé par son équipage. (L’armateur restera tenu d’assurer son navire). Le fréteur devra assurer la gestion nautique du navire, l’affréteur, la gestion commerciale. 1. obligation du fréteur à temps L’obligation fondamentale du fréteur est de s’assurer que le navire est en état de navigabilité. Il s’agit d’un devoir dont la rigueur peut être tempérée par la seule 100 Article 1er , loi du 18 juin 1966.
  • 53. 53 obligation d’exercer une diligence raisonnable pour maintenir le navire en état de navigabilité. Cette obligation contractuelle est devenue, avec l’entrée du code ISM, une obligation absolue. Le fréteur devra également s’engager sur les performances du navire. En effet, il sera susceptible de payer des indemnités si la vitesse du navire garantie dans la charte-partie n’est pas respectée ou si le navire a consommé plus de combustible que convenu (sauf si la cause est d’origine météorologique : ex. : vent > force 4). 2. obligation de l’affréteur à temps L’affréteur à temps aura l’obligation d’envoyer le navire dans un port sûr (Clause de « Safe Port »). « Un port ne sera pas considéré comme étant sûr, si pendant la période considérée, le navire en cause ne peut pas l’atteindre, y opérer et en appareiller sans, en l’absence de circonstances anormales, être exposé à des dangers qui ne pourraient être évités par une navigation prudente et l’expérience habituelle du marin »101 . Un port ne sera pas sûr pour deux raisons : soit un élément matériel qui fait obstacle à la navigation, soit un événement d’ordre politique qui menace la sécurité du navire. Dans la sentence arbitrale n°1099 de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris du 25 juin 2004 concernant un navire transportant 150 000 tonnes de minerai de fer qui s’était échoué sur un haut fond à la sortie de son port de chargement, les arbitres ont conclu que « l’événement ne tenait ni d’une innavigabilité du navire, ni à une faute du capitaine ou de l’équipage, et ne pouvait s’expliquer que par l’absence de balisage du haut fond sur lequel le navire s’était échoué ». Le port a donc été considéré « non sûr » (unsafe). L’affréteur à temps avait garanti le caractère sûr du port. C’est pourquoi, il en a assumé toutes les conséquences financières à l’égard de son cocontractant. De plus, en cas de mauvais temps dans un port, les autorités portuaires doivent mettre tous moyens à disposition du navire pour que le port/quai reste sûr. L’affréteur, lui, restera garant à l’égard du fréteur, il pourra désigner un autre port ou quai sûr. Néanmoins le Capitaine a une obligation de diligence et le fait, par exemple, qu’il ne dispose pas d’aussières en nombre suffisant pour doubler 101 Judge Seller, Eastern city, Queen’s Bench, 30 juill. 1958. LLR1958.2.17.
  • 54. 54 l’amarrage, engage la responsabilité du fréteur pour les dommages au navire qui en résultent102 . 3. Suspension de l’affrètement à temps L’affréteur à temps pourra suspendre l’affrètement (« Off Hire ») dans les cas où le fréteur ne respecte pas ses obligations. Dans ce cas, l’affrètement sera suspendu jusqu’au rétablissement de la navigabilité du navire. Dans le cas d’événements empêchant le plein usage du navire, il est de jurisprudence que l’incident motivant l’intention de suspendre l’affrètement doit empêcher le plein usage du navire. Exemple : Le « Marika M» est un navire qui s’est échoué à Barhein le 17 juillet 1980103 alors qu’il faisait route sur le poste désigné par l’affréteur. Le navire est resté échoué 10 jours, puis a eu à attendre un poste à quai encore 10 jours après son déséchouement. Le tribunal décida que la Charte avait été suspendue pour la période au cours de laquelle le navire était échoué. Une fois déséchoué, le navire était à nouveau a même d’être utilisé pleinement et devait donc être repris en charge par l’affréteur. II. Le contrat d’affrètement au voyage L'affrètement au voyage est le contrat par lequel le fréteur met à la disposition de l'affréteur, en tout ou en partie, un navire armé et équipé dont il conserve la gestion nautique et la gestion commerciale, en vue d'accomplir, relativement à une cargaison, un ou plusieurs voyages déterminés. Le contrat définit la nature et l'importance de la cargaison; il précise également les lieux de chargement et de déchargement, ainsi que le temps prévu pour effectuer ces opérations. 1. obligations du fréteur au voyage Le fréteur doit présenter, au lieu et au moment convenu, le navire en bon état de navigabilité, armé et équipé convenablement pour accomplir le voyage prévu. 102 Sentence n°1111, CAMP, C/P Synacomex, Port/post sûr. 103 Lloyd Rep 622, C/P NYPE, cours CDMT de Mr Figuière.
  • 55. 55 Il s'oblige, en outre, à maintenir le navire en bon état de navigabilité et à faire toute diligence qui dépendent de lui pour exécuter le voyage. Le fréteur est responsable de la perte ou de l'avarie des biens reçus à bord, dans les limites prévues par le contrat. Il peut cependant se libérer de cette responsabilité en établissant que les dommages ne résultent pas d'un manquement à ses obligations. 2. obligations de l’affréteur au voyage L'affréteur est tenu de mettre à bord la cargaison, suivant la quantité et la qualité convenues. S'il ne le fait pas, il est néanmoins tenu de payer le fret prévu. Il peut, cependant, résilier le contrat avant de commencer le chargement; il doit alors au fréteur une indemnité correspondant au préjudice subi par ce dernier, mais qui ne peut excéder le montant du fret. Dans le cas d’un navire qui s’échoue alors qu’il est en chargement dans un port, le fréteur a l’obligation de signer et remettre les connaissements selon les termes de la Charte-partie contre paiement du fret sur poids connaissementé104 . En l’espèce, un navire a été donné en affrètement sous charte-partie « Norgrain 89 ». Au port de chargement et alors qu’une grande partie du tonnage prévu était déjà à bord, le navire, sous l’effet de la marée, a rompu ses amarres et s’est échoué sur un haut fond à proximité. L’armateur a déclaré son navire en avaries communes et a soumis la signature et la remise des connaissements à diverses conditions dont le refus de l’armateur de délivrer des connaissements établis conformément à la Charte-partie. Les arbitres ont déclaré qu’il fallait faire une application stricte des dispositions de la Charte-partie. L'affréteur doit charger et décharger la cargaison dans les délais alloués par le contrat ou, à défaut, dans un délai raisonnable ou suivant l'usage du port. Les délais pour charger ou décharger courent à compter du moment où le fréteur informe l'affréteur que le navire est prêt à charger ou à décharger, après son arrivée au port. En cas de dépassement des délais alloués, pour une cause qui n'est pas imputable au fréteur, l'affréteur doit, à compter de la fin du délai alloué pour charger ou décharger, des surestaries; celles-ci sont considérées comme un supplément du fret et sont dues pour toute la période additionnelle effectivement requise pour les opérations de chargement ou de déchargement. 104 Sentence 1053, CAMP, 26 septembre 2001.
  • 56. 56 Le fret est dû à la fin du voyage. Il n'est toutefois pas dû en toutes circonstances. Ainsi, lorsque l'achèvement du voyage devient impossible, l'affréteur n'est tenu au fret que si cette impossibilité est due à une cause non imputable au fréteur. Le contrat est résolu de plein droit, sans dommages intérêts de part et d'autre, si, avant le commencement du voyage, il survient une force majeure qui rend impossible l'exécution du voyage. Quant à l’obligation de port sûr, l’affréteur au voyage pourra être désigné responsable dans la mesure où une clause stipulant cette obligation a été négociée au préalable dans la charte-partie105 . 105 Sentence 1099, CAMP, 25 juin 2004.
  • 57. 57 Section 4 Le Navire victime d’échouement : Institutions du droit maritime Lorsqu’un navire est affecté par un incident dans son exploitation et, plus particulièrement, en cas d’échouement, deux institutions seront susceptibles d’entrer en jeu : L’assistance maritime et la théorie des avaries communes. Dans cette partie, nous étudierons donc successivement ces deux institutions, puis nous nous interrogerons sur le rôle des experts maritimes. I. L’assistance maritime A la suite d’un échouement, le navire peut avoir besoin de l’aide d’un remorqueur pour se déséchouer. La question qui se pose dans ce cas est de savoir si ce sont les règles du contrat d’assistance maritime ou bien les règles du contrat de remorquage qui s’appliquent. L’application des règles de l’assistance entraînera le paiement d’une indemnité beaucoup plus élevée pour l’armateur que les règles du remorquage « classique ». L’assistance est régie par la convention de Londres du 28 avril 1989 entrée en application en France le 20 décembre 2002. L’assistance est définie comme tout acte ou activité entrepris pour « assister un navire ou tout autre bien en danger dans n’importe quelles eaux ». Le contrat d’assistance en mer, dont il existe plusieurs modèles type106 , est signé entre un représentant des biens à sauver (en générale le Capitaine) et l’assistant. En cas de résultat utile (« no cure, no pay »), le montant de la rémunération revenant à l’assistant est déterminé selon des critères très précisément énumérés qui sont fonction de la valeur des biens sauvés (navire et cargaisons): soit par négociation, soit par voie arbitrale, soit par voie judiciaire. Dans une affaire opposant la compagnie les Abeilles (remorqueur « Abeille 14 ») et la compagnie européenne d’armement (navire « Salat »), la Cour d’Appel de 106 Les plus courantes : Lloyd’s Open Form ; contrat Villeneau.