1. L’affiliation
sociale par
la virtualité
numérique… !
Mustapha Chagdali
Psychosociologue
N°13 - JUIN 2014 - 20 DH
Nouveau
Guide d’achat
interview-tchat
Samia Akariou
«Le Web et
moi, ça fait
deux»
La reine de la cuisine marocaine
migre vers le Web
Choumicha à la
conquête du digital
football
Top 9des
applications
pour suivre le
Mondial 2014
Fatwas 2.0
Quand les
Muftis tissent
leur toile
enquête
Le Maroc est l’un des
pays les plus exposés
à la cybercriminalité.
Un arsenal juridique a été
mis au point pour lutter
efficacement contre ce fléau.
Mais est-ce suffisant ?
Cahier
spécial de
12 pages
portrait
analyse
Cybercriminalité
L’autre danger qui
guette le Maroc
2.
3. EDITO
L
’internaute fête son premier anniversaire. Il y a une année,
nous avons entrepris de lancer ce magazine, avec l’espoir de
contribuer au boom que connaît le Web marocain, en donnant
la parole aux faiseurs d’opinion, en promouvant les jeunes ini-
tiatives méritantes, en encourageant les jeunes porteurs de
projet, en offrant un espace d’expression aux adeptes des TIC… Notre ambition
était au départ, est toujours, d’offrir un créneau aux férus du Web pour s’expri-
mer librement et exprimer leur talent. La plupart, sinon tous, le font à coup sûr
dans leurs pages Facebook et autres. Nous n’avions pas la prétention de sup-
pléer ces moyens de communication devenus intrinsèques, ni les concurrencer
(aurions-nous pu d’ailleurs si nous l’avions voulu ?), mais plutôt d’offrir un nouvel
espace complémentaire. Les non consommateurs d’Internet figurent également
parmi notre cible. A ceux-là nous espérons leur rapporter ce qui se passe dans le
monde de la Toile et les nouveautés qui s’y rapportent. Notre conviction émane
du fait qu’un grand besoin se faisait ressentir en la matière. C’était aussi un risque
que nous avons pris. D’aucuns n’ont pas manqué de nous mettre en garde contre
pareille entreprise. D’autant que les supports papier dédiés au Net n’existent pra-
tiquement pas au Maroc.
S’il est encore tôt de dire que nous avons relevé le challenge, il n’en demeure pas
moins que nous avons ouvert une brèche. Nous sommes donc pionniers, et nous
sommes en droit de nous en targuer tout en œuvrant, numéro après numéro, à
améliorer la qualité de notre produit. Un an, ça passe certes très vite. Mais un an
est aussi synonyme de beaucoup d’efforts consentis, de travail assidu, de sacri-
fices… Tant le domaine de l’édition au Maroc- c’est un secret de polichinelle- est
jalonné de moult difficultés. Notre espoir est d’avoir atteint un tant soit peu nos
objectifs escomptés.
Nous sommes conscients que beaucoup reste à faire. Raison pour laquelle nous
nous évertuons à améliorer notre produit, qui subira une refonte totale lors de la
prochaine rentrée.
Merci à vous tous, chers lecteurs, qui nous suivez, qui nous lisez et qui nous
encouragez… Et dont beaucoup d’entre vous n’hésitent pas à nous faire part de
leurs remarques et suggestions. Sans vous, ce magazine n’existerait pas. Vos
contributions sont toujours les bienvenues. Continuez à nous écrire et à poster
vos commentaires sur notre site www.linternaute.ma ou sur notre page Facebook
www.facebook.com/linternautemagazine.
Enfin, que tous ceux qui ont participé et participent à cette aventure trouvent
l’expression de notre profonde reconnaissance.
Ahmed Moumnine
Directeur de la Publication
Un an déjà !
Un an, ça passe
certes très vite. Mais
un an est
aussi synonyme
de beaucoup
d’efforts consentis,
de travail assidu,
de sacrifices…
L’internaute est édité par BUZZ Communication sarl 332, Bd Brahim Roudani - Casablanca
Site web : www.linternaute.ma - Tél. : 05 22 98 36 39 Fax : 05 22 98 47 15
Directeur de la publication Ahmed Moumnine a.moumnine@linternaute.ma - Directeur de la rédaction Hanane Elouadrhiri h.elouadrhiri@linternaute.ma
Rédacteur en chef : Abdelkader El-Aine - Rédaction: Aicha Lahou - Aicha Idrissi - Mohamed El Fillali - Wafae Yamani - Révision: Jallil Zaitouni
Documentation: Mohamed Rochdi - Photographe: Said Slimani - Edition: Saida Kamili - Comptabilité: Fatimzahra Bouraki - Conception graphique:
BackOffice - Département Commercial: Houria Sedrati h.sedrati@linternaute.ma - Impression: Bahi print - Distribution: Sochepress - Dossier de presse:
N° 46/2012
4. L’internaute n°13 • Juin 20144
SOMMAIRE
P.10
P.54
Actu
DOSSIER
life style
6
8
9
10
14
16
18
44
42
46
48
50
27
54
56
58
59
64
66
BIZ
Cybercriminalité
P.42
FESTIVALS
Que la fête
continue !Le fléau qui
terrorise
le monde
La nouvelle
vie de
Choumicha
The cool king
Visite Royale à Tunisie
Casanegra
Indignez-vous !
Arrêt sur image
Quand Obama amuse la toile
DEBÂT
20 Urbanisme durable
pour une casablanca Smart
Cybercriminalité
Le fléau qui terrorise le monde
Dr anas Abou El Kalam
Les sites marocains
Cybercriminalité :
information et sensibilisation
ali el azzouzi
La cybercriminalité se joue
des frontières entre les pays»
La remarquable success-
story de choumicha
Les TV Ultra HD et OLED
débarquent au Maroc
bienvenue dans le nouvel
univers Smart TV
Samir Boukharta
Le Maroc rejoint le marché
mondial du Wi-fi
Samia Akariou
«Sur le Web, on ne peut
empêcher les gens de
manifester leur amour»
Sport
Mondial 2014
Culture
C’est reparti pour les
festivals
Chronique
L’ordi
Livres
À lire sur le Web
Cinéma
Les films marocains
ont la cote
Renault Mégane coupé
Le plaisir de conduire
Mustapha Chagdali
L’affiliation sociale par la
virtualité numérique… !
initiatives
22
25
26
Phénomène
Les Muftis du Web
Startup Weekend Maroc
Trois éditions et un franc
succès
issam Darui
Lagare : Voyager intelligent
Youssef Ghalem
Parole de scout
6. actu
L’internaute n°13 • Juin 20146
The cool king
Facebook
Voyeurisme abject à Casa
Médias
J.A lance un
service de photo
à la demande
Après une accalmie relative, les snipers aimant pêcher en eaux
troubles sont revenus à la charge.Après de nombreuses villes du
royaume, c’est autour de Casablanca d’avoir sa page «Fada’ih»
(scandales) sur Facebook. Intitulée «Haribate Addar Al Beida»
(Les fuyardes de Casablanca), ladite page, apparue mercredi
21 mai, diffuse des photos intimes de filles casablancaises ainsi
que les numéros de téléphone de certaines d’entre elles. Plus
abject que ça, tu meurs!
Le groupe Jeune Afrique, éditeur de
l’hebdo éponyme, vient de lancer la
première banque d’images dédiée au
continent africain : jeuneafriquepic-
tures.com. Disponible en français
et en anglais, cette plateforme est
destinée à la presse, à l’édition, aux
agences et aux entreprises. L’inscrip-
tion est gratuite et le téléchargement
d’image est payant selon différents
critères: taille, support, diffusion...
Pour la presse écrite par exemple, le
prix d’une photo varie en fonction du
formatde100à402euros(de1122à
4513 dirhams). Plutôt cher.
La chanson «Enty Baghya Wa-
had» de Saad Lamjarrad est en
passe de réaliser des scores des
plus remarquables. Plus de 18
millions de vues, c’est du jamais
vu pour un chanteur marocain et
arabe. Le plus grand score pour
un chanteur dans le monde ara-
be était jusque-là détenu par la
Libanaise Haifae Wahbi n’ayant
jamais dépassé les 8 millions de
vues.Avec pareil score, Lemjarrad
fait son entrée solennelle dans le
gotha des grandes stars arabes.
Lamjarrad détrône Haifae Wahbi
YouTube
La récente visite du roi Mohammed VI en Tunisie
a laissé de très bonnes impressions chez nos
voisins. Au-delà des accords bilatéraux signés
entre les deux pays et la confirmation de l’excel-
lence des relations entre le Maroc et la Tunisie,
le roi a enchanté les Tunisiens par ses balades
sans protocole et sa simplicité. Sa disponibilité
à répondre à l’appel des Tunisiens désireux de
prendre des photos-souvenirs avec lui, a ravi la
Toile. Les médias tunisiens ont été admiratifs à
l’affabilité de Mohammed VI. De même, le prési-
dent tunisien Moncef Marzouki a publié sur son
compte Facebook une photo du souverain se
baladant librement à Tunis au milieu de la foule.
De même, le prince héritier Moulay El Hassan et
le prince Moulay Rachid ont vécu, très décontrac-
tés, des bains de foule à Tunis.
Baccalauréat
Tricheries à l’ère du numérique
Campagne anti-Danone
Benkirane rejoint Skizofren
Les dernières augmentations des
prix de certains produits laitiers
dont Danone n’ont pas été du goût
de nombreux internautes. Une page
appelant au boycott de Danone a été
ainsi lancée sur Facebook. Le chef
du gouvernement Abdelilah Benkirane a joint sa voix à celles des mécontents.
«Je ne vais plus prendre Danone durant dix jours», a-t-il dit, samedi 24 mai,
révélant avoir été «ému» par une vidéo sur YouTube, dénonçant cette aug-
mentation. Réalisée par «TV Skizofren», la vidéo en question a dépassé en dix
jours les 500 000 vues. Lien de la vidéo: www.goo.gl/NRUhbd
Lesépreuvesdubaccalauréatsedé-
rouleront les 10, 11 et 12 juin. Rachid
Belmokhtar, ministre de l’Education
nationale, a menacé d’instaurer des
peines de prison allant de 3 mois
à 3 ans pour les candidats pris en
flagrants délits de tricherie ? «Ces
sanctions concerneront tous les
candidats vus en possession d’un smartphone, d’une tablette ou de tout autre
équipement similaire, qu’ils soient en train de l’utiliser ou non», a laissé entendre
le ministre. Entre-temps, pas moins de dix pages Facebook ont été lancées, qui
promettent de «donner un coup de main» aux étudiants, en diffusant les réponses
et en les envoyant par SMS. L’an dernier, des cas de tricherie ont été enregistrés
et plusieurs fraudeurs ont été sévèrement sanctionnés.
7. 7L’internaute n°13 • Juin 2014
E-administration
L’Intérieur passe en mode SMS
Chers amis internautes, vous êtes appelés à
régler vos montres sur l’heure GMT. Car- le
mois sacré de ramadan oblige- le Maroc
passe à l’heure normale. Samedi 28
juin, à 3h00, vous devez retarder vos
montres de 60 minutes. Une décision
annoncée par le ministère chargé de la
fonctionpubliqueetdelamodernisation
de l’administration. Quant au retour
à l’heure GMT+1, il est prévu pour le 2
août. Très bon ramadan.
YouTube
«Indignez-vous»
artistiquement
Des internautes dont l’identité reste
inconnue ont postée sur YouTube
une chanson s’en prenant au gou-
vernement et à son chef Abdelilah
Benkirane. Intitulé «Enty Mas-
khouta», l’opus est inspiré du grand
succès de Saad Lamjarred «Enty
Baghya Wahad». D’une bonne qua-
lité artistique, «Enty Maskhouta»
pointe du doigt la cherté de la vie
et la hausse des prix. Une nouvelle
forme de protestation qui n’est pas
sans rappeler les chansons enga-
gées dans les années 70 et 80.
Lien de la chanson : youtube.
com/watch?v=4ki9ViNIuo8
Carricature
Depuis la nomination à sa tête de
Mohamed Hassad, le ministère de
l’Intérieur communique de mieux
enmieux.Ainsitouteslesannonces
des concours dans l’administration
publique et les collectivités terri-
toriales ainsi que leurs résultats
définitifs et leurs listes d’attente,
sont sur le portail «www.emploi-
-public.ma». Mieux, le ministère
a envoyé récemment des SMS
aux candidats ayant réussi dans
l’examen oral d’entrée à l’Ecole de
perfectionnement des cadres de
Kénitra. Les 260 heureux élus ont
reçu un texto leur demandant de
rejoindre l’Institut, vendredi 16 mai,
soit deux jours après les épreuves.
Ce qui, de l’avis des observateurs,
constitue un record.
Paru dans «Le Courrier international»
Retour à la normale
Après l’heure, c’est plus l’heure
8. actu
L’internaute n°13 • Juin 20148
Les hackers s’en mêlent
Incorrigible Sina !
On sait qu’un coup de froid frappe
les relations maroco-mauritaniennes
pourtant toujours au beau fixe. Et
c’est en représailles au rapproche-
ment entre l’Algérie et la Mauritanie,
bénéficiant au polisario, que des
hackers marocains qui se font pré-
nommer «L’agent secret marocain»
ont piraté plusieurs sites électro-
niques mauritaniens officiels dont
ceux de la primature et du ministère
de la Justice. Les hackers ont laissé
surlapaged’accueildessitespiratés
le message «Ennemis du Maroc»
avec la photo des chefs d’Etat algé-
rien et mauritanien.
Après une petite absence, Sina, de son vrai nom Ibtissam Nejjari, revient en
force avec une nouvelle chanson et une nouvelle vidéo diffusée fin mai sur
YouTube. Et là encore, l’autoproclamée artiste donne libre cours à son chara-
bia et son délire. Des paroles incompréhensibles et des gestes sur un lit qui
frisent le ridicule. Ce qui a suscité un tollé sur la Toile et sur les sites internet
même ceux qui jusque-là observaient une certaine neutralité. Y a-t-il un psy
dans la Toile ?
Q
ue de Mozart assassinés !». C’est Antoine de
Saint-Exupéry qui dit cette phrase emplie d’ad-
miration à l’égard de jeunes qu’il vit jouer, dans
un train, du violon avec un art consommé et un talent de
virtuose. On peut reprendre cette expression admirative et
compassée pour les jeunes internautes marocains dont le
sens de l’humour, les piques et répliques n’ont d’égal que
leur dégoût de la médiocrité des gestionnaires de la chose
publique.Après le vocabulaire animalier du chef du gouver-
nement Abdelilah Benkirane, «Afarit wa tamassih» (diables
et crocodiles), voilà que la grammaire politique marocaine
s’enrichit d’une nouvelle formule. Avec le fameux «va-
te-faire-f…» de Mohamed El Ouafa, ministre des Affaires
générales et de la Gouvernance, on a franchi un nouveau
pas dans le langage ordurier décidément le propre de la
terminologie politique marocaine. Et c’est tout le Web qui
jubile. Les internautes y trouvent leur compte. Qui tiendra ri-
gueur aux jeunes, reprenant cette expression fielleuse d’El
Ouafa ? Cependant le ministre volubile et toujours à côté
de la plaque n’est pas le seul à nous gratifier de pareilles
balivernes et sornettes. Ainsi, lorsque Benkirane, que les
internautes affublent de «Mister Bean», déclare boycotter
Danone à cause de l’augmentation du prix de ce produit
laitier, suggérant aux Marocains de faire du Raïb (lait caillé
fait maison), c’est du pain béni pour les internautes. Photos-
hop aidant, de nombreux internautes ont tourné en dérision
les propos hors de propos de Benky. Mais il n’y a pas qu’El
Ouafa et Benky qui amusent une galerie ne demandant
qu’à l’être. Les séances des questions orales au Parlement
font également les choux gras des internautes. Lesquels
s’empressent, désormais, d’immortaliser les quiproquos,
tirs à la corde, combats de coqs… Un vrai régal, quoi !
D’autant que cette incapacité déconcertante de nos gou-
vernants à se parer les plumes du con, fait le buzz. Et cela
rend les Marocains, dépités par tant d’incongruités, desAh-
med Snoussi (Bziz)- l’artiste le plus censuré dans le monde,
notre Nelson Mandela de l’humour. Et c’est tant mieux que
les internautes marocains prennent le relais, en dénonçant
avec art et manière les bêtises ô combien nombreuses de
nos gouvernants.
Que de Bziz assassinés !
TOP
FLOP
Soufiane El Bahri
Abdelilah Saouti
Ce jeune qui
administre
une page des
fans du roi
Mohammed VI
sur Facebook,
a cartonné en publiant
des photos exclusives du
souverain à Tunis. Soufiane
est en passe de devenir une
référence en la matière.
Le célèbre
commissaire
d’Al Fida-Mers
Sultan s’étant
illustré lors de la
fameuse cam-
pagne contre les «Mchar-
mline» et dont une page
Facebook a été créée en
son nom louant ses services,
vient d’être démis de ses
fonctions. Mauvais œil ?
Ne l’enterrez pas vivante
Politique
Lancée il y a quelques mois sur Fa-
cebook, la page «Save Casablan-
ca» ne cesse de rallier à sa cause
plusieurs Bidaouis indignés par
l’état lamentable des murs déla-
brés, les immondices qui jonchent
plusieurs artères… A ce jour,
la page compte plus de 32 600
membres. Et tous expriment leur
mécontentement quant à la ges-
tion de la chose publique. D’autres
pages «Save Casablanca» sont
également sur les réseaux so-
ciaux, pointant du doigt la démis-
sion des élus locaux. Puissent ces
indignés être entendus. Amen.
Casanegra
Indignez-vous !
Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des Libertés, mardi 20 mai, devant la Commission de
justice et de législation, au sujet de l’attribution de la surveillance du commerce électronique au
ministère de Défense au lieu de l’ANRT.
«La sécurité informatique du royaume est aussi
importante que la sécurité des frontières du
pays.»
Par A.E.A
9. 9L’internaute n°13 • Juin 2014
Mondial 2014
Derb Ghallef vs BeIN Sport
Verbatim
Frédéric Martel est écrivain et chercheur,
auteur de neuf livres dont Mainstream, où il
décrivait en 2010 la guerre de la culture et des
médias, traduit depuis dans une vingtaine de
pays. Chroniqueur à France Info et animateur
depuis huit ans de Soft Power, le magazine
sur les industries créatives et le numérique de
France Culture, il a publié le 23 avril «Smart»,
aux éditions Stock , un travail de terrain qui
s’appuie sur des centaines de témoignages
recueillis de la Silicon Valley à Tokyo, du Brésil
à Washington, de Soweto à Mexico, de Tel-
Aviv à Cuba ou encore à Gaza, pour décrire
un monde connecté, globalisé, mais, c’est
une surprise, particulièrement territorialisé.
En effet, d’après l’auteur, une autre géopoli-
tique d’Internet se dessine. Sa conviction ?
«Nous vivons avec l’idée qu’Internet est glo-
bal, identique partout. Or, il est partout différent.
Les conversations numériques sont toutes sin-
gulières. En enquêtant sur le terrain dans une
cinquantaine de pays, j’ai constaté que le numé-
rique était très fragmenté, très territorialisé ; que
sa dimension globale était très limitée. C’est la
thèse principale de ce livre «Smart» et c’est
pourquoi je parle des «internets» au pluriel et
avec un «i» minuscule. On ne peut pas com-
prendre le Web depuis son seul ordinateur.
A l’idéologie et aux chiffres déversés par les
géants du Net, il faut opposer l’enquête de ter-
rain.» Surtout, il remet en cause la méfiance
des élites par rapport à Internet. «Le numé-
rique est par nature anxiogène, car il rebat
toutes les cartes. La peur qu’il suscite est donc
légitime. Mais je ne souscris pas aux visions
pessimistes comme celle d’Alain Finkielkraut.
Non, Internet ne menace pas notre identité,
notre langue ni notre culture. Il peut même
les nourrir, les conforter. Et cette méfiance
ne vient pas seulement des élites, elle vient
aussi des peuples. Or, Internet peut redonner
du pouvoir aux individus, et rendre la vie, les
objets, la ville plus intelligente, plus «smart»,
ce qui explique le titre de ce livre. En 2025,
on estime que 7 milliards de personnes seront
connectées, contre 2,7 milliards aujourd’hui.
Une autre géopolitique d’Internet se dessine.»
Bref, Smart est une enquête passionnante qui
bouscule bien des idées reçues pour com-
prendre les enjeux du monde qui vient. Mais
aussi enthousiaste : Internet ne doit pas nous
faire peur, il sera ce que nous en faisons.
In «Lepoint.fr», 21 juin 2014.
A l’approche de la Coupe du monde de
football (12 juin-13 juillet au Brésil), c’est
une course contre la montre qu’ont enta-
mée les hackers de par le monde, dont
des Marocains et particulièrement ceux de
Derb Ghallef. L’objectif est de décoder le
récepteur agréé par BeIN Sport, ancêtre
d’Al Jazeera Sport, et dont le prix est de
700 DH avec l’obligation de débourser 2300 DH pour un abonnement d’un an. Les pauvres
citoyens sont dans l’attentisme, espérant que les hackers parviennent à leur offrir à bas prix
un spectacle dont il était pourtant dit «pour tous». Le foot, sport des pauvres ? Tu parles
Charles !
Makhzen 2.0
«La solution pour sortir
de la crise politique, éco-
nomique et social, est le
passage au «Makhzen
2.0». Si l’on continue à
mentir aux gens et à leur
cacher la vérité, ils vont
migrer vers les chaines
satellitaires et les sites
électroniques…»
Karim Tazi, homme d’affaires, au quotidien
«Al Massae», samedi 24 mai 2014.
Benkirane vs Sitail
La Toile s’en mêle
Dans la presse
«Ne dites plus Internet, mais les internets !»
Quand Obama amuse
la Toile
Une image tirée d’un clip de la campagne
de Michelle Obama contre l’obésité (Let’s
Move) est devenue la risée des inter-
nautes. Postée via le compte Twitter du
président américain, cette photo montrant
Barack Obama et Joe Biden en train de
faire leur footing dans les couloirs de la
Maison-Blanche, a été détournée. Et le
résultat est pour le moins impressionnant.
Merci Photoshop.
Cela fait belle
lurette que le
torchon brûle
entre le chef du
gouvernement
Abdeilah Benki-
rane et la direc-
trice de l’information de 2M Samira Sitail. Cette dernière
a décidé de sortir de son mutisme. Dans une déclaration
à plusieurs médias écrits et électroniques, elle a accusé
Benkirane de «harcèlement moral» et de «misogynie».
Les internautes n’ont pas tardé à réagir en lançant une
vidéosegaussantdesdeuxprotagonistessouslethème
moqueur «Touche pas à mon moral» avec le hashtag
#harcèlement_moral.
Arrêt sur image
11. 11L’internaute n°13 • Juin 2014
A.E.A
Le coût effrayant de
la cybercriminalité
Al’èredelaglobalisation,lacybercriminalitéconstituedésormaisunemenace
permanente sur la Toile.Aussi bien les particuliers que les entreprises et les
pays,nuln’estépargnéparlerisqued’uneattaque. Etlecoûtestangoissant.
L
a cybercriminalité est définie comme étant «toutes les infractions
pénales susceptibles de se commettre sur ou au moyen d’un sys-
tème informatique généralement connecté à un réseau». Ces der-
nières années, la cybercriminalité a pris plusieurs formes, plusieurs
visages… Et c’est surtout les dégâts que cause cette forme de crimi-
nalité, qui dépassent souvent l’entendement.
Un rapport publié début juin 2014 par le Center for Strategic and International Studies
(CSIS) basé à Washington, interpelle. Selon ce rapport de 24 pages, la cybercrimina-
lité coûte environ 445 milliards de dollars par an à l’économie mondiale en matière de
croissance, d’innovation et de compétitivité.
Les puissances économiques sont les premières touchées. Pour les Etats-Unis, la
Chine, le Japon et l’Allemagne, le coût atteint un total de 200 milliards de dollars. Les
pertes liées aux données personnelles, telles que les données des cartes de crédit vo-
lées, sont estimées à 150 milliards de dollars, souligne le CSIS. C’est donc un tableau
noir que dresse ledit rapport qui recense les différentes formes de cybercriminalité,
rendues possibles par l’évolution de l’Internet et son utilisation pour le développement
de l’activité économique.
Ce qui laisse craindre, comme le souligne le rapport, que «le coût de la cybercri-
minalité va continuer à augmenter suite à l’accroissement des services en ligne».
Les activités cybercriminelles pénalisent lourdement les économies du monde. Elles
menacent également les emplois au sein des entreprises ciblées. «La cybercriminalité
est un impôt sur l’innovation ; elle ralentit le rythme de l’innovation dans le monde en
réduisant la rémunération des innovateurs et des inventeurs», a déclaré Jim Lewis du
CSIS dans un communiqué. La sonnette d’alarme est tirée.
Les chiffres de 2011, au Maroc
32 cas de menaces ou annonces commerciales suspectes sur le net.
26 cas d’atteintes aux personnes (menaces, injures, détournements de comptes…)
21 cas d’infractions économiques et financières
12 cas de violation de systèmes informatiques.
9 cas de Pédopornographie
4 cas d’atteintes aux institutions et cyber-terrorisme
Source : Direction générale de la sûreté nationale (DGSN)
12. L’internaute n°13 • Juin 201412
dossier
Cybercriminalité
Le fléau qui terrorise le monde
L
a cybercriminalité a pris ces
dernières années des pro-
portions alarmantes tant à
l’international qu’au Maroc.
Les délits ayant pignon sur
Internet ont largement acquis leurs lettres de no-
blesse dans les rubriques «faits divers» et autres
chroniques judiciaires de la presse nationale et
internationale. Mais y a-t-il réellement de quoi
s’inquiéter ? La cybercriminalité a-t-elle vraiment
atteint des proportions alarmantes ou est-ce juste
un alarmisme exagéré induit par la nouveauté et
surtout l’incompréhension de cette nouvelle forme
de criminalité ?
«La cybercriminalité a pris de l’ampleur. Elle a de
multiplesvisages.Quecesoitauniveaudesindivi-
dusoudesorganisationscriminelles,leconstatest
deplusenplusinquiétant»,souligneAliElAzzouzi,
expertensécuritéinformatique,fondateurdeData-
Leschiffresetlesfaitsl’attestent:lacybercriminalitéprenddel’ampleur.Etatendanceàsepropagercommelapeste.
Ses menaces pèsent sur tous les Etats, sans exception aucune, et sur leurs différentes institutions. Le Maroc, bien
que doté d’un arsenal juridique avancé et d’instruments au point pour lutter contre ce fléau, figure parmi les pays les
plus ciblés par ce phénomène.
protect et auteur du livre «La cybercriminalité au
Maroc».
Laluttecontrecefléaun’estpasunesinécure.Elle
bute contre de nombreux obstacles juridiques et
surtout techniques réduisant les efforts menés par
les autorités compétentes.
Surtout, comme le relèvent les spécialistes, l’inter-
nationalisation technologique, le caractère vaste
des réseaux informatiques ainsi que la rapidité
dans la commission des infractions figurent parmi
les principaux obstacles. Ainsi, bien des cybercri-
minels commettent leurs forfaits dans des pays se
trouvant à des centaines de milliers de kilomètres
deleurlieuderésidence.Fraudebancaire,usurpa-
tion d’identité, espionnage, atteinte aux systèmes
informatiques, atteinte aux personnes, haine
raciale, incitation au terrorisme... sont autant de
casse-tête découlant de cette forme de criminalité
et qui hantent les esprits.
D’autant que, aujourd’hui, personne n’est à l’abri
d’une attaque cybercriminelle. Et le Maroc ne
déroge pas à la règle.
«La cybercriminalité est un problème internatio-
nal qui se joue des frontières entre les pays. Le
développement rapide des technologies de l’infor-
mation fait que le Maroc est certes touché par ce
phénomène nouveau au même titre que d’autres
paysdanslemonde»,estimeSaidLhrai,président
de la CNDP(Commission nationale de contrôle de
la protection des données à caractère personnel).
La possibilité de cacher son identité, la vulgari-
sation et le développement des techniques d’at-
taques,l’adoptionàgrandeéchelleduWeb2.0ont
accéléré la propagation de la cybercriminalité. La
menace évolue au même titre que la progression
dans le domaine informatique.
Lorsdel’ouverturedusommetafricaindel’Internet,
vendredi 30 mai à Djibouti, le directeur général de
13. 13L’internaute n°13 • Juin 2014
DjiboutiTelecom, MohamedAssoweh Bouh, a es-
timé que la cybercriminalité était aujourd’hui l’une
desformesdecriminalitéquiconnaîtlacroissance
la plus forte dans le monde. «De plus en plus de
malfaiteursexploitentlarapiditéetlafonctionnalité
des technologies modernes, ainsi que l’anonymat
qu’elles permettent, pour commettre les infrac-
tions les plus diverses comme l’accès non auto-
risé à des services financiers en ligne, le piratage
des données et des systèmes informatiques, le
vol d’identité, la diffusion d’images d’abus pédo-
sexuels, l’escroquerie aux enchères sur Internet,
propagation de virus…», a-t-il expliqué.
Et c’est d’autant plus inquiétant que le nombre
d’internautes est de 2 484 915 152, soit 35% de la
populationmondiale-selonleschiffresavancésen
janvierdernierparl’agencespécialistedesmédias
sociaux WeAre Social de Singapour.
«Un arsenal juridique avancé»
Selon une étude de l’éditeur de solutions de sécu-
rité McAfee, la cybercriminalité a généré en 2008
plus de 1 000 milliards de dollars, soit plus que ce
qui a été généré pour la même année par le com-
mercededrogueàl’international.Pasétonnantde
voir de plus en plus d’adeptes s’y adonner.
Le phénomène semble avoir acquis à sa cause
des milliers d’internautes, n’hésitant pas à franchir
le pas de l’escroquerie et de la fraude.
«Finie l’époque où les actes de déviance dans le
cyberespacen’étaientquelesœuvresdesacteurs
en quête de reconnaissance sociale. Aujourd’hui,
la cybercriminalité est une activité qu’on pratique
mis en place une cellule de veille qui traque quo-
tidiennement les menaces de cybercriminalité au
Maroc. Dans le détail, ce sont 32 cas de menaces
ou annonces commerciales suspectes sur le
Net, 26 cas d’atteintes aux personnes (menaces,
injures, détournements de comptes…), 21 cas
d’infractions économiques et financières, 12 cas
de violation de systèmes informatiques, 9 cas de
pédopornographie et 4 cas d’atteintes aux institu-
tions et cyber-terrorisme.
Maispourl’heurelescaslesplussuivisconcernent
principalement les fraudes financières. En 2009,
un réseau international spécialisé dans la falsifica-
tiondecartesbancairesaétédémanteléparlapo-
lice de Casablanca. 1 400 cartes falsifiées ont été
saisies. Le procédé consistait à insérer une minus-
cule caméra et un appareil type skimmer dans des
guichets automatiques des quartiers aisés de la
métropoleéconomique.SelonleCentremonétaire
interbancaire(CMI), le nombre de cartes bancaires
contrefaitesauMarocestpasséde1694cartesen
2 000 à plus de 6 000 en 2008.
Afin de renforcer la lutte contre la cybercriminalité,
le conseil du gouvernement a adopté, en janvier
2013, un projet de loi approuvant la Convention
internationalesurlacybercriminalitétenueàBuda-
pest le 23 novembre 2001 et le Protocole addition-
nel à ladite Convention, conclu à Strasbourg le 28
janvier 2003. Cette Convention internationale était
la première à s’attaquer à ce phénomène. Son
principal objectif, énoncé dans le préambule, est
de «poursuivre une politique pénale commune
destinée à protéger la société contre la cybercrimi-
nalité, notamment par l’adoption d’une législation
appropriée et la stimulation de la coopération inter-
nationale». Se pose donc la question de savoir si
le Maroc est en mesure de se prémunir contre ce
fléau. Pour El Azzouzi, «en matière de législation,
le pays s’est doté d’un arsenal juridique avancé.
De même, l’Administration de la Défense veille sur
la sécurité nationale dans ce domaine…». Même
son de cloche pour Lahrai qui estime que «le code
pénal présente désormais plusieurs dispositions
visant à réprimer la cybercriminalité».
Mieux, le conseil de gouvernement, réuni le 15
mai dernier, a adopté un décret confiant la cryp-
tographie et l’échange des données à la Direction
généraledelasécuritédessystèmesd’information
(DGSSI),rattachéeàlaDéfensenationale.Cepen-
dant, le problème consiste dans le décalage entre
la promulgation des lois et leur application.
«Maintenant, dit El Azzouzi, si le Maroc dispose
d’un arsenal juridique adéquat, toute la question
réside dans l’application de ces lois.» Malheu-
reusement ce décalage a toujours été et conti-
nue d’être le parent pauvre de la législation du
royaume.■
d’abord pour l’argent. Cette économie souterraine
obéit aux mêmes règles de rationalité économique
qu’ontrouvedansl’économieconventionnelleallant
mêmejusqu’àexigeruntravailenéquipe,uneorga-
nisation efficace et une spécialisation à outrance»,
analyseAli ElAzzouzi.
Selon un rapport de la DGSN (Direction générale
de la sûreté nationale), en 2011, il y avait eu le
démantèlement de 112 affaires en relation avec les
technologies de l’information et de la communica-
tion. Un nombre qui a évolué de +21% en l’espace
d’une année. Au fait, les services de sécurité ont
Si le Maroc
dispose d’un arsenal
juridique adéquat,
toute la question
réside dans l’applica-
tion de ces lois.
L’armée aux aguets
C’est donc à la Direction de la sécurité informatique relevant de l’Administration de la défense
nationale que revient la charge de traquer la cybercriminalité. Un projet de décret octroyant à
l’armée l’autorité de contrôle de toutes les activités électroniques, a été adopté jeudi 15 mai, oc-
troyant à l’armée l’autorité de contrôle de toutes les activités électroniques, dont le e-commerce.
Première action entreprise, la sensibilisation de tous les ministères et des responsables de la
sécurité informatique de leurs départements. L’objectif de cette démarche, selon une correspon-
dance de la Défense nationale, est de : «constituer une armée» de responsables informatiques,
et de les doter des outils techniques, qui leur permettront de faire face à d’éventuelles attaques
de hackers, visant les ministères, mais aussi de découvrir les plus récents et les plus efficaces
programmes de protection informatique». En vertu du nouveau décret portant le n°2-13-881, les
exportateurs de matériel de cryptographie «sont tenus de déposer des demandes d’autorisation
à l’Administration de la défense nationale. Aussi, les sociétés qui opèrent dans ce secteur sont-
elles obligées de respecter les clauses des cahiers des charges établis par l’armée. De même,
les prestataires de ces services devront fournir leurs données personnelles à l’Administration
de la défense. D’autres mesures non moins importantes sont prévues dont le renforcement des
systèmes informatiques des ports, des aéroports, des banques…
C’est dire donc que le Maroc, conscient des défis se dressant devant lui, a décidé de prendre le
taureau par les cornes pour lutter contre toutes les formes de criminalité liées au cyberespace.
14. L’internaute n°13 • Juin 201414
dossier
«L’internaute» : Quelles sont les
formes de cybercriminalité les plus
courantes au Maroc ?
Anas Abou El Kalam : Cela fait plus
d’une année que j’ai mis en place au Maroc
ce qu’on appelle un «pot de miel». Il s’agit de
machines et serveurs volontairement vulné-
rables (des leurres) dont le but est d’attirer
les attaquants. Le but ensuite est d’analy-
ser leurs actions, comportements, manière
d’agir, d’où ils viennent, leurs intentions, leur
organisation, etc. Les premiers constats per-
mettent d’affirmer que le Maroc est de plus
en plus visé. Virus, vers, Trojans, Spyware,…
Tous les moyens sont utilisés. Les atta-
quants explorent également tous les ser-
vices connus comme Ssh, Web, mail, bases
de données,… Le plus souvent, ils mènent
une attaque par dictionnaire pour trouver les
mots de passe «faciles», puis exécutent des
attaques notamment des débordements de
mémoire pour s’acquérir de nouveaux droits
(par exemple à travers le protocole RDP). Ils
injectent ensuite des malwares malveillants
depuis Internet. Par ailleurs, même si dans la
majorité des cas, les attaques sont plutôt me-
nées par des groupes isolés. Il y a certes des
hackers réputés, mais nous constatons que
l’underground marocain est principalement
composé par des scripts kiddies (défacement
des sites web), le hacktivisme est également
très présent (exemple des attaques contre
Israël lors de la guerre de Gaza, attaques
contre le Polisario, etc.). Nous avons toute-
fois remarqué que les Malwares (logiciels
malveillants) utilisés par les attaquants visant
le Maroc sont de plus en plus sophistiqués et
même INCONNUS (progression de 25% en
l’espace de 6 mois) par les logiciels de détec-
tion et les anti-virus, ce qui est alarmant. Cela
est en accord avec le dernier rapport (Inter-
net Security Report ISTR) qui positionne le
Maroc à la 42ème
place au niveau mondial et à
la 3ème
en Afrique (après l’Égypte et l’Afrique
du Sud) pour les activités malveillantes et les
cyber-conflits!
Nous avons également remarqué que les
attaques nous viennent des Etats-Unis, puis
de la Chine, puis de la Russie,.... Ainsi, alors
que cela fait un an que nous avons tiré la
sonnette d’alarme, à peine ces derniers jours
les articles commencent à parler d’espion-
nage d’Etats (notamment les Etats-Unis) sur
le Maroc (e.g., Affaire Digital Globe)... Par
ailleurs, les attaques visant le Maroc sont
de tout type, et visant notamment la confi-
dentialité, intégrité et disponibilité. Les cas
sont très multiples. Citons à titre d’exemple
une société d’assurance marocaine qui a vu
son système d’information paralysé pendant
plus de deux semaines ; une banque a vu
son activité interrompu pendant une journée
entière, et ce sur l’ensemble du territoire suite
à une attaque virale ; Conficker a infecté plu-
sieurs entreprises privées et organismes
publiques au Maroc, etc. Au Maroc, les acti-
vités de fishing ne sont pas rares ; de nom-
breux cas ont été apportés. Par exemple,
www.atijariwafabank.com au lieu de www.
attijariwafabank.com ; des courriels qui pro-
posent d’acheter par cartes bancaires des
recharges Meditel à travers le faux site web
http://meditel.medi-recharge.ma (site cloné à
partir du site institutionnel http://www.meditel.
ma ), etc. Mais certainement le sport national
en la matière est le «défacement des sites
Web». Les exemples sont multiples : après
plusieurs attaques contre des sites institu-
tionnels et ministériels notamment les sites
de la primature, des ministères de l’Energie
et de la Justice, plusieurs groupes ont été ar-
rêtés, notamment «Team Rabat-Salé» connu
dans l’univers Underground marocain pour
ses attaques dirigés contre les sites israé-
liens et ceux du Polisario. Certains analystes
avancent même que les sites marocains
constituent un terrain d’entraînement pour
les pirates étrangers. L’escroquerie en ligne
connue sous le nom de l’arnaque à la nigé-
rienne (SCAM 419) est également toujours
d’actualité au Maroc.
Qu’en est-il de la fraude à la carte ban-
caire ?
La fraude à la carte bancaire ne cesse égale-
Professeur à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, responsable du Master «Réseaux, Systèmes et Sécurité», le
docteur Anas Abou El Kalam est également maître de conférence à l’Ecole nationale supérieure d’électrotechnique,
d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications (ENSEEIHT), à l’Institut national polytech-
nique de Toulouse (INP), et chercheur à l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT), entre autres. Il est
par ailleurs président de l’AssociationAMAN.
«Les sites marocains constituent un terrain
d’entraînement pour les pirates étrangers»
Dr Anas Abou El Kalam
Président de l’Association marocaine de confiance numérique (AMAN)
On ne peut pas dire
que nos tribunaux sont
préparés à faire face à
des affaires de cybercri-
minalité, si eux- mêmes
n’ont même pas de poli-
tique de sécurité.
15. 15L’internaute n°13 • Juin 2014
ment de s’accroitre au Maroc. Selon le CMI,
le nombre de cartes bancaires contrefaites au
Maroc est passé de 1.694 cartes en 2 000 à plus
de 6 000 en 2008. Soit le triple. Ce chiffre est en
nette progression année après année. Le mon-
tant des sommes détournées connaît lui aussi
une hausse : de 4,4 millions de DH en 2000 à
+ 20 millions en 2008. La gendarmerie royale
a d’ailleurs arrêté plusieurs fois des personnes
soupçonnées d’avoir détourné des millions de
DH en copiant des cartes bancaires à l’aide de
matériel informatique. En 2008, deux employés
d’un centre d’appel basé à Casablanca, ont été
interpellés par les agents de la Brigade cen-
trale de police ; ils ont détourné d’importantes
sommes d’argent en utilisant les données de
porteur de cartes (nom de titulaire de carte, PAN,
date d’expiration, etc.) qu’ils enregistraient lors
des conversations téléphoniques avec les clients
français et transmettaient par la suite à une com-
plice basée en France qui se chargeait d’acheter
des biens sur l’Internet et de les revendre après.
Mais certes le secteur de la cybercriminalité qui
fait vraiment mal au Maroc reste la pédopor-
nographie en ligne, pratique grandissante et
malheureusement facilité grâce au chiffrement,
proxies anonymes, les cybercafés…
L’état de la cybercriminalité au Maroc a-t-il
réellement de quoi inquiéter ?
Oui, certainement. L’espionnage d’Etat cité plus
haut, la fraude à la carte bancaire, le fishing, le
défacement de sites web, la pédopornographie,
tout cela est une réalité grandissante qui ne peut
qu’inquiéter.
D’ailleurs, selon les statistiques que j’ai pu trou-
ver, en 2011, la DGSN a démantelé 112 affaires
en relation avec les NTIC, avec une progression
de +21% en l’espace d’une année (32 cas de
menaces ou annonces commerciales suspectes
sur le net, 26 cas d’atteintes aux personnes
(détournements comptes…), 21 cas d’infractions
financières et économiques, 12 cas d’intrusion
dans systèmes, 9 cas de pédopornographie, 4
cas de cyber-terrorisme). Personnellement, je
pense également que notre cybersécurité est
liée à notre capacité économique. Il va de soit de
la protection de nos infrastructures critiques. Je
pense qu’il est temps que notre Etat s’en occupe
sérieusement.
L’arsenal juridique marocain est-il adapté à
cette nouvelle forme de criminalité ?
La cybercriminalité évolue vite alors que le cadre
juridique marocain est lent. Il y a donc un déca-
lage à deux niveaux, en particulier entre l’évo-
lution «rapide» de la cybercriminalité et la mise
en œuvre «lente» du cadre juridique marocain.
Le décalage est également remarqué entre la
promulgation d’une loi et la bonne application
«culture TIC» des juges. Au Maroc, on a éga-
lement une difficulté de justifier les cybercrimes,
et identifier les auteurs, du fait du manque des
compétences et des ressources hautement
qualifiées dans ce domaine. En effet, le «foren-
sics» est un domaine très poussé qui n’est
enseigné dans aucune des écoles et universités
marocaines ! Sans parler des compétences en
cybercrimes des juges, magistrats, mais aussi
des huissiers, avocats,… On ne peut pas dire
que nos tribunaux sont préparés à faire face à
des affaires de cybercriminalité, si eux- mêmes
n’ont même pas de politique de sécurité, n’ont
jamais fait d’analyse de risques, ne sont pas
certifiés ISO 27001, etc.
Quelles sont à votre avis les actions
concrètes à mener pour protéger les Maro-
cains contre la cybercriminalité ?
Les actions prévues dans le cadre de Maroc
Numeric 2013 sont très prometteuses et encou-
rageantes. Il faut les mettre en œuvre et veiller
à ce qu’elles soient efficaces et durables ! Mais
je pense qu’il faut également relever les défis
suivants :
• défi méthodologie d’enseignement :Appropria-
tion des NTIC dans la définition, l’élaboration et
la diffusion du savoir, tout en insistant sur les
aspects sécurité et protection de la vie privée ;
• défi culturel : Instaurer une «vraie» culture de
sécurité sur le terrain ; créer des passerelles
entre tous les organismes… et le travail doit
naturellement commencer de l’école ;
• défis législatifs comme mentionné auparavant ;
• défis budgétaires : le budget de Maroc Nume-
ric 2013 (qui comportent d’autres axes que la
sécurité) est d’un peu plus de 5 milliards de
DH... Si on remarque que le budget des Etats-
Unis en sécurité informatique dépasse 600 mil-
liards de $ et que le budget annuel de la NSA
(Agence américaine d’espionnage) dépasse 16
milliars $… on comprend vite le décalage.
• au niveau de l’Etat, comprendre l’importance
de la protection des infrastructures critiques et
avoir une stratégie de protection adéquate, no-
tamment en cas de guerre cybernétique. Si on
regarde avec un peu de recul la guerre cyber-
nétique entre la Russie et l’Estonie en 2008, le
programme PRISM, etc., on se rend vite compte
qu’il faut agir en urgence, efficacement et sur la
durée... ■
16. L’internaute n°13 • Juin 201416
Lutte contre la cybercriminalité
Information et sensibilisation
L
a campagne nationale de lutte
contre la cybercriminalité a été
initiée par le Centre marocain
de recherches polytechniques
et d’innovation (CMRPI), sous
l’égide du ministère de l’Industrie, du Commerce,
de l’Investissement et de l’Economie numérique,
en partenariat avec l’université Ibn Tofail et l’Asso-
ciation Internationale de lutte contre la cybercrimi-
nalité.
Dans une déclaration à «L’internaute», le Pr.Yous-
sef Bentaleb, enseignant chercheur à l’université
Ibn Tofail et président du CMRPI, nous explique le
pourquoi de cette campagne : «L’idée d’organiser
une telle campagne est venue du constat que la
sécurité informatique est un axe prioritaire d’action
du centre CMRPI, en tant qu’acteur scientifique et
social, et qui a pour mission de mettre le savoir et
particulièrement la recherche scientifique au ser-
vice de tous les citoyens. La sécurité informatique,
en particulier la cybercriminalité, concerne toutes
les couches de la société et également l’Etat».
Organisée sous le thème «Ensemble contre la
cybercriminalité», cette initiative, la première du
genre au Maroc, prévoit un programme ambi-
tieux s’étalant sur quarte ans. Cette année, ses
initiateurs ont choisi de commencer par la sen-
La première campagne de lutte contre la cybercriminalité au Maroc a été lancée le 6 mai dernier et se poursuivra
jusqu’au 26 juin. Elle fait suite aux recommandations du Colloque national de cybercriminalité, organisé en 2013 à
Kénitra. Tour d’horizon des enjeux de cette campagne.
sibilisation des responsables sur les systèmes
d’informations et de communications dans les
établissements de l’Etat et du secteur privé et
surtout ceux qui sont la cible des cybercriminels,
à savoir par exemple les établissements financiers
et bancaires. La campagne propose ainsi des
ateliers pratiques multi-niveaux, dans le domaine
technique et également juridique. Des séminaires
thématiques sont organisés aux universités de
Rabat, Marrakech, Tétouan, Oujda etAgadir, avec
une diversité de thématiques allant des attaques
des systèmes bancaires, jusqu’aux témoignages
des ex-cybercriminels. Ces séminaires sont des-
tinés, particulièrement, aux universitaires et aux
professionnels, mais ils sont également ouverts
au public. La campagne de cette année sera clô-
turée par le Colloque international de cybercrimi-
nalité les 24 et 25 juin, et qui sera une occasion
de rencontres des spécialistes marocains et étran-
gers pour débattre de divers thématiques liées à
ce phénomène. Ce sera également l’occasion
de présenter les derniers travaux de recherches
scientifiquesenmatièredesécuritéinformatiqueet
technologique,etégalementdeprésenterl’arsenal
juridiquenationaletmondialdansledomainedela
cybercriminalité. «Nous sommes convaincus que
la sensibilisation à ce genre de crimes évolutifs,
passe par la formation et la formation continue, et
également garder le lien avec les laboratoires de
recherche scientifique de l’université, et ceux de la
police et de la défense nationale», souligne Yous-
sef Bentaleb.
Quant au financement de cette campagne, il re-
pose essentiellement sur les moyens propres des
membres du CMRPI, qui espèrent toutefois une
contribution des établissements financiers. Dans
sa première édition, la campagne s’adresse aux
organismes publics, au secteur économique privé
et aux chercheurs universitaires mais aussi aux
internautes marocains devant être sensibilisés aux
mesures de sécurité universelles pour protéger
leurs systèmes informatiques. M. Bentaleb recon-
nait toutefois que ce ne sera pas une sinécure.
«Nous sommes conscients que sensibiliser aux
dangersetmenacesdelacybercriminalité,estune
tâche qui n’est pas facile, vu que la cible est large,
c’est tous les Marocains et toutes les familles et
même les petits enfants, qui sont aujourd’hui des
utilisateurs fragiles du Net». Mais il ne désespère
pas pour autant : «Sur un programme de quatre
années et avec le soutien de tous les acteurs de
la société, nous arriverons ensemble à instaurer
chez les citoyens marocains une culture de lutte
contre la cybercriminalité». Vaste programme. ■
dossier
17. 17L’internaute n°13 • Juin 2014
Said Lhrai
Président de la CNDP
«La cybercriminalité se joue
des frontières entre les pays»
La Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel mène depuis janvier
dernier une opération de contrôle des sites internet les plus fréquentés au Maroc. Objectif : évaluer le degré de
conformité de ces sites à la loi 09-08 relative aux données personnelles. Le président de la CNDP (Commission
nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel), Said Lhrai, nous en dit plus.
«L’internaute» : Vous avez lancé des opé-
rations de contrôle prévues par la loi 09-08 rela-
tive à la protection des personnes physiques à
l’égard du traitement des données à caractère
personnel. Voudriez-vous nous dresser un
bilan de cette opération ?
Said Lhrai : En effet, la CNDP a lancé à partir
du 28 janvier 2014 une opération de contrôle de
sites web qui se poursuit toujours. Cette campagne
concerne une centaine de sites web qui exploitent
les données personnelles au Maroc et vise à éva-
luerleurdegrédeconformitéauxexigenceslégales
en matière de protection de la vie privée et des
donnéespersonnelles.Dansl’attentedefinaliserce
travail pour pouvoir tirer des conclusions définitives,
il conviendrait de souligner que cette opération de
contrôlearévélé-àcestade-desinsuffisancespar
rapportàlaloi,notammententermesdenotification
de traitement à la CNDP, d’information des inter-
nautes et de respect des droits des personnes par
rapport à leurs données personnelles. Par ailleurs,
pour aider à remédier à cette situation, la CNDP a
publié un document à l’usage des exploitants de
sites internet pour les éclairer sur la conformité des
sites web à la loi 09-08 relative aux données per-
sonnelles.
Quid des sites offrant en ligne des deals
d’achat, des annonces d’achat et de vente, des
offresd’emploietdeschambresd’hôtelconnus
pour l’utilisation des données personnelles
dans leurs démarches.
Les catégories citées dans votre question ont fait
l’objet de contrôle au même titre que d’autres sec-
teurs d’activité. A l’issue de l’opération de contrôle,
la CNDP adressera un courrier à tous les respon-
sables de traitement dont le site web présente des
irrégularités par rapport à la loi sur la protection
des données personnelles afin qu’ils prennent les
mesuresnécessaires.LaCNDPestdoncdécidéeà
faire respecter la loi en matière de données person-
nelles et dispose à cet effet d’un arsenal juridique
consistant et efficace.
Cet état de fait relève-t-il de la cybercriminalité?
Tant qu’il n’y a pas d’infraction pénale derrière un
traitement de données personnelles, on ne peut
parler de cybercriminalité.
Pensez-vous que la loi marocaine soit adaptée
à cette nouvelle forme de cybercriminalité ?
Conscient des enjeux qui se cachent derrière la
cybercriminalité, le Maroc a entrepris d’adapter
sa législation en conséquent. Ainsi le code pénal
présente désormais plusieurs dispositions visant à
réprimer la cybercriminalité. D’autre part, le Maroc
est sur le point de ratifier la Convention de Buda-
pest sur la cybercriminalité, ce qui ouvrira le champ
à une réforme des instruments juridiques nationaux
et permettra une coopération internationale accrue
à même de faire face à un problème d’une dimen-
sion transnationale.
Selon vous l’état de la cybercriminalité au Ma-
roc a-t-il réellement de quoi inquiéter ?
Il est important de rappeler que la cybercriminalité
est un problème international qui se joue des fron-
tières entre les pays. Le développement rapide
des technologies de l’information fait que le Maroc
est certes touché par ce phénomène nouveau au
même titre que d’autres pays dans le monde.
Quelles sont à votre avis les actions concrètes
à mener pour protéger les Marocains contre la
cybercriminalité ?
Partant de l’expérience de la CNDP, il est certain
que la sensibilisation constitue le meilleur remède-
à l’échelle des individus- contre les dangers de la
cybercriminalité. Le fait d’être conscient des règles
d’une utilisation saine et intelligente de l’Internet, du
téléphone portable et autres systèmes d’information
etdecommunicationréduitdemanièresubstantielle
lesrisques.C’estcequ’onappelledésormais«l’édu-
cation au numérique». Ceci implique l’éducation du
citoyen à tirer parti des NTIC et à connaître ses
devoirs et ses droits dans le cyberespace, notam-
ment par rapport à sa vie privée et ses données
personnelles. Toujours dans la prévention, il est
important d’investir dans la sécurité des systèmes
d’information.Assurer la qualification et la formation
des ressources humaines, disposer des infrastruc-
tures et des moyens techniques adéquats, dévelop-
perunepolitiquenationaleenlamatière,constituent
des décisions stratégiques pour la protection des
intérêts légitimes du pays et des citoyens.■
18. L’internaute n°13 • Juin 201418
dossier
Ali El Azzouzi
Expert en sécurité SI
«Le Maroc est l’un des pays
les plus visés au Monde»
Aquel point le Maroc est menacé par la cybercriminalité ?A-t-il l’arsenal juridique adéquat pour se prémunir contre
ce fléau ? A-t-il les compétences nécessaires pour ce faire ? Le point avec le professeur Ali el Azzouzi, fondateur
de Dataprotect et auteur du livre «La cybercriminalité au Maroc».
«L’internaute» : Vous avez accepté que
votre livre «La cybercriminalité au Maroc»,
fruit d’une longue recherche, soit téléchargé
gratuitement sur le Net. Pourquoi ?
Ali El Azzouzi : Au début, mon livre était
payant. Cependant, mon objectif n’a jamais été
d’ordre pécuniaire. Je l’ai mis sur Internet pour
permettreàunelargepopulationd’yaccéder,dele
lire.D’autantquej’aiconstatéqu’ilyavaitplusieurs
étudiants qui le demandaient pour leurs projets,
leurs mémoires de fin d’études, etc. Je voulais
donc que tout le monde puisse en profiter.
On a comme l’impression que votre livre est
destiné à une élite restreinte. Qu’en pensez-
vous ?
Je ne le crois pas. Ce que j’ai essayé de faire à
travers ce livre est de vulgariser l’information et
de démystifier le phénomène de la cybercrimi-
nalité de manière à ce qu’il soit réellement com-
préhensible. Je voulais d’abord sensibiliser. Et à
travers le livre, je voulais atteindre le plus grand
nombre de personnes et de lecteurs. Je pense
que c’était fait. Aujourd’hui, grâce à ce livre, vous
n’avez plus besoin d’être un expert en sécurité
pour comprendre les tenants et aboutissants de
la cybercriminalité.
Les réunions et campagnes de sensibilisa-
tion se comptent sur les doigts de la main. Ne
pensez-vous pas qu’il y a une carence en la
matière ?
En effet, je conviens qu’il y a beaucoup de choses
à faire à ce niveau.
La sensibilisation est un élément extrêmement
important. C’est une entreprise qui doit être
assidue et maintenue dans la durée. Il importe
des individus ou des organisations criminelles, le
constat est tout autre que celui que j’ai dressé en
2010. Il est de plus en plus inquiétant.
Si vous deviez comparer le Maroc aux pays
voisins ou africains, diriez-vous qu’il est
moins menacé ou plus menacé ?
Selon une étude publiée il y a deux ans, le Maroc
est l’un des pays les plus visés en Afrique. Nous
avons un système bancaire qui est ouvert, des
organisations qui sont ouvertes, une économie
qui est ouverte, des systèmes d’informations qui
sont de plus en plus sophistiqués…Tout cela fait
que le Maroc soit ciblé. Dans le Top ten des pays
africains les plus actifs par la cybercriminalité, il y
a le Nigeria qui enregistre chaque année près de
trois milliards de dollars de revenus à travers la
cybercriminalité, la Côte d’Ivoire et le Togo.
Quand vous dites que le Maroc est ciblé. Est-
ce parce qu’il y a fragilité au niveau des sys-
tèmes de sécurité ?
Non, je ne pense pas qu’il y ait fragilité. Au
contraire,ilexisteunegrandeprisedeconscience
à tous les niveaux. Le Maroc investit beaucoup
dans ce domaine. Le fait est que nous avons des
entreprises et des opérateurs qui sont ouverts sur
leur environnement et qui utilisent des applica-
tions web de plus en plus sophistiquées. Donc, si
le Maroc est ciblé, c’est qu’il y a de quoi. En plus
le risque zéro, ça n’existe pas.
Le Maroc est également un exportateur de
cybercriminalité…
Les hackers marocains sont surtout très actifs
dans le défacement et le piratage des sites web.
Il existe ce qu’on appelle les hacktivistes qui
ont tendance à pirater des sites web pour pas-
de sensibiliser les citoyens, les entreprises les
administrations, les particuliers… Aujourd’hui, il
y a des actions qui ont été réalisées de part et
d’autre. Mais je dois reconnaître que ce qui reste
à faire est colossal. Déjà dans le cadre de Maroc
Numeric 2013, il y avait des chantiers qui s’ins-
crivaient dans cette perspective. Aujourd’hui, il y
a nécessité de reprendre ces chantiers notam-
ment à travers les campagnes de sensibilisation
à grande échelle en utilisant tous les canaux de
communication, médias audiovisuels, presse
écrite, Internet, etc.
Votrelivreestsortien2010.Enquatreans,les
choses ont-elles changé ?
Oui, considérablement. Car le phénomène a
beaucoup évolué. Les conclusions auxquelles
j’ai abouti en 2010 ne sont plus les mêmes au-
jourd’hui. La cybercriminalité a pris de l’ampleur.
Elle a de multiples visages. Que ce soit au niveau
19. 19L’internaute n°13 • Juin 2014
ser un message, pour faire valoir leurs positions
idéologiques,etc. Les hackers marocains en font
généralement partie.
Dans votre livre, vous parlez de motivations
idéologiques. Comment devient-on un cyber-
criminel qui défend une cause ?
Leshacktivistess’attaquantsouventàdesserveurs
pourlesrendreindisponiblespourunecauseouun
autre. Ceci dit, il n’existe pas d’expertise technique
spécifique assez développée. Il suffit tout simple-
ment d’être motivé, et ce ne sont pas les réseaux
qui manquent.
Une chose curieuse : lors de l’offensive israé-
liens contre Gaza en 2012, de nombreux hack-
tivistes marocains se sont attaqués à des sites
israéliens. En revanche, lors d’événements
majeurs se passant à l’intérieur comme le prin-
temps arabe et le Mouvement 20-février, ils ne
réagissent pas. Pourquoi, selon vous ?
Effectivement lors de la guerre contre Gaza, il y
avait un intérêt idéologique. Quant au Printemps
arabe,l’intérêtidéologiquen’existaitpas.Lesmani-
festants arabes et marocains aspiraient à changer
leur vécu.
Est-ce que le Maroc a les moyens de se proté-
ger contre la cybercriminalité ?
Le Maroc dispose de moyens importants pour ce
faire. En matière de législation, le pays s’est doté
d’un arsenal juridique avancé. De même, l’Admi-
nistration de la Défense veille sur la sécurité natio-
nale dans ce domaine… De plus, de nombreuses
actions louables ont été entreprises à ce niveau.
Maintenant, si le Maroc dispose d’un arsenal
juridique adéquat, toute la question réside dans
l’application de ces lois. Il faut que l’écosystème
qui gravite autour soit prêt notamment en ce qui
concerne la formation des magistrats, des juges,
des experts en matière de cybercriminalité. Il
manque quelques pièces au puzzle pour qu’il soit
complété. Mais l’essentiel est là, le Maroc a pris
une réelle conscience quant à la cybercriminalité.
Effectivement,aujourd’hui,lacybersécuritéestune
réalitéetnonpasunefiction.Ilfautsedoterencore
des moyens pour se prémunir contre des attaques
à grande échelle.
Justement, le 15 mai dernier, un décret a été
adopté en conseil de gouvernement confiant
la cryptographie et l’échange des données à
l’AdministrationdelaDéfensenationale.Qu’en
pensez-vous ?
Je pense que c’est une bonne chose. Personnel-
lement, j’ai toujours pensé que la cybersécurité est
une question de souveraineté nationale au même
titre que les prérogatives attribuées à la gendar-
merie ou à la douane. La guerre d’aujourd’hui et
de demain, ça se passe déjà sur le cyerberspace.
Je pense donc que le fait que l’Administration de
la Défense s’approprie le sujet devait s’imposer
notamment par rapport à ce qui est cryptographie,
signature électronique, etc.
Sivousavezunappelàlancer,quedirez-vous ?
Aujourd’hui, le Maroc bouge dans le domaine de
la cybersécurité, voire il fait un travail colossal. Or,
je constate que des institutions critiques du pays
sont confiées parfois à des prestataires non maro-
cains. Il importe d’encourager les initiatives maro-
caines, d’encourager tout ce qui est innovation et
création pour développer une autonomie locale. Il
faut considérer la cybersécurité comme une ques-
tion de souveraineté nationale. De nombreux pays
pensent se lancer dans le développement des
applications souveraines pour un certain nombre
de secteurs. Pourquoi pas le Maroc ? ■
La cybersécurité est
une question de sou-
veraineté nationale au
même titre que les
prérogatives attri-
buées à la gendarme-
rie ou à la douane.
20. L’internaute n°13 • Juin 201420
débat
Urbanisme durable
Pour une Casablanca Smart
S
i l’AIEM a opté pour l’organi-
sation de cette conférence à
Casablanca, c’est pour dis-
cuter du potentiel ainsi que
des besoins de la capitale
économique du royaume pour devenir une Smart
City. «Le concept Smart City intègre les différents
aspects de la ville et apporte des solutions aux
grandes métropoles, telles que Casablanca, qui
souffrentgénéralementdeproblèmesliésaudéve-
loppement et à la gestion. «Le modèle de Smart-
City peut représenter une valeur ajoutée aussi
bienpourlescitoyensquepourlesresponsables»,
déclare Mounia Boucetta, présidente de l’AIEM,
L’Association des ingénieurs de l’école Mohammadia (AIEM) a organisé, le 29 mai à Casablanca, en partenariat avec
l’APEBI, une conférence-débat, sous le thème «Les Smart cities réinventent nos villes de demain». Société civile,
autorités locales, entreprises privées et d’imminents experts marocains et étrangers ont fait le tour de la question.
Détails.
dans son discours d’ouverture. Dans sa présenta-
tion, Khalid Safir, le Wali de Casablanca, a dévoilé
le chantier de réflexion que mène la Wilaya à tra-
vers huit groupes de Think Tank. Un des groupes
e-Madinati, une application par et pour le
smart citoyen
e-Madinati est une application qui verra le jour bientôt et qui met à contribution l’intelligence citoyenne
au service de la ville en collectant et structurant l’information sur des incidents urbains reportés par
les usagers des services de la ville. Concrètement, les citoyens pourront reporter les incidents qu’ils
croisent dans leurs villes grâce aux photos, textes et géolocalisation. L’application e-Madinati permettra
deconsolidercesdonnéesetdereleveretpartagerlesdysfonctionnementsdemobilité,environnement
etinfrastructuredanslesvillesmarocaines.Cetteapplicationestunprojetdee-Madinaquiestungroupe
deréflexion,d’actionetdepartagedesavoir-faireetd’expériencefondéenjuin2013,quiviseàpromou-
voir le modèle des villes intelligentes au Maroc, faire émerger des projets smart en partenariat avec les
villes et fédérer les différentes initiatives Smart Cities au Maroc.
21. 21L’internaute n°13 • Juin 2014
travaillesurunprojetde«Casablanca,Villed’avant-
garde» pour «améliorer les services de la ville, en
faire une ville intelligente, mais aussi et surtout une
villeinscritedansunedémarchededéveloppement
durable», souligne le wali devant une assistance
nombreuse et attentive. Et d’ajouter que parmi ses
objectifs figure l’amélioration de l’attractivité de Ca-
sablanca, et ceci passera par le concept de Smart
Cities. «Ce concept peut améliorer l’attractivité de
Casablanca et l’aider à se faire connaître plus à
l’étranger». Néanmoins Casablanca a été classée
122ème
dans le dernier rapport Mercer de la qualité
de la vie. Elle vient ainsi derrière Rabat (115ème
) et
Tunis (110ème
). Une position guère honorable pour
le poumon économique du royaume. Pour amélio-
rer cette position mais surtout la qualité de vie dans
la ville, la wilaya compte, entre autres, informatiser
etmettreenlignetoutcequipeutl’être.Encesens,
Samir Benmakhlouf, directeur général de Microsoft
Maroc, a présenté le concept City-Next made by
Microsoft. Il s’agit des villes de demain. Des villes
connectées, informatisées avec une démarche
pour faciliter l’accès aux services et à l’informa-
tion via l’open data. De même, l’Apebi a présenté
l’état d’avancement des travaux de son groupe «e-
Madinati». «Ce modèle permet aussi de créer de
3 questions à Mounia Boucetta, présidente de l’AIEM
Comment est-venue l’idée d’organiser cette conférence ?
Une action pareille s’inscrit parfaitement dans les missions de
notre association qui s’est fixée comme objectif de contribuer
activementauxdynamiquesdedéveloppementduMarocdans
les différents domaines. Le concept des «Smart Cities» prend
de plus en plus de l’importance au niveau international. En
témoignentlesclassementsdesvilles,selondescritèresasso-
ciés à ce concept, ainsi que les efforts importants déployés
danscedomaineparlesplusgrandessociétésmondialesspé-
cialisées dans les nouvelles technologies, qui y voient un relais
de leur croissance. Au niveau de l’AIEM, nous pensons que
les avancées proposées par ce concept peuvent constituer des solutions favorisant un meilleur
développement des villes marocaines, en tenant compte de nos spécificités et en encourageant
l’innovationmarocaine,d’oùl’idéed’organisercetteconférence,enpartenariatavecl’APEBI.Nous
sommes intéressés par les sujets du développement économique et social, en apportant l’exper-
tise et en proposant des solutions innovantes. La thématique «Smart Cities» intègre le volet mul-
tidimensionnel qui cadre avec nos spécialités.
Quel est l’apport de l’AIEM en matière de Smart City ?
Nous sommes une association de près de 8 000 ingénieurs, dans différentes spécialités, avec
des expériences développées dans plusieurs domaines : l’énergie, l’eau, l’environnement, les
télécommunications, les infrastructures, les NTIC, etc. Le concept «Smart-cities » a un caractère
multidimensionnelquiviseàaméliorerl’efficiencedegestiondelaville,lebien-êtreducitoyenavec
des finalités de développement durable. Ce caractère multidimensionnel couvre plusieurs sujets :
le citoyen, l’urbanisme, la culture, l’énergie et l’eau, les ressources naturelles, l’éducation, la santé,
les média... Ces thématiques constituent dans leur majorité des centres d’expertise et d’intérêt de
nos membres. Pour cela, notre contribution, avec d’autres partenaires, en particulier l’APEBI, peut
participeràlavulgarisationduconcept,d’examinerlesexpériencesmenéesetdecréerunespace
de débat entre experts et décideurs pour aboutir à des solutions et à des innovations adaptées
aux besoins de nos villes.
Quels sont à votre avis les préalables nécessaires pour la réussite de ce projet au Maroc ?
Tout d’abord il ne s’agit pas d’un projet au périmètre bien délimité. C’est un processus avec un
ensembledeprojetsadoptantdessolutionstechniquesettechnologiquesavancéesouinnovantes
répondant aux besoins du citoyen et des villes. Il en résulte que c’est un concept qui peut être
appliquépartoutetqu’ilnécessite,enpremierlieu,unengagementfortetuneimplicationdetoutes
lespartiesprenantes,autorités,opérateurséconomiques,sociétésetcivilesetmêmelesindividus.
nouveaux emplois et de développer la compétence
nationale dans des métiers d’avenir. Notre ambition
est de commencer par des expérimentations des
villes intelligentes au niveau local, mesurer les re-
tours d’expérience puis les déployer au niveau na-
tional. Le principal facteur de succès de notre projet
est le partenariat public-privé dans ce domaine»,
estime Mohamed Lakhlifi, président d’e-Madina.
Ce groupe lancera bientôt la version beta de son
application e-madinati, une application qui mettra à
contribution l’intelligence citoyenne (voir encadré).
Les différentes interventions ont abondé dans le
même sens, avec des experts chevronnés mettant
l’accent sur la nécessité d’adhérer à ce projet.
Ensommes,plusieursélémentsdoiventêtreprisen
compte pour faire de Casablanca une ville avant-
gardiste et smart tels que l’Open Data, la mobilité,
la cyber-sécurité, la protection de l’environnement,
la sauvegarde du patrimoine architectural et l’amé-
lioration du cadre urbanistique de la ville. ■
Aicha Idrissi
22. 22 L’internaute n°13 • Juin 2014
enquête
Les Muftis du WebA chaque semaine son buzz et celui qui explose les scores de YouTube au Maroc. Le mois écoulé pourrait bien
constituerunprécédent.Avec500000vuescumuléesenseulement3jours,CheikhSarbattoussesconfrèreshabitués
du minaret physique et ouvre la voie vers la fatwa 2.0.Analyse d’un nouveau phénomène sur la Toile marocaine.
I
l n’y a rien de plus anodin que deux
personnes qui s’échangent des em-
brassades, des accolades devant la
caméra. Pourtant, c’est bel et bien le
sujet grâce auquel Cheikh Sar, ani-
mateur de chaîne YouTube et pourfendeur des
mauvaises mœurs, a pu exploser ses scores
d’audience. Le secret de sa réussite reprend une
recette éprouvée par moult chroniqueurs sur You-
Tube : un pitch bien écrit, un montage semi-pro-
fessionnel et une touche d’humour. Mais l’ingré-
dient qui lui a permis d’exploser les compteurs,
est résolument la touche religieuse. Cheikh Sar
est l’avant-garde d’un genre nouveau de chroni-
queurs web, les e-muftis. Ces animateurs «halal»
se posent comme pourfendeurs des atteintes à
la foi, critiquent des comportements qu’ils jugent
contraires aux préceptes de l’Islam. Chaque
sujet est traité avec véhémence, mais aussi avec
humour et dérision pour mieux s’attaquer aux
«mécréants». Bien qu’ils ne soient pas habilités
à la prêche, ces muftis du Web se donnent pour
mission de pointer du doigt et de la langue bien
pendue tout ce qui ne va pas dans la société et
de dispenser des conseils pour corriger les dys-
fonctionnements contraires à la religion. Quant à
la raison d’un tel succès, pour Cheikh Sar et ses
confrères, l’hypothèse la plus plausible réside
dans le sentiment de proximité temporelle et
virtuelle. Ce ne sont pas des érudits à la barbe
grisonnante, mais des «enfants du peuple» qui
parlent dans un langage bien de chez nous et
mettent la religion, ou du moins leur version du
dogme, à la portée de tout le monde. Ce prime
de l’émission «Lalla Laâroussa» sur Al Oula où
deux couples se donnent l’accolade, l’a irrité. «J’ai
trouvé ça aberrant et contraire aux mœurs de la
société», plaide-t-il. Cependant, Cheikh Sar, de
son vrai nom Ilyas Al Kharifi, n’en est pas à son
Une photo postée par Cheikh Sar sur sa page Facebook après
une visite à Fès, accompagnée du commentaire suivant :
«Aujourd’hui à Fès avec la plus jeune et la plus pure et la
plus belle fane. Que Dieu me comble d’une fille pareille».
23. 23L’internaute n°13 • Juin 2014
«Un vrai dilemme»
Des conseils pouvant, cependant, parfois inci-
ter au pire. Driss Lachgar, premier secrétaire de
l’Union socialiste des forces populaires (USFP),
enafaitlesfrais.Lorsdu7ème
congrèsdesfemmes
ittihadies, en décembre 2013, Lachgar a appelé
à la révision des dispositions de la Moudawana
en matière d’égalité à l’héritage, de parité, de
mariage des mineurs et de polygamie. Le cheikh
salafiste Abdelhamid Abou-Naim diffuse le 27
décembre une vidéo sur YouTube dans laquelle
il excommunie le patron de l’USFP, le traitant de
«mécréant». Ce qui signifie clairement un appel à
la mort de cet «apostat». Ce qui avait suscité une
véritable levée de boucliers contre cette vidéo et
son auteur.
premier coup d’essai (et coup de maître). Il s’était
déjà illustré dans ce registre en 2012 en arborant
un tee-shirt «Muslim Forever», conseillant aux
jeunes filles d’emprunter le droit chemin et de
porter le voile. Mais qu’est-ce qui fait courir ce
jeune, natif le 4 juin 1991 à Errachidia et qui suit
actuellement des études à l’école supérieure de
management et d’informatique à Rabat ? «Ado-
lescent, je sortais avec des filles et côtoyais des
jeunes qui fumaient toutes sortes de trucs. Dieu
m’a guidé dans le droit chemin, et je veux aider
les gens à revenir vers la religion et à emprunter la
voie du Seigneur», nous déclare-t-il. Quand on lui
pose la question de savoir s’il est habilité à entre-
prendre pareille démarche et s’il est formé pour, il
tempête: «Je suis un musulman et il est de mon
devoir de donner conseils à mes semblables».
CheikhAbdelbari Zamzami s’inscrit en faux contre
ce «raisonnement». Contacté par «L’internaute»,
le très connu et non moins controversé imam
estime que «pour donner des conseils sur l’Islam
aux gens, il faut être armé de savoir religieux».
Et d’asséner : «Ceux qui donnent des fatwas ou
dictent aux gens ce qu’ils doivent faire sans avoir
bénéficié d’une formation adéquate, nuisent aux
gens et avant tout à l’Islam».
Ces propos rapportés à Cheikh Sar, ce dernier
sort de ses gonds : «Le Prophète que la paix et le
salut d’Allah soient sur lui, a dit : «Addine annas-
siha» (la religion est le bon conseil). Partant, j’es-
time que tout bon musulman a le devoir de donner
des conseils à ses semblables. Et c’est ce que je
fais sans prétention». Cheikh Sar ne s’en cache
pas. Et le clame haut et fort : «Mon credo est ce
hadith du prophète : «Si l’un d’entre vous voit ce
qui déplait à Dieu, qu’il le combatte de ses mains;
si cela ne lui est pas possible, que ce soit par la
langue, et si cela encore ne lui est pas possible,
que ce soit avec son cœur, c’est là le minimum
imposé par la foi». Un appel à la violence à peine
déguisé, découlant sans doute d’une mauvaise
interprétation du Saint Coran et de la Sunna.
sations injustes et ignobles». Dans l’état actuel
des choses, il y a péril en la demeure- à en ju-
ger d’après les propos de Abdelhamid Jmahri,
membre de l’UEM, directeur de la rédaction d’«Al
IttihadAl Ichtiraki» et membre du Bureau politique
de l’USFP. «Nous sommes face à une mentalité
rétrograde. La pensée moyenâgeuse tente de
s’exprimer par tous les moyens et sur tous les
créneaux. C’est dangereux pour l’avenir du pays.
Ledangerémanesurtoutdufaitqu’ilsontlapossi-
bilité d’utiliser aisément les réseaux sociaux pour
cracher leur venin», nous déclare-t-il.
Pareil pour Salah El Ouadie, initiateur du mouve-
ment«Damir»(Conscience),regroupantdesintel-
lectuels, des artistes…, et dont le credo est «la
liberté de la pensée et le triomphe de la dignité».
El Ouadie ne va pas de main morte : «Il est incon-
cevable que l’on s’en prenne cruellement à des
personnes innocentes ayant échangé un baiser
innocent. Preuve de cette innocence- ce qu’ont
feint d’ignorer les détracteurs des deux couples
de «Lalla Laâroussa»-, est que cela s’est passé
en public. La mauvaise intention veut que l’on
se cache pour commettre des gestes répréhen-
sibles». Et de s’insurger : «Le dilemme est que,
au moment où les salafistes, les islamistes et les
intégristes commencent à prendre du recul, le
Web a ouvert grand la porte aux dérapages et aux
mauvaises interprétations de la religion».
Saïd Lakhal, islamologue et auteur de plusieurs
ouvrages sur le mouvement Al Adl Wal Ihssane,
abonde dans le même sens. Interpellé par «L’in-
ternaute» au sujet des images de «Lalla Laârous-
sa», Lakhal s’indigne : «Le problème ne réside
pas dans les images des embrassades entres
les deux couples, mais plutôt dans la vision que
nous portons à ces images. Or, la vision de nom-
breuses personnes les ayant jugées contraires
aux mœurs, est archaïque, voire maladive».
En effet. C’est une sorte de foire de pensées
décousues, de propos incohérents, de mala-
dresses verbales…, qui sévit sur la Toile. Pis, au
Abdelbari Zemazami, la star incontestable des
Fatwas sexologues.
Cheikh Sar, l’apprenti flingueur, qui dit vouloir
changer les mœurs.
L’imam Abdallah Nahari, un flingueur patenté
qui dégaine plus vite que son ombre.
Nous sommes face à une
mentalité rétrograde. La
pensée moyenâgeuse
tente de s’exprimer par
tous les moyens et sur
tous les créneaux.
C’est dangereux pour
l’avenir du pays.
L’Union des écrivains du Maroc (UEM), d’habi-
tude loin de ce genre de débats, était sortie de
sa réserve. Dans un communiqué rendu public,
le conglomérat des écrivains dénonce «les dis-
cours takfiristes» relayés sur les réseaux sociaux
et qui «dénotent de l’ignorance de leurs auteurs
des idées et des personnes visées par ces accu-
24. 24 L’internaute n°13 • Juin 2014
nom de l’audimat, on se permet de jeter en pâture
des jeunes mariés, futurs parents ainsi que leurs
familles. Tant les commentaires sur le Web ou
ceux, particulièrement, accompagnant la vidéo de
Cheikh Sar, ne laissent pas de doute. Les jeunes
gens sont qualifiés de tous les noms. «Prostitution
en direct», a commenté un internaute se disant
«choqué». Il n’y a qu’un pas que Cheikh Sar et
ses acolytes ont franchi.
S’élevant contre ce diktat moral, Ahmed El Haij
estime qu’«il existe un grand laisser-aller dans
le domaine des fatwas au Maroc». Le président
de l’Association marocaine des droits humains
(AMDH) souligne : «L’on n’est plus dans le do-
maine de «Annassiha» (le bon conseil), mais plu-
tôt dans l’agression verbale pouvant se traduire
par des actes contre l’intégrité physique des per-
sonnesvisées.Ceuxquimatraquentlesgenspar
ce genre de dires insensés, veulent nous faire
revenir des années en arrière».
Un problème d’une grande acuité ayant été sou-
levé maintes fois au Parlement.
Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des
Affaires islamiques, a souvent insisté sur le fait
qu’il ne s’agit aucunement de fatwas, mais plutôt
d’avis personnels. «Des avis qui restent, toute-
fois, une simple opinion personnelle», clame le
ministre devant les députés. D’autant plus que
le Conseil Supérieur des Oulémas que préside
le roi, est la seule instance habilitée à émettre
des fatwas, à trancher dans toutes les questions
relatives à la religion. Comme le stipule l’article
41 de la Constitution : «Le Roi, Amir Al Moumi-
nine, veille au respect de l’Islam. Il est le Garant
du libre exercice des cultes. Il préside le Conseil
supérieur des Oulémas, chargé de l’étude des
questions qu’il lui soumet. Le Conseil est la seule
instance habilitée à prononcer les consultations
religieuses (Fatwas) officiellement agréées, sur
les questions dont il est saisi et ce, sur la base
des principes, préceptes et desseins tolérants de
l’Islam…»
C’est on ne peut plus clair. Pour vu que ces
autoproclamés Muftis, redresseurs de torts, se
tiennent à carreau. Cependant, pour le profes-
seur Saïd Lakhal, difficile de combattre ce phé-
nomène. «Ces gens qui profèrent des fatwas et
s’en prennent aux autres au nom de la religion,
bénéficient de l’impunité que leur offre le Web,
regrette-t-il. Tant que ce domaine n’est pas régle-
menté et souffre d’un vide juridique, on doit s’at-
tendre à ce que les choses vont se dégradant.»
Un pessimisme largement partagé. Hélas ! ■
Le Conseil Supérieur
des Oulémas que préside
le roi, est la seule
instance habilitée
à émettre des fatwas,
à trancher dans toutes les
questions relatives
à la religion.
Cheikh Abou Naim, le takfiriste en chef, qui
excommunie les progressistes.
Mayssa Salama Ennaji pousse le bouchon loin
jusqu’à appeler au mariage des mineures.
Mohamed Fizazi s’est «rangé» après un séjour en prison,
mais n’en continue pas moins de susciter polémique.
Abdelkader El-Aine
Ces fatwas qui font jaser !
Les autoproclamés Muftis ont trouvé dans la Toile un meilleur refuge pour émettre leurs
fatwas en toute liberté et en toute impunité. Leurs propos dépassent parfois l’entendement
et frisent le ridicule. Morceaux choisis.
● Le très controversé CheikhAbdelbari Zamzami a autorisé la femme enceinte à boire du vin et le
mari à s’accoupler avec le cadavre de sa femme. En janvier dernier, il estime que «le divorce par
SMS est halal». Pour Zemzami, tous les moyens technologiques sont bons pour le mari d’informer
la femme de sa répudiation : téléphone, SMS, courriel, Facebook…
● Ahmed Choukairi Dini, membre du Conseil national du PJD, écrit sur sa page Facebook, en
mars dernier, que «Ibnou Outhaïmin a autorisé au voyageur de coucher avec sa femme avec ou
sans préliminaires durant une journée de jeûne», arguant qu’«il est permis de rompre le jeûne en
mangeant, en buvant ou en s’adonnant aux plaisirs de la chair».
● En 2008, Cheikh Mohamed al-Maghraoui émet une Fatwa autorisant le mariage des fillettes
de 9 ans. «On peut marier les filles de 9 ans. Elles sont plus performantes au lit que les femmes
adultes», a-t-il notamment dit.
● OmarAl-Haddouchi, condamné à 30 ans de prison en relation avec l’attentat de Casablanca en
mai 2003, avant d’être gracié, estime que «tous les musulmans doivent quitter la France». «Les
pays non-musulmans sont comme les toilettes : vous faites ce que vous avez à faire et puis vous
quittez», a-t-il déclaré. Sa fatwa prononcée dans une vidéo de 14 minutes circule toujours sur des
sites djihadistes.
● En décembre 2013, le cheikh salafisteAbou Naim diffuse une vidéo sur YouTube dans laquelle il
excommunie les femmes et les hommes de la gauche marocaine ainsi que plusieurs intellectuels,
soulignant qu’ils «servaient un agenda laïc de gauche hostile à la religion musulmane». A l’égard
de 2M, il dit : «2M est une chaîne sioniste qui attaque l’Islam et la Charia. Elle répand les rumeurs
et les mensonges».
25. 25L’internaute n°13 • Juin 2014
A.I
initiatives
Trois éditions et un franc succès
Startup Weekend Maroc
C
e sont en moyenne 650
jeunes à avoir été inscrits en
ligne pour chaque édition.
Chiffre encourageant pour les
organisateurs. «La réussite
des trois premières escales de Startup Weekend
Maroc conforte notre volonté d’impulser l’esprit
d’entreprendre chez les jeunes et leur apprendre
lesoutilsdebasesindispensablespourtransformer
les idées innovantes en startups rentables», se
réjouit Naoufal Chama, président Startup Maroc.
Quoi que l’agenda de la caravane StratUp
Weekend prévoie au total une douzaine d’escales
dans les différentes régions du Maroc, certains
jeunes n’attendent pas l’arrivée de la caravane
près de chez eux, et se déplacent de loin pour
participer aux différentes éditions. Ils étaient en
moyenne 30 % à venir de loin pour participer aux
trois éditions tenues. Le profil des participants
est majoritairement (80%) constitué d’étudiants.
Ceci étant, des lycéens, des fonctionnaires et
des salariés du privé ont également pris part aux
différentes escales de StartUp Weekend. Les
femmes, quant à elles, constituent le quart des
participants.
Après le succès du lancement de la caravane
à Khouribga avec à la clef 200 participants et
Depuis son lancement le 4 avril à Khouribga, la caravane Startup Weekend Maroc s’est arrêtée
respectivement à Agadir et Safi pendant les premier et dernier weekends du mois de mai. Le bilan de
ces trois éditions est sans conteste au vert. Au total, 1948 jeunes inscrits, 630 idées pitchées, 163
projets présentés, 43 équipes formées, 35 mentors impliqués et 10 projets primés.
65 idées présentées (Cf : L’internaute N°12), la
caravane s’est arrêtée à Agadir puis à Safi.
Un strateupeur de 14 ans à Agadir
Les 16 projets participants au weekend d’Agadir ont
été sélectionnés parmi 47 idées présentées. Parmi
elles, l’idée du plus jeune participant à la caravane.
En effet, Imad Erchid, un jeune collégien de 14
ans, a présenté un projet de streaming musical
«StreamZik».Ilaétédésignécoupdecœurdujury.
Le 1er
prix de cette étape a été remporté par Magic
Box, un cuiseur qui achève la cuisson loin du feu
après un premier réchauffement de la marmite et
sans utilisation de gaz ou d’électricité. Le 2ème
prix,
a été décerné à Patiss, pâtisseries sans sucre pour
les diabétiques alors que le 3ème
prix a été attribué
à l’équipe Laferay.ma, une plateforme pour les
annonces des pièces de rechanges automobiles.
L’édition d’Agadir a été également marquée par
la présence de Fredrik Harkot, un busines angel
allemand intéressé par les startups marocaines.
Il a déclaré à l’occasion : «J’étais impressionné
par la qualité des projets et l’énergie des jeunes
participants et leur détermination à apprendre
et à réussir. Je n’hésiterai pas à revenir lors des
prochainsstartupweekendpouraccompagnerplus
de jeunes». Il n’était pas le seul d’ailleurs. Ahmed
Zrikem, co-fondateur & CEO d’une plateforme de
croudfunding, a accompagné les Gadiris et leur
a expliqué les principes du croundfunding et son
intérêt comme solution de financement alternative.
Safi, des idées originales
Ils étaient 127 participants à rejoindre Startup
Weekend à Safi pour présenter 40 idées. «Les
projets des Safiots n’ont rien à envier en termes
d’originalité et de sérieux aux projets qu’on peut
communément voir sur la région de Casa-Rabat»,
a déclaré Imad EL Aouni, mentor à Startup
Weekend. Suite au vote du public, 16 projets ont
été retenus pour entrer dans la compétition. Les
équipes projets se sont vues aider par 13 mentors
pour réaliser leur business model et le présenter
au jury. Vu les idées présentées, le choix n’a
pas été facile pour ce dernier. Après de longues
délibérations, les projets F’lloussi, Tajelec et Jiblya.
ma ont remporté respectivement les trois prix.
F’lloussi qui a remporté le premier prix et un projet
de fabrication des incubateurs d’œuf à faible coût
à partir du recyclage réfrigérateurs défaillants. Le
2ème
prix a été décerné à Tajelec qui a présenté
un projet de Tajine 100% Electrique. Enfin, le
3ème
projet gagnant est revenu à jibliya.ma, une
plateforme web de courses en ligne express. ■
26. 26 L’internaute n°13 • Juin 2014
initiatives
Une nouvelle plateforme virtuelle est née pour informer les voyageurs sur les horaires, les destinations et les tarifs
des autocars. Lagare.ma propose également un service de réservation en ligne. Une initiative individuelle qui a le
potentiel de devenir une startup. Eclairage.
Voyager intelligent
Issam Darui
L
ancé le 15 mars dernier,
lagare.ma a reçu près de
59.000 visiteurs uniques et
compte 120 membres. Le
site référence 48 sociétés de
transport routier et propose 144 destinations sur
le territoire marocain et 7 destinations en Europe.
Une fois inscrit sur le site, l’utilisateur a accès aux
horaires de départ, ceux d’arrivée ainsi que les
tarifs proposés par compagnie.
Le site contient également d’autres informations
utiles comme la newsletter, les informations sur
les sociétés de transport avec l’adresse et le
téléphone des dites sociétés. lagare.ma propose
aussiunerubriquedédiéeauxinformationssurles
destinationsavecunaperçusurlavilleainsiquela
météo de la semaine. Pour l’instant, le contenu de
cette rubrique contient une quarantaine de villes.
«Le reste du contenu est en cours de préparation
et sera bientôt mis en ligne», nous déclare Issam
Darui, initiateur de lagare.ma. Développé via php,
css et jquery, lagare.ma adopte une approche de
fonctionnalités utiles mais son design reste peu
attractif. Interrogé sur la question, Issam confie
à «L’internaute» : «J’ai fait le site avec très peu
de moyens. Je l’ai travaillé seul en sachant que je
suis un designer et un développeur amateur. Tout
ce que je sais, je l’ai appris sur le Net. Je n’ai pas
fait d’études en la matière».
Issamcroitdurcommeferdanslepotentieldeson
projet. Il compte d’ailleurs lancer bientôt une ver-
sion mobile et une application GoogleAndroid. Le
tout est exclusivement mis au point par lui-même.
Son plan de développement ne s’arrête pas là. Il
ambitionne de réaliser une version francophone
du site et créer à terme une société pour pouvoir
développer son projet.
Du pain sur la planche
Depuis le départ, Issam savait que sa plateforme
ne peut être rentable qu’en étant sous la coupole
d’une entreprise ayant pignon sur rue. S’il ne
l’a pas fait jusqu’à aujourd’hui, c’est seulement
faute de moyens. «Avant de lancer le projet, j’ai
contacté Maroc Telecommerce pour contracter
le service de paiement en ligne. C’est là que j’ai
su qu’il faudrait être une personne morale pour
pouvoir développer lagare.ma comme business»,
dit-il avec amertume.
Dans leur majorité, les sociétés de transport rou-
tier ne possèdent pas de système informatisé.
Pour réserver et acheter un billet pour ses visi-
teurs, Issam procède à l’ancienne en contactant
un guichetier. D’où le statut «en attente de véri-
fication», qui parait sur la plateforme une fois la
destination et la compagnie choisie par le visiteur.
Une fois la réservation effectuée, le visiteur peut
Identité numérique
Email : contact@lagare.ma
Site web : lagare.ma
Facebook : facebook.com/lagare.ma
Twitter: @ LagareMa
Youtube: goo.gl/smkbgi
Agé de vingt ans, Issam Darui est un étudiant
en 1ère
année sciences économiques à l’Uni-
versité Mohammed 1er
d’Oujda. L’idée de créer
un site dédié au transport routier ne lui est pas
venue de nulle part. Issam a bercé dans ce
milieu où travaillent la plupart des membres de
sa famille. Depuis l’âge de 13 ans, il y travaille lui
aussi comme voyagiste pendant les vacances.
Intéressé par ce secteur, mais aussi par les
Technologies de l’information et de la communi-
cation, Issam essaie de joindre ces deux centres
d’intérêt pour «enrichir le contenu du Web maro-
cain». Animé d’une grande volonté et n’ayant
presque pas de moyens, Issam a mis le site en
ligne le 15 mars après 7 mois de conception et
dedéveloppement.Unebelleaventurevenaitde
commencer.
Qui est Issam Darui ?
payer par les services de paiement en ligne (Pay-
pal, Payza, Egopay, Neteller, Skrill, Payoneer…),
par virement ou par Western Union. Depuis son
lancement en mars dernier, lagare.ma enregistre
entre 10 et 15 billets vendus par semaine. Sur
ces ventes, Issam perçoit une commission de (5
à 10%) de la compagnie de transport. Mais ce
n’est pas la seule source de revenu du modèle
économique de Issam. La publicité sur le site, le
paiement par appels téléphoniques ou SMS sur-
taxés sont également dans le pipe, en attendant
qu’il puisse «séduire un investisseur et créer une
société et faire les choses dans les règles de
l’art».Asuivre. ■
Aicha Idrissi
27. 27L’internaute n°13 • Juin 2014
Parole de scout
Youssef Ghalem
L’internaute: Combien comptez-vous de
membres inscrits aujourd’hui?
Youssef Ghalem: Après sept mois d’existence,
Kezakoo totalise plus de 15 000 membres. Nous
en sommes fiers, d’autant plus qu’il ne s’agit que
de la version Beta pour laquelle nous n’avons
pratiquement pas fait de promotion.
Combien de membres sont réellement actifs?
Les membres de Kezakoo qui sont actifs et
réguliers constituent plus de 35% de la totalité de
la communauté Kezakoo. Ce qui n’est pas du tout
mauvais.
Quelles sont les statéstiques d’audience du
site ?
Nous comptons quelque 100 000 visiteurs uniques
par mois et 600 000 pages vues/mois. Ces chiffres
ne sont pas révélateurs, car nous avons choisi de
ne pas communiquer sur la version actuelle du
site. Nos priorités pendant cette phase beta sont
la production du contenu et la préparation d’une
version 1 améliorée.
Quand prévoyez-vous le lancement de cette
nouvelle version ?
Nous y travaillons avec comme date butoir la
rentrée scolaire.
Vous avez démarré avec une e-librairie de
300 vidéos. Combien en comptez-vous
aujourd’hui?
Nous totalisons aujourd’hui plus de 600 vidéos.
Nous nous n’arrêterons pas là. La production se
poursuit et on aspire à dépasser de loin ce nombre
d’ici la rentrée.
Quel est le top 5 des téléchargements vidéo ?
Les cinq types de cours les plus téléchargés sont
dans l’ordre : Mathématiques pour BAC, Langue
française, Mathématiques pour classes prépas,
Physique pour BAC et Informatique.
Etes-vous satisfait du nombre de vues sur
YouTube (358.679) et de celui d’abonnés
(4247)?
Je dirai même beaucoup, car les chiffres sont
Kezakoo, la première plateforme de crowd-learning au Maroc, a été lancée dans sa version beta le 30
septembre dernier. «L’internaute» a rencontré son initiateur Youssef Ghalem pour faire le point sur
l’évolution de ce projet ainsi que sur les prévisions pour le lancement de la nouvelle version.
en constante progression. A titre d’exemple, nos
vidéos avaient cumulé 30 000 visionnages en
janvier contre 75 000 en mai.
Est-ce que vous êtes parvenus à commercialiser
l’offre e-learning ?
Oui, mais plutôt en tant que créateurs de contenu
éducatif. D’ailleurs, notre business model repose
principalement sur des prestations de création de
contenuéducatifenB2B,commepourlecasdenotre
collaboration avec INWI sur le projet bac.inwi.ma.
Dans le business plan initial vous envisagiez de
rentabiliser la plate-forme à travers les revenus
publicitaires.Septmoisplustard,iln’enestrien.
Pourquoi ?
La raison est simple : il y a une différence grandeur
nature entre vision initiale et apprentissage en
cours de route. Pour une startup comme Kezakoo,
les revenus publicitaires ne peuvent en aucun cas
constituerunesourceprincipalederevenus.Raison
pourlaquellenousremettonscetteapprocheàplus
tard. Nous comptons prospecter dans ce sens une
fois que la nouvelle mouture du site sera lancée.
Et qu’en est-il des formations présentielles
payantes ?
Cet aspect n’a été qu’expérimental, nous avons
reconçu notre modèle économique depuis le
temps.
Tousthèmesconfondus,combiendevidéosde
contributeurs avez-vous reçues ?
Nous n’avons reçu que très peu de contributions
communautaires à ce jour. Certaines ont été
validéesetmisesenligne.Ceciétaitplutôtprévisible
car nous n’avons ni mené une campagne dans
ce sens, ni médiatisé le concept. Nous sommes
attentifs à la nouvelle version du site, dans laquelle
nous comptons associer contribution sociale
à compétition mensuelle, une compétition qui
sera sponsorisée et récompensera les meilleurs
contributeurs. Keep tuned.
Combien et quel genre de vidéos de
contributeurs ont été mis en ligne ?
Pour le moment, il ne s’agit que d’une petite
douzaine portant sur des cours de mathématiques,
français et informatique.
Quel est le principe des clubs Kezakoo et
combien de clubs ont été constitués ?
Un club Kezakoo est un club estudiantin que
peut abriter n’importe quelle école supérieure
avec l’objectif de former les étudiants à créer des
contenusdigitaux.Nousenavonsfondédeux pour
lemoment(dontunàl’ENCGOujda).Cetteactivité
suscitera des efforts plus conséquents à partir de
la prochaine rentrée. Nous n’avons pas pu ouvrir
beaucoup de chantiers cette année. Kezakoo était
à ses débuts et requérait beaucoup d’attention. ■
Propos recueillis par H.Elouadrhiri