Dans un contexte tendu où les talents sont difficiles à recruter pour de nombreux secteurs, le réflexe actuel dans les entreprises de « faire de la marque employeur », avec une mobilisation des équipes RH ou marketing...ou les deux dans le meilleur des cas ! Mais on ne “fait” pas de la marque employeur !
la marque employeur fait place au marketing RH. Etes-vous prêts ? - Conférence Adetem Rhône-Alpes
1. Dans un contexte tendu où les talents sont difficiles à
recruter pour de nombreux secteurs, le réflexe actuel dans
les entreprises de « faire de la marque employeur », avec
une mobilisation des équipes RH ou marketing...ou les deux
dans le meilleur des cas ! Mais on ne “fait” pas de la marque
employeur ! C’est un abus de langage car comme le dit
Jeff Bezos : “La marque, ce n’est que ce qu’on dit de vous
quand vous n’êtes pas dans la pièce”. Or pour maitriser
cette image, et surtout faire en sorte que celle-ci soit
cohérente avec la réalité de l’entreprise et les candidats
qu’elle recherche, c’est une stratégie de Marketing RH qu’il
faudra mettre en place !
Celle-ci reposera sur trois piliers :
• La compréhension de l’offre RH de l’entreprise, son
ADN, sa culture, ses valeurs et la réalité de l’expérience
qu’elle propose à ses collaborateurs, nouveaux ou
actuels
• La connaissance de son “marché de candidats” (bien
connaitre ses cibles, leurs attentes, leurs besoins, leurs
usages .. et ce que leur propose la concurrence !)
• La façon dont l’entreprise va communiquer son offre et
interagir avec ces cibles avec les bons médias et les
bons arguments
En synthèse, une marque employeur puissante se
décomposera en trois paliers indissolublement liés :
L’identité (valeurs, promesse) , l’expérience (les preuves de
la promesse) et l’image (le faire savoir). Et la collaboration
des équipes RH et marketing /communication sera clé pour
y parvenir.
UNE COLLABORATION RH -
MARKETING AVEC DIFFÉRENTS
ENJEUX
Les fonctions Marketing et RH se
rejoignent pour ...
• Etablir une stratégie RH en
fonction des candidats à recruter
ou conserver pour atteindre les
objectifs de l’entreprise
• Faire un état des lieux de
la réalité des expériences
proposées et vécues : Candidat
et collaborateur vivent des
parcours, des “expériences”
différents qui vont de l’entrée
jusqu’à la sortie de l’entreprise.
Et un même parcours peut être
vécu de façon complètement
différente dans deux entreprises
différentes, selon les valeurs, la
marque
• Construire un plan d’action
marketing concret et complet
pour susciter de l’intérêt, attirer
les bons talents, accompagner
les collaborateurs durant toute
leur vie dans l’entreprise pour
qu’ils soient le plus engagés
possible, voire qu’ils deviennent
des ambassadeurs.
• Construire et suivre les bons
indicateurs selon les objectifs et
parcours : canaux d’acquisition
les plus efficaces, pourcentage
de signature, turnover, rétention,
enquêtes d’engagement, de
satisfaction...
D’OÙ EST VENUE VOTRE DÉMARCHE DE
MARKETING RH ? QUEL ÉTAIT L’ENJEU
ET QUI A PRIS LA DÉCISION D’ALLER
VERS CE SUJET ?
Agnès Mistretta évoque son
expérience en tant que DRH groupe
chez Limagrain (coopérative de 1
500 agriculteurs, 4ème semencier
mondial avec une présence dans 57
pays, 9000 salariés+, 85 nationalités).
L’attractivité des talents était
un sujet, car la marque n’était
pas très connue hors du monde
semencier. Le groupe comprenait
13 sociétés différentes, avec des
noms différents connus (Vilmorin,
les pains Jacquet, Brossard...) mais
une marque employeur distincte.
La marque groupe n’était pas
forcément très utilisée et il a été
décidé d’avoir une stratégie globale
pour toutes ces marques. Agnès a
donc créé en interne le poste de
“Talent Acquisition” pour dynamiser
l’attractivité et la fidélisation au
niveau du groupe. Elle a trouvé
originale la candidature d’une
personne venant du marketing pour
traiter des sujets très fonctionnels, et
intégré ce profil atypique dans son
équipe.
Laetitia Guyon est responsable
recrutement et marketing RH depuis
3 mois chez Office Santé (CA 3M€,
28 personnes, 8 centres, 30 à horizon
2026), qui regroupe des centres de
santé associatifs. Le sujet n’est pas
la rentabilité, mais le recrutement
et la notoriété, dans un secteur de
la santé et des médecins qui est
très pénurique. Il s’agit de profils en
poste qui n’ont jamais eu à chercher
d’emploi. Le groupement cherche
à attirer des médecins généralistes
ou spécialistes vers le salariat,
notamment en dentaire, une
gageure ! Le DG avait originellement
fait appel à un cabinet de chasse
pour rechercher un pur profil RH
afin de remplir cette mission. Or, il
s’est rendu compte qu’il fallait un
profil plus hybride pour recruter et
de communiquer autrement sur la
marque, le côté associatif apportant
un vrai gage d’authenticité. Il
fallait innover en relations presse,
en communication sur les réseaux
sociaux, en stratégie de recrutement.
Cédric Chevallier est head of
brand and communications chez
Lepermislibre (80 collaborateurs à
Lyon, 850 enseignants) depuis 2 ans
et demi. La société, née en 2015,
a voulu “disrupter” un marché en
digitalisation. Elle est passée d’une
douzaine de personnes à 80 entre
2015 et aujourd’hui. Tous les pôles
(tech, data, administratifs, com,
marketing, opérations ...) se sont
structurés petit à petit, avec deux
types de recrutement à gérer de
front.
>>
De g. à d. et de haut en bas - P. Basile (Peeers Partners), C. Chevallier (Lepermislibre), Agnès Mistretta (OL Groupe), L. Guyon (Office Santé).
Un reportage proposé par Patrick DUCHER
Pour expliquer et illustrer cette nouvelle démarche
de Marketing RH, la conférence co-organisée par
l’ADETEM et l’ANDRH Rhône-Ain dans les locaux
de Sup de Pub, avait associé l’expertise de Pauline
Basile, de Peeers et les retours d’expérience de
trois intervenants au profils variés (pur RH, pur com
et hybride) venant d’entreprises diverses avec des
cibles RH très différentes
• Cedric Chevallier, Head of Brand and
Communications Lepermislibre
• Laetitia Guyon, Responsable Recrutement et
Marketing RH OFFICE SANTÉ
• Agnès Mistretta, Directrice des Ressources
Humaines Olympique Lyonnais Groupe,
anciennement DRH chez LIMAGRAIN
2. Les collaborateurs internes d’une part, les formateurs auto-
école indépendants d’autre part. La marque employeur était
portée historiquement un peu par tout le monde, notamment
par les managers qui effectuaient les recrutements en ligne
avec la vision du fondateur. A l’époque, l’identité de marque
restait encore discrète. Elle active désormais énormément de
leviers partout en France avec une présence dans 500 villes.
Il a fallu développer énormément de pédagogie auprès de
formateurs sur des environnements concurrentiels, notamment
sur Lyon. Potentiellement, les cibles étaient aussi des salariés
d’auto-école incités à l’indépendance. L’équipe com est en
support de l’équipe opérations qui assure le déploiement.
Elle assure le développement, l’acquisition, l’onboarding des
enseignants partenaires et la fidélisation et l’administration via
une plateforme dédiée. Il n’y a pas de rapport hiérarchique
avec ces cibles, qui sont indépendantes.
QU’AVEZ-VOUS MIS EN PLACE ET OÙ EN ÊTES-VOUS
AUJOURD’HUI ?
Agnès a travaillé chez LIMAGRAIN à la refonte de la marque
groupe, en lui faisant opérer un virage marketing, l’entreprise
devenant une offre en tant que telle. Elle a effectué un
benchmark de la concurrence pour analyser les promesses
faites aux candidats : leur registre était-il descriptif ou
émotionnel ? Les bénéfices étaient-ils individuels ou centrés
sur la mission de l’entreprise ? “Nous avons ensuite cogité
sur notre positionnement produit, nos particularités, nos
avantages et notre identité. Des interviews et des enquêtes
ont été menées pour connaître la perception des salariés,
les freins, pour constituer une cartographie descriptive
de l’entreprise dans toutes ses dimensions (sens, missions,
caractéristiques ...). Nous avons appliqué l’outil marketing
“Humanizer” à l’offre Limagrain pour caractériser la tête, les
bras, les pieds, le cœur de l’entreprise. Nous avons cherché
vraiment des éléments différenciants pour définir notre
identité profonde et parler de nous”. Par la suite, il a fallu
comprendre les attentes des candidats et des salariés (sens,
qualité de vie au travail, équilibre pro/perso...) et positionner
une offre cohérente. “Nous avons écrit un manifeste sur la
base de verbatims, avec des phrases clés sur le registre
émotionnel. Ce document, véritable « brief », a été transmis
non seulement aux recruteurs, mais à toutes les personnes
susceptibles des “vendre” l’image de l’entreprise, en fonction
des cibles, avec des messages et des contenus uniformes
pour que l’identité de l’entreprise soit reconnue à travers
toutes les sociétés, quelle que soit l’offre”.
Concernant la forme ensuite, il fallait mettre en œuvre un
“système de communication” et défendre une “marque
chapeau” compatible avec plusieurs marques ayant
chacune leur identité. En première étape, un co-branding a
été élaboré, puis l’aspect visuel est venu ensuite, avec une
charte graphique qui utilisait des portraits de “vrais” salariés
dans leur espace de travail. Cette forme était utilisable
dans toutes les sociétés et créait une uniformité de ton pour
le groupe Limagrain, de façon bien plus efficace que des
banques d’images artificielles. Enfin, un soin particulier a
été apporté au référencement SEO à travers des mots-clés
spécifiques pour garantir une visibilité digitale.
Laetitia est en pleine réflexion stratégique autour de
l’attractivité et de la notoriété nationale des centres de santé
OFFICE SANTE , car il existe des typicités selon les villes. “Les
codes sont différents entre Lyon et Toulouse. Nous sommes
en train de créer des fiches de profils de candidats idéaux.
Il nous faut aller chercher ces candidats sur des réseaux ou
des groupes privés de type Facebook ou LinkedIN selon
les professions, c’est une véritable approche de détective
privé ! Cela permet de dépasser les codes classiques en
visant la génération Z, ou de jeunes parents. Nous montons
parallèlement notre plan de communication marketing RH,
avec un enjeu de différenciation par rapport aux centres de
santé classiques. Un gros travail est fait en termes de présence
sur les réseaux sociaux via du SEA (référencement payant)
et des influenceurs santé (communauté Tiktok), les relations
presse, une présence dans les facultés. Enfin, Office Santé est
très connectée au terrain, via de la remontée d’informations
de managers locaux très engagés”.
Chez Lepermislibre, le plan marketing RH est en cours de
constitution et l’équipe communication intervient en support.
“Il y a une forte dimension pédagogique et de vulgarisation,
tant envers les talents à recruter, que vis-à-vis des enseignants.
Les ambassadeurs sont très importants. En effet, l’expérience
est vécue par tout le monde au sein de l’entreprise, et peut
être communiquée pas seulement la RH. L’approche est
résolument humaine. On montre les métiers, les talents au
travail et on les valorise par exemple à travers les vidéos “Sous
le capot” diffusées via LinkedIN pour le B2B, ou des podcasts.
Un gros travail a été fait sur la plateforme de marque, le
branding, les processus d’intégration des candidats. Tous les
documents internes sont dans Notion, un outil qui condense
les fonctionnalités de Word, d’une base de données et d’une
page web. L’onboarding sur cette base, et les futurs talents
ont accès en amont aux informations sur l’entreprise, avec
un parcours dédié en mode “pre-boarding” et de nombreux
contenus à consommer”. Les nouveaux recrutés peuvent
aussi rencontrer leurs interlocuteurs au sein de l’entreprise.
Le support est très apprécié des personnes sur le terrain, qui
prennent conscience des efforts mis en œuvre. Il s’agit de
créer l’expérience la plus positive pour tout le monde.
LA PROCHAINE ÉTAPE DANS VOS ORGANISATIONS
RESPECTIVES ?
Cédric évoque des enjeux de fidélisation et de structuration
globale suite à une grosse croissance : “Nous sommes
présents dans plusieurs centaines de villes. La dimension de
recrutement reste très forte, tout autant que la pédagogie
autour du métier d’indépendant et ses bénéfices”. De son
côté, Laetitia est confrontée à des enjeux de structuration,
de refonte et de référencement de site, d’expérience
candidat. Elle doit faire le tour des médecins en région pour
bien comprendre leurs attentes par rapport au salariat
et maintenir un lien avec cette communauté. Étant très
occupés, il est important qu’ils aient un accès rapide à
l’information. Pour Agnès, qui travaille désormais chez
OL GROUPE, l’enjeu est différent puisque cette fois-ci la
notoriété de l’OL est très forte. Cependant, l’entreprise n’est
pas forcément connue pour l’ensemble de ses activités
et a besoin de diversifier ses profils. “Il y a aussi le foot
féminin, une académie, l’événementiel, une arène qui est
en construction pour fin 2023. Nous englobons en fait une
grande diversité de métiers (600 personnes) qui gagne à
être (re)connue. Mon défi consistera à attirer des personnes
qui ne sont pas forcément fans de foot, avec des envies et
des parcours divers”.
>>
3. QUESTIONS / REPONSES
Comment mesurer l’engagement de candidats grâce au
marketing RH ?
Agnès estime que travailler sur l’identité permet de mieux
parler de soi. “Chez Limagrain, il y avait beaucoup de
questionnement sur la QVT, la raison d’être, la mission.
Être capable de répondre sur ces points dynamise
l’engagement, tout comme la mission sociétale de
l’entreprise. Nourrir cette démarche par du contenu
opportun permet de soutenir la vision”.
Pour Pauline : “travailler vraiment sur sa marque
employeur permet aussi de mieux cibler. Il ne s’agit
pas d’attirer les meilleurs, mais ceux qui se sentiront en
phase avec la culture d’entreprise. Mécaniquement,
il y aura moins de rebond. Les personnes recrutées sur
LinkedIn – ayant donc une meilleure connexion avec
l’entreprise - ont beaucoup moins tendance à partir
pendant leur période d’essai que ceux recrutés via
les canaux classiques. Tenir un discours de vérité sur le
fond permet un engagement plus concret de la part
des bonnes personnes. Elles savent que l’expérience
est la réalité de ce qu’on leur a raconté. Travailler sur la
marque employeur a des répercussions sur l’intégralité
de la chaîne du recrutement”.
Laetitia a constaté les bénéfices d’un retour direct par
SMS ou coup de fil pour créer du lien, plutôt qu’un mail :
“La génération Z n’y est plus sensible. Sur des métiers en
tension, comme des commerciaux sur certains secteurs
industriels, le fait de rencontrer les interlocuteurs des
divers départements lors du processus d’intégration est
aussi un plus”.
Pauline renchérit : “On ne va pas faire vivre la même
expérience à un technicien qu’à un manager
commercial ou un consultant. On personnalisera son
parcours. Le marketing RH sert ça aussi ! Le recrutement
collaboratif est précieux : il y a toujours une “zone
blanche”, à risque, entre l’arrivée du candidat et son
embauche définitive. Lui faire rencontrer tout de suite ses
interlocuteurs internes permet de prendre conscience
de la cohérence entre ce qu’on lui a dit et la réalité.
Pour éviter que, s’il change d’avis, on ne le découvre
que le jour J !”.
Est-ce que le fait de mixer les termes de “Marketing” et
de “RH” a permis de modifier en profondeur la vie de
l’entreprise, par exemple en termes de QVCT pour le
télétravail, une attente forte des candidats?
Pour Agnès, la réponse est mitigée. : “Ce n’est pas le
marketing RH qui a fait changer l’entreprise. C’est le rôle
du DRH plus généralement de s’interroger sur les attentes
des salariés”. Pour Laetitia : “Les RH n’étaient peut-être
pas bien reconnues, voire mal jugées en interne, dans
l’entreprise elle-même. La RH, ce n’est pas que la paye.
L’état d’esprit des collaborateurs peut changer avec
une sensibilisation adaptée”.
Comment coordonner les équipes Marketing et RH et
combiner les compétences ?
Si les équipes RH n’intègrent pas de compétences
marketing dans leurs rangs, comme cela a pu être le
cas chez LIMAGRAIN ou OFFICE SANTE, il est important
de définir des groupes de projets multi-disciplinaires
qui peuvent collaborer régulièrement sur les sujets
marketing RH, avec des points réguliers et le soutien du
management, et idéalement avec des budgets dédiés !
LES TOPS : des portraits artistiques de vrais salariés
(Agnès) ; la refonte d’un site internet en cassant les
codes vestimentaires et les postures habituelles de
la culture d’entreprise d’une banque (Laetitia) ; un
processus d’onboarding réussi, car très positif et très en
amont (Cédric).
LES FLOPS : un manque initial de représentativité
et de diversité dans la forme (Agnès) ; un défaut
d’accompagnement des ambassadeurs sur un site de
recrutement (Laetitia).
Ce compte-rendu vous est proposé par Patrick Ducher,
journaliste d’entreprise B2B. Patrick propose aux entreprises
et associations professionnelles le compte-rendu/reportage
de leurs événements.
www.patrickducher.com | contact@patrickducher.com