1. Ville Lumière. XIV – XX - MMXIV
La FIAC ou le viol des foules
Les évènements sont des jugements sur le monde qui résonnent dans l’indifférence de la
technique (Masci). La FIAC en est une illustration.
Les cris de lumière se font partout entendre. Là voilà, divine étoile d’or qui rend l’âme
dans un tableau noir sur fond vide. Les avant-gardes et leur fuite en avant toujours plus
rapide ont fini par accoucher d’un temps de vie toujours plus bref, tellement bref qu’il a
perdu toute existence – n’évoquons même pas l’aura, chère à Walter Benjamin.
L’oeuvre d’art participe de la moralisation de l’argent, de sa désincarnation. Le milliardaire,
qui ne peut tout de même pas montrer sa piscine de billets – ni son phallus –, la morale le
lui interdit encore, expose son pouvoir de dépenser, la seule définition valable du pouvoir,
par l’achat, bénéfique pour son image, d’objets qu’il a décidé de considérer comme des
oeuvres d’art. Dans ce gigantesque blanchiment d’argent – au « propre » comme au figuré
–, dans cette nasse à engouffrer du fric, le porc-bourgeois actionne la machine à moraliser
du billet. Cette moralisation a fini par lui donner le rôle le plus important.
Le critique a dû rendre son éminent tablier, qu’il portait jusqu’à ce que le monde du « Mot
peint » (Tom Wolfe), époque où la critique faisait radicalement l’oeuvre, s’effondre devant
la technique qui a enfanté la spéculation. À chaque nouvelle édition de la FIAC, sous la
bénédiction de l’État qui défiscalise, le bourgeois fête sa réconciliation momentanée avec
la société. L’intouchable-désincarné, accompagné de lolita, trinque les yeux dans les yeux
avec ses conseillers en patrimoine, plus nombreux ici que les collectionneurs.
Dans ce scénario digne d’un mauvais film de porno-kitsch, et parmi les foires
périphériques, l’on trouve des témoignages poignants. Exemple d’un tableau : une langue
coupée, placée verticalement, piquée par un bâtonnet de glace. Comprendre : la mort du
goût, nous la tenons !
À l’ère de l’immédiat institutionnalisé, le blanc est partout, comme s’il tentait d’épurer le
dégueulis qui s’affiche sur les murs. La différence entre le minimum et le minimal ? Le
minimum c’est une bite, le minimal un godemichet (Ricciotti). Dorénavant, même le viol
des foules est minimal. Il s’effectue avec un plug anal, place Vendôme. Mais les foules ne
sentent plus rien, quand on les viole.
Apostasis