Le stockage électrique est un sujet en vogue. Les batteries stationnaires sont installées dans les bâtiments, microgrids et éventuellement combinées avec une installation solaire.
Dans cet article, nous évaluerons la pertinence économique actuelle et explorerons différentes stratégies de contrôle pour optimiser la performance et le retour sur investissement.
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BeeBryte - Performance économique des batteries (White Paper)
1. Johanna DREANO, Anne MERGY, Marine LECLERC 25 Juillet 2018
P.1
Stockage électrique, le prix de la révolution
10 min
Stockage
électrique
Le prix de la
révolution
2. Johanna DREANO, Anne MERGY, Marine LECLERC 25 Juillet 2018
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Stockage électrique, le prix de la révolution
Quelle stratégie de gestion énergétique
utiliser pour optimiser la performance
technico-économique d’une batterie
stationnaire installée dans un bâtiment ?
Le stockage d’énergie fait partie intégrante des enjeux
de la transition énergétique et comprend de
nombreuses technologies avec des caractéristiques et
des performances variables.
Les Systèmes de Stockage d'Énergie (SSE), et plus
particulièrement le stockage par batterie, sont en
vogue et ont connu une croissance sans précédent au
cours de la dernière décennie. Les batteries sont
partout. Dans votre ordinateur portable, votre
tablette, votre smartphone, votre voiture... De plus en
plus souvent, on considère l’opportunité d’installer un
SSE dans un bâtiment ou un Micro-Grid connecté ou
non au réseau, que ce soit de manière isolée ou en
l’incluant dans un projet d’énergie renouvelable. Est-
ce pertinent techniquement ? Économiquement ?
Quelle technologie est la plus adaptée ? Quelle
stratégie de management utiliser pour optimiser sa
performance technique et économique ?
Bien que le coût des batteries ait chuté de près de
80% depuis 201211
, et devrait continuer à décroître sur
les prochaines années, l’investissement initial que
représente un SSE reste significatif et son impact sur
le Taux de Rentabilité Interne (TRI) d’un projet est à
étudier soigneusement.
Nous allons présenter dans cet article différentes
stratégies d’exploitation d’une batterie Lithium-ion, et
leurs influences sur la pertinence économique de
l’investissement.
LES HYPOTHESES DE L’ETUDE
Quand il est installé derrière le compteur, un SSE peut
être assimilé fonctionnellement à une “capacité
énergétique tampon” permettant de désynchroniser :
(i) consommation électrique, (ii) soutirage réseau et /
ou (iii) production autonome. Selon les
caractéristiques des “déplacements énergétiques” en
jeu (durée, puissance, etc.), la chimie et l’architecture
du SSE doivent être adaptées afin d’optimiser son
efficacité et sa rentabilité.
Dans cet article, nous étudierons plus spécifiquement
l’intérêt du stockage stationnaire pour des bâtiments
tertiaires et industriels connectés au réseau, pour
lesquels la consommation énergétique devrait encore
augmenter de 1,6 % par an jusqu’à 2040². Nous
faisons également le choix a priori d’une solution
Lithium-ion, qui représente aujourd’hui par
l’homogénéité de ses performances le “couteau
suisse” du stockage de petite et moyenne capacité.
Cette batterie est amenée à dominer ce marché sur
les prochaines années, bénéficiant entre autres de la
traction liée à la croissance de la mobilité électrique.
Pour illustrer les différentes stratégies de
Management de Systèmes Énergétiques (MSE), nous
nous baserons sur l’analyse du marché français en
prenant l’exemple d’un site industriel agroalimentaire
avec une consommation annuelle de 2,4 GWh, une
puissance souscrite de 480 kW et une batterie
Lithium-ion (50kW / 100kWh) installée derrière le
compteur.
Afin de déterminer la meilleure stratégie MSE, deux
types de vieillissement de la batterie doivent être pris
en compte. D’une part, une durée de vie “sur étagère”
ou “calendaire”, que nous avons fixée à 15 ans, liée à
la dégradation des composants chimiques internes.
D’autre part, la dégradation de ses performances
(diminution de capacité, augmentation de résistance
interne, etc.) en fonction du nombre de cycles
effectués, assimilable à une “usure”. Il est
couramment d’usage (surtout dans le domaine de la
mobilité) de considérer qu’une batterie est “épuisée”
lorsque sa capacité résiduelle devient inférieure à 80%
de sa capacité initiale. Toutefois, l’expérience montre
qu’une batterie de dernière génération reste utilisable
pour des applications stationnaires au-delà de cette
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Stockage électrique, le prix de la révolution
limite, avec une capacité qui continue à décroître
quasi-linéairement jusqu’à moins de 70 voire 60 % de
sa capacité initiale avant de connaître un
effondrement.
Ces deux limites (calendaire et cycles) conduisent à
des stratégies d’utilisation différentes : l’une fixant la
limite d’utilisation de la batterie à la valeur classique
de 80 % que nous ferons correspondre ici à un total de
4000 cycles complets, et l’autre explorant une usure
jusqu’à 60 % que nous ferons correspondre à 8000
cycles, conformément à l’hypothèse linéaire évoquée
plus haut. Afin d’éviter qu’une batterie ne soit
changée en butée calendaire sans avoir été
totalement “usée”, une fréquence minimale de
cyclage doit être vérifiée. Avec une espérance de vie
de 15 ans, cela correspond à 270 cycles par an pour la
stratégie de cyclage “80 %” (soit 4000 cycles), et à 530
cycles par an pour celle de “60%” (soit 8000 cycles).
Dans la suite de l’article, nous nous référerons à ce
nombre de cycles minimum comme “cycles perdus” et
à ces deux stratégies par “cyclage modéré” pour
l’utilisation à 4000 cycles, et “cyclage intense” pour
l’utilisation à 8000 cycles.
ETUDIER LA RENTABILITE D’UNE BATTERIE
Une facture d’électricité se décompose
schématiquement en trois postes : (i) la
consommation d’énergie, (ii) la puissance souscrite
(ou “consommation” en puissance, incluant les
pénalités éventuelles en cas de dépassement de
l’abonnement) et (iii) les taxes et contributions. Ces
dernières étant indexées sur les deux premiers postes,
de sorte que la facture dépend essentiellement de
l’énergie consommée d’une part, et de la puissance
“consommée” d’autre part.
A consommation constante, il est possible de réduire
ces deux postes en arbitrant sur le prix de l’énergie
lorsqu’il varie dans le temps et en écrêtant les pics
d’appel en puissance. Ces opportunités d’économie
seront étudiées isolément, puis en cumulé. Dans
chaque cas, nous comparerons les deux stratégies de
cyclage : modéré ou intense.
Nota : En plus du potentiel d’économies sur la facture
électrique, un actif de stockage peut être générateur
de revenus supplémentaires en fournissant divers
services au réseau (effacement, réserve, etc.) qui
peuvent se cumuler en termes de flux financiers, et
participer significativement à la rentabilité de
l’investissement. Ces flux ne sont volontairement pas
pris en compte ici.
LES ECONOMIES LIEES A L’ARBITRAGE
L’arbitrage consiste à exploiter la volatilité des prix de
l’énergie. Ici, nous considérons un prix d’achat indexé
sur le prix de marché de gros (typiquement : contrat
“SPOT”). Bien qu’aujourd’hui en France, il ne soit pas
courant d’acheter directement sur ce marché, c’est un
fonctionnement qui existe déjà dans de nombreux
pays et nous pensons qu’une telle opportunité est
amenée à se développer en Europe et dans
l’hexagone d’ici les années à venir. Ce marché
présente plus d’opportunités d’arbitrage et constitue
un meilleur cas pour illustrer notre étude.
L’idée fondamentale de l’arbitrage est de
“surconsommer” en chargeant la batterie quand
l’électricité est la moins chère (et accessoirement la
plus propre), et de “sous-consommer” en déchargeant
la batterie quand l’électricité est la plus chère (et
accessoirement la plus carbonée), pour réduire sa
facture électrique. Ainsi, du point de vue du réseau, la
courbe de charge du site est modifiée pour tirer parti
de la volatilité du prix de l’énergie électrique.
Nous avons étudié l’évolution du TRI d’un
investissement SSE utilisé pour faire de l’arbitrage
uniquement, en fonction de son usure et de
l’évolution attendue des hypothèses économiques
dans les prochaines années. Les résultats confirment
l’intuition qu’en France, il est plus intéressant
d’utiliser la batterie intensivement, puisqu’un nombre
de cycles plus important offre plus d’opportunités
d’arbitrage (ce qui explique les valeurs de TRI plus
élevées en cyclage intense).
En prenant en compte l’évolution des coûts du
système de stockage³, qui auront diminué de 18 % en
France dans 3 ans, cumulée à l’augmentation du coût
de l’énergie dans les prochaines années, les TRI
restent négatifs avec -4,7 % pour un cyclage modéré
et -4,0 % pour un cyclage intense, même dans 3 ans
en arbitrage pur, comme illustré ci-dessous.
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Stockage électrique, le prix de la révolution
Figure 1 : Rentabilité SSE en arbitrage - France
L’augmentation des performances des batteries
(nombre de cycles, rendement, etc.) dans le futur
influera également positivement sur la rentabilité
mais ce paramètre n’est pas simulé ici.
Les TRI dépendent des caractéristiques du prix SPOT
qui reste peu volatil en France. En conséquence, les
opportunités d'arbitrage sur les prix actuels français
génèrent un gain inférieur au coût d'usure du SSE, il
est n'est donc pas intéressant de cycler le SSE au-delà
de son nombre de cycles perdus.
Cependant, si les tendances se confirment, les
opportunités économiques liées à l’arbitrage
devraient être décuplées grâce à un marché de gros
(SPOT) français beaucoup plus accessible aux
particuliers.
LES ECONOMIES LIEES A L’ECRETAGE
L’écrêtage des pics de puissance constitue une autre
source d’économie, en permettant la diminution de la
puissance souscrite. La batterie est chargée
préférentiellement pendant les périodes de faible
consommation, et plutôt que de soutirer toute
l’énergie du réseau lors des pics d’appel en puissance,
une partie est fournie par la batterie ce qui permet de
maîtriser et limiter la puissance appelée au point de
raccordement, donc d’éviter certaines pénalités.
Nous avons étudié l’évolution du TRI d’un
investissement SSE utilisé en France pour faire de
l’écrêtage de pic uniquement, en fonction de ses
hypothèses d’usure et de l’évolution attendue des
hypothèses économiques dans les prochaines années.
Comme illustré ci-dessous, Le TRI augmente au fil des
ans et on constate que contrairement à l’arbitrage, la
stratégie de 8000 cycles génère moins d’économies
que celle de 4000 cycles.
Figure 2: Rentabilité SSE en écrêtage - France
En effet, les performances en écrêtage de la batterie
dépendent de sa capacité utile, qui diminue avec le
vieillissement. Un cyclage intense qui accélère le
vieillissement accélère donc également la perte de
performance en écrêtage.
En prenant en compte la diminution des coûts du
système de stockage cumulée à l’augmentation du
coût de l’abonnement en puissance dans les
prochaines années, les TRI restent négatifs avec -1,9 %
pour un cyclage modéré et -2,7 % pour un cyclage
intense, même dans 3 ans en écrêtage seul.
LE CUMUL DES DEUX OPPORTUNITES
Ces simulations ont mis en évidence que le choix d’un
cyclage plus important avait des effets antagonistes
sur les différents leviers d’économies. Un nombre
important de cycles génère plus d’opportunités
d’arbitrage mais accélère le vieillissement des cellules
ce qui impacte les performances en écrêtage. En
pratique, il est bien plus rentable de combiner les
deux services pour augmenter les économies, comme
illustré sur les deux résultats de simulations ci-
dessous.
En début de vie, les capacités utiles sont similaires
dans les deux stratégies de cyclage, et les économies
d’écrêtage sont proches. Toutefois, un cyclage plus
fréquent augmente la part d’économies liée à
l’arbitrage.
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Stockage électrique, le prix de la révolution
En fin de vie, la batterie cyclée intensivement a une
capacité plus dégradée. Les économies qu’elle génère
grâce aux opportunités d’écrêtage sont inférieures à
celles générées par un cyclage modéré tandis que
l’impact sur l’arbitrage est plus limité.
Dans le marché français, l’écrêtage apporte une part
d’économies légèrement supérieure ; il convient donc
d’adopter une stratégie de cyclage modéré, comme le
confirme le taux de rentabilité interne légèrement
supérieur actuellement. Même si le cyclage modéré
génère moins d'économies en début de vie, l’écart
d’économies sur la durée de vie est compensé avec un
TRI qui passe positif et atteint 0,6 %, contre 0,5 %
pour un cyclage intense.
Si on observe l’évolution de la performance
économique d’un SSE dans une utilisation combinée
arbitrage & écrêtage (voir figure ci-dessous), on
constate que les deux courbes de rentabilité se
rejoignent, en raison de l’inflation de l’énergie qui
favorise les opportunités d’arbitrage.
Figure 3: Rentabilité SEE [arbitrage + écrêtage] – France
Ainsi, en suivant indifféremment une stratégie de
cyclage modéré ou intense, les économies générées
par l’exploitation cumulée d’un SSE en arbitrage et
écrêtage permettraient d’atteindre un TRI avoisinant
4,0 % d’ici 3 ans.
ET EN DEHORS DE L’HEXAGONE ?
On a vu que le marché français reste peu propice à un
projet SSE à l’heure actuelle. Cependant, il existe
d’autres marchés d’ores-et-déjà rentables comme par
exemple Singapour ou l’Australie.
Singapour est caractérisé par une libéralisation
poussée du marché de l’énergie, présentant une
volatilité plus importante qu’en France et un prix
demi-horaire, mais toutefois pas suffisante pour
compenser la perte de revenus d’écrêtage lorsqu’on
cycle trop la batterie. On observe donc comme en
France, que la stratégie de cyclage modérée est la plus
rentable avec un TRI actuellement à 9,3 % (soit 15,5
fois supérieur à l'équivalent français) contre 14,2 %
dans trois ans (3,5 fois le cas français).
En Australie, caractérisée par un réseau peu dense, les
coûts d’abonnement et donc les revenus d’écrêtage
sont plus élevés qu’en France. Mais la différence est
encore plus marquée sur la volatilité du marché, très
élevée, qui réussit à compenser la perte de capacité
résultant d’un cyclage intense. Résultat : on obtient
actuellement dans certains états un TRI supérieur à 80
% en cyclage intense (170 fois supérieur à la France
pour la même stratégie !), et avoisinant les 120 % d’ici
trois ans (soit près de 30 fois le TRI français prévu).
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Stockage électrique, le prix de la révolution
CONCLUSION
Plus le marché spot est volatil, avec un différentiel
important entre prix extrêmes et un pas de temps
réduit, et plus les opportunités d’arbitrage sont
intéressantes. L’écrêtage est quant à lui plus rentable
dans des juridictions où l’abonnement en puissance
est élevé. Il est donc important d'adapter la stratégie
opérationnelle d'un SSE en fonction du profil de
l'utilisateur et du marché dans lequel il opère.
La progression du stockage stationnaire, couplée à
une évolution favorable des prix (diminution du coût
du stockage, augmentation des coûts de l’énergie), va
entrainer une hausse de la rentabilité économique
des projets incluant du stockage, qu’ils aient ou non
une fonction première (gestion de l’intermittence,
secours électrique, etc.).
En outre, nous n’avons ici traité que des services
d’arbitrage de prix et d’écrêtage de pic, mais il est
possible d'améliorer encore la rentabilité de tels
projets en empilant sur l’actif de stockage des services
réseaux (effacement, réserve, régulation de
fréquence, etc…) ou en couplant son pilotage avec
celui de gisements de flexibilité déjà existants, comme
par exemple dans le chauffage, la ventilation ou la
climatisation des bâtiments, comme le fait BeeBryte.
Comme nous l’avons vu, la pertinence de tels projets
de stockage dépend fortement des caractéristiques
locales, actuelles et futures, des marchés et des
structures tarifaires. L'Australie ressort dès
aujourd’hui comme particulièrement propice aux
investissements SSE. Mais aujourd'hui à Singapour, et
d'ici quelques années en France, l’incorporation
rentable du stockage stationnaire dans de nombreux
systèmes énergétiques, va contribuer à une résilience
accrue des réseaux électriques, favorable à une plus
grande pénétration des énergies renouvelables
intermittentes comme le solaire et l’éolien.
Si vous vous interrogez sur la pertinence technico-
économique d’un investissement SSE ou souhaitez
être accompagnés dans son dimensionnement
optimal, n’hésitez pas à nous contacter !
1. P Maloney, « not so fast : battery prices will continue to
decrease but at a slower pace GTM says, 2018
2. WBCSD, “Energy efficiency in Buildings, Business Realities and
Opportunities”, 2009
3. P.D’Aprile, J.Newman, D. Pinner « the new economics of energy
storage », 2016
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industriels et commerciaux, les stations de recharge
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