Clin d’œil de Madelon (sœur Emmanuelle)
Numéro réalisé par alain.ducass@energeTIC.fr à partir du livre « Sœur Emmanuelle le paradis c’est les autres »
Madeleine Cinquin, Madelon pour les intimes, alias Sœur Emmanuelle
de triple nationalité belge, française et égyptienne.
Repères historiques sur son projet de vie :
L'aide à l'enfance malheureuse.
La collection « Clin d’œil » :
Sagesse imagée par des auteurs ordinaires
et mise gratuitement à disposition de tous
https://energetic.fr/clin-doeil/
16 novembre 1908 naissance à Bruxelles
septembre 1914 : noyade de son père et grande guerre
6 mai 1929 (21 ans) : postulante chez les sœurs ND de Sion
10 mai 1931 : vœux de religieuse comme sœur Emmanuelle
1931 (23 ans) : enseignante à Istanbul
1954 : enseignante à Tunis
1959 : licence à la Sorbonne puis enseignante à Istanbul
1964 : enseignante en Egypte
1971 (63 ans) installation chez les chiffonniers du Caire
1976 : Sarah la rejoint comme compagne
1980 : création du centre Salam
1993 (85 ans) retour en France
20 octobre 2008 : décès à 99 ans
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Sœur Emmanuelle Souvenirs d’enfance
Le choc que j’avais eu à six ans, la noyade de son père, m’avait laissé le sentiment amer qu’on ne peut pas
être heureux dans ce monde avec les choses de la terre.
Jusqu’à dix ans, j’avais été une petite fille insupportable, il n’y avait que moi qui comptait, je m’opposais à
ma mère, je me disputais avec mon petit frère.
Au catéchisme, l’abbé nous disait : « Le Christ, vous ne pouvez rien faire pour lui mais vous pouvez faire
beaucoup pour tous ceux qui sont autour de vous. » Pour une petite fille, c’était rudement exaltant.
Je pense qu’une personne qui n’a pas été aimée a du mal à s’ouvrir aux autres.
A onze ans, j’ai reçu à l’école un livre sur les missionnaires d’Afrique.
Je l’ai dévoré ce livre. Un jour, au déjeuner familial, j’ai lancé :
« Moi, plus tard, je serai religieuse, missionnaire et martyre. »
Eclat de rire général. Mon frère et ma sœur se sont moqués de moi.
Adolescente, j’ai systématiquement décliné toutes les invitations
et je ne suis jamais allée au bal. Je me suis dit : « Ma petite chérie, il faut savoir.
Ou bien tu te fais religieuse, ou bien tu vas au bal et tu risques de te laisser
prendre par l’ambiance car tu sais à quel point tu es attirée par les garçons. »
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Vocation
Je n’ai jamais eu d’amoureux attitré. J’ai très bien senti qu’aucun homme ne pourrait satisfaire mon cœur.
Il faut me comprendre, je n’avais jamais vu de couples qui étaient restés unis longtemps.
Au lieu de me dire « J’entre au couvent parce que le mariage ne répond pas à ma soif d’aventure,
Je me disais « je me fais religieuse parce que je pense que c’est là ma voie. »
Ma mère et mon directeur spirituel cherchaient à m’en dissuader.
Rien à faire, ma décision était prise. C’était l’attrait de ce l’on voulait m’interdire
A ma majorité, à 21 ans je suis entrée comme postulante, au couvent de Sion.
Quand j’ai enlevé ma robe de jeune fille pour endosser la longue robe de la postulante,
Je me suis sentie libérée d’une façon extraordinaire.
Libérée de ma coquetterie, libérée du mâle, libérée du joug de l’argent.
Quant aux enfants, j’ai été comblée. Lorsque jeune religieuse de 23 ans,
j’ai pris à Istanbul, une classe d’une trentaine d’élèves de quatre à cinq ans,
cela a été le vrai bonheur.
Aujourd’hui, je sais mieux que quand j’étais jeune fille
que le choix de l’Absolu est un choix qu’on doit renouveler chaque jour.
Image http://en.dunyatimes.com/
Caractère frondeuse
Une fois religieuse, je n’ai pas changé de caractère : frondeuse, je le suis toujours restée.
Trois fois, j’ai dit non, malgré mon vœu d’obéissance, parce que ma conscience me le dictait, :
1. à Istanbul, j’ai refusé une prof de gymnastique qui n’y connaissait rien mais qui était recommandée ;
2. En 1965 à Alexandrie, j’ai refusé de m’occuper des privilégiées et demandé à m’occuper aussi des pauvres,
en menaçant de quitter la congrégation. Finalement, j’ai fait les deux ;
3. La 3ème fois s’est bien terminé mais je préfère ne pas en parler.
Pendant les 40 ans où j’ai enseigné, je me suis efforcée de ne jamais imposer mes connaissances et mes idées,
mais d’aider les élèves à découvrir et à se faire une opinion par eux-mêmes.
Je l’occupais des pauvres et on m’a demandé de m’occuper des riches.
La 1ère année, j’ai refusé.
Puis ayant failli mourir de la typhoïde,
puis j’ai accepté à condition de faire un pont.
J’emmenais les filles riches dans un orphelinat
où chacune parrainait deux orphelines.
Un jour, je les ai emmenées travailler dans une
usine de filature au rythme des autres ouvrières.
J’ai aussi commencé à apprendre le turc
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Doute philosophique, pari de Pascal et la tolérance religieuse
J’étais plus ouverte aux autres cultures qu’aux autres religions
A l’université d’Istanbul, le contact avec mes professeurs turcs musulmans et juifs a créé un véritable choc.
En étudiant la philosophie, j’ai vraiment connu le doute.
Je n’ai trouvé la réponse que bien plus tard, avec le pari de Pascal : il n’y a pas de preuve définitive de Dieu.
Soit tu renonces à croire, soit tu fais le pari qu’il existe et, si tu te trompes, tu ne perds rien.
Je pense que chaque religion peut apporter à l’homme de bonne volonté
le chemin vers Dieu, mais je ne suis pas d’accord pour dire que c’est pareil.
Quand j’étais plus jeune, je croyais avoir le monopole de la vérité
du fait que j’étais catholique. Aujourd’hui, Je sais qu’il y a beaucoup de demeures
Dans la maison du Seigneur.
La valeur de l’être humain ne dépend ni de sa religion, ni de sa culture,
ni de sa couleur de peau mais de son cœur.
Un retournement m’a fait passer d’une religion axée sur Dieu et Jésus-Christ
à une religion de l’homme, du Christ et de Dieu.
Image https://nouvelleexpress.com/actualites/togo-drame-un-eleve-se-suicide-apres-avoir-appris-son-echec-au-bac-1/
L’échec
En 1954, j’ai dû quitter la Turquie que j’adorais à cause de mon conflit ouvert avec ma supérieure.
A Tunis, je n’arrivais pas à tenir mes classes de filles de colons qui chahutaient. J’ai failli perdre courage.
C’était l’échec, le double échec même, en tant qu’enseignante et en tant que future sainte.
Quarante ans après, je remercie le Seigneur d’avoir vécu ces années là, d’avoir touché le fond;
Cela m’a forgé une âme de pauvre.
Oui, je crois qu’il est bon que chaque homme puisse ressentir, un jour ou un autre, son impuissance.
Je crois que le danger essentiel en cas d’échec est l’affolement.
L’échec nous sape notre énergie, nous réduit à l’état de chiffe-molle.
Je reçois beaucoup d’appels au secours de personnes en situation d’échec.
Souvent je leur dis : « Allez dans la nature si vous pouvez.
Asseyez-vous ans un coin parmi les arbres et les fleurs
Et tâchez de réfléchir ou de prier. »
Un jour, je suis allée chez Magda, une de mes élèves, dont la famille
était vraiment dans le besoin et je suis allée m’installer chez eux
en y partageant mes repas. Chez les autres sœurs et dans le quartier,
ce fut un beau scandale mais moi, j’ai vécu dans cette famille jusqu’à
ma « retraite » et ce furent les années les plus heureuses
de ma vie de prof.
J’avais découvert le fait que qu’avoir renoncé aux choses inutiles
rend tout simplement heureux.
Image : https://www.theislamicmonthly.com/living-amongst-the-dead-in-cairo-egyptian-life-at-cemeteries/
Bienheureux les pauvres
En 1963, on m’envoie à Alexandrie pour ouvrir à l’esprit de partage les filles de riches.
Un jour, une petite fille mal fagotée m’a donné la main , j’ai fait un bout de chemin avec elle. Elle était contente.
« Ma sœur », me dirent mes élèves, « vous voyez bien qu’elle n’est pas de notre milieu. »
J’ai demandé à la supérieure locale de me décharger de ce poste et elle a refusé.
J’ai écrit à la supérieure générale que je n’étais pas devenue religieuse pour m’occuper des riches.
Finalement, j’ai failli quitter la congrégation et j’ai été nommée dans une école de pauvres.
Images : https://www.youtube.com/watch?v=aYoT_ZHld98
https://www.pinterest.com/cb6973/soeur-emmanuelle-du-caire/
62 ans : le rêve devient réalité
En 1971, le collège devait fermer et je pouvais prendre ma retraite en France mais je n’en n’avais pas envie.
Je réalisai avec jubilation que je pouvais enfin réaliser mon rêve : rejoindre les plus pauvres.
On m’emmena chez les chiffonniers sur la décharge d’Embaba, une immense fondrière parsemée de cabanes
en vieux bidons qui disparaissaient presque sous les monceaux d’ordures où broutaient les ânes et les cochons.
Quand j’ai vu les enfants sales, habillés de loques, mais beaux comme des petits anges et rieurs, j’ai
immédiatement su que c’était là que je voulais vivre.
L’enfance malheureuse à laquelle j’avais voulu me consacrer depuis toujours, elle était là.
Image Mtlwikiqc https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=76912956
Clin d’œil de sœur Emmanuelle
Numéro réalisé par alain.ducass@energeTIC.fr à partir du livre « Sœur Emmanuelle le paradis c’est les autres »
C’est pour deux raisons que je me suis installée dans la cabane d’Ezbet el-Nakhl : trouver ma vérité à
moi et faire comprendre aux chiffonniers que leur vie valait la peine d‘être vécue. En 22 années de
présence, l'œuvre de Sœur Emmanuelle a permis de scolariser 85 % des enfants, de faire diminuer la
violence dans les quartiers des chiffonniers au Caire, et a donné les moyens aux femmes de se libérer
Pour en savoir plus, prenez le temps de lire
un de ses livres et rejoignez la fondation Asmae
https://www.asmae.fr/
La collection « Clin d’œil » :
Sagesse imagée par des auteurs ordinaires
et mise gratuitement à disposition de tous
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