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MASTER 1 DE RELATIONS INTERNATIONALES A L’IRIS
« Les déterminants des IDE
dans les Pays d’Europe
centrale et orientale de l’UE »
Histoire et bilan de la transition
Etienne Planté
06/09/2013
Sous la direction d’Assem Slim
1 | P a g e
Remerciements
Mes remerciements vont en premier lieu à monsieur Assem Slim qui a dirigé ce
travail. Ses conseils en économie ont façonné ce mémoire et m’ont permis de contacter
madame Fabienne Boudier-Bensebaa et monsieur Wladimir Andreff.
Je tiens à les remercier. Madame Fabienne Boudier-Bensebaa, pour l’entretien qu’elle
m’a consacré qui m’a permis de donner à mon mémoire son orientation définitive grâce aux
éclairages qu’elle m’a apportés ainsi qu’aux documents qu’elle m’a fournis.
Monsieur Wladimir Andreff, pour les précisions diverses et variées qu’il m’a
communiquées et qui m’ont permis de délimiter mon mémoire.
2 | P a g e
Table des matières
Introduction ................................................................................................................................ 6
A. Définition et importance de l’IDE dans les PECO...................................................... 6
1. L’importance de l’IDE............................................................................................. 6
2. La définition de l’IDE.............................................................................................. 8
B. Les déterminants des IDE.......................................................................................... 10
1. Une approche globale............................................................................................. 10
2. Une approche individualisée.................................................................................. 14
Les pays les plus attractifs........................................................................................................ 17
A. Des méthodes de transition différentes pour rendre les pays attractifs ..................... 17
1. La Pologne, le dernier bastion européen de la croissance...................................... 17
2. La Hongrie, la libérale insoumise .......................................................................... 19
3. La République tchèque, la richesse confisquée ..................................................... 20
B. Les caractéristiques communes : des atouts naturels mis en valeur par l’Etat.......... 22
1. L’action décisive de l’Etat ..................................................................................... 22
2. Les promesses des marchés hongrois, tchèques et polonais .................................. 23
3. Une proximité avantageuse avec les pays occidentaux ......................................... 24
Les pays moyennement attractifs ............................................................................................. 27
A. Une transition laborieuse freinant l’arrivée des investissements............................... 27
3 | P a g e
1. La Slovaquie, une transition lente.......................................................................... 27
2. La Bulgarie, la survivance très active des communistes........................................ 28
3. La Roumanie, une transition ralentie..................................................................... 30
B. L’attractivité limitée de l’intérieur ............................................................................ 31
1. Des économies minées de l’intérieur ..................................................................... 31
2. Malgré une politique attractive .............................................................................. 32
Les pays les moins attractifs..................................................................................................... 36
A. De l’indépendance politique à la crise économique : grandeur et déclin des pays
baltes et de la Slovénie......................................................................................................... 36
1. Les pays baltes, les bons élèves de la transition ?.................................................. 36
2. La Slovénie, une transition en retard ..................................................................... 38
B. Des difficultés à rendre les pays attractifs en dépit de la volonté politique ............. 40
1. Un cadre juridique favorable ................................................................................. 40
2. Une faible population, une stratégie d’investissement différenciée ...................... 41
Conclusion................................................................................................................................ 44
Bibliographie............................................................................................................................ 45
4 | P a g e
Table des abréviations
BERD: Banque européenne pour la reconstruction et le développement
CNUCED: Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
COMECON: Council for Mutual Economic Assistance
FDI: Foreign Direct Investment
FMI: Fond Monétaire Internationale
IDE: Investissement Direct Etranger
NTIC: Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques
PECO: pays d’Europe central et orientale
PED: Pays en Voie de Développement
PIB: Produit Intérieur Brut
UE: Union européenne
UNCTAD: United Nations Commission for Trade and Development
5 | P a g e
"If you’re not confused, you don’t know anything"
W. Brian Arthur [2000 : 51]
"La difficulté essentielle que pose l’IDE est qu’il s’agit d’un phénomène tellement
complexe qu’il est difficile d’en appréhender toutes les facettes mais qu’il est aussi dangereux
d’en isoler qu’une seule"
D’Anne Julius [1990]
« Ce dont le monde a besoin maintenant, c’est d’agir en étant bien informé ; et pour ce
faire, les idées doivent être présentées de façon à être accessibles à toutes les personnes
concernées, et non pas aux seuls docteurs en économie. De toute façon, les équations et les
diagrammes de l’économie formalisée ne sont, la plupart du temps, rien de plus qu’un
échafaudage au service d’une construction intellectuelle. Une fois que l’édifice a atteint un
certain degré de finition, il est loisible de retirer l’échafaudage pour ne laisser subsister qu’un
discours clair. »
Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, Seuil, 2009, 242 p.
6 | P a g e
Introduction
A. Définition et importance de l’IDE dans les PECO
Plus de vingt années nous séparent de la chute du mur de Berlin. En peu de temps à
l’échelle de l’histoire, dix pays1
, composant l’union soviétique et la Yougoslavie, se sont
affranchis de leur maître et ont rejoint le camp occidental par leur intégration à l’UE et à
l’alliance atlantique. Pour y parvenir, le rôle de l’IDE est incontournable. Un peu d’histoire
nous permettra d’y voir plus clair tant sur le rôle de l’IDE dans cette région que sur sa nature.
1. L’importance de l’IDE
Les années 80 marquent l’envol des IDE comme source de financement pour le
développement des différents pays du globe2
. Cette alternative aux moyens de financement
intermédié, générant de la dette bancaire, ou désintermédié, par le biais des marchés
financiers, apparaît comme plus sécurisée depuis la cessation de paiement du Mexique en
1982 et la déréglementation des marchés. C’est dans ce contexte international qu’implose
l’Union soviétique. Les anciennes républiques sœurs retrouvent leur souveraineté. Malgré le
décalage économique important avec les pays développés, elles ne font pas figure de pays en
voie de développement (PVD), en raison des infrastructures héritées de la période soviétique
1
La Pologne, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovénie, la
Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie. Nous les appellerons les PECO de l’UE.
2
Les principaux pays industrialisés en bénéficient plus que les pays en voie de
développement. Les pays de la triade sont les premiers à bénéficier des IDE.
7 | P a g e
et des « technostructures » dont elles bénéficient3
. Elles ont le profil de pays « mal
développés » (misdeveloped). Les entreprises peuvent s’appuyer dessus pour développer leur
activité. Malgré cet avantage, la concurrence reste rude avec les pays non développés. Elle se
manifeste par « la surenchère des politiques d’attractivité à l’égard des multinationales »
[Andreff, 1996,1999]. Il n’est plus possible pour des pays de provoquer les implantations de
firmes étrangères tout en se protégeant.
L’instabilité de l’environnement international s’installe avec l’entrée et la montée en
puissance de nouveaux acteurs, la libéralisation des marchés et la nécessité d’innover sans
cesse4
. Dans son étude datée du 26 mars 2003, Les frontières de l’IDE, Instabilité de
l’environnement et flexibilité des modes de gouvernance à l’étranger, Fabienne Boudier-
Bensebaa analyse ce phénomène. Elle en tire deux conséquences. La première est issue de
« l’intensification de la concurrence » qui « contraint les FMN à défendre leurs avantages
concurrentiels et à défendre leurs parts de marché acquis à l’étranger. » Les firmes vont
rechercher donc une plus grande flexibilité pour répondre à ce changement. « L’IDE évolue
ainsi vers des formes plus coopératives, au sein desquelles le partage du contrôle donne aux
entreprises la flexibilité recherchée ». La seconde conséquence concerne la localisation de ces
IDE. La libéralisation des échanges et la chute des coûts de production offrent de nouvelles
possibilités intéressantes aux investisseurs. Cette instabilité internationale influence donc les
IDE dans leur localisation ainsi que dans leur nature. Pourtant la définition du terme demeure
inchangée.
3
« La notion de technostructure est issue des travaux de l'économiste américain John Kenneth
Galbraith ». C’est une « Organisation décisionnelle de la grande firme moderne, qui réunit les
directeurs salariés de l'entreprise ... Selon Galbraith, les membres de la technostructure
bénéficient d'une large marge de manœuvre par rapport aux propriétaires, c'est-à-dire les
actionnaires, qui perdent ainsi les prérogatives attachées au droit de propriété. » Dictionnaire
de l’économie, 2000
4
Les frontières de l’IDE, Instabilité de l’environnement et flexibilité des modes de
gouvernance à l’étranger, Fabienne Boudier-Bensebaa
8 | P a g e
2. La définition de l’IDE
En 1977, le FMI présente la définition suivante de l’IDE. Il « désigne un
investissement qui vise à acquérir un intérêt durable dans une entreprise exploitée dans un
pays autre que celui de l’investisseur, le but de ce dernier étant d’influencer effectivement sur
la gestion de l’entreprise en question. » La définition des Nations Unies, inspirée de celles de
l’OCDE [1996], souligne également l’importance des notions de contrôle et de longévité.
« FDI is defined as an investment involving a long-term relationship and reflecting a lasting
interest and control of a resident entity in one economy in an enterprise resident in an
economy other than that of the foreign investor. » Enfin celle donnée par l’UNCTAD, bien
que largement inspirée de la précédente, la peaufine encore un peu plus. “Foreign direct
investment (FDI) is defined as an investment involving a long-term relationship and reflecting
a lasting interest and control by a resident entity in one economy (foreign direct investor or
parent enterprise) in an enterprise resident in an economy other than that of the foreign
direct investor (FDI enterprise or affiliate enterprise or foreign affiliate).”
Ces définitions établissent implicitement la distinction entre l’IDE, ou investissement
actif, et l’investissement passif.
- Dans le premier cas, l’investisseur étranger possède 10% ou plus des actions
ordinaires ou de droits de vote dans une entreprise. L’IDE se caractérise par
une relation de long terme assortie d’une volonté de contrôler l’action menée.
- Dans le second cas, l’investissement n’a que peu d’influence sur la gestion
d’une société dont l’investisseur possède les actions. Ces investissements, dits
de portefeuille, prennent la forme de dépôt bancaire, de placements financiers
sous forme de titres privés ou publics5
.
La CNUCED propose une autre distinction qui place l’IDE dans la logique à l’origine
de l’investissement. Trois motifs sont dégagés : la recherche de marchés, la recherche de
5
Ces précisions se trouvent dans le World International Report 2012
9 | P a g e
ressources ou d’actifs et la recherche de gains d’efficacité. Cette distinction met en évidence
deux types de stratégies à la base de l’IDE.
- La première répond à une logique de conquête ou de préservation de marchés
et de satisfaction des demandes locales à travers la création de « filiales
relais ». Elle est qualifiée d’IDE de pénétration par de nombreux auteurs6
.
- La seconde s’inscrit dans la logique de rationalisation de la production.
Qualifiée d’IDE de délocalisation, elle organise une division internationale du
travail à travers la création de « filiales ateliers ».
Les types d’IDE classés selon la motivation des firmes
Motivation des firmes Principaux déterminants économiques Logique d’IDE
Recherche de marchés -taille du marché et revenu par habitant
-croissance du marché
-accès aux marchés régionaux et mondiaux
-préférences des consommateurs locaux
-structure des marchés
IDE
De
pénétration
Recherche de
ressources/actifs
-matières premières
-main d’œuvre non qualifiée à bon marché
-main d’œuvre qualifiée
-actifs technologiques, innovants et autres actifs créés (par exemple
les marques commerciales), y compris ceux incarnés par des
individus, firmes et agglomérations d’activités
-infrastructure physique (ports, routes, énergie, télécommunications) IDE de
délocalisationRecherche de gains
d’efficacité
-coût de ressources et des actifs énumérés ci-dessus, ajusté de la
productivité de la main d’œuvre
-autres coûts d’intrants, tels que les coûts de transport et
communication avec le pays d’accueil et à l’intérieur de celui-ci, et
d’autres biens intermédiaires
-participation à un accord d’intégration régional propice à
l’établissement de réseaux régionaux d’activités
CNUCED, World Investment Report 1998: Trends and Determinants, tableau IV.1, p.91
6
Notamment Christian Aubin, Jean-Pierre Berdot, Daniel Goyeau, Jacques Léonard,
Investissements directs américains et européens dans les PECO : quel rôle des effets de
change ?
10 | P a g e
Ces deux stratégies (de pénétration et de délocalisation) ne s’excluent pas
mutuellement. Elles peuvent se compléter ainsi que le note très justement Christian Aubin et
alii. « Un investissement dans un pays peut s’appuyer sur des ressources locales à faible coût
pour pénétrer d’autres marchés avec lesquels le pays hôte bénéficie de liens privilégiés. » La
faiblesse de cette distinction repose sur une vision trop réduite des motivations à l’origine des
investissements. Les déterminants des IDE sont plus nombreux.
B. Les déterminants des IDE
"La difficulté essentielle que pose l’IDE est qu’il s’agit d’un phénomène tellement
complexe qu’il est difficile d’en appréhender toutes les facettes mais qu’il est aussi dangereux
d’en isoler qu’une seule" disait Anne Julius. L’étude7
de Julien Lefilleur vient confirmer ces
dires.
1. Une approche globale
C’est l’étude de synthèse sur le sujet. Elle vise à rendre « un examen suffisamment
vaste des publications consacrées aux principaux déterminants des IDE dans la région tout en
analysant leur évolution au cours de la période et les différences selon les pays. » Cette
synthèse présentant la littérature sur le sujet obéit à quelques limites. Afin de limiter le
nombre d’articles, « les textes doivent être publiés dans des revues à comité de lecture, se
concentrer spécifiquement sur les PECO entre 1993 et 2007, être empiriques (applications
économétriques et/ou résultats d’enquêtes) et utiliser des échantillons de données
suffisamment grands ou bien des données agrégées au moins au niveau pays. » De cette
présentation, regroupant une centaine d’études, cinquante-deux facteurs ressortent et sont
présentés dans les tableaux ci-dessous.
7
« Déterminants des investissements directs étrangers en Europe centrale et orientale, un
bilan de la transition », revue d’études comparatives Est-Ouest, 2008, vol.39, n°2, p.201-238
11 | P a g e
Synthèse des résultats de la littérature réalisée par Julien Lefilleur
Autres facteurs Impact positif Impact négatif Impact nul Impact
Facteurs
psychologiques/confiance
Liens culturels et historiques 0 0 2 I*
Perception du risque pays 0 10 6 I
Adhésion à l’UE Perspectives d’adhésion à l’UE 12 0 3 >0
Appartenance à l’UE 0 0 4 =0
Développement des infrastructures 10 0 1 >0
Facteurs financiers Impact positif Impact négatif Impact nul Impact
Financement des
entreprises
Taux d’intérêt 1 1 2 I
Disponibilité du crédit local 0 1 1 I*
Disponibilité du crédit étranger 1 0 0 I*
Niveau de subvention de l’Etat 0 0 1 I*
Développement des marchés financiers 1 0 2 I*
Développement du secteur bancaire 5 0 1 >0
Evolution du taux
de change
Dépréciation tendancielle 1 0 2 I*
Contrôle du régime de change 1 2 0 I*
Volatilité du change 1 5 2 I
Finances
publiques
Aide publique extérieure 1 0 0 I*
Dette de l’Etat 0 0 3 I*
Dette extérieure 0 1 0 I*
Niveau des réserves 1 0 0 I*
Masse monétaire en circulation 1 0 0 I*
12 | P a g e
Facteurs institutionnels Impact positif Impact négatif Impact nul Impact
Présence de
l’Etat dans
l’économie
Libéralisation de l’économie 13 0 2 >0
Privatisation
Méthode de privatisation 8 0 2 >0
Calendrier de privatisation 8 0 1 >0
Part du secteur privé dans
l’économie
3 0 3 I
Incitations aux IDE 11 0 3 >0
Cadre
Juridique
Fiscalité de
l’entreprise
Niveau de Taxe 0 1 10 =0
Complexité et incertitude du
cadre fiscal
0 4 0 <0
Qualité du
cadre
juridique
Qualité du cadre législatif et
efficacité de la justice en
général
9 0 0 >0
Protection de la propriété
intellectuelle
1 0 0 I*
Protection de la propriété
privée
2 0 1 I*
Législation sur la compétition 3 0 1 >0
Visibilité de l’évolution de la
législation
3 0 1 >0
Climat des
affaires
Qualité des
partenaires
locaux
Entreprises 0 0 1 I*
Administrations 6 0 0 >0
Economie
souterraine
Corruption 0 10 0 <0
Crime organisé 0 1 0 I*
Transactions informelles 0 2 0 I*
Démocratie 2 0 1 I*
13 | P a g e
>0 : Impact positif ; <0 : impact négatif ; =0 : impact nul ; I : indéterminé car le
consensus est insuffisant (<75%) ; I* : indéterminé car insuffisance d’études (<4).
Les déterminants sont regroupés en quatre grandes familles : les facteurs
institutionnels, économiques, financiers et les autres. Plusieurs remarques peuvent être
formulées :
- Certaines variables sont par nature, difficiles à apprécier. Ainsi en est-il pour le
niveau de qualification de la main d’œuvre, technologique et les savoir-faire
locaux. Par nature ils sont intangibles. Leur donner une valeur est un exercice
difficile et on comprend que la doctrine soit divisée sur ce sujet.
Facteurs économiques Impact positif Impact négatif Impact nul Impact
Potentiel de
marché
Taille du marché local 33 0 9 >0
Taille des marchés voisins 11 0 0 >0
Proximité de
l’UE 15
Distance 2 21 0 <0
Frontière commune 0 1 4 =0
Ouverture
commerciale
Ouverture au reste du monde 13 0 0 >0
Ouverture à l’UE 15 5 0 1 >0
Facteurs de
production
Ressources naturelles 0 0 5 =0
Marché du
travail
Coût du travail 1 33 12 I
Niveau de qualification
de la main d’œuvre
7 1 7 I
Abondance de la main
d’œuvre
5 0 0 >0
Technologie et savoir-faire locaux 2 0 2 I
Forces d’agglomération 13 0 3 >0
Encombrement du marché 0 2 1 I
Autres
facteurs
économiques
Inflation 2 3 1 I
croissance 5 0 3 I
14 | P a g e
- Certains facteurs sont délaissés par la littérature qui leur consacre peu d’études.
Savoir quel est leur impact réel sur les IDE est alors impossible. Sont
concernés principalement, les facteurs financiers, l’adhésion à l’UE, les liens
culturels, la protection de la propriété intellectuelle et de la propriété privée, le
niveau de sécurité et de démocratie.
- Ces facteurs généraux laissent deviner les grandes disparités entre les pays.
Tous ces pays n’ont pas adhéré en même temps à l’UE. Ils ne consacrent pas
tous la même part au secteur privé dans leur économie8
. Toutes les
infrastructures ne se valent pas. Certaines sont de meilleures qualités que
d’autres.
2. Une approche individualisée
Ces disparités sont soulevées par la BERD dans son rapport annuel sur la transition
publié chaque année depuis le début de la transition. Un système de notation est mis en place
de 1 à 4+ qui place les pays dans le processus de transition. Le 1 correspond à une absence
totale de transition et le 4 représente les standards équivalents à ceux d’une hypothétique
économie de marché évoluée. Deux tableaux sont réalisés pour avoir l’image la plus complète
possible de l’état des pays.
8
A titre d’exemple, en 2008, la part du secteur privé dans le PIB est de 80% en République
tchèque et de 70% en Slovénie.
Enterprises Markets and trade
Large-scale
privatisation
Small-scale
privatisation
Governance and
enterprise
restructuring
Price
liberalisation
Trade and
foreign
exchange
system
Competition
policy
Bulgaria 4 4 3- 4+ 4+ 3
Estonia 4 4+ 4- 4+ 4+ 4-
Hungary 4 4+ 4- 4+ 4+ 4-
Latvia 4- 4+ 3+ 4+ 4+ 4-
Lituania 4 4+ 3 4+ 4+ 4-
15 | P a g e
Corporate sectors Energy Infrastructure Financial sectors
Agribusiness
General
Industry
Realestate
Tele
comunication
Natural
ressources
Sustainable
energy
Electric
power
Water
Urban
transport
Road
Railways
banking
Insuranceand
other
financial
services
MSME
finance
Privateequity
Capital
markets
Bulgaria 3+ 3+ 3+ 4- 3- 3+ 3 2+ 3- 3- 2 3 3+ 3- 3- 3
Estonia 3+ 4+ 4+ 4 4 3- 4 4 4- 3 4 4- 3+ 3 3- 3
Hungary 4 4- 4- 4 4- 3 4- 4 3+ 4- 3+ 3+ 3 3 3 3+
Latvia 3 4- 4- 3+ 3+ 3+ 3+ 3+ 4- 3 4- 3+ 3+ 3 3- 3
Lituania 3+ 4- 4- 4- 3+ 3+ 3+ 3+ 4- 3 3 3+ 3+ 3 2+ 3
Poland 3+ 4- 4- 4 3 3 3+ 4- 4- 4- 4 4- 4- 3 3+ 4
Romania 3 3+ 3+ 3+ 4- 3+ 3+ 3+ 3+ 3 3+ 3 3+ 3- 3- 3
Slovak
Republic
3+ 4+ 4 4- 3+ 3 4 3+ 3+ 3- 3+ 4- 3+ 3+ 2+ 3
Slovenia 4- 3+ 4 3+ 3+ 3+ 3 3+ 3+ 3 3 3 3 3 3- 3
Source : BERD, transition report 2012
Cette présentation souffre de plusieurs carences. La première tient à l’absence d’un
pays dans la liste : la République tchèque. Le deuxième tient à l’absence d’écart important
entre tous les résultats. Les résultats sont si rapprochés que les facteurs pris en compte ne
constituent pas des déterminants réels pour expliquer les choix des investisseurs. Enfin, ils ne
prennent en compte que quelques déterminants. Mais elle nous offre une information capitale.
Par sa simple appellation, elle indique que la transition n’est pas finie dans ces pays.
Poland 4- 4+ 4- 4+ 4+ 4-
Romania 4- 4- 3- 4+ 4+ 3+
Slovak
Republic
4 4+ 4- 4+ 4+ 4-
Slovenia 3 4+ 3 4 4+ 3-
16 | P a g e
Il me semble que la transition post-soviétique se décline de plusieurs façons. En
politique, elle renvoie au changement de régime et de politique extérieure. En économie, elle
renvoie à la libéralisation de l’économie. En droit, à l’affirmation et au respect des droits de
l’Homme. Dans les affaires sociales, à l’augmentation de la consommation et du pouvoir
d’achat. Dans tous les domaines évoqués, il n’est pas certain que tous ces pays aient accompli
leur transition. Une certitude, la BERD ne l’estime pas.
L’ambition de cette étude est de tenter une explication de la logique des IDE dans les
PECO de l’UE. Qu’est ce qui permet d’expliquer que certains pays soient plus attractifs que
d’autres ? Quels sont les déterminants fondamentaux et les déterminants subsidiaires dans la
logique des investisseurs ?
Répondre à ces questions nécessite une prise en compte de chaque pays de manière
approfondi. Tous les pays n’ont pas les mêmes ressources, la même population, les mêmes
dirigeants. De nombreux paramètres changent d’un Etat à l’autre mais les IDE sont plus au
moins présent. Ce sont eux qui délimitent les lignes de partage entre les pays attractifs,
moyennement attractifs et faiblement attractifs.
17 | P a g e
Les pays les plus attractifs
En tête de liste des pays les plus attractifs en matière d’IDE dans les PECO, les noms
de Pologne, Hongrie et République tchèque surgissent. Entre 1989 et 2012, ils ont accueilli à
eux trois les 2/3 des IDE à destination des 10 pays étudiés. Comment expliquer une telle
attirance pour ses trois pays ? Pourquoi eux et pas d’autres ?
Ces pays, pourtant différents les uns des autres, se partagent les marches du podium.
Une présentation rapide de l’histoire de la transition dans ces pays nous permettra de
comprendre la situation de ces pays au moment où les investissements arrivent et de faire
ressortir les déterminants les plus importants des IDE dans ces pays.
A. Des méthodes de transition différentes pour rendre les pays
attractifs
Ces trois pays sont fortement marqués par l’empreinte du communisme. Lech
Walesa9
, parlant de la situation de son pays, la Pologne, disait "il est facile de transformer le
contenu d’un aquarium en soupe de poisson, mais il est plus difficile de transformer une
soupe de poisson en contenu d’un aquarium", tant l’action du communisme fut destructrice.
1. La Pologne, le dernier bastion européen de la croissance
La relation entre la croissance et les IDE n’est pas évidente à définir à cause des
querelles doctrinales sur le sujet10
. Néanmoins on peut estimer qu’une économie dynamique
offre un potentiel en termes de demande. Pour les investisseurs, c’est une invitation à
condition que le pays les accepte ce qui est le cas de la Pologne. Mais cette croissance ne s’est
9
Fondateur du mouvement anti-communiste solidarnosc
10
Cf Julien Lefilleur, « Déterminants des investissements directs étrangers en Europe centrale
et orientale », Revue d’études comparative Est-Ouest, 2008, vol 39, n°2, p.201-238
18 | P a g e
pas faite en un jour. Elle est le fruit d’un long travail de plusieurs années qui commencent
avec l’indépendance.
Adam Michnik, rédacteur en chef de la Gazeta Wyborcza11
, un intellectuel polonais
renommé12
, prétend qu’à partir de 1989 la Pologne n’a pas connu de meilleure période de son
histoire depuis 300 ans. Libérée de la menace soviétique, la Pologne a oublié l’entre deux
guerre et le coup d’état du général Pilsudski. Elle ne vit plus sous la crainte d’une invasion de
son territoire par l’Allemagne ou la Russie, les deux grands géants à ses frontières13
. Face à la
crise de 2008, elle reste le dernier bastion de la croissance en Union européenne depuis la
descente aux enfers de Chypre.
La Pologne a pu conserver la croissance grâce à la combinaison de trois éléments :
l’affaiblissement de sa monnaie, une forte consommation interne et ses institutions financières
tenues à l’écart des crédits toxiques. Cette discipline budgétaire est héritée du premier
gouvernement non communiste menée par Tadeusz Mazowiecki. La proverbiale thérapie de
choc a permis d’assainir la situation héritée de la période soviétique14
. L’efficacité est au
rendez-vous. En deux mois (janvier et février 1990), la hausse des prix est ramenée de 78 à
23%, la spirale salaire-prix est cassée et le commerce extérieur connaît un excédent de près de
1 milliard de dollars au premier trimestre de l’année de la réforme. Mais une telle réforme a
un prix.
La dévaluation du zloty de 32%15
entraine une baisse du pouvoir d’achat et une
récession d’environ 30%. Le nom de Balcerowicz, vice premier ministre et ministre des
finances de l’époque, est désormais associé à la fois à un redressement économique
spectaculaire et à une impopularité grandissante. Fin 1991, le nombre de chômeurs atteint 1,9
millions et il faut attendre 1993 avant que le pays ne renoue avec la croissance. Cette histoire
nous permet ainsi de comprendre pourquoi la Pologne peu attractive au début de la Transition,
11
Journal centre gauche, « le plus puissant de toute l’Europe centrale » selon Georges Mink,
«Pologne : un bilan contrasté », Politique étrangère, p.503 à 515
12
Cyril Bouyeure lui a déjà consacré une biographie, L’invention du politique. Une biographie
d’Adam Michnik, Lausanne, Les éditions Noir sur Blanc, 2007
13
Jerzy Lukowski, Histoire de la Pologne, Librairie Académique Perrin, Paris, 413 pages
14
Pénuries chroniques, inflation croissante, une dette extérieure de plus de 40 milliards de
dollars.
15
http://www.nytimes.com/1990/01/01/business/devaluation-in-poland.html
19 | P a g e
est devenu une valeur sûre pour les investisseurs16
. Le phénomène est inversé avec la
Hongrie.
2. La Hongrie, la libérale insoumise
La Hongrie s’est montrée pionnière dans la libéralisation de son économie en
accueillant rapidement les investissements étrangers. Jusqu’en 2000, elle était en tête dans
l’accueil des IDE avant d’être dépassée par la Pologne. Grâce à cette ouverture, trois grands
pôles, où le pays est compétitif à l’internationale, ont été développés : véhicules et
équipements automobiles, équipements électroniques et de télécommunications,
médicaments. L’importance des IDE dans ce pays s’apprécie en termes de pourcentage dans
le PIB. En 2008, les stocks d’IDE représentaient 63,8% du PIB. En 2011, il représente
68,5%17
. Cette situation est issue d’une volonté politique pour redresser l’économie hongroise
affaiblie par les années d’économie planifiée. La Hongrie au moment de son indépendance
hérite d’une immense dette extérieure qu’elle a sue diminuer.
La crise de 2008 a contraint le gouvernement socialiste a contracté un emprunt de 20
milliards de dollars auprès du FMI avec la bénédiction de l’Europe. Le mécontentement de la
population s’est exprimé par l’élection au pouvoir de Viktor Orban dont les positions sur
l’Europe et le FMI sont clairement énoncées : « Le FMI ni les dirigeants financiers de l’UE ne
sont nos chefs et nous ne sommes pas leurs subordonnés »18
Fidèle à cette parole, il a décidé
de prendre des mesures à l’encontre de ces deux institutions internationales et de leur valeur
libérale : refuser la dernière tranche du prêt du FMI, taxer les banques et certaines
multinationales. Ces réformes constitutionnelles ont attiré sur le pays les foudres de la
16
Ce n’est qu’à partir de 2000 que la Pologne devient le pays le plus attractif des PECO en
termes d’IDE, position qu’elle a conservé depuis.
17
Le PIB de la Hongrie est estimé à 140 milliards de dollars US par la Banque mondiale, les
stocks d’IDE estimé à 71,7 milliards d’euro par Ubifrance.
18
Propos rapportés par Jacques Rupnik dans les études du CERI, tableau de bord des pays
d’Europe centrale et orientale et d’Eurasie 2011, vol.1
20 | P a g e
Commission européenne. La loi liberticide sur les médias en est une cause19
. La remise en
question de la primauté du droit européen en est une autre20
.
Ces mesures n’améliorent pas la situation du pays qui s’enfonce dans la crise. En
novembre 2011, la note de Standard & Poors tombe à BBA-. Les obligations de l’Etat
hongrois sont qualifiées par l’agence de notation de « déchets » (junk bonds). La dette
hongroise se vend alors à un taux d’intérêt de 9,4% au-dessous du niveau de la Grèce. Acculé,
le gouvernement se résout à demander l’aide du FMI, une nouvelle fois.
A la présentation de cette histoire, l’observateur étranger peut s’imaginer que les pires
années de la Hongrie en termes d’IDE sont les années de la réforme constitutionnelle. Il n’en
est rien. En 2011 les flux d’IDE renaissent en Hongrie. Après une baisse violente entre 2008
et 200921
, le niveau remonte22
. Le stock d’IDE connaît un mouvement progressif23
.
L’explication à ce phénomène est à chercher ailleurs.
3. La République tchèque, la richesse confisquée
Les enseignements de la transition en République tchèque sont multiples. Ils
permettent de comprendre pourquoi ce pays se retrouve dans le trio de tête des pays les plus
attractifs alors que son voisin la Slovaquie ne l’est pas même si de nombreux problèmes
restent communs aux deux pays.
Avec l’écroulement de l’empire soviétique, la Tchécoslovaquie retrouve sa véritable
place, au cœur de l’Europe24
. L’identité tchèque est ancienne. Elle a survécu aux différentes
19
Tous les médias doivent s’inscrire auprès d’une autorité ce qui réduit leur indépendance.
20
Dans un communiqué, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne
exprime son avis. Cette réforme constitutionnelle "soulève des préoccupations en ce qui
concerne le principe de la primauté du droit, le droit de l'Union européenne et les normes du
Conseil de l'Europe".
21
Le flux d’IDE rentrant passe de 6 325 millions de dollars à 2 048 selon les chiffres du WIR
2012
22
4 698 millions
23
22 870 millions de dollars en 2000 et 84 447 en 2011 soit une augmentation de 400%
24
Le général O. Von Bismarck disait « qui tient la Bohême tient l’Europe. » et la Bohême est
en République Tchèque.
21 | P a g e
occupations étrangères25
. Aussi quand la dernière cesse en 1989, les Tchèques aspirent à
former un Etat qui respecte cette spécificité culturelle. Les différends26
et les différences avec
les Slovaques conduisent à la partition de la Tchécoslovaquie en deux Etats : la République
tchèque et la Slovaquie. Dans le partage des richesses, les Tchèques se sont taillés la part du
lion en emportant 70% du PIB de la Tchécoslovaquie.
Les deux Etats conservent l’empreinte du communisme. « On ne pourra se débarrasser
du jour au lendemain de l’héritage communiste, gigantesque et problématique » disait Havel.
Le communisme a disparu des institutions de la République tchèque mais de nombreux
hommes politiques sont d’anciens communistes, tels V. Dlouhy et V. Klaus. Ce dernier,
président de la République tchèque, s’est illustré pour sa prise de position contre l’euro. Il
dénonce la monnaie unique, en novembre 2011, comme un projet aventuriste dont l’échec
était programmé : « l’euro n’a jamais été une bonne idée. Son échec devait arriver. »27
A
l’occasion d’une interview donnée pour le Lidové Noviny, il lance « nous sommes gouvernés
par Sarkozy et Merkel »28
. Il qualifie le plan européen de sauvetage de la Grèce d’esclavage.
Un esclavage au nom de la monnaie unique29
.
En plus de sa position instable dans l’UE, la République tchèque souffre de problèmes
de corruption. Une enquête parue le 3 janvier 1996 dans le quotidien « Lidové Noviny »
révèle que 83% des Tchèques pensent que leurs hommes politiques sont corrompus. L’avis est
partagé par certains étrangers. L’hebdomadaire anglo-saxon « The Prague Post » se fait
régulièrement l’écho des problèmes de corruption en République Tchèque mais aussi en
Europe de l’Est30
.
25
En 1620 après la défaite de la Montagne Blanche, l’Etat tchèque disparaît. Il renaît après la
première guerre mondiale avant de disparaître à nouveau : enseveli par les soviétiques.
26
Les Slovaques se sont alliés aux Allemands tandis que les Tchèques ont réclamé leur
indépendance. Les Tchèques ont une spécificité culturelle dont ils sont fiers. Les Slovaques
sont des ruraux.
27
« Euro dobrou myslenkou nikdy nebylo. Ztroskotani muselo prijit. » Vaclav Klaus,
Parlamentni Listy, 14 novembre 2011
28
« Valdne nam Sarkozy a Merkelova », Vaclav Klaus, Lidove Noviny, 26 novembre 2011
29
Il emploie le mot d’ « eurootroctvi » dans le Lidove Noviny du 5 novembre 2011 qui
signifie euro esclavage
30
http://www.praguepost.com/opinion/6264-corruption-has-economic-consequences.html
http://www.praguepost.com/education/15787-education-wages-a-war-on-corruption.html
22 | P a g e
B. Les caractéristiques communes : des atouts naturels mis en
valeur par l’Etat
Dans ses conclusions sur l’étude réalisée à propos des déterminants des IDE dans les
PECO, Julien Lefilleur relève 7 éléments sur lesquels la doctrine s’accorde pour reconnaître
qu’ils constituent des éléments influant sur le développement des IDE dans des pays. Ces
éléments sont : la présence de l’Etat dans l’économie, le cadre juridique, les facteurs de
marché, l’ouverture commerciale, la distance par rapport à l’UE 15, la perspective d’adhésion
à l’UE, les facteurs secondaires (dotation de ressources naturelles, niveau de la main
d’œuvre). A ces facteurs généraux, nous rajouterons des facteurs propres aux pays étudiés.
Tous ses facteurs sont regroupés en trois catégories : politiques, économiques, culturels
1. L’action décisive de l’Etat
Le mot de politique est entendu dans son sens le plus large. Il comprend les
orientations des dirigeants d’un pays mais aussi par le cadre institutionnel qui est posé. De
nombreux paramètres rentrent en ligne de compte dans cette case. Nous ne verrons que ceux
qui ont eu un impact significatif dans les IDE.
L’Etat occupe un rôle crucial dans cette logique, autant par ses actions que par ses
inactions. Un Etat omniprésent dans l’économie empêche l’arrivée d’IDE. Ces pays ne s’y
sont pas trompés. Leurs dirigeants ont conduit la libéralisation de leurs économies. Le niveau
d’avancement de ces réformes a été un facteur déterminant des IDE31
principalement sur les
IDE de délocalisation [BERD 1994, 1995]. La Hongrie a bénéficié des largesses
d’investisseurs de manière préférentielle en étant le pays le plus attractif en termes d’IDE
jusqu’aux années 2000. Le pays avait commencé les grandes privatisations cinq ans avant ses
31
H. Abilava (2006), Explaining Foreign Direct Investment in Transition, National
University of Kyiv-Mohyla Academy, mimeo
A. Bevan, S. Estrin & K.E. Meyer (2004), Institution Building and the Integration of Eastern
Europe in International Production, International Business Review, 13, p. 43-64
23 | P a g e
voisins, cet élément a joué en sa faveur32
. En République Tchèque, selon Jensen et alii [2004],
c’est la décision politique d’impliquer les investisseurs étrangers dans les privatisations qui a
attiré les IDE. Cette décision a été encadrée par le principe d’indépendance. Pour éviter une
trop grande dépendance avec ses voisins, le dirigeant tchèque a encouragé les IDE américains
et britanniques pour faire contrepoids aux IDE allemands. La Pologne a suivi cet exemple33
.
L’Europe a joué également un grand rôle. La perspective d’adhésion à l’UE eut une
influence sur les flux d’IDE. L’UE garantit une libre circulation des hommes, des capitaux,
des biens et des services. Pour un investisseur, cette facilité signifie la baisse des coûts de
transactions. Bevan et Estrin (2004), Raluca Stoian et Vickerman (2006) offrent une autre
explication. La seule annonce de l’intégration à l’UE révèle l’existence de réformes réelles
qui rassurent les investisseurs. A côté de l’adhésion à l’Europe, se pose l’adhésion à l’euro.
La Pologne est des trois le seul qui n’a pas encore adhéré à l’euro. Derrière la monnaie
unique, il y a la question du taux de change et son influence sur les IDE. Sur ce sujet Christian
Aubrin34
répond que « l’incidence des effets de change apparaît (…) de façon moins claire. Ni
le niveau ni la volatilité de change ne semblent déterminants, pas plus que le régime de
change officiel. La seule influence significative est celle d’un indicateur du régime de change
de facto révélant l’impact favorable d’une relative flexibilité. » Mais nous sommes déjà dans
des considérations monétaires et économiques.
2. Les promesses des marchés hongrois, tchèques et polonais
Un des buts premiers des IDE était sans nul doute la conquête du marché local35
. Elle
se manifesta dans les premières années de la transition par un afflux important d’IDE de
pénétration, plus important que les IDE de délocalisation. Le phénomène s’explique par la
réunion de trois facteurs :
32
Kalotay & Hunya, Privatization and FDI in Central and Eastern Europe, Transnational
Corporations, vol. 9, April 2000
33
Sinn & Weichenrieder (1997), Foreign Direct Investment, Political Resentment and the
Privatization Process in Eastern Europe, Economic Polic, Vol 12, p. 179 - 210
34
Investissements directs américains et européens dans les PECOs : Quel Rôle des effets de
change ?, Revue économique, 57, 2006, p. 771-792
35
C. Altomonte & L. Resmini (2001), Multinational Corporations as Catalyst for Industrial
Development: The Case of Poland, William Davidson Institute, 368 p.
24 | P a g e
- Tout d’abord, la demande de biens et service en provenance de l’ouest est insatisfaite.
L’offre est inférieure à la demande. Les offreurs voient le potentiel énorme des pays
avec une population si importante.
- Ensuite, après des années de fermeture à l’économie de marché, ces pays sont
inconnus des investisseurs. Il semble plus prudent de nouer des liens commerciaux que
de délocaliser d’autant que les investisseurs cherchant à pénétrer le marché local
avaient déjà des relations dans la place.
- La réactivité est une cause de succès dans le cadre d’IDE de pénétration. Cela est
moins vrai dans le cadre d’IDE de délocalisation. Il n’est donc pas surprenant que les
IDE de pénétration soit les premiers dans ces pays.
Ce phénomène peut se transposer à tous les pays étudiés. Pourquoi l’installer dans
cette partie relative à trois pays ? Quelle particularité ces pays possèdent-ils pour
s’attribuer une caractéristique commune à tous les autres ? Ces trois pays sont parmi les
quatre plus peuplé du groupe. Comme ce sont des pays avec une population importante,
ils représentent un marché intéressant de consommateurs. Mais ce facteur est bien
insuffisant à lui seul. Sinon, la Roumanie rejoindrait ce groupe de favorisés puisqu’elle est
le pays le plus peuplé après la Pologne.
Le niveau des infrastructures a eu un impact positif sur les IDE. Il a surtout joué en
faveur de la Hongrie [Boudier-Bensebaa ; 2005] et de la République tchèque [Kral ;
2004]. L’état des infrastructures pour les grands secteurs comme l’énergie, les
télécommunications, ont également été pris en compte au début de la transition
[Alessandrini ; 2000]
3. Une proximité avantageuse avec les pays occidentaux
« La proximité par rapport à l’UE à 15 est théoriquement un facteur influent dans le
choix de la localisation d’une entreprise. » constate Julien Lefilleur [2008]. Il est suivi par
25 | P a g e
de nombreux analystes36
. Ils démontrent dans leur étude que la proximité avec l’UE des
15 a joué un rôle déterminant dans le choix des délocalisations pour les entreprises. Cette
proximité se conjugue en plusieurs temps :
- Le premier est géographique. Bevan & Estrin [2004] démontrent que
l’éloignement par rapport à l’UE 15 joue en défaveur des pays. Elle explique
la part élevée des investissements allemands et autrichiens en République
tchèque37
.
- Le deuxième est culturel. La proximité culturelle facilite l’implantation. Elle
explique les importants investissements français en Pologne.
- Le troisième est psychologique. La perception du risque augmente avec
l’éloignement. Plus un pays est éloigné moins l’investisseur peut le connaître
directement.
Cette proximité n’est pas non plus l’apanage de ces pays. La Slovénie, la Slovaquie
sont aussi au contact de cette Europe des 15. Pourtant elles ne bénéficient pas du même
traitement de choix de la part des investisseurs. Elles partagent d’autres facteurs positifs avec
ces trois pays comme une adhésion rapide à l’UE.
C’est là que la phrase d’Anne Julius prend tout son sens. "La difficulté essentielle que
pose l’IDE est qu’il s’agit d’un phénomène tellement complexe qu’il est difficile d’en
appréhender toutes les facettes mais qu’il est aussi dangereux d’en isoler qu’une seule".
D’autres facteurs économiques rentrent en ligne de compte dans le calcul final. La présence
36
Interstratos (1998), The Internationalization of SMEs: The Interstratos Project, London:
Routledge Publishing.
H.P. Lankes & A.J. Venables (1996), “Foreign Direct Investment in Economic Transition:
The Changing Pattern of Investments”, Economics of Transition, 4 pp. 331-347
37
F. Boudier-Bensebaa, Analyse comparée des investissements directs français et allemands
dans le triangle de Visegrad, Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1993, p. 101-140
26 | P a g e
de bois a motivé certains investissements en Pologne [Hunya, 2004]38
. La part croissante
d’IDE de délocalisation, grâce aux méthodes attractives de privatisation, permet
l’implantation de grandes entreprises qui apportent avec elles leur savoir-faire. La Hongrie
accueille des entreprises possédant une image de qualité dans les domaines de l’automobile,
de la chimie-pharmacie. Avec l’intensification de la concurrence, les IDE de pénétration se
sont fait plus rares [Resmini, 2000] et davantage dispersés en Pologne [Altomonte &
Resminin 2001].
38
Dans son livre, Géographie industrielle de l’Europe centrale et orientale, p.25, Julien
Lefilleur, traite de cette question. Près de 40% de l’industrie du bois en Pologne est assurée
par des entreprises étrangères.
27 | P a g e
Les pays moyennement attractifs
La Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie composent ce nouveau trio. Ces pays
souffrent de graves difficultés intérieures héritées du temps de l’URSS. Toutefois ces pays
essayent de rivaliser en attractivité grâce à des politiques en faveur des investissements
étrangers.
A. Une transition laborieuse freinant l’arrivée des investissements
Ces trois pays ont mis beaucoup de temps à effacer les traces du communisme et à
engager des réformes nécessaires pour intégrer l’Union européenne. En plus, ils connaissent
des problèmes de corruption important. Mais à l’inverse de la République tchèque, ils ne
possèdent pas autant d’atout géographique qu’elle. Etudier leur histoire donne les clés pour
comprendre leur situation actuelle.
1. La Slovaquie, une transition lente
Le 1°janvier 1993, la Slovaquie proclame son indépendance. Elle hérite de l’industrie
lourde, installée sur les ordres du Conseil d’aide économique mutuelle, le COMECON39
.
Cette industrie occupe près de 50% du produit intérieur brut (PIB). Elle répond à une logique
de division internationale du travail. Le secteur de l’armement tient également une place
importante de l’économie, entre 15 et 20%. Selon Eliane Mossé, ancien conseiller au
ministère de l’Economie et des Finances pour l’Europe centrale, le système financier est « très
rudimentaire, avec au départ trois banques finançant l’agriculture, l’industrie et le commerce
39
Entre les différents pays de l’URSS : la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la
Tchécoslovaquie et l’Union soviétique.
28 | P a g e
extérieur, criblées de mauvaises créances car ayant consenti aux entreprises des prêts sur la
base de relations clientélistes et sans se préoccuper de leur solvabilité. » Sortir d’une telle
situation demanda du temps. Après dix ans de transition, en 2002, la banque mondiale édita
un rapport40
classant la Slovaquie, en termes de performances économiques, sociales et
humaines, juste avant l’Ukraine et loin derrière les autres PECO. Il faut dire que la politique
en place jusqu’à la fin des années 90 n’aida pas au développement du pays. Celle-ci est
clairement opposée à la venue d’IDE. Ce serait, estimaient les dirigeants du pays, une forme
d’ingérence étrangère, comme si les entreprises et les richesses de la nation étaient vendues à
des particuliers.
Selon le politologue Miroslav Kusy, c’est l’action du libéral Mikulas Dzurinda, au
pouvoir entre 1998 et 2006, qui a permis l’envol économique du pays même si de nombreux
abus ont été commis sous son mandat. « C’était un gouvernement de technocrates, coupé du
public et plombé par des affaires de corruption, mais sans lui nous n’aurions pas connu ces
années de croissance. » Au bilan, l’industrie nationale fut remplacée par des grandes sociétés
internationales comme Sony, Samsung, Skoda, PSA. Elle devient une plaque tournante du
commerce européen. En 2007, 85% des produits fabriqués en Slovaquie sont vendus en
Europe41
.
Mais les dirigeants slovaques n’ont pas effacé tous les restes de l’époque soviétique.
Le pays reste totalement dépendant énergiquement de la Russie42
. Le gaz est fourni par
Gazprom qui possède le monopole. Les raffineries de pétrole de Slovnaft et de Bratislava ne
peuvent être alimentées que par un oléoduc russe.
2. La Bulgarie, la survivance très active des communistes
Le 17 novembre 2012, des milliers de Bulgares descendent dans la rue. Motif ?
Protester contre la hausse inconsidérée du prix de l’électricité. En s’amplifiant, les
protestations rassemblèrent jusqu’à 100 000 personnes dans tout le pays poussant le
gouvernement de M. Boïko Borissov à la démission le 20 février 2013. François Frisson-
40
« Dix ans de transition ».
41
Principalement des voitures, de l’électroménager et des écrans plats de télévision.
42
JAFALIAN Anne, La Russie, puissance énergétique : de l’arme politique aux logiques de
marché, Paris, Emile Bruylant, 2011
29 | P a g e
Roche, chercheur au CNRS, analyse la situation43
: « le « mal bulgare » ne date pas de ces
derniers mois. Il est l’aboutissement logique d’ « un processus de transition largement
détourné par un réseau de prédateurs. » Le communisme n’est pas mort dans ce pays. Il a
survécu à l’effondrement du système inspiré de sa doctrine. Les anciens dirigeants soviétiques
ont conservé le pouvoir économique grâce aux réseaux qu’ils avaient instaurés pendant leur
année au pouvoir. Cette survivance pourrait trouver des origines dans l’histoire de la Bulgarie.
Ce pays est le seul Etat allié de l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale qui n’ait pas
attaquée l’URSS en raison d’un fort sentiment russophile partagé par les Bulgares. A l’inverse
des autres pays de l’ancien bloc soviétique, la Bulgarie n’a pas d’antipathie contre les Russes.
Aussi être contrôlé par eux lui posait moins de problème que des Etats comme la Hongrie, la
Pologne ou la Tchécoslovaquie. A cela s’ajoute un facteur commun à tous les autres pays,
l’absence d’élites formées au pouvoir pour concurrencer les communistes qui le quittaient.
Après la chute du mur, la Bulgarie s’oriente sur les chemins de l’Europe et de
l’économie de marché. En 1991 le pays adhère au conseil de l’Europe, en 2004 à l’Otan, en
2007 à l’UE. Pendant des années le pays a connu une croissance importante44
avant de
sombrer dans la récession. En 2009 elle descendait à – 5,5 % du PIB, tandis que le taux de
chômage a fortement augmenté, passant de 5,6 % en 2008 à 11,1 % en 2011. En cette même
année, le pays renoue avec une croissance45
qui se stabilise46
. Le flux d’IDE, en diminution à
cause de la crise, revient avec la croissance. Celle-ci est portée par l’industrie (20,9% du
PIB)47
et soutenue par l’agriculture48
.
43
Article publié dans la revue diplomatie n°63
44
Supérieure à 6% depuis 2004 selon les chiffres du ministère des affaires étrangères français
45
1,7%
46
1 % sur l’année 2012 et la BERD prévoit 1,9% de croissance pour l’année 2013
47
La Bulgarie a diversifié ses débouchés avec la Chine, la Turquie, l’Afrique du sud, la
Géorgie et la Russie
48
L’agriculture bulgare se concentre essentiellement sur les cultures céréalières, industrielles
ainsi que sur l’activité viti-vinicole soutenue par les deniers de la PAC.
30 | P a g e
3. La Roumanie, une transition ralentie
En Roumanie, la transition est ralentie par un retour au pouvoir
pendant de nombreuses années d’anciens communistes. Le train de réformes qui précèdent
l’entrée dans l’UE est alors retardée. Une fois mises en place, ces réformes ne sont pas
acceptées tout de suite par une partie de la population.
Le soulèvement contre Nicolae Ceaucescu, dirigeant du parti
communiste et de la Roumanie, éclate en décembre 1989 à Timisoara. A l’origine de cette
grande révolution, une petite misère. Les manifestants s’opposent à la mutation arbitraire d’un
pasteur protestant d’origine magyare. Le 22 décembre, Ceaucescu décrète l’état de siège, mais
l’armée l’abandonne et rejoint les manifestants. Le 25 décembre, il est mis à mort.
Un ancien communiste Ion Iliescu institue le Front de salut
national. Il est élu avec 85% des voix en 1990. Le communisme survit à la révolution de
velours, c’est le « paradoxe roumain »49
. Ces années de pouvoir sont marquées par un niveau
de corruption important qui font perdre les élections aux dirigeants en place50
. En novembre
1996, le changement s’opère avec l’arrivée du libéral de droite, Emil Constantinescu. Le
gouvernement se fixe comme objectifs l’adhésion à l’OTAN et la participation à l’UE51
. Des
réformes sont engagées dans ce sens mais conduisent 15 000 mineurs de la vallée du Jiu à
marcher sur Bucarest en janvier 1999 ; ils revendiquent une augmentation de 35% des salaires
et la non-fermeture des mines. Ces manifestations provoquent la démission du ministre de
49
« Le paradoxe roumain » correspond au titre d’un livre à succès de l’essayiste roumain
Sorin Alexandrescu. Ce livre passe en revue de nombreux épisodes controversés de l’histoire
de la Roumanie dont l’épisode de la révolution de velours.
50
C. Durandin (dir.), "Roumanie, vingt ans après : la "révolution revisitée", éd.
Diploweb.com, 2010, 68 p.
51
La Roumanie renoue ainsi d’une certaine façon avec son histoire ancienne. Province
romaine de la Dacie, elle appartient à ce titre à une certaine Europe. « Partout où l’Empire
romain a dominé, et partout où sa puissance s’est fait sentir ; et même partout où l’Empire a
été l’objet de crainte, d’admiration et d’envie ; partout où le poids du glaive romain s’est fait
sentir, partout où la majesté des institutions et des lois, où l’appareil et la dignité de la
magistrature ont été reconnus, copiés, parfois même bizarrement singés, – là est quelque
chose d’européen. » Paul Valéry, Qui donc est européen ?
31 | P a g e
l’Intérieur et la perte de l’élection présidentielle l’année suivante. La transformation lente du
pays explique son arrivée tardive dans l’UE. Elle n’y adhéra qu’en 2007.
La corruption reste très présente en Roumanie. Le rapport
Freedom House, Nations in Transit, révèle cette réalité. L’objectif de ce rapport est de classer
les pays postsoviétiques d’après des critères de démocratisation comme le niveau de
corruption, le niveau de développement de l’appareil juridique. Les scores s’étalent de 1 à 7,
la note la plus importante est 1. Le score de la corruption varie de 4,5 et 4 entre 2003 et 2013.
B. L’attractivité limitée de l’intérieur
Ce groupe rassemble des pays éloignés. La Slovaquie adhère à l’UE dès 2004 tandis
que les deux autres n’y adhèrent qu’en 2007. La Slovaquie reste au contact de l’UE des 15
tandis que la Bulgarie et la Roumanie en sont très éloignées. La Roumanie possède une
population deux fois plus nombreuse que celles de la Bulgarie et de la Slovaquie réunies. En
revanche, toutes les trois ont la particularité d’avoir des problèmes de politique intérieure qui
ruinent leur effort.
1. Des économies minées de l’intérieur
Ces pays présentent la caractéristique commune d’être minée de
l’intérieur par la corruption. La Roumanie reflète le problème à l’extrême. Elle est parmi les
pays qui accueille le moins d’IDE par tête. Selon Pierre Verluise, le pays se place en avant
dernière position en matière de flux d’IDE nets par tête entre 1989 et 2006. Le pays est même
en dernière position pour l’année 2006 [Laura Brancu, 2008]. Le rapport de Freedom House,
Nations in Transit apporte des éléments de réponse. La Roumanie et la Bulgarie enregistrent
respectivement un score de 2,75 et 2,93 alors que la moyenne des PECO est de 1,92552
. En
2013, la situation s’est dégradée. La Roumanie enregistre un score de 3,50, la Bulgarie 3,18,
52
La Slovaquie est à 1,96 mais avec une note de 3 en corruption
32 | P a g e
la Slovaquie 2,57 alors que la moyenne des PECO est de 2,47. Force est de constater qu’a
chaque fois, les tois pays enregistrent un score bien inférieur au niveau des autres PECO.
Pourtant une enquête réalisée par Laura Brancu, entre 2004 et 2005, auprès de grandes firmes
multinationales françaises installées en Roumanie semble indiquer le contraire. 62 entreprises
sont interrogées53
. 75,7% estime que la stabilité politique et sociale est la première condition
générale et nécessaire suivie par le risque pays, un facteur d’attractivité (61,3%). Une étude
similaire avait été menée par la Banque mondiale en 2006 et réalisée sur un échantillon de 32
pays dit « en transition ». Elle indique qu’entre 12% en Slovénie et 60% des entreprises en
Albanie considèrent en 2005 la corruption comme « un problème pour la conduite et le
développement de leurs affaires ».
Ces études viennent rompre avec la majorité de la littérature qui
conclut à une absence de corrélation entre le risque politique et les flux d’IDE entrant [Sun et
alii, 2002 ; Bandlej, 2002 ; Pan, 2003 ; Zhao, 2003]. Même constatation pour la relation entre
stabilité politique et IDE [Akinkugbe, 2003 ; Asiedu, 2002 ; Chakrabarti, 2001]. La notion de
stabilité est définie différemment selon les études. Le mot change de sens en changeant
d’études. Alesina et Perotti (1994) utilisent les évènements politiques et sociaux (émeutes,
manifestations) et le renouvellement des dirigeants politiques comme critères de jugement.
Chez Globerman et Shapiro (2002), l’indice renvoie aux conflits armés, aux menaces
terroristes, aux tensions ethniques. Bandelj utilise l’indice publié par Ernest and Young.
Malgré ces difficultés intérieures, ces Etats mettent en œuvre des
moyens pour rendre leur pays attractifs.
2. Malgré une politique attractive
D’une part les bas salaires et le système d’imposition fiscale présentent de réels
avantages pour ces pays. D’autre part, ces pays ont développé une fiscalité attractive. Le lien
entre la fiscalité et l’IDE est établie par de nombreuses études54
. « Le taux d’imposition des
53
Parmi elles, se trouvent Renault, Alcatel, Lafarge, Danone ou Carrefour
54
Mooij et Ederveen (2005) ou encore Hines (1997, 1999). Dana Hajkova, Giuseppe Nicoletti,
Laura Vartia et Kwang-Yeol Yoo, La fiscalité et l’environnement des entreprises comme
déterminants des investissements directs étrangers dans les pays de l’OCDE, Revue
économique de l’OCDE, N° 43, 2006/2
33 | P a g e
sociétés dans le pays d’accueil contribue à déterminer l’avantage comparatif en termes de
localisation qui peut être proposé aux investisseurs internationaux par rapport à d’autres pays
de destination. De manière plus générale, la fiscalité des entreprises et le traitement fiscal des
revenus étrangers des sociétés affectent probablement l’écart entre les taux de rentabilité de
l’IDE avant et après impôt. »55
Dans le cadre fiscal, l’adhésion à l’UE a favorisé les
investissements en interdisant toute taxe douanière contre les produits d’un membre de l’UE.
Ce serait considéré comme une violation du droit de l’Union56
.
The European Social statistics 2013 publie des chiffres révélateurs. Ces trois pays
présentent les plus bas salaires de l’UE. Par heure, en moyenne, le salaire d’un Bulgare est de
3,1€, d’un Roumain 4,2€ et 8,3€ pour un Slovaque. A titre de comparaison, le salaire moyen
d’un Français représente 33,2€. Il revient 10 fois moins cher à un employeur de faire travailler
un Bulgare qu’un Français.
La politique fiscale rendait ces pays attractifs. La situation risque d’évoluer en
Slovaquie avec la fin de la « flat tax » annoncée par le gouvernement social-démocrate de
Bratislava. Cette taxe aurait attiré un grand nombre d’investisseurs57
. Cette loi fiscale
établissait un taux unique d’imposition pour toutes les entreprises et les habitants du pays. A
partir de décembre de l’année dernière, le taux est devenu différentiel et rehaussé58
. En
Bulgarie, le taux maximal d’imposition des sociétés étaient de 15% en 2002 et 25% en
Roumanie tandis que la moyenne de l’Europe à 15 était de 32,6%59
. En 2004, le
gouvernement bulgare révise sa loi d’incitation aux investissements. Le taux de l’impôt sur
les sociétés est ramené à 10%, les autorités publiques accompagnent les investisseurs à
certaines conditions exposées dans le tableau ci-dessous.
55
Idem
56
Cf arrêt Costa, CJCE, 1964
57
http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20121206trib000735609/la-
slovaquie-enterre-sa-flat-tax-.html
58
De 19% il passe à 23% pour les entreprises
59
Chiffres de la Commission européenne
34 | P a g e
Lieux ou secteurs d’investissements Montant minimum des investissements
Pour les activités créant de l’emploi Catégorie A : 32 millions de lv (16M€)
Catégorie B : 16 millions lv (8M€)
Dans les hautes technologies du secteur
industriel
Catégorie A : 16 millions de lv (8M€)
Catégorie B : 8 millions de lv (4M€)
Dans les hautes technologies du secteur
des services
Catégorie A : 11 millions de lv (5M€)
Catégorie B : 5,5 millions de lv (2,75M€)
Dans les communes où le chômage est
supérieur à la moyenne nationale
Catégorie A : 16 millions de lv (8M€)
Catégorie B : 8 millions de lv (4M€)
Source : règlement d’application de la loi d’incitation aux investissements 2010
Cet accompagnement se manifeste par des services administratifs facilitant les
démarches pour l’obtention d’un terrain public par exemple. Emmanuelle Boulineau note que
cette aide « contribue à l’accueil de l’investissement par la prise en charge du développement
d’infrastructures techniques et de la formation des moins de 29 ans »60
. Les effets de cette loi
sont difficilement quantifiables. On peut remarquer que le stock d’IDE a explosé depuis 2000
passant de 2 704 millions de dollars à 47 653 en 201161
. Mais entre 2000 et 2011, il n’y a pas
eu que cette réforme. La Bulgarie est entrée dans l’UE.
L’observateur extérieur pourrait objecter que le différentiel de salaire entre les pays de
l’Est et de l’Ouest de l’Union européenne est une généralité. Le niveau de vie entre un
Polonais et un Suédois ou un Allemand n’est pas le même. Le salaire moyen horaire n’est pas
le même62
. Pourquoi ne pas l’avoir évoqué pour expliquer les investissements en Pologne ou
dans les autres pays ? Les salaires moyens des Bulgares et des Roumains sont les plus faibles
de l’UE. Ce sont ces deux pays qui bénéficient le plus du différentiel de salaire. Il convenait
60
« La Bulgarie entre compétitivité et cohésion. IDE, fonds structurels et disparités
territoriales dans un PECO. », L’Espace Politique, 2011
61
Chiffres du World Investment Report 2012
62
The European Social statistics 2013
35 | P a g e
d’en parler à ce moment même si ce différentiel joue également un rôle pour comprendre les
IDE dans les pays baltes et en Slovénie.
36 | P a g e
Les pays les moins attractifs
Les derniers pays du lot sont peu attractifs en raison de leur superficie et non en raison
d’une mauvaise politique. Ils connaissent certes des difficultés mais qui sont largement
comparable avec celles de leur voisin.
A. De l’indépendance politique à la crise économique : grandeur et
déclin des pays baltes et de la Slovénie
Les pays baltes, présentés longtemps comme les bons élèves de l’Union européenne,
se sont révélés particulièrement fragiles durant la crise de 2008 et à la récession qui en a
résulté. La Slovénie, avec un profil moins favorable, s’est trouvée aussi extrêmement
confrontée à cette crise.
1. Les pays baltes, les bons élèves de la transition ?
Les pays baltes ont été présentés comme les bons élèves de l’intégration européenne.
Premières parmi les républiques soviétiques à reconquérir leur indépendance63
, elles ont été
aussi les premières à entreprendre les réformes économiques et politiques pour adhérer à
l’Organisation du Traité d’Atlantique nord le 29 mars 2004 et le 1 mai de la même année à
63
Le 20 août 1991 les trois républiques baltes annonçaient le rétablissement de leur
souveraineté. Elles avaient déjà proclamé leur indépendance pendant le printemps de l’année
précédente : la Lituanie le 11 mars, l’Estonie le 30 et la Lettonie le 4 mai.
37 | P a g e
l’UE. Ces orientations démontrent leur volonté de s’émanciper de l’influence russe et
rappellent que pour exister, ces républiques doivent s’opposer à la Russie64
.
Au moment de leur adhésion, les Etats baltes figuraient dans le peloton de tête des
PECO. En 2003, le rapport sur les économies en transition rendu public par la Banque
européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) classait les trois pays baltes
parmi les plus dynamiques : 6,5% de croissance en 2003 pour la Lituanie, 6% pour la
Lettonie, 4,5% pour l’Estonie65
. En dépit des risques de surchauffe et d’une inflation trop
élevée pour adhérer à l’euro (4,1% en Estonie en 2006), les trois pays baltes alignent jusqu’en
2007 de bonnes performances économiques66
. La crise économique de 2008 a touché les trois
pays (explosion des chiffres du chômage, déficits croissants, inflation incontrôlable,
effondrement de la production)67
.
- En Lettonie, les répercutions furent particulièrement importantes. En décembre
2008, le Fond Monétaire Internationale (FMI) consentit à un prêt de 7,5
milliards d’euros. Le 20 février 2009, la coalition gouvernementale de centre-
droit dirigée par Ivars Godmanis fut acculée à la démission. La situation
demeure préoccupante. Même si la Lettonie est sortie de trois ans de
dépression (2008, 2009, 2010) et renoue avec une croissance de 5,5% en 2011
et 4,5% en 2012, le chômage reste une préoccupation majeure. De 19% en
2010, il est descendu à 14,1% en 2012 et le FMI estime son maintien à deux
chiffres jusqu’en 201768
.
64
En 1917 et 1918 les trois Républiques baltes proclament leur indépendance grâce aux
victoires de l’Allemagne contre la Russie. Elles la perdent avec la seconde guerre mondiale
quand la Russie est au faîte de sa puissance.
65
BERD, Annual Report 2003: Annual Review and Financial Report, Central Europe and the
Baltic States.
66
Selon Eurostat, la Lettonie affichait au 3°trimestre 2005 une croissance de 11,4%, l’Estonie
de 10,4% et la Lituanie de 8,5% par rapport au 3°trimestre de l’année précédente.
67
Entre 2008 et 2009, le PIB et la consommation ont chuté de 15%, la production industrielle
de 34%, le chômage a presque triplé selon Marine Dubost.
68
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/lettonie/presentation-de-la-lettonie/
38 | P a g e
- En Estonie, la récession s’est installée pendant 2 ans. Dès 2010, le pays renoue
avec la croissance qu’il conserve à 7,6% en 2011 et à 4% en 2012. Au prix
d’une politique de rigueur drastique, elle entre dans la zone euro le 1°janvier
201169
.
- En Lituanie, malgré une chute de 14,7% du PIB en 2009, la croissance est
revenue dès 2010. En 2011, elle était de 5,9%, elle s’est maintenue à 3,6% en
2012. Le chômage reste encore très élevé (13,2%) même si sa courbe tend à se
fléchir70
.
2. La Slovénie, une transition en retard
La Slovénie déclare son indépendance à la suite d'un référendum
organisé en décembre 1990. 88,5 % des Slovènes votent en faveur de l'indépendance de la
Slovénie. La République de la Slovénie déclare officiellement son indépendance le 25 juin
1991 quittant ainsi la République populaire fédérative de Yougoslavie. Cette indépendance
n’est pas acceptée par cette dernière qui lance son armée contre l’Etat naissant. Après une
série de plusieurs défaites, l’armée yougoslave est sur le repli. Le gouvernement yougoslave
s’engage à retirer ses forces militaires de la Slovénie le 7 juillet 1991, lors de la Déclaration
de Brioni.
La guerre terminée, le passage à la démocratie et à l’économie de
marché peut alors s’envisager. La constitution slovène adoptée le 23 décembre 1991. La
première élection présidentielle du 6 décembre 1992 voit la victoire de l'ancien communiste
Milan Kucan. En 2003, deux référendums sont organisés. L’un porte sur l’adhésion à l’UE,
l’autre sur la participation à l’OTAN. Aux deux la réponse est positive. La Slovénie rentre
pleinement dans le camp occidental. La crise actuelle que connaît le pays est complexe. Elle
se décompose en plusieurs modules : bancaire, économique, sociale.
- Le système bancaire est en transition. Les deux principales banques slovènes, la NKM
et la NLB, totalisant toutes les deux 40% des actifs slovènes, n’ont pas achevé leur
69
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/estonie/presentation-de-l-estonie/
70
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/lituanie/presentation-de-la-lituanie/
39 | P a g e
privatisation. « Avec l’ensemble du secteur bancaire, elles ont souffert de la
détérioration de la situation des entreprises du secteur de la construction et des travaux
publics qui, avec la dégradation de la conjoncture, ont vu leur endettement augmenter
considérablement. » rapporte Jean-Pierre Pagé dans ses conclusions publiées dans les
études du CERI71
.
- L’économie slovène a connu une forte récession de -8% en 2009 qui est retombée à -
2,5% en 2012. Le taux de chômage, maîtrisé en dessous de 8% en 2010, dépasse les
11% en mai 201372
.
- Dès l’indépendance les syndicats se sont constitués en une confédération de syndicats
libres, ZSSS. Ils organisent la résistance contre les mesures néo libérales du
gouvernement telles que les privatisations ou la flat-tax73
. Les soulèvements
spectaculaires de l’hiver 2012 ne sont donc qu’une manifestation des tensions sociales
qui existent depuis longtemps dans le pays.
Une étude de l’OCDE fut réalisée en 2011 sur la Slovénie74
. L’objectif de cette étude
est à la fois de comprendre la crise actuelle et d’y apporter des réponses. Parmi les faiblesses
soulevées, la productivité. « La productivité reste faible dans un certain nombre de secteurs
industriels où la présence capitalistique de l’État est forte et la participation étrangère
réduite. » Les domaines sont connus. Il s’agit de l’industrie manufacturière sur le
manufacturier de haute technologie, les industries de réseau telles que l’énergie et les
télécommunications. Pire encore, l’absence de ces IDE aurait freinée, estime l’étude,
« l’adoption de nouvelles technologies et les gains de productivité consécutifs »
71
Tableau de bord des pays d’Europe central et orientale et d’Eurasie 2011, vol 1,
72
11,2% selon eurostat
73
Lucien Perpette, n°511-512 novembre-décembre 2005 http://www.inprecor.fr/article-
inprecor
Jacques Radcliff, Dernières nouvelles 2011 http:/www.inprecor.fr/article-inprecor
74
OCDE, La Slovénie, février 2011
40 | P a g e
B. Des difficultés à rendre les pays attractifs en dépit de la volonté
politique
Ces pays sont petits de par leur superficie et de par leur population. Malgré cette faiblesse
originelle ils ont réussi à attirer des investisseurs en instaurant un cadre juridique qui leur est
favorable.
1. Un cadre juridique favorable
Une grande partie de l’attractivité des pays baltes s’expliquent par la mise en place
d’une législation favorable aux IDE. Une étude de l’OCDE75
sur l’Estonie nous renseigne un
peu plus. Pour être attractive, l’Estonie a adopté en 1991, le Foreign Investment Act. Cette loi
garantit le transfert sans entrave des bénéfices, des dividendes et le capital investi et fourni
une protection et des droits fondamentaux de règlement des différends (comme dans le cas
d’expropriation). Des zones franches étaient également attribuées à des investisseurs76
.
Les études de Holland & Pain (1998) ont établi une corrélation entre le coût du travail
et les IDE. Selon The European Social statistics 2013 publié par la Commission européenne,
le salaire horaire moyen d’un Estonien est de 7,3€, d’un Lettonien 5,7€. A titre de
comparaison avec les pays limitrophes, le salaire horaire moyen d’un Finlandais tourne autour
de 29€, d’un Suédois 36.
A ces salaires compétitifs, s’ajoute la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union
européenne. Interprétant à la lettre l’un des principaux fondamentaux de Maastricht77
, elle
favorise le dumping salarial. L’affaire Viking78
nous intéresse particulièrement. Dans cette
affaire, une société Finlandaise de ferries assurant la liaison entre la Finlande et l’Estonie
75
OCDE, Foreign direct investment in Estonia: experiences and perspectives, 2001
76
Lydia Coudroy De Lille « Les zones franches et zones économiques spéciales en Europe
médiane », Atlas mondial des zones franches, François Bost, 2010, p. 123-138
77
A l’Article 3 A du traité de Maastricht est affirmé le « principe d'une économie de marché
ouverte où la concurrence est libre. »
78
11 décembre 2007
41 | P a g e
avait décidé de s’immatriculer en Estonie et de remplacer ses marins Finlandais par des
marins estoniens, moins chers. Les marins finlandais ont attaqué en justice leur entreprise. La
cour a donné raison à l’entreprise estimant que c’était de bon droit que cette dernière a usé de
sa liberté. Au travers de cette décision qui n’est pas isolée79
, se dégage un droit européen
favorable à l’investisseur étranger.
Le titre ne doit pas induire en erreur sur la nature réelle de ce cadre juridique. De
nombreuse imperfection demeure. Dans ses recommandations, à la suite d’une étude80
,
l’OCDE avait invité la Slovénie à simplifier son droit du travail. Elle qualifie sa législation
sur la protection de l’emploi « d’une des plus rigides de la zone OCDE » et rapportent les
conclusions d’enquêtes menées auprès d’investisseurs. « Les enquêtes auprès des
investisseurs étrangers ainsi que les études empiriques transversales conduisent à penser que
les structures du marché du travail de la Slovénie inhibent l’investissement étranger. ».
2. Une faible population, une stratégie d’investissement différenciée
Ces quatre pays ont la particularité commune d’être de petits pays. Leur population ne
représente qu’une faible partie de la population des PECO. La taille de leur marché intérieur
de la consommation est moins importante que celle de leur voisin européen. Ce facteur
n’est pas rédhibitoire en soi. Certains pays possèdent une population peu nombreuse mais
connaissent un très grand développement de leur marché intérieur. Mais il s’agit de pays avec
un salaire moyen par habitant élevé81
. Or ce n’est pas le cas de ces pays.
79
Voir aussi l’arrêt Laval, CJUE, février 2005
80
OCDE, La Slovénie, février 2011
81
On peut penser au Qatar ou à Singapour
42 | P a g e
Les populations des PECO européens
Pays Population Superficie km²
Bulgarie 6.981.642 110 910
Estonie 1.266.375 45 226
Hongrie 9.939.470 93 030
Lettonie 2.178.443 64 589
Lituanie 3.515.858 65 200
Pologne 38.383.809 312 685
République
tchèque
10.162.921 78 866
Roumanie 21.790.479 237 500
Slovaquie 5.488.339 48 845
Slovénie 1.992.690 20 273
Comme le tableau ci-dessus nous l’indique, l’Estonie, la Lettonie,
la Lituanie et la Slovénie rassemblent les plus faibles populations de la région avec
respectivement 1,27 millions, 2,18 millions, 3,52 millions et 1, 99 millions d’habitants. Ce
paramètre influence le type d’IDE. Les études de Hunya [2004] et Jaklic [2002] ont pu établir
la prédominance des IDE de délocalisation sur les IDE de pénétration en Slovénie et en
Estonie. L’objectif des investisseurs n’est pas de pénétrer un marché qui serait saturé
rapidement à cause d’une population trop peu nombreuse et dotée d’un faible pouvoir d’achat.
L’objectif dans ce cadre d’investissement est d’avoir accès aux marchés des pays limitrophes.
Ce facteur constitue un déterminant essentiel [Dedek & Novak, 1998] dans le cadre des
investissements dans les biens de consommation et des services [Lankes & Venables, 1996]
en l’Estonie et en Slovénie [Dedek & Novak 1998 ; Reiljan, 2002]. L’adhésion à l’UE et aux
accords de libre-échange régionaux intra-PECO (ALECE82
, BFTA83
) devrait prendre ici toute
82
ALECE renvoie aux initiales de accord de libre-échange centre européen signé en 1993 par
la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. La Slovénie y a adhéré en
1996. Après leur adhésion à l’UE tous ces pays l’ont quitté.
83
Le BFTA est le Baltic Free Trade Agreement, signé en 1994 entre les trois pays baltes.
43 | P a g e
leur importance [Lefilleur, 2005], mais les conclusions de Holland et Pain (1998) ne le
confirment pas.
Il semblerait qu’il y ait une relation entre volume d’IDE et
l’importance de la population. Un pays sans population attire moins qu’un pays avec une
population nombreuse. Le facteur numérique ne suffit pas à lui seul, sans quoi la Roumanie
serait parmi les mieux lotis, ce qui n’est pas le cas.
44 | P a g e
Conclusion
Malgré leur grande disparité, les pays partagent des déterminants communs. Le salaire
moyen des nationaux, la fiscalité, la proximité avec l’Europe des 15, la perspective d’une
adhésion à l’Union européenne, le niveau de corruption, les facilités administratives, la taille
du marché national et des marchés aux alentours ainsi que leur possibilité de pénétration ont
joué un rôle déterminant dans la logique d’investissement à long terme. Etablir une hiérarchie
au sein de ses différents facteurs est extrêmement difficile en raison de la nature même de
l’IDE dont la logique est complexe. C’est un ensemble dont les composants sont encore mal
délimités. Les déterminants soulevés sont en général admis par tous. Mais d’autres
mériteraient des études approfondies. Le lien entre démocratie et IDE est indéfini, comme
l’est celui entre le niveau d’endettement de l’Etat et l’investissement actif.
L’IDE est présent dans les pays qui l’acceptent, le favorisent et proposent des
perspectives intéressantes. Un fabricant de meubles ne s’installe pas là où il n’y a pas de forêt
sauf s’il a les moyens d’acheminer la matière première ce qui suppose de bonnes
infrastructures. Un constructeur d’automobile ne s’implante pas où il n’y a pas de marché.
Toutefois, le phénomène est plus sophistiqué. L’absence de perspectives dans un pays n’est
pas rédhibitoire pour l’implantation d’entreprises à condition que lesdites entreprises aient
accès aux marchés extérieurs. En ce cas, l’absence ou la faiblesse du marché local jouera un
rôle sur le type d’IDE qui sera de délocalisation plutôt que de pénétration.
Le critère d’attractivité le plus courant retenu est le volume global d’IDE par pays. Les
grands pays avec une population abondante sont privilégiés. En utilisant un autre critère, on
trouve un autre résultat. Utilisons comme référentiel le volume d’IDE par habitant. L’Estonie
arriverait en tête et la Roumanie serait dans les pays les moins attractifs sur la période 1989 à
200784
. Ce critère nivèle les différences de population puisqu’il calcule l’attractivité en
84
Pierre Verluise (2008)
45 | P a g e
proportion du nombre d’habitants par pays. L’avantage de ce raisonnement est de rendre
honneur à l’action des dirigeants qui installent le cadre favorable pour l’investissement.
L’inconvénient majeur est de ne pas avoir de vision globale. Ce manque de hauteur occulte
l’une des règles les plus fondamentales en géopolitique, la loi du nombre à l’origine de la
puissance.
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Freedom House, Nations in transit, 2006
Freedom House, Nations in transit, 2013
BERD, Annual Report 2003: Annual Review and Financial Report, Central Europe and the
Baltic States
BERD, Annual Report 2012
CNUCED, World Investment Report 1998: Trends and Determinants
CNUCED, World Investment Report 2012
Interstratos, The Internationalization of SMEs: The Interstratos Project, London: Routledge
Publishing. 1998
Lankes H.P. & Venables A.J., “Foreign Direct Investment in Economic Transition: The
Changing Pattern of Investments”, Economics of Transition, 4, p. 331-347, 1996
Boudier-Bensebaa, Fabienne, « Analyse comparée des investissements directs français et
allemands dans le triangle de Visegrad », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1993, p.
101-140
Baudry Constance et Pflimlin Edouard, « Intégration de la Roumanie et de la Bulgarie dans
l’UE : quelles conséquences économiques ? », Le Monde, 11 octobre 2006
Sollogoub Tania, « En Europe de l’Est, la transition n’a pas effacé l’héritage de l’économie
planifiée », Le Monde, 6 juin 2006
Margueritte Bernard, « La Pologne malade du Libéralisme », Le monde diplomatique, octobre
2002
Geslin Laurent et Gobert Sébastien, « La Pologne orientale passe à l’Ouest », Le monde
diplomatique, juin 2012
49 | P a g e
Rekacewicz Philippe et Rucevska Leva, « Lettonie, l’industrie à la peine », Le monde
diplomatique, septembre 2009
Simon Gergely, « Hongrie, boues rouges et bonnes affaires », Le monde diplomatique, avril
2011
Dérens Jean-Arnault, « En Slovénie, la stratégie du choc », Le monde diplomatique, mars
2013
Cornu Yves, « Les nouveaux riche d’Europe centrale », Le Point, 4 mai 2009
Pachmann Ales, “Corruption has economic consequences”, The Prague Post, 3 November
2010
Shamanska Anna, “Education wages a war on corruption”, The Prague Post, 20 Mach 2013
Sites internet
Banque Centrale européenne: http://www.ecb.europa.eu/ecb/html/index.fr.html
Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/eurostat/home/
OCDE : http://www.oecd.org/
OPEE- Observatoire des Politiques économiques en Europe : http://opee.unistra.fr/
Ministère des affaires étrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/

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Les déterminants des IDE (1)

  • 1. MASTER 1 DE RELATIONS INTERNATIONALES A L’IRIS « Les déterminants des IDE dans les Pays d’Europe centrale et orientale de l’UE » Histoire et bilan de la transition Etienne Planté 06/09/2013 Sous la direction d’Assem Slim
  • 2. 1 | P a g e Remerciements Mes remerciements vont en premier lieu à monsieur Assem Slim qui a dirigé ce travail. Ses conseils en économie ont façonné ce mémoire et m’ont permis de contacter madame Fabienne Boudier-Bensebaa et monsieur Wladimir Andreff. Je tiens à les remercier. Madame Fabienne Boudier-Bensebaa, pour l’entretien qu’elle m’a consacré qui m’a permis de donner à mon mémoire son orientation définitive grâce aux éclairages qu’elle m’a apportés ainsi qu’aux documents qu’elle m’a fournis. Monsieur Wladimir Andreff, pour les précisions diverses et variées qu’il m’a communiquées et qui m’ont permis de délimiter mon mémoire.
  • 3. 2 | P a g e Table des matières Introduction ................................................................................................................................ 6 A. Définition et importance de l’IDE dans les PECO...................................................... 6 1. L’importance de l’IDE............................................................................................. 6 2. La définition de l’IDE.............................................................................................. 8 B. Les déterminants des IDE.......................................................................................... 10 1. Une approche globale............................................................................................. 10 2. Une approche individualisée.................................................................................. 14 Les pays les plus attractifs........................................................................................................ 17 A. Des méthodes de transition différentes pour rendre les pays attractifs ..................... 17 1. La Pologne, le dernier bastion européen de la croissance...................................... 17 2. La Hongrie, la libérale insoumise .......................................................................... 19 3. La République tchèque, la richesse confisquée ..................................................... 20 B. Les caractéristiques communes : des atouts naturels mis en valeur par l’Etat.......... 22 1. L’action décisive de l’Etat ..................................................................................... 22 2. Les promesses des marchés hongrois, tchèques et polonais .................................. 23 3. Une proximité avantageuse avec les pays occidentaux ......................................... 24 Les pays moyennement attractifs ............................................................................................. 27 A. Une transition laborieuse freinant l’arrivée des investissements............................... 27
  • 4. 3 | P a g e 1. La Slovaquie, une transition lente.......................................................................... 27 2. La Bulgarie, la survivance très active des communistes........................................ 28 3. La Roumanie, une transition ralentie..................................................................... 30 B. L’attractivité limitée de l’intérieur ............................................................................ 31 1. Des économies minées de l’intérieur ..................................................................... 31 2. Malgré une politique attractive .............................................................................. 32 Les pays les moins attractifs..................................................................................................... 36 A. De l’indépendance politique à la crise économique : grandeur et déclin des pays baltes et de la Slovénie......................................................................................................... 36 1. Les pays baltes, les bons élèves de la transition ?.................................................. 36 2. La Slovénie, une transition en retard ..................................................................... 38 B. Des difficultés à rendre les pays attractifs en dépit de la volonté politique ............. 40 1. Un cadre juridique favorable ................................................................................. 40 2. Une faible population, une stratégie d’investissement différenciée ...................... 41 Conclusion................................................................................................................................ 44 Bibliographie............................................................................................................................ 45
  • 5. 4 | P a g e Table des abréviations BERD: Banque européenne pour la reconstruction et le développement CNUCED: Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement COMECON: Council for Mutual Economic Assistance FDI: Foreign Direct Investment FMI: Fond Monétaire Internationale IDE: Investissement Direct Etranger NTIC: Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication OCDE: Organisation de coopération et de développement économiques PECO: pays d’Europe central et orientale PED: Pays en Voie de Développement PIB: Produit Intérieur Brut UE: Union européenne UNCTAD: United Nations Commission for Trade and Development
  • 6. 5 | P a g e "If you’re not confused, you don’t know anything" W. Brian Arthur [2000 : 51] "La difficulté essentielle que pose l’IDE est qu’il s’agit d’un phénomène tellement complexe qu’il est difficile d’en appréhender toutes les facettes mais qu’il est aussi dangereux d’en isoler qu’une seule" D’Anne Julius [1990] « Ce dont le monde a besoin maintenant, c’est d’agir en étant bien informé ; et pour ce faire, les idées doivent être présentées de façon à être accessibles à toutes les personnes concernées, et non pas aux seuls docteurs en économie. De toute façon, les équations et les diagrammes de l’économie formalisée ne sont, la plupart du temps, rien de plus qu’un échafaudage au service d’une construction intellectuelle. Une fois que l’édifice a atteint un certain degré de finition, il est loisible de retirer l’échafaudage pour ne laisser subsister qu’un discours clair. » Paul Krugman, Pourquoi les crises reviennent toujours, Seuil, 2009, 242 p.
  • 7. 6 | P a g e Introduction A. Définition et importance de l’IDE dans les PECO Plus de vingt années nous séparent de la chute du mur de Berlin. En peu de temps à l’échelle de l’histoire, dix pays1 , composant l’union soviétique et la Yougoslavie, se sont affranchis de leur maître et ont rejoint le camp occidental par leur intégration à l’UE et à l’alliance atlantique. Pour y parvenir, le rôle de l’IDE est incontournable. Un peu d’histoire nous permettra d’y voir plus clair tant sur le rôle de l’IDE dans cette région que sur sa nature. 1. L’importance de l’IDE Les années 80 marquent l’envol des IDE comme source de financement pour le développement des différents pays du globe2 . Cette alternative aux moyens de financement intermédié, générant de la dette bancaire, ou désintermédié, par le biais des marchés financiers, apparaît comme plus sécurisée depuis la cessation de paiement du Mexique en 1982 et la déréglementation des marchés. C’est dans ce contexte international qu’implose l’Union soviétique. Les anciennes républiques sœurs retrouvent leur souveraineté. Malgré le décalage économique important avec les pays développés, elles ne font pas figure de pays en voie de développement (PVD), en raison des infrastructures héritées de la période soviétique 1 La Pologne, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Hongrie. Nous les appellerons les PECO de l’UE. 2 Les principaux pays industrialisés en bénéficient plus que les pays en voie de développement. Les pays de la triade sont les premiers à bénéficier des IDE.
  • 8. 7 | P a g e et des « technostructures » dont elles bénéficient3 . Elles ont le profil de pays « mal développés » (misdeveloped). Les entreprises peuvent s’appuyer dessus pour développer leur activité. Malgré cet avantage, la concurrence reste rude avec les pays non développés. Elle se manifeste par « la surenchère des politiques d’attractivité à l’égard des multinationales » [Andreff, 1996,1999]. Il n’est plus possible pour des pays de provoquer les implantations de firmes étrangères tout en se protégeant. L’instabilité de l’environnement international s’installe avec l’entrée et la montée en puissance de nouveaux acteurs, la libéralisation des marchés et la nécessité d’innover sans cesse4 . Dans son étude datée du 26 mars 2003, Les frontières de l’IDE, Instabilité de l’environnement et flexibilité des modes de gouvernance à l’étranger, Fabienne Boudier- Bensebaa analyse ce phénomène. Elle en tire deux conséquences. La première est issue de « l’intensification de la concurrence » qui « contraint les FMN à défendre leurs avantages concurrentiels et à défendre leurs parts de marché acquis à l’étranger. » Les firmes vont rechercher donc une plus grande flexibilité pour répondre à ce changement. « L’IDE évolue ainsi vers des formes plus coopératives, au sein desquelles le partage du contrôle donne aux entreprises la flexibilité recherchée ». La seconde conséquence concerne la localisation de ces IDE. La libéralisation des échanges et la chute des coûts de production offrent de nouvelles possibilités intéressantes aux investisseurs. Cette instabilité internationale influence donc les IDE dans leur localisation ainsi que dans leur nature. Pourtant la définition du terme demeure inchangée. 3 « La notion de technostructure est issue des travaux de l'économiste américain John Kenneth Galbraith ». C’est une « Organisation décisionnelle de la grande firme moderne, qui réunit les directeurs salariés de l'entreprise ... Selon Galbraith, les membres de la technostructure bénéficient d'une large marge de manœuvre par rapport aux propriétaires, c'est-à-dire les actionnaires, qui perdent ainsi les prérogatives attachées au droit de propriété. » Dictionnaire de l’économie, 2000 4 Les frontières de l’IDE, Instabilité de l’environnement et flexibilité des modes de gouvernance à l’étranger, Fabienne Boudier-Bensebaa
  • 9. 8 | P a g e 2. La définition de l’IDE En 1977, le FMI présente la définition suivante de l’IDE. Il « désigne un investissement qui vise à acquérir un intérêt durable dans une entreprise exploitée dans un pays autre que celui de l’investisseur, le but de ce dernier étant d’influencer effectivement sur la gestion de l’entreprise en question. » La définition des Nations Unies, inspirée de celles de l’OCDE [1996], souligne également l’importance des notions de contrôle et de longévité. « FDI is defined as an investment involving a long-term relationship and reflecting a lasting interest and control of a resident entity in one economy in an enterprise resident in an economy other than that of the foreign investor. » Enfin celle donnée par l’UNCTAD, bien que largement inspirée de la précédente, la peaufine encore un peu plus. “Foreign direct investment (FDI) is defined as an investment involving a long-term relationship and reflecting a lasting interest and control by a resident entity in one economy (foreign direct investor or parent enterprise) in an enterprise resident in an economy other than that of the foreign direct investor (FDI enterprise or affiliate enterprise or foreign affiliate).” Ces définitions établissent implicitement la distinction entre l’IDE, ou investissement actif, et l’investissement passif. - Dans le premier cas, l’investisseur étranger possède 10% ou plus des actions ordinaires ou de droits de vote dans une entreprise. L’IDE se caractérise par une relation de long terme assortie d’une volonté de contrôler l’action menée. - Dans le second cas, l’investissement n’a que peu d’influence sur la gestion d’une société dont l’investisseur possède les actions. Ces investissements, dits de portefeuille, prennent la forme de dépôt bancaire, de placements financiers sous forme de titres privés ou publics5 . La CNUCED propose une autre distinction qui place l’IDE dans la logique à l’origine de l’investissement. Trois motifs sont dégagés : la recherche de marchés, la recherche de 5 Ces précisions se trouvent dans le World International Report 2012
  • 10. 9 | P a g e ressources ou d’actifs et la recherche de gains d’efficacité. Cette distinction met en évidence deux types de stratégies à la base de l’IDE. - La première répond à une logique de conquête ou de préservation de marchés et de satisfaction des demandes locales à travers la création de « filiales relais ». Elle est qualifiée d’IDE de pénétration par de nombreux auteurs6 . - La seconde s’inscrit dans la logique de rationalisation de la production. Qualifiée d’IDE de délocalisation, elle organise une division internationale du travail à travers la création de « filiales ateliers ». Les types d’IDE classés selon la motivation des firmes Motivation des firmes Principaux déterminants économiques Logique d’IDE Recherche de marchés -taille du marché et revenu par habitant -croissance du marché -accès aux marchés régionaux et mondiaux -préférences des consommateurs locaux -structure des marchés IDE De pénétration Recherche de ressources/actifs -matières premières -main d’œuvre non qualifiée à bon marché -main d’œuvre qualifiée -actifs technologiques, innovants et autres actifs créés (par exemple les marques commerciales), y compris ceux incarnés par des individus, firmes et agglomérations d’activités -infrastructure physique (ports, routes, énergie, télécommunications) IDE de délocalisationRecherche de gains d’efficacité -coût de ressources et des actifs énumérés ci-dessus, ajusté de la productivité de la main d’œuvre -autres coûts d’intrants, tels que les coûts de transport et communication avec le pays d’accueil et à l’intérieur de celui-ci, et d’autres biens intermédiaires -participation à un accord d’intégration régional propice à l’établissement de réseaux régionaux d’activités CNUCED, World Investment Report 1998: Trends and Determinants, tableau IV.1, p.91 6 Notamment Christian Aubin, Jean-Pierre Berdot, Daniel Goyeau, Jacques Léonard, Investissements directs américains et européens dans les PECO : quel rôle des effets de change ?
  • 11. 10 | P a g e Ces deux stratégies (de pénétration et de délocalisation) ne s’excluent pas mutuellement. Elles peuvent se compléter ainsi que le note très justement Christian Aubin et alii. « Un investissement dans un pays peut s’appuyer sur des ressources locales à faible coût pour pénétrer d’autres marchés avec lesquels le pays hôte bénéficie de liens privilégiés. » La faiblesse de cette distinction repose sur une vision trop réduite des motivations à l’origine des investissements. Les déterminants des IDE sont plus nombreux. B. Les déterminants des IDE "La difficulté essentielle que pose l’IDE est qu’il s’agit d’un phénomène tellement complexe qu’il est difficile d’en appréhender toutes les facettes mais qu’il est aussi dangereux d’en isoler qu’une seule" disait Anne Julius. L’étude7 de Julien Lefilleur vient confirmer ces dires. 1. Une approche globale C’est l’étude de synthèse sur le sujet. Elle vise à rendre « un examen suffisamment vaste des publications consacrées aux principaux déterminants des IDE dans la région tout en analysant leur évolution au cours de la période et les différences selon les pays. » Cette synthèse présentant la littérature sur le sujet obéit à quelques limites. Afin de limiter le nombre d’articles, « les textes doivent être publiés dans des revues à comité de lecture, se concentrer spécifiquement sur les PECO entre 1993 et 2007, être empiriques (applications économétriques et/ou résultats d’enquêtes) et utiliser des échantillons de données suffisamment grands ou bien des données agrégées au moins au niveau pays. » De cette présentation, regroupant une centaine d’études, cinquante-deux facteurs ressortent et sont présentés dans les tableaux ci-dessous. 7 « Déterminants des investissements directs étrangers en Europe centrale et orientale, un bilan de la transition », revue d’études comparatives Est-Ouest, 2008, vol.39, n°2, p.201-238
  • 12. 11 | P a g e Synthèse des résultats de la littérature réalisée par Julien Lefilleur Autres facteurs Impact positif Impact négatif Impact nul Impact Facteurs psychologiques/confiance Liens culturels et historiques 0 0 2 I* Perception du risque pays 0 10 6 I Adhésion à l’UE Perspectives d’adhésion à l’UE 12 0 3 >0 Appartenance à l’UE 0 0 4 =0 Développement des infrastructures 10 0 1 >0 Facteurs financiers Impact positif Impact négatif Impact nul Impact Financement des entreprises Taux d’intérêt 1 1 2 I Disponibilité du crédit local 0 1 1 I* Disponibilité du crédit étranger 1 0 0 I* Niveau de subvention de l’Etat 0 0 1 I* Développement des marchés financiers 1 0 2 I* Développement du secteur bancaire 5 0 1 >0 Evolution du taux de change Dépréciation tendancielle 1 0 2 I* Contrôle du régime de change 1 2 0 I* Volatilité du change 1 5 2 I Finances publiques Aide publique extérieure 1 0 0 I* Dette de l’Etat 0 0 3 I* Dette extérieure 0 1 0 I* Niveau des réserves 1 0 0 I* Masse monétaire en circulation 1 0 0 I*
  • 13. 12 | P a g e Facteurs institutionnels Impact positif Impact négatif Impact nul Impact Présence de l’Etat dans l’économie Libéralisation de l’économie 13 0 2 >0 Privatisation Méthode de privatisation 8 0 2 >0 Calendrier de privatisation 8 0 1 >0 Part du secteur privé dans l’économie 3 0 3 I Incitations aux IDE 11 0 3 >0 Cadre Juridique Fiscalité de l’entreprise Niveau de Taxe 0 1 10 =0 Complexité et incertitude du cadre fiscal 0 4 0 <0 Qualité du cadre juridique Qualité du cadre législatif et efficacité de la justice en général 9 0 0 >0 Protection de la propriété intellectuelle 1 0 0 I* Protection de la propriété privée 2 0 1 I* Législation sur la compétition 3 0 1 >0 Visibilité de l’évolution de la législation 3 0 1 >0 Climat des affaires Qualité des partenaires locaux Entreprises 0 0 1 I* Administrations 6 0 0 >0 Economie souterraine Corruption 0 10 0 <0 Crime organisé 0 1 0 I* Transactions informelles 0 2 0 I* Démocratie 2 0 1 I*
  • 14. 13 | P a g e >0 : Impact positif ; <0 : impact négatif ; =0 : impact nul ; I : indéterminé car le consensus est insuffisant (<75%) ; I* : indéterminé car insuffisance d’études (<4). Les déterminants sont regroupés en quatre grandes familles : les facteurs institutionnels, économiques, financiers et les autres. Plusieurs remarques peuvent être formulées : - Certaines variables sont par nature, difficiles à apprécier. Ainsi en est-il pour le niveau de qualification de la main d’œuvre, technologique et les savoir-faire locaux. Par nature ils sont intangibles. Leur donner une valeur est un exercice difficile et on comprend que la doctrine soit divisée sur ce sujet. Facteurs économiques Impact positif Impact négatif Impact nul Impact Potentiel de marché Taille du marché local 33 0 9 >0 Taille des marchés voisins 11 0 0 >0 Proximité de l’UE 15 Distance 2 21 0 <0 Frontière commune 0 1 4 =0 Ouverture commerciale Ouverture au reste du monde 13 0 0 >0 Ouverture à l’UE 15 5 0 1 >0 Facteurs de production Ressources naturelles 0 0 5 =0 Marché du travail Coût du travail 1 33 12 I Niveau de qualification de la main d’œuvre 7 1 7 I Abondance de la main d’œuvre 5 0 0 >0 Technologie et savoir-faire locaux 2 0 2 I Forces d’agglomération 13 0 3 >0 Encombrement du marché 0 2 1 I Autres facteurs économiques Inflation 2 3 1 I croissance 5 0 3 I
  • 15. 14 | P a g e - Certains facteurs sont délaissés par la littérature qui leur consacre peu d’études. Savoir quel est leur impact réel sur les IDE est alors impossible. Sont concernés principalement, les facteurs financiers, l’adhésion à l’UE, les liens culturels, la protection de la propriété intellectuelle et de la propriété privée, le niveau de sécurité et de démocratie. - Ces facteurs généraux laissent deviner les grandes disparités entre les pays. Tous ces pays n’ont pas adhéré en même temps à l’UE. Ils ne consacrent pas tous la même part au secteur privé dans leur économie8 . Toutes les infrastructures ne se valent pas. Certaines sont de meilleures qualités que d’autres. 2. Une approche individualisée Ces disparités sont soulevées par la BERD dans son rapport annuel sur la transition publié chaque année depuis le début de la transition. Un système de notation est mis en place de 1 à 4+ qui place les pays dans le processus de transition. Le 1 correspond à une absence totale de transition et le 4 représente les standards équivalents à ceux d’une hypothétique économie de marché évoluée. Deux tableaux sont réalisés pour avoir l’image la plus complète possible de l’état des pays. 8 A titre d’exemple, en 2008, la part du secteur privé dans le PIB est de 80% en République tchèque et de 70% en Slovénie. Enterprises Markets and trade Large-scale privatisation Small-scale privatisation Governance and enterprise restructuring Price liberalisation Trade and foreign exchange system Competition policy Bulgaria 4 4 3- 4+ 4+ 3 Estonia 4 4+ 4- 4+ 4+ 4- Hungary 4 4+ 4- 4+ 4+ 4- Latvia 4- 4+ 3+ 4+ 4+ 4- Lituania 4 4+ 3 4+ 4+ 4-
  • 16. 15 | P a g e Corporate sectors Energy Infrastructure Financial sectors Agribusiness General Industry Realestate Tele comunication Natural ressources Sustainable energy Electric power Water Urban transport Road Railways banking Insuranceand other financial services MSME finance Privateequity Capital markets Bulgaria 3+ 3+ 3+ 4- 3- 3+ 3 2+ 3- 3- 2 3 3+ 3- 3- 3 Estonia 3+ 4+ 4+ 4 4 3- 4 4 4- 3 4 4- 3+ 3 3- 3 Hungary 4 4- 4- 4 4- 3 4- 4 3+ 4- 3+ 3+ 3 3 3 3+ Latvia 3 4- 4- 3+ 3+ 3+ 3+ 3+ 4- 3 4- 3+ 3+ 3 3- 3 Lituania 3+ 4- 4- 4- 3+ 3+ 3+ 3+ 4- 3 3 3+ 3+ 3 2+ 3 Poland 3+ 4- 4- 4 3 3 3+ 4- 4- 4- 4 4- 4- 3 3+ 4 Romania 3 3+ 3+ 3+ 4- 3+ 3+ 3+ 3+ 3 3+ 3 3+ 3- 3- 3 Slovak Republic 3+ 4+ 4 4- 3+ 3 4 3+ 3+ 3- 3+ 4- 3+ 3+ 2+ 3 Slovenia 4- 3+ 4 3+ 3+ 3+ 3 3+ 3+ 3 3 3 3 3 3- 3 Source : BERD, transition report 2012 Cette présentation souffre de plusieurs carences. La première tient à l’absence d’un pays dans la liste : la République tchèque. Le deuxième tient à l’absence d’écart important entre tous les résultats. Les résultats sont si rapprochés que les facteurs pris en compte ne constituent pas des déterminants réels pour expliquer les choix des investisseurs. Enfin, ils ne prennent en compte que quelques déterminants. Mais elle nous offre une information capitale. Par sa simple appellation, elle indique que la transition n’est pas finie dans ces pays. Poland 4- 4+ 4- 4+ 4+ 4- Romania 4- 4- 3- 4+ 4+ 3+ Slovak Republic 4 4+ 4- 4+ 4+ 4- Slovenia 3 4+ 3 4 4+ 3-
  • 17. 16 | P a g e Il me semble que la transition post-soviétique se décline de plusieurs façons. En politique, elle renvoie au changement de régime et de politique extérieure. En économie, elle renvoie à la libéralisation de l’économie. En droit, à l’affirmation et au respect des droits de l’Homme. Dans les affaires sociales, à l’augmentation de la consommation et du pouvoir d’achat. Dans tous les domaines évoqués, il n’est pas certain que tous ces pays aient accompli leur transition. Une certitude, la BERD ne l’estime pas. L’ambition de cette étude est de tenter une explication de la logique des IDE dans les PECO de l’UE. Qu’est ce qui permet d’expliquer que certains pays soient plus attractifs que d’autres ? Quels sont les déterminants fondamentaux et les déterminants subsidiaires dans la logique des investisseurs ? Répondre à ces questions nécessite une prise en compte de chaque pays de manière approfondi. Tous les pays n’ont pas les mêmes ressources, la même population, les mêmes dirigeants. De nombreux paramètres changent d’un Etat à l’autre mais les IDE sont plus au moins présent. Ce sont eux qui délimitent les lignes de partage entre les pays attractifs, moyennement attractifs et faiblement attractifs.
  • 18. 17 | P a g e Les pays les plus attractifs En tête de liste des pays les plus attractifs en matière d’IDE dans les PECO, les noms de Pologne, Hongrie et République tchèque surgissent. Entre 1989 et 2012, ils ont accueilli à eux trois les 2/3 des IDE à destination des 10 pays étudiés. Comment expliquer une telle attirance pour ses trois pays ? Pourquoi eux et pas d’autres ? Ces pays, pourtant différents les uns des autres, se partagent les marches du podium. Une présentation rapide de l’histoire de la transition dans ces pays nous permettra de comprendre la situation de ces pays au moment où les investissements arrivent et de faire ressortir les déterminants les plus importants des IDE dans ces pays. A. Des méthodes de transition différentes pour rendre les pays attractifs Ces trois pays sont fortement marqués par l’empreinte du communisme. Lech Walesa9 , parlant de la situation de son pays, la Pologne, disait "il est facile de transformer le contenu d’un aquarium en soupe de poisson, mais il est plus difficile de transformer une soupe de poisson en contenu d’un aquarium", tant l’action du communisme fut destructrice. 1. La Pologne, le dernier bastion européen de la croissance La relation entre la croissance et les IDE n’est pas évidente à définir à cause des querelles doctrinales sur le sujet10 . Néanmoins on peut estimer qu’une économie dynamique offre un potentiel en termes de demande. Pour les investisseurs, c’est une invitation à condition que le pays les accepte ce qui est le cas de la Pologne. Mais cette croissance ne s’est 9 Fondateur du mouvement anti-communiste solidarnosc 10 Cf Julien Lefilleur, « Déterminants des investissements directs étrangers en Europe centrale et orientale », Revue d’études comparative Est-Ouest, 2008, vol 39, n°2, p.201-238
  • 19. 18 | P a g e pas faite en un jour. Elle est le fruit d’un long travail de plusieurs années qui commencent avec l’indépendance. Adam Michnik, rédacteur en chef de la Gazeta Wyborcza11 , un intellectuel polonais renommé12 , prétend qu’à partir de 1989 la Pologne n’a pas connu de meilleure période de son histoire depuis 300 ans. Libérée de la menace soviétique, la Pologne a oublié l’entre deux guerre et le coup d’état du général Pilsudski. Elle ne vit plus sous la crainte d’une invasion de son territoire par l’Allemagne ou la Russie, les deux grands géants à ses frontières13 . Face à la crise de 2008, elle reste le dernier bastion de la croissance en Union européenne depuis la descente aux enfers de Chypre. La Pologne a pu conserver la croissance grâce à la combinaison de trois éléments : l’affaiblissement de sa monnaie, une forte consommation interne et ses institutions financières tenues à l’écart des crédits toxiques. Cette discipline budgétaire est héritée du premier gouvernement non communiste menée par Tadeusz Mazowiecki. La proverbiale thérapie de choc a permis d’assainir la situation héritée de la période soviétique14 . L’efficacité est au rendez-vous. En deux mois (janvier et février 1990), la hausse des prix est ramenée de 78 à 23%, la spirale salaire-prix est cassée et le commerce extérieur connaît un excédent de près de 1 milliard de dollars au premier trimestre de l’année de la réforme. Mais une telle réforme a un prix. La dévaluation du zloty de 32%15 entraine une baisse du pouvoir d’achat et une récession d’environ 30%. Le nom de Balcerowicz, vice premier ministre et ministre des finances de l’époque, est désormais associé à la fois à un redressement économique spectaculaire et à une impopularité grandissante. Fin 1991, le nombre de chômeurs atteint 1,9 millions et il faut attendre 1993 avant que le pays ne renoue avec la croissance. Cette histoire nous permet ainsi de comprendre pourquoi la Pologne peu attractive au début de la Transition, 11 Journal centre gauche, « le plus puissant de toute l’Europe centrale » selon Georges Mink, «Pologne : un bilan contrasté », Politique étrangère, p.503 à 515 12 Cyril Bouyeure lui a déjà consacré une biographie, L’invention du politique. Une biographie d’Adam Michnik, Lausanne, Les éditions Noir sur Blanc, 2007 13 Jerzy Lukowski, Histoire de la Pologne, Librairie Académique Perrin, Paris, 413 pages 14 Pénuries chroniques, inflation croissante, une dette extérieure de plus de 40 milliards de dollars. 15 http://www.nytimes.com/1990/01/01/business/devaluation-in-poland.html
  • 20. 19 | P a g e est devenu une valeur sûre pour les investisseurs16 . Le phénomène est inversé avec la Hongrie. 2. La Hongrie, la libérale insoumise La Hongrie s’est montrée pionnière dans la libéralisation de son économie en accueillant rapidement les investissements étrangers. Jusqu’en 2000, elle était en tête dans l’accueil des IDE avant d’être dépassée par la Pologne. Grâce à cette ouverture, trois grands pôles, où le pays est compétitif à l’internationale, ont été développés : véhicules et équipements automobiles, équipements électroniques et de télécommunications, médicaments. L’importance des IDE dans ce pays s’apprécie en termes de pourcentage dans le PIB. En 2008, les stocks d’IDE représentaient 63,8% du PIB. En 2011, il représente 68,5%17 . Cette situation est issue d’une volonté politique pour redresser l’économie hongroise affaiblie par les années d’économie planifiée. La Hongrie au moment de son indépendance hérite d’une immense dette extérieure qu’elle a sue diminuer. La crise de 2008 a contraint le gouvernement socialiste a contracté un emprunt de 20 milliards de dollars auprès du FMI avec la bénédiction de l’Europe. Le mécontentement de la population s’est exprimé par l’élection au pouvoir de Viktor Orban dont les positions sur l’Europe et le FMI sont clairement énoncées : « Le FMI ni les dirigeants financiers de l’UE ne sont nos chefs et nous ne sommes pas leurs subordonnés »18 Fidèle à cette parole, il a décidé de prendre des mesures à l’encontre de ces deux institutions internationales et de leur valeur libérale : refuser la dernière tranche du prêt du FMI, taxer les banques et certaines multinationales. Ces réformes constitutionnelles ont attiré sur le pays les foudres de la 16 Ce n’est qu’à partir de 2000 que la Pologne devient le pays le plus attractif des PECO en termes d’IDE, position qu’elle a conservé depuis. 17 Le PIB de la Hongrie est estimé à 140 milliards de dollars US par la Banque mondiale, les stocks d’IDE estimé à 71,7 milliards d’euro par Ubifrance. 18 Propos rapportés par Jacques Rupnik dans les études du CERI, tableau de bord des pays d’Europe centrale et orientale et d’Eurasie 2011, vol.1
  • 21. 20 | P a g e Commission européenne. La loi liberticide sur les médias en est une cause19 . La remise en question de la primauté du droit européen en est une autre20 . Ces mesures n’améliorent pas la situation du pays qui s’enfonce dans la crise. En novembre 2011, la note de Standard & Poors tombe à BBA-. Les obligations de l’Etat hongrois sont qualifiées par l’agence de notation de « déchets » (junk bonds). La dette hongroise se vend alors à un taux d’intérêt de 9,4% au-dessous du niveau de la Grèce. Acculé, le gouvernement se résout à demander l’aide du FMI, une nouvelle fois. A la présentation de cette histoire, l’observateur étranger peut s’imaginer que les pires années de la Hongrie en termes d’IDE sont les années de la réforme constitutionnelle. Il n’en est rien. En 2011 les flux d’IDE renaissent en Hongrie. Après une baisse violente entre 2008 et 200921 , le niveau remonte22 . Le stock d’IDE connaît un mouvement progressif23 . L’explication à ce phénomène est à chercher ailleurs. 3. La République tchèque, la richesse confisquée Les enseignements de la transition en République tchèque sont multiples. Ils permettent de comprendre pourquoi ce pays se retrouve dans le trio de tête des pays les plus attractifs alors que son voisin la Slovaquie ne l’est pas même si de nombreux problèmes restent communs aux deux pays. Avec l’écroulement de l’empire soviétique, la Tchécoslovaquie retrouve sa véritable place, au cœur de l’Europe24 . L’identité tchèque est ancienne. Elle a survécu aux différentes 19 Tous les médias doivent s’inscrire auprès d’une autorité ce qui réduit leur indépendance. 20 Dans un communiqué, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne exprime son avis. Cette réforme constitutionnelle "soulève des préoccupations en ce qui concerne le principe de la primauté du droit, le droit de l'Union européenne et les normes du Conseil de l'Europe". 21 Le flux d’IDE rentrant passe de 6 325 millions de dollars à 2 048 selon les chiffres du WIR 2012 22 4 698 millions 23 22 870 millions de dollars en 2000 et 84 447 en 2011 soit une augmentation de 400% 24 Le général O. Von Bismarck disait « qui tient la Bohême tient l’Europe. » et la Bohême est en République Tchèque.
  • 22. 21 | P a g e occupations étrangères25 . Aussi quand la dernière cesse en 1989, les Tchèques aspirent à former un Etat qui respecte cette spécificité culturelle. Les différends26 et les différences avec les Slovaques conduisent à la partition de la Tchécoslovaquie en deux Etats : la République tchèque et la Slovaquie. Dans le partage des richesses, les Tchèques se sont taillés la part du lion en emportant 70% du PIB de la Tchécoslovaquie. Les deux Etats conservent l’empreinte du communisme. « On ne pourra se débarrasser du jour au lendemain de l’héritage communiste, gigantesque et problématique » disait Havel. Le communisme a disparu des institutions de la République tchèque mais de nombreux hommes politiques sont d’anciens communistes, tels V. Dlouhy et V. Klaus. Ce dernier, président de la République tchèque, s’est illustré pour sa prise de position contre l’euro. Il dénonce la monnaie unique, en novembre 2011, comme un projet aventuriste dont l’échec était programmé : « l’euro n’a jamais été une bonne idée. Son échec devait arriver. »27 A l’occasion d’une interview donnée pour le Lidové Noviny, il lance « nous sommes gouvernés par Sarkozy et Merkel »28 . Il qualifie le plan européen de sauvetage de la Grèce d’esclavage. Un esclavage au nom de la monnaie unique29 . En plus de sa position instable dans l’UE, la République tchèque souffre de problèmes de corruption. Une enquête parue le 3 janvier 1996 dans le quotidien « Lidové Noviny » révèle que 83% des Tchèques pensent que leurs hommes politiques sont corrompus. L’avis est partagé par certains étrangers. L’hebdomadaire anglo-saxon « The Prague Post » se fait régulièrement l’écho des problèmes de corruption en République Tchèque mais aussi en Europe de l’Est30 . 25 En 1620 après la défaite de la Montagne Blanche, l’Etat tchèque disparaît. Il renaît après la première guerre mondiale avant de disparaître à nouveau : enseveli par les soviétiques. 26 Les Slovaques se sont alliés aux Allemands tandis que les Tchèques ont réclamé leur indépendance. Les Tchèques ont une spécificité culturelle dont ils sont fiers. Les Slovaques sont des ruraux. 27 « Euro dobrou myslenkou nikdy nebylo. Ztroskotani muselo prijit. » Vaclav Klaus, Parlamentni Listy, 14 novembre 2011 28 « Valdne nam Sarkozy a Merkelova », Vaclav Klaus, Lidove Noviny, 26 novembre 2011 29 Il emploie le mot d’ « eurootroctvi » dans le Lidove Noviny du 5 novembre 2011 qui signifie euro esclavage 30 http://www.praguepost.com/opinion/6264-corruption-has-economic-consequences.html http://www.praguepost.com/education/15787-education-wages-a-war-on-corruption.html
  • 23. 22 | P a g e B. Les caractéristiques communes : des atouts naturels mis en valeur par l’Etat Dans ses conclusions sur l’étude réalisée à propos des déterminants des IDE dans les PECO, Julien Lefilleur relève 7 éléments sur lesquels la doctrine s’accorde pour reconnaître qu’ils constituent des éléments influant sur le développement des IDE dans des pays. Ces éléments sont : la présence de l’Etat dans l’économie, le cadre juridique, les facteurs de marché, l’ouverture commerciale, la distance par rapport à l’UE 15, la perspective d’adhésion à l’UE, les facteurs secondaires (dotation de ressources naturelles, niveau de la main d’œuvre). A ces facteurs généraux, nous rajouterons des facteurs propres aux pays étudiés. Tous ses facteurs sont regroupés en trois catégories : politiques, économiques, culturels 1. L’action décisive de l’Etat Le mot de politique est entendu dans son sens le plus large. Il comprend les orientations des dirigeants d’un pays mais aussi par le cadre institutionnel qui est posé. De nombreux paramètres rentrent en ligne de compte dans cette case. Nous ne verrons que ceux qui ont eu un impact significatif dans les IDE. L’Etat occupe un rôle crucial dans cette logique, autant par ses actions que par ses inactions. Un Etat omniprésent dans l’économie empêche l’arrivée d’IDE. Ces pays ne s’y sont pas trompés. Leurs dirigeants ont conduit la libéralisation de leurs économies. Le niveau d’avancement de ces réformes a été un facteur déterminant des IDE31 principalement sur les IDE de délocalisation [BERD 1994, 1995]. La Hongrie a bénéficié des largesses d’investisseurs de manière préférentielle en étant le pays le plus attractif en termes d’IDE jusqu’aux années 2000. Le pays avait commencé les grandes privatisations cinq ans avant ses 31 H. Abilava (2006), Explaining Foreign Direct Investment in Transition, National University of Kyiv-Mohyla Academy, mimeo A. Bevan, S. Estrin & K.E. Meyer (2004), Institution Building and the Integration of Eastern Europe in International Production, International Business Review, 13, p. 43-64
  • 24. 23 | P a g e voisins, cet élément a joué en sa faveur32 . En République Tchèque, selon Jensen et alii [2004], c’est la décision politique d’impliquer les investisseurs étrangers dans les privatisations qui a attiré les IDE. Cette décision a été encadrée par le principe d’indépendance. Pour éviter une trop grande dépendance avec ses voisins, le dirigeant tchèque a encouragé les IDE américains et britanniques pour faire contrepoids aux IDE allemands. La Pologne a suivi cet exemple33 . L’Europe a joué également un grand rôle. La perspective d’adhésion à l’UE eut une influence sur les flux d’IDE. L’UE garantit une libre circulation des hommes, des capitaux, des biens et des services. Pour un investisseur, cette facilité signifie la baisse des coûts de transactions. Bevan et Estrin (2004), Raluca Stoian et Vickerman (2006) offrent une autre explication. La seule annonce de l’intégration à l’UE révèle l’existence de réformes réelles qui rassurent les investisseurs. A côté de l’adhésion à l’Europe, se pose l’adhésion à l’euro. La Pologne est des trois le seul qui n’a pas encore adhéré à l’euro. Derrière la monnaie unique, il y a la question du taux de change et son influence sur les IDE. Sur ce sujet Christian Aubrin34 répond que « l’incidence des effets de change apparaît (…) de façon moins claire. Ni le niveau ni la volatilité de change ne semblent déterminants, pas plus que le régime de change officiel. La seule influence significative est celle d’un indicateur du régime de change de facto révélant l’impact favorable d’une relative flexibilité. » Mais nous sommes déjà dans des considérations monétaires et économiques. 2. Les promesses des marchés hongrois, tchèques et polonais Un des buts premiers des IDE était sans nul doute la conquête du marché local35 . Elle se manifesta dans les premières années de la transition par un afflux important d’IDE de pénétration, plus important que les IDE de délocalisation. Le phénomène s’explique par la réunion de trois facteurs : 32 Kalotay & Hunya, Privatization and FDI in Central and Eastern Europe, Transnational Corporations, vol. 9, April 2000 33 Sinn & Weichenrieder (1997), Foreign Direct Investment, Political Resentment and the Privatization Process in Eastern Europe, Economic Polic, Vol 12, p. 179 - 210 34 Investissements directs américains et européens dans les PECOs : Quel Rôle des effets de change ?, Revue économique, 57, 2006, p. 771-792 35 C. Altomonte & L. Resmini (2001), Multinational Corporations as Catalyst for Industrial Development: The Case of Poland, William Davidson Institute, 368 p.
  • 25. 24 | P a g e - Tout d’abord, la demande de biens et service en provenance de l’ouest est insatisfaite. L’offre est inférieure à la demande. Les offreurs voient le potentiel énorme des pays avec une population si importante. - Ensuite, après des années de fermeture à l’économie de marché, ces pays sont inconnus des investisseurs. Il semble plus prudent de nouer des liens commerciaux que de délocaliser d’autant que les investisseurs cherchant à pénétrer le marché local avaient déjà des relations dans la place. - La réactivité est une cause de succès dans le cadre d’IDE de pénétration. Cela est moins vrai dans le cadre d’IDE de délocalisation. Il n’est donc pas surprenant que les IDE de pénétration soit les premiers dans ces pays. Ce phénomène peut se transposer à tous les pays étudiés. Pourquoi l’installer dans cette partie relative à trois pays ? Quelle particularité ces pays possèdent-ils pour s’attribuer une caractéristique commune à tous les autres ? Ces trois pays sont parmi les quatre plus peuplé du groupe. Comme ce sont des pays avec une population importante, ils représentent un marché intéressant de consommateurs. Mais ce facteur est bien insuffisant à lui seul. Sinon, la Roumanie rejoindrait ce groupe de favorisés puisqu’elle est le pays le plus peuplé après la Pologne. Le niveau des infrastructures a eu un impact positif sur les IDE. Il a surtout joué en faveur de la Hongrie [Boudier-Bensebaa ; 2005] et de la République tchèque [Kral ; 2004]. L’état des infrastructures pour les grands secteurs comme l’énergie, les télécommunications, ont également été pris en compte au début de la transition [Alessandrini ; 2000] 3. Une proximité avantageuse avec les pays occidentaux « La proximité par rapport à l’UE à 15 est théoriquement un facteur influent dans le choix de la localisation d’une entreprise. » constate Julien Lefilleur [2008]. Il est suivi par
  • 26. 25 | P a g e de nombreux analystes36 . Ils démontrent dans leur étude que la proximité avec l’UE des 15 a joué un rôle déterminant dans le choix des délocalisations pour les entreprises. Cette proximité se conjugue en plusieurs temps : - Le premier est géographique. Bevan & Estrin [2004] démontrent que l’éloignement par rapport à l’UE 15 joue en défaveur des pays. Elle explique la part élevée des investissements allemands et autrichiens en République tchèque37 . - Le deuxième est culturel. La proximité culturelle facilite l’implantation. Elle explique les importants investissements français en Pologne. - Le troisième est psychologique. La perception du risque augmente avec l’éloignement. Plus un pays est éloigné moins l’investisseur peut le connaître directement. Cette proximité n’est pas non plus l’apanage de ces pays. La Slovénie, la Slovaquie sont aussi au contact de cette Europe des 15. Pourtant elles ne bénéficient pas du même traitement de choix de la part des investisseurs. Elles partagent d’autres facteurs positifs avec ces trois pays comme une adhésion rapide à l’UE. C’est là que la phrase d’Anne Julius prend tout son sens. "La difficulté essentielle que pose l’IDE est qu’il s’agit d’un phénomène tellement complexe qu’il est difficile d’en appréhender toutes les facettes mais qu’il est aussi dangereux d’en isoler qu’une seule". D’autres facteurs économiques rentrent en ligne de compte dans le calcul final. La présence 36 Interstratos (1998), The Internationalization of SMEs: The Interstratos Project, London: Routledge Publishing. H.P. Lankes & A.J. Venables (1996), “Foreign Direct Investment in Economic Transition: The Changing Pattern of Investments”, Economics of Transition, 4 pp. 331-347 37 F. Boudier-Bensebaa, Analyse comparée des investissements directs français et allemands dans le triangle de Visegrad, Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1993, p. 101-140
  • 27. 26 | P a g e de bois a motivé certains investissements en Pologne [Hunya, 2004]38 . La part croissante d’IDE de délocalisation, grâce aux méthodes attractives de privatisation, permet l’implantation de grandes entreprises qui apportent avec elles leur savoir-faire. La Hongrie accueille des entreprises possédant une image de qualité dans les domaines de l’automobile, de la chimie-pharmacie. Avec l’intensification de la concurrence, les IDE de pénétration se sont fait plus rares [Resmini, 2000] et davantage dispersés en Pologne [Altomonte & Resminin 2001]. 38 Dans son livre, Géographie industrielle de l’Europe centrale et orientale, p.25, Julien Lefilleur, traite de cette question. Près de 40% de l’industrie du bois en Pologne est assurée par des entreprises étrangères.
  • 28. 27 | P a g e Les pays moyennement attractifs La Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie composent ce nouveau trio. Ces pays souffrent de graves difficultés intérieures héritées du temps de l’URSS. Toutefois ces pays essayent de rivaliser en attractivité grâce à des politiques en faveur des investissements étrangers. A. Une transition laborieuse freinant l’arrivée des investissements Ces trois pays ont mis beaucoup de temps à effacer les traces du communisme et à engager des réformes nécessaires pour intégrer l’Union européenne. En plus, ils connaissent des problèmes de corruption important. Mais à l’inverse de la République tchèque, ils ne possèdent pas autant d’atout géographique qu’elle. Etudier leur histoire donne les clés pour comprendre leur situation actuelle. 1. La Slovaquie, une transition lente Le 1°janvier 1993, la Slovaquie proclame son indépendance. Elle hérite de l’industrie lourde, installée sur les ordres du Conseil d’aide économique mutuelle, le COMECON39 . Cette industrie occupe près de 50% du produit intérieur brut (PIB). Elle répond à une logique de division internationale du travail. Le secteur de l’armement tient également une place importante de l’économie, entre 15 et 20%. Selon Eliane Mossé, ancien conseiller au ministère de l’Economie et des Finances pour l’Europe centrale, le système financier est « très rudimentaire, avec au départ trois banques finançant l’agriculture, l’industrie et le commerce 39 Entre les différents pays de l’URSS : la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie et l’Union soviétique.
  • 29. 28 | P a g e extérieur, criblées de mauvaises créances car ayant consenti aux entreprises des prêts sur la base de relations clientélistes et sans se préoccuper de leur solvabilité. » Sortir d’une telle situation demanda du temps. Après dix ans de transition, en 2002, la banque mondiale édita un rapport40 classant la Slovaquie, en termes de performances économiques, sociales et humaines, juste avant l’Ukraine et loin derrière les autres PECO. Il faut dire que la politique en place jusqu’à la fin des années 90 n’aida pas au développement du pays. Celle-ci est clairement opposée à la venue d’IDE. Ce serait, estimaient les dirigeants du pays, une forme d’ingérence étrangère, comme si les entreprises et les richesses de la nation étaient vendues à des particuliers. Selon le politologue Miroslav Kusy, c’est l’action du libéral Mikulas Dzurinda, au pouvoir entre 1998 et 2006, qui a permis l’envol économique du pays même si de nombreux abus ont été commis sous son mandat. « C’était un gouvernement de technocrates, coupé du public et plombé par des affaires de corruption, mais sans lui nous n’aurions pas connu ces années de croissance. » Au bilan, l’industrie nationale fut remplacée par des grandes sociétés internationales comme Sony, Samsung, Skoda, PSA. Elle devient une plaque tournante du commerce européen. En 2007, 85% des produits fabriqués en Slovaquie sont vendus en Europe41 . Mais les dirigeants slovaques n’ont pas effacé tous les restes de l’époque soviétique. Le pays reste totalement dépendant énergiquement de la Russie42 . Le gaz est fourni par Gazprom qui possède le monopole. Les raffineries de pétrole de Slovnaft et de Bratislava ne peuvent être alimentées que par un oléoduc russe. 2. La Bulgarie, la survivance très active des communistes Le 17 novembre 2012, des milliers de Bulgares descendent dans la rue. Motif ? Protester contre la hausse inconsidérée du prix de l’électricité. En s’amplifiant, les protestations rassemblèrent jusqu’à 100 000 personnes dans tout le pays poussant le gouvernement de M. Boïko Borissov à la démission le 20 février 2013. François Frisson- 40 « Dix ans de transition ». 41 Principalement des voitures, de l’électroménager et des écrans plats de télévision. 42 JAFALIAN Anne, La Russie, puissance énergétique : de l’arme politique aux logiques de marché, Paris, Emile Bruylant, 2011
  • 30. 29 | P a g e Roche, chercheur au CNRS, analyse la situation43 : « le « mal bulgare » ne date pas de ces derniers mois. Il est l’aboutissement logique d’ « un processus de transition largement détourné par un réseau de prédateurs. » Le communisme n’est pas mort dans ce pays. Il a survécu à l’effondrement du système inspiré de sa doctrine. Les anciens dirigeants soviétiques ont conservé le pouvoir économique grâce aux réseaux qu’ils avaient instaurés pendant leur année au pouvoir. Cette survivance pourrait trouver des origines dans l’histoire de la Bulgarie. Ce pays est le seul Etat allié de l’Allemagne pendant la seconde guerre mondiale qui n’ait pas attaquée l’URSS en raison d’un fort sentiment russophile partagé par les Bulgares. A l’inverse des autres pays de l’ancien bloc soviétique, la Bulgarie n’a pas d’antipathie contre les Russes. Aussi être contrôlé par eux lui posait moins de problème que des Etats comme la Hongrie, la Pologne ou la Tchécoslovaquie. A cela s’ajoute un facteur commun à tous les autres pays, l’absence d’élites formées au pouvoir pour concurrencer les communistes qui le quittaient. Après la chute du mur, la Bulgarie s’oriente sur les chemins de l’Europe et de l’économie de marché. En 1991 le pays adhère au conseil de l’Europe, en 2004 à l’Otan, en 2007 à l’UE. Pendant des années le pays a connu une croissance importante44 avant de sombrer dans la récession. En 2009 elle descendait à – 5,5 % du PIB, tandis que le taux de chômage a fortement augmenté, passant de 5,6 % en 2008 à 11,1 % en 2011. En cette même année, le pays renoue avec une croissance45 qui se stabilise46 . Le flux d’IDE, en diminution à cause de la crise, revient avec la croissance. Celle-ci est portée par l’industrie (20,9% du PIB)47 et soutenue par l’agriculture48 . 43 Article publié dans la revue diplomatie n°63 44 Supérieure à 6% depuis 2004 selon les chiffres du ministère des affaires étrangères français 45 1,7% 46 1 % sur l’année 2012 et la BERD prévoit 1,9% de croissance pour l’année 2013 47 La Bulgarie a diversifié ses débouchés avec la Chine, la Turquie, l’Afrique du sud, la Géorgie et la Russie 48 L’agriculture bulgare se concentre essentiellement sur les cultures céréalières, industrielles ainsi que sur l’activité viti-vinicole soutenue par les deniers de la PAC.
  • 31. 30 | P a g e 3. La Roumanie, une transition ralentie En Roumanie, la transition est ralentie par un retour au pouvoir pendant de nombreuses années d’anciens communistes. Le train de réformes qui précèdent l’entrée dans l’UE est alors retardée. Une fois mises en place, ces réformes ne sont pas acceptées tout de suite par une partie de la population. Le soulèvement contre Nicolae Ceaucescu, dirigeant du parti communiste et de la Roumanie, éclate en décembre 1989 à Timisoara. A l’origine de cette grande révolution, une petite misère. Les manifestants s’opposent à la mutation arbitraire d’un pasteur protestant d’origine magyare. Le 22 décembre, Ceaucescu décrète l’état de siège, mais l’armée l’abandonne et rejoint les manifestants. Le 25 décembre, il est mis à mort. Un ancien communiste Ion Iliescu institue le Front de salut national. Il est élu avec 85% des voix en 1990. Le communisme survit à la révolution de velours, c’est le « paradoxe roumain »49 . Ces années de pouvoir sont marquées par un niveau de corruption important qui font perdre les élections aux dirigeants en place50 . En novembre 1996, le changement s’opère avec l’arrivée du libéral de droite, Emil Constantinescu. Le gouvernement se fixe comme objectifs l’adhésion à l’OTAN et la participation à l’UE51 . Des réformes sont engagées dans ce sens mais conduisent 15 000 mineurs de la vallée du Jiu à marcher sur Bucarest en janvier 1999 ; ils revendiquent une augmentation de 35% des salaires et la non-fermeture des mines. Ces manifestations provoquent la démission du ministre de 49 « Le paradoxe roumain » correspond au titre d’un livre à succès de l’essayiste roumain Sorin Alexandrescu. Ce livre passe en revue de nombreux épisodes controversés de l’histoire de la Roumanie dont l’épisode de la révolution de velours. 50 C. Durandin (dir.), "Roumanie, vingt ans après : la "révolution revisitée", éd. Diploweb.com, 2010, 68 p. 51 La Roumanie renoue ainsi d’une certaine façon avec son histoire ancienne. Province romaine de la Dacie, elle appartient à ce titre à une certaine Europe. « Partout où l’Empire romain a dominé, et partout où sa puissance s’est fait sentir ; et même partout où l’Empire a été l’objet de crainte, d’admiration et d’envie ; partout où le poids du glaive romain s’est fait sentir, partout où la majesté des institutions et des lois, où l’appareil et la dignité de la magistrature ont été reconnus, copiés, parfois même bizarrement singés, – là est quelque chose d’européen. » Paul Valéry, Qui donc est européen ?
  • 32. 31 | P a g e l’Intérieur et la perte de l’élection présidentielle l’année suivante. La transformation lente du pays explique son arrivée tardive dans l’UE. Elle n’y adhéra qu’en 2007. La corruption reste très présente en Roumanie. Le rapport Freedom House, Nations in Transit, révèle cette réalité. L’objectif de ce rapport est de classer les pays postsoviétiques d’après des critères de démocratisation comme le niveau de corruption, le niveau de développement de l’appareil juridique. Les scores s’étalent de 1 à 7, la note la plus importante est 1. Le score de la corruption varie de 4,5 et 4 entre 2003 et 2013. B. L’attractivité limitée de l’intérieur Ce groupe rassemble des pays éloignés. La Slovaquie adhère à l’UE dès 2004 tandis que les deux autres n’y adhèrent qu’en 2007. La Slovaquie reste au contact de l’UE des 15 tandis que la Bulgarie et la Roumanie en sont très éloignées. La Roumanie possède une population deux fois plus nombreuse que celles de la Bulgarie et de la Slovaquie réunies. En revanche, toutes les trois ont la particularité d’avoir des problèmes de politique intérieure qui ruinent leur effort. 1. Des économies minées de l’intérieur Ces pays présentent la caractéristique commune d’être minée de l’intérieur par la corruption. La Roumanie reflète le problème à l’extrême. Elle est parmi les pays qui accueille le moins d’IDE par tête. Selon Pierre Verluise, le pays se place en avant dernière position en matière de flux d’IDE nets par tête entre 1989 et 2006. Le pays est même en dernière position pour l’année 2006 [Laura Brancu, 2008]. Le rapport de Freedom House, Nations in Transit apporte des éléments de réponse. La Roumanie et la Bulgarie enregistrent respectivement un score de 2,75 et 2,93 alors que la moyenne des PECO est de 1,92552 . En 2013, la situation s’est dégradée. La Roumanie enregistre un score de 3,50, la Bulgarie 3,18, 52 La Slovaquie est à 1,96 mais avec une note de 3 en corruption
  • 33. 32 | P a g e la Slovaquie 2,57 alors que la moyenne des PECO est de 2,47. Force est de constater qu’a chaque fois, les tois pays enregistrent un score bien inférieur au niveau des autres PECO. Pourtant une enquête réalisée par Laura Brancu, entre 2004 et 2005, auprès de grandes firmes multinationales françaises installées en Roumanie semble indiquer le contraire. 62 entreprises sont interrogées53 . 75,7% estime que la stabilité politique et sociale est la première condition générale et nécessaire suivie par le risque pays, un facteur d’attractivité (61,3%). Une étude similaire avait été menée par la Banque mondiale en 2006 et réalisée sur un échantillon de 32 pays dit « en transition ». Elle indique qu’entre 12% en Slovénie et 60% des entreprises en Albanie considèrent en 2005 la corruption comme « un problème pour la conduite et le développement de leurs affaires ». Ces études viennent rompre avec la majorité de la littérature qui conclut à une absence de corrélation entre le risque politique et les flux d’IDE entrant [Sun et alii, 2002 ; Bandlej, 2002 ; Pan, 2003 ; Zhao, 2003]. Même constatation pour la relation entre stabilité politique et IDE [Akinkugbe, 2003 ; Asiedu, 2002 ; Chakrabarti, 2001]. La notion de stabilité est définie différemment selon les études. Le mot change de sens en changeant d’études. Alesina et Perotti (1994) utilisent les évènements politiques et sociaux (émeutes, manifestations) et le renouvellement des dirigeants politiques comme critères de jugement. Chez Globerman et Shapiro (2002), l’indice renvoie aux conflits armés, aux menaces terroristes, aux tensions ethniques. Bandelj utilise l’indice publié par Ernest and Young. Malgré ces difficultés intérieures, ces Etats mettent en œuvre des moyens pour rendre leur pays attractifs. 2. Malgré une politique attractive D’une part les bas salaires et le système d’imposition fiscale présentent de réels avantages pour ces pays. D’autre part, ces pays ont développé une fiscalité attractive. Le lien entre la fiscalité et l’IDE est établie par de nombreuses études54 . « Le taux d’imposition des 53 Parmi elles, se trouvent Renault, Alcatel, Lafarge, Danone ou Carrefour 54 Mooij et Ederveen (2005) ou encore Hines (1997, 1999). Dana Hajkova, Giuseppe Nicoletti, Laura Vartia et Kwang-Yeol Yoo, La fiscalité et l’environnement des entreprises comme déterminants des investissements directs étrangers dans les pays de l’OCDE, Revue économique de l’OCDE, N° 43, 2006/2
  • 34. 33 | P a g e sociétés dans le pays d’accueil contribue à déterminer l’avantage comparatif en termes de localisation qui peut être proposé aux investisseurs internationaux par rapport à d’autres pays de destination. De manière plus générale, la fiscalité des entreprises et le traitement fiscal des revenus étrangers des sociétés affectent probablement l’écart entre les taux de rentabilité de l’IDE avant et après impôt. »55 Dans le cadre fiscal, l’adhésion à l’UE a favorisé les investissements en interdisant toute taxe douanière contre les produits d’un membre de l’UE. Ce serait considéré comme une violation du droit de l’Union56 . The European Social statistics 2013 publie des chiffres révélateurs. Ces trois pays présentent les plus bas salaires de l’UE. Par heure, en moyenne, le salaire d’un Bulgare est de 3,1€, d’un Roumain 4,2€ et 8,3€ pour un Slovaque. A titre de comparaison, le salaire moyen d’un Français représente 33,2€. Il revient 10 fois moins cher à un employeur de faire travailler un Bulgare qu’un Français. La politique fiscale rendait ces pays attractifs. La situation risque d’évoluer en Slovaquie avec la fin de la « flat tax » annoncée par le gouvernement social-démocrate de Bratislava. Cette taxe aurait attiré un grand nombre d’investisseurs57 . Cette loi fiscale établissait un taux unique d’imposition pour toutes les entreprises et les habitants du pays. A partir de décembre de l’année dernière, le taux est devenu différentiel et rehaussé58 . En Bulgarie, le taux maximal d’imposition des sociétés étaient de 15% en 2002 et 25% en Roumanie tandis que la moyenne de l’Europe à 15 était de 32,6%59 . En 2004, le gouvernement bulgare révise sa loi d’incitation aux investissements. Le taux de l’impôt sur les sociétés est ramené à 10%, les autorités publiques accompagnent les investisseurs à certaines conditions exposées dans le tableau ci-dessous. 55 Idem 56 Cf arrêt Costa, CJCE, 1964 57 http://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20121206trib000735609/la- slovaquie-enterre-sa-flat-tax-.html 58 De 19% il passe à 23% pour les entreprises 59 Chiffres de la Commission européenne
  • 35. 34 | P a g e Lieux ou secteurs d’investissements Montant minimum des investissements Pour les activités créant de l’emploi Catégorie A : 32 millions de lv (16M€) Catégorie B : 16 millions lv (8M€) Dans les hautes technologies du secteur industriel Catégorie A : 16 millions de lv (8M€) Catégorie B : 8 millions de lv (4M€) Dans les hautes technologies du secteur des services Catégorie A : 11 millions de lv (5M€) Catégorie B : 5,5 millions de lv (2,75M€) Dans les communes où le chômage est supérieur à la moyenne nationale Catégorie A : 16 millions de lv (8M€) Catégorie B : 8 millions de lv (4M€) Source : règlement d’application de la loi d’incitation aux investissements 2010 Cet accompagnement se manifeste par des services administratifs facilitant les démarches pour l’obtention d’un terrain public par exemple. Emmanuelle Boulineau note que cette aide « contribue à l’accueil de l’investissement par la prise en charge du développement d’infrastructures techniques et de la formation des moins de 29 ans »60 . Les effets de cette loi sont difficilement quantifiables. On peut remarquer que le stock d’IDE a explosé depuis 2000 passant de 2 704 millions de dollars à 47 653 en 201161 . Mais entre 2000 et 2011, il n’y a pas eu que cette réforme. La Bulgarie est entrée dans l’UE. L’observateur extérieur pourrait objecter que le différentiel de salaire entre les pays de l’Est et de l’Ouest de l’Union européenne est une généralité. Le niveau de vie entre un Polonais et un Suédois ou un Allemand n’est pas le même. Le salaire moyen horaire n’est pas le même62 . Pourquoi ne pas l’avoir évoqué pour expliquer les investissements en Pologne ou dans les autres pays ? Les salaires moyens des Bulgares et des Roumains sont les plus faibles de l’UE. Ce sont ces deux pays qui bénéficient le plus du différentiel de salaire. Il convenait 60 « La Bulgarie entre compétitivité et cohésion. IDE, fonds structurels et disparités territoriales dans un PECO. », L’Espace Politique, 2011 61 Chiffres du World Investment Report 2012 62 The European Social statistics 2013
  • 36. 35 | P a g e d’en parler à ce moment même si ce différentiel joue également un rôle pour comprendre les IDE dans les pays baltes et en Slovénie.
  • 37. 36 | P a g e Les pays les moins attractifs Les derniers pays du lot sont peu attractifs en raison de leur superficie et non en raison d’une mauvaise politique. Ils connaissent certes des difficultés mais qui sont largement comparable avec celles de leur voisin. A. De l’indépendance politique à la crise économique : grandeur et déclin des pays baltes et de la Slovénie Les pays baltes, présentés longtemps comme les bons élèves de l’Union européenne, se sont révélés particulièrement fragiles durant la crise de 2008 et à la récession qui en a résulté. La Slovénie, avec un profil moins favorable, s’est trouvée aussi extrêmement confrontée à cette crise. 1. Les pays baltes, les bons élèves de la transition ? Les pays baltes ont été présentés comme les bons élèves de l’intégration européenne. Premières parmi les républiques soviétiques à reconquérir leur indépendance63 , elles ont été aussi les premières à entreprendre les réformes économiques et politiques pour adhérer à l’Organisation du Traité d’Atlantique nord le 29 mars 2004 et le 1 mai de la même année à 63 Le 20 août 1991 les trois républiques baltes annonçaient le rétablissement de leur souveraineté. Elles avaient déjà proclamé leur indépendance pendant le printemps de l’année précédente : la Lituanie le 11 mars, l’Estonie le 30 et la Lettonie le 4 mai.
  • 38. 37 | P a g e l’UE. Ces orientations démontrent leur volonté de s’émanciper de l’influence russe et rappellent que pour exister, ces républiques doivent s’opposer à la Russie64 . Au moment de leur adhésion, les Etats baltes figuraient dans le peloton de tête des PECO. En 2003, le rapport sur les économies en transition rendu public par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) classait les trois pays baltes parmi les plus dynamiques : 6,5% de croissance en 2003 pour la Lituanie, 6% pour la Lettonie, 4,5% pour l’Estonie65 . En dépit des risques de surchauffe et d’une inflation trop élevée pour adhérer à l’euro (4,1% en Estonie en 2006), les trois pays baltes alignent jusqu’en 2007 de bonnes performances économiques66 . La crise économique de 2008 a touché les trois pays (explosion des chiffres du chômage, déficits croissants, inflation incontrôlable, effondrement de la production)67 . - En Lettonie, les répercutions furent particulièrement importantes. En décembre 2008, le Fond Monétaire Internationale (FMI) consentit à un prêt de 7,5 milliards d’euros. Le 20 février 2009, la coalition gouvernementale de centre- droit dirigée par Ivars Godmanis fut acculée à la démission. La situation demeure préoccupante. Même si la Lettonie est sortie de trois ans de dépression (2008, 2009, 2010) et renoue avec une croissance de 5,5% en 2011 et 4,5% en 2012, le chômage reste une préoccupation majeure. De 19% en 2010, il est descendu à 14,1% en 2012 et le FMI estime son maintien à deux chiffres jusqu’en 201768 . 64 En 1917 et 1918 les trois Républiques baltes proclament leur indépendance grâce aux victoires de l’Allemagne contre la Russie. Elles la perdent avec la seconde guerre mondiale quand la Russie est au faîte de sa puissance. 65 BERD, Annual Report 2003: Annual Review and Financial Report, Central Europe and the Baltic States. 66 Selon Eurostat, la Lettonie affichait au 3°trimestre 2005 une croissance de 11,4%, l’Estonie de 10,4% et la Lituanie de 8,5% par rapport au 3°trimestre de l’année précédente. 67 Entre 2008 et 2009, le PIB et la consommation ont chuté de 15%, la production industrielle de 34%, le chômage a presque triplé selon Marine Dubost. 68 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/lettonie/presentation-de-la-lettonie/
  • 39. 38 | P a g e - En Estonie, la récession s’est installée pendant 2 ans. Dès 2010, le pays renoue avec la croissance qu’il conserve à 7,6% en 2011 et à 4% en 2012. Au prix d’une politique de rigueur drastique, elle entre dans la zone euro le 1°janvier 201169 . - En Lituanie, malgré une chute de 14,7% du PIB en 2009, la croissance est revenue dès 2010. En 2011, elle était de 5,9%, elle s’est maintenue à 3,6% en 2012. Le chômage reste encore très élevé (13,2%) même si sa courbe tend à se fléchir70 . 2. La Slovénie, une transition en retard La Slovénie déclare son indépendance à la suite d'un référendum organisé en décembre 1990. 88,5 % des Slovènes votent en faveur de l'indépendance de la Slovénie. La République de la Slovénie déclare officiellement son indépendance le 25 juin 1991 quittant ainsi la République populaire fédérative de Yougoslavie. Cette indépendance n’est pas acceptée par cette dernière qui lance son armée contre l’Etat naissant. Après une série de plusieurs défaites, l’armée yougoslave est sur le repli. Le gouvernement yougoslave s’engage à retirer ses forces militaires de la Slovénie le 7 juillet 1991, lors de la Déclaration de Brioni. La guerre terminée, le passage à la démocratie et à l’économie de marché peut alors s’envisager. La constitution slovène adoptée le 23 décembre 1991. La première élection présidentielle du 6 décembre 1992 voit la victoire de l'ancien communiste Milan Kucan. En 2003, deux référendums sont organisés. L’un porte sur l’adhésion à l’UE, l’autre sur la participation à l’OTAN. Aux deux la réponse est positive. La Slovénie rentre pleinement dans le camp occidental. La crise actuelle que connaît le pays est complexe. Elle se décompose en plusieurs modules : bancaire, économique, sociale. - Le système bancaire est en transition. Les deux principales banques slovènes, la NKM et la NLB, totalisant toutes les deux 40% des actifs slovènes, n’ont pas achevé leur 69 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/estonie/presentation-de-l-estonie/ 70 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/lituanie/presentation-de-la-lituanie/
  • 40. 39 | P a g e privatisation. « Avec l’ensemble du secteur bancaire, elles ont souffert de la détérioration de la situation des entreprises du secteur de la construction et des travaux publics qui, avec la dégradation de la conjoncture, ont vu leur endettement augmenter considérablement. » rapporte Jean-Pierre Pagé dans ses conclusions publiées dans les études du CERI71 . - L’économie slovène a connu une forte récession de -8% en 2009 qui est retombée à - 2,5% en 2012. Le taux de chômage, maîtrisé en dessous de 8% en 2010, dépasse les 11% en mai 201372 . - Dès l’indépendance les syndicats se sont constitués en une confédération de syndicats libres, ZSSS. Ils organisent la résistance contre les mesures néo libérales du gouvernement telles que les privatisations ou la flat-tax73 . Les soulèvements spectaculaires de l’hiver 2012 ne sont donc qu’une manifestation des tensions sociales qui existent depuis longtemps dans le pays. Une étude de l’OCDE fut réalisée en 2011 sur la Slovénie74 . L’objectif de cette étude est à la fois de comprendre la crise actuelle et d’y apporter des réponses. Parmi les faiblesses soulevées, la productivité. « La productivité reste faible dans un certain nombre de secteurs industriels où la présence capitalistique de l’État est forte et la participation étrangère réduite. » Les domaines sont connus. Il s’agit de l’industrie manufacturière sur le manufacturier de haute technologie, les industries de réseau telles que l’énergie et les télécommunications. Pire encore, l’absence de ces IDE aurait freinée, estime l’étude, « l’adoption de nouvelles technologies et les gains de productivité consécutifs » 71 Tableau de bord des pays d’Europe central et orientale et d’Eurasie 2011, vol 1, 72 11,2% selon eurostat 73 Lucien Perpette, n°511-512 novembre-décembre 2005 http://www.inprecor.fr/article- inprecor Jacques Radcliff, Dernières nouvelles 2011 http:/www.inprecor.fr/article-inprecor 74 OCDE, La Slovénie, février 2011
  • 41. 40 | P a g e B. Des difficultés à rendre les pays attractifs en dépit de la volonté politique Ces pays sont petits de par leur superficie et de par leur population. Malgré cette faiblesse originelle ils ont réussi à attirer des investisseurs en instaurant un cadre juridique qui leur est favorable. 1. Un cadre juridique favorable Une grande partie de l’attractivité des pays baltes s’expliquent par la mise en place d’une législation favorable aux IDE. Une étude de l’OCDE75 sur l’Estonie nous renseigne un peu plus. Pour être attractive, l’Estonie a adopté en 1991, le Foreign Investment Act. Cette loi garantit le transfert sans entrave des bénéfices, des dividendes et le capital investi et fourni une protection et des droits fondamentaux de règlement des différends (comme dans le cas d’expropriation). Des zones franches étaient également attribuées à des investisseurs76 . Les études de Holland & Pain (1998) ont établi une corrélation entre le coût du travail et les IDE. Selon The European Social statistics 2013 publié par la Commission européenne, le salaire horaire moyen d’un Estonien est de 7,3€, d’un Lettonien 5,7€. A titre de comparaison avec les pays limitrophes, le salaire horaire moyen d’un Finlandais tourne autour de 29€, d’un Suédois 36. A ces salaires compétitifs, s’ajoute la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne. Interprétant à la lettre l’un des principaux fondamentaux de Maastricht77 , elle favorise le dumping salarial. L’affaire Viking78 nous intéresse particulièrement. Dans cette affaire, une société Finlandaise de ferries assurant la liaison entre la Finlande et l’Estonie 75 OCDE, Foreign direct investment in Estonia: experiences and perspectives, 2001 76 Lydia Coudroy De Lille « Les zones franches et zones économiques spéciales en Europe médiane », Atlas mondial des zones franches, François Bost, 2010, p. 123-138 77 A l’Article 3 A du traité de Maastricht est affirmé le « principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. » 78 11 décembre 2007
  • 42. 41 | P a g e avait décidé de s’immatriculer en Estonie et de remplacer ses marins Finlandais par des marins estoniens, moins chers. Les marins finlandais ont attaqué en justice leur entreprise. La cour a donné raison à l’entreprise estimant que c’était de bon droit que cette dernière a usé de sa liberté. Au travers de cette décision qui n’est pas isolée79 , se dégage un droit européen favorable à l’investisseur étranger. Le titre ne doit pas induire en erreur sur la nature réelle de ce cadre juridique. De nombreuse imperfection demeure. Dans ses recommandations, à la suite d’une étude80 , l’OCDE avait invité la Slovénie à simplifier son droit du travail. Elle qualifie sa législation sur la protection de l’emploi « d’une des plus rigides de la zone OCDE » et rapportent les conclusions d’enquêtes menées auprès d’investisseurs. « Les enquêtes auprès des investisseurs étrangers ainsi que les études empiriques transversales conduisent à penser que les structures du marché du travail de la Slovénie inhibent l’investissement étranger. ». 2. Une faible population, une stratégie d’investissement différenciée Ces quatre pays ont la particularité commune d’être de petits pays. Leur population ne représente qu’une faible partie de la population des PECO. La taille de leur marché intérieur de la consommation est moins importante que celle de leur voisin européen. Ce facteur n’est pas rédhibitoire en soi. Certains pays possèdent une population peu nombreuse mais connaissent un très grand développement de leur marché intérieur. Mais il s’agit de pays avec un salaire moyen par habitant élevé81 . Or ce n’est pas le cas de ces pays. 79 Voir aussi l’arrêt Laval, CJUE, février 2005 80 OCDE, La Slovénie, février 2011 81 On peut penser au Qatar ou à Singapour
  • 43. 42 | P a g e Les populations des PECO européens Pays Population Superficie km² Bulgarie 6.981.642 110 910 Estonie 1.266.375 45 226 Hongrie 9.939.470 93 030 Lettonie 2.178.443 64 589 Lituanie 3.515.858 65 200 Pologne 38.383.809 312 685 République tchèque 10.162.921 78 866 Roumanie 21.790.479 237 500 Slovaquie 5.488.339 48 845 Slovénie 1.992.690 20 273 Comme le tableau ci-dessus nous l’indique, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovénie rassemblent les plus faibles populations de la région avec respectivement 1,27 millions, 2,18 millions, 3,52 millions et 1, 99 millions d’habitants. Ce paramètre influence le type d’IDE. Les études de Hunya [2004] et Jaklic [2002] ont pu établir la prédominance des IDE de délocalisation sur les IDE de pénétration en Slovénie et en Estonie. L’objectif des investisseurs n’est pas de pénétrer un marché qui serait saturé rapidement à cause d’une population trop peu nombreuse et dotée d’un faible pouvoir d’achat. L’objectif dans ce cadre d’investissement est d’avoir accès aux marchés des pays limitrophes. Ce facteur constitue un déterminant essentiel [Dedek & Novak, 1998] dans le cadre des investissements dans les biens de consommation et des services [Lankes & Venables, 1996] en l’Estonie et en Slovénie [Dedek & Novak 1998 ; Reiljan, 2002]. L’adhésion à l’UE et aux accords de libre-échange régionaux intra-PECO (ALECE82 , BFTA83 ) devrait prendre ici toute 82 ALECE renvoie aux initiales de accord de libre-échange centre européen signé en 1993 par la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie. La Slovénie y a adhéré en 1996. Après leur adhésion à l’UE tous ces pays l’ont quitté. 83 Le BFTA est le Baltic Free Trade Agreement, signé en 1994 entre les trois pays baltes.
  • 44. 43 | P a g e leur importance [Lefilleur, 2005], mais les conclusions de Holland et Pain (1998) ne le confirment pas. Il semblerait qu’il y ait une relation entre volume d’IDE et l’importance de la population. Un pays sans population attire moins qu’un pays avec une population nombreuse. Le facteur numérique ne suffit pas à lui seul, sans quoi la Roumanie serait parmi les mieux lotis, ce qui n’est pas le cas.
  • 45. 44 | P a g e Conclusion Malgré leur grande disparité, les pays partagent des déterminants communs. Le salaire moyen des nationaux, la fiscalité, la proximité avec l’Europe des 15, la perspective d’une adhésion à l’Union européenne, le niveau de corruption, les facilités administratives, la taille du marché national et des marchés aux alentours ainsi que leur possibilité de pénétration ont joué un rôle déterminant dans la logique d’investissement à long terme. Etablir une hiérarchie au sein de ses différents facteurs est extrêmement difficile en raison de la nature même de l’IDE dont la logique est complexe. C’est un ensemble dont les composants sont encore mal délimités. Les déterminants soulevés sont en général admis par tous. Mais d’autres mériteraient des études approfondies. Le lien entre démocratie et IDE est indéfini, comme l’est celui entre le niveau d’endettement de l’Etat et l’investissement actif. L’IDE est présent dans les pays qui l’acceptent, le favorisent et proposent des perspectives intéressantes. Un fabricant de meubles ne s’installe pas là où il n’y a pas de forêt sauf s’il a les moyens d’acheminer la matière première ce qui suppose de bonnes infrastructures. Un constructeur d’automobile ne s’implante pas où il n’y a pas de marché. Toutefois, le phénomène est plus sophistiqué. L’absence de perspectives dans un pays n’est pas rédhibitoire pour l’implantation d’entreprises à condition que lesdites entreprises aient accès aux marchés extérieurs. En ce cas, l’absence ou la faiblesse du marché local jouera un rôle sur le type d’IDE qui sera de délocalisation plutôt que de pénétration. Le critère d’attractivité le plus courant retenu est le volume global d’IDE par pays. Les grands pays avec une population abondante sont privilégiés. En utilisant un autre critère, on trouve un autre résultat. Utilisons comme référentiel le volume d’IDE par habitant. L’Estonie arriverait en tête et la Roumanie serait dans les pays les moins attractifs sur la période 1989 à 200784 . Ce critère nivèle les différences de population puisqu’il calcule l’attractivité en 84 Pierre Verluise (2008)
  • 46. 45 | P a g e proportion du nombre d’habitants par pays. L’avantage de ce raisonnement est de rendre honneur à l’action des dirigeants qui installent le cadre favorable pour l’investissement. L’inconvénient majeur est de ne pas avoir de vision globale. Ce manque de hauteur occulte l’une des règles les plus fondamentales en géopolitique, la loi du nombre à l’origine de la puissance. Bibliographie Les ouvrages Chesnais François, La Mondialisation du Capital, Syros, Paris, 1994, 285 p. Jafalian Anne, La Russie, puissance énergétique : de l’arme politique aux logiques de marché, Paris, Emile Bruylant, 2011 Durandin C. (dir.), Roumanie, vingt ans après : la "révolution revisitée", Diploweb.com, 2010, 68 p. Lefilleur Julien, Géographie industrielle de l’Europe centrale et orientale, L’Harmattan, 2011, 208 p. Altomonte C. & Resmini L., Multinational Corporations as Catalyst for Industrial Development: The Case of Poland, William Davidson Institute, 2001, 368 p.
  • 47. 46 | P a g e Les articles Olivier Louis, « Les IDE, un Facteur Crucial de l’Insertion des Pays d’Europe Centrale et Orientale dans l’Economie Européenne », Annales des Mines, novembre 2004, p.35-41 Verluise Pierre, « Peco : Quels Investissements Directs Etrangers ? Dans Actualités européennes », IRIS, n°21, 14 mai 2008 Richter Sandor, « Europe centrale : la transition économique », Politique Etrangère, 3, 2009, p. 489-502 Georges Mink, « Pologne : un bilan politique contrasté », Politique Etrangère, 3, 2009, p. 503-516 Chillaud Matthieu, « Les pays baltes : un modèle pour l’intégration ? », Politique Etrangère, 3, 2009, p. 517-528 Giansily Jean-Antoine et Mossé Eliane, « Existe-t-il un miracle slovaque ? », Politique Etrangère, 3, 2009, p. 529-540 Soloch Krzysztof, « L’Europe centrale entre solidarité européenne et préférence atlantique », Politique Etrangère, 3, 2009, p. 541-552 Dupuch Sébastien et Milan Christelle, Les déterminants des Investissements Directs Européens dans les PECO, Working Paper CEPN n°2003-07 Aubin Christian, Berdot Jean-Pierre, Goyeau Daniel, Léonard Jacques, Investissements Directs Américains et Européens dans les PECOs : quel rôle des effets de change ?, http://www.univ-orleans.fr/deg/GDRecomofi/Activ/leonard_alii_strasbg05.pdf Lefilleur Julien, « Déterminants des Investissements Directs Etrangers en Europe Centrale et Orientale, un Bilan de la Transition », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 2008, vol. 39, n°2, p.201-238 Dupuch Sébastien, Les Investissements Directs Etrangers dans les Nouveaux Pays Adhérents à l’UE, http://region-developpement.univ-tln.fr/fr/pdf/R20/R20_Dupuch.pdf
  • 48. 47 | P a g e Brancu Laura, « La Stabilité Politique, une Condition Nécessaire mais pas Suffisante pour Attirer les Firmes Multinationales en Roumanie », The Romanian Economic Journal, n°27, 2008 Mitra Pradeep et Selowsky Marcelo, Dix Ans de Transition en Europe de l’Est et dans l’ex- URSS, Finances & Développement, juin 2002 Boulineau Emmanuelle, « La Bulgarie entre Compétivité et Cohésion. IDE, Fonds structurels et disparités territoriales dans un PECO », l’Espace Politique, mis en ligne le 26 octobre 2011, consulté le 12 août 2013, http://espace politique.revues.org/2097 David Patricia, La Gestion des Risques dans les Entreprises en Europe Centrale et Orientale : Emergence des Incertitudes ?, http://www.aderse.org/docatelecharger/congres_aderse_2008/actes/Articles/Session%201.6/L a%20gestion%20des%20risques%20dans%20les%20entreprises%20en%20Europe%20centra. pdf Vincent Alexandre, PECO : la convergence à l’Epreuve de la Crise, http://globalix.fr Boudier-Bensebaa Fabienne, Les frontières de l’IDE, Instabilité de l’environnement et flexibilité des modes de gouvernance à l’étranger, 2003, 100 p. Frison-Roche François, « Bulgarie, Les Raisons d’une Colère », Diplomatie, n°63, juillet- août 2013, p. 20-22 Abilava H., Explaining Foreign Direct Investment in Transition, National University of Kyiv- Mohyla Academy, 2006, mimeo Mathonnat Jacky, “Incitations et politiques d’attractivité des investissements directs étrangers”, Annals of University of Bucharest, Economic and Administrative Series, 1, 2007, p. 20-42 Pagé Jean-Pierre, Tableau de bord des pays d’Europe central et orientale et d’Eurasie 2011, vol 1, Europe central et orientale, les etudes du CERI, Sciences Po, 53 p. Bevan A., Estrin S. & Meyer K.E., Institution Building and the Integration of Eastern Europe in International Production, International Business Review, 13, 2004, p. 43-64
  • 49. 48 | P a g e Kalotay & Hunya, “Privatization and FDI in Central and Eastern Europe”, Transnational Corporations, vol. 9, April 2000 Sinn & Weichenrieder, “Foreign Direct Investment, Political Resentment and the Privatization Process in Eastern Europe”, Economic Polic, Vol 12, 1997, p. 179-210 Freedom House, Nations in transit, 2006 Freedom House, Nations in transit, 2013 BERD, Annual Report 2003: Annual Review and Financial Report, Central Europe and the Baltic States BERD, Annual Report 2012 CNUCED, World Investment Report 1998: Trends and Determinants CNUCED, World Investment Report 2012 Interstratos, The Internationalization of SMEs: The Interstratos Project, London: Routledge Publishing. 1998 Lankes H.P. & Venables A.J., “Foreign Direct Investment in Economic Transition: The Changing Pattern of Investments”, Economics of Transition, 4, p. 331-347, 1996 Boudier-Bensebaa, Fabienne, « Analyse comparée des investissements directs français et allemands dans le triangle de Visegrad », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 1993, p. 101-140 Baudry Constance et Pflimlin Edouard, « Intégration de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’UE : quelles conséquences économiques ? », Le Monde, 11 octobre 2006 Sollogoub Tania, « En Europe de l’Est, la transition n’a pas effacé l’héritage de l’économie planifiée », Le Monde, 6 juin 2006 Margueritte Bernard, « La Pologne malade du Libéralisme », Le monde diplomatique, octobre 2002 Geslin Laurent et Gobert Sébastien, « La Pologne orientale passe à l’Ouest », Le monde diplomatique, juin 2012
  • 50. 49 | P a g e Rekacewicz Philippe et Rucevska Leva, « Lettonie, l’industrie à la peine », Le monde diplomatique, septembre 2009 Simon Gergely, « Hongrie, boues rouges et bonnes affaires », Le monde diplomatique, avril 2011 Dérens Jean-Arnault, « En Slovénie, la stratégie du choc », Le monde diplomatique, mars 2013 Cornu Yves, « Les nouveaux riche d’Europe centrale », Le Point, 4 mai 2009 Pachmann Ales, “Corruption has economic consequences”, The Prague Post, 3 November 2010 Shamanska Anna, “Education wages a war on corruption”, The Prague Post, 20 Mach 2013 Sites internet Banque Centrale européenne: http://www.ecb.europa.eu/ecb/html/index.fr.html Eurostat : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/eurostat/home/ OCDE : http://www.oecd.org/ OPEE- Observatoire des Politiques économiques en Europe : http://opee.unistra.fr/ Ministère des affaires étrangères : http://www.diplomatie.gouv.fr/