Auteur : Roger Van Doninck
Le 24 juillet 2003, 50 ans après la signature du cessez-le-feu, 50 militants pacifistes de Corée-Is-One se sont rendus sur la ligne de démarcation pour exprimer leur solidarité avec la Corée du Nord.
Panmunjeom : notre action sur la ligne de démarcation en Corée
1. Panmunjeom : notre action sur la ligne de démarcation en Corée
Auteur : Roger Van Doninck
Le jeudi 24 juillet au matin, notre groupe "Korea-Is-One" se tient prêt tout en bleu, en
attendant le départ. Les 50 participants portent nos T-shirts bleus "Korea-is-one".
Cela attire les regards curieux des passants coréens. René Lefort, Français et notre
plus ancien participant, ouvre la marche en ce grand jour de notre voyage : "On est
prêt à faire face à l'ennemi", jubile-t-il. Dans les bus, nous répétons déjà les slogans
que nous crierons à la ligne de démarcation :
"Migun nagara", qui signifie "Yankee go home" et "Djoseunum hanada", "Korea is
one".
Lorsque nous arrivons au premier poste militaire, les derniers conseils nous sont
donnés : où et qui vous pouvez photographier, où nous allons nous aligner et faites
attention à ne pas franchir la ligne de démarcation à coup sûr. Nous sommes très
curieux et un peu nerveux : à quoi ressemblera le "front" ?
Une voiture bleue avec des soldats arrive. Ils nous accompagnent. Ils consultent
nos guides pendant un moment. Puis ils attendent encore un peu... Ensuite, ils nous
proposent gentiment de visiter la boutique de souvenirs... Nous ne nous attendions
pas à cela ici !
Dans une autre pièce, les militaires montrent sur une maquette à quoi ressemble la
frontière. Les 240 km de barbelés s'étendent d'une côte à l'autre, avec une zone
tampon de 2 km de chaque côté.
Puis de nouveau dans les bus. Des fleurs jaunes et orange poussent le long de la
voie en béton. Nous traversons des rizières où des hérons blancs cherchent leur
nourriture sans être dérangés. Les dernières terres agricoles sont utilisées à bon
escient.
Le long du côté sud, les États-Unis ont construit un mur de béton de 8 mètres de
haut dans les années 1990, avec des bunkers et des canons lourds.
Jan sait par un collègue que les visiteurs qui se rendent à la frontière du côté sud
sont entourés de soldats lourdement armés et transportés dans des bus aveuglés.
2. On leur fait croire qu'ils sont conduits à "la frontière la plus dangereuse du monde".
La peur de ces "dangereux Nord-Coréens" est bien jouée.
Nous nous arrêtons devant un nouveau bâtiment. C'est ici, le 10 juillet 51, qu'a
commencé une longue série de négociations qui ont abouti à l'armistice du 27 juillet
53. Le résultat de cette partie de poker est immortalisé dans deux livres copiés,
sacralisés sous verre et gardés par le drapeau de la République populaire
démocratique de Corée et le drapeau de l'ONU (sous lequel les États-Unis ont mené
leur guerre d'agression).
En 1975, une résolution de l'ONU a exigé que les États-Unis se retirent de la Corée
du Sud. Pour justifier leur présence, les États-Unis ont alors provoqué plusieurs
incidents et ont fini par dénoncer l'ensemble du traité d'armistice de 1953 en 1991.
Une série de photos donne un bel aperçu de toutes les violations commises par les
Américains.
Enfin, nous partons pour la ligne de démarcation proprement dite. Celle-ci traverse
des baraquements bleus et argentés qui se dressent soigneusement les uns à côté
des autres. Des soldats des deux armées montent la garde. Lorsque les soldats du
Sud aperçoivent notre groupe, ils deviennent nettement plus nerveux. Tout se passe
alors très vite. Nous déployons notre grande bannière et nous nous alignons.
L'hostilité plane dans l'air. Quelle sera leur réaction ? Et puis cela résonne dans
toute la zone frontalière : Migun nagara ! Djoseunum hanada ! Les Yankees rentrent
chez eux ! La Corée est une !... De l'autre côté, d'autres soldats se précipitent. Nous
remarquons une femme en civil. De qui s'agit-il ? Les soldats américains portant un
brassard jaune nous traquent avec de grosses jumelles et commencent à tout filmer
et photographier. Immédiatement après notre action, les soldats de l'Armée
populaire coréenne nous font entrer dans leurs baraquements bleus. Ici, il est
possible de franchir physiquement la frontière, et c'est ce que l'on fait.
3. Une partie d'entre nous se trouve donc en Corée du Sud. Les soldats américains
viennent se placer près des fenêtres à l'extérieur. Nous sommes face à face avec les
occupants. Cela donne une impression sinistre. "L'arrogance et le racisme
dégoulinent", nous dira plus tard Free. Nous réagissons avec nos caméras. Cela
devient une petite guerre entre les caméras et les talkies-walkies. Puis ils se retirent
prudemment.
Notre guide militaire nous explique que 459 réunions ont déjà eu lieu ici pour faire
respecter le cessez-le-feu. Pour l'instant, tout est pratiquement à l'arrêt ici. Il espère
que les Coréens pourront bientôt circuler librement du nord au sud et compte sur
notre solidarité en Belgique.
L'après-midi, nous nous rendrons sur une autre colline, d'où nous pourrons voir au
loin le mur de béton qui coupe la Corée en deux. J'étais curieux de savoir ce que
cette confrontation déclenchait chez mes compagnons de voyage, et je me suis
permis quelques réactions.
Etienne remarque que le mur de la honte n'était pas à Berlin, mais ici, en Corée. Jos
s'émeut et se souvient des reportages radio diffusés dans son pays en 1950-53. Son
père disait à l'époque que les Etats-Unis étaient les agresseurs.
Claire comprend mieux maintenant comment les Etats-Unis, même en Irak,
continuent d'essayer d'abuser de l'ONU : "Ici, ils fournissent les commandants,
financent tout, mais veulent toujours cacher cela sous le drapeau de l'ONU".
4. Selon Catherine, il n'y avait pas de soldats du côté américain en 1992. Il n'y avait
que des soldats en civil. "Aujourd'hui, il est facile de voir qui donne les ordres ici",
dit-elle.
Pour Anita et Ilse, c'est un argument pour travailler encore plus dur chez elles afin de
montrer leur solidarité avec la Corée.
Et Jef de conclure à sa manière :
" Ici, le riz pousse en abondance et dans les champs, on peut voir des hérons,
le petit ruisseau est plein de poissons
Les gens d'ici ne chassent pas, ne pêchent pas.
Mais bientôt, ce petit ruisseau s'étendra à toute une Corée unifiée,
un paradis de paix."