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ERTS
2032 rue du Général de Gaulle
45160 OLIVET
VITEL
Jonathan
DC1 ☒ DC2 ☐ DC3 ☐ DC4☐
DIPLÔME D’ÉTAT DE :
(Educateur Technique Spécialisé)
Mémoire d’initiation à la recherche :
En quoi le fait d’être adolescent et handicapé
impacte l’insertion sociale ?
SESSION 2021
Déclaration sur l’honneur contre le plagiat 2021
Je soussigné(e),
VITEL, Jonathan
Session de certification: 2021
Diplôme d’Etat : Diplôme d’Etat d’Educateur Technique Spécialisé
- Certifie qu’il s’agit d’un travail original et que toutes les sources utilisées ont été
indiquées dans leur totalité.
- Certifie enfin que ce mémoire, totalement ou partiellement, n’a jamais été évalué
auparavant et n’a jamais été édité.
Fait à Chartres, le 22 avril 2021
Signature
« Mon opinion représente une vision que j’ai… Jusqu’à ce que je trouve quelque chose qui
me fasse changer d’idée. »
Luigi PIRANDELLO
Remerciements
Avant d’entamer ce mémoire, je souhaiterais commencer par quelques remerciements à des
personnes ayant permis ce travail de recherche. A Mme GAUTHIER, Mme BIDET, M.
CHARBONNIER, j’adresse, en plus de mes remerciements, ma profonde reconnaissance.
Bien au-delà de ce travail, ne serait-ce que pour leur soutien, leur disponibilité, leur
présence et leur patience tout au long de ces 3 années de formation.
J’adresse également mes remerciements à M. VOIDY et M. GOURGEON pour les
échanges riches que nous avons pu avoir. Votre aide et vos conseils ont toujours été très
précieux pour moi, aussi bien dans l’amélioration de ma posture professionnelle que dans
ma quête de compréhension et de culture, là encore au-delà du travail de ce mémoire.
J’adresse des remerciements particuliers à ces anonymes, ces enquêtés, sans qui toute la
phase exploratoire de ce mémoire n’aurait pas pu se faire. Merci pour votre disponibilité,
votre sincérité, et la confiance que vous m’avez témoignée. Je vous en suis reconnaissant.
Merci encore à tous ceux qui m’ont aidé et qui ont contribué à améliorer ce mémoire de
près ou de loin. Je mesure la chance que j’ai et la richesse de chacun de vos apports.
J’adresse également mes sincères remerciements aux Apprentis d’Auteuil, au DAME
Fontaine Bouillant, et à Reconstruire Ensemble pour leur accueil et la souplesse qu’ils
m’ont accordés au sein de leur structure.
Enfin, merci à Mme AUCHER pour sa patience au quotidien, qui m’a permis de m’élever
et d’affûter davantage mon regard sur l’environnement qui est le mien, qu’il soit personnel
ou professionnel.
Table des sigles
ASE : Aide Sociale à l’Enfance
CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle
CDAPH : Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées
DAME : Dispositif d’Accompagnement Médico-Educatif
EA : Entreprise Adaptée
ESAT : Etablissement et Service d’Aide par le Travail
ESMS : Etablissement Sociaux et Médico-Sociaux
ETS : Educateur Technique Spécialisé
FV : Foyer de Vie
IFOP : Institut Français d’Opinion Publique
IIDRIS : Index International et Dictionnaire de la Réadaptation et de l’Intégration Sociale
IME : Institut Médico-Educatif
INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
MDA : Maison Départementale de l’Autonomie
MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées
MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social
OPP : Ordonnance de Placement Provisoire
UEE : Unité d’Enseignement Externalisée
VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine
Sommaire
Introduction .......................................................................................................................1
Méthodologie du mémoire .................................................................................................5
I) Partie Théorique..........................................................................................................7
1) Le handicap......................................................................................................7
a) Qu’est-ce que le handicap ? ..........................................................................7
b) Le handicap au fil des siècles........................................................................8
c) La représentation sociale du handicap .........................................................10
2) L’adolescent...................................................................................................12
a) Etymologie et origine de l’adolescent .........................................................12
b) Les mécanismes et changements de l’adolescence.......................................13
c) L’adolescent et le handicap .........................................................................14
d) Représentations sociales de l’adolescent .....................................................16
3) L’insertion des personnes vulnérables ............................................................17
a) L’identité de la personne.............................................................................17
b) L’insertion..................................................................................................19
c) Influence des représentations sur l'insertion ................................................20
II) Partie exploratoire.....................................................................................................23
1) La méthodologie de l’exploration ...................................................................23
a) L’enquête....................................................................................................23
b) Le choix de la méthode d’investigation.......................................................24
c) Le choix de l’échantillon.............................................................................25
2) L’analyse des données recueillies ...................................................................27
a) Le handicap dans la société : image et représentation..................................27
b) L’adolescent et l’adolescence aujourd’hui...................................................29
c) L’insertion sociale des adolescents en situation de handicap .......................30
d) Les politiques sociales : un constat en demi-teinte.......................................31
III) Problématisation de la recherche :..............................................................................33
1) Apports théoriques et apports de terrain..........................................................33
2) Quelles pistes éducatives mettre en place ?.....................................................37
a) Réflexion sur les différents apports .............................................................37
b) Quels projets pour répondre à ces observations ?.........................................38
Pour conclure...................................................................................................................43
Bibliographie
Webographie
ANNEXES
Annexe I : Guide d’entretien
Annexe II : Evaluation du partenariat
Annexe III : Enquête de satisfaction
1
Introduction
De nombreuses représentations entourent les adolescents. On a ainsi tendance à décrire ce
dernier comme étant faignant, bon à rien. On dit aussi qu’ils n’ont aucun respect pour leurs
ainés voire même pour eux, qu’ils se droguent, boivent beaucoup trop et ne sont pas
capables d’être responsables.
Il en est de même de la personne en situation de handicap. Cette dernière ne serait, selon
les représentations, pas en mesure de travailler dans la société, elle ne ferait que ralentir la
productivité et la performance d’une entreprise (Cheron, 2016). Elle n’aurait pas non plus
besoin d’aller à l’école puisque de toute façon son avenir serait tout tracé. Elle serait
différente, et de fait, ne pourrait être acceptée parmi ses pairs. Sa place ne serait pas avec
les valides.
Autant de préjugés, d’images préconstruites auxquels les adolescents et les personnes en
situation de handicap sont sans cesse rattachées, sans que ni l’une, ni l’autre ne puisse s’en
défaire. Autant de représentations que la société se fait de ces deux catégories. Alors pour
peu qu’une personne soit à la fois adolescente et en situation de handicap, cette dernière est
condamnée à porter sur elle cette étiquette : pas adaptée.
Pourtant, au travers des siècles, l’adolescent et la personne en situation de handicap n’ont
cessé de chercher les faveurs et la reconnaissance d’une société, qui a fini par édicter ses
propres règles, ses propres normes, sans jamais tenir compte de l’avis, ni de la parole de
ces deux personnes. Une société qui négligerait ces personnes et ne les reconnaîtrait que
par leurs incapacités ou leurs inadaptations, mais qui n’aurait pas encore fait sa propre
remise en question. C’est ce que note d’ailleurs le sociologue Pierre Dufour dans une
interview : « les situations de handicap résultent du fait que nous vivons dans une société
avant tout conçue par et pour des valides » (Seuret, 2017).
Lors de mes différents stages en Maison d’Enfants à Caractère Social (MECS) et au
Dispositif d’Accompagnement Médico-Educatif (DAME), il m’a été possible de
comprendre que de nombreuses situations se répétaient malgré la différence de ces deux
structures. En effet, la MECS dans laquelle j’ai travaillé accueillait pas moins de 750
adolescents de 11 à 20 ans se trouvant en difficulté momentanée ou durable. Ces derniers
étaient placés ici sous deux statuts différents :
2
 Un statut de placement provisoire demandé par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE),
ou par leurs parents qui ne parviennent plus à assurer l'éducation de leur enfant.
 Un statut d'Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) ordonné par le juge des
enfants, qui considère l'enfant comme étant en danger ou risquant de l'être, d'après
la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance.
Le placement de l'enfant en MECS peut avoir été décidé suite à d'autres constatations
recensées chez l'enfant. L'enfant peut, entre autre, avoir subi des violences familiales, avoir
des parents ayant des difficultés psychologiques ou psychiatriques. Il peut également être
porteur de difficultés scolaires (absentéisme ou difficultés d'apprentissage lourdes), de
carences éducatives voire de comportements sociaux inappropriés. Dans d'autres cas, il
s'agit simplement d'enfants étrangers isolés en France. Cependant, un contexte familial
marqué par des ruptures et des difficultés sociales est bien souvent ce qui motive cette
décision.
De son côté, le DAME accueille 122 enfants de 14 à 20 ans en situation de handicap. Bien
souvent, ce dernier est d’ordre intellectuel. Les adolescents que le DAME reçoit sont
orientés dans l’établissement suite au dépôt de leur dossier auprès de la Maison
Départementale de l'Autonomie (MDA), et après validation de celui-ci par la Commission
des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH).
Que ce soit dans l’une ou l’autre de ces deux structures, il est toujours très compliqué de
permettre à ces adolescents de (re)construire une vie sociale. Pour les premiers, la
recherche de famille d’accueil est plus que difficile. En effet, Les places en famille
d’accueil sont d’une part de moins en moins adaptées, ce que rappelle d’ailleurs un
éducateur spécialisé de l’ASE : « Nous ne nous questionnons plus pour savoir si la place
sera adaptée mais si nous aurons de la place […] l’urgence génère de l’urgence»
(Langlet, 2014, p14).
D’autre part, il y a les représentations sociales. « Il semble bien, en effet qu’une
représentation sociale soit, dans une large mesure, une image mentale représentée qui, au
cours de son évolution, aurait acquis une valeur socialisée (partagée par un grand
nombre) et une fonction socialisante (participant à l’élaboration d’une interprétation du
réel validée par un groupe donné à un moment donné de son histoire) » (Mannoni, 2016,
p13). Pierre MANNONI explique donc que l’image des adolescents dits « difficiles » ne
joue pas en leur faveur étant donnée l’image que la collectivité se fait d’eux.
3
Il semble que les adolescents en difficulté soit sujet à une stigmatisation. Une histoire de
vie qui les poursuit, et les empêche de se présenter sous leur meilleur jour, et de fait un
avenir qui semble très incertain.
Pour les personnes en situation de handicap, les suites de la loi du 11 février 2005 pour
l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes
handicapées, posent l’obligation de l’insertion sociale, scolaire et professionnelle de ces
dernières.
Malgré cette loi sensée poser une équité, il n’en reste pas moins que ces dernières sont
enfermées dans leurs situations de handicaps. « Nommer, c’est donc condamner à une
vision simplifié de la réalité. » (Ben Soussan, 2013, p35). Ainsi, avant d’être reconnues en
tant que personne à part entière, elles sont reconnues par leur handicap. Le handicap est
ainsi un genre de marqueur indélébile, un stigmate dont elles sont affublées.
Aussi, plusieurs situations sont assez récurrentes lors de mes stages au sein de nos
institutions. Dans un premier temps, la mise en stage des adolescents est toujours une
opération complexe. En effet, lorsque nous (Educateur Technique Spécialisé : ETS) nous
mettons en relation avec des entreprises, établissements ou administrations ; dès lors que
nous parlons ou indiquons que nous travaillons avec des personnes en situation de
handicap, les échanges se cristallisent autour de cette question du handicap. En outre, cela
pose déjà la question du bon accueil des adolescents au sein des entreprises.
Autre cas, depuis la rentrée 2019, les adolescents se rendent dans des établissements
scolaires du milieu dit « ordinaire » en Unité d’Enseignement Externalisée (UEE).
Lorsqu’ils reviennent au DAME, il y a dans leur comportement une décharge
émotionnelle. Ils nous expliquent cela comme résultant du fait de postures qui leurs sont
imposées. Nous pourrions traduire leur comportement comme étant dû à une adaptation à
l’environnement (et non l’inverse) extrêmement pesante et énergivore pour eux.
Finalement, une difficulté à trouver ou faire accepter leur place au sein de la société dite
« ordinaire », des compétences qu’on refuserait de leur laisser exprimer, des immersions
scolaires dans lesquelles on se rapproche de système intégratif, et une vision là aussi d’un
avenir incertain.
Ainsi, que ce soient les jeunes adolescents de MECS ou les adolescents du DAME,
j’observe de nombreuses similitudes quant aux différents comportements à leurs égards. Ce
4
sont ces observations issues de mes terrains de stages qui m’amènent à me questionner sur
ce public adolescent et en particulier lorsqu’il est, en plus d’être adolescent, en situation de
handicap. J’en viens donc à me poser cette question :
En quoi le fait d’être adolescent et handicapé impacte l’insertion sociale ?
On estime le nombre de personnes en situation de handicap en France à 8,4 millions selon
l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE, 2015). Parmi elles,
seules 2,7 millions possèdent une reconnaissance administrative, ce qui signifie une
reconnaissance auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH).
C’est à partir de cette reconnaissance que ces personnes peuvent prétendre à des
prestations et ainsi être prises en compte dans les statistiques de l’Etat.
Sur la même lancée, les élèves en situation de handicap scolarisés (ce qui signifie inscrit
dans un établissement) à la rentrée 2017 serait près de 321 476 (Ministère de l’Education
Nationale, 2019) dont 140 318 dans le second degré (collège et lycée). Ces données ne sont
pas complètes car elles ne prennent pas en compte ceux qui n’ont pas de reconnaissance
administrative, ceux qui sortent des radars de l’Etat pour diverses raisons (non reconnus
administrativement, restant chez eux, non déclarés, …).
On peut donc supposer que la part d’adolescent en situation de handicap est bien plus
élevée que 321 476 personnes. Cette simple observation permet donc de s’interroger sur la
reconnaissance administrative de ces adolescents. En effet, leur place aussi bien scolaire
que sociale ne dépend-elle pas uniquement de cette reconnaissance ? De fait, la
représentation sociale du handicap ainsi que leur statut sont-ils uniquement liés à la
décision de la CDAPH ? Etre adolescent et handicapé, est-ce une double peine pour sa
propre insertion sociale ?
Autant de questions, autant d’interrogations sur l’insertion sociale des adolescents en
situation de handicap auxquelles je tenterai d’apporter une réflexion.
5
Méthodologie du mémoire
Les questions adolescentes et d’autant plus lorsqu’elles sont liées au handicap, sont ce que
je côtoie au quotidien dans l’exercice de mes fonctions au sein d’un DAME. Les difficultés
qu’ils rencontrent tous les jours dans leur propre insertion sociale m’ont toujours interrogé.
Aussi, il m’a semblé naturel d’aller questionner ce public afin d’apprendre à mieux le
connaître, et mieux appréhender la réalité de ce qu’ils perçoivent, vivent et parfois
subissent.
J’ai donc abordé ce mémoire, à la suite de l’introduction, par une partie théorique. Elle a
pour vocation de pouvoir définir ce qu’est le handicap, et comment est-il perçu au fil des
siècles. Puis, j’ai poursuivi en procédant de la même manière pour l’adolescent : ce que
signifie être adolescent, que se passe-t-il à l’adolescence ? Y a-t-il une différence quand, en
plus d’être adolescent, on est en situation de handicap ? Enfin, je me suis attaché à faire le
lien entre ces deux termes, en expliquant ce qu’est l’identité, l’insertion et par la suite
l’influence des représentations sociales lorsqu’on est stigmatisé.
Pour cela, j’ai lu et parcouru de nombreux ouvrages, textes législatifs, rapports, articles,
ainsi que des recherches internet, afin d’étayer et d’argumenter ce mémoire d’initiation à la
recherche (Cf : Bibliographie et Webographie). Avoir différentes approches sur les
différents concepts abordés, permet de s’ouvrir à diverses possibilités permettant une
complétude sur le sujet. Ce dernier étudie le comportement sociétal envers l’adolescent et
le handicap. Je me suis donc surtout appuyé sur des ouvrages sociologiques. Pour autant, il
est aussi important d’avoir une approche psychologique lorsqu’on aborde le
développement de l’adolescence pour pouvoir comprendre des réactions que la sociologie
ne peut expliquer (comme la réactivation du complexe d’Œdipe par exemple).
De fait, certains auteurs m’ont paru être pertinents et incontournables pour aborder ces
sujets. C’est le cas de Michel FIZE et Patrice HUERRE (respectivement sociologue et
pédopsychiatre, spécialiste de l’adolescent), de Simone KORFF-SAUSSE (psychologue) et
Patrick BEN SOUSSAN (pédopsychiatre) ayant tous deux menés des études sur l’impact
des environnements familiaux sur les enfants en situation de handicap, et d’Emile
DURKHEIM (sociologue, précurseur de la sociologie moderne).
Sur d’autres approches : Henri-Jacques STICKER (Philosophe et anthropologue de
l’infirmité), Erving GOFFMAN et Howard BECKER (sociologues, précurseur des notions
6
de stigmates et de norme), ou encore Anne-Marie DROUIN-HANS et Jean Pierre TABIN,
respectivement professeur de philosophie et de politique sociale dans de grandes écoles.
Sans oublier : Vincent DE GAULEJAC, Robert CASTEL (sociologues, spécialistes des
questions de l’exclusion sociale) et Denise JODELET (spécialiste des représentations
sociales).
Ainsi, mon écrit s’appuie en majorité sur des approches historiques, sociologiques et
psychologiques (bien que cette dernière soit surtout axée sur l’adolescent).
Par la suite, j’ai poursuivi ce mémoire avec une phase exploratoire pour interroger ma
partie théorique et pouvoir la compléter. J’ai donc mené des entretiens en construisant un
guide d’entretien (Cf : Annexe I). Ce guide a vocation à aborder les thématiques de la
partie théorique et à les analyser. Un échantillon a donc été constitué autour d’adolescents
en situation de handicap, de professionnels du médico-social et extérieur à ce domaine.
Tous sont issus de structures différentes et possèdent un statut différent
(cadre/salarié/directeur) pour éviter d’avoir un discours allant dans le même sens et
permettre ainsi une diversité des avis sur des sujets communs. C’est par la variété des
profils entretenus que cette étude peut se prétendre un minimum objective. Toutefois, avec
la crise sanitaire et les craintes qui y sont liées (contamination …), je n’ai pu réaliser que 6
entretiens complets, ce qui limite de fait, la crédibilité/légitimité des résultats obtenus. Il
aurait été intéressant de pouvoir avoir un échantillon plus grand pour plus de
représentativité. Cela pourrait ainsi faire partie des pistes d’amélioration à l’avenir pour ce
type de travail de recherche.
Une fois analysés, c’est en comparant ces résultats à la partie théorique que de nouveaux
éléments ont émergé, m’incitant de fait à repenser ma question de départ en la recentrant
pour mieux la problématiser. Cette problématisation permet ainsi de poser de nouvelles
hypothèses. A la suite de ces dernières, j’ai ainsi tenté de proposer des pistes éducatives
ayant pour objectif de répondre au mieux à l’émergence de ces éléments nouveaux et de
cette nouvelle question de recherche.
Néanmoins, il est aussi important de pouvoir évaluer les actions que je propose à l’issue de
la problématisation. Pour ce faire, je me suis appuyé sur différents outils d’évaluations en
lien avec les pistes proposées. (Cf : Annexe II et III). Par ce travail, j’aspire à répondre aux
attentes que pose cette problématisation, et espère pallier les constats observés à l’issue de
cette partie.
7
I) Partie Théorique
1) Le handicap
a) Qu’est-ce que le handicap ?
Passons sur l’origine et le fameux Hand in Cap, pour en venir à l’essentiel. Il existe
différents types de handicaps que l’on regroupe en général en deux parties : les handicaps
visibles et invisibles. Les handicaps visibles sont ceux qui suscitent le plus de réaction de
la part de la société et notamment en termes de comportements, car justement, ils se voient.
Parmi eux, on trouve les handicaps moteurs, certains handicaps visuels ou auditifs. A
l’inverse dans les handicaps invisibles, on retrouve le handicap psychique, intellectuel,
certains handicaps liés à l’état de santé (cardiaque, respiratoire…). Ces derniers ne se
voient pas et sont donc moins perçus par la société. Les personnes atteintes de ces
handicaps « se fondent » en quelques sortes dans la masse.
Pourtant, en termes de proportions, le handicap invisible représente à lui seul 80% des
handicaps (Comité interministériel du handicap, 2014), nous reviendrons sur ce chiffre.
Aussi avec une telle diversité, comment faire le point et considérer qu’une manifestation
chez un individu est considérée comme un handicap et pas une autre ? La notion de
handicap et ses représentations ont beaucoup évolué au fil des siècles nous le verrons.
Mais, si l’on établit une distinction entre un individu atteint d’un handicap et un autre qui
ne l’est pas, ne sommes-nous pas en train de discriminer cette personne ?
Aussi, la situation des personnes handicapées devient une question majeure. Avec plus de
50 millions de personnes reconnues handicapées en Europe (Gironde Handicap, 2003), et
toujours aucun texte définissant clairement le handicap, l’Europe se doit d’agir et de
sensibiliser la société à cette question. En 2002 sera proclamée la déclaration de Madrid.
Elle doit : « fournir un cadre conceptuel pour des actions entreprises dans le cadre de
l’Année européenne à tous les niveaux […] Le texte adopté est le résultat d’un consensus
entre le Forum européen des personnes handicapées, la Présidence espagnole de l’Union
européenne et la Commission européenne » (Gironde Handicap, 2003). Il en ressort que le
handicap n’est pas lié uniquement à la personne, mais à l’environnement de cette dernière,
et que nous sommes tous handicapés à un moment ou un autre au cours de notre vie. Par
conséquent, il est conclu qu’il n’y a pas de handicap, mais seulement des situations
handicapantes.
8
Ce premier jalon posé, la France donnera sa définition du handicap dans un texte de loi : la
loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la
citoyenneté des personnes handicapées qui définit le handicap ainsi : « Constitue un
handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de
participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison
d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant ». Désormais, le handicap est défini à l’international, mais aussi
par la loi Française, il convient désormais d’en dresser un rapide historique permettant la
compréhension de ce dernier.
b) Le handicap au fil des siècles
Au cours de l’histoire, le lexique autour du handicap, mais aussi les représentations de ce
dernier à travers les sociétés n’ont cessé de varier, se modifier, se modeler, pour finalement
arriver jusqu’à nous avec l’association que l’on connaît aujourd’hui, à savoir les termes de
« personnes en situation de handicap » et « d’inclusion ».
Durant l’antiquité, le handicap se heurte aux temps de l’exposition. Jacques Henri
STICKER l’explique ainsi : « Exposer les enfants difformes veut dire les emmener hors de
la ville, dans un endroit non connu et les laisser mourir dans quelques trous ou les laisser
se noyer au fil de l’eau. Si le résultat est bien la mort, la signification de l’exposition n’a
rien à voir avec l’exécution de ces enfants. Les exposer c’est les remettre aux dieux »
(Sticker, 2005, p36). Rendre le handicap visible, n’est donc pas concevable, ce dernier
étant considéré comme une « punition » divine.
Cette invisibilité perdurera jusqu’au Moyen-Age. On parle désormais des infirmes. On
construit les premiers Hôtels-Dieu sur le principe de charité ordonnée par la religion très
puissante en ces temps, et ordonnant de prendre soin les uns des autres. Pour autant dès
lors que les grandes maladies telle la peste font leur apparition, les infirmes sont tenus pour
responsable de la colère de Dieu. C’est dans ce climat de peur et de méfiance que débute
l’enfermement des personnes handicapées. STICKER ajoute : « Le phénomène de la peur,
fondamental à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance, a inclus les infirmes et a abouti à
leur enfermement dans l’hôpital général ainsi qu’à la première idée de mettre tout ce
monde au travail » (Ibid, p65).
9
Il faudra attendre le XVIIIe siècle, ou siècle des lumières, pour voir enfin évoluer la pensée
de la société. Les philosophes soulèvent l’idée de l’égalité de l’esprit. L’infirme acquiert
ainsi une humanité, il est un corps, un esprit, et donc une force de travail. Il réintègre ainsi
la société avec l’idée que ce dernier « peut être redressé, renormalisé, rééduqué, etc. »
(Sticker, 2005, p96). On s’efforce de l’intégrer par la « rééducation », la « re-
normalisation ». On suppose donc que le handicap n’est plus quelque chose de mystique,
mais bien un symptôme médical que l’on peut soigner ou guérir.
C’est à la suite de cette dynamique que les pouvoirs publics continueront leurs efforts avec
notamment les lois Ferry à la fin du XIXe siècle et l’instruction obligatoire. Ces lois sont
fondamentales car elles mettent au grand jour le fait que le handicap touche bien plus de
monde qu’on ne le pense et qu’il n’est pas réservé aux classes les plus défavorisées.
Frédérique BASTIDE explique d’ailleurs que : « Rapidement, le caractère obligatoire de
l’école fait apparaître un nombre important d’enfants considérés comme “ non
scolarisables ”, préalablement exclus ou enfermés dans les asiles. Les notions d’arriéré
mental et d’anormal apparaîssent, venant démontrer la nécessité de créer des classes
spécialisées » (Bastide, 2011, p34). Ces lois marquent réellement les débuts de l’éducation
spécialisée.
La prise en charge du handicap sera accentuée avec la première guerre mondiale. En effet,
« L’infirmité des mutilés après la Première Guerre mondiale a été le moteur du
développement de politiques publiques envers ceux auprès desquels la nation avait
contracté une dette morale » (Weislo, 2012, p33). Le handicap peut désormais toucher
n’importe qui, mais il est question de le faire accepter de nouveau dans la société. On parle
désormais de réadaptation et non plus de ré-éducation.
De cette « expérience », les gouvernements successifs promulgueront des lois en faveur du
handicap. La loi de 1957 où apparaît pour la première fois le terme « travailleur
handicapé » sera peaufinée par la loi du 30 juin 1975 qui s’axe sur 3 principes : le droit au
travail, le droit à une garantie minimum de ressource par le biais de prestations, le droit à
l’intégration scolaire et sociale.
Puis il faudra attendre la loi 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la
participation et la citoyenneté des personnes handicapées posant quelques fondamentaux
10
en termes de principes et d’actions publiques. Mais pour autant, les représentations liées au
handicap sont encore bien ancrées.
c) La représentation sociale du handicap
Bien que des lois soient venues poser quelques fondements nous l’avons vu, la mutation de
ces représentations au sein de la société semble être un long processus. Outre ces
mutations, il y a le regard que l’on pose sur le handicap. Au cours de l’histoire, les postures
adoptées vis-à-vis de lui se sont modifiées, dupliquées, adaptées. Il y a eu et il y a encore
plusieurs façons de concevoir le handicap au sein de la société. Emmanuel WEISLO dans
son ouvrage « Le handicap a sa place » considère qu’il existe 6 postures face au handicap
que sont : l’élimination, la sanction, le don, la ségrégation, la solidarité et l’inclusion (Ibid,
p24). Aussi, à partir du moment où une posture est adoptée face au handicap, cela peut être
interprété comme le fait qu’une distinction soit établie entre une personne en situation de
handicap et une personne dite « valide ».
Cette distinction peut être rattachée au concept du stigmate décrit par Erving GOFFMAN.
La société a naturellement tendance à catégoriser les choses et les individus
(pauvres/riches, malade/sain, etc.) De ces catégorisations découlent le stigmate étant :
« une situation de l'individu que quelque chose disqualifie et empêche pleinement d'être
accepté par la société » (Goffman, 2012, p7). Il est un marqueur dont les personnes ou les
groupes d’individus sont affublés. À ces stigmates viennent se raccrocher les notions
d’identités sociales réelles et virtuelles. L’identité virtuelle étant définie comme celle que
nous attribuons à une personne. Elle naît des attributs (stigmates) que nous donnons à cette
personne et des stéréotypes qui y sont liés. L’identité réelle elle, est, « la catégorie et
attributs dont on pourrait prouver qu’une personne les possède en fait » (Ibid, p12).
Lorsque l’écart entre cette identité sociale réelle et virtuelle est en décalage, la personne est
dite « discréditée » et de fait ne pourra exprimer pleinement le potentiel de ses autres
attributs. « Il est important de souligner que ce ne sont pas les caractéristiques de la
personne mais nos attitudes qui vont créer le stigmate. Le stigmate est donc produit social
lié aux interactions entre différents groupes. Le normal et le stigmatisé ne sont pas des
personnes, mais des points de vue » (Chaudet, 2019, p57).
Si l’on observe bien, nous avons une société qui pose des lois pour que les personnes en
situation de handicap soient incluses dans cette dite « société » et des postures citoyennes
11
différentes face au handicap. De fait, cela signifie bien que la personne en situation de
handicap est perçue d’une manière différente. « Les handicapés à long terme ne sont ni
malades, ni en bonne santé, ni vivants ni morts, ni en dehors de la société, ni pleinement à
l’intérieur » (Murphy, 1990, p183). Ce concept décrit par Robert MURPHY est celui de la
liminalité. Il correspond à un état d’inachèvement définitif que les personnes en situation
de handicap subissent, mais qu’il convient de parler ; le concept du stigmate ne suffisant
pas pour décrire les représentations liées au handicap.
Ainsi, dès lors qu’une personne est discréditée/stigmatisée, par une autre personne ou un
groupe, elle tente de faire son possible pour rentrer dans les normes édictées par la société
pour ne pas se retrouver mise à l’écart. C’est d’ailleurs ce qu’écrit Erving GOFFMAN :
« L’individu affublé d’un stigmate a tendance à se sentir “en représentation”, obligé de
surveiller et de contrôler l’impression qu’il produit, avec une intensité et une étendue qui,
suppose-t-il ne s’imposent pas aux autres» (Goffman, 2012, p26). Alors pourquoi cette
méfiance face au handicap ? D’où provient cette crainte ? La personne en situation de
handicap est-elle seule responsable des comportements qui se présentent face à elle ?
La peur de la différence n’est pas une nouveauté, nous l’avons vu. Au cours de l’histoire,
différentes postures se sont succédées vis-à-vis du handicap. Là encore, nous l’avons
constaté, ne serait-ce que par le lexique utilisé au cours de l’histoire (infirme, impotent,
handicapé, etc.). Ce qui est différent n’entre pas dans ce que l’homme connaît et côtoie
naturellement. Il est donc une méfiance naturelle à l’égard de la différence. Nous l’avons
expliqué, l’homme, de par la catégorisation a une tendance naturelle à ranger, classer,
placer les choses, les individus ou ce qui compose son environnement. Ainsi, dès lors que
l’une d’entre elle n’entre dans aucune case, elle est marquée (stigmatisée) comme
différente. Cette chose est associée à la cause d’un « désordre » produit. La « nommer c’est
réintroduire une coupure » (Geets, 2003, p10).
De fait, si l’homme ne peut contrôler ce « désordre », ce dernier génère de l’angoisse. Mais
poussons la réflexion plus loin et notamment avec le concept de projection. « La projection
est un mécanisme de défense inconscient par lequel le sujet projette sur autrui les craintes
et les désirs qu'il ressent comme interdits et dont la représentation consciente serait
chargée d’angoisse ou de culpabilité ; elle participe à la constitution des phobies dans
la névrose et du délire dans la psychose » (Postel, 2010). En réalité, si le handicap effraie
12
autant c’est avant tout par ce qu’il vient toucher chez la personne qui le regarde. Le
handicap d’une personne renvoie chez celle qui l’observe ses propres failles, faiblesses, sa
propre existence, et plus profondément sa propre fragilité. Elle vient touchée la fragilité de
la vie, l’équilibre infime entre le monde du handicap et celui du milieu dit « ordinaire »
dans lequel n’importe qui peut basculer dans un sens ou dans l’autre. Ces projections sont
révélatrices de peurs parfois archaïques dont Simone KORFF-SAUSSE a réalisé la liste :
« De cette liste se dégage quatre grandes catégories de représentations inconscientes,
aussi bien individuelles que sociales, qui sont à l’origine du malaise que suscite le
handicap : la peur de l’absurdité avec le recours à la pensée magique ; la peur de la
ressemblance avec le faux respect de la différence au détriment de l’altérité ; la peur de la
sexualité avec le risque de déni de ses manifestations ; la peur de la contagion avec le
risque de l’exclusion » (Korff-Sausse, 2013, p168).
Par conséquent, si les représentations liées au handicap sont encore si importantes
aujourd’hui, c’est parce que la place des personnes en situations de handicap, leur statut,
mais aussi le refus de leurs différences ou respect dans leur différence, c’est selon aux yeux
du milieu dit « ordinaire » engendrent des peurs archaïques dont les représentations se sont
ancrées un peu plus dans l’inconscient collectif à cause d’une histoire lourde de siècle
d’enfermement.
2) L’adolescent
a) Etymologie et origine de l’adolescent
L’adolescent et l’idée que l’on s’en fait aujourd’hui n’ont pas toujours été ainsi. Aussi,
c’est dans la Rome antique qu’apparaît le terme « adolescere ». Il serait issu de divers
dérivés sémantiques, que sont : « olere » signifiant : croître et « alere » signifiant : nourrir.
On trouve ainsi la définition de l’adolescent comme étant celui qui se nourrit, qui grandit,
qui croît vers l’adulte. Historiquement, dans la Rome antique, l’adolescent ne désigne que
les hommes de 17 à 30 ans, les femmes quant à elles ne sont jamais affublées du
qualificatif adolescent.
A partir du moyen-âge, l’adolescent comme on le connaît aujourd’hui n’existe pas encore.
La population se divise en deux catégories : les enfants et les adultes, on établit la limite
autour de l’âge de la puberté. En deux siècles (du Xe au XIIe) la population passe de 5
millions de personnes à 9,2 millions (Du Plessy, 2020). Afin de contrôler au mieux cette
explosion démographique et pallier une possible diminution des ressources, les autorités de
13
l’époque augmentent la majorité à 20 ans. L’âge du mariage, est lui, définie en fonction des
régions mais peut aller jusqu’à 28 ans. Par la suite, l’âge de la majorité marquant l’entrée
dans l’âge adulte ne cessera d’évoluer ou de diminuer en fonction des besoins de la société.
Ainsi, cet âge varie soit pour contrôler la démographie (augmentation de la mortalité), soit
pour pallier les besoins en hommes lors des révolutions ou guerres Napoléoniennes par
exemple (Hauswald, 2016, p16).
Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle, que l’adolescent devient une catégorie à part entière,
mais pas encore tout à fait comme nous la connaissons aujourd’hui. Elle désigne de jeunes
collégiens dépendants financièrement. De fait, la plupart sont issus de la bourgeoisie.
Cependant, comme le souligne Michel FIZE : « Toute l’histoire de ce siècle est grosse
d’une littérature présentant l’adolescent comme un être dont il faut se méfier ou qu’il faut
protéger. […] L’adolescent, à l’image de la vieillesse, devient maladie qu’il faut traiter »
(Fize, 1998, p13).
C’est finalement au début du XXe siècle qu’on admet pleinement cette nouvelle catégorie
sociale. Toujours dans la continuité du XIXe et de celle d’encadrer l’inexpérience de ces
jeunes personnes, on crée des structures extrascolaires. Des institutions judiciaires tournées
vers la jeunesse voient le jour. Désormais, l’adolescent fait partie intégrante de la société
comme catégorie sociale à part entière. Si aujourd’hui l’adolescent est considéré comme un
être en transition, il est encore très souvent associé à une deuxième notion qu’est la
puberté.
b) Les mécanismes et changements de l’adolescence
L’adolescence et la puberté sont très souvent associées voire mélangées. Pourtant, bien que
ces deux notions soient liées, elles n’en restent pas moins différentes. L’adolescence est
définie comme étant la période qui succède à l’enfance et précède l’âge adulte. En principe
elle débute avec la puberté qui se compose de trois modèles : physiologique, cognitif et
psychanalytique. Elle est en somme une période de transition, une période liminale.
L’adolescence débute donc avec la puberté. Cette dernière, est issue du mot latin
« pubere » signifiant se couvrir de poils. Concrètement, cette période correspond à
l’accession de la génitalité (Hauswald, 2016, p29).
Avec le modèle physiologique apparaît le modèle cognitif. Ce dernier correspond à l’accès
à la pensée hypothético-déductive. Ce stade est lié à la maturation cérébrale et
14
neurologique de l’adolescent, qui lui permet de faire des hypothèses puis de les valider ou
infirmer. Il s’agit du meilleur moyen pour lui de se confronter à la réalité. Pierre
BENEDETTO explique : « Usant et abusant de ce nouveau mode de pensée, l’adolescent
va imaginer un monde différent de celui dans lequel il est inséré. Il va, selon l’expression
consacrée, “refaire le monde” et contester âprement la situation présente » (Benedetto,
2008, p46).
Le modèle psychanalytique correspond au fait que l’adolescent entre en conflit avec son
« Moi » (stabilité/décision), son « Surmoi » (acquis, interdit : c’est la bonne conscience) et
son « Ça » (pulsions). Il a aussi besoin de se détacher de ses figures d’attachement pour
s’assumer en tant qu’adulte. Pour pallier ces conflits, il peut ainsi avoir tendance à se
tourner vers son groupe de pairs pour trouver de nouveaux repères et une stabilité qu’il ne
trouve pas au sein de son foyer. Il n’en reste cependant pas moins dépendant affectivement,
ne serait-ce que par besoin de reconnaissance.
La conception de l’adolescence comme nous la connaissons est essentiellement issue de
nos sociétés occidentales. En effet, dans d’autres cultures, il n’y a pas d’adolescence, on
entre dans l’âge adulte par le biais de rites culturels. Michel FIZE écrit d’ailleurs : « On
passait du statut d’enfant au statut d’adulte, sans réelle transition, à l’issue d’une série de
rites d’initiations précis qui permettait d’accéder à la maturité sociale et à la loi du
groupe » (Fize, 1998, p95). Ainsi, si la conception de la puberté est universelle car elle
touche tous les Hommes quelques soient leurs origines, cultures ou milieux sociaux.
L’adolescence, elle, est plutôt un concept occidentalisé.
c) L’adolescent et le handicap
En 2010, Une enquête INSEE relate ce chiffre : 41% des 10 à 24 ans possédant un
handicap d’ordre cognitif, moteur ou sensoriel ont déjà été victimes de discrimination
(Bouvier, 2010). La discrimination est définie comme : « L’action, le fait de différencier en
vue d’un traitement séparé (des éléments) les uns des autres en (les) identifiant comme
distincts » (Cnrtl, 2012).
Lorsqu’on est adolescent et en situation de handicap, il faut savoir que les difficultés
psychiques sont très souvent renforcées. « La puberté a un effet sur le vécu du handicap et
que le handicap a des effets sur celui de la puberté » (Poizat, 2010, p83). De fait, la
gestion des conflits internes devient un exercice périlleux pour des adolescents dont
15
l’expression des rejets, des émotions reste enfouie et ne s’exprime que très difficilement.
Cette non-expression de leurs sentiments les empêche de se confronter à la réalité par leurs
questionnements (pensée hypothético-déductive). Aussi, en pleine construction identitaire,
l’estime de soi qui est un élément primordial pour parvenir à surmonter les conflits et se
construire en futur adulte peut être mis à mal. C’est ce que note Tiphenne JOUBERT
lorsqu’elle écrit : « Si l’image de soi se nourrit des expériences individuelles, des attitudes
et des discours que la société renvoi à l’individu, les jeunes en situation de handicap
présentent un risque important de développer une image négative d’eux-mêmes et ainsi de
voir inhibées leurs potentialités et leur capacité à se projeter vers l’avenir » (Joubert,
2016, p257).
Il y a également un autre élément non négligeable à prendre en compte dans l’adolescence
des personnes en situation de handicap, c’est l’environnement immédiat. Si le lien avec les
figures d’attachement reste malgré tout présent chez les adolescents dit « ordinaires », ce
lien est accru chez les adolescents en situation de handicap. Concrètement, si pour un
adolescent dit « ordinaire » l’adolescence est plutôt « un combat » avec son entourage qu’il
cherche bien souvent à fuir tout en voulant faire accepter sa place ; pour un adolescent
vulnérable, cette quête peut être un véritable calvaire, de par le surinvestissement parental,
bien souvent maternel (Vaginay, 2013, p215). Patrick BEN-SOUSSAN l’explique
ainsi : « Si le handicap de l’enfant est mental, les parents se trouvent condamnés à une
forme de perpétuité sans possibilité de faire appel. […] La voix qui fait résonner le nom de
handicap destitue les parents de leur droit de mourir. En leur signifiant que cet enfant ne
pourra exister sans eux, elle les somme de vivre sans répit. Son handicap le rend à jamais
dépendant de leur sollicitude » (Ben Soussan, 2013, p37). Ce surinvestissement des
parents pour pallier un sentiment de culpabilité ressentie lors de la naissance de leur enfant,
contribue à une dépendance sociale importante qui ne l’aide pas à accéder à une
indépendance nécessaire à la valorisation de sa propre estime de lui.
Ainsi, l’adolescent handicapé pour se construire en adulte, doit donc suivre sa quête
identitaire, trouver et justifier sa place en renforçant sa propre estime, et ce, en luttant
contre la discrimination, les conflits internes qui le tiraillent et l’extrême présence de son
propre environnement. On comprend désormais que la tâche est ardue, et que le chemin est
beaucoup plus long lorsqu’on est touché par un handicap.
16
d) Représentations sociales de l’adolescent
Si la construction de l’adolescent passe par un conflit interne parfois difficile à accepter de
par ces nombreux changements, il doit aussi composer avec un second conflit qui se joue
avec la société dans laquelle l’adolescent cherche sa place de citoyen et d’adulte, mais que
celle-ci semble peiner à lui reconnaître.
Cela s’explique de différentes manières. Il y a dans un premier temps le statut de
l’adolescent. En effet, il passe d’un statut d’enfant dont on contribue au développement
psycho-affectif par la valorisation des apprentissages notamment ; à un adulte en devenir
que la société tente de contenir sans lui donner pour autant la place qu’il demande. En
réalité, cette période est un double deuil (deuil de l’enfance / deuil de la maîtrise de
l’enfant pour les parents). Tout est question de place, de reconnaissance. « On dira encore,
nous souvenant du siècle passé, que des sociétés vieillissantes, idéologiquement et
démographiquement, ne voient pas d’un bon œil l’arrivée à maturité de jeunes
générations, devenues, soudain, de potentiels concurrents pour les places sociales » (Fize,
1998, p97).
Il peut y avoir également des vestiges de notre société historiquement catholique. À titre
d’exemple, le système scolaire à lui, également une part de responsabilités dans les
représentations que la société se fait de l’adolescent. Institution magnifiée par la culture
occidentale, n’oublions pas que les enseignants sont des personnes qui n’ont jamais quitté
le système scolaire et enseignent donc au fil des années les mêmes préceptes et valeurs,
alors que la société a pourtant subie une mutation. Emile DURKHEIM relevait d’ailleurs
déjà ce souci en son temps : « Sur bien des points, notre système traditionnel d'éducation
n'est plus en harmonie avec nos idées et nos besoins » (Durkheim, 2003, p81). De fait,
l’éducation a aussi sa part de responsabilités dans le sentiment de dévalorisation, ainsi que
dans le retrait et désintéressement des adolescents pour l’enseignement. Serge BOIMARE
explique d’ailleurs la conséquence qu’ils peuvent avoir sur les adolescents : « Le
raisonnement est le suivant : celui qui n'a pas confiance en lui affronte les situations
difficiles avec un handicap. Ses résultats, décevants, contribuent à affaiblir son insuffisante
estime de lui-même » (Boimare, 2009, p32).
Finalement, quand il faut pouvoir trouver des réponses pour répondre aux deux conflits
majeurs qui agitent l’adolescent, les non réponses de la part de ses figures d’attachement et
de la société souvent violente (système scolaire, précarité) provoquent de fait l’exclusion
17
des adolescents. C’est pourtant cette mise à distance qui le renvoie à un sentiment
d’inutilité, au besoin de défendre son territoire, son existence et donc sa légitimité au sein
de la société. Patrice HUERRE pose alors cette question : « Notre difficulté à accepter
aujourd’hui de faire place aux jeunes dans la société adulte n’aurait-elle rien à voir avec
ces réflexes groupaux “archaïques” ? » (Huerre, 2001, p6).
La construction identitaire des adolescents est ainsi extrêmement importante, et si
l’entourage proche ou la société n’est pas en mesure d’apporter son soutien, c’est auprès de
ses pairs qu’il trouvera les réponses à ses interrogations. Il y trouvera également une place
au sein de son groupe, et finalement une existence qui le conforte dans son statut de
personne unique. Cette volonté de domination de la société sur les adolescents pourrait
ainsi s’expliquer par cette difficulté de contrôle sur ces êtres en devenir, insaisissable, et
incompris. Erik ERIKSON écrivait d’ailleurs : « Que là ou des identités dominantes
dépendent du seul fait d’être dominantes, il soit difficile d’accorder aux dominés une réelle
égalité » (Erikson, 1972, p282).
Ainsi, l’adolescent déjà aux prises dans deux conflits majeurs (avec lui-même et la société)
doit donc également composer avec les représentations sociales pouvant l’affecter dans son
développement.
3) L’insertion des personnes vulnérables
a) L’identité de la personne
L’adolescent, la personne en situation de handicap ont tous deux un parcours et une
évolution qui ne sont pas aisés au sein de la société. Mais si les représentations sociales
expliquent en partie la raison de cette stigmatisation, il est possible d’aller chercher un peu
plus loin. Leur identité est-elle si différente des autres ? L’identité est extrêmement
difficile à définir car elle est immatérielle, elle n’est pas une chose concrète que l’on peut
désigner du bout des doigts comme un objet spécifique. Pourtant elle permet malgré tout
de se différencier, de s’affirmer, de se reconnaître parmi les autres, c’est là toute
l’ambivalence de ce concept. L’identité vient du latin « idem » signifiant : le même.
Lorsqu’on lit les diverses définitions de l’identité dans le dictionnaire, il est une chose qui
se révèle aisément, c’est que l’identité est toujours rapport aux autres. Elle peut évoluer, et
se construit en rapport avec notre environnement. Si l’identité signifiant « le même »
existe, c’est qu’il existe forcément un « différent ».
18
Finalement l’identité en tant que telle, est toujours conditionnée par l’environnement, c’est
la désignation des similitudes (identités collectives, individualisation d’un être, objet, etc.)
vis-à-vis des autres. C’est aussi là que se révèle l’ambivalence de cette notion identitaire,
amplifiée davantage lorsqu’on parle d’une identité collective. C’est-à-dire lorsque des
personnes partagent une identité culturelle, ethnique, ou nationale. Anne-Marie DROUIN-
HANS explique d’ailleurs que : « L’identité culturelle peut alors se définir comme un
ensemble de représentations et de pratiques considérées comme caractéristiques d’un
groupe particulier […] Mais ce sont les particularités communes qui sont mises en avant,
avec l’oubli que les individus sont plus différents qu’ils ne se ressemblent » (Drouin-Hans,
2006, p20). Ainsi, le respect de notre propre identité, dans le but d’uniformiser le groupe
en respectant ses normes, ses règles implicite ou non, s’effectue au détriment de ce qui fait
notre singularité et donc notre identité.
Le groupe d’ailleurs. Le groupe est défini comme un ensemble d’individus possédant des
caractères, valeurs, attributs communs (que des femmes, des adolescents, des jeunes, des
personnes en situation de handicap, …), mais il se distingue des autres groupes. Les
particularités qui émergent alors sont les notions d’appartenance et de norme. En effet,
chaque groupe possède ses propres valeurs, ses propres normes. Ce sont en quelques sortes
les règles qu’il convient de respecter et dont il ne faut pas être trop éloigné, pour continuer
à être intégrer dans le groupe. Howard BECKER rappelle d’ailleurs que la plupart des
normes édictées pour un groupe le sont par des personnes extérieures à ce dernier, mais
aussi que nous appartenons tous simultanément à plusieurs groupes à la fois (Becker, 1985,
p40). Le respect de ces normes définie aussi le groupe vis-à-vis de ceux qui en sont
étrangers : « L’anthropologie sociale nous a montré comment chaque groupe culturel
discrimine, lit, classe et agit en conséquence face à toute “anomalie” qui s’exprime en
décalage des attendus et de l’ordre de la communauté » (Tabin, 2019, p17).
Le groupe est donc vecteur de construction et de lien social. Il permet la transmission de
lien et de valeurs communes au groupe qui sont transmises et partagées par ses membres. Il
assure également un statut, une place, en son sein, mais aussi plus largement au sein de la
société par une hiérarchie des groupes. C’est le cas des personnes en situation de
handicap : « En d’autres termes, c’est en fonction d’une normalité construite en tant que
standard que sont définies les insuffisances. Cet élargissement du focus d’analyse permet
une remise en question du handicap comme altérité inférieure, c’est-à-dire comme
situation intrinsèquement négative et ontologiquement intolérable » (Ibid, p9).
19
b) L’insertion
L’insertion est l’action d’insérer, elle a pour origine le mot latin « inserere » qui signifie :
mettre dans. Il existe ainsi deux formes d’insertions que sont : l’intégration et l’inclusion.
L’insertion est ainsi une manière d’intégrer ou d’inclure un groupe, une communauté, voire
une personne dans la société par exemple. L’Index International et Dictionnaire de la
Réadaptation et de l’Intégration Sociale (IIDRIS) pose cette définition de l’insertion
sociale comme : « une action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une
situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement ; c’est
également le résultat de cette action, qui s’évalue par la nature et la densité des échanges
entre un individu et son environnement » (CNLE, 2014).
Robert CASTEL lui, complètera ce concept en expliquant que l’insertion sociale est aussi
liée au processus d’appartenance courant sur deux axes : l’intégration ou non intégration
par le travail et l’insertion ou non insertion dans une sociabilité socio-familiale. D’après
lui, notre insertion au sein de la société est plus ou moins bien perçue dans les
représentations sociales, selon le degré et la place qu’on occupe sur ces deux axes. Il
précise d’ailleurs que : « L’insertion professionnelle et l’insertion sociale ne débouchent
pas sur le même registre de participation sociale. L’insertion professionnelle place
l’individu dans un système d’interdépendances et lui donne une utilité sociale et une
autosuffisance alors que l’insertion sociale, seule, en fait un surnuméraire » (Debordeaux,
1994, pp93-100).
Ainsi, l’insertion comporte deux modèles, mais depuis quelques années est venu fleurir ce
nouveau mot autour d’elle. On entend désormais de plus en plus souvent parler
d’inclusion. En 2002, le centre d'inclusion économique et social définit l’inclusion ainsi :
« L’inclusion est un processus par lequel des efforts sont fait afin de s’assurer que tous,
peu importe leurs expériences, peuvent réaliser leur potentiel dans la vie. Une société
inclusive est caractérisée par des efforts pour réduire les inégalités, par un équilibre entre
les droits et les devoirs individuels » (Centre for Economic and social inclusion, 2002).
L’inclusion serait donc désormais le fait de donner à chacun les moyens de réaliser ses
projets, quelles que soient son origine, sa culture, ses particularités (qu’elles soient
physiques ou psychiques) en ajustant sans cesse, et autant que possible un équilibre entre
tous les individus.
20
L’intégration, elle, vient du latin «integrare » qui signifie renouveler, rendre entier. Elle
désigne l’action d’entrer dans un tout, un groupe, un pays, etc. La différence entre cette
intégration et cette inclusion se situe dans le rapport à l’environnement. En effet,
lorsqu’une personne est intégrée, elle doit s’adapter à l’environnement pour y être
pleinement insérée. A l’inverse, lorsqu’une personne est incluse, c’est l’environnement
tout entier (familial, professionnel, scolaire, social) qui s’adapte à la personne afin qu’elle
puisse y développer pleinement ses potentialités. C’est donc un changement de paradigme.
Depuis la loi de 2005, il est demandé aux différents acteurs de permettre l’insertion sociale,
scolaire et professionnelle des personnes en situation de handicap. Des lois sont
promulguées pour diverses raisons telles que définir ce qu’est le handicap (ce qui signifie
que la personne est ainsi réduite à son handicap et non à ses propres compétences) ou
encore prononcer une équité entre le milieu dit « ordinaire » et les personnes en situation
de handicap (ce qui montre bien que des inégalités persistes).
Concrètement, le concept d’inclusion comme décrit par la loi persiste à mettre les postures
solidaires (intégration) et inclusives en concurrence. Charles GARDOU explique que :
« Au-delà d’un consensus de façade pour combattre les phénomènes d’exclusion, il y a
stagnation » (Gardou, 2012, p12). Il existe trop d’ambivalence et d’incohérence dans ces
deux postures pour faire le choix de l’une ou l’autre, peut-être qu’une révision des normes
ou une cohabitation permettrait de repartir sur de nouvelles bases. Jean Pierre TABIN
ajoute d’ailleurs : « C’est donc la manière d’agir de l’institution qui pose problème et non
le but de son action ou les principes normatifs qui la sous-tendent » (Tabin, 2019, p85). Le
travail est donc à effectuer sur les représentations sociales liées au handicap, mais aussi sur
la révision des normes.
c) Influence des représentations sur l'insertion
Nous l’avons vu, l’importance du travail à mener sur les représentations sociales est
colossale. A titre d’exemple, le logo représentant la personne en situation de handicap est
une personne en fauteuil alors que le handicap moteur ne représente que 5,8% des
personnes en situation de handicap.
On pourrait aisément tirer d’autres exemples de ce genre de représentation, tel que les
porteurs du VIH dans les années 80, ou plus proche de nous, les migrants. Ce que ces
catégories d’individus nous renvoient jouent un rôle important sur les représentations
21
sociales. C’est ce qu’explique Denise JODELET lorsqu’elle écrit : « Il existe également
des ressorts émotionnels à la fabrication des faits. La communication sert alors de
soupape pour libérer les sentiments dysphoriques suscités par des situations collectives
anxiogènes ou mal tolérées […] La peur, le rejet de l’altérité entre autres suscite des
échanges qui donnent corps à des informations ou événements fictifs. Ainsi se créent de
véritables “légendes urbaines” » (Jodelet, 2003, p65).
Là encore, la représentation est ancrée dans les consciences collectives, et c’est bien sur cet
inconscient collectif que nous devons travailler pour favoriser l’insertion des personnes en
situation de handicap, mais pas uniquement. En effet, les représentations sociales sont
également en lien avec les principes normatifs de la société tels que nous les avons décrits
précédemment. De fait, elles favorisent ou non l’insertion sociale des individus. C’est ce
que souligne Vincent DE GAULEJAC : « L’individu est évalué en fonction de son utilité
sociale, celle-ci étant mesurée par le revenu qu’il reçoit en échange de son activité, le
pouvoir qu’il peut exercer sur d’autres, la quantité des biens qu’ils peut acquérir. Ceux qui
ne répondent pas aux normes, ceux dont les activités ne sont pas monnayables n’ont pas de
valeur pour la collectivité. Ce sont les exigences normatives de la société […] qui
entraînent les individus défaillant dans la dévalorisation et dans la honte de soi qui
paralyse » (De Gaulejac, 2014, p21).
L’article L114-2 du code de l’action sociale et des familles stipule que les différents
acteurs intervenant auprès des personnes en situation de handicap dans le but de veiller à
développer au maximum leur autonomie vise à : « assurer l'accès de l'enfant, de
l'adolescent ou de l'adulte handicapé aux institutions ouvertes à l'ensemble de la
population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. Elle
garantit l'accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes
handicapées.»
L’accompagnement et le soutien des familles et proches dit la loi. Carl ROGERS
développait lui, l’idée de l’écoute inconditionnelle. Basée sur les principes de congruence,
de considération positive inconditionnelle et de compréhension empathique, elle permet
d’accueillir la personne handicapée. Ces différentes notions permettraient de travailler sur
l’accompagnement des adolescents en situation de handicap en étant davantage centré sur
l’écoute et l’émotion que sur la représentation et ce qu’elle nous renvoie.
22
Cette idée a été évoquée dans un ouvrage de Paul RICOEUR (Soi-même comme un autre).
Il y explique que notre propre développement passe par le rapport entretenu à l’autre. De
fait, pour apprendre à prendre soin de l’autre, et donc l’accepter comme altérité, il est
nécessaire de trouver des similitudes entre soi et l’autre. C’est l’identification minimale. Ce
concept prévoit qu’on ne peut pas accompagner tout le monde tout le temps (par exemple,
il est difficile d’accompagner un deuil si on en vit un soi-même, ou certaines situations qui
viennent bousculer violemment nos représentations...). Il est important d’avoir conscience
de ses limites.
Ainsi, face au handicap, nos représentations nous mènent à poser un regard sur la
différence, nous l’avons vu. Celui-ci amène différentes représentations « positives » (la
personne en situation de handicap développe plus certains sens...) et « négatives » (elle est
faible, a forcément besoin d’aide...). Ces représentations doivent être conscientisées et c’est
à partir d’un travail de fond sur ces représentations que ces dernières pourront changer. Il
s’agit de ne pas nier la différence, mais bien de l’accepter.
Le modèle Suisse démontre que la population en situation de handicap présente partout
(quasi absence d’institutionnalisation et donc d’enfermement) est pleinement intégrée dans
la société. Elle fait partie de cette dernière et n’est plus comme en France dans une position
liminale. Le risque d’avoir des attentes de réponses ou de comportements particuliers
envers ces personnes est ainsi limité par la place qu’occupe la personne en situation de
handicap dans l’inconscient collectif et donc dans les représentations sociales.
Finalement la plus grande représentation de l’adolescent en situation de handicap est la
nôtre. Être face au handicap ou à l’adolescent nous confronte à nos peurs archaïques et à
nos idéaux. Certaines représentations liées à l’image du corps, de notre propre corps, nous
ramènent à la « monstruosité et à l’anormalité » liées au handicap. Il peut être difficile de
voir le semblable entre nous et la personne atteinte de handicap, chacun ayant sa propre
conception de la différence.
Il en est de même face à l’adolescent qui nous renvoie aussi l’adolescent que nous avons
pu être et que nous ne sommes plus. L’adolescent, effraye autant qu’il fascine car la
compréhension de ce dernier défit toute logique. Il possède une forme d’insouciance ou de
liberté révolutionnaire vestige de l’enfance que l’adulte perd lorsqu’il entre dans « le
moule » du groupe, de la société. De fait, l’adulte peut aussi se voir renvoyer ce qu’il n’est
plus en mesure de faire, ou ce qu’il aurait aimé faire et n’a pas fait.
23
Face à l’adolescent en situation de handicap, il se met alors en place nombre de
mécanismes de défense inconscients. Il est donc important d’avoir un espace pour penser et
intégrer la différence, le handicap, comme une « normalité » afin de réfléchir sur ses
représentations, et d’accepter les émotions qui nous traversent. On comprend désormais
que l’insertion des adolescents en situation de handicap reste un exercice difficile, et qui,
même s’il est rendu compliqué par les représentations sociales, l’est également par les
institutions elles-mêmes influencées par les représentations sociales.
II)Partie exploratoire
1) La méthodologie de l’exploration
a) L’enquête
Après avoir mené une étude théorique et développé nombre de concepts tournant autour de
sujets clés que sont : l’adolescent, le handicap, mais aussi l’insertion sociale et comment
les représentations sociales gravitent autour de ces différents thèmes, le sujet n’aurait pour
autant pas été clos.
En effet, la partie théorique, seule, n’est qu’une vision généraliste de la réalité. Pour
pouvoir compléter cette étude, il est important de pouvoir allier théorie et pratique. De fait,
la vocation de cette partie exploratoire est de venir questionner les différents acteurs
présents sur le territoire afin de pouvoir allier cette réalité de terrain à la théorie
Mais au-delà de ce simple questionnement, cette partie est surtout la possibilité d’explorer
un territoire donné au départ d’une question posée comme : en quoi le fait d’être
adolescent et handicapé impacte l’insertion sociale ? C’est d’ailleurs ce qu’explique
Raymond BOUDON lorsqu’il écrit : « Au-delà de ces techniques descriptives, les
méthodes sont aussi – et surtout – des ensembles de principes qui guident les scientifiques
pour élaborer de nouvelles théories et pour procéder à l’analyse critique des théories
existantes » (Boudon, 2018, p3). Avant d’ajouter plus loin : « Le point de départ d’une
enquête quelconque est en général une question de type pourquoi ? » (Ibid, p5).
Pour ce faire, il m’a fallu réaliser ce qu’on appelle une enquête de terrain. Le but de cette
dernière est en premier lieu de pouvoir : « Obtenir des informations sur les opinions, les
croyances, les comportements, ou d’autres attributs d’une catégorie de population, en
interrogeant ceux qui en font partie » (Jones, 2000, p170). Les données ainsi obtenues
permettent à l’enquêteur de pouvoir les analyser et ainsi de déterminer avec le plus de
24
justesse possible, en fonction de la méthode qu’il utilise, si ses propres hypothèses sont
validées ou non.
Il existe plusieurs types de méthodes possibles en fonction de ce que l’enquêteur cherche à
obtenir. Cependant, ces dernières peuvent être utilisées conjointement, c’est-à-dire
indépendamment les unes des autres, mais de manière complémentaire pour répondre à une
question, et ainsi pouvoir étayer davantage l’analyse réalisée avec les différentes données
obtenues.
Pour mener une enquête exploratoire, il se pose donc la question de l’analyse que l’on veut
faire des données récoltées.
b) Le choix de la méthode d’investigation
L’enquête par questionnaire a pour objectif de : « Rassembler une grande quantité
d’informations, aussi bien factuelles que subjectives, auprès d’un nombre important
d’individus – la représentativité de cet échantillon autorisant d’inférer à l’ensemble de la
population d’étude les résultats obtenus auprès des enquêtés » (Paugam, 2012, p93).
L’enquête par questionnaire donne lieu à une recherche de données quantitatives.
L’analyse de ces réponses permet d’établir des données statistiques permettant d’avoir une
approche des liens de causalité.
Hélas, concernant les adolescents en situation de handicap, et d’une manière générale, les
personnes en situation de handicap qui sont au cœur de ce sujet, les bases statistiques déjà
existantes sont extrêmement faibles. C’est d’ailleurs ce que relevait déjà Catalina
DEVANDAS-AIGUILAR lorsqu’elle écrit : « Je constate un manque cruel de données et
de statistiques sociodémographiques ventilées par handicap. À titre d’exemple, le
recensement national ne comporte aucune question sur le handicap et la dernière enquête
Handicap-Santé remonte à 2008 » (Haut-commissariat au droit de l’homme des nations
unies, 2017).
Aussi, pour rédiger ce mémoire d’initiation à la recherche, le temps imparti ainsi que le
contexte sanitaire actuel installé depuis mars 2020 ne favorisant pas la collecte de données
quantitatives suffisantes (nécessité d’un échantillon conséquent) pour mener une analyse
de qualité ; le choix a donc été fait de laisser les questionnaires de côté et de s’orienter sur
une enquête par entretien.
25
Cette dernière, bien que complémentaire à l’enquête par questionnaire, n’appelle pas les
mêmes données. Elle lui est opposée en ce sens qu’elle cherche à obtenir des données
qualitatives. En somme, le but de l’entretien n’est pas de recueillir des données chiffrées
mais bien des témoignages, des avis, des remarques de personnes interviewées. Madeleine
GRAWITZ le définit ainsi : « C’est un procédé d'investigation scientifique, utilisant un
processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec un
but fixé » (Grawitz, 1990, p664).
Les résultats obtenus lors des entretiens permettent d’ailleurs par la suite de faire émerger
des particularités bien spécifiques, ce qu’explique Russel JONES lorsqu’il écrit : « Une
enquête peut livrer des informations descriptives légèrement plus complexes en posant de
mêmes questions à deux ou plusieurs catégories de populations. Les réponses sont alors
utilisées pour percevoir les différences apparaissant entre différents groupes ou sous-
groupes » (Jones, 2000, p170).
Afin de répondre à différentes thématiques, il m’a donc semblé plus intéressant de pouvoir
obtenir le point de vue des personnes interrogées, et ce, sans que ces dernières ne se voient
enfermées leurs croyances, leurs engagements et leur sincérité.
Toutefois, l’entretien, lorsqu’il est directif peut lui aussi enfermer l’enquêté dans une forme
de réponse qui peut lui être sous-entendue par l’enquêteur. Le choix de l’entretien sera
donc un entretien semi-directif, car il permet une relative souplesse en termes de réponse
pour celui qui est interviewé, mais aussi un confort pour l’enquêteur qui peut garder la
main sur des éléments plus organisationnels, tels que le temps ou les sujets questionnés.
Madeleine GRAWITZ écrit d’ailleurs à son propos que : « L’attitude non-directive est
fondamentalement une attitude démocratique et chrétienne de respect de la personne, de
fraternité active et de confiance en l’homme […]. Elle permet le mieux d’approcher la
réalité, la vérité des autres » (Grawitz, 1990, p754). Madeleine GRAWITZ décrit ainsi
avec justesse ce que je cherche à obtenir, “la réalité des autres” soit leurs propres
représentations.
c) Le choix de l’échantillon
Après avoir déterminé le type d’enquête et de données que je cherchais à recueillir, il se
pose alors la question de l’échantillon sur lequel je vais chercher ces données, mais aussi la
création du guide d’entretien pour aller les amener à me fournir ces dernières.
26
Au vu de la question de départ et des sujets clés qui s’y rattachent, le plus judicieux est de
pouvoir obtenir un échantillon varié. En effet, « un échantillon bien diversifié est plus
susceptible de recueillir des informations auprès de gens qui affrontent un problème
similaire dans des conditions suffisamment variées » (Jones, 2000, p142). De fait, comme
le rappel Russel JONES : « La préparation d’une recherche oblige par ailleurs à
déterminer quelles personnes seront soumises à un entretien » (Ibid, p142).
Etant donné que ma question de départ interroge l’insertion sociale des adolescents en
situation de handicap, la première catégorie que je vais interpeller sera bien évidemment
les adolescents en situation de handicap. Leurs avis, leurs parcours et leurs expériences de
ce dernier sont une source d’information très importante, car c’est une vision que personne
ne peut juger sans y avoir été confronté, notamment sur leurs liens et leurs expériences
envers la société.
Mais pour pouvoir compléter et étoffer ces entretiens afin qu’ils puissent être le plus
complets possible, je me suis également intéressé aux professionnels qui accompagnent ces
adolescents. Ces personnes sont au quotidien avec eux, et possèdent en quelques sortes une
sensibilité au handicap déjà présente. Cela permet donc d’interroger leur manière de
travailler, mais aussi ce qu’ils cherchent à réaliser au travers des accompagnements qu’ils
dispensent, sont-ils en phase avec les souhaits et aspirations de ces adolescents par
exemple ? Enfin, et pour tenter d’observer au mieux les représentations sociales en
présence dans cette enquête, j’ai fait le choix d’intégrer une troisième composante, à savoir
des gérants de société ou responsables des ressources humaines du milieu dit « ordinaire »,
ayant dans leurs murs des personnes en situation de handicap ou non.
Voici donc la liste des personnes interrogées1
lors de ces entretiens, ainsi que leurs statuts
et établissements :
Amélie DAME Adolescent en situation de handicap
David CFAS Adolescent en situation de handicap
Samuel DAME Adolescent en situation de handicap
Aurore Hôpital de jour / Accueil familial thérapeutique Educatrice spécialisée
Christian DAME Cadre Socio-Educatif
Martin Entreprise privée Gérant de société
1
Les noms utilisés dans ce mémoire sont tous des noms d’emprunt afin de respecter l’anonymat
27
Par cette richesse d’échantillon, je peux ainsi recueillir l’avis de personnes diverses sur une
même thématique, mais vécue différemment en fonction de l’orientation du point de vue de
chacun. L’analyse réalisée permettra de mettre en lumière ces disparités.
Ainsi, après avoir déterminé l’échantillon autour duquel je vais travailler et tenter d’obtenir
des entretiens, ces derniers ne peuvent se permettre d’être réalisés de manière négligente.
Aussi, pour pouvoir obtenir l’adhésion des enquêtés sur des sujets clés, et des réponses les
plus sincères possibles, mon rôle est de veiller à ne pas les mettre en difficulté. Pour ce
faire, la réalisation d’un guide d’entretien s’avère nécessaire. En effet : « Si le recours à
des entretiens s’impose, l’élaboration d’un guide d’entretien s’avérera nécessaire. Ce
guide rappellera quels points l’interviewé devra être amené à aborder, soit spontanément,
soit en y étant incité par l’intervieweur » (Jones, 2000, p139).
J’ai donc construit un guide d’entretien (Cf : annexe I) tournant autour de 4 grandes
thématiques communes. Ces thématiques sont, elles, abordées par le biais de différentes
questions permettant une approche différente pour les personnes interviewées. Au total,
cela représente 12 questions.
Les entretiens réalisés ont duré entre 25 minutes et 1 heure en fonction de l’aisance verbale
de chacun, et ont tous été retranscrits pour permettre de réaliser une analyse de leur
contenu en fonction des thématiques abordées.
À défaut de pouvoir obtenir une tendance nationale sur ces sujets, l’échantillon autour
duquel j’ai travaillé me donne déjà une tendance locale, bien que ce dernier comporte bien
évidemment des limites comme indiqué précédemment dans la partie méthodologie.
2) L’analyse des données recueillies
a) Le handicap dans la société : image et représentation
Au cours de la partie théorique, une définition du handicap donnée par la loi du 11 février
2005, relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées, expliquait ce qu’était le handicap, ou du moins tentait de le définir.
En France, il est référencé 5 grandes familles de handicap (les maladies invalidantes, le
handicap psychique, la déficience intellectuelle ou mentale, le handicap physique et le
handicap sensoriel), (Mission handicap, 2018).
28
Pour autant, lors de mes entretiens, j’ai abordé la question de la connaissance des différents
handicaps et de leurs différentes manifestations. D’une manière générale, les personnes en
situation de handicap ne posent pas un nom sur le(s) handicap(s) qu’elle(s) possède(nt)
mais en listent plutôt les symptômes et les conséquences de ce(s) dernier(s), à l’image de
David qui déclare : « J’ai du mal à lire et j’avais du mal à écrire, et … j’avais des
difficultés à parler »2
. À l’inverse les personnes issues du milieu dit « ordinaire » vont
majoritairement citer le handicap physique, en occultant complètement les handicaps
invisibles (psychique, intellectuel, …) comme Martin qui dit : « Je connais le handicap
physique, tout ce qui est physique … Un bras en moins, une jambe en moins ». Pour ce qui
est des professionnels travaillant au sein des Établissements Sociaux et Médico-Sociaux
(ESMS), ils définissent très clairement les différents types de handicap présents dans leurs
structures, mais aussi les différentes particularités de ces derniers.
Il semble donc qu’il existe certaines disparités sur la connaissance des différents
handicaps. Elle serait fonction de la sensibilité que l’on aurait avec le handicap. En effet,
les personnes rencontrant régulièrement des personnes en situation de handicap semblent
avoir des prédispositions à pouvoir répondre à cette question avec justesse. Les personnes
en situation de handicap restent, elles, essentiellement centrées sur les particularités, mais
cela peut aussi dépendre du degré d’acceptation qu’elles ont de leur handicap. Samuel me
dit d’ailleurs à propos de son handicap (dont il est le seul à le nommer) : « J’ai réussi à
passer le cap, j’avais du mal à me considérer comme un handicapé, beaucoup de mal à
accepter le handicap. Aujourd'hui, j’ai moins de mal, je m’assume ».
Autre élément qui ressort de ces entretiens sur la représentation du handicap, c’est que
l’ensemble des personnes interrogées semble s’accorder pour dire que le regard porté sur le
handicap par la société se serait amélioré au fil des années. Là où cela diffère en revanche,
c’est sur les raisons évoquées pour expliquer ce changement. Les personnes en situation de
handicap parlent elles, de leurs efforts, de ce qu’elles ont entrepris au sein de leur quotidien
pour rentrer dans les standards demandés par la société. Comme Amélie, qui m’explique
que : « Il y a moins de personnes qui me regardent de travers, j’ai moins de gens qui me
font des remarques sur mon handicap, ça s’est amélioré » et qui me répond, quand je lui
demande à quoi c’est dû : « C’est par rapport aux efforts que je fais sur mon handicap ».
2
Extrait d’entretien d’exploration
29
Même réponse pour Samuel, qui me répond avec beaucoup de prestance : « Un handicapé
tant qu’il a envie d’y arriver à ses objectifs, il y arrive ».
Les professionnels des ESMS et gérant de société parlent plutôt d’une meilleure visibilité
du handicap porté notamment par l’évolution de la loi et les médias avec des émissions
telle que le Téléthon. Martin exprime justement : « C’est juste qu’on en parle plus, comme
tout aujourd’hui, à cause des médias. Mais je pense que c’est resté un sujet assez tabou, et
qu’on le vit mal parce que c’est quelque chose qu’on ne connaît pas en fait. Et à l’heure
d’aujourd’hui, ce qu’on ne connaît pas, ça fait peur ».
Il semble donc qu’une amélioration du regard porté sur le handicap se soit développée au
fil des années, néanmoins, la représentation de ce dernier fait encore, comme le dit
justement Martin, peur. Aurore, éducatrice spécialisée auprès d’enfant autiste, l’analyse
ainsi : « Je pense qu’il y a une grande méconnaissance, il y a de grandes interrogations
[…] on perçoit le regard des gens », avant d’ajouter : « Il y a des choses de l’étrangeté
(dans le handicap), l’extérieur à tendance à être dans la peur, dans l’incompréhension de
ce qui se joue […] ça a tendance à faire peur facilement dès que ça sort d’une normalité. »
b) L’adolescent et l’adolescence aujourd’hui
Si le handicap n’échappe pas aux interrogations, aux incertitudes qu’il génère chez les
personnes qui ne le côtoient pas, l’adolescent n’est pas non plus en reste. Définir ce qu’est
un adolescent est d’ailleurs très complexe. La majorité des personnes interrogées définit
l’adolescence comme étant une période liée à l’âge et se situant entre l’enfance et l’adulte.
Elle se situerait « entre 12 à 22 ans ». Seuls les professionnels des ESMS définissent
l’adolescent comme étant un être en devenir, et axent leur définition plus sur un plan
sociologique que sur une période liée d’âge. Un cadre me précise d’ailleurs : « C’est une
période liminaire […] le passage par l’adolescence est singulier selon les individus ».
Avant de poursuivre : « En France, on aime bien mettre dans des petites cases, donc on a
mis le terme générique de l’adolescence pour parler d’une période de vie qui est un peu
indéfinie ». Aurore confirme cette vision parlant de l’adolescent comme étant : « Un adulte
en devenir… Il y a une sorte d’éveil, de curiosité de la vie. Plein de chose se rejoue, de
l’enfance, des liens d’attachement. »
Si la définition de l’adolescent et de l’adolescence semble un exercice compliqué tant il
existe de variables, il semble également que l’environnement et l’accompagnement joue un
30
rôle important sur cette période. L’adolescent est très souvent représenté dans l’inconscient
collectif comme un être “ingérable” et “immature”. Pour autant, lorsque j’aborde ce sujet
durant les entretiens, l’ensemble des adolescents me disent avoir vécu une adolescence
semblable à celle de n’importe quel adolescent. Néanmoins, l’un d’entre eux m’explique
avoir mal vécu les moqueries des autres adolescents. Il s’est senti mieux depuis son arrivée
au DAME : « Les jeunes ici, on a tous un handicap et on en est conscient ». Cette
identification à ses pairs lui aurait ainsi permis de surmonter cette période.
La question de l’identification aux pairs est d’ailleurs assez récurrente dans le
développement de l’adolescence. Elle semble jouer un rôle extrêmement important dans
leur transition vers l’âge adulte, et plus globalement dans leur insertion sociale au
quotidien.
c) L’insertion sociale des adolescents en situation de handicap
Mais si la plupart des adolescents disent avoir eu une adolescence normale, il est
intéressant de relever que lorsqu’on leur demande comment ils abordent leurs activités
extra-scolaires, tous m’évoquent des activités individuelles ou alors en présence de leur
famille. Comme Samuel qui m’explique, outre sa passion pour la musique : « J’essaye de
sortir un peu quand même, parce qu’il ne faut pas non plus rester enfermé. Je fais des
courses avec mes parents, je promène mon chien ». Ou encore Amélie qui me dit : « Je fais
tout ce qui est la photographie, j’adore prendre des photos de la nature » et David qui
ajoute : « Je fais du vélo, je m’amuse avec mes frères ». Il semble donc que l’insertion
sociale, au sens où elle est d’ordinaire entendue, ne soit pas la même ; et que celle que
vivent ces adolescents, se passe soit entre personnes en situation de handicap ou alors en
“vase clos”, en famille.
Aurore, lors de notre entretien, m’explique que l’insertion sociale des personnes en
situation de handicap pourrait n’être qu’une sorte « d’illusion », et qu’en réalité, la place
laissée à ces personnes serait paradoxale à ce que les politiques sociales demandent
actuellement dans leur volonté de désenfermement institutionnel et de réalisation d’un
système pleinement inclusif. Elle m’apporte un autre éclairage sur l’insertion sociale
justifiant que : « C’est aussi la place que l’on veut laisser au jeune dans l’exploration
possible, et ça, c’est forcément contextuel avec les époques. Parler de limites, c’est aussi
les limites qui sont imposées par une société. Ce n’est pas uniquement la sphère familiale,
c’est aussi les limites possibles et tolérées d’une société ».
31
Mais l’insertion sociale passe également par l’insertion scolaire et professionnelle. Là
encore, la plupart des adolescents interrogés s’accordent pour dire que leur scolarité s’est
bien passée et se félicitent de leurs parcours respectifs, comme Samuel qui me dit : « Ma
scolarité se passe très bien. La preuve, c’est que normalement l’année prochaine, je vais
dans un lycée » ou encore David qui me dit avec fierté : « Je suis en CAP 2e
année ». Sur
le plan professionnel, tous ont un projet et s’y préparent avec sérieux. Là encore, Samuel et
Amélie m’expliquent qu’ils ont des séances d’atelier deux à trois fois par semaine au sein
de leurs établissements, et qu’à ces séances s’ajoutent des mises en stage au sein du milieu
ordinaire ou d’établissements adaptés (ESAT, FV, EA).
Samuel me décrit le protocole ainsi : « Le référent demande au jeune s’il veut faire un
stage, et si le jeune dit oui, le référent va tout faire pour le mettre en stage », mais la
pression du milieu ordinaire semble cependant rester extrêmement forte. Il ajoute avec
lucidité : « Au début moi, j’avais quand même très peur, toutes les nuits je n’arrivais pas à
dormir […] j’en parle à mes parents, je leur dis voilà, j’ai peur dans le sens où je vais pas
y arriver, et je suis pressé en même temps d’aller en stage. Ces deux émotions se
mélangent, des émotions normales. Je veux dire, on a peur de ne pas y arriver ». Aussi,
lorsque je demande aux adolescents s’ils se sont sentis suffisamment accompagnés et
soutenus dans ces moments, la réponse est unanime. David, en CAP, me répond : « Oui, ils
ont bien fait leur travail, ils ont confirmé le métier que je voulais faire depuis longtemps.
J’en rêvais à chaque fois ».
Néanmoins, les professionnels des ESMS bien que poursuivant leurs missions
d’accompagnement n’ont pas tout à fait le même regard et sont plus critiques sur leur
travail, pointant du doigt différentes choses telles que l’organisation institutionnelle ou les
politiques sociales actuelles qui selon eux seraient chimériques, voire trompeuses.
d) Les politiques sociales : un constat en demi-teinte
Aurore, sur le plan scolaire, met en garde sur la volonté d’inclure à tout prix : « Il n’y a pas
suffisamment de moyen. Il faut intégrer à tout prix, c’est joli, mais il faut intégrer
comment, intégrer dans quelle configuration et où si on ne met pas les moyens où il
faut […] il n’y a pas suffisamment d’accueil pour ces enfants. Je veux dire, c’est la bataille
». Elle argumente en expliquant que d’un côté les handicaps sont singuliers et que les
adolescents ne peuvent donc suivre une scolarité standard et uniforme à tous, et que d’un
autre côté les professionnels de l’Éducation Nationale ne sont pas toujours formés, ni
32
accompagnés pour travailler avec ce public avec des classes déjà surchargées. Un cadre
ajoute également : « On peut faire croire, donner l’illusion aux parents, l’illusion au jeune
qu’il peut intégrer un parcours normal, et c’est une illusion qui peut être dangereuse pour
des parents qui peuvent être parfois dans le déni du handicap. Ça peut être un effet pervers
extrêmement grave ».
Aurore dénonce également le peu de perspectives professionnelles qui sont proposées aux
personnes en situation de handicap et notamment leur redondance : « On retombe souvent
sur les mêmes choses, ce n’est pas assez éclectique en terme de possibilité […] Ca ferme
des portes avant de pouvoir en ouvrir suffisamment, d’avoir un champ de possible
important ».
Finalement, les professionnels des ESMS s’accordent pour dire que les volontés
économiques et politiques entravent la qualité de leur travail au quotidien. Ce même cadre
m’explique : « On fait ce travail d’intégration dans la société, on le fait au pas de charge
en disant voilà c’est fantastique ! […] Il y a une politique publique, on la suit, mais les
professionnels ne doivent pas être dupes de ça ». Avant d’ajouter : « Il y a un manque de
moyens criant. Et quand les établissements comme celui-ci fonctionneront moins, ça
reviendra aux familles ». Aurore de son côté, regrette le choix économique retenue par les
instances politiques et préfère se souvenir de ce qu’elles étaient lorsqu’elle a commencé
son métier d’éducatrice spécialisée. « Ils n’étaient pas dans une démarche de gain
d’argent ».
Les nouvelles politiques sociales semblent vouloir accentuer l’inclusion sociale, scolaire et
professionnelle pour lutter contre l’enfermement institutionnel et les représentations
sociales, mais la réalisation de ces objectifs, leur pleine insertion dans le milieu
dit “ordinaire” semble encore loin. Martin m’explique avec clairvoyance : « Ce n’est pas
un accompagnement, c’est plus : il va nous être utile à baisser nos charges, que de se dire
on va l’aider dans sa vie de tous les jours ». Les représentations ont-elles aussi encore la
vie dure. Lorsque je pose la question : pensez-vous que la société pense encore que les
personnes en situation de handicap sont moins productives qu’une personne lambda malgré
un aménagement de poste ? Seuls les adolescents me répondent non, comme un fragment
d’innocence gardé de leur enfance ?
33
III) Problématisation de la recherche :
1) Apports théoriques et apports de terrain
Pour bien comprendre ce qu’est le handicap, ce qu’est l’adolescence, et comment ces deux
facteurs impactent notamment sur l’insertion sociale, nous avons pris le temps de définir
chacun de ces mots, chacun de ces grands thèmes et finalement leurs différents apports.
La partie théorique a permis d’observer l’évolution du handicap à travers, l’histoire, le
lexique le concernant, mais aussi, comment le regard et les représentations sociales portées
sur le handicap se sont développés dans l’inconscient collectif.
La dimension de ce qu’était l’adolescent et l’adolescence dans nos sociétés occidentales
ont été observées, ainsi que les représentations qui s’y sont accolées. Ainsi, nous avons pu
comprendre comment l’adolescent était perçu de nos jours, la difficulté inhérente lorsqu’il
était en situation de handicap, et sa place au sein de la société.
Enfin, nous avons modestement tenté de mettre en lumière les différentes formes
d’insertion au sein de la société actuelle. Nous avons expliqué l’importance que prenait
l’identité, les normes ou encore le groupe sur la construction des représentations sociales,
et de fait, l’influence de ces dernières sur la pleine insertion des adolescents en situation de
handicap.
Ainsi, la rédaction de cette partie théorique a permis d’apporter des éléments de réponse
autour de la question de départ. L’enquête, quant à elle a permis d’obtenir des éléments
plus en lien avec les différents acteurs présents sur le terrain. Désormais, il est donc
intéressant de voir en quoi les réponses apportées par les entretenus expriment des
divergences ou des similitudes entre ces deux parties.
La partie exploratoire avait mis en relief, par le biais des entretiens réalisés, l’existence
d’une réelle méconnaissance du handicap, ce que soulignait déjà Martin ou encore Aurore
lorsqu’elle disait à propos du handicap en général : « Je pense qu’il y a une profonde
méconnaissance. Il y a aussi une peur je pense, il y a des grandes interrogations »3
. Nous
avions aussi pu pointer l’explication de cette méconnaissance par la peur générée par
l’inconnu, par ce qui nous est étranger, comme expliqué dans la partie théorique, et de fait
à l’anxiété et au mécanisme de défense naturelle que cela produisait chez l’homme.
3
Extrait d’entretien
34
Il est également intéressant de pouvoir constater que le stigmate tel que décrit et défini par
Erving GOFFMAN en 1963 dans son ouvrage « Stigmate : les usages sociaux des
handicaps » est encore d’usage de nos jours. L’impression d’être en représentation, de
devoir faire preuve d’usage et posture qui ne s’imposeraient pas aux mêmes personnes
lorsqu’elles sont issues du milieu dit « ordinaire » n’est pas une impression, mais un fait
vérifié et appuyé par les témoignages des divers adolescents interrogés lors de mes
entretiens. Amélie s’interrogeait d’ailleurs sur cette réalité exprimant : « Je pense que c’est
aussi aux autres de faire des efforts »4
. Il semble donc que la stigmatisation des personnes
en situation de handicap soit encore très présente de nos jours.
En ce qui concerne les adolescents en règle générale, les données relevées entre les apports
théoriques et la réalité du terrain tendent à démontrer que les changements liés à la période
de l’adolescence tels que nous les connaissons en France (vision occidentale) soient un
incontournable. C’est d’ailleurs ce qui marque cette période, comme nous l’avions vu dans
la partie théorique.
Là où il faut faire la distinction, c’est dans le comportement et l’interprétation de ces
derniers. En effet, je vais y revenir, la « crise d’adolescence » est une construction, une
représentation sociale qui a été imputée à l’adolescent sans pour autant pouvoir être
pleinement justifiée.
En revanche, la notion de conflit émotionnel (avec ses figures d’attachement et plus
largement son environnement familial) qui est la résultante de la réactivation du complexe
œdipien consistant au « déplacement sur de substituts parentaux, idéalisés (professeurs,
artiste…) mais aussi une réactivation des problématique pré-génitale et notamment orales
(anorexie mentale, toxicomanie…) […] l’adolescent est en effet dans une période de
renoncement multiples […] il doit admettre un décalage irréductible entre son Moi et son
idéal du Moi (blessure narcissique) et admettre également les imperfections inévitables de
ses parents (perte d’objet) » (Duverger, 2017). Cette réactivation est une réalité.
De fait, il en découle les recherches identitaires (auprès de ses pairs) ou encore
l’impression d’ambivalence pour un adolescent recherchant une autonomie tout en
craignant son propre isolement, renvoyant l’idée qu’il vit dans un monde en dehors d’une
réalité sociétale normée. Toutes ces notions (conflits, difficulté identificatoire, isolement)
4
Ibid
35
sont, elles, bien une réalité. Michel FIZE écrit d’ailleurs : « L’adolescent vit dans ce monde
égaré […] Dépourvu d’identité sociale, il plonge goulument dans des univers culturels
musicaux, langagiers, qu’il bâtit patiemment et où il trouve réconfort et espoir. Quand il
revient, enfin, au monde, le nôtre, il en est effrayé ou révolté » (Fize, 1998, p21).
Enfin, concernant les notions d’identités, de groupe, et par extension la construction des
représentations sociales, ces dernières s’opèrent et se vérifient de la même manière sur le
terrain. Il s’agit en grande majorité de construction explicable et « standardisée ».
Concrètement, les différentes directions prises ou choisies par les individus sont orientées
en fonction de leurs environnements, de leur parcours de vie, de leur éducation. De fait, les
individus ont ainsi tendance à reproduire ce qu’ils connaissent, car rassurant et non
créateur d’anxiété. Edgar MORIN ajoute : « Les enfants et adolescents apprennent à vivre
au départ par leur famille ou par la rue, puis par les médias, la télévision » (Morin, 2020,
p52). Il en résulte par la suite que la plupart des schémas de pensées, et donc les
représentations sociales persistent et se reproduisent au fil du temps.
S’il existe des similitudes entre la théorie et la réalité du terrain, il persiste également des
ambigüités entre ces mêmes parties et sur les mêmes axes principaux. En effet, le travail
autour de ce mémoire d’initiation à la recherche s’axait autour de mots-clés qu’étaient le
handicap, l’adolescent, l’insertion, mais aussi les représentations sociales de chacun de ces
mots et les interactions entre eux.
Avant de poursuivre, il faut rappeler que la représentation que la société se fait des
adolescents est essentiellement occidentale et ne s’appliquent pas dans d’autres cultures
(rite de passage), (Fize, 1998, p17). Cependant, si les principes globaux de l’adolescence
sont en majorité bien appréhendés, il en ressort aussi une profonde difficulté à la définir
clairement. Pour certains, il s’agit d’une période caractérisée par un âge bien défini, pour
d’autres, il s’agit de choses plus profondes que cela. Tout dépend de la sensibilité du sujet.
Il apparaît par la suite une capacité à emprunter des raccourcis pour exprimer ce qu’on ne
maîtrise pas ou tenter d’en donner une explication, si tant est qu’elle soit justifiée, et qui
consiste à dire que lorsqu’un adolescent pose problème, dans le sens ou lorsque ses divers
comportements ne sont pas compris, on place alors le terme générique de « crise
d’adolescence ». De fait, cela permet de prétexter que : ce qui dépasse les parents ou la
société est explicable par une conclusion sembleŔt-il hâtive. En réalité, seul 10 à 15 % des
adolescents vont réellement très mal au point de consulter un psychologue (Brechet, 2020).
En quoi le fait d'être adolescent et handicapé impacte l'insertion sociale ?
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En quoi le fait d'être adolescent et handicapé impacte l'insertion sociale ?

  • 1. ERTS 2032 rue du Général de Gaulle 45160 OLIVET VITEL Jonathan DC1 ☒ DC2 ☐ DC3 ☐ DC4☐ DIPLÔME D’ÉTAT DE : (Educateur Technique Spécialisé) Mémoire d’initiation à la recherche : En quoi le fait d’être adolescent et handicapé impacte l’insertion sociale ? SESSION 2021
  • 2.
  • 3. Déclaration sur l’honneur contre le plagiat 2021 Je soussigné(e), VITEL, Jonathan Session de certification: 2021 Diplôme d’Etat : Diplôme d’Etat d’Educateur Technique Spécialisé - Certifie qu’il s’agit d’un travail original et que toutes les sources utilisées ont été indiquées dans leur totalité. - Certifie enfin que ce mémoire, totalement ou partiellement, n’a jamais été évalué auparavant et n’a jamais été édité. Fait à Chartres, le 22 avril 2021 Signature
  • 4.
  • 5. « Mon opinion représente une vision que j’ai… Jusqu’à ce que je trouve quelque chose qui me fasse changer d’idée. » Luigi PIRANDELLO
  • 6.
  • 7. Remerciements Avant d’entamer ce mémoire, je souhaiterais commencer par quelques remerciements à des personnes ayant permis ce travail de recherche. A Mme GAUTHIER, Mme BIDET, M. CHARBONNIER, j’adresse, en plus de mes remerciements, ma profonde reconnaissance. Bien au-delà de ce travail, ne serait-ce que pour leur soutien, leur disponibilité, leur présence et leur patience tout au long de ces 3 années de formation. J’adresse également mes remerciements à M. VOIDY et M. GOURGEON pour les échanges riches que nous avons pu avoir. Votre aide et vos conseils ont toujours été très précieux pour moi, aussi bien dans l’amélioration de ma posture professionnelle que dans ma quête de compréhension et de culture, là encore au-delà du travail de ce mémoire. J’adresse des remerciements particuliers à ces anonymes, ces enquêtés, sans qui toute la phase exploratoire de ce mémoire n’aurait pas pu se faire. Merci pour votre disponibilité, votre sincérité, et la confiance que vous m’avez témoignée. Je vous en suis reconnaissant. Merci encore à tous ceux qui m’ont aidé et qui ont contribué à améliorer ce mémoire de près ou de loin. Je mesure la chance que j’ai et la richesse de chacun de vos apports. J’adresse également mes sincères remerciements aux Apprentis d’Auteuil, au DAME Fontaine Bouillant, et à Reconstruire Ensemble pour leur accueil et la souplesse qu’ils m’ont accordés au sein de leur structure. Enfin, merci à Mme AUCHER pour sa patience au quotidien, qui m’a permis de m’élever et d’affûter davantage mon regard sur l’environnement qui est le mien, qu’il soit personnel ou professionnel.
  • 8.
  • 9. Table des sigles ASE : Aide Sociale à l’Enfance CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle CDAPH : Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées DAME : Dispositif d’Accompagnement Médico-Educatif EA : Entreprise Adaptée ESAT : Etablissement et Service d’Aide par le Travail ESMS : Etablissement Sociaux et Médico-Sociaux ETS : Educateur Technique Spécialisé FV : Foyer de Vie IFOP : Institut Français d’Opinion Publique IIDRIS : Index International et Dictionnaire de la Réadaptation et de l’Intégration Sociale IME : Institut Médico-Educatif INSEE : Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques MDA : Maison Départementale de l’Autonomie MDPH : Maison Départementale des Personnes Handicapées MECS : Maison d’Enfants à Caractère Social OPP : Ordonnance de Placement Provisoire UEE : Unité d’Enseignement Externalisée VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine
  • 10.
  • 11. Sommaire Introduction .......................................................................................................................1 Méthodologie du mémoire .................................................................................................5 I) Partie Théorique..........................................................................................................7 1) Le handicap......................................................................................................7 a) Qu’est-ce que le handicap ? ..........................................................................7 b) Le handicap au fil des siècles........................................................................8 c) La représentation sociale du handicap .........................................................10 2) L’adolescent...................................................................................................12 a) Etymologie et origine de l’adolescent .........................................................12 b) Les mécanismes et changements de l’adolescence.......................................13 c) L’adolescent et le handicap .........................................................................14 d) Représentations sociales de l’adolescent .....................................................16 3) L’insertion des personnes vulnérables ............................................................17 a) L’identité de la personne.............................................................................17 b) L’insertion..................................................................................................19 c) Influence des représentations sur l'insertion ................................................20 II) Partie exploratoire.....................................................................................................23 1) La méthodologie de l’exploration ...................................................................23 a) L’enquête....................................................................................................23 b) Le choix de la méthode d’investigation.......................................................24 c) Le choix de l’échantillon.............................................................................25 2) L’analyse des données recueillies ...................................................................27 a) Le handicap dans la société : image et représentation..................................27 b) L’adolescent et l’adolescence aujourd’hui...................................................29 c) L’insertion sociale des adolescents en situation de handicap .......................30
  • 12. d) Les politiques sociales : un constat en demi-teinte.......................................31 III) Problématisation de la recherche :..............................................................................33 1) Apports théoriques et apports de terrain..........................................................33 2) Quelles pistes éducatives mettre en place ?.....................................................37 a) Réflexion sur les différents apports .............................................................37 b) Quels projets pour répondre à ces observations ?.........................................38 Pour conclure...................................................................................................................43 Bibliographie Webographie ANNEXES Annexe I : Guide d’entretien Annexe II : Evaluation du partenariat Annexe III : Enquête de satisfaction
  • 13. 1 Introduction De nombreuses représentations entourent les adolescents. On a ainsi tendance à décrire ce dernier comme étant faignant, bon à rien. On dit aussi qu’ils n’ont aucun respect pour leurs ainés voire même pour eux, qu’ils se droguent, boivent beaucoup trop et ne sont pas capables d’être responsables. Il en est de même de la personne en situation de handicap. Cette dernière ne serait, selon les représentations, pas en mesure de travailler dans la société, elle ne ferait que ralentir la productivité et la performance d’une entreprise (Cheron, 2016). Elle n’aurait pas non plus besoin d’aller à l’école puisque de toute façon son avenir serait tout tracé. Elle serait différente, et de fait, ne pourrait être acceptée parmi ses pairs. Sa place ne serait pas avec les valides. Autant de préjugés, d’images préconstruites auxquels les adolescents et les personnes en situation de handicap sont sans cesse rattachées, sans que ni l’une, ni l’autre ne puisse s’en défaire. Autant de représentations que la société se fait de ces deux catégories. Alors pour peu qu’une personne soit à la fois adolescente et en situation de handicap, cette dernière est condamnée à porter sur elle cette étiquette : pas adaptée. Pourtant, au travers des siècles, l’adolescent et la personne en situation de handicap n’ont cessé de chercher les faveurs et la reconnaissance d’une société, qui a fini par édicter ses propres règles, ses propres normes, sans jamais tenir compte de l’avis, ni de la parole de ces deux personnes. Une société qui négligerait ces personnes et ne les reconnaîtrait que par leurs incapacités ou leurs inadaptations, mais qui n’aurait pas encore fait sa propre remise en question. C’est ce que note d’ailleurs le sociologue Pierre Dufour dans une interview : « les situations de handicap résultent du fait que nous vivons dans une société avant tout conçue par et pour des valides » (Seuret, 2017). Lors de mes différents stages en Maison d’Enfants à Caractère Social (MECS) et au Dispositif d’Accompagnement Médico-Educatif (DAME), il m’a été possible de comprendre que de nombreuses situations se répétaient malgré la différence de ces deux structures. En effet, la MECS dans laquelle j’ai travaillé accueillait pas moins de 750 adolescents de 11 à 20 ans se trouvant en difficulté momentanée ou durable. Ces derniers étaient placés ici sous deux statuts différents :
  • 14. 2  Un statut de placement provisoire demandé par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), ou par leurs parents qui ne parviennent plus à assurer l'éducation de leur enfant.  Un statut d'Ordonnance de Placement Provisoire (OPP) ordonné par le juge des enfants, qui considère l'enfant comme étant en danger ou risquant de l'être, d'après la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l'enfance. Le placement de l'enfant en MECS peut avoir été décidé suite à d'autres constatations recensées chez l'enfant. L'enfant peut, entre autre, avoir subi des violences familiales, avoir des parents ayant des difficultés psychologiques ou psychiatriques. Il peut également être porteur de difficultés scolaires (absentéisme ou difficultés d'apprentissage lourdes), de carences éducatives voire de comportements sociaux inappropriés. Dans d'autres cas, il s'agit simplement d'enfants étrangers isolés en France. Cependant, un contexte familial marqué par des ruptures et des difficultés sociales est bien souvent ce qui motive cette décision. De son côté, le DAME accueille 122 enfants de 14 à 20 ans en situation de handicap. Bien souvent, ce dernier est d’ordre intellectuel. Les adolescents que le DAME reçoit sont orientés dans l’établissement suite au dépôt de leur dossier auprès de la Maison Départementale de l'Autonomie (MDA), et après validation de celui-ci par la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH). Que ce soit dans l’une ou l’autre de ces deux structures, il est toujours très compliqué de permettre à ces adolescents de (re)construire une vie sociale. Pour les premiers, la recherche de famille d’accueil est plus que difficile. En effet, Les places en famille d’accueil sont d’une part de moins en moins adaptées, ce que rappelle d’ailleurs un éducateur spécialisé de l’ASE : « Nous ne nous questionnons plus pour savoir si la place sera adaptée mais si nous aurons de la place […] l’urgence génère de l’urgence» (Langlet, 2014, p14). D’autre part, il y a les représentations sociales. « Il semble bien, en effet qu’une représentation sociale soit, dans une large mesure, une image mentale représentée qui, au cours de son évolution, aurait acquis une valeur socialisée (partagée par un grand nombre) et une fonction socialisante (participant à l’élaboration d’une interprétation du réel validée par un groupe donné à un moment donné de son histoire) » (Mannoni, 2016, p13). Pierre MANNONI explique donc que l’image des adolescents dits « difficiles » ne joue pas en leur faveur étant donnée l’image que la collectivité se fait d’eux.
  • 15. 3 Il semble que les adolescents en difficulté soit sujet à une stigmatisation. Une histoire de vie qui les poursuit, et les empêche de se présenter sous leur meilleur jour, et de fait un avenir qui semble très incertain. Pour les personnes en situation de handicap, les suites de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, posent l’obligation de l’insertion sociale, scolaire et professionnelle de ces dernières. Malgré cette loi sensée poser une équité, il n’en reste pas moins que ces dernières sont enfermées dans leurs situations de handicaps. « Nommer, c’est donc condamner à une vision simplifié de la réalité. » (Ben Soussan, 2013, p35). Ainsi, avant d’être reconnues en tant que personne à part entière, elles sont reconnues par leur handicap. Le handicap est ainsi un genre de marqueur indélébile, un stigmate dont elles sont affublées. Aussi, plusieurs situations sont assez récurrentes lors de mes stages au sein de nos institutions. Dans un premier temps, la mise en stage des adolescents est toujours une opération complexe. En effet, lorsque nous (Educateur Technique Spécialisé : ETS) nous mettons en relation avec des entreprises, établissements ou administrations ; dès lors que nous parlons ou indiquons que nous travaillons avec des personnes en situation de handicap, les échanges se cristallisent autour de cette question du handicap. En outre, cela pose déjà la question du bon accueil des adolescents au sein des entreprises. Autre cas, depuis la rentrée 2019, les adolescents se rendent dans des établissements scolaires du milieu dit « ordinaire » en Unité d’Enseignement Externalisée (UEE). Lorsqu’ils reviennent au DAME, il y a dans leur comportement une décharge émotionnelle. Ils nous expliquent cela comme résultant du fait de postures qui leurs sont imposées. Nous pourrions traduire leur comportement comme étant dû à une adaptation à l’environnement (et non l’inverse) extrêmement pesante et énergivore pour eux. Finalement, une difficulté à trouver ou faire accepter leur place au sein de la société dite « ordinaire », des compétences qu’on refuserait de leur laisser exprimer, des immersions scolaires dans lesquelles on se rapproche de système intégratif, et une vision là aussi d’un avenir incertain. Ainsi, que ce soient les jeunes adolescents de MECS ou les adolescents du DAME, j’observe de nombreuses similitudes quant aux différents comportements à leurs égards. Ce
  • 16. 4 sont ces observations issues de mes terrains de stages qui m’amènent à me questionner sur ce public adolescent et en particulier lorsqu’il est, en plus d’être adolescent, en situation de handicap. J’en viens donc à me poser cette question : En quoi le fait d’être adolescent et handicapé impacte l’insertion sociale ? On estime le nombre de personnes en situation de handicap en France à 8,4 millions selon l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE, 2015). Parmi elles, seules 2,7 millions possèdent une reconnaissance administrative, ce qui signifie une reconnaissance auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). C’est à partir de cette reconnaissance que ces personnes peuvent prétendre à des prestations et ainsi être prises en compte dans les statistiques de l’Etat. Sur la même lancée, les élèves en situation de handicap scolarisés (ce qui signifie inscrit dans un établissement) à la rentrée 2017 serait près de 321 476 (Ministère de l’Education Nationale, 2019) dont 140 318 dans le second degré (collège et lycée). Ces données ne sont pas complètes car elles ne prennent pas en compte ceux qui n’ont pas de reconnaissance administrative, ceux qui sortent des radars de l’Etat pour diverses raisons (non reconnus administrativement, restant chez eux, non déclarés, …). On peut donc supposer que la part d’adolescent en situation de handicap est bien plus élevée que 321 476 personnes. Cette simple observation permet donc de s’interroger sur la reconnaissance administrative de ces adolescents. En effet, leur place aussi bien scolaire que sociale ne dépend-elle pas uniquement de cette reconnaissance ? De fait, la représentation sociale du handicap ainsi que leur statut sont-ils uniquement liés à la décision de la CDAPH ? Etre adolescent et handicapé, est-ce une double peine pour sa propre insertion sociale ? Autant de questions, autant d’interrogations sur l’insertion sociale des adolescents en situation de handicap auxquelles je tenterai d’apporter une réflexion.
  • 17. 5 Méthodologie du mémoire Les questions adolescentes et d’autant plus lorsqu’elles sont liées au handicap, sont ce que je côtoie au quotidien dans l’exercice de mes fonctions au sein d’un DAME. Les difficultés qu’ils rencontrent tous les jours dans leur propre insertion sociale m’ont toujours interrogé. Aussi, il m’a semblé naturel d’aller questionner ce public afin d’apprendre à mieux le connaître, et mieux appréhender la réalité de ce qu’ils perçoivent, vivent et parfois subissent. J’ai donc abordé ce mémoire, à la suite de l’introduction, par une partie théorique. Elle a pour vocation de pouvoir définir ce qu’est le handicap, et comment est-il perçu au fil des siècles. Puis, j’ai poursuivi en procédant de la même manière pour l’adolescent : ce que signifie être adolescent, que se passe-t-il à l’adolescence ? Y a-t-il une différence quand, en plus d’être adolescent, on est en situation de handicap ? Enfin, je me suis attaché à faire le lien entre ces deux termes, en expliquant ce qu’est l’identité, l’insertion et par la suite l’influence des représentations sociales lorsqu’on est stigmatisé. Pour cela, j’ai lu et parcouru de nombreux ouvrages, textes législatifs, rapports, articles, ainsi que des recherches internet, afin d’étayer et d’argumenter ce mémoire d’initiation à la recherche (Cf : Bibliographie et Webographie). Avoir différentes approches sur les différents concepts abordés, permet de s’ouvrir à diverses possibilités permettant une complétude sur le sujet. Ce dernier étudie le comportement sociétal envers l’adolescent et le handicap. Je me suis donc surtout appuyé sur des ouvrages sociologiques. Pour autant, il est aussi important d’avoir une approche psychologique lorsqu’on aborde le développement de l’adolescence pour pouvoir comprendre des réactions que la sociologie ne peut expliquer (comme la réactivation du complexe d’Œdipe par exemple). De fait, certains auteurs m’ont paru être pertinents et incontournables pour aborder ces sujets. C’est le cas de Michel FIZE et Patrice HUERRE (respectivement sociologue et pédopsychiatre, spécialiste de l’adolescent), de Simone KORFF-SAUSSE (psychologue) et Patrick BEN SOUSSAN (pédopsychiatre) ayant tous deux menés des études sur l’impact des environnements familiaux sur les enfants en situation de handicap, et d’Emile DURKHEIM (sociologue, précurseur de la sociologie moderne). Sur d’autres approches : Henri-Jacques STICKER (Philosophe et anthropologue de l’infirmité), Erving GOFFMAN et Howard BECKER (sociologues, précurseur des notions
  • 18. 6 de stigmates et de norme), ou encore Anne-Marie DROUIN-HANS et Jean Pierre TABIN, respectivement professeur de philosophie et de politique sociale dans de grandes écoles. Sans oublier : Vincent DE GAULEJAC, Robert CASTEL (sociologues, spécialistes des questions de l’exclusion sociale) et Denise JODELET (spécialiste des représentations sociales). Ainsi, mon écrit s’appuie en majorité sur des approches historiques, sociologiques et psychologiques (bien que cette dernière soit surtout axée sur l’adolescent). Par la suite, j’ai poursuivi ce mémoire avec une phase exploratoire pour interroger ma partie théorique et pouvoir la compléter. J’ai donc mené des entretiens en construisant un guide d’entretien (Cf : Annexe I). Ce guide a vocation à aborder les thématiques de la partie théorique et à les analyser. Un échantillon a donc été constitué autour d’adolescents en situation de handicap, de professionnels du médico-social et extérieur à ce domaine. Tous sont issus de structures différentes et possèdent un statut différent (cadre/salarié/directeur) pour éviter d’avoir un discours allant dans le même sens et permettre ainsi une diversité des avis sur des sujets communs. C’est par la variété des profils entretenus que cette étude peut se prétendre un minimum objective. Toutefois, avec la crise sanitaire et les craintes qui y sont liées (contamination …), je n’ai pu réaliser que 6 entretiens complets, ce qui limite de fait, la crédibilité/légitimité des résultats obtenus. Il aurait été intéressant de pouvoir avoir un échantillon plus grand pour plus de représentativité. Cela pourrait ainsi faire partie des pistes d’amélioration à l’avenir pour ce type de travail de recherche. Une fois analysés, c’est en comparant ces résultats à la partie théorique que de nouveaux éléments ont émergé, m’incitant de fait à repenser ma question de départ en la recentrant pour mieux la problématiser. Cette problématisation permet ainsi de poser de nouvelles hypothèses. A la suite de ces dernières, j’ai ainsi tenté de proposer des pistes éducatives ayant pour objectif de répondre au mieux à l’émergence de ces éléments nouveaux et de cette nouvelle question de recherche. Néanmoins, il est aussi important de pouvoir évaluer les actions que je propose à l’issue de la problématisation. Pour ce faire, je me suis appuyé sur différents outils d’évaluations en lien avec les pistes proposées. (Cf : Annexe II et III). Par ce travail, j’aspire à répondre aux attentes que pose cette problématisation, et espère pallier les constats observés à l’issue de cette partie.
  • 19. 7 I) Partie Théorique 1) Le handicap a) Qu’est-ce que le handicap ? Passons sur l’origine et le fameux Hand in Cap, pour en venir à l’essentiel. Il existe différents types de handicaps que l’on regroupe en général en deux parties : les handicaps visibles et invisibles. Les handicaps visibles sont ceux qui suscitent le plus de réaction de la part de la société et notamment en termes de comportements, car justement, ils se voient. Parmi eux, on trouve les handicaps moteurs, certains handicaps visuels ou auditifs. A l’inverse dans les handicaps invisibles, on retrouve le handicap psychique, intellectuel, certains handicaps liés à l’état de santé (cardiaque, respiratoire…). Ces derniers ne se voient pas et sont donc moins perçus par la société. Les personnes atteintes de ces handicaps « se fondent » en quelques sortes dans la masse. Pourtant, en termes de proportions, le handicap invisible représente à lui seul 80% des handicaps (Comité interministériel du handicap, 2014), nous reviendrons sur ce chiffre. Aussi avec une telle diversité, comment faire le point et considérer qu’une manifestation chez un individu est considérée comme un handicap et pas une autre ? La notion de handicap et ses représentations ont beaucoup évolué au fil des siècles nous le verrons. Mais, si l’on établit une distinction entre un individu atteint d’un handicap et un autre qui ne l’est pas, ne sommes-nous pas en train de discriminer cette personne ? Aussi, la situation des personnes handicapées devient une question majeure. Avec plus de 50 millions de personnes reconnues handicapées en Europe (Gironde Handicap, 2003), et toujours aucun texte définissant clairement le handicap, l’Europe se doit d’agir et de sensibiliser la société à cette question. En 2002 sera proclamée la déclaration de Madrid. Elle doit : « fournir un cadre conceptuel pour des actions entreprises dans le cadre de l’Année européenne à tous les niveaux […] Le texte adopté est le résultat d’un consensus entre le Forum européen des personnes handicapées, la Présidence espagnole de l’Union européenne et la Commission européenne » (Gironde Handicap, 2003). Il en ressort que le handicap n’est pas lié uniquement à la personne, mais à l’environnement de cette dernière, et que nous sommes tous handicapés à un moment ou un autre au cours de notre vie. Par conséquent, il est conclu qu’il n’y a pas de handicap, mais seulement des situations handicapantes.
  • 20. 8 Ce premier jalon posé, la France donnera sa définition du handicap dans un texte de loi : la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées qui définit le handicap ainsi : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Désormais, le handicap est défini à l’international, mais aussi par la loi Française, il convient désormais d’en dresser un rapide historique permettant la compréhension de ce dernier. b) Le handicap au fil des siècles Au cours de l’histoire, le lexique autour du handicap, mais aussi les représentations de ce dernier à travers les sociétés n’ont cessé de varier, se modifier, se modeler, pour finalement arriver jusqu’à nous avec l’association que l’on connaît aujourd’hui, à savoir les termes de « personnes en situation de handicap » et « d’inclusion ». Durant l’antiquité, le handicap se heurte aux temps de l’exposition. Jacques Henri STICKER l’explique ainsi : « Exposer les enfants difformes veut dire les emmener hors de la ville, dans un endroit non connu et les laisser mourir dans quelques trous ou les laisser se noyer au fil de l’eau. Si le résultat est bien la mort, la signification de l’exposition n’a rien à voir avec l’exécution de ces enfants. Les exposer c’est les remettre aux dieux » (Sticker, 2005, p36). Rendre le handicap visible, n’est donc pas concevable, ce dernier étant considéré comme une « punition » divine. Cette invisibilité perdurera jusqu’au Moyen-Age. On parle désormais des infirmes. On construit les premiers Hôtels-Dieu sur le principe de charité ordonnée par la religion très puissante en ces temps, et ordonnant de prendre soin les uns des autres. Pour autant dès lors que les grandes maladies telle la peste font leur apparition, les infirmes sont tenus pour responsable de la colère de Dieu. C’est dans ce climat de peur et de méfiance que débute l’enfermement des personnes handicapées. STICKER ajoute : « Le phénomène de la peur, fondamental à la fin du Moyen-Age et à la Renaissance, a inclus les infirmes et a abouti à leur enfermement dans l’hôpital général ainsi qu’à la première idée de mettre tout ce monde au travail » (Ibid, p65).
  • 21. 9 Il faudra attendre le XVIIIe siècle, ou siècle des lumières, pour voir enfin évoluer la pensée de la société. Les philosophes soulèvent l’idée de l’égalité de l’esprit. L’infirme acquiert ainsi une humanité, il est un corps, un esprit, et donc une force de travail. Il réintègre ainsi la société avec l’idée que ce dernier « peut être redressé, renormalisé, rééduqué, etc. » (Sticker, 2005, p96). On s’efforce de l’intégrer par la « rééducation », la « re- normalisation ». On suppose donc que le handicap n’est plus quelque chose de mystique, mais bien un symptôme médical que l’on peut soigner ou guérir. C’est à la suite de cette dynamique que les pouvoirs publics continueront leurs efforts avec notamment les lois Ferry à la fin du XIXe siècle et l’instruction obligatoire. Ces lois sont fondamentales car elles mettent au grand jour le fait que le handicap touche bien plus de monde qu’on ne le pense et qu’il n’est pas réservé aux classes les plus défavorisées. Frédérique BASTIDE explique d’ailleurs que : « Rapidement, le caractère obligatoire de l’école fait apparaître un nombre important d’enfants considérés comme “ non scolarisables ”, préalablement exclus ou enfermés dans les asiles. Les notions d’arriéré mental et d’anormal apparaîssent, venant démontrer la nécessité de créer des classes spécialisées » (Bastide, 2011, p34). Ces lois marquent réellement les débuts de l’éducation spécialisée. La prise en charge du handicap sera accentuée avec la première guerre mondiale. En effet, « L’infirmité des mutilés après la Première Guerre mondiale a été le moteur du développement de politiques publiques envers ceux auprès desquels la nation avait contracté une dette morale » (Weislo, 2012, p33). Le handicap peut désormais toucher n’importe qui, mais il est question de le faire accepter de nouveau dans la société. On parle désormais de réadaptation et non plus de ré-éducation. De cette « expérience », les gouvernements successifs promulgueront des lois en faveur du handicap. La loi de 1957 où apparaît pour la première fois le terme « travailleur handicapé » sera peaufinée par la loi du 30 juin 1975 qui s’axe sur 3 principes : le droit au travail, le droit à une garantie minimum de ressource par le biais de prestations, le droit à l’intégration scolaire et sociale. Puis il faudra attendre la loi 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées posant quelques fondamentaux
  • 22. 10 en termes de principes et d’actions publiques. Mais pour autant, les représentations liées au handicap sont encore bien ancrées. c) La représentation sociale du handicap Bien que des lois soient venues poser quelques fondements nous l’avons vu, la mutation de ces représentations au sein de la société semble être un long processus. Outre ces mutations, il y a le regard que l’on pose sur le handicap. Au cours de l’histoire, les postures adoptées vis-à-vis de lui se sont modifiées, dupliquées, adaptées. Il y a eu et il y a encore plusieurs façons de concevoir le handicap au sein de la société. Emmanuel WEISLO dans son ouvrage « Le handicap a sa place » considère qu’il existe 6 postures face au handicap que sont : l’élimination, la sanction, le don, la ségrégation, la solidarité et l’inclusion (Ibid, p24). Aussi, à partir du moment où une posture est adoptée face au handicap, cela peut être interprété comme le fait qu’une distinction soit établie entre une personne en situation de handicap et une personne dite « valide ». Cette distinction peut être rattachée au concept du stigmate décrit par Erving GOFFMAN. La société a naturellement tendance à catégoriser les choses et les individus (pauvres/riches, malade/sain, etc.) De ces catégorisations découlent le stigmate étant : « une situation de l'individu que quelque chose disqualifie et empêche pleinement d'être accepté par la société » (Goffman, 2012, p7). Il est un marqueur dont les personnes ou les groupes d’individus sont affublés. À ces stigmates viennent se raccrocher les notions d’identités sociales réelles et virtuelles. L’identité virtuelle étant définie comme celle que nous attribuons à une personne. Elle naît des attributs (stigmates) que nous donnons à cette personne et des stéréotypes qui y sont liés. L’identité réelle elle, est, « la catégorie et attributs dont on pourrait prouver qu’une personne les possède en fait » (Ibid, p12). Lorsque l’écart entre cette identité sociale réelle et virtuelle est en décalage, la personne est dite « discréditée » et de fait ne pourra exprimer pleinement le potentiel de ses autres attributs. « Il est important de souligner que ce ne sont pas les caractéristiques de la personne mais nos attitudes qui vont créer le stigmate. Le stigmate est donc produit social lié aux interactions entre différents groupes. Le normal et le stigmatisé ne sont pas des personnes, mais des points de vue » (Chaudet, 2019, p57). Si l’on observe bien, nous avons une société qui pose des lois pour que les personnes en situation de handicap soient incluses dans cette dite « société » et des postures citoyennes
  • 23. 11 différentes face au handicap. De fait, cela signifie bien que la personne en situation de handicap est perçue d’une manière différente. « Les handicapés à long terme ne sont ni malades, ni en bonne santé, ni vivants ni morts, ni en dehors de la société, ni pleinement à l’intérieur » (Murphy, 1990, p183). Ce concept décrit par Robert MURPHY est celui de la liminalité. Il correspond à un état d’inachèvement définitif que les personnes en situation de handicap subissent, mais qu’il convient de parler ; le concept du stigmate ne suffisant pas pour décrire les représentations liées au handicap. Ainsi, dès lors qu’une personne est discréditée/stigmatisée, par une autre personne ou un groupe, elle tente de faire son possible pour rentrer dans les normes édictées par la société pour ne pas se retrouver mise à l’écart. C’est d’ailleurs ce qu’écrit Erving GOFFMAN : « L’individu affublé d’un stigmate a tendance à se sentir “en représentation”, obligé de surveiller et de contrôler l’impression qu’il produit, avec une intensité et une étendue qui, suppose-t-il ne s’imposent pas aux autres» (Goffman, 2012, p26). Alors pourquoi cette méfiance face au handicap ? D’où provient cette crainte ? La personne en situation de handicap est-elle seule responsable des comportements qui se présentent face à elle ? La peur de la différence n’est pas une nouveauté, nous l’avons vu. Au cours de l’histoire, différentes postures se sont succédées vis-à-vis du handicap. Là encore, nous l’avons constaté, ne serait-ce que par le lexique utilisé au cours de l’histoire (infirme, impotent, handicapé, etc.). Ce qui est différent n’entre pas dans ce que l’homme connaît et côtoie naturellement. Il est donc une méfiance naturelle à l’égard de la différence. Nous l’avons expliqué, l’homme, de par la catégorisation a une tendance naturelle à ranger, classer, placer les choses, les individus ou ce qui compose son environnement. Ainsi, dès lors que l’une d’entre elle n’entre dans aucune case, elle est marquée (stigmatisée) comme différente. Cette chose est associée à la cause d’un « désordre » produit. La « nommer c’est réintroduire une coupure » (Geets, 2003, p10). De fait, si l’homme ne peut contrôler ce « désordre », ce dernier génère de l’angoisse. Mais poussons la réflexion plus loin et notamment avec le concept de projection. « La projection est un mécanisme de défense inconscient par lequel le sujet projette sur autrui les craintes et les désirs qu'il ressent comme interdits et dont la représentation consciente serait chargée d’angoisse ou de culpabilité ; elle participe à la constitution des phobies dans la névrose et du délire dans la psychose » (Postel, 2010). En réalité, si le handicap effraie
  • 24. 12 autant c’est avant tout par ce qu’il vient toucher chez la personne qui le regarde. Le handicap d’une personne renvoie chez celle qui l’observe ses propres failles, faiblesses, sa propre existence, et plus profondément sa propre fragilité. Elle vient touchée la fragilité de la vie, l’équilibre infime entre le monde du handicap et celui du milieu dit « ordinaire » dans lequel n’importe qui peut basculer dans un sens ou dans l’autre. Ces projections sont révélatrices de peurs parfois archaïques dont Simone KORFF-SAUSSE a réalisé la liste : « De cette liste se dégage quatre grandes catégories de représentations inconscientes, aussi bien individuelles que sociales, qui sont à l’origine du malaise que suscite le handicap : la peur de l’absurdité avec le recours à la pensée magique ; la peur de la ressemblance avec le faux respect de la différence au détriment de l’altérité ; la peur de la sexualité avec le risque de déni de ses manifestations ; la peur de la contagion avec le risque de l’exclusion » (Korff-Sausse, 2013, p168). Par conséquent, si les représentations liées au handicap sont encore si importantes aujourd’hui, c’est parce que la place des personnes en situations de handicap, leur statut, mais aussi le refus de leurs différences ou respect dans leur différence, c’est selon aux yeux du milieu dit « ordinaire » engendrent des peurs archaïques dont les représentations se sont ancrées un peu plus dans l’inconscient collectif à cause d’une histoire lourde de siècle d’enfermement. 2) L’adolescent a) Etymologie et origine de l’adolescent L’adolescent et l’idée que l’on s’en fait aujourd’hui n’ont pas toujours été ainsi. Aussi, c’est dans la Rome antique qu’apparaît le terme « adolescere ». Il serait issu de divers dérivés sémantiques, que sont : « olere » signifiant : croître et « alere » signifiant : nourrir. On trouve ainsi la définition de l’adolescent comme étant celui qui se nourrit, qui grandit, qui croît vers l’adulte. Historiquement, dans la Rome antique, l’adolescent ne désigne que les hommes de 17 à 30 ans, les femmes quant à elles ne sont jamais affublées du qualificatif adolescent. A partir du moyen-âge, l’adolescent comme on le connaît aujourd’hui n’existe pas encore. La population se divise en deux catégories : les enfants et les adultes, on établit la limite autour de l’âge de la puberté. En deux siècles (du Xe au XIIe) la population passe de 5 millions de personnes à 9,2 millions (Du Plessy, 2020). Afin de contrôler au mieux cette explosion démographique et pallier une possible diminution des ressources, les autorités de
  • 25. 13 l’époque augmentent la majorité à 20 ans. L’âge du mariage, est lui, définie en fonction des régions mais peut aller jusqu’à 28 ans. Par la suite, l’âge de la majorité marquant l’entrée dans l’âge adulte ne cessera d’évoluer ou de diminuer en fonction des besoins de la société. Ainsi, cet âge varie soit pour contrôler la démographie (augmentation de la mortalité), soit pour pallier les besoins en hommes lors des révolutions ou guerres Napoléoniennes par exemple (Hauswald, 2016, p16). Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle, que l’adolescent devient une catégorie à part entière, mais pas encore tout à fait comme nous la connaissons aujourd’hui. Elle désigne de jeunes collégiens dépendants financièrement. De fait, la plupart sont issus de la bourgeoisie. Cependant, comme le souligne Michel FIZE : « Toute l’histoire de ce siècle est grosse d’une littérature présentant l’adolescent comme un être dont il faut se méfier ou qu’il faut protéger. […] L’adolescent, à l’image de la vieillesse, devient maladie qu’il faut traiter » (Fize, 1998, p13). C’est finalement au début du XXe siècle qu’on admet pleinement cette nouvelle catégorie sociale. Toujours dans la continuité du XIXe et de celle d’encadrer l’inexpérience de ces jeunes personnes, on crée des structures extrascolaires. Des institutions judiciaires tournées vers la jeunesse voient le jour. Désormais, l’adolescent fait partie intégrante de la société comme catégorie sociale à part entière. Si aujourd’hui l’adolescent est considéré comme un être en transition, il est encore très souvent associé à une deuxième notion qu’est la puberté. b) Les mécanismes et changements de l’adolescence L’adolescence et la puberté sont très souvent associées voire mélangées. Pourtant, bien que ces deux notions soient liées, elles n’en restent pas moins différentes. L’adolescence est définie comme étant la période qui succède à l’enfance et précède l’âge adulte. En principe elle débute avec la puberté qui se compose de trois modèles : physiologique, cognitif et psychanalytique. Elle est en somme une période de transition, une période liminale. L’adolescence débute donc avec la puberté. Cette dernière, est issue du mot latin « pubere » signifiant se couvrir de poils. Concrètement, cette période correspond à l’accession de la génitalité (Hauswald, 2016, p29). Avec le modèle physiologique apparaît le modèle cognitif. Ce dernier correspond à l’accès à la pensée hypothético-déductive. Ce stade est lié à la maturation cérébrale et
  • 26. 14 neurologique de l’adolescent, qui lui permet de faire des hypothèses puis de les valider ou infirmer. Il s’agit du meilleur moyen pour lui de se confronter à la réalité. Pierre BENEDETTO explique : « Usant et abusant de ce nouveau mode de pensée, l’adolescent va imaginer un monde différent de celui dans lequel il est inséré. Il va, selon l’expression consacrée, “refaire le monde” et contester âprement la situation présente » (Benedetto, 2008, p46). Le modèle psychanalytique correspond au fait que l’adolescent entre en conflit avec son « Moi » (stabilité/décision), son « Surmoi » (acquis, interdit : c’est la bonne conscience) et son « Ça » (pulsions). Il a aussi besoin de se détacher de ses figures d’attachement pour s’assumer en tant qu’adulte. Pour pallier ces conflits, il peut ainsi avoir tendance à se tourner vers son groupe de pairs pour trouver de nouveaux repères et une stabilité qu’il ne trouve pas au sein de son foyer. Il n’en reste cependant pas moins dépendant affectivement, ne serait-ce que par besoin de reconnaissance. La conception de l’adolescence comme nous la connaissons est essentiellement issue de nos sociétés occidentales. En effet, dans d’autres cultures, il n’y a pas d’adolescence, on entre dans l’âge adulte par le biais de rites culturels. Michel FIZE écrit d’ailleurs : « On passait du statut d’enfant au statut d’adulte, sans réelle transition, à l’issue d’une série de rites d’initiations précis qui permettait d’accéder à la maturité sociale et à la loi du groupe » (Fize, 1998, p95). Ainsi, si la conception de la puberté est universelle car elle touche tous les Hommes quelques soient leurs origines, cultures ou milieux sociaux. L’adolescence, elle, est plutôt un concept occidentalisé. c) L’adolescent et le handicap En 2010, Une enquête INSEE relate ce chiffre : 41% des 10 à 24 ans possédant un handicap d’ordre cognitif, moteur ou sensoriel ont déjà été victimes de discrimination (Bouvier, 2010). La discrimination est définie comme : « L’action, le fait de différencier en vue d’un traitement séparé (des éléments) les uns des autres en (les) identifiant comme distincts » (Cnrtl, 2012). Lorsqu’on est adolescent et en situation de handicap, il faut savoir que les difficultés psychiques sont très souvent renforcées. « La puberté a un effet sur le vécu du handicap et que le handicap a des effets sur celui de la puberté » (Poizat, 2010, p83). De fait, la gestion des conflits internes devient un exercice périlleux pour des adolescents dont
  • 27. 15 l’expression des rejets, des émotions reste enfouie et ne s’exprime que très difficilement. Cette non-expression de leurs sentiments les empêche de se confronter à la réalité par leurs questionnements (pensée hypothético-déductive). Aussi, en pleine construction identitaire, l’estime de soi qui est un élément primordial pour parvenir à surmonter les conflits et se construire en futur adulte peut être mis à mal. C’est ce que note Tiphenne JOUBERT lorsqu’elle écrit : « Si l’image de soi se nourrit des expériences individuelles, des attitudes et des discours que la société renvoi à l’individu, les jeunes en situation de handicap présentent un risque important de développer une image négative d’eux-mêmes et ainsi de voir inhibées leurs potentialités et leur capacité à se projeter vers l’avenir » (Joubert, 2016, p257). Il y a également un autre élément non négligeable à prendre en compte dans l’adolescence des personnes en situation de handicap, c’est l’environnement immédiat. Si le lien avec les figures d’attachement reste malgré tout présent chez les adolescents dit « ordinaires », ce lien est accru chez les adolescents en situation de handicap. Concrètement, si pour un adolescent dit « ordinaire » l’adolescence est plutôt « un combat » avec son entourage qu’il cherche bien souvent à fuir tout en voulant faire accepter sa place ; pour un adolescent vulnérable, cette quête peut être un véritable calvaire, de par le surinvestissement parental, bien souvent maternel (Vaginay, 2013, p215). Patrick BEN-SOUSSAN l’explique ainsi : « Si le handicap de l’enfant est mental, les parents se trouvent condamnés à une forme de perpétuité sans possibilité de faire appel. […] La voix qui fait résonner le nom de handicap destitue les parents de leur droit de mourir. En leur signifiant que cet enfant ne pourra exister sans eux, elle les somme de vivre sans répit. Son handicap le rend à jamais dépendant de leur sollicitude » (Ben Soussan, 2013, p37). Ce surinvestissement des parents pour pallier un sentiment de culpabilité ressentie lors de la naissance de leur enfant, contribue à une dépendance sociale importante qui ne l’aide pas à accéder à une indépendance nécessaire à la valorisation de sa propre estime de lui. Ainsi, l’adolescent handicapé pour se construire en adulte, doit donc suivre sa quête identitaire, trouver et justifier sa place en renforçant sa propre estime, et ce, en luttant contre la discrimination, les conflits internes qui le tiraillent et l’extrême présence de son propre environnement. On comprend désormais que la tâche est ardue, et que le chemin est beaucoup plus long lorsqu’on est touché par un handicap.
  • 28. 16 d) Représentations sociales de l’adolescent Si la construction de l’adolescent passe par un conflit interne parfois difficile à accepter de par ces nombreux changements, il doit aussi composer avec un second conflit qui se joue avec la société dans laquelle l’adolescent cherche sa place de citoyen et d’adulte, mais que celle-ci semble peiner à lui reconnaître. Cela s’explique de différentes manières. Il y a dans un premier temps le statut de l’adolescent. En effet, il passe d’un statut d’enfant dont on contribue au développement psycho-affectif par la valorisation des apprentissages notamment ; à un adulte en devenir que la société tente de contenir sans lui donner pour autant la place qu’il demande. En réalité, cette période est un double deuil (deuil de l’enfance / deuil de la maîtrise de l’enfant pour les parents). Tout est question de place, de reconnaissance. « On dira encore, nous souvenant du siècle passé, que des sociétés vieillissantes, idéologiquement et démographiquement, ne voient pas d’un bon œil l’arrivée à maturité de jeunes générations, devenues, soudain, de potentiels concurrents pour les places sociales » (Fize, 1998, p97). Il peut y avoir également des vestiges de notre société historiquement catholique. À titre d’exemple, le système scolaire à lui, également une part de responsabilités dans les représentations que la société se fait de l’adolescent. Institution magnifiée par la culture occidentale, n’oublions pas que les enseignants sont des personnes qui n’ont jamais quitté le système scolaire et enseignent donc au fil des années les mêmes préceptes et valeurs, alors que la société a pourtant subie une mutation. Emile DURKHEIM relevait d’ailleurs déjà ce souci en son temps : « Sur bien des points, notre système traditionnel d'éducation n'est plus en harmonie avec nos idées et nos besoins » (Durkheim, 2003, p81). De fait, l’éducation a aussi sa part de responsabilités dans le sentiment de dévalorisation, ainsi que dans le retrait et désintéressement des adolescents pour l’enseignement. Serge BOIMARE explique d’ailleurs la conséquence qu’ils peuvent avoir sur les adolescents : « Le raisonnement est le suivant : celui qui n'a pas confiance en lui affronte les situations difficiles avec un handicap. Ses résultats, décevants, contribuent à affaiblir son insuffisante estime de lui-même » (Boimare, 2009, p32). Finalement, quand il faut pouvoir trouver des réponses pour répondre aux deux conflits majeurs qui agitent l’adolescent, les non réponses de la part de ses figures d’attachement et de la société souvent violente (système scolaire, précarité) provoquent de fait l’exclusion
  • 29. 17 des adolescents. C’est pourtant cette mise à distance qui le renvoie à un sentiment d’inutilité, au besoin de défendre son territoire, son existence et donc sa légitimité au sein de la société. Patrice HUERRE pose alors cette question : « Notre difficulté à accepter aujourd’hui de faire place aux jeunes dans la société adulte n’aurait-elle rien à voir avec ces réflexes groupaux “archaïques” ? » (Huerre, 2001, p6). La construction identitaire des adolescents est ainsi extrêmement importante, et si l’entourage proche ou la société n’est pas en mesure d’apporter son soutien, c’est auprès de ses pairs qu’il trouvera les réponses à ses interrogations. Il y trouvera également une place au sein de son groupe, et finalement une existence qui le conforte dans son statut de personne unique. Cette volonté de domination de la société sur les adolescents pourrait ainsi s’expliquer par cette difficulté de contrôle sur ces êtres en devenir, insaisissable, et incompris. Erik ERIKSON écrivait d’ailleurs : « Que là ou des identités dominantes dépendent du seul fait d’être dominantes, il soit difficile d’accorder aux dominés une réelle égalité » (Erikson, 1972, p282). Ainsi, l’adolescent déjà aux prises dans deux conflits majeurs (avec lui-même et la société) doit donc également composer avec les représentations sociales pouvant l’affecter dans son développement. 3) L’insertion des personnes vulnérables a) L’identité de la personne L’adolescent, la personne en situation de handicap ont tous deux un parcours et une évolution qui ne sont pas aisés au sein de la société. Mais si les représentations sociales expliquent en partie la raison de cette stigmatisation, il est possible d’aller chercher un peu plus loin. Leur identité est-elle si différente des autres ? L’identité est extrêmement difficile à définir car elle est immatérielle, elle n’est pas une chose concrète que l’on peut désigner du bout des doigts comme un objet spécifique. Pourtant elle permet malgré tout de se différencier, de s’affirmer, de se reconnaître parmi les autres, c’est là toute l’ambivalence de ce concept. L’identité vient du latin « idem » signifiant : le même. Lorsqu’on lit les diverses définitions de l’identité dans le dictionnaire, il est une chose qui se révèle aisément, c’est que l’identité est toujours rapport aux autres. Elle peut évoluer, et se construit en rapport avec notre environnement. Si l’identité signifiant « le même » existe, c’est qu’il existe forcément un « différent ».
  • 30. 18 Finalement l’identité en tant que telle, est toujours conditionnée par l’environnement, c’est la désignation des similitudes (identités collectives, individualisation d’un être, objet, etc.) vis-à-vis des autres. C’est aussi là que se révèle l’ambivalence de cette notion identitaire, amplifiée davantage lorsqu’on parle d’une identité collective. C’est-à-dire lorsque des personnes partagent une identité culturelle, ethnique, ou nationale. Anne-Marie DROUIN- HANS explique d’ailleurs que : « L’identité culturelle peut alors se définir comme un ensemble de représentations et de pratiques considérées comme caractéristiques d’un groupe particulier […] Mais ce sont les particularités communes qui sont mises en avant, avec l’oubli que les individus sont plus différents qu’ils ne se ressemblent » (Drouin-Hans, 2006, p20). Ainsi, le respect de notre propre identité, dans le but d’uniformiser le groupe en respectant ses normes, ses règles implicite ou non, s’effectue au détriment de ce qui fait notre singularité et donc notre identité. Le groupe d’ailleurs. Le groupe est défini comme un ensemble d’individus possédant des caractères, valeurs, attributs communs (que des femmes, des adolescents, des jeunes, des personnes en situation de handicap, …), mais il se distingue des autres groupes. Les particularités qui émergent alors sont les notions d’appartenance et de norme. En effet, chaque groupe possède ses propres valeurs, ses propres normes. Ce sont en quelques sortes les règles qu’il convient de respecter et dont il ne faut pas être trop éloigné, pour continuer à être intégrer dans le groupe. Howard BECKER rappelle d’ailleurs que la plupart des normes édictées pour un groupe le sont par des personnes extérieures à ce dernier, mais aussi que nous appartenons tous simultanément à plusieurs groupes à la fois (Becker, 1985, p40). Le respect de ces normes définie aussi le groupe vis-à-vis de ceux qui en sont étrangers : « L’anthropologie sociale nous a montré comment chaque groupe culturel discrimine, lit, classe et agit en conséquence face à toute “anomalie” qui s’exprime en décalage des attendus et de l’ordre de la communauté » (Tabin, 2019, p17). Le groupe est donc vecteur de construction et de lien social. Il permet la transmission de lien et de valeurs communes au groupe qui sont transmises et partagées par ses membres. Il assure également un statut, une place, en son sein, mais aussi plus largement au sein de la société par une hiérarchie des groupes. C’est le cas des personnes en situation de handicap : « En d’autres termes, c’est en fonction d’une normalité construite en tant que standard que sont définies les insuffisances. Cet élargissement du focus d’analyse permet une remise en question du handicap comme altérité inférieure, c’est-à-dire comme situation intrinsèquement négative et ontologiquement intolérable » (Ibid, p9).
  • 31. 19 b) L’insertion L’insertion est l’action d’insérer, elle a pour origine le mot latin « inserere » qui signifie : mettre dans. Il existe ainsi deux formes d’insertions que sont : l’intégration et l’inclusion. L’insertion est ainsi une manière d’intégrer ou d’inclure un groupe, une communauté, voire une personne dans la société par exemple. L’Index International et Dictionnaire de la Réadaptation et de l’Intégration Sociale (IIDRIS) pose cette définition de l’insertion sociale comme : « une action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement ; c’est également le résultat de cette action, qui s’évalue par la nature et la densité des échanges entre un individu et son environnement » (CNLE, 2014). Robert CASTEL lui, complètera ce concept en expliquant que l’insertion sociale est aussi liée au processus d’appartenance courant sur deux axes : l’intégration ou non intégration par le travail et l’insertion ou non insertion dans une sociabilité socio-familiale. D’après lui, notre insertion au sein de la société est plus ou moins bien perçue dans les représentations sociales, selon le degré et la place qu’on occupe sur ces deux axes. Il précise d’ailleurs que : « L’insertion professionnelle et l’insertion sociale ne débouchent pas sur le même registre de participation sociale. L’insertion professionnelle place l’individu dans un système d’interdépendances et lui donne une utilité sociale et une autosuffisance alors que l’insertion sociale, seule, en fait un surnuméraire » (Debordeaux, 1994, pp93-100). Ainsi, l’insertion comporte deux modèles, mais depuis quelques années est venu fleurir ce nouveau mot autour d’elle. On entend désormais de plus en plus souvent parler d’inclusion. En 2002, le centre d'inclusion économique et social définit l’inclusion ainsi : « L’inclusion est un processus par lequel des efforts sont fait afin de s’assurer que tous, peu importe leurs expériences, peuvent réaliser leur potentiel dans la vie. Une société inclusive est caractérisée par des efforts pour réduire les inégalités, par un équilibre entre les droits et les devoirs individuels » (Centre for Economic and social inclusion, 2002). L’inclusion serait donc désormais le fait de donner à chacun les moyens de réaliser ses projets, quelles que soient son origine, sa culture, ses particularités (qu’elles soient physiques ou psychiques) en ajustant sans cesse, et autant que possible un équilibre entre tous les individus.
  • 32. 20 L’intégration, elle, vient du latin «integrare » qui signifie renouveler, rendre entier. Elle désigne l’action d’entrer dans un tout, un groupe, un pays, etc. La différence entre cette intégration et cette inclusion se situe dans le rapport à l’environnement. En effet, lorsqu’une personne est intégrée, elle doit s’adapter à l’environnement pour y être pleinement insérée. A l’inverse, lorsqu’une personne est incluse, c’est l’environnement tout entier (familial, professionnel, scolaire, social) qui s’adapte à la personne afin qu’elle puisse y développer pleinement ses potentialités. C’est donc un changement de paradigme. Depuis la loi de 2005, il est demandé aux différents acteurs de permettre l’insertion sociale, scolaire et professionnelle des personnes en situation de handicap. Des lois sont promulguées pour diverses raisons telles que définir ce qu’est le handicap (ce qui signifie que la personne est ainsi réduite à son handicap et non à ses propres compétences) ou encore prononcer une équité entre le milieu dit « ordinaire » et les personnes en situation de handicap (ce qui montre bien que des inégalités persistes). Concrètement, le concept d’inclusion comme décrit par la loi persiste à mettre les postures solidaires (intégration) et inclusives en concurrence. Charles GARDOU explique que : « Au-delà d’un consensus de façade pour combattre les phénomènes d’exclusion, il y a stagnation » (Gardou, 2012, p12). Il existe trop d’ambivalence et d’incohérence dans ces deux postures pour faire le choix de l’une ou l’autre, peut-être qu’une révision des normes ou une cohabitation permettrait de repartir sur de nouvelles bases. Jean Pierre TABIN ajoute d’ailleurs : « C’est donc la manière d’agir de l’institution qui pose problème et non le but de son action ou les principes normatifs qui la sous-tendent » (Tabin, 2019, p85). Le travail est donc à effectuer sur les représentations sociales liées au handicap, mais aussi sur la révision des normes. c) Influence des représentations sur l'insertion Nous l’avons vu, l’importance du travail à mener sur les représentations sociales est colossale. A titre d’exemple, le logo représentant la personne en situation de handicap est une personne en fauteuil alors que le handicap moteur ne représente que 5,8% des personnes en situation de handicap. On pourrait aisément tirer d’autres exemples de ce genre de représentation, tel que les porteurs du VIH dans les années 80, ou plus proche de nous, les migrants. Ce que ces catégories d’individus nous renvoient jouent un rôle important sur les représentations
  • 33. 21 sociales. C’est ce qu’explique Denise JODELET lorsqu’elle écrit : « Il existe également des ressorts émotionnels à la fabrication des faits. La communication sert alors de soupape pour libérer les sentiments dysphoriques suscités par des situations collectives anxiogènes ou mal tolérées […] La peur, le rejet de l’altérité entre autres suscite des échanges qui donnent corps à des informations ou événements fictifs. Ainsi se créent de véritables “légendes urbaines” » (Jodelet, 2003, p65). Là encore, la représentation est ancrée dans les consciences collectives, et c’est bien sur cet inconscient collectif que nous devons travailler pour favoriser l’insertion des personnes en situation de handicap, mais pas uniquement. En effet, les représentations sociales sont également en lien avec les principes normatifs de la société tels que nous les avons décrits précédemment. De fait, elles favorisent ou non l’insertion sociale des individus. C’est ce que souligne Vincent DE GAULEJAC : « L’individu est évalué en fonction de son utilité sociale, celle-ci étant mesurée par le revenu qu’il reçoit en échange de son activité, le pouvoir qu’il peut exercer sur d’autres, la quantité des biens qu’ils peut acquérir. Ceux qui ne répondent pas aux normes, ceux dont les activités ne sont pas monnayables n’ont pas de valeur pour la collectivité. Ce sont les exigences normatives de la société […] qui entraînent les individus défaillant dans la dévalorisation et dans la honte de soi qui paralyse » (De Gaulejac, 2014, p21). L’article L114-2 du code de l’action sociale et des familles stipule que les différents acteurs intervenant auprès des personnes en situation de handicap dans le but de veiller à développer au maximum leur autonomie vise à : « assurer l'accès de l'enfant, de l'adolescent ou de l'adulte handicapé aux institutions ouvertes à l'ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. Elle garantit l'accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées.» L’accompagnement et le soutien des familles et proches dit la loi. Carl ROGERS développait lui, l’idée de l’écoute inconditionnelle. Basée sur les principes de congruence, de considération positive inconditionnelle et de compréhension empathique, elle permet d’accueillir la personne handicapée. Ces différentes notions permettraient de travailler sur l’accompagnement des adolescents en situation de handicap en étant davantage centré sur l’écoute et l’émotion que sur la représentation et ce qu’elle nous renvoie.
  • 34. 22 Cette idée a été évoquée dans un ouvrage de Paul RICOEUR (Soi-même comme un autre). Il y explique que notre propre développement passe par le rapport entretenu à l’autre. De fait, pour apprendre à prendre soin de l’autre, et donc l’accepter comme altérité, il est nécessaire de trouver des similitudes entre soi et l’autre. C’est l’identification minimale. Ce concept prévoit qu’on ne peut pas accompagner tout le monde tout le temps (par exemple, il est difficile d’accompagner un deuil si on en vit un soi-même, ou certaines situations qui viennent bousculer violemment nos représentations...). Il est important d’avoir conscience de ses limites. Ainsi, face au handicap, nos représentations nous mènent à poser un regard sur la différence, nous l’avons vu. Celui-ci amène différentes représentations « positives » (la personne en situation de handicap développe plus certains sens...) et « négatives » (elle est faible, a forcément besoin d’aide...). Ces représentations doivent être conscientisées et c’est à partir d’un travail de fond sur ces représentations que ces dernières pourront changer. Il s’agit de ne pas nier la différence, mais bien de l’accepter. Le modèle Suisse démontre que la population en situation de handicap présente partout (quasi absence d’institutionnalisation et donc d’enfermement) est pleinement intégrée dans la société. Elle fait partie de cette dernière et n’est plus comme en France dans une position liminale. Le risque d’avoir des attentes de réponses ou de comportements particuliers envers ces personnes est ainsi limité par la place qu’occupe la personne en situation de handicap dans l’inconscient collectif et donc dans les représentations sociales. Finalement la plus grande représentation de l’adolescent en situation de handicap est la nôtre. Être face au handicap ou à l’adolescent nous confronte à nos peurs archaïques et à nos idéaux. Certaines représentations liées à l’image du corps, de notre propre corps, nous ramènent à la « monstruosité et à l’anormalité » liées au handicap. Il peut être difficile de voir le semblable entre nous et la personne atteinte de handicap, chacun ayant sa propre conception de la différence. Il en est de même face à l’adolescent qui nous renvoie aussi l’adolescent que nous avons pu être et que nous ne sommes plus. L’adolescent, effraye autant qu’il fascine car la compréhension de ce dernier défit toute logique. Il possède une forme d’insouciance ou de liberté révolutionnaire vestige de l’enfance que l’adulte perd lorsqu’il entre dans « le moule » du groupe, de la société. De fait, l’adulte peut aussi se voir renvoyer ce qu’il n’est plus en mesure de faire, ou ce qu’il aurait aimé faire et n’a pas fait.
  • 35. 23 Face à l’adolescent en situation de handicap, il se met alors en place nombre de mécanismes de défense inconscients. Il est donc important d’avoir un espace pour penser et intégrer la différence, le handicap, comme une « normalité » afin de réfléchir sur ses représentations, et d’accepter les émotions qui nous traversent. On comprend désormais que l’insertion des adolescents en situation de handicap reste un exercice difficile, et qui, même s’il est rendu compliqué par les représentations sociales, l’est également par les institutions elles-mêmes influencées par les représentations sociales. II)Partie exploratoire 1) La méthodologie de l’exploration a) L’enquête Après avoir mené une étude théorique et développé nombre de concepts tournant autour de sujets clés que sont : l’adolescent, le handicap, mais aussi l’insertion sociale et comment les représentations sociales gravitent autour de ces différents thèmes, le sujet n’aurait pour autant pas été clos. En effet, la partie théorique, seule, n’est qu’une vision généraliste de la réalité. Pour pouvoir compléter cette étude, il est important de pouvoir allier théorie et pratique. De fait, la vocation de cette partie exploratoire est de venir questionner les différents acteurs présents sur le territoire afin de pouvoir allier cette réalité de terrain à la théorie Mais au-delà de ce simple questionnement, cette partie est surtout la possibilité d’explorer un territoire donné au départ d’une question posée comme : en quoi le fait d’être adolescent et handicapé impacte l’insertion sociale ? C’est d’ailleurs ce qu’explique Raymond BOUDON lorsqu’il écrit : « Au-delà de ces techniques descriptives, les méthodes sont aussi – et surtout – des ensembles de principes qui guident les scientifiques pour élaborer de nouvelles théories et pour procéder à l’analyse critique des théories existantes » (Boudon, 2018, p3). Avant d’ajouter plus loin : « Le point de départ d’une enquête quelconque est en général une question de type pourquoi ? » (Ibid, p5). Pour ce faire, il m’a fallu réaliser ce qu’on appelle une enquête de terrain. Le but de cette dernière est en premier lieu de pouvoir : « Obtenir des informations sur les opinions, les croyances, les comportements, ou d’autres attributs d’une catégorie de population, en interrogeant ceux qui en font partie » (Jones, 2000, p170). Les données ainsi obtenues permettent à l’enquêteur de pouvoir les analyser et ainsi de déterminer avec le plus de
  • 36. 24 justesse possible, en fonction de la méthode qu’il utilise, si ses propres hypothèses sont validées ou non. Il existe plusieurs types de méthodes possibles en fonction de ce que l’enquêteur cherche à obtenir. Cependant, ces dernières peuvent être utilisées conjointement, c’est-à-dire indépendamment les unes des autres, mais de manière complémentaire pour répondre à une question, et ainsi pouvoir étayer davantage l’analyse réalisée avec les différentes données obtenues. Pour mener une enquête exploratoire, il se pose donc la question de l’analyse que l’on veut faire des données récoltées. b) Le choix de la méthode d’investigation L’enquête par questionnaire a pour objectif de : « Rassembler une grande quantité d’informations, aussi bien factuelles que subjectives, auprès d’un nombre important d’individus – la représentativité de cet échantillon autorisant d’inférer à l’ensemble de la population d’étude les résultats obtenus auprès des enquêtés » (Paugam, 2012, p93). L’enquête par questionnaire donne lieu à une recherche de données quantitatives. L’analyse de ces réponses permet d’établir des données statistiques permettant d’avoir une approche des liens de causalité. Hélas, concernant les adolescents en situation de handicap, et d’une manière générale, les personnes en situation de handicap qui sont au cœur de ce sujet, les bases statistiques déjà existantes sont extrêmement faibles. C’est d’ailleurs ce que relevait déjà Catalina DEVANDAS-AIGUILAR lorsqu’elle écrit : « Je constate un manque cruel de données et de statistiques sociodémographiques ventilées par handicap. À titre d’exemple, le recensement national ne comporte aucune question sur le handicap et la dernière enquête Handicap-Santé remonte à 2008 » (Haut-commissariat au droit de l’homme des nations unies, 2017). Aussi, pour rédiger ce mémoire d’initiation à la recherche, le temps imparti ainsi que le contexte sanitaire actuel installé depuis mars 2020 ne favorisant pas la collecte de données quantitatives suffisantes (nécessité d’un échantillon conséquent) pour mener une analyse de qualité ; le choix a donc été fait de laisser les questionnaires de côté et de s’orienter sur une enquête par entretien.
  • 37. 25 Cette dernière, bien que complémentaire à l’enquête par questionnaire, n’appelle pas les mêmes données. Elle lui est opposée en ce sens qu’elle cherche à obtenir des données qualitatives. En somme, le but de l’entretien n’est pas de recueillir des données chiffrées mais bien des témoignages, des avis, des remarques de personnes interviewées. Madeleine GRAWITZ le définit ainsi : « C’est un procédé d'investigation scientifique, utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec un but fixé » (Grawitz, 1990, p664). Les résultats obtenus lors des entretiens permettent d’ailleurs par la suite de faire émerger des particularités bien spécifiques, ce qu’explique Russel JONES lorsqu’il écrit : « Une enquête peut livrer des informations descriptives légèrement plus complexes en posant de mêmes questions à deux ou plusieurs catégories de populations. Les réponses sont alors utilisées pour percevoir les différences apparaissant entre différents groupes ou sous- groupes » (Jones, 2000, p170). Afin de répondre à différentes thématiques, il m’a donc semblé plus intéressant de pouvoir obtenir le point de vue des personnes interrogées, et ce, sans que ces dernières ne se voient enfermées leurs croyances, leurs engagements et leur sincérité. Toutefois, l’entretien, lorsqu’il est directif peut lui aussi enfermer l’enquêté dans une forme de réponse qui peut lui être sous-entendue par l’enquêteur. Le choix de l’entretien sera donc un entretien semi-directif, car il permet une relative souplesse en termes de réponse pour celui qui est interviewé, mais aussi un confort pour l’enquêteur qui peut garder la main sur des éléments plus organisationnels, tels que le temps ou les sujets questionnés. Madeleine GRAWITZ écrit d’ailleurs à son propos que : « L’attitude non-directive est fondamentalement une attitude démocratique et chrétienne de respect de la personne, de fraternité active et de confiance en l’homme […]. Elle permet le mieux d’approcher la réalité, la vérité des autres » (Grawitz, 1990, p754). Madeleine GRAWITZ décrit ainsi avec justesse ce que je cherche à obtenir, “la réalité des autres” soit leurs propres représentations. c) Le choix de l’échantillon Après avoir déterminé le type d’enquête et de données que je cherchais à recueillir, il se pose alors la question de l’échantillon sur lequel je vais chercher ces données, mais aussi la création du guide d’entretien pour aller les amener à me fournir ces dernières.
  • 38. 26 Au vu de la question de départ et des sujets clés qui s’y rattachent, le plus judicieux est de pouvoir obtenir un échantillon varié. En effet, « un échantillon bien diversifié est plus susceptible de recueillir des informations auprès de gens qui affrontent un problème similaire dans des conditions suffisamment variées » (Jones, 2000, p142). De fait, comme le rappel Russel JONES : « La préparation d’une recherche oblige par ailleurs à déterminer quelles personnes seront soumises à un entretien » (Ibid, p142). Etant donné que ma question de départ interroge l’insertion sociale des adolescents en situation de handicap, la première catégorie que je vais interpeller sera bien évidemment les adolescents en situation de handicap. Leurs avis, leurs parcours et leurs expériences de ce dernier sont une source d’information très importante, car c’est une vision que personne ne peut juger sans y avoir été confronté, notamment sur leurs liens et leurs expériences envers la société. Mais pour pouvoir compléter et étoffer ces entretiens afin qu’ils puissent être le plus complets possible, je me suis également intéressé aux professionnels qui accompagnent ces adolescents. Ces personnes sont au quotidien avec eux, et possèdent en quelques sortes une sensibilité au handicap déjà présente. Cela permet donc d’interroger leur manière de travailler, mais aussi ce qu’ils cherchent à réaliser au travers des accompagnements qu’ils dispensent, sont-ils en phase avec les souhaits et aspirations de ces adolescents par exemple ? Enfin, et pour tenter d’observer au mieux les représentations sociales en présence dans cette enquête, j’ai fait le choix d’intégrer une troisième composante, à savoir des gérants de société ou responsables des ressources humaines du milieu dit « ordinaire », ayant dans leurs murs des personnes en situation de handicap ou non. Voici donc la liste des personnes interrogées1 lors de ces entretiens, ainsi que leurs statuts et établissements : Amélie DAME Adolescent en situation de handicap David CFAS Adolescent en situation de handicap Samuel DAME Adolescent en situation de handicap Aurore Hôpital de jour / Accueil familial thérapeutique Educatrice spécialisée Christian DAME Cadre Socio-Educatif Martin Entreprise privée Gérant de société 1 Les noms utilisés dans ce mémoire sont tous des noms d’emprunt afin de respecter l’anonymat
  • 39. 27 Par cette richesse d’échantillon, je peux ainsi recueillir l’avis de personnes diverses sur une même thématique, mais vécue différemment en fonction de l’orientation du point de vue de chacun. L’analyse réalisée permettra de mettre en lumière ces disparités. Ainsi, après avoir déterminé l’échantillon autour duquel je vais travailler et tenter d’obtenir des entretiens, ces derniers ne peuvent se permettre d’être réalisés de manière négligente. Aussi, pour pouvoir obtenir l’adhésion des enquêtés sur des sujets clés, et des réponses les plus sincères possibles, mon rôle est de veiller à ne pas les mettre en difficulté. Pour ce faire, la réalisation d’un guide d’entretien s’avère nécessaire. En effet : « Si le recours à des entretiens s’impose, l’élaboration d’un guide d’entretien s’avérera nécessaire. Ce guide rappellera quels points l’interviewé devra être amené à aborder, soit spontanément, soit en y étant incité par l’intervieweur » (Jones, 2000, p139). J’ai donc construit un guide d’entretien (Cf : annexe I) tournant autour de 4 grandes thématiques communes. Ces thématiques sont, elles, abordées par le biais de différentes questions permettant une approche différente pour les personnes interviewées. Au total, cela représente 12 questions. Les entretiens réalisés ont duré entre 25 minutes et 1 heure en fonction de l’aisance verbale de chacun, et ont tous été retranscrits pour permettre de réaliser une analyse de leur contenu en fonction des thématiques abordées. À défaut de pouvoir obtenir une tendance nationale sur ces sujets, l’échantillon autour duquel j’ai travaillé me donne déjà une tendance locale, bien que ce dernier comporte bien évidemment des limites comme indiqué précédemment dans la partie méthodologie. 2) L’analyse des données recueillies a) Le handicap dans la société : image et représentation Au cours de la partie théorique, une définition du handicap donnée par la loi du 11 février 2005, relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, expliquait ce qu’était le handicap, ou du moins tentait de le définir. En France, il est référencé 5 grandes familles de handicap (les maladies invalidantes, le handicap psychique, la déficience intellectuelle ou mentale, le handicap physique et le handicap sensoriel), (Mission handicap, 2018).
  • 40. 28 Pour autant, lors de mes entretiens, j’ai abordé la question de la connaissance des différents handicaps et de leurs différentes manifestations. D’une manière générale, les personnes en situation de handicap ne posent pas un nom sur le(s) handicap(s) qu’elle(s) possède(nt) mais en listent plutôt les symptômes et les conséquences de ce(s) dernier(s), à l’image de David qui déclare : « J’ai du mal à lire et j’avais du mal à écrire, et … j’avais des difficultés à parler »2 . À l’inverse les personnes issues du milieu dit « ordinaire » vont majoritairement citer le handicap physique, en occultant complètement les handicaps invisibles (psychique, intellectuel, …) comme Martin qui dit : « Je connais le handicap physique, tout ce qui est physique … Un bras en moins, une jambe en moins ». Pour ce qui est des professionnels travaillant au sein des Établissements Sociaux et Médico-Sociaux (ESMS), ils définissent très clairement les différents types de handicap présents dans leurs structures, mais aussi les différentes particularités de ces derniers. Il semble donc qu’il existe certaines disparités sur la connaissance des différents handicaps. Elle serait fonction de la sensibilité que l’on aurait avec le handicap. En effet, les personnes rencontrant régulièrement des personnes en situation de handicap semblent avoir des prédispositions à pouvoir répondre à cette question avec justesse. Les personnes en situation de handicap restent, elles, essentiellement centrées sur les particularités, mais cela peut aussi dépendre du degré d’acceptation qu’elles ont de leur handicap. Samuel me dit d’ailleurs à propos de son handicap (dont il est le seul à le nommer) : « J’ai réussi à passer le cap, j’avais du mal à me considérer comme un handicapé, beaucoup de mal à accepter le handicap. Aujourd'hui, j’ai moins de mal, je m’assume ». Autre élément qui ressort de ces entretiens sur la représentation du handicap, c’est que l’ensemble des personnes interrogées semble s’accorder pour dire que le regard porté sur le handicap par la société se serait amélioré au fil des années. Là où cela diffère en revanche, c’est sur les raisons évoquées pour expliquer ce changement. Les personnes en situation de handicap parlent elles, de leurs efforts, de ce qu’elles ont entrepris au sein de leur quotidien pour rentrer dans les standards demandés par la société. Comme Amélie, qui m’explique que : « Il y a moins de personnes qui me regardent de travers, j’ai moins de gens qui me font des remarques sur mon handicap, ça s’est amélioré » et qui me répond, quand je lui demande à quoi c’est dû : « C’est par rapport aux efforts que je fais sur mon handicap ». 2 Extrait d’entretien d’exploration
  • 41. 29 Même réponse pour Samuel, qui me répond avec beaucoup de prestance : « Un handicapé tant qu’il a envie d’y arriver à ses objectifs, il y arrive ». Les professionnels des ESMS et gérant de société parlent plutôt d’une meilleure visibilité du handicap porté notamment par l’évolution de la loi et les médias avec des émissions telle que le Téléthon. Martin exprime justement : « C’est juste qu’on en parle plus, comme tout aujourd’hui, à cause des médias. Mais je pense que c’est resté un sujet assez tabou, et qu’on le vit mal parce que c’est quelque chose qu’on ne connaît pas en fait. Et à l’heure d’aujourd’hui, ce qu’on ne connaît pas, ça fait peur ». Il semble donc qu’une amélioration du regard porté sur le handicap se soit développée au fil des années, néanmoins, la représentation de ce dernier fait encore, comme le dit justement Martin, peur. Aurore, éducatrice spécialisée auprès d’enfant autiste, l’analyse ainsi : « Je pense qu’il y a une grande méconnaissance, il y a de grandes interrogations […] on perçoit le regard des gens », avant d’ajouter : « Il y a des choses de l’étrangeté (dans le handicap), l’extérieur à tendance à être dans la peur, dans l’incompréhension de ce qui se joue […] ça a tendance à faire peur facilement dès que ça sort d’une normalité. » b) L’adolescent et l’adolescence aujourd’hui Si le handicap n’échappe pas aux interrogations, aux incertitudes qu’il génère chez les personnes qui ne le côtoient pas, l’adolescent n’est pas non plus en reste. Définir ce qu’est un adolescent est d’ailleurs très complexe. La majorité des personnes interrogées définit l’adolescence comme étant une période liée à l’âge et se situant entre l’enfance et l’adulte. Elle se situerait « entre 12 à 22 ans ». Seuls les professionnels des ESMS définissent l’adolescent comme étant un être en devenir, et axent leur définition plus sur un plan sociologique que sur une période liée d’âge. Un cadre me précise d’ailleurs : « C’est une période liminaire […] le passage par l’adolescence est singulier selon les individus ». Avant de poursuivre : « En France, on aime bien mettre dans des petites cases, donc on a mis le terme générique de l’adolescence pour parler d’une période de vie qui est un peu indéfinie ». Aurore confirme cette vision parlant de l’adolescent comme étant : « Un adulte en devenir… Il y a une sorte d’éveil, de curiosité de la vie. Plein de chose se rejoue, de l’enfance, des liens d’attachement. » Si la définition de l’adolescent et de l’adolescence semble un exercice compliqué tant il existe de variables, il semble également que l’environnement et l’accompagnement joue un
  • 42. 30 rôle important sur cette période. L’adolescent est très souvent représenté dans l’inconscient collectif comme un être “ingérable” et “immature”. Pour autant, lorsque j’aborde ce sujet durant les entretiens, l’ensemble des adolescents me disent avoir vécu une adolescence semblable à celle de n’importe quel adolescent. Néanmoins, l’un d’entre eux m’explique avoir mal vécu les moqueries des autres adolescents. Il s’est senti mieux depuis son arrivée au DAME : « Les jeunes ici, on a tous un handicap et on en est conscient ». Cette identification à ses pairs lui aurait ainsi permis de surmonter cette période. La question de l’identification aux pairs est d’ailleurs assez récurrente dans le développement de l’adolescence. Elle semble jouer un rôle extrêmement important dans leur transition vers l’âge adulte, et plus globalement dans leur insertion sociale au quotidien. c) L’insertion sociale des adolescents en situation de handicap Mais si la plupart des adolescents disent avoir eu une adolescence normale, il est intéressant de relever que lorsqu’on leur demande comment ils abordent leurs activités extra-scolaires, tous m’évoquent des activités individuelles ou alors en présence de leur famille. Comme Samuel qui m’explique, outre sa passion pour la musique : « J’essaye de sortir un peu quand même, parce qu’il ne faut pas non plus rester enfermé. Je fais des courses avec mes parents, je promène mon chien ». Ou encore Amélie qui me dit : « Je fais tout ce qui est la photographie, j’adore prendre des photos de la nature » et David qui ajoute : « Je fais du vélo, je m’amuse avec mes frères ». Il semble donc que l’insertion sociale, au sens où elle est d’ordinaire entendue, ne soit pas la même ; et que celle que vivent ces adolescents, se passe soit entre personnes en situation de handicap ou alors en “vase clos”, en famille. Aurore, lors de notre entretien, m’explique que l’insertion sociale des personnes en situation de handicap pourrait n’être qu’une sorte « d’illusion », et qu’en réalité, la place laissée à ces personnes serait paradoxale à ce que les politiques sociales demandent actuellement dans leur volonté de désenfermement institutionnel et de réalisation d’un système pleinement inclusif. Elle m’apporte un autre éclairage sur l’insertion sociale justifiant que : « C’est aussi la place que l’on veut laisser au jeune dans l’exploration possible, et ça, c’est forcément contextuel avec les époques. Parler de limites, c’est aussi les limites qui sont imposées par une société. Ce n’est pas uniquement la sphère familiale, c’est aussi les limites possibles et tolérées d’une société ».
  • 43. 31 Mais l’insertion sociale passe également par l’insertion scolaire et professionnelle. Là encore, la plupart des adolescents interrogés s’accordent pour dire que leur scolarité s’est bien passée et se félicitent de leurs parcours respectifs, comme Samuel qui me dit : « Ma scolarité se passe très bien. La preuve, c’est que normalement l’année prochaine, je vais dans un lycée » ou encore David qui me dit avec fierté : « Je suis en CAP 2e année ». Sur le plan professionnel, tous ont un projet et s’y préparent avec sérieux. Là encore, Samuel et Amélie m’expliquent qu’ils ont des séances d’atelier deux à trois fois par semaine au sein de leurs établissements, et qu’à ces séances s’ajoutent des mises en stage au sein du milieu ordinaire ou d’établissements adaptés (ESAT, FV, EA). Samuel me décrit le protocole ainsi : « Le référent demande au jeune s’il veut faire un stage, et si le jeune dit oui, le référent va tout faire pour le mettre en stage », mais la pression du milieu ordinaire semble cependant rester extrêmement forte. Il ajoute avec lucidité : « Au début moi, j’avais quand même très peur, toutes les nuits je n’arrivais pas à dormir […] j’en parle à mes parents, je leur dis voilà, j’ai peur dans le sens où je vais pas y arriver, et je suis pressé en même temps d’aller en stage. Ces deux émotions se mélangent, des émotions normales. Je veux dire, on a peur de ne pas y arriver ». Aussi, lorsque je demande aux adolescents s’ils se sont sentis suffisamment accompagnés et soutenus dans ces moments, la réponse est unanime. David, en CAP, me répond : « Oui, ils ont bien fait leur travail, ils ont confirmé le métier que je voulais faire depuis longtemps. J’en rêvais à chaque fois ». Néanmoins, les professionnels des ESMS bien que poursuivant leurs missions d’accompagnement n’ont pas tout à fait le même regard et sont plus critiques sur leur travail, pointant du doigt différentes choses telles que l’organisation institutionnelle ou les politiques sociales actuelles qui selon eux seraient chimériques, voire trompeuses. d) Les politiques sociales : un constat en demi-teinte Aurore, sur le plan scolaire, met en garde sur la volonté d’inclure à tout prix : « Il n’y a pas suffisamment de moyen. Il faut intégrer à tout prix, c’est joli, mais il faut intégrer comment, intégrer dans quelle configuration et où si on ne met pas les moyens où il faut […] il n’y a pas suffisamment d’accueil pour ces enfants. Je veux dire, c’est la bataille ». Elle argumente en expliquant que d’un côté les handicaps sont singuliers et que les adolescents ne peuvent donc suivre une scolarité standard et uniforme à tous, et que d’un autre côté les professionnels de l’Éducation Nationale ne sont pas toujours formés, ni
  • 44. 32 accompagnés pour travailler avec ce public avec des classes déjà surchargées. Un cadre ajoute également : « On peut faire croire, donner l’illusion aux parents, l’illusion au jeune qu’il peut intégrer un parcours normal, et c’est une illusion qui peut être dangereuse pour des parents qui peuvent être parfois dans le déni du handicap. Ça peut être un effet pervers extrêmement grave ». Aurore dénonce également le peu de perspectives professionnelles qui sont proposées aux personnes en situation de handicap et notamment leur redondance : « On retombe souvent sur les mêmes choses, ce n’est pas assez éclectique en terme de possibilité […] Ca ferme des portes avant de pouvoir en ouvrir suffisamment, d’avoir un champ de possible important ». Finalement, les professionnels des ESMS s’accordent pour dire que les volontés économiques et politiques entravent la qualité de leur travail au quotidien. Ce même cadre m’explique : « On fait ce travail d’intégration dans la société, on le fait au pas de charge en disant voilà c’est fantastique ! […] Il y a une politique publique, on la suit, mais les professionnels ne doivent pas être dupes de ça ». Avant d’ajouter : « Il y a un manque de moyens criant. Et quand les établissements comme celui-ci fonctionneront moins, ça reviendra aux familles ». Aurore de son côté, regrette le choix économique retenue par les instances politiques et préfère se souvenir de ce qu’elles étaient lorsqu’elle a commencé son métier d’éducatrice spécialisée. « Ils n’étaient pas dans une démarche de gain d’argent ». Les nouvelles politiques sociales semblent vouloir accentuer l’inclusion sociale, scolaire et professionnelle pour lutter contre l’enfermement institutionnel et les représentations sociales, mais la réalisation de ces objectifs, leur pleine insertion dans le milieu dit “ordinaire” semble encore loin. Martin m’explique avec clairvoyance : « Ce n’est pas un accompagnement, c’est plus : il va nous être utile à baisser nos charges, que de se dire on va l’aider dans sa vie de tous les jours ». Les représentations ont-elles aussi encore la vie dure. Lorsque je pose la question : pensez-vous que la société pense encore que les personnes en situation de handicap sont moins productives qu’une personne lambda malgré un aménagement de poste ? Seuls les adolescents me répondent non, comme un fragment d’innocence gardé de leur enfance ?
  • 45. 33 III) Problématisation de la recherche : 1) Apports théoriques et apports de terrain Pour bien comprendre ce qu’est le handicap, ce qu’est l’adolescence, et comment ces deux facteurs impactent notamment sur l’insertion sociale, nous avons pris le temps de définir chacun de ces mots, chacun de ces grands thèmes et finalement leurs différents apports. La partie théorique a permis d’observer l’évolution du handicap à travers, l’histoire, le lexique le concernant, mais aussi, comment le regard et les représentations sociales portées sur le handicap se sont développés dans l’inconscient collectif. La dimension de ce qu’était l’adolescent et l’adolescence dans nos sociétés occidentales ont été observées, ainsi que les représentations qui s’y sont accolées. Ainsi, nous avons pu comprendre comment l’adolescent était perçu de nos jours, la difficulté inhérente lorsqu’il était en situation de handicap, et sa place au sein de la société. Enfin, nous avons modestement tenté de mettre en lumière les différentes formes d’insertion au sein de la société actuelle. Nous avons expliqué l’importance que prenait l’identité, les normes ou encore le groupe sur la construction des représentations sociales, et de fait, l’influence de ces dernières sur la pleine insertion des adolescents en situation de handicap. Ainsi, la rédaction de cette partie théorique a permis d’apporter des éléments de réponse autour de la question de départ. L’enquête, quant à elle a permis d’obtenir des éléments plus en lien avec les différents acteurs présents sur le terrain. Désormais, il est donc intéressant de voir en quoi les réponses apportées par les entretenus expriment des divergences ou des similitudes entre ces deux parties. La partie exploratoire avait mis en relief, par le biais des entretiens réalisés, l’existence d’une réelle méconnaissance du handicap, ce que soulignait déjà Martin ou encore Aurore lorsqu’elle disait à propos du handicap en général : « Je pense qu’il y a une profonde méconnaissance. Il y a aussi une peur je pense, il y a des grandes interrogations »3 . Nous avions aussi pu pointer l’explication de cette méconnaissance par la peur générée par l’inconnu, par ce qui nous est étranger, comme expliqué dans la partie théorique, et de fait à l’anxiété et au mécanisme de défense naturelle que cela produisait chez l’homme. 3 Extrait d’entretien
  • 46. 34 Il est également intéressant de pouvoir constater que le stigmate tel que décrit et défini par Erving GOFFMAN en 1963 dans son ouvrage « Stigmate : les usages sociaux des handicaps » est encore d’usage de nos jours. L’impression d’être en représentation, de devoir faire preuve d’usage et posture qui ne s’imposeraient pas aux mêmes personnes lorsqu’elles sont issues du milieu dit « ordinaire » n’est pas une impression, mais un fait vérifié et appuyé par les témoignages des divers adolescents interrogés lors de mes entretiens. Amélie s’interrogeait d’ailleurs sur cette réalité exprimant : « Je pense que c’est aussi aux autres de faire des efforts »4 . Il semble donc que la stigmatisation des personnes en situation de handicap soit encore très présente de nos jours. En ce qui concerne les adolescents en règle générale, les données relevées entre les apports théoriques et la réalité du terrain tendent à démontrer que les changements liés à la période de l’adolescence tels que nous les connaissons en France (vision occidentale) soient un incontournable. C’est d’ailleurs ce qui marque cette période, comme nous l’avions vu dans la partie théorique. Là où il faut faire la distinction, c’est dans le comportement et l’interprétation de ces derniers. En effet, je vais y revenir, la « crise d’adolescence » est une construction, une représentation sociale qui a été imputée à l’adolescent sans pour autant pouvoir être pleinement justifiée. En revanche, la notion de conflit émotionnel (avec ses figures d’attachement et plus largement son environnement familial) qui est la résultante de la réactivation du complexe œdipien consistant au « déplacement sur de substituts parentaux, idéalisés (professeurs, artiste…) mais aussi une réactivation des problématique pré-génitale et notamment orales (anorexie mentale, toxicomanie…) […] l’adolescent est en effet dans une période de renoncement multiples […] il doit admettre un décalage irréductible entre son Moi et son idéal du Moi (blessure narcissique) et admettre également les imperfections inévitables de ses parents (perte d’objet) » (Duverger, 2017). Cette réactivation est une réalité. De fait, il en découle les recherches identitaires (auprès de ses pairs) ou encore l’impression d’ambivalence pour un adolescent recherchant une autonomie tout en craignant son propre isolement, renvoyant l’idée qu’il vit dans un monde en dehors d’une réalité sociétale normée. Toutes ces notions (conflits, difficulté identificatoire, isolement) 4 Ibid
  • 47. 35 sont, elles, bien une réalité. Michel FIZE écrit d’ailleurs : « L’adolescent vit dans ce monde égaré […] Dépourvu d’identité sociale, il plonge goulument dans des univers culturels musicaux, langagiers, qu’il bâtit patiemment et où il trouve réconfort et espoir. Quand il revient, enfin, au monde, le nôtre, il en est effrayé ou révolté » (Fize, 1998, p21). Enfin, concernant les notions d’identités, de groupe, et par extension la construction des représentations sociales, ces dernières s’opèrent et se vérifient de la même manière sur le terrain. Il s’agit en grande majorité de construction explicable et « standardisée ». Concrètement, les différentes directions prises ou choisies par les individus sont orientées en fonction de leurs environnements, de leur parcours de vie, de leur éducation. De fait, les individus ont ainsi tendance à reproduire ce qu’ils connaissent, car rassurant et non créateur d’anxiété. Edgar MORIN ajoute : « Les enfants et adolescents apprennent à vivre au départ par leur famille ou par la rue, puis par les médias, la télévision » (Morin, 2020, p52). Il en résulte par la suite que la plupart des schémas de pensées, et donc les représentations sociales persistent et se reproduisent au fil du temps. S’il existe des similitudes entre la théorie et la réalité du terrain, il persiste également des ambigüités entre ces mêmes parties et sur les mêmes axes principaux. En effet, le travail autour de ce mémoire d’initiation à la recherche s’axait autour de mots-clés qu’étaient le handicap, l’adolescent, l’insertion, mais aussi les représentations sociales de chacun de ces mots et les interactions entre eux. Avant de poursuivre, il faut rappeler que la représentation que la société se fait des adolescents est essentiellement occidentale et ne s’appliquent pas dans d’autres cultures (rite de passage), (Fize, 1998, p17). Cependant, si les principes globaux de l’adolescence sont en majorité bien appréhendés, il en ressort aussi une profonde difficulté à la définir clairement. Pour certains, il s’agit d’une période caractérisée par un âge bien défini, pour d’autres, il s’agit de choses plus profondes que cela. Tout dépend de la sensibilité du sujet. Il apparaît par la suite une capacité à emprunter des raccourcis pour exprimer ce qu’on ne maîtrise pas ou tenter d’en donner une explication, si tant est qu’elle soit justifiée, et qui consiste à dire que lorsqu’un adolescent pose problème, dans le sens ou lorsque ses divers comportements ne sont pas compris, on place alors le terme générique de « crise d’adolescence ». De fait, cela permet de prétexter que : ce qui dépasse les parents ou la société est explicable par une conclusion sembleŔt-il hâtive. En réalité, seul 10 à 15 % des adolescents vont réellement très mal au point de consulter un psychologue (Brechet, 2020).