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Les nationaux-populismes :
une hostilité des électeurs contre
l’« Europe » ?
Le succès des forces politiques national-populistes fait
l’objet d’une lecture largement consensuelle : il serait la
manifestation d’une hostilité de la part de leurs électeurs
à l’égard de l’Union européenne. Dans le même temps,
il est notable que le soutien en faveur de l’appartenance
à l’UE s’est fortement accru ces trois dernières années si
l’on considère la moyenne européenne des plus récents
Eurobaromètres. En effet, les enquêtes d’opinion réalisées
à la suite du référendum britannique suggèrent que les
opinions publiques sont devenues plus favorables à la
participation à cette Union, et plus positives sur l’image
qu’elle inspire.
Il est remarquable que cette évolution peut être également
constatée dans les Etats membres actuellement gouvernés
par des forces politiques national-populistes et illibérales
comme en Hongrie et en Pologne. Par ailleurs, on ne trouve
dans aucun pays membre une majorité « europhobe » en
faveur de la sortie de l’Union européenne et il n’y a pas de
remise en cause de l’appartenance à l’UE, ni en Hongrie ni
en Pologne.
Emmanuel Rivière*
Kantar
Directeur Général, Public Division, France
emmanuel.riviere@kantarpublic.com
Thierry Chopin*
Professeur de science politique
Directeur adjoint du Centre de recherche
ESPOL-LAB
thierry.chopin@univ-catholille.fr
POPULISMES :
LA « FAUTE
À L’EUROPE » ?
UN DOCUMENT DE RÉFLEXION DU CENTRE KANTAR
SUR LE FUTUR DE L'EUROPE
(*) Thierry Chopin est professeur de science politique à l’Université catholique
de Lille (ESPOL) et conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors
Emmanuel Rivière dirige la division Public de Kantar en France – et préside
le Centre Kantar sur le futur de l’Europe
Même en Italie, où le bénéfice tiré de l’appartenance est une
question qui divise, on trouve une majorité pour souhaiter
que davantage de décisions soient prises au niveau européen,
et certainement pas pour voter en faveur de la sortie de
l’Union si un tel référendum était proposé. Les formations
politiques qui expriment des critiques « eurosceptiques »
sur certains aspects de cette Union et alimentent la crise de
légitimité de l’Union européenne semblent partout rencontrer
un soutien croissant des électeurs, dans une Europe à laquelle
les mêmes électeurs.
2POPULISMES© KANTAR
Des raisons d’abord nationales
Fondamentalement, l’explication réside dans le fait que les
facteurs qui expliquent la force des populismes sont d’abord
nationaux. Il n’est même pas sûr que le Royaume-Uni fasse
exception1
. Ukip y a prospéré sur un discours principalement
anti-européen et le Brexit est apparu comme un
aboutissement de son action, mais le résultat du référendum
du 23 juin 2016 s’explique d’abord par des ressorts nationaux.
Sur le plan économique, d’abord, le retour du populisme
est lié dans certains pays (notamment dans les pays du
sud de l’Europe) à la crise économique et financière qui a
frappé les Européens depuis dix ans2
. Au-delà, il s’explique
par le sentiment de déstabilisation économique et de trouble
identitaire ressenti par maintes opinions publiques dans le
contexte d’ouverture internationale depuis vingt-cinq ans
et notamment dans les pays qui connaissent une panne
de croissance et un chômage élevé depuis de nombreuses
années (c’est le cas de la France). La globalisation de
l’économie produit des effets allant dans le sens d’un repli
sur soi, tendances qui vont se renforçant dans les périodes
de crise : sur le plan interne, retour des aspirations à un
tel repli national(iste); hostilité aux étrangers et retour des
discours xénophobes dans certains pays européens comme
forme renouvelée du mécanisme du « bouc émissaire » mis
en évidence par René Girard, les étrangers étant considérés
comme responsables des maux économiques et sociaux
y compris en termes d’insécurité ; sur le plan externe :
retour des contrôles aux frontières nationales3
encouragé
par la crise des réfugiés et par les attentats terroristes ;
durcissement des sociétés européennes à l’intérieur se
traduisant par la volonté de se protéger contre les migrations
de l’Est et du Sud.
Ensuite, sur un plan démographique, le retour du populisme
dans des pays économiquement prospères (par exemple
dans les pays du nord de l’Europe) s’exprime sous une
forme « patrimoniale »(selon l’expression de Dominique
Reynié) ce qui renvoie à la crainte de perdre non seulement
son patrimoine matériel mais aussi, et peut-être surtout,
immatériel c’est-à-dire son mode de vie et ses valeurs. Cela
peut s’expliquer par les premières manifestations de sociétés
de plus en plus âgées qui ne se caractérisent pas seulement
par des craintes économiques mais plutôt par des craintes
de type identitaire et culturel4
liées à la transformation d’un
environnement dans lequel elles ne se reconnaissent plus
nécessairement, ce qui explique l’importance renouvelée du
thème de la place des religions – notamment de l’islam - et
de l’exercice des cultes dans les sociétés nationales de l’Union
européenne. En outre, cette « panique démographique »5
explique l’impact de la crise migratoire dans les pays centre
et est-européens et l’exploitation qui a pu en être faite sur
le plan politique par les forces politiques populistes afin de
1 Chopin, T. (2017), « Le Brexit : singularité britannique ou crise de légitimité
de l’UE ? », Questions internationales, n°88, La documentation française
2
Funke, Manuel, Schularick, Moritz, Trebesch, Christoph (2015),
Going to Extremes: Politics after Financial Crisis, 1870-2014,
Center for Economic Studies (CES) / Institut IFO
3 « Migration, a key challenge for the EU », Centre Kantar
sur le Futur de l’Europe, novembre 2018
4 Bouvet, L. (2015), L’insécurité culturelle, Fayard
5 Krastev, Ivan (2017), After Europe, Penn Press ; trad. française (2018) :
Le destin de l’Europe. Une sensation de déjà vu, Premier Parallèle ;
v. aussi Rupnik, J. (2019), « Est-Ouest, réalité et relativité d’un clivage »,
Décryptage, Institut Jacques Delors
En général, l'image que vous avez de l'UE est-elle très positive, assez positive, neutre, assez
négative ou très négative ?
(% - UE)
32
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43
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28 29 29 28
25
22
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23
27
25
21 21 21 20
NEUTRE
NE SAIT PAS
TOTAL
'POSITIVE'
TOTAL
'NÉGATIVE'
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
3POPULISMES© KANTAR
35
49
22 28
52 54 54
41
14 19
43
58
45
30
56 54 49 50
28 31
18 27
11 11
34 31
18 21
4 8
Partis politiquesCommission européenneGouvernement
55
33 43
23 23 32
53 60
32
46 48 54 55
36 43
61 63
3033
14 17 16 10 16
28
41
13
26 19 28 32 31 28
62
48
63 63
36 44 36 43 41
57 57 52 52 61
6 12 14 10 10 9
27 28 36 44
Niveau de confiance
Belgique Bulgarie République
tchèque
Danemark Allemagne Estonie Irlande Grèce EspagneUE28
France Croatie Italie Chypre Lettonie Lituanie Luxembourg Hongrie Malte Pays-Bas
Autriche Pologne Portugal Roumanie Slovénie Slovaquie Finlande Suède Royaume-Uni
légitimer le développement de formes d’« autoritarisme
majoritaire ». Ces pays constituent en effet une exception
mondiale. Selon une note de l’Institut Montaigne6
, c’est en
Europe centrale et orientale que se trouvent 10 des 11 pays du
monde menacés de perdre 15% de leur population au cours
des 30 prochaines années.
Enfin, sur un plan politique, c’est l’exaspération de nombreux
citoyens face aux scandales financiers et fiscaux ainsi qu’aux
affaires de corruption qui alimentent la critique populiste de
l’ « establishment » et de la démocratie libérale7
. En outre, ce
retour des populismes traduit une crise de la représentation
dans de nombreux pays européens. Le « système » de
représentation traditionnel rencontre en effet des difficultés
à refléter la complexité et la transformation des clivages
anciens et nouveaux qui s’expriment dans la société mais
qui ne trouvent pas nécessairement de traduction claire
au plan électoral. Dans ce contexte, où beaucoup de
citoyens ont l’impression que l’alternance classique, voire le
consensus bipartisan, entre les partis de droite et de gauche
ne permet pas de dépasser un statu quo jugé intenable, les
partis populistes, voire extrémistes, apparaissent comme
un moyen de briser le consensus bipartisan et le système
politique traditionnel en se présentant comme la seule
alternative politique possible. Ce mécanisme est à l’œuvre
aussi bien dans les pays caractérisés par des « démocraties
de consensus » gouvernés par des coalitions (Autriche,
Belgique, Pays-Bas, etc.) que dans les régimes politiques
majoritaires (comme en France). Et ce mécanisme, qui
affecte la confiance dans la plupart des institutions,
s’exerce d’abord au niveau national. La confiance dans la
Commission européenne est plus que mitigée sur la moyenne
des 28 pays de l’Union, s’établissant à 43% contre 29% de
défiants. Mais cette même moyenne des 28 fait apparaître
une confiance dans les partis politiques de 18% contre 77%
de défiance. Dans aucun des pays membres on ne trouve un
niveau de confiance dans les partis supérieur à celui accordé
à la Commission. Les 6 pays où le dernier Eurobaromètre8
fait apparaître une confiance dans le gouvernement national
supérieure à celle accordée à la Commission sont des pays
où cette confiance est élevée (Autriche, Estonie, Luxembourg,
Malte, Pays-Bas) à l’exception du Royaume-Uni (confiance
dans le Gouvernement,32% ; dans la Commission, 30%).
Partout, le rejet des élites s’exerce au premier chef à l’égard
des élites nationales. En Slovaquie, être une candidate pro
européenne n’a pas empêché Zuzana Čaputová d’être
largement élue pour devenir la première femme présidente
du pays. La principale raison est qu’elle incarnait la lutte
contre la corruption.
6 Tertrais, B. (2018), « Le défi démographique : mythes et réalités »,
Note, Institut Montaigne.
7 Mounk, Y. (2018), The People vs. Democracy. Why our Freedom Is in Danger &
How to Save It, Cambridge, Harvard University Press Mudde, C.,
Rovira Kaltwasser, C. (2017), Populism: A very short introduction, Oxford
University Press; Müller J.-W. (2016), trad. Française : Qu’est-ce que le
populisme? Définir enfin la menace, Paris, Premier Parallèle
8 Eurobaromètre Standard 90 – Vague EB90.3 Novembre 2018
4POPULISMES© KANTAR
L’ Europe exacerbe les exigences
Naturellement, ces différents facteurs économique,
identitaire et culturel, et politique peuvent jouer un rôle
plus ou moins fort dans la montée des populismes dans
les différents Etats membres de l’Union. Ils peuvent se
combiner dans des proportions variables en fonction
des situations nationales. Mais, l’Union européenne n’est
pas nécessairement une condition d’existence ou un
déclencheur de ces populismes. Pourtant, celle-ci peut
exacerber les thèmes qu’ils portent : rapport problématique
à la démocratie représentative, identité et communauté,
dialectique ouverture/fermeture, rapports liberté/sécurité,
Etat-providence menacé, etc. De ce point de vue, les
faiblesses actuelles de l’Union peuvent être considérées non
pas tant comme des éléments déclencheurs que comme
des démultiplicateurs de certaines exigences au cœur de
nos démocraties portant notamment sur la recherche de
communauté et d’identité ainsi que sur la demande d’égalité
et de justice sociale comme sur la demande de protection
en matière économique et en matière de sécurité. Que
les peuples européens soient davantage en recherche de
sécurité et d’identité dans un espace de proximité, en attente
de réponses nettes et immédiates et dans une méfiance à
l’égard des institutions d’autant plus grande qu’elles sont
éloignées sont des phénomènes qui heurtent la nature même
du projet européen : transnational, porté à la recherche de
compromis, peu incarné et s’inscrivant sur le temps long.
Pour autant, faire de la construction européenne la source
de ces mouvements et la raison de leur succès serait une
erreur de diagnostic.
CENTRE KANTAR SUR
LE FUTUR DE L’EUROPE
Créé au sein de Kantar, société internationale
d’étude et de recherche, le Centre Kantar sur le
Futur de l’Europe a pour ambition de nourrir le débat
public sur les enjeux européens, en s’appuyant
notamment sur les experts nationaux
de Kantar, leur connaissance de l’opinion
publique, des mouvements politiques,
tendances socioéconomiques et phénomènes
migratoires au sein de l’Union européenne
et chacun des pays qui la composent.
Leader mondial de la data, des études et du conseil,
le groupe Kantar regroupe toutes les disciplines
de la recherche et du consulting en marketing.
Les 30 000 experts de Kantar développent des
stratégies auprès des décideurs partout dans le
monde. Forts de ces expertises, nous apportons les
éclairages sur tout ce que les consommateurs et
les citoyens ressentent, achètent, regardent, votent,
postent, débattent. Tout ce qu’ils vivent.
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Populisme : la faute à l'Europe ?

  • 1. Les nationaux-populismes : une hostilité des électeurs contre l’« Europe » ? Le succès des forces politiques national-populistes fait l’objet d’une lecture largement consensuelle : il serait la manifestation d’une hostilité de la part de leurs électeurs à l’égard de l’Union européenne. Dans le même temps, il est notable que le soutien en faveur de l’appartenance à l’UE s’est fortement accru ces trois dernières années si l’on considère la moyenne européenne des plus récents Eurobaromètres. En effet, les enquêtes d’opinion réalisées à la suite du référendum britannique suggèrent que les opinions publiques sont devenues plus favorables à la participation à cette Union, et plus positives sur l’image qu’elle inspire. Il est remarquable que cette évolution peut être également constatée dans les Etats membres actuellement gouvernés par des forces politiques national-populistes et illibérales comme en Hongrie et en Pologne. Par ailleurs, on ne trouve dans aucun pays membre une majorité « europhobe » en faveur de la sortie de l’Union européenne et il n’y a pas de remise en cause de l’appartenance à l’UE, ni en Hongrie ni en Pologne. Emmanuel Rivière* Kantar Directeur Général, Public Division, France emmanuel.riviere@kantarpublic.com Thierry Chopin* Professeur de science politique Directeur adjoint du Centre de recherche ESPOL-LAB thierry.chopin@univ-catholille.fr POPULISMES : LA « FAUTE À L’EUROPE » ? UN DOCUMENT DE RÉFLEXION DU CENTRE KANTAR SUR LE FUTUR DE L'EUROPE (*) Thierry Chopin est professeur de science politique à l’Université catholique de Lille (ESPOL) et conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors Emmanuel Rivière dirige la division Public de Kantar en France – et préside le Centre Kantar sur le futur de l’Europe Même en Italie, où le bénéfice tiré de l’appartenance est une question qui divise, on trouve une majorité pour souhaiter que davantage de décisions soient prises au niveau européen, et certainement pas pour voter en faveur de la sortie de l’Union si un tel référendum était proposé. Les formations politiques qui expriment des critiques « eurosceptiques » sur certains aspects de cette Union et alimentent la crise de légitimité de l’Union européenne semblent partout rencontrer un soutien croissant des électeurs, dans une Europe à laquelle les mêmes électeurs.
  • 2. 2POPULISMES© KANTAR Des raisons d’abord nationales Fondamentalement, l’explication réside dans le fait que les facteurs qui expliquent la force des populismes sont d’abord nationaux. Il n’est même pas sûr que le Royaume-Uni fasse exception1 . Ukip y a prospéré sur un discours principalement anti-européen et le Brexit est apparu comme un aboutissement de son action, mais le résultat du référendum du 23 juin 2016 s’explique d’abord par des ressorts nationaux. Sur le plan économique, d’abord, le retour du populisme est lié dans certains pays (notamment dans les pays du sud de l’Europe) à la crise économique et financière qui a frappé les Européens depuis dix ans2 . Au-delà, il s’explique par le sentiment de déstabilisation économique et de trouble identitaire ressenti par maintes opinions publiques dans le contexte d’ouverture internationale depuis vingt-cinq ans et notamment dans les pays qui connaissent une panne de croissance et un chômage élevé depuis de nombreuses années (c’est le cas de la France). La globalisation de l’économie produit des effets allant dans le sens d’un repli sur soi, tendances qui vont se renforçant dans les périodes de crise : sur le plan interne, retour des aspirations à un tel repli national(iste); hostilité aux étrangers et retour des discours xénophobes dans certains pays européens comme forme renouvelée du mécanisme du « bouc émissaire » mis en évidence par René Girard, les étrangers étant considérés comme responsables des maux économiques et sociaux y compris en termes d’insécurité ; sur le plan externe : retour des contrôles aux frontières nationales3 encouragé par la crise des réfugiés et par les attentats terroristes ; durcissement des sociétés européennes à l’intérieur se traduisant par la volonté de se protéger contre les migrations de l’Est et du Sud. Ensuite, sur un plan démographique, le retour du populisme dans des pays économiquement prospères (par exemple dans les pays du nord de l’Europe) s’exprime sous une forme « patrimoniale »(selon l’expression de Dominique Reynié) ce qui renvoie à la crainte de perdre non seulement son patrimoine matériel mais aussi, et peut-être surtout, immatériel c’est-à-dire son mode de vie et ses valeurs. Cela peut s’expliquer par les premières manifestations de sociétés de plus en plus âgées qui ne se caractérisent pas seulement par des craintes économiques mais plutôt par des craintes de type identitaire et culturel4 liées à la transformation d’un environnement dans lequel elles ne se reconnaissent plus nécessairement, ce qui explique l’importance renouvelée du thème de la place des religions – notamment de l’islam - et de l’exercice des cultes dans les sociétés nationales de l’Union européenne. En outre, cette « panique démographique »5 explique l’impact de la crise migratoire dans les pays centre et est-européens et l’exploitation qui a pu en être faite sur le plan politique par les forces politiques populistes afin de 1 Chopin, T. (2017), « Le Brexit : singularité britannique ou crise de légitimité de l’UE ? », Questions internationales, n°88, La documentation française 2 Funke, Manuel, Schularick, Moritz, Trebesch, Christoph (2015), Going to Extremes: Politics after Financial Crisis, 1870-2014, Center for Economic Studies (CES) / Institut IFO 3 « Migration, a key challenge for the EU », Centre Kantar sur le Futur de l’Europe, novembre 2018 4 Bouvet, L. (2015), L’insécurité culturelle, Fayard 5 Krastev, Ivan (2017), After Europe, Penn Press ; trad. française (2018) : Le destin de l’Europe. Une sensation de déjà vu, Premier Parallèle ; v. aussi Rupnik, J. (2019), « Est-Ouest, réalité et relativité d’un clivage », Décryptage, Institut Jacques Delors En général, l'image que vous avez de l'UE est-elle très positive, assez positive, neutre, assez négative ou très négative ? (% - UE) 32 34 31 34 35 36 36 35 37 40 38 41 39 39 39 39 38 37 38 38 38 38 37 37 37 36 2 3 2 3 2 2 3 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 1 2 2 2 2 1 50 46 52 49 48 45 45 48 42 38 40 31 31 30 30 31 35 39 41 37 34 35 40 40 40 43 15 17 15 14 15 17 16 15 19 20 20 26 28 29 29 28 25 22 19 23 27 25 21 21 21 20 NEUTRE NE SAIT PAS TOTAL 'POSITIVE' TOTAL 'NÉGATIVE' 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
  • 3. 3POPULISMES© KANTAR 35 49 22 28 52 54 54 41 14 19 43 58 45 30 56 54 49 50 28 31 18 27 11 11 34 31 18 21 4 8 Partis politiquesCommission européenneGouvernement 55 33 43 23 23 32 53 60 32 46 48 54 55 36 43 61 63 3033 14 17 16 10 16 28 41 13 26 19 28 32 31 28 62 48 63 63 36 44 36 43 41 57 57 52 52 61 6 12 14 10 10 9 27 28 36 44 Niveau de confiance Belgique Bulgarie République tchèque Danemark Allemagne Estonie Irlande Grèce EspagneUE28 France Croatie Italie Chypre Lettonie Lituanie Luxembourg Hongrie Malte Pays-Bas Autriche Pologne Portugal Roumanie Slovénie Slovaquie Finlande Suède Royaume-Uni légitimer le développement de formes d’« autoritarisme majoritaire ». Ces pays constituent en effet une exception mondiale. Selon une note de l’Institut Montaigne6 , c’est en Europe centrale et orientale que se trouvent 10 des 11 pays du monde menacés de perdre 15% de leur population au cours des 30 prochaines années. Enfin, sur un plan politique, c’est l’exaspération de nombreux citoyens face aux scandales financiers et fiscaux ainsi qu’aux affaires de corruption qui alimentent la critique populiste de l’ « establishment » et de la démocratie libérale7 . En outre, ce retour des populismes traduit une crise de la représentation dans de nombreux pays européens. Le « système » de représentation traditionnel rencontre en effet des difficultés à refléter la complexité et la transformation des clivages anciens et nouveaux qui s’expriment dans la société mais qui ne trouvent pas nécessairement de traduction claire au plan électoral. Dans ce contexte, où beaucoup de citoyens ont l’impression que l’alternance classique, voire le consensus bipartisan, entre les partis de droite et de gauche ne permet pas de dépasser un statu quo jugé intenable, les partis populistes, voire extrémistes, apparaissent comme un moyen de briser le consensus bipartisan et le système politique traditionnel en se présentant comme la seule alternative politique possible. Ce mécanisme est à l’œuvre aussi bien dans les pays caractérisés par des « démocraties de consensus » gouvernés par des coalitions (Autriche, Belgique, Pays-Bas, etc.) que dans les régimes politiques majoritaires (comme en France). Et ce mécanisme, qui affecte la confiance dans la plupart des institutions, s’exerce d’abord au niveau national. La confiance dans la Commission européenne est plus que mitigée sur la moyenne des 28 pays de l’Union, s’établissant à 43% contre 29% de défiants. Mais cette même moyenne des 28 fait apparaître une confiance dans les partis politiques de 18% contre 77% de défiance. Dans aucun des pays membres on ne trouve un niveau de confiance dans les partis supérieur à celui accordé à la Commission. Les 6 pays où le dernier Eurobaromètre8 fait apparaître une confiance dans le gouvernement national supérieure à celle accordée à la Commission sont des pays où cette confiance est élevée (Autriche, Estonie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas) à l’exception du Royaume-Uni (confiance dans le Gouvernement,32% ; dans la Commission, 30%). Partout, le rejet des élites s’exerce au premier chef à l’égard des élites nationales. En Slovaquie, être une candidate pro européenne n’a pas empêché Zuzana Čaputová d’être largement élue pour devenir la première femme présidente du pays. La principale raison est qu’elle incarnait la lutte contre la corruption. 6 Tertrais, B. (2018), « Le défi démographique : mythes et réalités », Note, Institut Montaigne. 7 Mounk, Y. (2018), The People vs. Democracy. Why our Freedom Is in Danger & How to Save It, Cambridge, Harvard University Press Mudde, C., Rovira Kaltwasser, C. (2017), Populism: A very short introduction, Oxford University Press; Müller J.-W. (2016), trad. Française : Qu’est-ce que le populisme? Définir enfin la menace, Paris, Premier Parallèle 8 Eurobaromètre Standard 90 – Vague EB90.3 Novembre 2018
  • 4. 4POPULISMES© KANTAR L’ Europe exacerbe les exigences Naturellement, ces différents facteurs économique, identitaire et culturel, et politique peuvent jouer un rôle plus ou moins fort dans la montée des populismes dans les différents Etats membres de l’Union. Ils peuvent se combiner dans des proportions variables en fonction des situations nationales. Mais, l’Union européenne n’est pas nécessairement une condition d’existence ou un déclencheur de ces populismes. Pourtant, celle-ci peut exacerber les thèmes qu’ils portent : rapport problématique à la démocratie représentative, identité et communauté, dialectique ouverture/fermeture, rapports liberté/sécurité, Etat-providence menacé, etc. De ce point de vue, les faiblesses actuelles de l’Union peuvent être considérées non pas tant comme des éléments déclencheurs que comme des démultiplicateurs de certaines exigences au cœur de nos démocraties portant notamment sur la recherche de communauté et d’identité ainsi que sur la demande d’égalité et de justice sociale comme sur la demande de protection en matière économique et en matière de sécurité. Que les peuples européens soient davantage en recherche de sécurité et d’identité dans un espace de proximité, en attente de réponses nettes et immédiates et dans une méfiance à l’égard des institutions d’autant plus grande qu’elles sont éloignées sont des phénomènes qui heurtent la nature même du projet européen : transnational, porté à la recherche de compromis, peu incarné et s’inscrivant sur le temps long. Pour autant, faire de la construction européenne la source de ces mouvements et la raison de leur succès serait une erreur de diagnostic. CENTRE KANTAR SUR LE FUTUR DE L’EUROPE Créé au sein de Kantar, société internationale d’étude et de recherche, le Centre Kantar sur le Futur de l’Europe a pour ambition de nourrir le débat public sur les enjeux européens, en s’appuyant notamment sur les experts nationaux de Kantar, leur connaissance de l’opinion publique, des mouvements politiques, tendances socioéconomiques et phénomènes migratoires au sein de l’Union européenne et chacun des pays qui la composent. Leader mondial de la data, des études et du conseil, le groupe Kantar regroupe toutes les disciplines de la recherche et du consulting en marketing. Les 30 000 experts de Kantar développent des stratégies auprès des décideurs partout dans le monde. Forts de ces expertises, nous apportons les éclairages sur tout ce que les consommateurs et les citoyens ressentent, achètent, regardent, votent, postent, débattent. Tout ce qu’ils vivent. Retrouvez-nous sur fr.kantar.com - Twitter : @KantarFR