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Liberté
EnquêteJeudi 28 février 20134
Un service,
deux unités
Oscarestfidèleauposte,danslecoindelasalle
judiciaire. D’un regard bienveillant, il observe
le travail des médecins légistes, à travers la
vitre qui sépare l’endroit où s’installent les
enquêteurs - policiers, gendarmes, représen-
tants du parquet - et la salle d’autopsie. Oscar
le squelette (photo 1) est toujours prêt à ren-
dre service. ““IIll nnoouuss sseerrtt ddee mmooddèèllee,, ppaarr eexxeemm--
pplleeppoouurrddéétteerrmmiinneerrllaattrraajjeeccttooiirreedd’’uunneebbaallllee””,
sourit le Dr Frédérique Papin-Lefebvre (ph. 3),
responsable de l’Institut médico-légal. Nous
sommesausous-solduCHUdeCaen,dansles
locaux du service mortuaire. C’est ici que les
“morts suspectes” de Basse-Normandie sont
étudiées.
LeservicedemédecinelégaleduCHUdeCaen
possède la particularité d’être situé au pied de
la tour Côte de Nacre, mais d’être financé par
leministèredelaJustice.Depuislaréformedu
27 décembre 2010, il comporte deux unités :
l’institut médico-légal (IML) et l’unité médico-
judiciaire (UMJ). Le premier, avec sa mascotte
Oscar, s’occupe des personnes décédées ; la
seconde, dont les bureaux se trouvent au sein
des Urgences, prend en charge les “vivants”
(lire page ci-contre). Huit médecins légistes
(4,6 équivalents temps plein) sont répartis sur
les deux unités du service. ““CC’’eesstt iimmppoorrttaanntt ddee
ccoonnnnaaîîttrree lleess ddeeuuxx aassppeeccttss ddee llaa mmééddeecciinnee
llééggaallee””, insiste le Dr Papin-Lefebvre. Couram-
ment appelée la “médecine des violences”,
celle-ci est au service de la justice. ““NNoouuss ttrraa--
vvaaiilllloonnss uunniiqquueemmeenntt àà llaa ddeemmaannddee ddeess aauuttoorrii--
ttééss jjuuddiicciiaaiirreess..””
Première orientation
pour l’enquête
24h/24, 7j/7 et 365 jours par an, la justice peut
ainsi faire appel aux médecins de l’IML, par le
biais du 15. Ce sont eux qui interviennent suite
à un accident mortel de la circulation, afin de
déterminer si le conducteur avait bu ou
absorbé des produits stupéfiants. Mais le gros
de leur travail consiste à apporter leur contri-
bution aux enquêtes criminelles.
Dèsqu’undécèsestconsidérécommesuspect,
a fortiori s’il s’agit clairement d’un crime, un
médecin légiste se déplace sur les lieux où le
corps a été découvert. Réalisé sur place, l’exa-
meninitial,la“levéedecorps”,permetdedon-
ner une première indication aux enquêteurs
surlescausesdelamort. ““OOnnttrraavvaaiilllleessoouuvveenntt
ddaannssddeessccoonnddiittiioonnssddéélliiccaatteess,,aavveeccuunnmmaauuvvaaiiss
ééccllaaiirraaggee,,ppaarrffooiissssuurrllaavvooiieeppuubblliiqquuee..CC’’eessttuunn
eexxaammeenn aasssseezz ssuucccciinncctt..”” En fonction des pre-
miers résultats, le Procureur décide alors s’il
convient de procéder à une expertise complé-
mentaire. Dès lors, le cadavre devient une
pièce à conviction. Transporté à la morgue du
CHU, il n’est plus visible des familles. Dans la
salle ventilée, à la température contrôlée, le
médecin légiste se met au travail sur la table
en inox à hauteur réglable, et sous le regard
d’Oscar. Il effectue un examen externe appro-
fondi, voire carrément une autopsie (ph. 2 et 4).
Toujours en présence des autorités judiciaires,
de l’autre côté de la vitre. Un officier est chargé
de prendre des photos, qui seront ensuite ver-
sées au dossier d’instruction (ph. 5). ““QQuuii ddiitt
aauuttooppssiiee,,ddiitteevviissccéérraattiioonn””,préciseleDrPapin-
Lefebvre.C’estsurlatabledemacroscopieque
les organes ôtés du corps sont examinés,
pesés. Les prélèvements réalisés sur la per-
sonne décédée (sang, tissus…) sont ensuite
envoyés à un laboratoire agréé, en fonction de
sa spécialité (toxicologie, anatomo-patholo-
gie…). ““PPoouurr lleess eemmpprreeiinntteess ggéénnééttiiqquueess,, llee
llaabboorraattooiirree aaggrréééé eesstt ssiittuuéé àà NNaanntteess..”” Contrai-
rement à ce que pourraient laisser penser les
séries télévisées, les conclusions d’une autop-
sie ne sont connues qu’un mois environ après
les faits.
Grâce à la science,
les corps en 3D
Il arrive parfois que les corps ne soient pas
identifiables. Carbonisés ou momifiés pour
être restés trop longtemps dissimulés avant
d’être découverts. ““OOnn nn’’aarrrriivvee ppaass àà rreeppéérreerr
lleess oorriiffiicceess dd’’eennttrrééee eett ddee ssoorrttiiee ddeess pprroojjeeccttii--
lleess,, ddaannss uunnee mmoorrtt ppaarr bbaalllleess..”” La science per-
met désormais de mettre un nom sur un mort
inconnu, grâce à la radiologie et au scanner.
Une prothèse ou des soins dentaires particu-
liers sont autant d’indices sur l’identité du
défunt. Les conclusions des médecins légistes
doivent confirmer, ou infirmer, les hypothèses
desenquêteurs.Lesmarquesdestrangulation
accréditent-elles bien la thèse du suicide ? La
blessurerepéréecoïncide-t-elleaveclescéna-
rio imaginé ? ““AAvveecc llee ssccaannnneerr,, oonn ppeeuutt mmooddéé--
lliisseerr ddeess iimmaaggeess eenn 33DD dduu ccoorrppss,, ccee qquuii ppeerrmmeett
ddee vviissuuaalliisseerr lleess pprroojjeeccttiilleess,, aaiinnssii qquuee lleess ggeerr--
bbeessddeepplloommbb..DDaannsscceessccaass--llàà,,oonnttrraavvaaiilllleeaavveecc
ddeesseexxppeerrttss””, détaille le Dr Papin-Lefebvre, qui
intervient elle-même en cette qualité auprès
de la Cour d’assises. Deux spécialistes de la
balistique sont ainsi intervenus récemment
dans l’affaire du double homicide de Villedieu-
les-Poêles, afin de déterminer la distance de
tiretlatrajectoiredesballesquionttuéuncou-
ple de sexagénaires.
Un regard
sociologique
Ouvrir des cadavres à longueur de temps
nécessite un moral à toute épreuve. Difficile de
parler de vocation pour ce métier si particulier.
Pourtant, Frédérique Papin-Lefèvre n’a pas
hésité à poursuivre ses études pendant onze
ans pour l’exercer. ““JJ’’aaii uunnee ppaassssiioonn ppoouurr ll’’iinn--
vveessttiiggaattiioonn,,raconte-t-elle.EEttjjeevvoouullaaiissttrraavvaaiill--
lleerr eenn rreellaattiioonn aavveecc llee mmiilliieeuu jjuuddiicciiaaiirree..”” Du
sous-solduCHU,lamédecindel’IMLaunpoint
de vue imprenable sur les maux de notre
société. ““AA cchhaaqquuee mmeeuurrttrree ccoorrrreessppoonndd uunnee
hhiissttooiirree.. CC’’eesstt bbeeaauuccoouupp ddee ssoouuffffrraannccee,, mmaaiiss
oonn eessssaaiiee dd’’aappppoorrtteerr nnoottrree ppiieerrrree àà ll’’ééddiiffiiccee
ppoouurr eessssaayyeerr ddee ccoommpprreennddrree ccee qquuii vvaa mmaall..””
SilaBasse-Normandieestloindeposséderun
taux de criminalité élevé, s’il n’y a pas de psy-
chopathes à chaque coin de rue, la sociologie
des crimes en révèle la face sombre. ““IIll ss’’aaggiitt
ssoouuvveenntt ddee ddrraammeess ssuurr ffoonndd ddee jjaalloouussiiee,, dd’’aall--
ccooooll,, ddee mmiissèèrree,, observe le Dr Papin-Lefèvre.
LLee pplluuss ddiiffffiicciillee àà aaddmmeettttrree,, ssuurrttoouutt ppoouurr uunnee
mmèèrree ddee ffaammiillllee,, ccee ssoonntt lleess aacctteess eennvveerrss lleess
eennffaannttss..”” La médecin légiste reste marquée
par l’affaire des bébés congelés de Valognes,
en 2007.
“Savoir poser
les bagages”
Confrontés à ce que la nature humaine a de
plus ténébreux, Frédérique Papin-Lefèvre et
ses collègues doivent se doter d’une carapace
protectrice. Mais il arrive, parfois, que celle-ci
sefendille. ““IIllyyaaddeessppéérriiooddeessddiiffffiicciilleess,, recon-
naît-elle. QQuuaanndd oonn eesstt eenn ssoouuss--eeffffeeccttiiff,, cc’’eesstt
ccoommpplliiqquuéé.. IIll ffaauutt ssaavvooiirr ppoosseerr lleess bbaaggaaggeess
qquuaanndd oonn rreennttrree cchheezz ssooii.. LL’’ééqquuiilliibbrree ppeerrssoonn--
nneell,, ll’’hhyyggiièènnee ddee vviiee,, ssoonntt iimmppoorrttaannttss..”” Depuis
novembredernier,leservicemédico-judiciaire
deCaendisposedehuitpraticiens(contretrois
auparavant !) répartis sur 4,6 emplois équiva-
lents temps plein, dont 1,5 pour l’institut
médico-légal. Les astreintes reviennent vite et
les nuits sans sommeil ne sont pas rares. Mais
la fatigue s’envole quand une énigme est réso-
lue.
Les séries policières les ont rendus incontournables dans le paysage judiciaire : les médecins légistes
sont des auxiliaires précieux pour les enquêteurs, dans les affaires criminelles, et des soutiens inestima-
bles pour les victimes de violences.
252C'est le nombre de cadavres passés entre les
mainsdesmédecinslégistesdel'IML,en2012.
Parmi eux-ci, ils ont réalisé 110 autopsies.
LE CHIFFRE
Autopsies en sous-sol
Dossier réalisé par
NNiiccoollaass CCLLAAIICCHH
1
3
2
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04 li-280213

  • 1. Liberté EnquêteJeudi 28 février 20134 Un service, deux unités Oscarestfidèleauposte,danslecoindelasalle judiciaire. D’un regard bienveillant, il observe le travail des médecins légistes, à travers la vitre qui sépare l’endroit où s’installent les enquêteurs - policiers, gendarmes, représen- tants du parquet - et la salle d’autopsie. Oscar le squelette (photo 1) est toujours prêt à ren- dre service. ““IIll nnoouuss sseerrtt ddee mmooddèèllee,, ppaarr eexxeemm-- pplleeppoouurrddéétteerrmmiinneerrllaattrraajjeeccttooiirreedd’’uunneebbaallllee””, sourit le Dr Frédérique Papin-Lefebvre (ph. 3), responsable de l’Institut médico-légal. Nous sommesausous-solduCHUdeCaen,dansles locaux du service mortuaire. C’est ici que les “morts suspectes” de Basse-Normandie sont étudiées. LeservicedemédecinelégaleduCHUdeCaen possède la particularité d’être situé au pied de la tour Côte de Nacre, mais d’être financé par leministèredelaJustice.Depuislaréformedu 27 décembre 2010, il comporte deux unités : l’institut médico-légal (IML) et l’unité médico- judiciaire (UMJ). Le premier, avec sa mascotte Oscar, s’occupe des personnes décédées ; la seconde, dont les bureaux se trouvent au sein des Urgences, prend en charge les “vivants” (lire page ci-contre). Huit médecins légistes (4,6 équivalents temps plein) sont répartis sur les deux unités du service. ““CC’’eesstt iimmppoorrttaanntt ddee ccoonnnnaaîîttrree lleess ddeeuuxx aassppeeccttss ddee llaa mmééddeecciinnee llééggaallee””, insiste le Dr Papin-Lefebvre. Couram- ment appelée la “médecine des violences”, celle-ci est au service de la justice. ““NNoouuss ttrraa-- vvaaiilllloonnss uunniiqquueemmeenntt àà llaa ddeemmaannddee ddeess aauuttoorrii-- ttééss jjuuddiicciiaaiirreess..”” Première orientation pour l’enquête 24h/24, 7j/7 et 365 jours par an, la justice peut ainsi faire appel aux médecins de l’IML, par le biais du 15. Ce sont eux qui interviennent suite à un accident mortel de la circulation, afin de déterminer si le conducteur avait bu ou absorbé des produits stupéfiants. Mais le gros de leur travail consiste à apporter leur contri- bution aux enquêtes criminelles. Dèsqu’undécèsestconsidérécommesuspect, a fortiori s’il s’agit clairement d’un crime, un médecin légiste se déplace sur les lieux où le corps a été découvert. Réalisé sur place, l’exa- meninitial,la“levéedecorps”,permetdedon- ner une première indication aux enquêteurs surlescausesdelamort. ““OOnnttrraavvaaiilllleessoouuvveenntt ddaannssddeessccoonnddiittiioonnssddéélliiccaatteess,,aavveeccuunnmmaauuvvaaiiss ééccllaaiirraaggee,,ppaarrffooiissssuurrllaavvooiieeppuubblliiqquuee..CC’’eessttuunn eexxaammeenn aasssseezz ssuucccciinncctt..”” En fonction des pre- miers résultats, le Procureur décide alors s’il convient de procéder à une expertise complé- mentaire. Dès lors, le cadavre devient une pièce à conviction. Transporté à la morgue du CHU, il n’est plus visible des familles. Dans la salle ventilée, à la température contrôlée, le médecin légiste se met au travail sur la table en inox à hauteur réglable, et sous le regard d’Oscar. Il effectue un examen externe appro- fondi, voire carrément une autopsie (ph. 2 et 4). Toujours en présence des autorités judiciaires, de l’autre côté de la vitre. Un officier est chargé de prendre des photos, qui seront ensuite ver- sées au dossier d’instruction (ph. 5). ““QQuuii ddiitt aauuttooppssiiee,,ddiitteevviissccéérraattiioonn””,préciseleDrPapin- Lefebvre.C’estsurlatabledemacroscopieque les organes ôtés du corps sont examinés, pesés. Les prélèvements réalisés sur la per- sonne décédée (sang, tissus…) sont ensuite envoyés à un laboratoire agréé, en fonction de sa spécialité (toxicologie, anatomo-patholo- gie…). ““PPoouurr lleess eemmpprreeiinntteess ggéénnééttiiqquueess,, llee llaabboorraattooiirree aaggrréééé eesstt ssiittuuéé àà NNaanntteess..”” Contrai- rement à ce que pourraient laisser penser les séries télévisées, les conclusions d’une autop- sie ne sont connues qu’un mois environ après les faits. Grâce à la science, les corps en 3D Il arrive parfois que les corps ne soient pas identifiables. Carbonisés ou momifiés pour être restés trop longtemps dissimulés avant d’être découverts. ““OOnn nn’’aarrrriivvee ppaass àà rreeppéérreerr lleess oorriiffiicceess dd’’eennttrrééee eett ddee ssoorrttiiee ddeess pprroojjeeccttii-- lleess,, ddaannss uunnee mmoorrtt ppaarr bbaalllleess..”” La science per- met désormais de mettre un nom sur un mort inconnu, grâce à la radiologie et au scanner. Une prothèse ou des soins dentaires particu- liers sont autant d’indices sur l’identité du défunt. Les conclusions des médecins légistes doivent confirmer, ou infirmer, les hypothèses desenquêteurs.Lesmarquesdestrangulation accréditent-elles bien la thèse du suicide ? La blessurerepéréecoïncide-t-elleaveclescéna- rio imaginé ? ““AAvveecc llee ssccaannnneerr,, oonn ppeeuutt mmooddéé-- lliisseerr ddeess iimmaaggeess eenn 33DD dduu ccoorrppss,, ccee qquuii ppeerrmmeett ddee vviissuuaalliisseerr lleess pprroojjeeccttiilleess,, aaiinnssii qquuee lleess ggeerr-- bbeessddeepplloommbb..DDaannsscceessccaass--llàà,,oonnttrraavvaaiilllleeaavveecc ddeesseexxppeerrttss””, détaille le Dr Papin-Lefebvre, qui intervient elle-même en cette qualité auprès de la Cour d’assises. Deux spécialistes de la balistique sont ainsi intervenus récemment dans l’affaire du double homicide de Villedieu- les-Poêles, afin de déterminer la distance de tiretlatrajectoiredesballesquionttuéuncou- ple de sexagénaires. Un regard sociologique Ouvrir des cadavres à longueur de temps nécessite un moral à toute épreuve. Difficile de parler de vocation pour ce métier si particulier. Pourtant, Frédérique Papin-Lefèvre n’a pas hésité à poursuivre ses études pendant onze ans pour l’exercer. ““JJ’’aaii uunnee ppaassssiioonn ppoouurr ll’’iinn-- vveessttiiggaattiioonn,,raconte-t-elle.EEttjjeevvoouullaaiissttrraavvaaiill-- lleerr eenn rreellaattiioonn aavveecc llee mmiilliieeuu jjuuddiicciiaaiirree..”” Du sous-solduCHU,lamédecindel’IMLaunpoint de vue imprenable sur les maux de notre société. ““AA cchhaaqquuee mmeeuurrttrree ccoorrrreessppoonndd uunnee hhiissttooiirree.. CC’’eesstt bbeeaauuccoouupp ddee ssoouuffffrraannccee,, mmaaiiss oonn eessssaaiiee dd’’aappppoorrtteerr nnoottrree ppiieerrrree àà ll’’ééddiiffiiccee ppoouurr eessssaayyeerr ddee ccoommpprreennddrree ccee qquuii vvaa mmaall..”” SilaBasse-Normandieestloindeposséderun taux de criminalité élevé, s’il n’y a pas de psy- chopathes à chaque coin de rue, la sociologie des crimes en révèle la face sombre. ““IIll ss’’aaggiitt ssoouuvveenntt ddee ddrraammeess ssuurr ffoonndd ddee jjaalloouussiiee,, dd’’aall-- ccooooll,, ddee mmiissèèrree,, observe le Dr Papin-Lefèvre. LLee pplluuss ddiiffffiicciillee àà aaddmmeettttrree,, ssuurrttoouutt ppoouurr uunnee mmèèrree ddee ffaammiillllee,, ccee ssoonntt lleess aacctteess eennvveerrss lleess eennffaannttss..”” La médecin légiste reste marquée par l’affaire des bébés congelés de Valognes, en 2007. “Savoir poser les bagages” Confrontés à ce que la nature humaine a de plus ténébreux, Frédérique Papin-Lefèvre et ses collègues doivent se doter d’une carapace protectrice. Mais il arrive, parfois, que celle-ci sefendille. ““IIllyyaaddeessppéérriiooddeessddiiffffiicciilleess,, recon- naît-elle. QQuuaanndd oonn eesstt eenn ssoouuss--eeffffeeccttiiff,, cc’’eesstt ccoommpplliiqquuéé.. IIll ffaauutt ssaavvooiirr ppoosseerr lleess bbaaggaaggeess qquuaanndd oonn rreennttrree cchheezz ssooii.. LL’’ééqquuiilliibbrree ppeerrssoonn-- nneell,, ll’’hhyyggiièènnee ddee vviiee,, ssoonntt iimmppoorrttaannttss..”” Depuis novembredernier,leservicemédico-judiciaire deCaendisposedehuitpraticiens(contretrois auparavant !) répartis sur 4,6 emplois équiva- lents temps plein, dont 1,5 pour l’institut médico-légal. Les astreintes reviennent vite et les nuits sans sommeil ne sont pas rares. Mais la fatigue s’envole quand une énigme est réso- lue. Les séries policières les ont rendus incontournables dans le paysage judiciaire : les médecins légistes sont des auxiliaires précieux pour les enquêteurs, dans les affaires criminelles, et des soutiens inestima- bles pour les victimes de violences. 252C'est le nombre de cadavres passés entre les mainsdesmédecinslégistesdel'IML,en2012. Parmi eux-ci, ils ont réalisé 110 autopsies. LE CHIFFRE Autopsies en sous-sol Dossier réalisé par NNiiccoollaass CCLLAAIICCHH 1 3 2 4 5 PPhhoottoossDDRR