La carte sonore donne à "entendre" le menu d'un restaurant aux personnes en situation de déficience visuelle. Le projet porté par la Jeune chambre économique arrive à Rennes.
1. 7 jours N°4918 – 25-26 mai 2018
HÔTELLERIE. RESTAURATION
CARTES SONORES
Déficients visuels
« Pensons surtout à la pérennisation de cet outil »
Le 23 avril dernier avait lieu le lancement de l’action Cartes Sonores déclinée sur la métropole rennaise par la JCE Rennes.
En présence de Charles Compagnon, premier restaurateur rennais à avoir d’emblée souscrit à l’idée d’un dictaphone qui
donne à « entendre » sa carte, mais aussi de représentants de l’association Valentin Haüy (AVH), la soirée a officialisé la
première signature de lettre d’engagement tout en donnant à entendre des retours d’expériences des premiers concernés.
Marianne GUYOT-SIONNEST et Charles
COMPAGNON aux côtés des représentants de
l'association Valentin Haüy
Plaques podotactiles / bandes de guidage au
sol ? Espace suffisamment large prévu entre
les tables ? Objets fragiles débordants ?
Signalisation visible pour les toilettes et
issues de secours ? Quid de l'intensité
lumière et d'éclairages semi indirects pour
éviter tout éblouissement ? Assiettes à
rebord et présentation des aliments dans le
sens des aiguilles d'une montre ? Arrêtons-
nous là dans l'énumération tant il est
difficile, reconnaît Charles Compagnon à la
tête du restaurant le Carré place des Lices à
Rennes (également Président du Carré
rennais, NDLR) d'être irréprochable sur tous
ces items pourtant essentiels dès lors qu'un
restaurant entend accueillir les personnes
mal-voyantes, soit 3% de la population
française, autrement dit rien moins que 1
700 000 personnes !
« Ce qui importe surtout, a-t-il souligné lors
de cette soirée, c'est que les personnes
atteintes de déficiences visuelles nous le
disent dès qu'elles réservent par
exemple. Qu'elles en soient assurées :
c'est la meilleure manière pour nous
d'anticiper leur venue dans nos
établissements. Je sais qu'elles veulent
souvent apparaître comme étant
parfaitement autonomes et cela est
compréhensible. Pour autant, je ne vois
pas pourquoi des clients sont capables de
nous demander une table « romantique »
pour une soirée en amoureux, ou de faire
écrire en cuisine Joyeux anniversaire à
l'attention d'un convive... et de ne pas
nous demander une table soigneusement
éclairée, ou si nous pouvons éviter de les
servir à la plancha."
Lemessage est donc passé et ilfut corroboré
par Jean-François Barbotin, vice-Président
d'AVH - Comité de Rennes (déficient visuel
total) et par Yves Hervé (déficient visuel
partiel) qui en fut le Président : « il nous faut
dépasser les tabous, gênes et embarras
sur la question, c'est certain » ont-ils
volontiers reconnu.
Pour autant, a d'emblée souhaité le vice-
Président, « ce que j'attends, c'est que le
personnel, maître d'hôtel comme
serveurs, me « détecte » dès mon entrée
dans l'établissement et me propose alors
le dictaphone spontanément. »
Ce qui n'est pas toujours aisé, a- t-il reconnu
: avec ses lunettes il passe souvent pour un
touriste en vacances. Personne ne pense
spontanément à un malvoyant.
Même constat chez Yves Hervé qui lui se
déplace sans souci : « on me lit certes les
menus mais cela reste frustrant... »
Quant à Jean-François Barbotin, dans la
foulée de sanon-identification, on luiamène
le menu, tout comme à sa compagne,
comme s'il allait le lire librement...
On le voit ainsi : les marges de progression
ne manquent pas. « Encore faut-il que le
personnel soit lui-même aguerri à cet
exercice d'accompagnement.
Certains serveurs peuvent se montrer
timides. Il faudrait attirer l'attention sur
l'accueil des personnes à mobilité réduite
tout comme sur celui des déficients
visuels dès l'école hôtelière », a pointé
Jean François Barbotin soulignant
élégamment un vrai manque ici.
« Il est certain qu'en semaine on aura plus
de temps à consacrer qu'un samedi soir
en surchauffe par exemple » souligne
Charles Compagnon pourtant plein de
bonne volonté et qui entend s'équiper ce
printemps de deux dictaphones.
« Pensons surtout à la pérennisation de
cet outil, s'inquiète Jean-François Barbotin.
On a vu ce que les menus en braille ont
donné : ils ont disparu ! »
« Je n'ai pas besoin du descriptif de
chaque plat, argumente de son côté Yves
Hervé. Le nom des plats est suffisant !
Pensez que même s'ils nous sont lus ou
dictés on n'a pas le temps de tout
mémoriser. »
Et d'insister sur des écouteurs pour écouter
à sa guise, des tables bien éclairées pour
mieux/bien voir ce qui est présenté dans
l'assiette, voire des terminaux de paiement
aux touchesplusgrandes : on le sait le diable
se cache dans les détails...
Soit beaucoup de requêtes et
d'observations légitimes. De quoi capitaliser
pour Charles Compagnon qui attend donc
d'être équipé sous peu et rôdé au
dictaphone* pour mieux s'en faire I
‘ambassadeur auprès des autres tables
rennaises : « ainsi je pourrai recommander
et défendre un service que j'applique moi-
même dans mon établissement. Cela ne
sera pas théorique ! »
*Dans le kit, on trouve : un dictaphone
agrémenté de perles pour le rendre tactile,
un mode d'emploi, Des autocollants ...
Les restaurateurs équipés sont repérés par
un logo.
Partenaire national de l'opération, la Macif a
accordé 500 € d'aide au déploiement local
du dispositif à la JCE de Rennes en la
personne d'Hassan Mostadi directeur
adjoint de l'agence Macif Grand quartier. (A
noter que toujours en Ille-et-Vilaine, La JCE
de St Malo s'est aussi attelée à décliner la
carte sonore sur la côte.)
De quoi réjouir Marianne Guyot Sionnest,
Présidente de la JCE Rennes**, déjà lancée
avec ses membres sur d'autres dossiers de
société.
A suivre...
* *Agir pour se former ! Se former pour agir ! Devenir membre de la JCE Rennes
« Créée en 1966, la Jeune Chambre Economique de Rennes est le lieu privilégié de rencontres, de réflexions et d'actions de jeunes de 18 à 40 ans. Elle mène des actions
d'intérêt général sur le territoire de Rennes Métropole dans les champs économique, culturel, de la solidarité et de l'aménagement du territoire. L'association se veut
initiatrice de changements positifs pour son territoire. Par son action, elle invite chacun à une citoyenneté active. La JCE Rennes est également une école à la prise de
responsabilité pour ses membres. Des formations en interne permettent aux bénévoles de progresser et d’acquérir de nouvelles compétences. En somme, l'activité
de la JCE Rennes peut se résumer ainsi : faire progresser la société pour inventer et construire le monde de demain, en progressant individuellement. »
Marianne Guyot-Sionnest Présidente 2018 JCE Rennes
Contacts : rennes@jcef.asso.fr / FB JCE Rennes