2. Emboutissage profond de l’aluminium
1. Emboutissage profond
L’emboutissage profond consiste à fabriquer par formage généralement à froid
une pièce creuse profonde (embout) à partir d'une feuille ou d’une plaque
préalablement découpée (flan), et ce par action d'un poinçon et d'une matrice,
et d'un serre-flan, sans réduction sensible de l'épaisseur. Le procédé est capable
de fabriquer des pièces de formes circulaires (telles que des casseroles de
cuisson), de formes carrées ou rectangulaires ainsi que d’autres formes
complexes. Le principe de l’emboutissage profond est illustré à la figure 1.
Figure 1, [1]
Les principaux facteurs déterminants dans l’opération d’emboutissage sont le
diamètre du flan et du poinçon, les rayons des bords du poinçon et de la matrice,
le jeu entre le poinçon et la matrice, l’épaisseur du flan, la lubrification et la
pression du serre flan.
Équipements :
Les presses poinçonneuses (punch presses) utilisées pour l’emboutissage des
aciers sont similaires à celles utilisées pour le l’emboutissage des alliages
d’aluminium, avec la différence que les capacités requises pour l’emboutissage
des alliages d’aluminium sont inférieures pour cause de différence des propriétés
mécaniques. Les vitesses d’emboutissage des alliages d’aluminium sont
supérieures à celles des aciers. Pour les embouts peu profonds (dont la hauteur
3. est inférieure au diamètre), les presses poinçonneuses à simple action sont
opérées entre 27 à 43 m/min (90 à 140 pi/min). Les presses poinçonneuses à
double action sont opérées entre 12 à 30 m/min (40 à 100 pi/min) pour les embouts
peu profonds, et à moins de 15 m/min (50 pi/min) pour les embouts profonds (dont
la hauteur est supérieure au diamètre) dans le cas des alliages d’aluminium à
basse et moyenne résistance mécanique. Pour les alliages d’aluminium à haute
résistance mécanique (ceux des séries 2xxx et 7xxx), les vitesses d’emboutissage
avec les presses poinçonneuses à double action sont comprises entre 6 et 12
m/min (20 à 40 pi/min).
Outils
Matériaux : la sélection d’un matériau pour l’outillage d’emboutissage a pour
objectif d’assurer la production de la qualité et de la quantité de pièces visées
pour un coût minimal de l’outillage par pièce. La performance de l’outillage
d’emboutissage est déterminée principalement par l'usure totale (abrasive et
adhésive) qui se produit pendant un cycle de production. Cette usure est
déterminée par la dureté du matériau de l’outillage, le type et l'épaisseur du
métal embouti, la valeur des rayons du poinçon et de la matrice, la lubrification
et le fini de surface du poinçon et de la matrice. Les matériaux typiques utilisés
pour la fabrication des matrices destinées à l’emboutissage des alliages
d’aluminium sont les aciers à outils W1, O1, A2 et D2 ainsi que des fontes alliées.
Les matériaux typiques utilisés pour la fabrication des poinçons et des serre-flans
incluent les aciers à outils, les fontes alliées et les aciers 4140 et S1 carburés ou
nitrurés.
Jeu entre le poinçon et la matrice
Lors de l’emboutissage, les alliages d’aluminium doivent pouvoir s’écouler sans
restriction ou étirement excessif de sorte que l’épaisseur originale change très peu.
Le jeu entre le poinçon et la matrice doit donc être déterminé pour prendre en
compte ces conditions d’écoulement. En général, ce jeu est égal à l’épaisseur du
matériau plus environ 10% par côté dans le cas des alliages à basse et moyenne
résistance mécanique. Un jeu additionnel de 5 à 10% peut être nécessaire dans
le cas des alliages d’aluminium à haute résistance mécanique (séries 2xxx et 7xxx).
Par contre, il faut éviter tout jeu excessif entre le poinçon et la matrice qui peut
entrainer la formation de plis (wrinkles) sur la pièce emboutie.
4. Rayons sur les outils
Les rayons des bords du poinçon et de la matrice doivent être conçus pour
permettre l’écoulement sans restriction des alliages d’aluminium, sans entrainer la
formation de plis. Ces rayons sont en général égaux à 4 jusqu’à 8 fois l’épaisseur
de l’alliage à emboutir.
Fini de surface de l’outil
Les poinçons et matrices d’emboutissage doivent avoir une rugosité de 0,4 µm ou
moins pour la plupart des applications. Des rugosités variant entre 0,08 et 0,1 µm
peuvent être spécifiées pour la production des grandes séries. Un plaquage de
chrome peut être également spécifié afin de minimiser la friction et de prévenir
l’accumulation de particules pour éviter de rayer la surface de la pièce emboutie.
Lubrifiants
L’utilisation de lubrifiants est indispensable pour l’emboutissage des métaux et
alliages, et les alliages d’aluminium ne font pas exception. La lubrification permet
au matériau de glisser facilement et uniformément entre le serre-flan et la matrice
lors de l’emboutissage ce qui permet de minimiser la friction, le grippage et l’usure
de l’outillage. Les lubrifiants sont sélectionnés en fonction de la sévérité de
l’emboutissage. Le tableau 1 illustre quelques lubrifiants typiques pour
l’emboutissage profond des alliages d’aluminium.
Tableau 1, [2]
10% ou moins Entre 10% et 50% 50% et plus
Huile minérale, viscosité
100 SUS; huile minérale
avec approximativement
10% d’huile de lard
Huile minérale, viscosité
200-250 SUS; huile
minérale avec
approximativement 15%
d’huile de lard
Huile minérale avec
additifs de pression
extrême, sulfure et
autres
Limites d’emboutissage
Pour tous les alliages d’aluminium, la réduction de diamètre possible diminue avec
le nombre de passes en raison de la diminution de la ductilité due à l'écrouissage.
Pour embouts cylindriques, des réductions de diamètre d'environ 40% pour la
première passe, 20% pour la deuxième passe, et 15% pour la troisième et les passes
suivantes peuvent être obtenus pour les alliages à basse et moyenne résistance
mécanique. Les embouts peuvent généralement être complètement produits
5. sans recuit intermédiaire. Quatre passes successives ou plus sans recuit peuvent
être effectuées sur des alliages tels que 1100, 3003, et 5005, avec une conception
de matrice appropriée et une lubrification efficace. Pour les alliages d’aluminium
à haute résistance mécanique, des réductions de diamètre d'environ 30% pour la
première passe, 15% pour la deuxième passe, et 10% pour la troisième sont
possibles, mais à partir de la troisième passe, un recuit devient nécessaire pour
poursuivre l’emboutissage. La profondeur totale d’emboutissage des alliages
d’aluminium obtenue sans recuit intermédiaire dépasse celle obtenue dans le cas
de l'acier, du cuivre, et du laiton.
Problèmes et solutions
Plis (Wrinkles)
Les plis sont des ondulations indésirables formées sur la collerette ou les bords
d'une pièce emboutie (Figure 2). Les causes les plus probables de formation des
plis sont les suivantes : la force insuffisante de serre-flan, une faible épaisseur de
matériau, un jeu élevé entre le poinçon et la matrice, des rayons du bord de la
matrice et du poinçon inadéquats, la présence de friction lors de l’emboutissage.
Figure 2, [1]
Déchirement (Tearing)
Le déchirement est un défaut qui se caractérise par la présence de petites fissures
sur la pièce emboutie (Figure 3). Causes : Contraintes longitudinales générées lors
de l’emboutissage dépassant la résistance maximale du matériau, due à un choix
inadéquat du rayon de bord de la matrice, du jeu entre le poinçon et la matrice,
et de la force de maintien du disque de départ (blank).
Figure 3, [1]
6. Cornes (Earing)
Ce défaut se caractérise par la formation de cornes sur le bord supérieur de la
pièce emboutie due à l’anisotropie du matériau (propriétés variant en fonction
des directions).
Figure 4, [1]
Rayures de surface
Ce défaut se manifeste lorsque les surfaces du poinçon et de la matrice sont
rugueuses, ou si la lubrification du procédé n’est pas adéquate.
Exemples de calculs
Exercice 1 :
On désire former par emboutissage un embout cylindrique en aluminium 3003-O
avec un diamètre intérieur de 75 mm et une hauteur de 50 mm, et ce à partir d’un
disque de diamètre 138 mm et d’épaisseur 1,6 mm. Est-ce que cette opération est
faisable techniquement en se basant sur ces données ?
Réponse :
Afin d’évaluer la faisabilité de cette opération d’emboutissage, on doit
déterminer le rapport d’emboutissage (RE), la réduction (r) et le rapport de
l’épaisseur par rapport au diamètre du disque (e/Dd). En effet, on estime
généralement que l’emboutissage est possible dans les conditions suivantes : (1)
DR ≤ 2; (2) r < 0,5 ou 50% et (3) e/Dd > 1%. Ces valeurs ont été initialement
déterminées pour les embouts en acier, mais restent valables pour les alliages
d’aluminium.
Dans notre cas, on a :
7. RE = 138/75 = 1,84
R = (138 – 75)/138 = 0,4565 = 45,65%
e/Dd = 1,6/138 = 0,011 = 1,1%
À partir de ces données, on estime que l’emboutissage d’un embout en alliage
3003 est faisable techniquement.
Exercice 2 :
Calculez, à partir des données de l’exercice 1, la force d’emboutissage ainsi que
la force de maintien du disque de départ (blank). On rappelle que dans le cas de
l’alliage 3003-O, la résistance maximale est de 110 MPa et la limite d’élasticité est
de 40 MPa. Le rayon de bord de la matrice est de 6,5 mm.
Réponse :
(a) La force d’emboutissage (F) nécessaire pour réaliser une opération donnée
peut être estimée par la formule suivante :
F = πDpe Rm (
𝐷𝑑
𝐷𝑝
− 0,7)
Avec :
Dp et Dd : les diamètres du poinçon et du disque de départ (en mm),
respectivement.
Rm : la résistance maximale de l’alliage considéré (MPa)
e : épaisseur du disque de départ (blank) en mm.
En appliquant cette formule aux données de l’exercice 2, on a :
F = π(75)(1,6)(110) (
138
75
− 0,7) = 47274 N ou 47,3 kN.
(b) La force de maintien (Fm) nécessaire pour réaliser une opération
d’emboutissage donnée peut être estimée par la formule suivante :
Fm = 0,015 Re π {Dp
2 – (Dp + 2,2e + 2Rbm)2}
Avec :
Re : La limite d’élasticité de l’alliage considéré (MPa)
Rbm : Le rayon de bord de la matrice (mm)
En appliquant cette formule aux données de l’exercice 2, on a :
Fm = 0,015 (175) π {1382 – (75 + 2,2 x 1.6 + 2 x 6,5)2} = 20098 N ou 20 kN.
8. Références
[1] Mikell P. Grover, Fundamentals of Modern Manufacturing, materials, processes
and systems, 2nd Edition, John Wiley & Sons, Inc., 2002.
[2] ASM Specialty Handbook, Aluminum and Aluminum alloys, ASM International,
1993.