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Afrique
AFRIQUE ZONE CFA : 2000 FCFA
TUNISIE : 6,6 DT - MAROC : 33,98 DH
ALGERIE : 328,75 DA - UE : 3,35 EURO
EDITION AFRIQUE
NUMERO DOUBLE
N°29 JUILLET - AOÛT 2019
Gabon : Un britannique à la tête d'un Ministère
Les révolutions
Confisquées
Boulevard du 20 Mai | 11852 Yaoundé | Cameroun
©2014 Hilton Worldwide
IDÉALEMENT SITUÉ
À PROXIMITÉ DE…TOUT.
248 Chambres et Suites - 16 Salles de réunion modulables pouvant
accueillir jusqu'à 900 personnes - 5 Restaurants et Bars internationaux -
1 Business Centre entièrement équipé - Internet avec et sans
fil - Le Hilton Fitness avec des équipements de pointe et une Piscine
externe - Une Galerie marchande de 14 boutiques.
Reservez au (+237) 22 23 36 46 ou resrvations.yaounde@hilton.com
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Editorial
3AFRIK’ ACTUELLE • Nº19 AVRIL - MAI 2017
D
ans une de leurs chansons alors que leur pays traversait
la plus grave crise de son histoire, «Les Patriotes»,
un groupe de musique ivoirien, décident en 2012 de
dire tout le mal qu’ils pensent de «la communauté
internationale ». Dénonçant l’ingérence de celle-ci dans une crise
postélectorale, une crise interne, Les Patriotes ne comprennent
pas du tout l’attitude de cette communauté internationale qui ne
sait plus être juste et neutre. A la fin de cette chanson, on entend
bien les chanteurs, qui ont décidé de former une dynamique de
circonstance, exprimer leur dégout pour « ces donneurs de leçons
qui ont oublié d’être justes avec le peuple ivoirien ». Une voix s’élève
alors dans la chanson et dit  : «  Communauté internationale…
n’importe quoi ! ». Quand on y ajoute l’accent ivoirien, la coupe
est pleine et le tableau sombre.
En réalité cette communauté internationale est au banc des
accusés en Afrique depuis des décennies. Si elle a montré son
efficacité ailleurs, les Africains attendent toujours de voir sa
volonté de leur trouver des solutions aux multiples crises qui
surviennent tous les jours sur le continent. Et apparemment ce
n’est pas demain la veille.
Dans une allocution prononcée le 26 juillet 2007, à l’université
Cheikh-Anta-Diop de Dakar, au Sénégal, devant des étudiants,
des enseignants et des personnalités politiques du pays, l’ex-
président français, Nicolas Sarkozy, s’adressait aux jeunes Africains
en ces termes : « Jeunesse africaine, vous voulez la démocratie, vous
voulez la liberté, vous voulez la justice, vous voulez le Droit ? C’est à
vous d’en décider. La France ne décidera pas à votre place. Mais si
vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors
la France s’associera à vous pour les construire. » C’est ce qu’on a
appelé le discours de Dakar. Et pourtant depuis lors, la jeunesse
africaine a osé, protesté, manifesté, réclamé, crié, affronté ses
bourreaux à mains nues mais la communauté international qui
devrait l’aider a continué à regarder ailleurs. Jamais une jeunesse
n’est autant battue pour la démocratie que la jeunesse africaine.
Jamais une jeunesse ne s’est battue autant pour la liberté et la
justice que la jeunesse africaine. Malheureusement chaque fois
elle a payé un lourd tribut pendant que les donneurs de leçons
regardent ailleurs, protègent leurs intérêts, volent au secours de
« leurs pions ». Une attitude qui a fini par révolter cette jeunesse à
travers le continent. Une attitude qui a fini par forger son caractère
et développer des animosités. « Aujourd’hui plus qu’hier la
jeunesse africaine n’attend plus rien de personne. Elle sait qui ne
sera jamais à ses cotés ». En témoignent les dernières révolutions
dans différents pays du continent. Notamment en Algérie où on
a continué à attendre en vain un soutien clair de la France à la
jeunesse qui manifeste depuis des mois.
Régulièrementaccuséeinjustement–commel’afaitl’ex-président
français lors de ce tristement célèbre discours du 26 juillet 2007 à
Dakar – la jeunesse africaine travaille pourtant. Elle a montré sa
bravoure à plusieurs reprises. Mais à chaque fois elle est raillée au
lieu d’être encouragée. Le sort réservé aux révolutions des jeunes
Africains est le même depuis les indépendances. Entre l’indolence
des Occidentaux et l’immixtion des armées, les révolutions des
jeunes Africains sont à chaque fois confisquées. Algérie, Soudan
aujourd’hui comme la Tunisie, le Burkina Faso, l’Egypte hier, la
jeunesse africaine se mobilise et manifeste pour sa liberté, la
démocratie, la justice, la bonne gouvernance et la redistribution
équitable des richesses nationales. Mais quand ces révolutions
ne reproduisent pas les schèmes d’avant, elles accouchent du
terrorisme. Au Burkina Faso, en Egypte, en Tunisie, au Soudan,
en Algérie, au moment où la jeunesse réclame un changement
radical (des hommes et des systèmes), on a vu revenir au pouvoir,
comme une malédiction du ciel, des hommes qui ont longtemps
cheminé avec les dirigeants décriés d’hier. Parfois dans un silence
assourdissant de la communauté internationale. Dans un dossier
d’une quinzaine de pages, Afrik’Actuelle a voulu revenir sur ces
révolutions des jeunes Africains. Mais surtout avons-nous voulu
comprendre les raisons de la volonté permanente de confisquer
les efforts d’une jeunesse qui n’a jamais croisé les bras.
Dans les conflits et les défis qu’affronte chaque jour la jeunesse
africaine, de quel côté se trouve la communauté internationale ?
C’est la question qui revient régulièrement dans les conversations
dans les rues sur le continent. Il faut reconnaitre que l’action de
cette communauté internationale est de moins en moins lisible. Et
ses postures discutables. En témoigne la situation en Libye. Que
fait la communauté internationale en Libye ? Un gouvernement
dirigé par Sarraj est jusqu’à ce jour « reconnu par la communauté
internationale » mais aujourd’hui les voix s’élèvent pour dénoncer
le soutien qu’apporterait la France au général Haftar. A quoi
jouent finalement les puissants de ce monde ? La Libye, la RCA,
l’Algérie... souffrent de ce double jeu de la France.
« Les pompiers pyromanes » ainsi a titré il y a quelques temps
un hebdomadaire burkinabè qui dénonçait l’attitude de cette
communauté internationale qui peine à convaincre désormais
sur le continent. A Yaoundé au Cameroun, le système gouvernant
a perdu son latin face aux tribulations de ladite communauté
internationale. Dans une récente sortie devant les ambassadeurs
accrédités dans son pays, le ministre camerounais des relations
extérieures n’a pas manqué de faire une mise en garde
contre toute tentative de déstabilisation de ce pays avec la
bénédiction des partenaires occidentaux. « Non à l’ingérence, oui
à l’accompagnement », a-t-il alors lancé. Et depuis l’ambassadeur
des Etats-Unis à Yaoundé fait l’objet d’une attention particulière
tant ses sorties sont de moins en moins lisibles. « Il est à surveiller
comme du lait au feu », dit-on dans les coulisses du pouvoir. Oui,
il faut surveiller l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé car
Georges Soros n’a pas abandonné ses ambitions de dicter au
monde sa conception de la démocratie. Il faut le surveiller parce
que la démocratie qu’ils veulent servir à la jeunesse africaine n’est
pas sans conséquences. Des conséquences qu’ils se résignent à
assumer. La Libye que gardait jalousement Kadhafi a retrouvé
l’usage de la parole – donc de la pratique démocratique – mais le
pays n’existe plus. Etait-ce la volonté de la jeunesse libyenne ?
Rien n’est moins sûr. Certes une franche de la population libyenne
a longtemps souhaité un changement de régime. Mais jamais
elle n’a souhaité la déflagration totale de ce pays. Tout comme la
Libye, la Centrafrique que dirige aujourd’hui le Pr Touadera – avec
beaucoup de difficultés et d’obstacles – n’a jamais souhaité être un
pays ingouvernable du fait de ceux qui en profitent et qui sont
prêts à tout pour voir le commerce illicite du diamant continuer
à prospérer pendant que les Centrafricains croupissent dans la
misère. On peut alors comprendre aujourd’hui l’exaspération de la
jeunesse africaine vis-à-vis de cette communauté internationale.
«Du grand n’importe quoi… »
La communauté internationale… n’importe quoi !
Par Simon MOUSSI
Magazine d’informations, d’enquêtes et
d’analyses de l’actualité africaine
Siège social
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Cameroun
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France
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Afrique de l’Ouest
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Commission paritaire : en cours
SOMMAIRE
Juillet - AOÛT 2019
5AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - AOÛT 2019
Magazine d’informations, d’enquêtes et
d’analyses de l’actualité africaine
Découvrez notre
nouvelle formule
Génocide rwandais : Controverse
sur le rôle de la France : 25 ans
après, toujours "un déni"
Françafrique : Bolloré assigné en
justice par dix Ong et syndicats
Guinée : La monogamie devient
la règle
ZOOM
L'AIR DU TEMPS
CHRONIQUE
WORLD STORIES
ECONOMIE
DIASPORA
FOCUS
CULTURE
06 Somalie : Des violeurs
condamnés pour la première fois
grâce à des tests d'ADN
"De l'importance de bien
nommer notre monnaie"
Allemagne : Des juifs priés
d'éviter de porter la Kippa
Affaire Bygmalion : Débouté, le
procès de Nicolas Sarkozy aura lieu
Vera Songwe : Une pionnière
à la tête de la Commission
économique pour l'Afrique
RCA : L'armée regagne du terrain
au nord du pays
Gabon : Un britannique à la tête
d'un ministère
De Luanda à Kinshasa : Jonas
Savimbi comme Etienne Tshisékédi
Qui dirige l'Algérie ?
Cameroun/Electricité : Le barrage
de Memve'ele fournit ses premiers
mégawatts
Cacao : L'Afrique met fin au Diktat
du prix du Cacao
Vivatech 2019 : Les startups
africaines courtisées
Infrastructures: Inauguration en
Egypte du plus large pont suspendu
au monde
France-Afrique : Les diasporas
africaines à l'Elysée
Afrique du
Sud : Les
défis qui
attendent Cyril
Ramaphosa
Angélique Kidjo : Célia (Verve/
Universal 2019)
08
12
11
16-19
26-27
30-31
34-35
36-37
38
65
66-67
73
58-62
40-41
76-77
80-81
44-57
DR
Dossier : Les révolutions confisquées
LES AFRIQUES
Tribune
23
22
L’Air du temps L’Air du temps
6 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 7AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les victimes de la secte d'un nazi au Chili
aidées par l'Allemagne
Somalie
L
a Somalie a, pour la première
fois, utilisé des preuves obtenues
grâce à des tests ADN pour faire
condamner à mort trois hommes
reconnus coupables du viol et du
meurtre d'une fillette de 12 ans. En
2017, la Somalie a obtenu son tout
premier laboratoire médico-légal dans
l'État semi-autonome du Puntland,
dans le but de lutter contre la violence
sexuelle généralisée dans un pays
où deux décennies de conflit et de
troubles ont privé la plupart de ses
habitants d'accès à la justice.
Le Bureau des sciences médico-
légales a déclaré dimanche dans un
communiqué que la Somalie avait
«rejoint, pour la première fois, le
reste du monde en utilisant la science
pour résoudre une affaire criminelle
odieuse ». En février, l'enlèvement
d'Aisha Ilyas Adan, 12 ans, violée par un
gang et torturée à mort avant que son
corps ne soit jeté devant la maison de
ses parents, avait suscité l'indignation.
Human Rights Watch avait regretté que
ce viol ait été en quelque sorte "normal"
en Somalie, la police ne prenant
souvent pas les dossiers au sérieux
bien que le gouvernement de l'État du
Puntland ait promulgué en 2016 une loi
faisant des délits sexuels des crimes et
imposant des peines sévères.
 37 échantillons d'ADN prélevés
sur les suspects
Le gouvernement de Mogadiscio
travaille toujours à l'adoption de
premières lois nationales sur le viol en
Somalie, avec une nouvelle législation
adoptée par les ministres en mai 2018
mais qui doit encore être approuvée
par le Parlement. Dans le cas de la
petite Aisha, une dizaine de suspects
ont été arrêtés en relation avec son
viol et son meurtre. Les procureurs
de la République ont indiqué que 37
échantillons d'ADN ont été prélevés
sur les suspects et stockés dans le
laboratoire, qui ne peut actuellement
pas analyser ce matériel.
Les échantillons ont été envoyés au
Kenya voisin et les analyses ont permis
d'impliquer trois des suspects dans le
crime. Le juge de la Haute Cour Abdinur
Jama Hussein a alors condamné les
trois hommes à la peine de mort "pour
enlèvement, viol et meurtre d'Aisha
Ilyas". Il faut préciser qu’en Somalie, les
condamnés à mort sont fusillés.
L
’Allemagne va apporter une aide
financière aux victimes, d’une
organisation sectaire gérée par un
vétéran nazi au Chili, Colonia Dignidad.
L’information est du gouvernement
allemand lui-même depuis la mi-
mai Ces victimes percevront jusqu’à
10.000 euros chacune, a alors confirmé
le secrétaire d’État Niels Annen, à
l’issue d’un travail mené en commun
par le gouvernement allemand et
une commission parlementaire. Il
a ajouté qu’il s’agissait d’une “aide
concrète”, mais aussi d’une "marque
de reconnaissance d’une grande
souffrance”. Le montant total des
indemnisations devrait s’élever à
environ 3,5 millions d’euros d’ici 2024.
Environ 240 anciens membres de
cette secte vivent encore, dont 80 en
Allemagne, selon la commission.
 Un camp de plusieurs
centaines de personnes
La “colonie de la dignité” avait été
fondée en 1961 par l’ancien caporal
naziPaulSchäfer,danscequiétaitalors
présenté comme un village familial
idyllique. En réalité, le dignitaire
a régné avec brutalité sur cette
communauté de quelques centaines
de personnes, les soumettant à un
traitement allant jusqu’à l’esclavage
et multipliant les sévices sexuels
sur les enfants. Ce n’est qu’après la
fuite de Paul Schäfer en 1997 que les
Chiliens ont découvert que l’enclave
allemande avait aussi été un enfer pour
les opposants à la dictature d’Augusto
Pinochet (1973-1990), nombre d’entre
eux y ayant été torturés ou ayant
disparu là-bas. Des événements qui
servent d’ailleurs de point de départ
du film “Colonia” sorti en 2016, où
Emma Watson incarne une hôtesse
de l’air dont le petit ami est envoyé à
Colonia Dignidad. Arrêté en 2005 en
Argentine, Paul Schäfer est mort en
prison en 2010. Colonia Dignidad a été
transformé en un centre touristique et
agricole, sous le nom de Villa Baviera.
Par Georges-Henri KOFFI
 ... Les procureurs
de la République
ont indiqué que
37 échantillons
d'ADN ont été prélevés sur
les suspects et stockés dans
le laboratoire, qui ne peut
actuellement pas
analyser ce matériel.
...Environ
240 anciens
membres
de cette secte vivent
encore, dont 80 en
Allemagne, selon la
commission.
Des violeurs condamnés pour la première fois
grâce à des tests ADN
Trois hommes ont été reconnus coupables, début mai, du viol et du meurtre d'une fillette de 12 ans et
ont été condamnés à mort, grâce à des preuves génétiques.
L’Air du temps L’Air du temps
9AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 20198 AFRIK’ ACTUELLE • Nº21 Septembre - Octobre 2017
Allemagne Etats-Unis
I
l faut désormais retirer la kippa
pour se protéger de l’antisémitisme
en Allemagne. C’est du moins
ce que suggère le commissaire du
gouvernement allemand en charge
de l’antisémitisme, qui a mis en garde
contre le port de ce signe religieux dans
un pays en proie à une montée des
attaques anti-juives, dans un entretien
paru dans la presse régionale Funke
le 25 mai dernier. « Je ne peux pas
conseiller aux juifs de porter la kippa
partout tout le temps en Allemagne »,
a déclaré Felix Klein ajoutant avoir à ce
sujet « hélas changé d’avis par rapport
à autrefois ». Felix Klein, dont le poste
au gouvernement d’Angela Merkel a
été créé début 2018, a expliqué cette
évolution par « la levée des inhibitions
et un manque de considération qui
augmentent dans la société ».
 Pas de kippa en centre-ville
« L’Internet et les médias sociaux y ont
fortement contribué, mais aussi les
attaques perpétuelles contre notre
culturedelamémoire»,s’est inquiété M.
Klein, proposant aussi de mieux former
les forces de l’ordre parfois indécises
sur la nature antisémite ou non des
délits. Le conseil central des Juifs
d’Allemagne a déjà plus d’une fois mis
en garde contre le port de cette calotte.
« Je dois déconseiller à des personnes
seules de se montrer dans le centre des
grandes villes d’Allemagne avec une
kippa », avait déclaré à la radio RBB son
président Josef Schuster il y a un an.
Un cas avait particulièrement choqué
à Berlin l’an passé, quand un Israélien
portant la kippa avait été frappé à
coups de ceinture par un Syrien dans
le quartier huppé de Prenzlauer Berg.
La victime avait pu filmer une partie de
la scène et l’avait postée sur Internet.
Les pouvoirs politiques allemands
se sont ouvertement inquiétés
d’un antisémitisme importé par des
migrants venus de pays hostiles à
Israël, comme les Syriens, Irakiens ou
Afghans arrivés en masse dans le pays
en 2015 et 2016.
 Des délits majoritairement
commis par l’extrême droite
Les dernières statistiques du ministère
de l’Intérieur allemand ont toutefois
montré que les auteurs de délits à
caractère antisémite étaient à une
écrasante majorité (90 %) issus des
milieux de l’extrême droite. Les
délinquants d’origine arabe sont
avant tout des personnes qui vivent
depuis assez longtemps en Allemagne,
estime Felix Klein. « Beaucoup
regardent seulement des chaînes arabes
qui transmettent une image funeste
d’Israël et des Juifs », selon lui. Malgré
des décennies de repentance pour
l’Holocauste, l’Allemagne ne fait pas
exception en Europe où, à l’instar de la
France, les attaques contre les juifs se
sont répandues. Les actes criminels à
caractère antisémite ont augmenté de
quelque 20 % en Allemagne l’an passé,
selon le ministère de l’Intérieur. La
procureure générale de Berlin, Claudia
Vanoni, avait mis en cause un recul des
inhibitions, jugeant que l’entrée de
l’extrême droite au Bundestag en 2017,
dont certains responsables ont tenu
des propos discriminatoires, y avait
contribué. En France, un appel à ne pas
porter la kippa émis par le président
du consistoire israélite de Marseille en
2016 avait fait polémique. Cet appel
avait été lancé après l’agression d’un
enseignant juif revendiquant ses actes
au nom de Daech.
B
rittany Zamora a plaidé
coupable le 10 juin dernier. Cette
professeure américaine de 28 ans
est accusée d’avoir eu des rapports
sexuels avec l’un de ses élèves de
seulement 13 ans. Elle est poursuivie
pourinconduitesexuellesurunmineur,
tentative d’agression et outrage public
à la pudeur.
La jeune femme travaillait au collège de
Goodyear, en Arizona, lorsqu’elle a fait
la rencontre de l’adolescent. D’après le
rapport de police, les deux pratiquaient
des actes sexuels alors même que les
autres élèves étaient dans la classe en
train de travailler. Le jeune garçon a
racontéquesaprofesseurelui«touchait
parfois les parties intimes» lorsqu’il
venait à son bureau. Elle prétendait
alors devoir chercher quelque chose
par terre. L’élève lui passait en outre des
petits mots dans lesquels il lui disait à
quel point elle était sexy. Il a également
expliqué aux autorités lui avoir envoyé
des photos de lui nu. Brittany Zamora,
elle aussi, lui transmettait des photos
d’elle nue ou en lingerie. «Un jour, elle
m’a dit qu’elle voulait me faire une
fellation et que mes parties intimes
étaient très grosses», a fait savoir
l’élève.
 Arrêtée en mars 2018
C’est une nuit au cours de laquelle
le mari de la professeure n’était pas
chez eux, qu’elle a invité l’adolescent
à la rejoindre, pour lui «montrer à
quel point elle l’aimait». Ils ont eu
leur premier rapport sexuel ce soir-là.
Quelques jours plus tard, c’est dans une
classe que les deux ont «fait l’amour».
Brittany Zamora a été arrêtée en mars
2018. Les parents du garçon ont appris
cette histoire en fouillant dans le
téléphone de leur enfant, se servant de
mots clés pour faire leurs recherches.
Après avoir trouvé notamment des SMS
inappropriés entre la professeure et lui,
ils ont prévenu le principal de l’école
qui a de son côté appelé la police. La
professeure devrait connaître sa peine
le 12 juillet prochain.
Les juifs priés
d’éviter de porter la kippa Accusée d’avoir eu des rapports sexuels
avec son élève de 13 ans, la prof plaide
coupable
Face à la recrudescence des actes antisémites, les autorités allemandes recommandent aux
juifs d’éviter de porter la kipa pour éviter d’être agressés.
Une professeure américaine accusée d’avoir eu des relations sexuelles avec l’un de ses
élèves de 13 ans a plaidé coupable le 10 juin dernier.
... Beaucoup
regardent
seulement des
chaînes arabes qui
transmettent une
image funeste d’Israël
et des Juifs.
11AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Chronique
L
e franc guinéen, le franc
congolais, le franc burundais,
le franc rwandais, le franc
djiboutien  ! Vous ne rigolez
pas ? Et le dollar zimbabwéen,
le shilling du Kenya, de la Tanzanie, de
l’Ougandaetd’ailleurs ?Heureusement,
nous avons quelques pays pour
sauver l’honneur, des pays bien de
chez nous où les pièces sonnantes et
trébuchantes tintent en langue locale.
Au Ghana, c’est en cedi que l’on fait ses
emplettes. Au Nigeria, c’est en naïra
que l’on s’acquitte de ses impôts. En
Angola, c’est en kwanza que l’on se
paie un verre. En Zambie et au Malawi,
c’est en kwacha que l’on jette l’argent
par les fenêtres. En Gambie, c’est en
dalasi que l’on se ruine. Je dis cela parce
qu’un événement que l’on attendait
depuis les Indépendances vient de se
produire à la Cédéao : la création d›une
monnaie unique pour l›ensemble de la
zone.
Hélas, une grosse maladresse est
venue tout de suite ternir cet heureux
événement  : le baptême de cette
nouvelle monnaie qui dédouble notre
espoir et ajoute à notre fierté a été
volontairement raté. Rendez-vous
compte, bientôt, nous allons devoir
compter, en éco. Vous avez compris  ?
En éco ! C’est là tout le travers de nos
technocrates  : un groupuscule de
copains s’enferme dans une salle et
décide de notre sort sans consulter rien
ni personne : ni le peuple, ni l’histoire,
ni la géographie.
 Un peu d’histoire pour
s’éclairer
D’où ont-ils bien pu sortir ça  : éco  !
Ecco ? Échos ? Écot ? Qu’es aquo  ? Le
mot économie en raccourci peut-être ?
Ou alors, a-t-on voulu faire comme
Giscard d’Estaing – nos intellectuels
sont tellement mimétiques ! - qui avait
sans succès voulu que l’Europe place
ses revenus en écus et non en euros.
Éco, un mot ridicule et inepte qui
ne parle à personne  ! Et si l’on s’était
donné la peine de lire la carte ? Bafing,
dioliba, ferlo, fouta, tonkoui, atakora  !
Niani, Koumasi, Tombouctou ! Et si l’on
s’était tourné vers le passé  ? Chaka,
Soundiata, Dan-fodio  ! Et si l'on avait
célébré nos indépendances ? Nkrumah,
Cabral, Olympio ! Pourquoi pas – une
fois n›est pas coutume – un clin d›œil à
nos cousins d›Amérique auxquels nous
devons le jazz et la salsa, la mode afro
et le panafricanisme ? Haïti, Toussaint,
Pétion, Dubois, Garvey, Padmore,
Blyden !
Hé, messieurs les technocrates,
pourquoi pas Africa, tout simplement ?
 Pourquoi pas le nom d’une
ethnie ?
On m’aurait demandé mon avis, c’est le
nom d’une ethnie que j’aurais proposé.
Non, non, ni peul ni mandingue,
ni sonraï, ni haoussa, ni yoruba, ni
ashanti. Ces ethnies-là font peur par
leur démographie et par leur poids
historique. On leur prête à juste
raison des tentations hégémoniques.
Les ethnies minoritaires sont plus
rassurantes  : diola, nalou, baga,
coniagui, mano, guéré, dida, bété,
goun, éwé, dogon, gourounsi. Oui,
mais ces ethnies-là aussi ont un défaut :
elles sont minoritaires, certes, mais trop
localisées, elles manquent d’envergure
régionale. Ce qui fait qu’il n’en resterait
qu’une pour donner son nom à la
première monnaie panafricaine  : le
bassari. Cette ethnie a le mérite d’être
minoritaire et régionale puisqu’on la
retrouve aussi bien au Sénégal qu’en
Guinée, au Ghana qu’au Togo. Et puis,
le mot bassari sonne bien. Vous ne
trouvez pas ?
Débaptiser le Nyassaland et les deux
Rhodésie, la Haute-Volta, et la Gold-
Coast n’a rien de folklorique, je vous
assure. C’est un éminent signe de prise
deconscience,undésird’émancipation,
un acte de souveraineté. Ne laissons à
personne le pouvoir de nous désigner,
faisons-le nous-mêmes  ! Le disant,
je suis tenté de paraphraser Albert
Camus : « Mal nommer notre monnaie,
c’est ajouter au malheur de l’Afrique. »
DR
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...un groupuscule
de copains
s’enferme dans
une salle et
décide de notre
sort sans consulter rien
ni personne : ni le peuple,
ni l’histoire, ni la
géographie.
Par Tierno Monénembo*
Le nom d'« éco » a été choisi fin juin pour le projet de monnaie unique d'Afrique de l'Ouest prévue dès
2020. Un choix pertinent ? Pas sûr.
* 1986, Grand Prix littéraire d’Afrique noire ex-aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ;
2012, prix Erckmann-Chatrian et  Grand Prix du roman métis pour «  Le Terroriste noir  »  ; 2013, Grand Prix  Palatine et prix
Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la francophonie pour l’ensemble de son œuvre.
« De l'importance de bien
nommer notre monnaie »
12 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 13AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
World StoriesWorld Stories
Les prisons françaises
battent leur record de détenus
France
L
e Conseil constitutionnel a rejeté
le 17 mai dernier le recours
déposé par Nicolas Sarkozy
contre son renvoi en procès dans
l’affaire Bygmalion, estimant qu’il
pouvait être poursuivi pénalement
malgré une sanction financière
antérieure intervenue pour les
dépenses excessives de sa campagne
présidentielle de 2012. L’ancien
président a été renvoyé en février 2017
devant le tribunal correctionnel pour
avoir dépassé le plafond des dépenses
électorales autorisé, mais il faisait valoir
qu’il ne pouvait pas être jugé étant
donné qu’il avait déjà été sanctionné
pécuniairement en 2013 après le rejet
de ses comptes par les instances de
contrôle. «  La sanction prononcée par
la Commission nationale des comptes de
campagneetdesfinancementspolitiques
est une pénalité financière, strictement
égale au montant du dépassement
constaté. Sa nature est donc différente
de la peine d’emprisonnement encourue
par le candidat poursuivi pour le délit de
dépassement du plafond des dépenses
électorales  », ont toutefois considéré les
membres du Conseil constitutionnel,
rejetant le recours de l’ancien président et
ouvrant la voie à un procès.
 ‘’C’est une grande déception’’
Dans une décision très détaillée, les
Sages insistent bien sur la différence
entre la sanction financière et la
sanction pénale. Par la sanction
financière, “le législateur a entendu
assurer le bon déroulement de
l’élection du Président de la République
et, en particulier, l’égalité entre les
candidats au cours de la campagne
électorale”. En revanche, “en instaurant
une répression pénale des mêmes faits,
qui exige un élément intentionnel [...],
le législateur a entendu sanctionner
les éventuels manquements à la
probité des candidats et des élus”,
précisent les Sages. « C’est une grande
déception  », a réagi Me Emmanuel
Piwnica, l’avocat de l’ancien chef de
l’Etat, persistant à considérer que
l’affaire présentait une “question
sérieuse” de cumul des poursuites.  A
défaut d’un ultime recours, Nicolas
Sarkozy devra donc être présent sur le
banc des prévenus, une fois la date de
son procès arrêtée. D’anciens cadres de
l’UMP (devenu LR), des responsables
de la campagne et des dirigeants de
Bygmalion - treize au total - sont pour
leur part poursuivis devant le tribunal
pour “complicité” de financement
illégal de campagne et escroquerie ou
complicité.
A
vec 71 828 détenus pour 61 010
places opérationnelles, la densité
carcérale française s’établit à
117,7%, sensiblement en hausse par
rapport au mois précédent (116,7%).
Elle est supérieure ou égale à 200%
dans sept établissements pénitentiaires
et dépasse les 150% dans 44 (sur 188
au total). Le précédent record avait été
établi au 1er décembre 2018, avec 71
061 prisonniers. Au 1er avril 2019, le
nombre de détenus est en hausse de
2,1% sur un an. Le nombre de matelas
au sol est de 1636 en mars, un chiffre
stable par rapport à mars 2018.
La part des prévenus, c’est-à-dire les
détenus qui n’ont pas encore été jugés,
concerne toujours près du tiers des
personnes incarcérées (29%). La part
des femmes (3,8% de la population
carcérale totale) et celle des mineurs
(1%) restent également stables. Parmi
les 83 887 personnes placées au
total sous écrou, 12 059 font l’objet
d’un placement sous surveillance
électronique ou d’un placement
à l’extérieur, selon les données de
l’administration pénitentiaire, publiées
pour la dernière fois mensuellement.
«Lesstatistiquesdelapopulationdétenue
et écrouée seront désormais publiées
de manière trimestrielle», a indiqué le
ministère de la Justice, précisant que
«les prochaines statistiques détaillées
seront celles du 1er juillet 2019». Elles
doivent être publiées fin juillet,
selon la Direction de l’administration
pénitentiaire. «Disposer d’une analyse
statistique avec un recul sur plusieurs
mois permettra une meilleure lecture de
l’évolution de la population carcérale», a
justifié le ministère.
Afin de lutter contre une surpopulation
chronique, le gouvernement a
prévu dans sa réforme de la Justice
promulguée le 23 mars de multiplier les
alternatives en milieu ouvert, ainsi que
la création de 7 000 places de prison
d’ici à la fin du quinquennat. La loi
redéfinitégalementl’échelledespeines,
en proscrivant l’emprisonnement
pour les très courtes peines, tout en
garantissant l’application des peines
d’emprisonnement de plus d’un an.
Ces nouvelles dispositions seront
applicables en mars 2020.
Débouté, le procès de Nicolas
Sarkozy aura lieu
France/Affaire Bygmalion
Par Georges-Henri KOFFI
Par Nathalie ANDRE
Les Sages du Conseil constitutionnel français ont estimé, le 17 mai dernier, que l’ancien président,
Nicolas Sarkozy, pouvait être poursuivi pénalement malgré une sanction financière antérieure
intervenue pour les dépenses excessives de sa campagne de 2012. Le nombre de
détenus dans les
prisons françaises a
atteint un nouveau
record en mars, avec
71 828 personnes
incarcérées au
1er avril, selon
les statistiques
mensuelles de
l’administration
pénitentiaire publiées
le 13 mai dernier par
le ministère de la
Justice.
...Parmi les 83
887 personnes
placées au
total sous
écrou, 12 059 font
l’objet d’un placement
sous surveillance
électronique...
... A défaut d’un
ultime recours,
Nicolas Sarkozy
devra donc
être présent sur le banc
des prévenus, une fois la
date de son procès
arrêtée. 
14 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 15AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
World Stories World Stories
Sur les réseaux sociaux, de nombreux
Américains, élus ou non, ont rappelé
qu’ils subissaient ce genre d’antienne -
« retourne dans ton pays » - depuis leur
enfance, et qu’entendre aujourd’hui
ces mêmes mots dans la bouche de
leur président était un c h o c .
«  C’est à cela que
ressemble le
racisme. Nous sommes ce à quoi
ressemble la démocratie  », a souligné
Ayanna Pressley, l’élue noire américaine
faisant partie des personnes visées.
 « Un calcul froid et cynique »
de Trump
Les violentes attaques de Donald
Trump contre les quatre élues ont
suscité des réactions indignées
jusque dans son propre camp, au sein
duquel des responsables l’ont appelé à
s’excuser pour ses tweets « racistes ». A
l’approche de la présidentielle de
novembre 2020, le milliardaire semble
plus déterminé que jamais à souffler
sur les braises des tensions raciales
pour galvaniser sa base électorale –
très majoritairement blanche –, mais
aussi à alimenter les divisions chez ses
adversaires politiques.
La stratégie politique du locataire de
la Maison Blanche est claire : enfoncer
des coins dans la famille démocrate,
traversée de tensions.  Le président
américain cible sciemment des élues
qui se situent sur l’aile gauche du parti
et dont les désaccords avec Nancy
Pelosi alimentent régulièrement la
chronique à Washington. «  Avec cette
sortie délibérément raciste, Donald
Trump cherche à rendre les personnes
ciblées plus visibles, à pousser les
démocrates à les défendre et à en faire
des emblèmes du parti tout entier  », a
estimé David Axelrod, ancien proche
conseiller de Barack Obama. « C’est un
calcul froid et cynique ».
Quelques heures plus tard, Donald
Trump validait lui-même point par
point cette analyse en expliquant dans
un tweet que les démocrates avaient
essayé de prendre leurs distances avec
lesquatreélues,maisétaient«désormais
contraints de les défendre». « Cela
signifie qu’ils soutiennent le socialisme,
la haine d’Israël et des Etats-Unis ! », a-t-il
conclu. Pour Joe Biden, vice-président
de Barack Obama pendant huit ans et
candidat à l’investiture démocrate pour
2020, aucun président dans l’histoire
américaine « n’a été aussi ouvertement
raciste que cet homme ». « Rentrez dans
votre pays ? C’est écoeurant ».
L
e président américain,
Donald Trump a encore créé
la polémique, début juillet
dernier, avec une série de tweets
dominicaux agressifs. Cette fois, Trump
s’en est pris, sans les nommer, à quatre
parlementaires démocrates. Quatre
femmes récemment élues, qui se
caractérisent par des positions très à
la gauche du parti, et surtout issues de
minorités. Donald Trump les a appelées
à «  retourner d’où elles viennent  », des
pays d’origine qu’il juge parmi «  les
pires, les plus corrompus et ineptes  »
du monde. Toutes sont pourtant
américaines et trois sont nées aux
États-Unis.
Donald Trump est coutumier des
provocations et grossièretés. Mais le 14
juillet dernier, sa salve de tweets n’était
pas anodine du tout. En quelques
phrases, le président américain a
confirmé qu’il voyait les États-Unis
comme un pays de Blancs, que les
autres n’avaient qu’à bien se tenir ou,
en tout cas, qu’ils n’avaient surtout
pas le droit de le critiquer. « Tellement
intéressant de voir des membres femmes
démocrates «progressistes» du Congrès,
qui à l’origine viennent de pays dont
les gouvernements constituent une
catastrophe complète et totale, les
pires, les plus corrompus et ineptes du
monde (pour ceux qui au moins ont
un gouvernement qui fonctionne), dire
haut et fort et vicieusement au peuple
des États-Unis, la plus grande et la plus
puissante nation du monde, comment
notre gouvernement doit être dirigé  »,
a lancé M.  Trump. Et de poursuivre  :
«  Pourquoi ne retournent-elles pas pour
aider à réparer ces endroits totalement
dévastés et infestés de crimes dont elles
sont originaires ? Puis revenir nous
montrer comment elles ont fait ? Ces
endroits ont grandement besoin de votre
aide, vous ne pouvez pas partir si vite. Je
suis certain que Nancy Pelosi serait très
heureuse de pouvoir rapidement vous
organiser le voyage gratuitement. »
 La stratégie très peu centriste
du président Trump
Le chef d’État a ainsi invité à « retourner
chez elles » les élues Rashida Tlaib, fille
d’immigrés et première Américaine
d’origine palestinienne à siéger au
Congrès  ; Ilhan Omar, réfugiée venue
de Somalie lorsqu’elle était mineure  ;
Alexandria Occasio-Cortez, une
Portoricaine – pourtant un territoire
des États-Unis  ; et même une Noire
américaine dont la famille est installée
depuis plusieurs générations dans le
pays : Ayanna Pressley.
Ce faisant, le président Trump a tracé
une ligne idéologique tout à fait
claire. Donald Trump semble avoir
choisi de durcir le ton à l’approche de
la présidentielle 2020. Plutôt que de
chercher à séduire l’électorat indécis,
centriste, son objectif semble de
mobiliser sa base, et de récupérer
des voix le plus à droite possible.
Pour l’heure, aucun élu de son camp
n’a encore osé dénoncer cette vision
extrême de la société américaine.
 « Retourne dans ton pays »,
l’éternelle antienne
L’opposition démocrate, pour sa part,
a jugé ces commentaires xénophobes
et racistes. Le président prend tout
de même un risque électoral. Car la
majorité des Américains n’est pas
raciste et que le vote des minorités
pèse dans le scrutin. Et en attaquant
des élues très à gauche, connues pour
semer la zizanie chez les démocrates, il
donne par ailleurs au parti d’opposition
l’occasion de se rassembler.
La semaine dernière, comme insinué
dans le tweet, la présidente de
la Chambre des représentants, la
démocrate Nancy Pelosi, avait en effet
critiqué les discours très à gauche
des personnes aujourd’hui visées,
craignant que ces commentaires
n’empêchent le Parti démocrate de
battre Donald Trump. Mais sur cette
affaire de tweet, elle a ainsi été la
première à réagir, rejetant elle-même
« des commentaires xénophobes destinés
à diviser notre nation ».
Donald Trump appelle des élues démocrates
à «retourner d’où elles viennent» ...Sur les réseaux
sociaux, de
nombreux
Américains, élus ou
non, ont rappelé
qu’ils subissaient ce genre
d’antienne - « retourne dans
ton pays » - depuis
leur enfance.
16 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 17AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
ZoomZoom
D
ans un récent classement des
100 personnalités les plus
influentes d’Afrique, Vera
Songwe pointe à la 34eme position. La
secrétaire exécutive de la Commission
économique pour l’Afrique -instance
onusienne- qui a effectué du 17 au
19 avril derniers, une visite officielle
dans son pays, le Cameroun, s’est
fixé comme priorités, «la lutte
contre la pauvreté et l’autonomie des
femmes. Mais aussi le financement des
infrastructures, pour lesquels l’Afrique
aurait besoin de 130 à 170 milliards de
dollars par an». Son séjour au Cameroun
lui a permis « de renforcer les relations
de coopération de la Commission avec le
Cameroun, particulièrement en appui à
ses efforts en faveur du développement
inclusif et durable, de la transformation
structurelle, de la diversification
économique, de l’intégration régionale
et du commerce, ainsi que de l’économie
numérique ». Pendant trois jours, Vera
Une pionnière à la tête de la 							
		Commission économique pour l’Afrique
Vera Songwe
Reçue en audience le 18 avril dernier par le président du Cameroun, la secrétaire exécutive de
la commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA), Vera Songwe, a été élevée
au rang de Grand officier de l’ordre de la valeur. Tapis rouge, haie d’honneur d’une douzaine
d’éléments de la compagnie d’honneur de la Garde présidentielle, sabre au clair, accueil sur
le perron du Palais de l’Unité par le ministre directeur du cabinet civil de la présidence, M.
Samuel Mvondo Ayolo, ce fut un accueil des grands jours réservé à Vera Songwe. Des honneurs
auxquels il faut ajouter 90 min d’entretien avec le président camerounais. Yaoundé a sorti
l’artillerie lourde pour accueillir l’enfant du pays qui y revenait pour la première fois depuis sa
nomination au prestigieux poste de secrétaire exécutive de la CEA. Mais qui est Vera Songwe ?
Pourquoi est-elle mal connue dans son pays ? Zoom sur celle qui fait aujourd’hui partie des 100
personnalités les plus influentes du contient.
...Vera Songwe a
été pendant 17
ans à la Banque
Mondiale. Elle dirige
depuis janvier 2016 le
bureau Afrique de l'Ouest
et Afrique centrale de la
Société financière
internationale (SFI).
Secrétaire
exécutive de
la Commission
économique
de l’ONU pour
l’Afrique, cette
Camerounaise
se distingue par
son volontarisme
en matière de
lutte contre la
pauvreté.
18 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 19AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
ZoomZoom
• Influente
Le 14  avril 2017, Antonio Guterres,
le secrétaire général de l’ONU, l’a
choisie parmi 77 candidats pour
diriger la Commission économique
pour l’Afrique (CEA). En 2013 déjà,
elle faisait partie des vingt femmes
les plus influentes d’Afrique, selon
le classement établi par le magazine
américain Forbes.
• Anglophone
Née il y a cinquante ans à Nairobi
(Kenya), elle a grandi à Bamenda
(nord-ouest du Cameroun) au sein
d’une grande famille anglophone.
Son père, Joachim Songwe, dirigea
l’Office national de développement
de l’aviculture et du petit bétail. Son
oncle, Christian Songwe Bongwa,
fut ministre des Relations avec le
Parlement dans les années 1980.
• Matheuse
Après des études secondaires à
Bamenda,elleobtientunelicenceen
sciences économiques et politiques
à l’Université du Michigan (États-
Unis), qu’elle complète par un DEA
en droit et sciences économiques,
puis par un doctorat en économie
mathématique obtenu à l’Université
catholique de Louvain (Belgique).
• Banquière
Elle entre à la Banque mondiale
(BM) en 1998 et en gravit tous les
échelons. En 2012, elle dirige les
opérations de la BM au Cap-Vert,
en Gambie, en Guinée-Bissau, en
Mauritanie et au Sénégal.
En 2016, elle est à la tête du bureau
pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique
centrale de la Société financière
internationale (SFI), la filiale de la BM
qui se consacre au secteur privé.
• Sa différence avec Lopes
On la compare forcément à
son prédécesseur, l’économiste
bissau-guinéen Carlos Lopes, qui
a démissionné en septembre  2016
après avoir donné un grand
rayonnement à l’institution. Alors
que ce progressiste avait aligné
la CEA sur l’agenda 2063 de l’UA,
incluant les thèmes de l’intégration
et de l’industrialisation africaines,
Songwe, elle, met l’accent sur la
lutte contre la pauvreté, qu’elle
adosse à la vision onusienne du
développement.
• Ses priorités
Tous ses centres d’intérêt ont un lien
avec les priorités du continent. Sur
le blog qu’elle tient dans le cadre
du programme de la Brookings
Institution, elle cite « la fiscalité, les
sources de financement innovantes,
l’agriculture, l’énergie et la
gouvernance économique ».
• Corruption
Pour elle, c’est «  un cancer  » qui,
selon une étude de la CEA sur
le commerce transfrontalier en
Afrique de l’Ouest, représente 25 %
du PIB du continent.
• Son amie Ngozi
En 2007, elle devient la conseillère
de la Nigériane Ngozi Okonjo-
Iweala lorsque celle-ci est nommée
directrice générale de la BM. Son
rôle : proposer des idées novatrices
pour le développement du
continent, et superviser les équipes.
• Lectrice
Elle dévore les biographies, dont
celle de Nelson Mandela, de
Francisco Franco, de Winston
Churchill ou de Napoléon. Des
lectures inspirantes en matière de
leadership…
• Comité Kagame
Elle a fait partie des neuf experts
réunis à l’initiative de Paul Kagame,
le président rwandais. Leur mission :
concevoir une réforme afin de
rendre l’UA plus efficace.
Vera Songwe en dix points
Songwe a enchainé des audiences
avec les autorités camerounaises. Elle
a prononcé un discours de clôture du
forum sur la zone de libre-échange
continentale africaine organisé dans la
capitale camerounaise ; donné un cours
magistral sur l’intégration régionale et
l’économie numérique à l’Institut des
relations internationales du Cameroun
(Iric) et une conférence de presse.
Economiste, Vera Songwe a été pendant
17 ans à la Banque Mondiale. Elle dirige
depuis janvier 2016 le bureau Afrique de
l'Ouest et Afrique centrale de la Société
financière internationale (SFI). Elle a
été nommée secrétaire général adjoint
de l’ONU et secrétaire exécutif de la
Commission économique pour l›Afrique
des Nations Unies (CEA) en avril 2017.
 Première femme à diriger la
Commission économique pour
l’Afrique
António Guterres ne donnera sans
doute jamais les raisons pour lesquelles
il a jeté son dévolu sur Vera Songwe,
alors que 77  candidats étaient en lice
pour le poste. Toujours est-il que c’est
Vera Songwe que le secrétaire général
de l’ONU a choisie pour diriger la
Commission économique pour l’Afrique
(CEA). Première femme à accéder à
cette prestigieuse fonction, cette
Camerounaise acquiert aussi le rang de
secrétaire général adjoint des Nations
unies.
 Peu connue de ses compatriotes
Le Financial Times ne s’y était pas
trompé, en 2015, en rangeant cette
femme d’influence parmi les 25 Africains
«  à suivre  ». À 48 ans, elle rejoint le
gratin des économistes camerounais
désormais en vue à l’international, à
l’instar de Célestin Monga, Hippolyte
Fofack et Albert Zeufack, économistes
en chef respectivement à la BAD,
à Afreximbank et au département
Afrique de la Banque mondiale. Tous
les quatre ont en commun d’avoir fait
carrière dans cette dernière institution.
Vera Songwe y a passé presque deux
décennies, au cours desquelles elle a fait
forte impression à Ngozi Okonjo-Iweala,
ancienne vice-présidente de la Banque
mondiale et ex-ministre des finances du
Nigeria. Sur le plan professionnel, cette
Camerounaise doit presque tout à l’ex-
argentier nigérian. « Elle [Ngozi Okonjo-
Iweala] l’a pratiquement fabriquée, l’a
introduitepartout,ycomprisdansletrès
puissant réseau du think tank américain
Brookings Institution. C’est sa marraine,
pour ne pas dire plus  », soutient un
cadre de la Banque mondiale. Mais
Vera Songwe n’est pas connue de
ses compatriotes. La Raison ? Elle est
née à Nairobi au Kenya et a étudié en
Belgique.
 Docteure en économie
mathématiques
Dotée d’une assurance qui confine
parfois à l’arrogance, selon certains de
ses anciens collègues, Vera Songwe,
présentée comme travailleuse et
compétente, est aussi appréciée dans
la société civile, notamment au sein
de la Tony Elumelu Foundation et de
l’influent African Leadership Network.
NéeàNairobi,VeraSongwefutcouvée
dans la bourgeoisie anglophone
du Cameroun. Son père, Joachim
Songwe, dirigea l’Office national de
développement de l’aviculture et
du petit bétail (ONDAPB) pendant la
décennie 1980. Son oncle, Christian
Songwe Bongwa, fut le collaborateur
direct de John Ngu Foncha, qui,
en 1961, négocia les arrangements
politiques et institutionnels du
pays avec Ahmadou Ahidjo, après
un référendum qui rattacha le
Cameroun occidental à la nouvelle
république. Ce chrétien fervent, natif
de Bamenda, connut par la suite
une carrière ministérielle. En 1979,
il siégeait dans un comité ad hoc
mis sur pied, déjà, pour trouver une
solution au « problème anglophone ».
C’est donc naturellement que Vera
Songwe entama son cursus à la
catholique Our Lady of Lourdes
College Mankon, à Bamenda, dans le
Nord-Ouest, sa région d’origine, pour
finalement atterrir en Belgique, où elle
décrocha un doctorat en économie
mathématique à l’Université catholique
de Louvain.
 Un style managérial directif
Vera Songwe a pris la tête d’une
institution que son prédécesseur a
marquée de son empreinte. La CEA est
sortie de son quasi-anonymat à l’arrivée
de Carlos Lopes, en 2012. Charismatique,
combatif et parfois provocateur, au
point de hérisser certains décideurs par
ses prises de position, notamment sur le
franc CFA, l’économiste bissau-guinéen
a imposé un nouvel agenda, s’articulant
autour de la transformation structurelle
du continent, dont l’industrialisation
constitue la pierre de touche.
Un héritage et un rayonnement
intellectuels pesants que Vera Songwe
devra faire fructifier. Celle dont la
nomination a pris tout le monde de
court et dont le style managérial est
qualifié de «  très directif  » a les atouts
pour y parvenir.
D’abord sa bonne connaissance des
économies de la région. Ces dernières
années, elle a été directrice des opérations
de la Banque mondiale, successivement
pour le Sénégal, la Mauritanie et le Cap-
Vert, puis directrice régionale de l’IFC pour
l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.
Ensuite son réseau, qui lui a par exemple
permis de faire partie de la « commission
Kagame » chargée de réfléchir à la réforme
de l’Union africaine. Reste désormais à
« délivrer ». 
21AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les Afriques
Afriques
Les
Bolloré assigné en
justice par dix ONG
et syndicats
La France derrière le
maréchal Haftar ?
Un Britannique à la
tête d’un ministère
► Libye ► Françafrique► Gabon
Controverse sur le rôle de la France :
25 ans après, toujours "un déni"
Génocide rwandais
23AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les Afriques
L
e béret des Forces armées
centrafricaines (Faca) n’avait plus
été vu Kaga Bandoro depuis des
années et cette zone stratégique,
carrefour de transhumance, était
depuis 2014 contrôlée uniquement
par des groupes armés.  Mi-mai, après
cinq ans d’absence, les Faca sont
revenues, signe que l’accord de paix
centrafricain conclu début février entre
le gouvernement et quatorze groupes
armés commence ici à porter ses fruits,
même si sa mise en œuvre reste lente
et fragile.  Le 18 mai, 100 soldats et 6
officiers sont entrés dans la ville qui vit
sous la coupe de trois groupes issus de
l’ex-rébellion de la Séléka et de milices
anti-balaka.
Si les militaires n’ont pas encore le
droit de sortir de leur base, ni de
mener des opérations, leur arrivée a
redonné un peu d’espoir aux habitants.
«  Maintenant que les Faca sont là,
ils vont chasser les groupes armés  »,
souffle un vendeur à la sauvette, qui
habite un camp de déplacés depuis
2017.  Devant lui pourtant, c’est bien le
pick-up d’un groupe armé qui déboule
sur la voie, escortant une dizaine de
bœufs. 
Point de passage important de
la transhumance, Kaga Bandoro
accueille le plus grand marché de
bétail de Centrafrique, faisant d’elle
un point stratégique. La taxation du
bétail constitue la principale source
de revenus des groupes issus de l’ex-
Séléka qui escortent notamment les
bœufs sur les routes. Car ici, comme
ailleurs en Centrafrique, il est fréquent
que ces milices attaquent les éleveurs
pour voler leur bétail. A Bangui, une
tête peut valoir jusqu’à 500.000 FCFA,
une manne à l’origine de nombreuses
tensions.  Mais depuis quelques mois,
les tensions s’apaisent, observe Renner
Onana, chef de bureau de la Mission
des Nations unies en Centrafrique
(Minusca) de Kaga Bandoro: «  l’année
dernière il y avait des violences en ville
mais ça s’est calmé avec l’accord de
paix  ». L›accord de paix a été signé
début février à Bangui entre quatorze
groupes armés et les autorités. Préparé
depuis 2017 par l›Union africaine, il est
le huitième signé depuis le début de la
crise en 2013. « Maintenant nous faisons
des rencontres avec les groupes armés et
le préfet », ajoute M. Onana.
Alors, l’arrivée des Faca le 18 mai a
été perçue comme un signe positif,
d’autant plus que les militaires
centrafricains avaient été empêchés
de se déployer dans la ville à plusieurs
reprises depuis leur départ en 2014. En
2017, par exemple, une tentative avait
échoué, du fait de vives tensions avec
les groupes armés. Et plus récemment,
début mai, les bérets rouges entrés
dans la ville avaient été sommés de
partir deux heures après par l’un des
principaux groupes qui contrôlent la
ville, le Mouvement patriotique pour
la Centrafrique (MPC). A l’ombre d’un
manguier, entouré de pick-up équipés
de mitrailleuses, Maruf Mahamat Jabo,
le porte-parole du MPC soupire : «il y
a eu un problème de communication,
le gouvernement ne nous avait pas
prévenus de leur arrivée ».
 Encore des efforts à faire
Finalement, une délégation
ministérielle dont une partie des
membres est issue des groupes armés,
arrivée sur place le 15 mai, a fini de les
convaincre. « Nous avons discuté, nous
avons dit que les Faca ne pourront
pas se déployer tant que les Comités
techniques de sécurité composés de
patrouilles mixtes n’étaient pas en
place. Mais nous avons commencé à
travailler avec eux », explique M. Jabo.
L’accord de paix prévoit la mise en place
de patrouilles mixtes de militaires et de
membres de groupes armés en vue
de rétablir la sécurité sur l’ensemble
du territoire. Plus de trois mois après
sa signature, ces patrouilles ne sont
toujours pas opérationnelles. 
Les principaux groupes armés de la
zone ont remis à la Minusca et à l’Etat
une liste d’éléments pour constituer
ces brigades. Mais une scission à
l’intérieur d’un groupe, le FPRC,
ralentit aujourd’hui le processus. Dans
l’ensemble, «  il y a eu un effort de
certains groupes armés pour prouver
leur bonne foi  », reconnait le chef du
bureau de la Minusca. Certains «  ont
rendu visite aux Faca avec du carburant
et du sucre  ». Pour autant, la récente
accalmie n’a pas fait disparaitre les
exactions sur les axes de Kaga Bandoro.
Depuis janvier, par exemple, 297 viols
ont été dénombrés dans la seule
région, déplore le chef de bureau de
la Minusca. «  L’arrivée des Faca à Kaga
Bandoro a détendu l’atmosphère, mais
nous restons très vigilants », conclut M.
Onana.
L’Armée regagne du terrain au nord du pays
RCA
23AFRIK’ ACTUELLE • Nº27 Octobre - Novembre 201822 AFRIK’ ACTUELLE • Nº27 Octobre - Novembre 2018
Tribune
B
ilan plutôt mitigé quelques
mois après la première vague
de manifestations réclamant le
départ du chef d’État algérien,
Abdelaziz Bouteflika. Entamé le 22
février, le mouvement de protestation
populaire a certes obtenu, début
avril, la démission de son président
fantomatique. Mais il reste une
inconnue de taille sur la longue route
de la transition politique: le rôle que
l’armée compte se donner à l’avenir.
Établi début mars par des médias
français, l’organigramme du pouvoir
algérien a été considérablement
modifié depuis. Le renoncement
d’Abdelaziz Bouteflika a entraîné
en cascade la chute des principaux
piliers du “système” tant décrié par
la rue, à commencer par le frère
de l’ex-président, Saïd Bouteflika,
arrêté avant d’être déféré devant
un tribunal militaire en compagnie
de deux anciens chefs des services
de renseignement pour “atteinte à
l’autorité de l’armée” et “complot
contre l’autorité de l’État”.
 Personnalités hors course
L’un des hommes d’affaires les
plus riches du pays, Ali Haddad, un
industriel à la tête de l’équivalent
du Medef, a été jugé fin mai pour
“faux et usage de faux” après son
interpellation fin mars à la frontière
tunisienne alors qu’il tentait de quitter
l’Algérie. Convoqué lui aussi par la
justice dans une affaire de corruption,
l’ancien Premier ministre Ahmed
Ouyahia, soupçonné de “dilapidation
de fonds publics”, est ressorti libre
d’une audition menée fin avril. Quant
au chef de la puissante centrale
syndicale UGTA, Abdelmadjid Sidi-
Saïd, fortement contesté en interne,
il a finalement annoncé après 22 ans
de règne qu’il ne briguera pas un
nouveau mandat fin juin.
Après quatre-vingts jours de révolte
pacifique, toutes les personnalités
décrites comme pilotant le “système”
sont désormais sont hors course.
Toutes... sauf le chef de l’armée,
Ahmed Gaïd Salah. C’est d’ailleurs
lui qui, selon des observateurs,
piloterait l’opération “mains propres”
visant les oligarques, mais aussi,
plus curieusement, des opposants
politiques, comme Louisa Hanoune,
secrétaire générale du Parti des
travailleurs, mouvement d’inspiration
trotskiste, qui a été écrouée le 9 mai
dernier à l’issue d’une audition par la
justice... militaire.
Preuve ultime, et bien visible, que
le général Gaïd Salah, 79 ans, dirige
actuellement l’Algérie: le JT officiel
n’a d’yeux que pour lui. La télévision
d’État rapporte depuis plusieurs
semaines ses moindres faits et gestes.
De ses discours à caractère politique
et à ses inspections des troupes...
jusqu’aux chambrées, en passant par
la supervision d’exercices militaires
à travers tout le pays, impossible
d’échapperàla“nouvellestar”duJTen
Algérie. Mais bien à voir, le général est-
il lui-même exempt de tout reproche?
Que non. Comptable du système
Bouteflika lui aussi il commence à
faire l’objet de fortes critiques au
sein de la population qui continue de
manifester. Il a voulu imposer la tenue
de l’élection présidentielle de juillet
mais les manifestants ont eu raison
de lui. Il a reculé et reporté l’élection
faute de candidats sérieux. Et si la rue
était plus forte que le général ?
Par Nabil TOUATI
Qui dirige l’Algérie ?
Derrière un mur de barbelés, des
dizaines de tentes ont été montées.
Devant, deux hommes en treillis
militaire montent la garde. Sur
leur tête, un béret rouge. Le béret
des éléments des Forces armées
centrafricaines (Faca). Nous
sommes à Kaga Bandoro, dans le
nord du pays
24 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 25AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les AfriquesLes Afriques
RCA
Les chefs de groupes armés
peuvent-ils conservé leurs
postes ?
Un collectif exige le limogeage de chefs
de groupes armés après des tueries
Q
uatorze partis politiques et organisations de la
société civile centrafricains a exigé le retrait des
décrets nommant certains chefs de groupes
armés à des postes étatiques, une semaine après les
massacres perpétrés dans l'ouest du pays. Dans un
communiqué, le Front uni pour la Défense de la nation
« exige du président de la République de rapporter
sans délai les décrets portant nomination » de trois
chefs de groupes armés "comme conseillers militaires"
ainsi que la traduction devant la justice de deux d'entre
eux. Notamment visé, le chef du groupe 3R, Bi Sidi
Souleymane (alias Sidiki), qui a été nommé « conseiller
spécial militaire» auprès du Premier ministre, à la suite
de l'accord de paix conclu au début de l'année entre le
gouvernement de Bangui et quatorze groupes armés
contrôlant une grande partie de la Centrafrique.
Fin mai, au moins 50 personnes ont été tuées dans
l'ouest du pays dans des massacres imputés aux 3R. Le
gouvernement et la Minusca (Mission des nations Unis
pour la stabilisation de la Centrafrique) ont alors adressé
au groupe un ultimatum de 72h à l'issue duquel les
responsables du massacre devaient être transmis aux
autorités centrafricaines et les barrières et bases des 3R
démantelées. « Aucune action forte n'a été menée par le
gouvernement à l'expiration de l'ultimatum de 72h», ont
dénoncé les signataires du communiqué. Parmi eux,
figurent des organisations de premier plan, comme
le Groupe de travail de la société civile sur la crise
centrafricaine (GTSC), ou les mouvements politiques de
l'ancien Premier ministre Anicet Dologuele et de celui
de l'ancien ministre Jean Serge Bokassa. « Nous assistons
ces derniers temps à la recrudescence des violences des
groupes armés dans l'arrière-pays », ont déploré les
organisations dans leur communiqué. « Aujourd'hui
plus rien ne peut justifier de tels actes de barbarie dans
la mesure où tous les groupes armés sont non seulement
signataire de l'accord (...) mais ont également bénéficié de
promotions au sein de la haute administration », ont-elles
ajouté.
L'accord de paix dit de Khartoum où il a été négocié
a été signé début février à Bangui entre les quatorze
groupes armés et les autorités. Préparé depuis 2017 par
l'Union africaine, il est le huitième signé depuis le début
de la crise en 2013. A la suite de cet accord, un nouveau
gouvernement a été installé et plusieurs représentants
de groupes armés ont été nommés à des postes
gouvernementaux, ainsi qu'à la primature et dans les
administrations.
«
 Ilssesontdéployésenarmesdanslequartier. Ilsnousmenacent
pour garder les commerces fermés  », c’est le témoignage
d’un commerçant du quartier PK5 qui a souhaité gardé
l’anonymat. « Ils ont imposé une ville morte pour trois jours, en
signe de deuil », a également déclaré un autre habitant du
même quartier, qui assure que des tirs de petit calibre ont résonné
dans la matinée. Un autre commerçant a déclaré que les éléments
du groupe « d'autodéfense » avaient « saccagé le marché pour
protester contre un commerçant » qui avait brisé le couvre-feu.
Le PK5 est en proie à des violences sporadiques depuis 2014.
C’est dans ce quartier traditionnellement à majorité musulmane
que s’étaient réfugiés beaucoup de musulmans de Bangui après
la guerre civile qui a ravagé la capitale en 2013, opposant Séléka,
forces rebelles musulmanes, et Anti-Balaka, milices animistes et
chrétiennes.
En avril 2018, la Mission des Nations Unies en Centrafrique (Minusca)
avait lancé l’opération Sukula (nettoyage en sängö) visant à
arrêter «Force». Cette opération répondait à un appel lancé par
l’association des commerçants du PK5 qui avait fixé un ultimatum à
la Minusca pour qu’elle démantèle ces groupes armés, accusés de
violences et d’exactions envers les commerçants et la population.
L’opération s’était soldée par un échec avec une trentaine de morts
et une centaine de blessés.
Riche en ressources naturelles, la Centrafrique est déchirée par la
guerre, qui a forcé près d’un quart des 4,5 millions d’habitants à fuir
leur domicile. Un accord de paix a été signé à Bangui début février
entre le gouvernement et quatorze groupes armés. Il est le huitième
signé depuis le début de la crise marquée par le renversement en
mars 2013 du président François Bozizé mais la paix des armes ne
règne toujours pas dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres
au monde.
Quand le décès d’un chef de guerre
paralyse le quartier PK5 à Bangui
RCA
Trois jours de deuil ont été imposés début juin aux
habitants et commerçants du quartier PK5 de Bangui,
après l'annonce de la mort du chef de l'un des principaux
groupes "d'autodéfenses" de ce quartier à majorité
musulmane. Le général Nimery Matas Djamous (alias
Force) est mort le 1er juin des suites d'une longue maladie.
«
  La richesse cumulée des cinq
Nigérians les plus riches s'élève
à 29,9 milliards de dollars, soit
plus que l'intégralité du budget
duNigériaen2017 » ;« AuGhana,
une fille de famille pauvre est  14  fois
plus susceptible de n’être jamais allée
à l’école qu’une fille de famille riche. »
Deux exemples parmi tant d’autres qui
sont un constat frappant dont regorge
le dernier rapport d’Oxfam sur « La crise
des inégalités en Afrique de l’Ouest  ».
Tant de chiffres et de comparatifs pour
montrerunechose :lesécartsderichesse
en Afrique de l’Ouest sont abyssaux et
cela ne fait qu’empirer. Pendant qu’une
minorité croissante devient de plus en
plus riche, la majorité de la population
n’a pas accès à des éléments essentiels
comme l’accès à l’éducation, la santé
ou un emploi décent. Que font les
gouvernements pour réduire ces
inégalités grandissantes ? S’intéressent-
ils tout bonnement à cette question ?
 L’Afrique de l’Ouest à la traîne
L’indice régional d’Oxfam de
l’engagement à la réduction des
inégalités (ERI) a permis d’évaluer
l’action des pouvoirs publics des quinze
pays membres de la Communauté
économique des États de l’Afrique de
l’Ouest (la Cedeao regroupe le Bénin,
le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte
d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée,
la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le
Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra
Leone et le Togo) et de la Mauritanie.
Et ce en étudiant les données dans des
grands domaines d’action reconnus
comme étant indispensables dans la
lutte contre les inégalités :
-- consacrer des dépenses
progressives à des secteurs comme
l’éducation, la santé et la protection
sociale,
-- imposer les plus riches davantage
que les plus pauvres,
-- payer aux travailleurs un salaire
minimum vital.
La conclusion est  formelle  : «  Les
gouvernements d’Afrique de l’Ouest
exacerbent les inégalités en sous-
finançant les services publics, tels
que la santé et l’éducation, tout en
sous-taxant les entreprises et les plus
riches. » En comparaison, « sur les cinq
grands blocs économiques d’Afrique,
l’Afrique de l’Ouest se laisse distancer,
explique le rapport. […] Les citoyens
d’Afrique de l’Ouest vivent sous des
gouvernements dont l’engagement
à réduire les inégalités n’arrive qu’à la
moitié de celui de leurs homologues
d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe. »
« Quand on voit du rouge et de l'orange
presque partout sur une carte, c'est qu'il
faut sérieusement déclencher la sonnette
d'alarme, c'est qu'il y a urgence, prévient
Adama Coulibaly, directeur régional
d’Oxfam International pour l’Afrique de
l’Ouest. L’ERI doit permettre aux pays de
la région de se rendre compte qu’ils ont
beaucoup à faire. »
 Une croissance qui profite à
quelques-uns
Pendant longtemps, les économistes
ont pensé que tant qu’il y a plus de
croissance, il y a plus de richesse pour
tous. En somme, que tout le monde
profite d’une croissance soutenue.
Comment expliquer alors que dans
des pays comme la Côte d’Ivoire, le
Ghana et le Sénégal, qui figurent
en  2018  parmi les dix économies à la
croissance la plus rapide au monde, le
nombre de personnes à entrer dans la
pauvreté augmente aussi ?
Ces dernières années, «  le Fonds
monétaire international (FMI) s’est
rendu compte qu’une croissance
inégalitaire était en fait un frein à la
réduction de la pauvreté d’une part,
mais aussi un frein à la croissance
future, explique Susana Ruiz,
responsable du pôle justice fiscale chez
Oxfam International. C’est maintenant
que les pays concernés doivent agir.
Mais ce n’est pas une fatalité. Les
gouvernements peuvent, par des
politiques bien menées, changer les
choses ».
Le rapport donne l’exemple du
Burkina Faso et du Sénégal qui, «  par
leurs modestes investissements dans
des politiques de dépenses sociales
progressives  », sont des «  exceptions
notables ».
 Agenda politique d’action
Les rédacteurs proposent un agenda
politique qui, selon eux, permettrait
de réduire «  considérablement  » les
inégalités en Afrique de l’Ouest. Cinq
recommandations sont adressées
aux gouvernements, comme
l’augmentation des dépenses sociales,
permise par le développement d’une
fiscalité progressive qui augmenterait
les recettes fiscales, le renforcement de
la protection du marché du travail et
des investissements dans l’agriculture.
D’autressontaussiadresséesàlaCedeao
pour qu’elle reconnaisse au moins la
crise des inégalités, qu’elle en fasse un
cheval de bataille et encourage à un
« nivellement vers le haut ». « De façon
générale, nous pensons que la Cedeao
devrait bien plus s’impliquer qu’elle ne
le fait maintenant  », conclut Adama
Coulibaly. D’après le responsable, elle
« s’est montrée sensible ». Il reste donc
à transformer cet intérêt en volonté
politique plus ferme pour que la
croissance ouest-africaine ne laisse pas
la grande majorité de la population sur
la touche.
La bombe des inégalités
Afrique de l'Ouest
Par Marie Lechapelays, à Dakar pour Le Point
À en croire le nouvel indice sur l'engagement des pays à la réduction des inégalités de l'ONG Oxfam
et du Development Finance International (DFI), l'Afrique de l'Ouest fait figure de très mauvais élève.
26 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 27AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les AfriquesLes AfriquesLes Afriques Les Afriques
va devoir gérer toutes les forêts" au
Gabon, déclare Marc Ona, président
de l'association Brainforest et membre
de l'opposition. "Lee White a des
ambitions démesurées, mais s'il n'a pas
réussi à l'ANPN pourquoi y arriverait-
il sur toute l'étendue du territoire?
Ce n'est pas un problème d'homme
à la tête de ce ministère, mais tout
le système autour de l'exploitation
forestière qui est corrompu", souligne
cet expert gabonais.
La nomination de Lee White intervient
après le scandale du "kevazingogate"
qui a ébranlé la classe politique et
conduit au limogeage du ministre des
Forêts Guy Bertrand Mapangou et du
vice-président du Gabon, Pierre Claver
Maganga Moussavou, le 21 mai dernier.
Fin février et début mars, près de 5.000
mètres cube de kévazingo, une essence
rare interdite d'exploitation au Gabon
et d'une valeur d'environ 7 millions
d'euros, avaient été découverts dans
deux sites d'entreposage appartenant
à des sociétés chinoises, au port
d'Owendo, à Libreville.
Une partie du kévazingo était chargée
dans des conteneurs sur lesquels
figurait le tampon du ministère
des Eaux et Forêts indiquant une
cargaison d'okoumé, une essence
de bois dont l'exploitation est
autorisée. Représentant 60% du
PIB (hors hydrocarbures), le secteur
forestier est l'un des piliers historiques
de l'économie du Gabon, un pays
recouvert à près de 80% par la forêt. Fin
mars, le rapport d'une ONG britannique
avait aussi dénoncé les pratiques
illégales d'un groupe chinois à l'origine
d'un vaste trafic d'exploitation de
bois au Gabon et au Congo, accusant
notamment plusieurs personnalités
politiques et agents de l'administration
d'y être impliqués. A cette période,
Lee White a publié plusieurs messages
politiques sur son compte Twitter, à
l'image d'un tweet, publié mi-mai, où
il met en exergue ce rapport ciblant
notamment l'opposant Jean Ping,
candidat malheureux à la présidentielle
de 2016 qui revendique toujours la
victoire. Il annonçait déjà les couleurs.
Q
uelques semaines après la
révélation du "kevazingogate",
un trafic de bois précieux qui
a provoqué un scandale politique
au Gabon, la présidence a annoncé
le 11 juin dernier un remaniement
ministériel dont le changement le plus
notable est la nomination de Lee White
aux commandes de ce ministère.
Naturalisé gabonais en 2008, Lee
White, 53 ans, est né à Manchester
et a notamment grandi en Ouganda,
où "il se bagarrait à l'école avec les
fils (du président) Idi Amin Dada",
selon sa biographie officielle. Titulaire
d'un doctorat en zoologie après une
thèse sur la réserve de faune de Lopé-
Okanda au Gabon, il est décoré en 2010
par la reine Elizabeth II pour services
à la protection de la nature en Afrique
centrale, selon la même source. Selon
des médias gabonais, il est surtout
connu pour être "le monsieur vert des
présidents Bongo (père et fils)". Avant
sa nomination, il dirigeait l'Agence
nationale des parcs nationaux (ANPN)
depuis 2009. L'ANPN est chargée de la
gestion des 13 parcs nationaux créés
par le défunt président Omar Bongo
Odimba, le 4 septembre 2002. Lee
White est "un homme passionné, mais
aussi un fin politicien", a déclaré sous
couvert d'anonymat un spécialiste du
monde de la protection de la nature au
Gabon.
Arrivé dans au Gabon en janvier 1989,
il serait un passionné du continent,
selon des médias gabonais. Il aime
notamment donner des interviews
en marchant dans la luxuriante forêt
du parc national Raponda Walker,
près de Libreville. "Cette nomination
ne peut être qu'une bonne nouvelle
pour le monde des protecteurs de
l'environnement au Gabon", s’est
réjouit le directeur de l'ONG américaine
de défense de l'environnement
WCS au Gabon Gaspard Abitsi. "Il
connaît parfaitement les défis de la
conservationauniveaunationalcomme
international. Nous espérons que cela
va aider à accélérer la préservation de
la faune et de la flore ici".
 Une nomination qui ne pas pour
tout le monde
Cet enthousiasme n'est toutefois pas
partagé par tous. "Il y a aujourd'hui
d'énormes problèmes de gestion à
l'ANPN, qui ne représente que 10%
du territoire. Désormais, Lee White
Un Britannique à la tête d’un ministère
Gabon
Par Depe’s TARA
Le président gabonais Ali Bongo Odimba a créé la surprise le 11 juin dernier en propulsant un
Britannique naturalisé gabonais, Lee White, réputé pour être un écologiste intransigeant, à la tête du
ministère gabonais des forêts, Une nomination audacieuse et inédite en Afrique (mettre un point avant
« une nomination audacieuse et inédite en Afrique »).
...Ce n'est pas
un problème
d'homme à la
tête de ce ministère,
mais tout le système
autour de l'exploitation
forestière qui est
corrompu...
28 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 29AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les Afriques Les Afriques
pour un montant moyen de 90 millions
d’euros. Ce système se passe de points
physiques puisque les transactions
sont gérées en ligne, permettant des
commissions autour de 5%. Citons
également Beam au Ghana ou Bitpesa
au Sénégal qui utilisent les bitcoins
pour réduire les frais de commissions
à 3%. Enfin, la néo-banque Revolut
propose d’envoyer une MasterCard
à un proche, puis de l’alimenter à
distance. L’ensemble de ces services est
gratuit et les taux de change appliqués
sont ceux du marché.
D’autres actions, qui pourraient être
répliquées sur le continent, émergent
en Asie et aux États-Unis. Comme
WeChat, premier réseau social en Chine
(600 millions d’utilisateurs) qui a lancé
son système de transfert d’argent. Aux
États-Unis, Facebook et Snapchat ont
tous deux inauguré leur service de
transfert d’argent. Sur un continent où
le mobile est devenu un outil puissant
d’inclusion, l’envoi et la réception de
fonds par téléphone est assurément
l’avenir : à quand un service de transfert
via WhatsApp, par exemple ?
 Tirer profit de l’épargne
thésaurisée
En plus des fonds envoyés, il existe
un second marché, celui de l’épargne
non envoyée. Pour la transformer en
actif mobilisé pour le continent, les
entreprises comme les États cherchent
à proposer des produits ou services
porteurs de rendement. Cette stratégie
gagnant-gagnant dynamiserait, in fine,
la création de richesses et d’emplois
en Afrique. La capacité des opérateurs
privés comme publics à favoriser
la rencontre entre outils financiers
adaptés et projets structurés constitue
l’un des principaux leviers de captation
de l’épargne de la diaspora.
Ainsi, de nouveaux services se
développent, notamment dans
l’assurance (rapatriement de corps,
capital funérailles, sécurisation des
retraites) ou encore l’immobilier. Des
opérateurs variés s’y positionnent,
d’Axa aux fintech.
Au Maroc, le secteur de l’immobilier
représente plus de 40% des
investissements, contre 14% pour le
secteur productif. Il n’est donc pas
étonnant que le crédit immobilier soit
considéré par la diaspora marocaine
comme le premier produit «  sûr  »
d’épargne retraite.
 Sécuriser les investissements
grâce aux initiatives fintech
Les bailleurs de fonds tendent à
privilégier le financement de jeunes
pousses comme accélérateur du
développement, de la même manière
que des opérateurs privés comme
Orange s’appuient sur les incubateurs
locaux pour rester à la pointe des
évolutions du continent. Capitaliser sur
des opérateurs et véhicules formalisés
peut être particulièrement pertinent
pour les acteurs éprouvant des
difficultés à entreprendre en Afrique
(complexités logistiques, déficit
de confiance dans les partenaires
locaux…).
La diaspora peut elle-même proposer
des solutions pour sécuriser les
investissements sur le continent.
Parmi les exemples de réussite dans
ce domaine figure FiftyFor, plateforme
de notation d’entreprises, qui pallie
le manque de confiance dans les
partenaires informels grâce à un
algorithme permettant de noter sans
bilans financiers grâce à l’évaluation
par l’historique des actions. La donnée
est capturée au niveau des applications
de paiement mobile et les transactions
sont évaluées. Le track record ainsi
reconstitué permet de connaître le
client et d’élaborer sa notation. Autres
initiatives permettant d’instaurer
un climat de la confiance  : Afrikwity,
plateforme d’equity crowdfunding,
qui garantit un investissement sécurisé
dans des start-up et PME africaines.
 Attirer les fonds grâce aux
initiatives étatiques
Les instruments de la dette souveraine,
notamment l’émission de bons de la
diaspora (diaspora bonds) figurent
parmi les initiatives institutionnelles
pertinentes pour mobiliser l’épargne
de la diaspora. Pour les États, ces
bons représentent une source de
financement alternative aux emprunts
sur le marché international ou auprès
des institutions de Bretton Woods.
Pour la diaspora, ils constituent un
placement sûr, au rendement garanti,
ainsi que l’occasion de contribuer au
financement de projets structurants
pour le développement du pays
d’origine. Depuis les années  2000,
seuls cinq pays, principalement en
Afrique anglophone, ont émis des
diasporas bonds  : Éthiopie, Ghana,
Kenya, Nigeria et Rwanda. En 2017, le
Nigeria a émis avec succès ses premiers
bons  :  300  millions de dollars dédiés
aux projets d’infrastructure.
En définitive, les diasporas africaines
sont créatrices de valeurs au nord
comme au sud. L’enjeu, pour les États
africains, réside dans leur capacité à
proposer des dispositifs adaptés. Il
semble judicieux d’opter pour une
approche hybride. Cette démarche
reposerait sur deux fondements :
-- -allier initiatives privées (fintech,
opérateurs télécoms…) et
publiques (levée de fonds) ;
-- capitaliser sur les verticales
d’activités  en structurant des
véhicules financiers spécifiques
à des secteurs jugés prioritaires
pour le développement
(exemple : fonds diaspora dédié
à l’éducation ou à l’énergie,
produits clés en main pour l’accès
à la propriété immobilière).
Mais, au-delà des initiatives étatiques,
la diaspora a intérêt à transformer ce
challenge en opportunité business
en créant elle-même les outils lui
permettant d’injecter des capitaux
dans les économies africaines.
S
elon l’African Institute
of Remittances (AIR), les
transferts de fonds de
la diaspora africaine ont
atteint 65 milliards de dollars
en 2017, soit plus du double de
l’aide publique au développement
des bailleurs de l’Afrique, qui était
de  29  milliards. Il s’agit d’une hausse
de 36 % en moins de dix ans, selon le
Fonds international de développement
agricole (Fida). Le continent occupe la
3e place en termes de montants reçus,
derrière l’Asie-Pacifique et l’Amérique
latine.Lesdeuxtiersdesfondsmobilisés
par la diaspora servent d’abord de filet
de sécurité social et pallient les besoins
de financement de la vie courante. Si
ces ressources répondent à de vraies
problématiques du quotidien, elles
n’irriguent que très peu les circuits
formels de création de richesses : PME,
projets de développement ou encore
infrastructures. Comment capter
cette manne financière au profit du
financement des économies ? Quelles
opportunités en termes de véhicules
et outils financiers pouvant capter les
ressources de la diaspora ?
 Anticiper les nouvelles
modalités de transfert d’argent
Western Union et MoneyGram
représentent les deux tiers des points
de transfert d’argent sur le continent,
position dominante qui peut
expliquer les commissions pratiquées :
entre  10  et 15  % du montant envoyé,
contre une moyenne mondiale à 7,8 %.
Des taux qui «  font perdre  » chaque
année au continent près de 1,6 milliard
d’euros, de quoi financer l’éducation
dans  14  millions d’écoles primaires,
d’après l’ONG Overseas Development
Institute (ODI). La Banque mondiale
dans ses objectifs de développement
durable (ODD) ainsi que le G8 ont
plusieurs fois exprimé leur désir de
ramener ces commissions à 5  %,
mais, faute de mesures incitatives ou
coercitives, ils n’ont pas été écoutés.
À l'instar d'Orange qui a ouvert en
juin 2018 sa première boutique Orange
MoneyàParis,donnantaccèsàquatorze
pays d›Afrique, ce sont donc d›autres
acteurs économiques qui ont décidé
d'innover pour concurrencer les leaders
historiques du transfert d›argent. De
même, côté fintech, les propositions
de valeurs sont nombreuses. Parmi
elles, WorldRemit, créé en Somalie,
effectue 300 000 transactions par mois
Comment mobiliser la manne
économique de la diaspora africaine ?
Par Jean-Michel Huet, Astrid de Bérail et Melissa Etoke Eyaye
L'Afrique occupe la 3e
place en termes de montants reçus de sa diaspora, derrière l'Asie-Pacifique et
l'Amérique latine. Plus que jamais, il importe de galvaniser les transferts pour un impact encore plus
fort.
... la diaspora
a intérêt à
transformer
des initiatives en
opportunité business
en créant elle-même les
outils lui permettant
d’injecter des capitaux
dans les économies
africaines
30 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 31AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les AfriquesLes Afriques
L
e 1er
juin dernier, à un bon millier
de kilomètres de distance, deux
figures de légende, rapatriées
après un long exil, ont été portées en
terre. L’Angolais Jonas Savimbi, défunt
gourou de l’Unita, rébellion soutenue
jadis par Washington ou par l’Afrique
du Sud de l’apartheid ; et le Congolais
Etienne Tshisekedi, archétype de
«l’opposant historique», procureur du
maréchal-président Mobutu – dont il
fut aussi l’éphémère Premier ministre
– puis de la dynastie Kabila, décédé à
Bruxelles en février 2017. 
Dans les deux cas, il aura fallu que
s’étiole l’emprise de l’autocrate au
pouvoir -Jose Eduardo dos Santos à
Luanda, Joseph Kabila à Kinshasa- pour
que sonne enfin l’heure d’un repos
supposé éternel. Pour l’un comme
pour l’autre, de tortueuses et tardives
tractations, rançon d’une méfiance
tenace, auront retardé le retour de
la dépouille. Bien sûr, le temps d’une
trêve, la sacralité du trépas et des
rites funéraires supplante les calculs
politiques. Mais on sait bien que le
propre de la trêve est de ne pas durer. 
En matière de destinée posthume,
toute analogie serait hasardeuse. Quoi
de commun, sinon la même silhouette
trapue, une indéniable bravoure et une
aura incontestée, entre Tshisekedi père,
cofondateur en 1982 de l'Union pour la
démocratie et le progrès social (UDPS),
et le guérillero Savimbi, généreuse
idole de la droite néo-libérale française
? Entre «le sphinx de Limété» -référence
à son fief kinois *- et «le Coq noir» ? Pas
grand-chose, à vrai dire. Pas même le
costume de scène. Sobre chemisette et
casquette furieusement sixties pour le
premier ; treillis vert olive de maquisard,
pistolet à la hanche et canne ouvragée
pour le second. 
Ennemi juré de dos Santos, ce protégé
de l’URSS et du castrisme cubain,
«Jonas» fut l’un des derniers héros
de la guerre plus ou moins froide que
se livraient les deux blocs, soviétique
et occidental, en terre d’Afrique. Un
accrochage, survenu le 22 février
2002 près de Luena (centre), alors qu’il
fuit vers la Zambie, lui sera fatal. Le
lendemain, ses hommes l’inhument
en catimini. Ainsi s’achève un conflit
à épisodes qui, en un quart de siècle,
aura coûté la vie à 500 000 Angolais. 
De Luanda à Kinshasa
Jonas Savimbi comme Etienne Tshisekedi
Ce sont deux grandes figures de la scène politique africaines qui ont été portées en terre début juin
des années après leur mort. : Jonas Savimbi et Etienne Tshisekedi. Les populations ont tenu à rendre
hommage à leurs « héros ».
... Quoi de
commun,
sinon la même
silhouette trapue, une
indéniable bravoure
et une aura
incontestée...
Ce n’est donc que dix-sept ans plus
tard que son cadavre, identifié au prix
d’un test ADN, rejoindra le village
familial de Lopitanga et le monument
hexagonal dessiné par l’un de ses fils.
Dans sa tombe, le galo negro emporte
son charisme ravageur et ses sombres
travers, à commencer par une paranoïa
effrénée et des pulsions criminelles
de prédateur sexuel. Savimbi pouvait
tuer par jalousie ou par dépit, au point
d’immoler par le feu, en public, les
femmes qui se refusaient à lui. 
Après maintes péripéties, reflets de
la duplicité de l’ex-président Joseph
Kabila, le corps d’Etienne Tshisekedi
a quant à lui quitté le 30 mai son
funérarium bruxellois pour rallier «Kin».
Suivront trois jours de «festivités»
moins poignantes qu’escompté.
Dans un pays-continent rongé par la
misère, le coût estimé -2,2 millions
d’euros- du mausolée édifié à Nsele,
bastion mobutiste, a peut-être douché
quelques ardeurs. De même, nul doute
que la portée politico-diplomatique
des funérailles aura terni la ferveur de
l’hommage rendu à un meneur vénéré,
capable, sur un mot d’ordre, de jeter
dans les rues des centaines de milliers
de fidèles. 
Au stade des Martyrs, où sa dépouille
fut longuement exposée, les
exégètes ont scruté la tribune VIP,
histoire de recenser les Excellences
absentes et les dignitaires présents
-à commencer par le Rwandais Paul
Kagamé- au côté de Félix Tshisekedi,
fils d’Etienne et successeur de «Jo»
Kabila. Lequel, pourtant annoncé,
n’a pas daigné paraître ; pas plus que
Martin Fayulu, l’opposant qui, selon
toute vraisemblance, fut le véritable
vainqueur de la présidentielle du 30
décembre 2018, meurtri de n’avoir pas
été formellement invité. 
Nul ne peut douter de l’émotion
ressentie à l’heure des obsèques par
l’héritier Félix, lui qui batailla deux
années durant pour obtenir le retour
au pays de son défunt géniteur. Reste
qu’un singulier paradoxe aura flotté sur
les cérémonies. Tshisekedi Jr, promu
chef de l’Etat aux termes du pacte
scellé avec Kabila, a conduit jusqu’à
son ultime demeure le paternel qui, en
novembre 2011, devança vainement
dans les urnes le même Kabila, sortant
sauvé par la fraude. 
«Il est plus grand mort que vivant». On
se souvient de l’oraison lapidaire lâchée
par Henri III devant la dépouille du duc
de Guise, dont il avait commandité
l’assassinat. C’est ainsi, de l’oratoire du
château de Blois aux rives du fleuve
Congo : post mortem, les fantômes des
ennemis disparus hantent sans relâche
les nuits des despotes. 
... Nul ne peut
douter de
l’émotion ressentie
à l’heure des
obsèques par l’héritier
Félix, lui qui batailla deux
années durant pour obtenir
le retour au pays de
son défunt géniteur.
32 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 33AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019
Les AfriquesLes Afriques
L
a tension est montée d’un cran
entre la Libye et la France depuis
quelques temps. Le ministère
de l’Intérieur du gouvernement
d’union nationale libyen - reconnu
par la communauté internationale - a
directement accusé la France, pour la
première fois, de soutenir le maréchal
Khalifa Haftar dont les forces ont lancé
un assaut contre la capitale Tripoli.  
Selon un communiqué publié par
son service de presse, le ministre de
l’Intérieur Fathi Bach Agha, a ordonné
«la suspension de tout lien entre
[son] ministère et la partie française
dans le cadre des accords sécuritaires
bilatéraux (...) à cause de la position
du gouvernement français soutenant
le criminel Haftar qui agit contre la
légitimité». 
 «Coup d’État»
Le maréchal Khalifa Haftar a lancé le 4
avril une offensive contre Tripoli pour
«débarrasser la capitale des terroristes».
Mais pour l’émissaire de l’ONU en
Libye, Ghassan Salamé, la manœuvre
«ressemble davantage à un coup
d’État qu’à une lutte antiterroriste».
Les combats ont fait en deux semaines
au moins 189 morts dont des civils et
816 blessés, selon un dernier bilan de
l’Organisation mondiale de la santé
(OMS). L’Organisation internationale
pour les migrations (OIM), a fait état
mercredi de 25 000 déplacés, dont plus
de 4 500 ces dernières 24 heures.   
A l’ONU, un projet britannique de
résolution réclamant un cessez-le-feu
et un accès humanitaire inconditionnel
aux zones de combats près de Tripoli,
n’a pas encore recueilli le consensus
nécessaire à son adoption, selon des
diplomates. Outre l’Afrique, la Russie et
les États-Unis ne soutiennent guère la
démarche britannique. 
 Risque d’enlisement
Dans un communiqué en avril, le
département des Affaires humanitaires
de l’ONU a cependant annoncé le
déblocage de 2 millions de dollars
pour une aide humanitaire d’urgence à
destination des civils pris au piège dans
les combats «incluant les réfugiés et les
migrants vulnérables». 
Mais jusqu’à présent, le maréchal
Haftar ne veut pas entendre parler
d’un cessez-le-feu. Et Fayez al-Sarraj,
chef du «Gouvernement d’entente
nationale» (GNA), refuse tout processus
politique en l’absence d’un cessez-le-
feu et d’un retrait sur les lignes d’avant
le début de l’offensive. «Des positions
irréconciliables», note un diplomate. 
Le risque d’enlisement est réel
dans ce pays pétrolier en proie au
chaos depuis la chute du régime
de Mouammar Kadhafi en 2011. Les
diplomates craignent notamment que
les belligérants cherchent à se réarmer
auprès de leurs soutiens, en dépit de
l’embargo sur les armes décrété par
l’ONU pour la Libye. 
La France derrière le maréchal Haftar ?
Libye
Le maréchal Haftar a lancé début avril une offensive sur Tripoli que l'émissaire de l'ONU qualifie de
"coup d'État".
DR
...le maréchal Haftar
ne veut pas entendre
parler d’un cessez-le-
feu. Et Fayez al-Sarraj,
chef du «Gouvernement
d’entente nationale» refuse
tout processus politique
en l’absence d’un cessez-
le-feu...
L
a Cour de cassation, plus haute
juridiction judiciaire française, a
rejeté le pourvoi du frère cadet
de Blaise Compaoré, ex-président
chassé par une insurrection populaire
en 2014, après 27 ans de pouvoir. Elle a
aussi refusé de transmettre au Conseil
constitutionnel une question prioritaire
de constitutionnalité déposée par sa
défense contre les textes régissant
l’extradition.
Le gouvernement français doit
désormais prendre un décret pour
rendre effective l’extradition de
François Compaoré, soupçonné d’être
le commanditaire de l’assassinat
de Norbert Zongo, un journaliste
d’investigation indépendant très
critique vis-à-vis du pouvoir de
l’époque, dont la mort avait provoqué
une crise politique. Agé de 64 ans,
François Compaoré avait été arrêté à
l’aéroport parisien Charles-de-Gaulle
en octobre 2017 en exécution d’un
mandat d’arrêt émis par les autorités
de Ouagadougou. Le ministre
burkinabè  de la Justice, René Bagoro,
a salué sur la télévision nationale une
«victoire d’étape». «  La   présence de
François Compaoré (au Burkina) est
un élément  important pour l’avancée
du dossier Norbert Zongo  », a-t-
il estimé.  «  Nous sommes sereins,
nous restons optimistes  en espérant
que les autorités françaises vont
certainement  prendre rapidement ce
décret  » afin que   François Compaore
« soit remis à la justice » burkinabè, a
déclaré le ministre.
RobertZongo,frèrecadetdujournaliste
assassiné, s’est également félicité de la
décision française. « Cette décision de la
justicefrançaiseestsalutaire».«François
Compaoré aura tout son temps pour
faire tous les recours qu’il voudra
(...)   j’ai la conviction qu’il rentrera
au Burkina Faso», a-t-il déclaré.  «  Le
peuple burkinabè aura toujours soif de
justice dans l’affaire Norbert Zongo  ».
«  C›est une étape importante dans le
processus (...) de justice pour Norbert
Zongo parce que Francois Compaoré
est le principal suspect en tant que
commanditaire de l’assassinat  », a
estimé Abdoulaye Diallo, directeur du
centre de presse Norbert Zongo.
 La défense de Compaoré va
faire appel
Me François-Henri Briard, avocat de M.
Compaoré, a indiqué qu’»à supposer
qu’un décret soit effectivement signé
par le gouvernement français», il
l’attaquerait devant le Conseil d’Etat.
«On a perdu une bataille, mais pas
encore perdu la guerre. M. Compaoré
n’est pas encore extradé», a-t-il déclaré
à l’AFP.
Le 5 décembre 2018, la chambre de
l’instruction de la cour d’appel de
Paris avait autorisé l’extradition de
M. Compaoré vers Ouagadougou,
où le dossier Zongo, classé en 2003
après un non-lieu en faveur du seul
inculpé, a été rouvert à la faveur de la
chute de Blaise Compaoré. Journaliste
d’investigation reconnu et directeur
de l’hebdomadaire L’Indépendant,
Norbert Zongo avait été assassiné le 13
décembre 1998, alors qu’il enquêtait
sur le meurtre du chauffeur de François
Compaoré. Sa mort avait provoqué une
profonde crise politique au «pays des
hommes intègres». Le journaliste, âgé
de 49 ans, auteur de plusieurs enquêtes
retentissantes dénonçant une
mauvaise gouvernance sous le régime
Compaoré, avait été tué avec trois de
ses compagnons. Les quatre dépouilles
avaient été découvertes calcinées dans
une voiture.
 Demander justice
A ce jour, François Compaoré n’est pas
inculpé dans son pays, à la différence
de trois ex-soldats du Régiment de
sécuritéprésidentielle,l’anciennegarde
prétorienne de Blaise Compaoré. Dans
son arrêt, la Cour de cassation a estimé
que la chambre de l’instruction de la
Courd’appeldeParisavaitdemandéaux
autorités burkinabè «divers éléments
complémentaires», afin de savoir si M.
Compaoré bénéficierait des «garanties
fondamentalesdeprocédure,desdroits
de la défense et d’un procès équitable»,
et de fait «justifié, sans insuffisance
ni contradiction, sa décision». La
chambre de l’instruction a «examiné
les engagements» de Ouagadougou
garantissant que M. Compaoré ne
serait pas soumis «à un traitement
inhumain et dégradant, notamment,
en cas d’incarcération et d’exécution
d’une peine d’emprisonnement à vie»,
a aussi souligné la Cour.
Comme l’assassinat de l’ex-président
burkinabè Thomas Sankara en 1987, le
meurtre de Norbert Zongo garde une
forte charge symbolique au Burkina,
où chaque année, le 13 décembre, des
milliers de Burkinabè  se rassemblent
pour demander justice pour l’assassinat
du journaliste.
François Compaoré sera extradé
Burkina Faso
Par Olade MOLADE
Le gouvernement burkinabè s'est réjoui début juin de la décision de la justice française de valider
l'extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, où ce frère de l'ancien président burkinabè
est mis en cause dans l'assassinat d'un journaliste en 1998.
AFrik'actuelle juin juillet 2019
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Dénonçant l’ingérence de celle-ci dans une crise postélectorale, une crise interne, Les Patriotes ne comprennent pas du tout l’attitude de cette communauté internationale qui ne sait plus être juste et neutre. A la fin de cette chanson, on entend bien les chanteurs, qui ont décidé de former une dynamique de circonstance, exprimer leur dégout pour « ces donneurs de leçons qui ont oublié d’être justes avec le peuple ivoirien ». Une voix s’élève alors dans la chanson et dit  : «  Communauté internationale… n’importe quoi ! ». Quand on y ajoute l’accent ivoirien, la coupe est pleine et le tableau sombre. En réalité cette communauté internationale est au banc des accusés en Afrique depuis des décennies. Si elle a montré son efficacité ailleurs, les Africains attendent toujours de voir sa volonté de leur trouver des solutions aux multiples crises qui surviennent tous les jours sur le continent. Et apparemment ce n’est pas demain la veille. Dans une allocution prononcée le 26 juillet 2007, à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, au Sénégal, devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques du pays, l’ex- président français, Nicolas Sarkozy, s’adressait aux jeunes Africains en ces termes : « Jeunesse africaine, vous voulez la démocratie, vous voulez la liberté, vous voulez la justice, vous voulez le Droit ? C’est à vous d’en décider. La France ne décidera pas à votre place. Mais si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors la France s’associera à vous pour les construire. » C’est ce qu’on a appelé le discours de Dakar. Et pourtant depuis lors, la jeunesse africaine a osé, protesté, manifesté, réclamé, crié, affronté ses bourreaux à mains nues mais la communauté international qui devrait l’aider a continué à regarder ailleurs. Jamais une jeunesse n’est autant battue pour la démocratie que la jeunesse africaine. Jamais une jeunesse ne s’est battue autant pour la liberté et la justice que la jeunesse africaine. Malheureusement chaque fois elle a payé un lourd tribut pendant que les donneurs de leçons regardent ailleurs, protègent leurs intérêts, volent au secours de « leurs pions ». Une attitude qui a fini par révolter cette jeunesse à travers le continent. Une attitude qui a fini par forger son caractère et développer des animosités. « Aujourd’hui plus qu’hier la jeunesse africaine n’attend plus rien de personne. Elle sait qui ne sera jamais à ses cotés ». En témoignent les dernières révolutions dans différents pays du continent. Notamment en Algérie où on a continué à attendre en vain un soutien clair de la France à la jeunesse qui manifeste depuis des mois. Régulièrementaccuséeinjustement–commel’afaitl’ex-président français lors de ce tristement célèbre discours du 26 juillet 2007 à Dakar – la jeunesse africaine travaille pourtant. Elle a montré sa bravoure à plusieurs reprises. Mais à chaque fois elle est raillée au lieu d’être encouragée. Le sort réservé aux révolutions des jeunes Africains est le même depuis les indépendances. Entre l’indolence des Occidentaux et l’immixtion des armées, les révolutions des jeunes Africains sont à chaque fois confisquées. Algérie, Soudan aujourd’hui comme la Tunisie, le Burkina Faso, l’Egypte hier, la jeunesse africaine se mobilise et manifeste pour sa liberté, la démocratie, la justice, la bonne gouvernance et la redistribution équitable des richesses nationales. Mais quand ces révolutions ne reproduisent pas les schèmes d’avant, elles accouchent du terrorisme. Au Burkina Faso, en Egypte, en Tunisie, au Soudan, en Algérie, au moment où la jeunesse réclame un changement radical (des hommes et des systèmes), on a vu revenir au pouvoir, comme une malédiction du ciel, des hommes qui ont longtemps cheminé avec les dirigeants décriés d’hier. Parfois dans un silence assourdissant de la communauté internationale. Dans un dossier d’une quinzaine de pages, Afrik’Actuelle a voulu revenir sur ces révolutions des jeunes Africains. Mais surtout avons-nous voulu comprendre les raisons de la volonté permanente de confisquer les efforts d’une jeunesse qui n’a jamais croisé les bras. Dans les conflits et les défis qu’affronte chaque jour la jeunesse africaine, de quel côté se trouve la communauté internationale ? C’est la question qui revient régulièrement dans les conversations dans les rues sur le continent. Il faut reconnaitre que l’action de cette communauté internationale est de moins en moins lisible. Et ses postures discutables. En témoigne la situation en Libye. Que fait la communauté internationale en Libye ? Un gouvernement dirigé par Sarraj est jusqu’à ce jour « reconnu par la communauté internationale » mais aujourd’hui les voix s’élèvent pour dénoncer le soutien qu’apporterait la France au général Haftar. A quoi jouent finalement les puissants de ce monde ? La Libye, la RCA, l’Algérie... souffrent de ce double jeu de la France. « Les pompiers pyromanes » ainsi a titré il y a quelques temps un hebdomadaire burkinabè qui dénonçait l’attitude de cette communauté internationale qui peine à convaincre désormais sur le continent. A Yaoundé au Cameroun, le système gouvernant a perdu son latin face aux tribulations de ladite communauté internationale. Dans une récente sortie devant les ambassadeurs accrédités dans son pays, le ministre camerounais des relations extérieures n’a pas manqué de faire une mise en garde contre toute tentative de déstabilisation de ce pays avec la bénédiction des partenaires occidentaux. « Non à l’ingérence, oui à l’accompagnement », a-t-il alors lancé. Et depuis l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé fait l’objet d’une attention particulière tant ses sorties sont de moins en moins lisibles. « Il est à surveiller comme du lait au feu », dit-on dans les coulisses du pouvoir. Oui, il faut surveiller l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé car Georges Soros n’a pas abandonné ses ambitions de dicter au monde sa conception de la démocratie. Il faut le surveiller parce que la démocratie qu’ils veulent servir à la jeunesse africaine n’est pas sans conséquences. Des conséquences qu’ils se résignent à assumer. La Libye que gardait jalousement Kadhafi a retrouvé l’usage de la parole – donc de la pratique démocratique – mais le pays n’existe plus. Etait-ce la volonté de la jeunesse libyenne ? Rien n’est moins sûr. Certes une franche de la population libyenne a longtemps souhaité un changement de régime. Mais jamais elle n’a souhaité la déflagration totale de ce pays. Tout comme la Libye, la Centrafrique que dirige aujourd’hui le Pr Touadera – avec beaucoup de difficultés et d’obstacles – n’a jamais souhaité être un pays ingouvernable du fait de ceux qui en profitent et qui sont prêts à tout pour voir le commerce illicite du diamant continuer à prospérer pendant que les Centrafricains croupissent dans la misère. On peut alors comprendre aujourd’hui l’exaspération de la jeunesse africaine vis-à-vis de cette communauté internationale. «Du grand n’importe quoi… » La communauté internationale… n’importe quoi ! Par Simon MOUSSI
  • 3. Magazine d’informations, d’enquêtes et d’analyses de l’actualité africaine Siège social 196 - 202, Rue Théodore Verhaegen B-1060 Bruxelles - Belgique www.afrikactuelle.com www.facebook.com/afrikactuelle Tél.: 0032 280825967 - 0032 478389792 Directeur de publication Simon MOUSSI Conseillers à la rédaction Raoul Simplice MINLO Marc VERCRUYSE Editorialistes Gaston KELMAN Pr. Jean-Emmanuel PONDI Pr. Charly Gabriel MBOCK Dr. Mathias Eric OWONA NGUINI Rédacteur-en-chef Thierry DENIS Rédacteur en chef adjoint Eric DUMERC Rédacteur en chef - édition Afrique Salomon DOUALA EPALE Correspondants Cameroun Depe's TARA Tunisie Nouri JAMAI Algérie Amar INGRACHEN Mehdi BENJELLOUN France Nathalie ANDRE Afrique de l’Ouest Oladé MOLADé Rédaction générale Salomon Douala EPALE, Simon MOUSSI, Hervé TIWA, Nathalie ANDRE, Thierry DENIS, Georges-Henri KOFFI, Almahy DELEIN, Nouri JAMAI, Mehdi BENJELLOUN, Amar INGRAHEN, Depe's TARA, Laure MOKOKO Hugues SEUMO, Dr. Martin MOMHA, Emile DE SOUZA, Eric DUMERC, Dr. Armand NGHEMKAP, Richard MAKON, Ousmane DIENG, Alain NYOUMSI, Simon MOUGNOL, Benoît Dubois ONANA, Pr. Daouda MAINGARI Réalisation artistique et graphique Lordric Kako (00237 694 94 43 05) E-mail : lordricfr@gmail.com Publicité/ Régisseur X-GAMMA Consulting Bureau Afrique Bastos - Yaoundé (Résidence MONGO MBOCK) B.P 11 241 - Yaoundé, CAMEROUN Tél. 00237 6967 322 82 / 00237 6703 616 25 Accords Spéciaux Partenaires KALAK FM BRAINTECH Afrik' Actuelle est une publication de : AA GROUP Directeur général Simon MOUSSI Administration et Webmastering Yves MINKONDA © Afrik'Actuelle Dépôt légal : Juillet 2013 Commission paritaire : en cours SOMMAIRE Juillet - AOÛT 2019 5AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - AOÛT 2019 Magazine d’informations, d’enquêtes et d’analyses de l’actualité africaine Découvrez notre nouvelle formule Génocide rwandais : Controverse sur le rôle de la France : 25 ans après, toujours "un déni" Françafrique : Bolloré assigné en justice par dix Ong et syndicats Guinée : La monogamie devient la règle ZOOM L'AIR DU TEMPS CHRONIQUE WORLD STORIES ECONOMIE DIASPORA FOCUS CULTURE 06 Somalie : Des violeurs condamnés pour la première fois grâce à des tests d'ADN "De l'importance de bien nommer notre monnaie" Allemagne : Des juifs priés d'éviter de porter la Kippa Affaire Bygmalion : Débouté, le procès de Nicolas Sarkozy aura lieu Vera Songwe : Une pionnière à la tête de la Commission économique pour l'Afrique RCA : L'armée regagne du terrain au nord du pays Gabon : Un britannique à la tête d'un ministère De Luanda à Kinshasa : Jonas Savimbi comme Etienne Tshisékédi Qui dirige l'Algérie ? Cameroun/Electricité : Le barrage de Memve'ele fournit ses premiers mégawatts Cacao : L'Afrique met fin au Diktat du prix du Cacao Vivatech 2019 : Les startups africaines courtisées Infrastructures: Inauguration en Egypte du plus large pont suspendu au monde France-Afrique : Les diasporas africaines à l'Elysée Afrique du Sud : Les défis qui attendent Cyril Ramaphosa Angélique Kidjo : Célia (Verve/ Universal 2019) 08 12 11 16-19 26-27 30-31 34-35 36-37 38 65 66-67 73 58-62 40-41 76-77 80-81 44-57 DR Dossier : Les révolutions confisquées LES AFRIQUES Tribune 23 22
  • 4. L’Air du temps L’Air du temps 6 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 7AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les victimes de la secte d'un nazi au Chili aidées par l'Allemagne Somalie L a Somalie a, pour la première fois, utilisé des preuves obtenues grâce à des tests ADN pour faire condamner à mort trois hommes reconnus coupables du viol et du meurtre d'une fillette de 12 ans. En 2017, la Somalie a obtenu son tout premier laboratoire médico-légal dans l'État semi-autonome du Puntland, dans le but de lutter contre la violence sexuelle généralisée dans un pays où deux décennies de conflit et de troubles ont privé la plupart de ses habitants d'accès à la justice. Le Bureau des sciences médico- légales a déclaré dimanche dans un communiqué que la Somalie avait «rejoint, pour la première fois, le reste du monde en utilisant la science pour résoudre une affaire criminelle odieuse ». En février, l'enlèvement d'Aisha Ilyas Adan, 12 ans, violée par un gang et torturée à mort avant que son corps ne soit jeté devant la maison de ses parents, avait suscité l'indignation. Human Rights Watch avait regretté que ce viol ait été en quelque sorte "normal" en Somalie, la police ne prenant souvent pas les dossiers au sérieux bien que le gouvernement de l'État du Puntland ait promulgué en 2016 une loi faisant des délits sexuels des crimes et imposant des peines sévères.  37 échantillons d'ADN prélevés sur les suspects Le gouvernement de Mogadiscio travaille toujours à l'adoption de premières lois nationales sur le viol en Somalie, avec une nouvelle législation adoptée par les ministres en mai 2018 mais qui doit encore être approuvée par le Parlement. Dans le cas de la petite Aisha, une dizaine de suspects ont été arrêtés en relation avec son viol et son meurtre. Les procureurs de la République ont indiqué que 37 échantillons d'ADN ont été prélevés sur les suspects et stockés dans le laboratoire, qui ne peut actuellement pas analyser ce matériel. Les échantillons ont été envoyés au Kenya voisin et les analyses ont permis d'impliquer trois des suspects dans le crime. Le juge de la Haute Cour Abdinur Jama Hussein a alors condamné les trois hommes à la peine de mort "pour enlèvement, viol et meurtre d'Aisha Ilyas". Il faut préciser qu’en Somalie, les condamnés à mort sont fusillés. L ’Allemagne va apporter une aide financière aux victimes, d’une organisation sectaire gérée par un vétéran nazi au Chili, Colonia Dignidad. L’information est du gouvernement allemand lui-même depuis la mi- mai Ces victimes percevront jusqu’à 10.000 euros chacune, a alors confirmé le secrétaire d’État Niels Annen, à l’issue d’un travail mené en commun par le gouvernement allemand et une commission parlementaire. Il a ajouté qu’il s’agissait d’une “aide concrète”, mais aussi d’une "marque de reconnaissance d’une grande souffrance”. Le montant total des indemnisations devrait s’élever à environ 3,5 millions d’euros d’ici 2024. Environ 240 anciens membres de cette secte vivent encore, dont 80 en Allemagne, selon la commission.  Un camp de plusieurs centaines de personnes La “colonie de la dignité” avait été fondée en 1961 par l’ancien caporal naziPaulSchäfer,danscequiétaitalors présenté comme un village familial idyllique. En réalité, le dignitaire a régné avec brutalité sur cette communauté de quelques centaines de personnes, les soumettant à un traitement allant jusqu’à l’esclavage et multipliant les sévices sexuels sur les enfants. Ce n’est qu’après la fuite de Paul Schäfer en 1997 que les Chiliens ont découvert que l’enclave allemande avait aussi été un enfer pour les opposants à la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), nombre d’entre eux y ayant été torturés ou ayant disparu là-bas. Des événements qui servent d’ailleurs de point de départ du film “Colonia” sorti en 2016, où Emma Watson incarne une hôtesse de l’air dont le petit ami est envoyé à Colonia Dignidad. Arrêté en 2005 en Argentine, Paul Schäfer est mort en prison en 2010. Colonia Dignidad a été transformé en un centre touristique et agricole, sous le nom de Villa Baviera. Par Georges-Henri KOFFI  ... Les procureurs de la République ont indiqué que 37 échantillons d'ADN ont été prélevés sur les suspects et stockés dans le laboratoire, qui ne peut actuellement pas analyser ce matériel. ...Environ 240 anciens membres de cette secte vivent encore, dont 80 en Allemagne, selon la commission. Des violeurs condamnés pour la première fois grâce à des tests ADN Trois hommes ont été reconnus coupables, début mai, du viol et du meurtre d'une fillette de 12 ans et ont été condamnés à mort, grâce à des preuves génétiques.
  • 5. L’Air du temps L’Air du temps 9AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 20198 AFRIK’ ACTUELLE • Nº21 Septembre - Octobre 2017 Allemagne Etats-Unis I l faut désormais retirer la kippa pour se protéger de l’antisémitisme en Allemagne. C’est du moins ce que suggère le commissaire du gouvernement allemand en charge de l’antisémitisme, qui a mis en garde contre le port de ce signe religieux dans un pays en proie à une montée des attaques anti-juives, dans un entretien paru dans la presse régionale Funke le 25 mai dernier. « Je ne peux pas conseiller aux juifs de porter la kippa partout tout le temps en Allemagne », a déclaré Felix Klein ajoutant avoir à ce sujet « hélas changé d’avis par rapport à autrefois ». Felix Klein, dont le poste au gouvernement d’Angela Merkel a été créé début 2018, a expliqué cette évolution par « la levée des inhibitions et un manque de considération qui augmentent dans la société ».  Pas de kippa en centre-ville « L’Internet et les médias sociaux y ont fortement contribué, mais aussi les attaques perpétuelles contre notre culturedelamémoire»,s’est inquiété M. Klein, proposant aussi de mieux former les forces de l’ordre parfois indécises sur la nature antisémite ou non des délits. Le conseil central des Juifs d’Allemagne a déjà plus d’une fois mis en garde contre le port de cette calotte. « Je dois déconseiller à des personnes seules de se montrer dans le centre des grandes villes d’Allemagne avec une kippa », avait déclaré à la radio RBB son président Josef Schuster il y a un an. Un cas avait particulièrement choqué à Berlin l’an passé, quand un Israélien portant la kippa avait été frappé à coups de ceinture par un Syrien dans le quartier huppé de Prenzlauer Berg. La victime avait pu filmer une partie de la scène et l’avait postée sur Internet. Les pouvoirs politiques allemands se sont ouvertement inquiétés d’un antisémitisme importé par des migrants venus de pays hostiles à Israël, comme les Syriens, Irakiens ou Afghans arrivés en masse dans le pays en 2015 et 2016.  Des délits majoritairement commis par l’extrême droite Les dernières statistiques du ministère de l’Intérieur allemand ont toutefois montré que les auteurs de délits à caractère antisémite étaient à une écrasante majorité (90 %) issus des milieux de l’extrême droite. Les délinquants d’origine arabe sont avant tout des personnes qui vivent depuis assez longtemps en Allemagne, estime Felix Klein. « Beaucoup regardent seulement des chaînes arabes qui transmettent une image funeste d’Israël et des Juifs », selon lui. Malgré des décennies de repentance pour l’Holocauste, l’Allemagne ne fait pas exception en Europe où, à l’instar de la France, les attaques contre les juifs se sont répandues. Les actes criminels à caractère antisémite ont augmenté de quelque 20 % en Allemagne l’an passé, selon le ministère de l’Intérieur. La procureure générale de Berlin, Claudia Vanoni, avait mis en cause un recul des inhibitions, jugeant que l’entrée de l’extrême droite au Bundestag en 2017, dont certains responsables ont tenu des propos discriminatoires, y avait contribué. En France, un appel à ne pas porter la kippa émis par le président du consistoire israélite de Marseille en 2016 avait fait polémique. Cet appel avait été lancé après l’agression d’un enseignant juif revendiquant ses actes au nom de Daech. B rittany Zamora a plaidé coupable le 10 juin dernier. Cette professeure américaine de 28 ans est accusée d’avoir eu des rapports sexuels avec l’un de ses élèves de seulement 13 ans. Elle est poursuivie pourinconduitesexuellesurunmineur, tentative d’agression et outrage public à la pudeur. La jeune femme travaillait au collège de Goodyear, en Arizona, lorsqu’elle a fait la rencontre de l’adolescent. D’après le rapport de police, les deux pratiquaient des actes sexuels alors même que les autres élèves étaient dans la classe en train de travailler. Le jeune garçon a racontéquesaprofesseurelui«touchait parfois les parties intimes» lorsqu’il venait à son bureau. Elle prétendait alors devoir chercher quelque chose par terre. L’élève lui passait en outre des petits mots dans lesquels il lui disait à quel point elle était sexy. Il a également expliqué aux autorités lui avoir envoyé des photos de lui nu. Brittany Zamora, elle aussi, lui transmettait des photos d’elle nue ou en lingerie. «Un jour, elle m’a dit qu’elle voulait me faire une fellation et que mes parties intimes étaient très grosses», a fait savoir l’élève.  Arrêtée en mars 2018 C’est une nuit au cours de laquelle le mari de la professeure n’était pas chez eux, qu’elle a invité l’adolescent à la rejoindre, pour lui «montrer à quel point elle l’aimait». Ils ont eu leur premier rapport sexuel ce soir-là. Quelques jours plus tard, c’est dans une classe que les deux ont «fait l’amour». Brittany Zamora a été arrêtée en mars 2018. Les parents du garçon ont appris cette histoire en fouillant dans le téléphone de leur enfant, se servant de mots clés pour faire leurs recherches. Après avoir trouvé notamment des SMS inappropriés entre la professeure et lui, ils ont prévenu le principal de l’école qui a de son côté appelé la police. La professeure devrait connaître sa peine le 12 juillet prochain. Les juifs priés d’éviter de porter la kippa Accusée d’avoir eu des rapports sexuels avec son élève de 13 ans, la prof plaide coupable Face à la recrudescence des actes antisémites, les autorités allemandes recommandent aux juifs d’éviter de porter la kipa pour éviter d’être agressés. Une professeure américaine accusée d’avoir eu des relations sexuelles avec l’un de ses élèves de 13 ans a plaidé coupable le 10 juin dernier. ... Beaucoup regardent seulement des chaînes arabes qui transmettent une image funeste d’Israël et des Juifs.
  • 6. 11AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Chronique L e franc guinéen, le franc congolais, le franc burundais, le franc rwandais, le franc djiboutien  ! Vous ne rigolez pas ? Et le dollar zimbabwéen, le shilling du Kenya, de la Tanzanie, de l’Ougandaetd’ailleurs ?Heureusement, nous avons quelques pays pour sauver l’honneur, des pays bien de chez nous où les pièces sonnantes et trébuchantes tintent en langue locale. Au Ghana, c’est en cedi que l’on fait ses emplettes. Au Nigeria, c’est en naïra que l’on s’acquitte de ses impôts. En Angola, c’est en kwanza que l’on se paie un verre. En Zambie et au Malawi, c’est en kwacha que l’on jette l’argent par les fenêtres. En Gambie, c’est en dalasi que l’on se ruine. Je dis cela parce qu’un événement que l’on attendait depuis les Indépendances vient de se produire à la Cédéao : la création d›une monnaie unique pour l›ensemble de la zone. Hélas, une grosse maladresse est venue tout de suite ternir cet heureux événement  : le baptême de cette nouvelle monnaie qui dédouble notre espoir et ajoute à notre fierté a été volontairement raté. Rendez-vous compte, bientôt, nous allons devoir compter, en éco. Vous avez compris  ? En éco ! C’est là tout le travers de nos technocrates  : un groupuscule de copains s’enferme dans une salle et décide de notre sort sans consulter rien ni personne : ni le peuple, ni l’histoire, ni la géographie.  Un peu d’histoire pour s’éclairer D’où ont-ils bien pu sortir ça  : éco  ! Ecco ? Échos ? Écot ? Qu’es aquo  ? Le mot économie en raccourci peut-être ? Ou alors, a-t-on voulu faire comme Giscard d’Estaing – nos intellectuels sont tellement mimétiques ! - qui avait sans succès voulu que l’Europe place ses revenus en écus et non en euros. Éco, un mot ridicule et inepte qui ne parle à personne  ! Et si l’on s’était donné la peine de lire la carte ? Bafing, dioliba, ferlo, fouta, tonkoui, atakora  ! Niani, Koumasi, Tombouctou ! Et si l’on s’était tourné vers le passé  ? Chaka, Soundiata, Dan-fodio  ! Et si l'on avait célébré nos indépendances ? Nkrumah, Cabral, Olympio ! Pourquoi pas – une fois n›est pas coutume – un clin d›œil à nos cousins d›Amérique auxquels nous devons le jazz et la salsa, la mode afro et le panafricanisme ? Haïti, Toussaint, Pétion, Dubois, Garvey, Padmore, Blyden ! Hé, messieurs les technocrates, pourquoi pas Africa, tout simplement ?  Pourquoi pas le nom d’une ethnie ? On m’aurait demandé mon avis, c’est le nom d’une ethnie que j’aurais proposé. Non, non, ni peul ni mandingue, ni sonraï, ni haoussa, ni yoruba, ni ashanti. Ces ethnies-là font peur par leur démographie et par leur poids historique. On leur prête à juste raison des tentations hégémoniques. Les ethnies minoritaires sont plus rassurantes  : diola, nalou, baga, coniagui, mano, guéré, dida, bété, goun, éwé, dogon, gourounsi. Oui, mais ces ethnies-là aussi ont un défaut : elles sont minoritaires, certes, mais trop localisées, elles manquent d’envergure régionale. Ce qui fait qu’il n’en resterait qu’une pour donner son nom à la première monnaie panafricaine  : le bassari. Cette ethnie a le mérite d’être minoritaire et régionale puisqu’on la retrouve aussi bien au Sénégal qu’en Guinée, au Ghana qu’au Togo. Et puis, le mot bassari sonne bien. Vous ne trouvez pas ? Débaptiser le Nyassaland et les deux Rhodésie, la Haute-Volta, et la Gold- Coast n’a rien de folklorique, je vous assure. C’est un éminent signe de prise deconscience,undésird’émancipation, un acte de souveraineté. Ne laissons à personne le pouvoir de nous désigner, faisons-le nous-mêmes  ! Le disant, je suis tenté de paraphraser Albert Camus : « Mal nommer notre monnaie, c’est ajouter au malheur de l’Afrique. » DR VOUS ÊTES UN PARTICULIER Assurez-vous de vivre en toute quiétude. Faites vos projets, protégez vos biens et vos proches, préparez 'l'avenir en toute sérénité. SUNU Assurances Vie vous aide à motiver et fidéliser vos Hommes avec des Produits d'assurance collectifs avantageux : Associations, coopératives, amicales, familles ou salariés, vous bénéficiez avec des souscriptions groupées de plus d'avantages. 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Par Tierno Monénembo* Le nom d'« éco » a été choisi fin juin pour le projet de monnaie unique d'Afrique de l'Ouest prévue dès 2020. Un choix pertinent ? Pas sûr. * 1986, Grand Prix littéraire d’Afrique noire ex-aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et  Grand Prix du roman métis pour «  Le Terroriste noir  »  ; 2013, Grand Prix  Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, Grand Prix de la francophonie pour l’ensemble de son œuvre. « De l'importance de bien nommer notre monnaie »
  • 7. 12 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 13AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 World StoriesWorld Stories Les prisons françaises battent leur record de détenus France L e Conseil constitutionnel a rejeté le 17 mai dernier le recours déposé par Nicolas Sarkozy contre son renvoi en procès dans l’affaire Bygmalion, estimant qu’il pouvait être poursuivi pénalement malgré une sanction financière antérieure intervenue pour les dépenses excessives de sa campagne présidentielle de 2012. L’ancien président a été renvoyé en février 2017 devant le tribunal correctionnel pour avoir dépassé le plafond des dépenses électorales autorisé, mais il faisait valoir qu’il ne pouvait pas être jugé étant donné qu’il avait déjà été sanctionné pécuniairement en 2013 après le rejet de ses comptes par les instances de contrôle. «  La sanction prononcée par la Commission nationale des comptes de campagneetdesfinancementspolitiques est une pénalité financière, strictement égale au montant du dépassement constaté. Sa nature est donc différente de la peine d’emprisonnement encourue par le candidat poursuivi pour le délit de dépassement du plafond des dépenses électorales  », ont toutefois considéré les membres du Conseil constitutionnel, rejetant le recours de l’ancien président et ouvrant la voie à un procès.  ‘’C’est une grande déception’’ Dans une décision très détaillée, les Sages insistent bien sur la différence entre la sanction financière et la sanction pénale. Par la sanction financière, “le législateur a entendu assurer le bon déroulement de l’élection du Président de la République et, en particulier, l’égalité entre les candidats au cours de la campagne électorale”. En revanche, “en instaurant une répression pénale des mêmes faits, qui exige un élément intentionnel [...], le législateur a entendu sanctionner les éventuels manquements à la probité des candidats et des élus”, précisent les Sages. « C’est une grande déception  », a réagi Me Emmanuel Piwnica, l’avocat de l’ancien chef de l’Etat, persistant à considérer que l’affaire présentait une “question sérieuse” de cumul des poursuites.  A défaut d’un ultime recours, Nicolas Sarkozy devra donc être présent sur le banc des prévenus, une fois la date de son procès arrêtée. D’anciens cadres de l’UMP (devenu LR), des responsables de la campagne et des dirigeants de Bygmalion - treize au total - sont pour leur part poursuivis devant le tribunal pour “complicité” de financement illégal de campagne et escroquerie ou complicité. A vec 71 828 détenus pour 61 010 places opérationnelles, la densité carcérale française s’établit à 117,7%, sensiblement en hausse par rapport au mois précédent (116,7%). Elle est supérieure ou égale à 200% dans sept établissements pénitentiaires et dépasse les 150% dans 44 (sur 188 au total). Le précédent record avait été établi au 1er décembre 2018, avec 71 061 prisonniers. Au 1er avril 2019, le nombre de détenus est en hausse de 2,1% sur un an. Le nombre de matelas au sol est de 1636 en mars, un chiffre stable par rapport à mars 2018. La part des prévenus, c’est-à-dire les détenus qui n’ont pas encore été jugés, concerne toujours près du tiers des personnes incarcérées (29%). La part des femmes (3,8% de la population carcérale totale) et celle des mineurs (1%) restent également stables. Parmi les 83 887 personnes placées au total sous écrou, 12 059 font l’objet d’un placement sous surveillance électronique ou d’un placement à l’extérieur, selon les données de l’administration pénitentiaire, publiées pour la dernière fois mensuellement. «Lesstatistiquesdelapopulationdétenue et écrouée seront désormais publiées de manière trimestrielle», a indiqué le ministère de la Justice, précisant que «les prochaines statistiques détaillées seront celles du 1er juillet 2019». Elles doivent être publiées fin juillet, selon la Direction de l’administration pénitentiaire. «Disposer d’une analyse statistique avec un recul sur plusieurs mois permettra une meilleure lecture de l’évolution de la population carcérale», a justifié le ministère. Afin de lutter contre une surpopulation chronique, le gouvernement a prévu dans sa réforme de la Justice promulguée le 23 mars de multiplier les alternatives en milieu ouvert, ainsi que la création de 7 000 places de prison d’ici à la fin du quinquennat. La loi redéfinitégalementl’échelledespeines, en proscrivant l’emprisonnement pour les très courtes peines, tout en garantissant l’application des peines d’emprisonnement de plus d’un an. Ces nouvelles dispositions seront applicables en mars 2020. Débouté, le procès de Nicolas Sarkozy aura lieu France/Affaire Bygmalion Par Georges-Henri KOFFI Par Nathalie ANDRE Les Sages du Conseil constitutionnel français ont estimé, le 17 mai dernier, que l’ancien président, Nicolas Sarkozy, pouvait être poursuivi pénalement malgré une sanction financière antérieure intervenue pour les dépenses excessives de sa campagne de 2012. Le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint un nouveau record en mars, avec 71 828 personnes incarcérées au 1er avril, selon les statistiques mensuelles de l’administration pénitentiaire publiées le 13 mai dernier par le ministère de la Justice. ...Parmi les 83 887 personnes placées au total sous écrou, 12 059 font l’objet d’un placement sous surveillance électronique... ... A défaut d’un ultime recours, Nicolas Sarkozy devra donc être présent sur le banc des prévenus, une fois la date de son procès arrêtée. 
  • 8. 14 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 15AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 World Stories World Stories Sur les réseaux sociaux, de nombreux Américains, élus ou non, ont rappelé qu’ils subissaient ce genre d’antienne - « retourne dans ton pays » - depuis leur enfance, et qu’entendre aujourd’hui ces mêmes mots dans la bouche de leur président était un c h o c . «  C’est à cela que ressemble le racisme. Nous sommes ce à quoi ressemble la démocratie  », a souligné Ayanna Pressley, l’élue noire américaine faisant partie des personnes visées.  « Un calcul froid et cynique » de Trump Les violentes attaques de Donald Trump contre les quatre élues ont suscité des réactions indignées jusque dans son propre camp, au sein duquel des responsables l’ont appelé à s’excuser pour ses tweets « racistes ». A l’approche de la présidentielle de novembre 2020, le milliardaire semble plus déterminé que jamais à souffler sur les braises des tensions raciales pour galvaniser sa base électorale – très majoritairement blanche –, mais aussi à alimenter les divisions chez ses adversaires politiques. La stratégie politique du locataire de la Maison Blanche est claire : enfoncer des coins dans la famille démocrate, traversée de tensions.  Le président américain cible sciemment des élues qui se situent sur l’aile gauche du parti et dont les désaccords avec Nancy Pelosi alimentent régulièrement la chronique à Washington. «  Avec cette sortie délibérément raciste, Donald Trump cherche à rendre les personnes ciblées plus visibles, à pousser les démocrates à les défendre et à en faire des emblèmes du parti tout entier  », a estimé David Axelrod, ancien proche conseiller de Barack Obama. « C’est un calcul froid et cynique ». Quelques heures plus tard, Donald Trump validait lui-même point par point cette analyse en expliquant dans un tweet que les démocrates avaient essayé de prendre leurs distances avec lesquatreélues,maisétaient«désormais contraints de les défendre». « Cela signifie qu’ils soutiennent le socialisme, la haine d’Israël et des Etats-Unis ! », a-t-il conclu. Pour Joe Biden, vice-président de Barack Obama pendant huit ans et candidat à l’investiture démocrate pour 2020, aucun président dans l’histoire américaine « n’a été aussi ouvertement raciste que cet homme ». « Rentrez dans votre pays ? C’est écoeurant ». L e président américain, Donald Trump a encore créé la polémique, début juillet dernier, avec une série de tweets dominicaux agressifs. Cette fois, Trump s’en est pris, sans les nommer, à quatre parlementaires démocrates. Quatre femmes récemment élues, qui se caractérisent par des positions très à la gauche du parti, et surtout issues de minorités. Donald Trump les a appelées à «  retourner d’où elles viennent  », des pays d’origine qu’il juge parmi «  les pires, les plus corrompus et ineptes  » du monde. Toutes sont pourtant américaines et trois sont nées aux États-Unis. Donald Trump est coutumier des provocations et grossièretés. Mais le 14 juillet dernier, sa salve de tweets n’était pas anodine du tout. En quelques phrases, le président américain a confirmé qu’il voyait les États-Unis comme un pays de Blancs, que les autres n’avaient qu’à bien se tenir ou, en tout cas, qu’ils n’avaient surtout pas le droit de le critiquer. « Tellement intéressant de voir des membres femmes démocrates «progressistes» du Congrès, qui à l’origine viennent de pays dont les gouvernements constituent une catastrophe complète et totale, les pires, les plus corrompus et ineptes du monde (pour ceux qui au moins ont un gouvernement qui fonctionne), dire haut et fort et vicieusement au peuple des États-Unis, la plus grande et la plus puissante nation du monde, comment notre gouvernement doit être dirigé  », a lancé M.  Trump. Et de poursuivre  : «  Pourquoi ne retournent-elles pas pour aider à réparer ces endroits totalement dévastés et infestés de crimes dont elles sont originaires ? Puis revenir nous montrer comment elles ont fait ? Ces endroits ont grandement besoin de votre aide, vous ne pouvez pas partir si vite. Je suis certain que Nancy Pelosi serait très heureuse de pouvoir rapidement vous organiser le voyage gratuitement. »  La stratégie très peu centriste du président Trump Le chef d’État a ainsi invité à « retourner chez elles » les élues Rashida Tlaib, fille d’immigrés et première Américaine d’origine palestinienne à siéger au Congrès  ; Ilhan Omar, réfugiée venue de Somalie lorsqu’elle était mineure  ; Alexandria Occasio-Cortez, une Portoricaine – pourtant un territoire des États-Unis  ; et même une Noire américaine dont la famille est installée depuis plusieurs générations dans le pays : Ayanna Pressley. Ce faisant, le président Trump a tracé une ligne idéologique tout à fait claire. Donald Trump semble avoir choisi de durcir le ton à l’approche de la présidentielle 2020. Plutôt que de chercher à séduire l’électorat indécis, centriste, son objectif semble de mobiliser sa base, et de récupérer des voix le plus à droite possible. Pour l’heure, aucun élu de son camp n’a encore osé dénoncer cette vision extrême de la société américaine.  « Retourne dans ton pays », l’éternelle antienne L’opposition démocrate, pour sa part, a jugé ces commentaires xénophobes et racistes. Le président prend tout de même un risque électoral. Car la majorité des Américains n’est pas raciste et que le vote des minorités pèse dans le scrutin. Et en attaquant des élues très à gauche, connues pour semer la zizanie chez les démocrates, il donne par ailleurs au parti d’opposition l’occasion de se rassembler. La semaine dernière, comme insinué dans le tweet, la présidente de la Chambre des représentants, la démocrate Nancy Pelosi, avait en effet critiqué les discours très à gauche des personnes aujourd’hui visées, craignant que ces commentaires n’empêchent le Parti démocrate de battre Donald Trump. Mais sur cette affaire de tweet, elle a ainsi été la première à réagir, rejetant elle-même « des commentaires xénophobes destinés à diviser notre nation ». Donald Trump appelle des élues démocrates à «retourner d’où elles viennent» ...Sur les réseaux sociaux, de nombreux Américains, élus ou non, ont rappelé qu’ils subissaient ce genre d’antienne - « retourne dans ton pays » - depuis leur enfance.
  • 9. 16 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 17AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 ZoomZoom D ans un récent classement des 100 personnalités les plus influentes d’Afrique, Vera Songwe pointe à la 34eme position. La secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique -instance onusienne- qui a effectué du 17 au 19 avril derniers, une visite officielle dans son pays, le Cameroun, s’est fixé comme priorités, «la lutte contre la pauvreté et l’autonomie des femmes. Mais aussi le financement des infrastructures, pour lesquels l’Afrique aurait besoin de 130 à 170 milliards de dollars par an». Son séjour au Cameroun lui a permis « de renforcer les relations de coopération de la Commission avec le Cameroun, particulièrement en appui à ses efforts en faveur du développement inclusif et durable, de la transformation structurelle, de la diversification économique, de l’intégration régionale et du commerce, ainsi que de l’économie numérique ». Pendant trois jours, Vera Une pionnière à la tête de la Commission économique pour l’Afrique Vera Songwe Reçue en audience le 18 avril dernier par le président du Cameroun, la secrétaire exécutive de la commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique (CEA), Vera Songwe, a été élevée au rang de Grand officier de l’ordre de la valeur. Tapis rouge, haie d’honneur d’une douzaine d’éléments de la compagnie d’honneur de la Garde présidentielle, sabre au clair, accueil sur le perron du Palais de l’Unité par le ministre directeur du cabinet civil de la présidence, M. Samuel Mvondo Ayolo, ce fut un accueil des grands jours réservé à Vera Songwe. Des honneurs auxquels il faut ajouter 90 min d’entretien avec le président camerounais. Yaoundé a sorti l’artillerie lourde pour accueillir l’enfant du pays qui y revenait pour la première fois depuis sa nomination au prestigieux poste de secrétaire exécutive de la CEA. Mais qui est Vera Songwe ? Pourquoi est-elle mal connue dans son pays ? Zoom sur celle qui fait aujourd’hui partie des 100 personnalités les plus influentes du contient. ...Vera Songwe a été pendant 17 ans à la Banque Mondiale. Elle dirige depuis janvier 2016 le bureau Afrique de l'Ouest et Afrique centrale de la Société financière internationale (SFI). Secrétaire exécutive de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique, cette Camerounaise se distingue par son volontarisme en matière de lutte contre la pauvreté.
  • 10. 18 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 19AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 ZoomZoom • Influente Le 14  avril 2017, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, l’a choisie parmi 77 candidats pour diriger la Commission économique pour l’Afrique (CEA). En 2013 déjà, elle faisait partie des vingt femmes les plus influentes d’Afrique, selon le classement établi par le magazine américain Forbes. • Anglophone Née il y a cinquante ans à Nairobi (Kenya), elle a grandi à Bamenda (nord-ouest du Cameroun) au sein d’une grande famille anglophone. Son père, Joachim Songwe, dirigea l’Office national de développement de l’aviculture et du petit bétail. Son oncle, Christian Songwe Bongwa, fut ministre des Relations avec le Parlement dans les années 1980. • Matheuse Après des études secondaires à Bamenda,elleobtientunelicenceen sciences économiques et politiques à l’Université du Michigan (États- Unis), qu’elle complète par un DEA en droit et sciences économiques, puis par un doctorat en économie mathématique obtenu à l’Université catholique de Louvain (Belgique). • Banquière Elle entre à la Banque mondiale (BM) en 1998 et en gravit tous les échelons. En 2012, elle dirige les opérations de la BM au Cap-Vert, en Gambie, en Guinée-Bissau, en Mauritanie et au Sénégal. En 2016, elle est à la tête du bureau pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de la Société financière internationale (SFI), la filiale de la BM qui se consacre au secteur privé. • Sa différence avec Lopes On la compare forcément à son prédécesseur, l’économiste bissau-guinéen Carlos Lopes, qui a démissionné en septembre  2016 après avoir donné un grand rayonnement à l’institution. Alors que ce progressiste avait aligné la CEA sur l’agenda 2063 de l’UA, incluant les thèmes de l’intégration et de l’industrialisation africaines, Songwe, elle, met l’accent sur la lutte contre la pauvreté, qu’elle adosse à la vision onusienne du développement. • Ses priorités Tous ses centres d’intérêt ont un lien avec les priorités du continent. Sur le blog qu’elle tient dans le cadre du programme de la Brookings Institution, elle cite « la fiscalité, les sources de financement innovantes, l’agriculture, l’énergie et la gouvernance économique ». • Corruption Pour elle, c’est «  un cancer  » qui, selon une étude de la CEA sur le commerce transfrontalier en Afrique de l’Ouest, représente 25 % du PIB du continent. • Son amie Ngozi En 2007, elle devient la conseillère de la Nigériane Ngozi Okonjo- Iweala lorsque celle-ci est nommée directrice générale de la BM. Son rôle : proposer des idées novatrices pour le développement du continent, et superviser les équipes. • Lectrice Elle dévore les biographies, dont celle de Nelson Mandela, de Francisco Franco, de Winston Churchill ou de Napoléon. Des lectures inspirantes en matière de leadership… • Comité Kagame Elle a fait partie des neuf experts réunis à l’initiative de Paul Kagame, le président rwandais. Leur mission : concevoir une réforme afin de rendre l’UA plus efficace. Vera Songwe en dix points Songwe a enchainé des audiences avec les autorités camerounaises. Elle a prononcé un discours de clôture du forum sur la zone de libre-échange continentale africaine organisé dans la capitale camerounaise ; donné un cours magistral sur l’intégration régionale et l’économie numérique à l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) et une conférence de presse. Economiste, Vera Songwe a été pendant 17 ans à la Banque Mondiale. Elle dirige depuis janvier 2016 le bureau Afrique de l'Ouest et Afrique centrale de la Société financière internationale (SFI). Elle a été nommée secrétaire général adjoint de l’ONU et secrétaire exécutif de la Commission économique pour l›Afrique des Nations Unies (CEA) en avril 2017.  Première femme à diriger la Commission économique pour l’Afrique António Guterres ne donnera sans doute jamais les raisons pour lesquelles il a jeté son dévolu sur Vera Songwe, alors que 77  candidats étaient en lice pour le poste. Toujours est-il que c’est Vera Songwe que le secrétaire général de l’ONU a choisie pour diriger la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Première femme à accéder à cette prestigieuse fonction, cette Camerounaise acquiert aussi le rang de secrétaire général adjoint des Nations unies.  Peu connue de ses compatriotes Le Financial Times ne s’y était pas trompé, en 2015, en rangeant cette femme d’influence parmi les 25 Africains «  à suivre  ». À 48 ans, elle rejoint le gratin des économistes camerounais désormais en vue à l’international, à l’instar de Célestin Monga, Hippolyte Fofack et Albert Zeufack, économistes en chef respectivement à la BAD, à Afreximbank et au département Afrique de la Banque mondiale. Tous les quatre ont en commun d’avoir fait carrière dans cette dernière institution. Vera Songwe y a passé presque deux décennies, au cours desquelles elle a fait forte impression à Ngozi Okonjo-Iweala, ancienne vice-présidente de la Banque mondiale et ex-ministre des finances du Nigeria. Sur le plan professionnel, cette Camerounaise doit presque tout à l’ex- argentier nigérian. « Elle [Ngozi Okonjo- Iweala] l’a pratiquement fabriquée, l’a introduitepartout,ycomprisdansletrès puissant réseau du think tank américain Brookings Institution. C’est sa marraine, pour ne pas dire plus  », soutient un cadre de la Banque mondiale. Mais Vera Songwe n’est pas connue de ses compatriotes. La Raison ? Elle est née à Nairobi au Kenya et a étudié en Belgique.  Docteure en économie mathématiques Dotée d’une assurance qui confine parfois à l’arrogance, selon certains de ses anciens collègues, Vera Songwe, présentée comme travailleuse et compétente, est aussi appréciée dans la société civile, notamment au sein de la Tony Elumelu Foundation et de l’influent African Leadership Network. NéeàNairobi,VeraSongwefutcouvée dans la bourgeoisie anglophone du Cameroun. Son père, Joachim Songwe, dirigea l’Office national de développement de l’aviculture et du petit bétail (ONDAPB) pendant la décennie 1980. Son oncle, Christian Songwe Bongwa, fut le collaborateur direct de John Ngu Foncha, qui, en 1961, négocia les arrangements politiques et institutionnels du pays avec Ahmadou Ahidjo, après un référendum qui rattacha le Cameroun occidental à la nouvelle république. Ce chrétien fervent, natif de Bamenda, connut par la suite une carrière ministérielle. En 1979, il siégeait dans un comité ad hoc mis sur pied, déjà, pour trouver une solution au « problème anglophone ». C’est donc naturellement que Vera Songwe entama son cursus à la catholique Our Lady of Lourdes College Mankon, à Bamenda, dans le Nord-Ouest, sa région d’origine, pour finalement atterrir en Belgique, où elle décrocha un doctorat en économie mathématique à l’Université catholique de Louvain.  Un style managérial directif Vera Songwe a pris la tête d’une institution que son prédécesseur a marquée de son empreinte. La CEA est sortie de son quasi-anonymat à l’arrivée de Carlos Lopes, en 2012. Charismatique, combatif et parfois provocateur, au point de hérisser certains décideurs par ses prises de position, notamment sur le franc CFA, l’économiste bissau-guinéen a imposé un nouvel agenda, s’articulant autour de la transformation structurelle du continent, dont l’industrialisation constitue la pierre de touche. Un héritage et un rayonnement intellectuels pesants que Vera Songwe devra faire fructifier. Celle dont la nomination a pris tout le monde de court et dont le style managérial est qualifié de «  très directif  » a les atouts pour y parvenir. D’abord sa bonne connaissance des économies de la région. Ces dernières années, elle a été directrice des opérations de la Banque mondiale, successivement pour le Sénégal, la Mauritanie et le Cap- Vert, puis directrice régionale de l’IFC pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Ensuite son réseau, qui lui a par exemple permis de faire partie de la « commission Kagame » chargée de réfléchir à la réforme de l’Union africaine. Reste désormais à « délivrer ». 
  • 11. 21AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les Afriques Afriques Les Bolloré assigné en justice par dix ONG et syndicats La France derrière le maréchal Haftar ? Un Britannique à la tête d’un ministère ► Libye ► Françafrique► Gabon Controverse sur le rôle de la France : 25 ans après, toujours "un déni" Génocide rwandais
  • 12. 23AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les Afriques L e béret des Forces armées centrafricaines (Faca) n’avait plus été vu Kaga Bandoro depuis des années et cette zone stratégique, carrefour de transhumance, était depuis 2014 contrôlée uniquement par des groupes armés.  Mi-mai, après cinq ans d’absence, les Faca sont revenues, signe que l’accord de paix centrafricain conclu début février entre le gouvernement et quatorze groupes armés commence ici à porter ses fruits, même si sa mise en œuvre reste lente et fragile.  Le 18 mai, 100 soldats et 6 officiers sont entrés dans la ville qui vit sous la coupe de trois groupes issus de l’ex-rébellion de la Séléka et de milices anti-balaka. Si les militaires n’ont pas encore le droit de sortir de leur base, ni de mener des opérations, leur arrivée a redonné un peu d’espoir aux habitants. «  Maintenant que les Faca sont là, ils vont chasser les groupes armés  », souffle un vendeur à la sauvette, qui habite un camp de déplacés depuis 2017.  Devant lui pourtant, c’est bien le pick-up d’un groupe armé qui déboule sur la voie, escortant une dizaine de bœufs.  Point de passage important de la transhumance, Kaga Bandoro accueille le plus grand marché de bétail de Centrafrique, faisant d’elle un point stratégique. La taxation du bétail constitue la principale source de revenus des groupes issus de l’ex- Séléka qui escortent notamment les bœufs sur les routes. Car ici, comme ailleurs en Centrafrique, il est fréquent que ces milices attaquent les éleveurs pour voler leur bétail. A Bangui, une tête peut valoir jusqu’à 500.000 FCFA, une manne à l’origine de nombreuses tensions.  Mais depuis quelques mois, les tensions s’apaisent, observe Renner Onana, chef de bureau de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca) de Kaga Bandoro: «  l’année dernière il y avait des violences en ville mais ça s’est calmé avec l’accord de paix  ». L›accord de paix a été signé début février à Bangui entre quatorze groupes armés et les autorités. Préparé depuis 2017 par l›Union africaine, il est le huitième signé depuis le début de la crise en 2013. « Maintenant nous faisons des rencontres avec les groupes armés et le préfet », ajoute M. Onana. Alors, l’arrivée des Faca le 18 mai a été perçue comme un signe positif, d’autant plus que les militaires centrafricains avaient été empêchés de se déployer dans la ville à plusieurs reprises depuis leur départ en 2014. En 2017, par exemple, une tentative avait échoué, du fait de vives tensions avec les groupes armés. Et plus récemment, début mai, les bérets rouges entrés dans la ville avaient été sommés de partir deux heures après par l’un des principaux groupes qui contrôlent la ville, le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC). A l’ombre d’un manguier, entouré de pick-up équipés de mitrailleuses, Maruf Mahamat Jabo, le porte-parole du MPC soupire : «il y a eu un problème de communication, le gouvernement ne nous avait pas prévenus de leur arrivée ».  Encore des efforts à faire Finalement, une délégation ministérielle dont une partie des membres est issue des groupes armés, arrivée sur place le 15 mai, a fini de les convaincre. « Nous avons discuté, nous avons dit que les Faca ne pourront pas se déployer tant que les Comités techniques de sécurité composés de patrouilles mixtes n’étaient pas en place. Mais nous avons commencé à travailler avec eux », explique M. Jabo. L’accord de paix prévoit la mise en place de patrouilles mixtes de militaires et de membres de groupes armés en vue de rétablir la sécurité sur l’ensemble du territoire. Plus de trois mois après sa signature, ces patrouilles ne sont toujours pas opérationnelles.  Les principaux groupes armés de la zone ont remis à la Minusca et à l’Etat une liste d’éléments pour constituer ces brigades. Mais une scission à l’intérieur d’un groupe, le FPRC, ralentit aujourd’hui le processus. Dans l’ensemble, «  il y a eu un effort de certains groupes armés pour prouver leur bonne foi  », reconnait le chef du bureau de la Minusca. Certains «  ont rendu visite aux Faca avec du carburant et du sucre  ». Pour autant, la récente accalmie n’a pas fait disparaitre les exactions sur les axes de Kaga Bandoro. Depuis janvier, par exemple, 297 viols ont été dénombrés dans la seule région, déplore le chef de bureau de la Minusca. «  L’arrivée des Faca à Kaga Bandoro a détendu l’atmosphère, mais nous restons très vigilants », conclut M. Onana. L’Armée regagne du terrain au nord du pays RCA 23AFRIK’ ACTUELLE • Nº27 Octobre - Novembre 201822 AFRIK’ ACTUELLE • Nº27 Octobre - Novembre 2018 Tribune B ilan plutôt mitigé quelques mois après la première vague de manifestations réclamant le départ du chef d’État algérien, Abdelaziz Bouteflika. Entamé le 22 février, le mouvement de protestation populaire a certes obtenu, début avril, la démission de son président fantomatique. Mais il reste une inconnue de taille sur la longue route de la transition politique: le rôle que l’armée compte se donner à l’avenir. Établi début mars par des médias français, l’organigramme du pouvoir algérien a été considérablement modifié depuis. Le renoncement d’Abdelaziz Bouteflika a entraîné en cascade la chute des principaux piliers du “système” tant décrié par la rue, à commencer par le frère de l’ex-président, Saïd Bouteflika, arrêté avant d’être déféré devant un tribunal militaire en compagnie de deux anciens chefs des services de renseignement pour “atteinte à l’autorité de l’armée” et “complot contre l’autorité de l’État”.  Personnalités hors course L’un des hommes d’affaires les plus riches du pays, Ali Haddad, un industriel à la tête de l’équivalent du Medef, a été jugé fin mai pour “faux et usage de faux” après son interpellation fin mars à la frontière tunisienne alors qu’il tentait de quitter l’Algérie. Convoqué lui aussi par la justice dans une affaire de corruption, l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, soupçonné de “dilapidation de fonds publics”, est ressorti libre d’une audition menée fin avril. Quant au chef de la puissante centrale syndicale UGTA, Abdelmadjid Sidi- Saïd, fortement contesté en interne, il a finalement annoncé après 22 ans de règne qu’il ne briguera pas un nouveau mandat fin juin. Après quatre-vingts jours de révolte pacifique, toutes les personnalités décrites comme pilotant le “système” sont désormais sont hors course. Toutes... sauf le chef de l’armée, Ahmed Gaïd Salah. C’est d’ailleurs lui qui, selon des observateurs, piloterait l’opération “mains propres” visant les oligarques, mais aussi, plus curieusement, des opposants politiques, comme Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, mouvement d’inspiration trotskiste, qui a été écrouée le 9 mai dernier à l’issue d’une audition par la justice... militaire. Preuve ultime, et bien visible, que le général Gaïd Salah, 79 ans, dirige actuellement l’Algérie: le JT officiel n’a d’yeux que pour lui. La télévision d’État rapporte depuis plusieurs semaines ses moindres faits et gestes. De ses discours à caractère politique et à ses inspections des troupes... jusqu’aux chambrées, en passant par la supervision d’exercices militaires à travers tout le pays, impossible d’échapperàla“nouvellestar”duJTen Algérie. Mais bien à voir, le général est- il lui-même exempt de tout reproche? Que non. Comptable du système Bouteflika lui aussi il commence à faire l’objet de fortes critiques au sein de la population qui continue de manifester. Il a voulu imposer la tenue de l’élection présidentielle de juillet mais les manifestants ont eu raison de lui. Il a reculé et reporté l’élection faute de candidats sérieux. Et si la rue était plus forte que le général ? Par Nabil TOUATI Qui dirige l’Algérie ? Derrière un mur de barbelés, des dizaines de tentes ont été montées. Devant, deux hommes en treillis militaire montent la garde. Sur leur tête, un béret rouge. Le béret des éléments des Forces armées centrafricaines (Faca). Nous sommes à Kaga Bandoro, dans le nord du pays
  • 13. 24 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 25AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les AfriquesLes Afriques RCA Les chefs de groupes armés peuvent-ils conservé leurs postes ? Un collectif exige le limogeage de chefs de groupes armés après des tueries Q uatorze partis politiques et organisations de la société civile centrafricains a exigé le retrait des décrets nommant certains chefs de groupes armés à des postes étatiques, une semaine après les massacres perpétrés dans l'ouest du pays. Dans un communiqué, le Front uni pour la Défense de la nation « exige du président de la République de rapporter sans délai les décrets portant nomination » de trois chefs de groupes armés "comme conseillers militaires" ainsi que la traduction devant la justice de deux d'entre eux. Notamment visé, le chef du groupe 3R, Bi Sidi Souleymane (alias Sidiki), qui a été nommé « conseiller spécial militaire» auprès du Premier ministre, à la suite de l'accord de paix conclu au début de l'année entre le gouvernement de Bangui et quatorze groupes armés contrôlant une grande partie de la Centrafrique. Fin mai, au moins 50 personnes ont été tuées dans l'ouest du pays dans des massacres imputés aux 3R. Le gouvernement et la Minusca (Mission des nations Unis pour la stabilisation de la Centrafrique) ont alors adressé au groupe un ultimatum de 72h à l'issue duquel les responsables du massacre devaient être transmis aux autorités centrafricaines et les barrières et bases des 3R démantelées. « Aucune action forte n'a été menée par le gouvernement à l'expiration de l'ultimatum de 72h», ont dénoncé les signataires du communiqué. Parmi eux, figurent des organisations de premier plan, comme le Groupe de travail de la société civile sur la crise centrafricaine (GTSC), ou les mouvements politiques de l'ancien Premier ministre Anicet Dologuele et de celui de l'ancien ministre Jean Serge Bokassa. « Nous assistons ces derniers temps à la recrudescence des violences des groupes armés dans l'arrière-pays », ont déploré les organisations dans leur communiqué. « Aujourd'hui plus rien ne peut justifier de tels actes de barbarie dans la mesure où tous les groupes armés sont non seulement signataire de l'accord (...) mais ont également bénéficié de promotions au sein de la haute administration », ont-elles ajouté. L'accord de paix dit de Khartoum où il a été négocié a été signé début février à Bangui entre les quatorze groupes armés et les autorités. Préparé depuis 2017 par l'Union africaine, il est le huitième signé depuis le début de la crise en 2013. A la suite de cet accord, un nouveau gouvernement a été installé et plusieurs représentants de groupes armés ont été nommés à des postes gouvernementaux, ainsi qu'à la primature et dans les administrations. «  Ilssesontdéployésenarmesdanslequartier. Ilsnousmenacent pour garder les commerces fermés  », c’est le témoignage d’un commerçant du quartier PK5 qui a souhaité gardé l’anonymat. « Ils ont imposé une ville morte pour trois jours, en signe de deuil », a également déclaré un autre habitant du même quartier, qui assure que des tirs de petit calibre ont résonné dans la matinée. Un autre commerçant a déclaré que les éléments du groupe « d'autodéfense » avaient « saccagé le marché pour protester contre un commerçant » qui avait brisé le couvre-feu. Le PK5 est en proie à des violences sporadiques depuis 2014. C’est dans ce quartier traditionnellement à majorité musulmane que s’étaient réfugiés beaucoup de musulmans de Bangui après la guerre civile qui a ravagé la capitale en 2013, opposant Séléka, forces rebelles musulmanes, et Anti-Balaka, milices animistes et chrétiennes. En avril 2018, la Mission des Nations Unies en Centrafrique (Minusca) avait lancé l’opération Sukula (nettoyage en sängö) visant à arrêter «Force». Cette opération répondait à un appel lancé par l’association des commerçants du PK5 qui avait fixé un ultimatum à la Minusca pour qu’elle démantèle ces groupes armés, accusés de violences et d’exactions envers les commerçants et la population. L’opération s’était soldée par un échec avec une trentaine de morts et une centaine de blessés. Riche en ressources naturelles, la Centrafrique est déchirée par la guerre, qui a forcé près d’un quart des 4,5 millions d’habitants à fuir leur domicile. Un accord de paix a été signé à Bangui début février entre le gouvernement et quatorze groupes armés. Il est le huitième signé depuis le début de la crise marquée par le renversement en mars 2013 du président François Bozizé mais la paix des armes ne règne toujours pas dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres au monde. Quand le décès d’un chef de guerre paralyse le quartier PK5 à Bangui RCA Trois jours de deuil ont été imposés début juin aux habitants et commerçants du quartier PK5 de Bangui, après l'annonce de la mort du chef de l'un des principaux groupes "d'autodéfenses" de ce quartier à majorité musulmane. Le général Nimery Matas Djamous (alias Force) est mort le 1er juin des suites d'une longue maladie. «   La richesse cumulée des cinq Nigérians les plus riches s'élève à 29,9 milliards de dollars, soit plus que l'intégralité du budget duNigériaen2017 » ;« AuGhana, une fille de famille pauvre est  14  fois plus susceptible de n’être jamais allée à l’école qu’une fille de famille riche. » Deux exemples parmi tant d’autres qui sont un constat frappant dont regorge le dernier rapport d’Oxfam sur « La crise des inégalités en Afrique de l’Ouest  ». Tant de chiffres et de comparatifs pour montrerunechose :lesécartsderichesse en Afrique de l’Ouest sont abyssaux et cela ne fait qu’empirer. Pendant qu’une minorité croissante devient de plus en plus riche, la majorité de la population n’a pas accès à des éléments essentiels comme l’accès à l’éducation, la santé ou un emploi décent. Que font les gouvernements pour réduire ces inégalités grandissantes ? S’intéressent- ils tout bonnement à cette question ?  L’Afrique de l’Ouest à la traîne L’indice régional d’Oxfam de l’engagement à la réduction des inégalités (ERI) a permis d’évaluer l’action des pouvoirs publics des quinze pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (la Cedeao regroupe le Bénin, le Burkina Faso, le Cap-Vert, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Niger, le Nigeria, le Sénégal, la Sierra Leone et le Togo) et de la Mauritanie. Et ce en étudiant les données dans des grands domaines d’action reconnus comme étant indispensables dans la lutte contre les inégalités : -- consacrer des dépenses progressives à des secteurs comme l’éducation, la santé et la protection sociale, -- imposer les plus riches davantage que les plus pauvres, -- payer aux travailleurs un salaire minimum vital. La conclusion est  formelle  : «  Les gouvernements d’Afrique de l’Ouest exacerbent les inégalités en sous- finançant les services publics, tels que la santé et l’éducation, tout en sous-taxant les entreprises et les plus riches. » En comparaison, « sur les cinq grands blocs économiques d’Afrique, l’Afrique de l’Ouest se laisse distancer, explique le rapport. […] Les citoyens d’Afrique de l’Ouest vivent sous des gouvernements dont l’engagement à réduire les inégalités n’arrive qu’à la moitié de celui de leurs homologues d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe. » « Quand on voit du rouge et de l'orange presque partout sur une carte, c'est qu'il faut sérieusement déclencher la sonnette d'alarme, c'est qu'il y a urgence, prévient Adama Coulibaly, directeur régional d’Oxfam International pour l’Afrique de l’Ouest. L’ERI doit permettre aux pays de la région de se rendre compte qu’ils ont beaucoup à faire. »  Une croissance qui profite à quelques-uns Pendant longtemps, les économistes ont pensé que tant qu’il y a plus de croissance, il y a plus de richesse pour tous. En somme, que tout le monde profite d’une croissance soutenue. Comment expliquer alors que dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Sénégal, qui figurent en  2018  parmi les dix économies à la croissance la plus rapide au monde, le nombre de personnes à entrer dans la pauvreté augmente aussi ? Ces dernières années, «  le Fonds monétaire international (FMI) s’est rendu compte qu’une croissance inégalitaire était en fait un frein à la réduction de la pauvreté d’une part, mais aussi un frein à la croissance future, explique Susana Ruiz, responsable du pôle justice fiscale chez Oxfam International. C’est maintenant que les pays concernés doivent agir. Mais ce n’est pas une fatalité. Les gouvernements peuvent, par des politiques bien menées, changer les choses ». Le rapport donne l’exemple du Burkina Faso et du Sénégal qui, «  par leurs modestes investissements dans des politiques de dépenses sociales progressives  », sont des «  exceptions notables ».  Agenda politique d’action Les rédacteurs proposent un agenda politique qui, selon eux, permettrait de réduire «  considérablement  » les inégalités en Afrique de l’Ouest. Cinq recommandations sont adressées aux gouvernements, comme l’augmentation des dépenses sociales, permise par le développement d’une fiscalité progressive qui augmenterait les recettes fiscales, le renforcement de la protection du marché du travail et des investissements dans l’agriculture. D’autressontaussiadresséesàlaCedeao pour qu’elle reconnaisse au moins la crise des inégalités, qu’elle en fasse un cheval de bataille et encourage à un « nivellement vers le haut ». « De façon générale, nous pensons que la Cedeao devrait bien plus s’impliquer qu’elle ne le fait maintenant  », conclut Adama Coulibaly. D’après le responsable, elle « s’est montrée sensible ». Il reste donc à transformer cet intérêt en volonté politique plus ferme pour que la croissance ouest-africaine ne laisse pas la grande majorité de la population sur la touche. La bombe des inégalités Afrique de l'Ouest Par Marie Lechapelays, à Dakar pour Le Point À en croire le nouvel indice sur l'engagement des pays à la réduction des inégalités de l'ONG Oxfam et du Development Finance International (DFI), l'Afrique de l'Ouest fait figure de très mauvais élève.
  • 14. 26 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 27AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les AfriquesLes AfriquesLes Afriques Les Afriques va devoir gérer toutes les forêts" au Gabon, déclare Marc Ona, président de l'association Brainforest et membre de l'opposition. "Lee White a des ambitions démesurées, mais s'il n'a pas réussi à l'ANPN pourquoi y arriverait- il sur toute l'étendue du territoire? Ce n'est pas un problème d'homme à la tête de ce ministère, mais tout le système autour de l'exploitation forestière qui est corrompu", souligne cet expert gabonais. La nomination de Lee White intervient après le scandale du "kevazingogate" qui a ébranlé la classe politique et conduit au limogeage du ministre des Forêts Guy Bertrand Mapangou et du vice-président du Gabon, Pierre Claver Maganga Moussavou, le 21 mai dernier. Fin février et début mars, près de 5.000 mètres cube de kévazingo, une essence rare interdite d'exploitation au Gabon et d'une valeur d'environ 7 millions d'euros, avaient été découverts dans deux sites d'entreposage appartenant à des sociétés chinoises, au port d'Owendo, à Libreville. Une partie du kévazingo était chargée dans des conteneurs sur lesquels figurait le tampon du ministère des Eaux et Forêts indiquant une cargaison d'okoumé, une essence de bois dont l'exploitation est autorisée. Représentant 60% du PIB (hors hydrocarbures), le secteur forestier est l'un des piliers historiques de l'économie du Gabon, un pays recouvert à près de 80% par la forêt. Fin mars, le rapport d'une ONG britannique avait aussi dénoncé les pratiques illégales d'un groupe chinois à l'origine d'un vaste trafic d'exploitation de bois au Gabon et au Congo, accusant notamment plusieurs personnalités politiques et agents de l'administration d'y être impliqués. A cette période, Lee White a publié plusieurs messages politiques sur son compte Twitter, à l'image d'un tweet, publié mi-mai, où il met en exergue ce rapport ciblant notamment l'opposant Jean Ping, candidat malheureux à la présidentielle de 2016 qui revendique toujours la victoire. Il annonçait déjà les couleurs. Q uelques semaines après la révélation du "kevazingogate", un trafic de bois précieux qui a provoqué un scandale politique au Gabon, la présidence a annoncé le 11 juin dernier un remaniement ministériel dont le changement le plus notable est la nomination de Lee White aux commandes de ce ministère. Naturalisé gabonais en 2008, Lee White, 53 ans, est né à Manchester et a notamment grandi en Ouganda, où "il se bagarrait à l'école avec les fils (du président) Idi Amin Dada", selon sa biographie officielle. Titulaire d'un doctorat en zoologie après une thèse sur la réserve de faune de Lopé- Okanda au Gabon, il est décoré en 2010 par la reine Elizabeth II pour services à la protection de la nature en Afrique centrale, selon la même source. Selon des médias gabonais, il est surtout connu pour être "le monsieur vert des présidents Bongo (père et fils)". Avant sa nomination, il dirigeait l'Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) depuis 2009. L'ANPN est chargée de la gestion des 13 parcs nationaux créés par le défunt président Omar Bongo Odimba, le 4 septembre 2002. Lee White est "un homme passionné, mais aussi un fin politicien", a déclaré sous couvert d'anonymat un spécialiste du monde de la protection de la nature au Gabon. Arrivé dans au Gabon en janvier 1989, il serait un passionné du continent, selon des médias gabonais. Il aime notamment donner des interviews en marchant dans la luxuriante forêt du parc national Raponda Walker, près de Libreville. "Cette nomination ne peut être qu'une bonne nouvelle pour le monde des protecteurs de l'environnement au Gabon", s’est réjouit le directeur de l'ONG américaine de défense de l'environnement WCS au Gabon Gaspard Abitsi. "Il connaît parfaitement les défis de la conservationauniveaunationalcomme international. Nous espérons que cela va aider à accélérer la préservation de la faune et de la flore ici".  Une nomination qui ne pas pour tout le monde Cet enthousiasme n'est toutefois pas partagé par tous. "Il y a aujourd'hui d'énormes problèmes de gestion à l'ANPN, qui ne représente que 10% du territoire. Désormais, Lee White Un Britannique à la tête d’un ministère Gabon Par Depe’s TARA Le président gabonais Ali Bongo Odimba a créé la surprise le 11 juin dernier en propulsant un Britannique naturalisé gabonais, Lee White, réputé pour être un écologiste intransigeant, à la tête du ministère gabonais des forêts, Une nomination audacieuse et inédite en Afrique (mettre un point avant « une nomination audacieuse et inédite en Afrique »). ...Ce n'est pas un problème d'homme à la tête de ce ministère, mais tout le système autour de l'exploitation forestière qui est corrompu...
  • 15. 28 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 29AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les Afriques Les Afriques pour un montant moyen de 90 millions d’euros. Ce système se passe de points physiques puisque les transactions sont gérées en ligne, permettant des commissions autour de 5%. Citons également Beam au Ghana ou Bitpesa au Sénégal qui utilisent les bitcoins pour réduire les frais de commissions à 3%. Enfin, la néo-banque Revolut propose d’envoyer une MasterCard à un proche, puis de l’alimenter à distance. L’ensemble de ces services est gratuit et les taux de change appliqués sont ceux du marché. D’autres actions, qui pourraient être répliquées sur le continent, émergent en Asie et aux États-Unis. Comme WeChat, premier réseau social en Chine (600 millions d’utilisateurs) qui a lancé son système de transfert d’argent. Aux États-Unis, Facebook et Snapchat ont tous deux inauguré leur service de transfert d’argent. Sur un continent où le mobile est devenu un outil puissant d’inclusion, l’envoi et la réception de fonds par téléphone est assurément l’avenir : à quand un service de transfert via WhatsApp, par exemple ?  Tirer profit de l’épargne thésaurisée En plus des fonds envoyés, il existe un second marché, celui de l’épargne non envoyée. Pour la transformer en actif mobilisé pour le continent, les entreprises comme les États cherchent à proposer des produits ou services porteurs de rendement. Cette stratégie gagnant-gagnant dynamiserait, in fine, la création de richesses et d’emplois en Afrique. La capacité des opérateurs privés comme publics à favoriser la rencontre entre outils financiers adaptés et projets structurés constitue l’un des principaux leviers de captation de l’épargne de la diaspora. Ainsi, de nouveaux services se développent, notamment dans l’assurance (rapatriement de corps, capital funérailles, sécurisation des retraites) ou encore l’immobilier. Des opérateurs variés s’y positionnent, d’Axa aux fintech. Au Maroc, le secteur de l’immobilier représente plus de 40% des investissements, contre 14% pour le secteur productif. Il n’est donc pas étonnant que le crédit immobilier soit considéré par la diaspora marocaine comme le premier produit «  sûr  » d’épargne retraite.  Sécuriser les investissements grâce aux initiatives fintech Les bailleurs de fonds tendent à privilégier le financement de jeunes pousses comme accélérateur du développement, de la même manière que des opérateurs privés comme Orange s’appuient sur les incubateurs locaux pour rester à la pointe des évolutions du continent. Capitaliser sur des opérateurs et véhicules formalisés peut être particulièrement pertinent pour les acteurs éprouvant des difficultés à entreprendre en Afrique (complexités logistiques, déficit de confiance dans les partenaires locaux…). La diaspora peut elle-même proposer des solutions pour sécuriser les investissements sur le continent. Parmi les exemples de réussite dans ce domaine figure FiftyFor, plateforme de notation d’entreprises, qui pallie le manque de confiance dans les partenaires informels grâce à un algorithme permettant de noter sans bilans financiers grâce à l’évaluation par l’historique des actions. La donnée est capturée au niveau des applications de paiement mobile et les transactions sont évaluées. Le track record ainsi reconstitué permet de connaître le client et d’élaborer sa notation. Autres initiatives permettant d’instaurer un climat de la confiance  : Afrikwity, plateforme d’equity crowdfunding, qui garantit un investissement sécurisé dans des start-up et PME africaines.  Attirer les fonds grâce aux initiatives étatiques Les instruments de la dette souveraine, notamment l’émission de bons de la diaspora (diaspora bonds) figurent parmi les initiatives institutionnelles pertinentes pour mobiliser l’épargne de la diaspora. Pour les États, ces bons représentent une source de financement alternative aux emprunts sur le marché international ou auprès des institutions de Bretton Woods. Pour la diaspora, ils constituent un placement sûr, au rendement garanti, ainsi que l’occasion de contribuer au financement de projets structurants pour le développement du pays d’origine. Depuis les années  2000, seuls cinq pays, principalement en Afrique anglophone, ont émis des diasporas bonds  : Éthiopie, Ghana, Kenya, Nigeria et Rwanda. En 2017, le Nigeria a émis avec succès ses premiers bons  :  300  millions de dollars dédiés aux projets d’infrastructure. En définitive, les diasporas africaines sont créatrices de valeurs au nord comme au sud. L’enjeu, pour les États africains, réside dans leur capacité à proposer des dispositifs adaptés. Il semble judicieux d’opter pour une approche hybride. Cette démarche reposerait sur deux fondements : -- -allier initiatives privées (fintech, opérateurs télécoms…) et publiques (levée de fonds) ; -- capitaliser sur les verticales d’activités  en structurant des véhicules financiers spécifiques à des secteurs jugés prioritaires pour le développement (exemple : fonds diaspora dédié à l’éducation ou à l’énergie, produits clés en main pour l’accès à la propriété immobilière). Mais, au-delà des initiatives étatiques, la diaspora a intérêt à transformer ce challenge en opportunité business en créant elle-même les outils lui permettant d’injecter des capitaux dans les économies africaines. S elon l’African Institute of Remittances (AIR), les transferts de fonds de la diaspora africaine ont atteint 65 milliards de dollars en 2017, soit plus du double de l’aide publique au développement des bailleurs de l’Afrique, qui était de  29  milliards. Il s’agit d’une hausse de 36 % en moins de dix ans, selon le Fonds international de développement agricole (Fida). Le continent occupe la 3e place en termes de montants reçus, derrière l’Asie-Pacifique et l’Amérique latine.Lesdeuxtiersdesfondsmobilisés par la diaspora servent d’abord de filet de sécurité social et pallient les besoins de financement de la vie courante. Si ces ressources répondent à de vraies problématiques du quotidien, elles n’irriguent que très peu les circuits formels de création de richesses : PME, projets de développement ou encore infrastructures. Comment capter cette manne financière au profit du financement des économies ? Quelles opportunités en termes de véhicules et outils financiers pouvant capter les ressources de la diaspora ?  Anticiper les nouvelles modalités de transfert d’argent Western Union et MoneyGram représentent les deux tiers des points de transfert d’argent sur le continent, position dominante qui peut expliquer les commissions pratiquées : entre  10  et 15  % du montant envoyé, contre une moyenne mondiale à 7,8 %. Des taux qui «  font perdre  » chaque année au continent près de 1,6 milliard d’euros, de quoi financer l’éducation dans  14  millions d’écoles primaires, d’après l’ONG Overseas Development Institute (ODI). La Banque mondiale dans ses objectifs de développement durable (ODD) ainsi que le G8 ont plusieurs fois exprimé leur désir de ramener ces commissions à 5  %, mais, faute de mesures incitatives ou coercitives, ils n’ont pas été écoutés. À l'instar d'Orange qui a ouvert en juin 2018 sa première boutique Orange MoneyàParis,donnantaccèsàquatorze pays d›Afrique, ce sont donc d›autres acteurs économiques qui ont décidé d'innover pour concurrencer les leaders historiques du transfert d›argent. De même, côté fintech, les propositions de valeurs sont nombreuses. Parmi elles, WorldRemit, créé en Somalie, effectue 300 000 transactions par mois Comment mobiliser la manne économique de la diaspora africaine ? Par Jean-Michel Huet, Astrid de Bérail et Melissa Etoke Eyaye L'Afrique occupe la 3e place en termes de montants reçus de sa diaspora, derrière l'Asie-Pacifique et l'Amérique latine. Plus que jamais, il importe de galvaniser les transferts pour un impact encore plus fort. ... la diaspora a intérêt à transformer des initiatives en opportunité business en créant elle-même les outils lui permettant d’injecter des capitaux dans les économies africaines
  • 16. 30 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 31AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les AfriquesLes Afriques L e 1er juin dernier, à un bon millier de kilomètres de distance, deux figures de légende, rapatriées après un long exil, ont été portées en terre. L’Angolais Jonas Savimbi, défunt gourou de l’Unita, rébellion soutenue jadis par Washington ou par l’Afrique du Sud de l’apartheid ; et le Congolais Etienne Tshisekedi, archétype de «l’opposant historique», procureur du maréchal-président Mobutu – dont il fut aussi l’éphémère Premier ministre – puis de la dynastie Kabila, décédé à Bruxelles en février 2017.  Dans les deux cas, il aura fallu que s’étiole l’emprise de l’autocrate au pouvoir -Jose Eduardo dos Santos à Luanda, Joseph Kabila à Kinshasa- pour que sonne enfin l’heure d’un repos supposé éternel. Pour l’un comme pour l’autre, de tortueuses et tardives tractations, rançon d’une méfiance tenace, auront retardé le retour de la dépouille. Bien sûr, le temps d’une trêve, la sacralité du trépas et des rites funéraires supplante les calculs politiques. Mais on sait bien que le propre de la trêve est de ne pas durer.  En matière de destinée posthume, toute analogie serait hasardeuse. Quoi de commun, sinon la même silhouette trapue, une indéniable bravoure et une aura incontestée, entre Tshisekedi père, cofondateur en 1982 de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), et le guérillero Savimbi, généreuse idole de la droite néo-libérale française ? Entre «le sphinx de Limété» -référence à son fief kinois *- et «le Coq noir» ? Pas grand-chose, à vrai dire. Pas même le costume de scène. Sobre chemisette et casquette furieusement sixties pour le premier ; treillis vert olive de maquisard, pistolet à la hanche et canne ouvragée pour le second.  Ennemi juré de dos Santos, ce protégé de l’URSS et du castrisme cubain, «Jonas» fut l’un des derniers héros de la guerre plus ou moins froide que se livraient les deux blocs, soviétique et occidental, en terre d’Afrique. Un accrochage, survenu le 22 février 2002 près de Luena (centre), alors qu’il fuit vers la Zambie, lui sera fatal. Le lendemain, ses hommes l’inhument en catimini. Ainsi s’achève un conflit à épisodes qui, en un quart de siècle, aura coûté la vie à 500 000 Angolais.  De Luanda à Kinshasa Jonas Savimbi comme Etienne Tshisekedi Ce sont deux grandes figures de la scène politique africaines qui ont été portées en terre début juin des années après leur mort. : Jonas Savimbi et Etienne Tshisekedi. Les populations ont tenu à rendre hommage à leurs « héros ». ... Quoi de commun, sinon la même silhouette trapue, une indéniable bravoure et une aura incontestée... Ce n’est donc que dix-sept ans plus tard que son cadavre, identifié au prix d’un test ADN, rejoindra le village familial de Lopitanga et le monument hexagonal dessiné par l’un de ses fils. Dans sa tombe, le galo negro emporte son charisme ravageur et ses sombres travers, à commencer par une paranoïa effrénée et des pulsions criminelles de prédateur sexuel. Savimbi pouvait tuer par jalousie ou par dépit, au point d’immoler par le feu, en public, les femmes qui se refusaient à lui.  Après maintes péripéties, reflets de la duplicité de l’ex-président Joseph Kabila, le corps d’Etienne Tshisekedi a quant à lui quitté le 30 mai son funérarium bruxellois pour rallier «Kin». Suivront trois jours de «festivités» moins poignantes qu’escompté. Dans un pays-continent rongé par la misère, le coût estimé -2,2 millions d’euros- du mausolée édifié à Nsele, bastion mobutiste, a peut-être douché quelques ardeurs. De même, nul doute que la portée politico-diplomatique des funérailles aura terni la ferveur de l’hommage rendu à un meneur vénéré, capable, sur un mot d’ordre, de jeter dans les rues des centaines de milliers de fidèles.  Au stade des Martyrs, où sa dépouille fut longuement exposée, les exégètes ont scruté la tribune VIP, histoire de recenser les Excellences absentes et les dignitaires présents -à commencer par le Rwandais Paul Kagamé- au côté de Félix Tshisekedi, fils d’Etienne et successeur de «Jo» Kabila. Lequel, pourtant annoncé, n’a pas daigné paraître ; pas plus que Martin Fayulu, l’opposant qui, selon toute vraisemblance, fut le véritable vainqueur de la présidentielle du 30 décembre 2018, meurtri de n’avoir pas été formellement invité.  Nul ne peut douter de l’émotion ressentie à l’heure des obsèques par l’héritier Félix, lui qui batailla deux années durant pour obtenir le retour au pays de son défunt géniteur. Reste qu’un singulier paradoxe aura flotté sur les cérémonies. Tshisekedi Jr, promu chef de l’Etat aux termes du pacte scellé avec Kabila, a conduit jusqu’à son ultime demeure le paternel qui, en novembre 2011, devança vainement dans les urnes le même Kabila, sortant sauvé par la fraude.  «Il est plus grand mort que vivant». On se souvient de l’oraison lapidaire lâchée par Henri III devant la dépouille du duc de Guise, dont il avait commandité l’assassinat. C’est ainsi, de l’oratoire du château de Blois aux rives du fleuve Congo : post mortem, les fantômes des ennemis disparus hantent sans relâche les nuits des despotes.  ... Nul ne peut douter de l’émotion ressentie à l’heure des obsèques par l’héritier Félix, lui qui batailla deux années durant pour obtenir le retour au pays de son défunt géniteur.
  • 17. 32 AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 33AFRIK’ ACTUELLE • Nº29 JUILLET - Août 2019 Les AfriquesLes Afriques L a tension est montée d’un cran entre la Libye et la France depuis quelques temps. Le ministère de l’Intérieur du gouvernement d’union nationale libyen - reconnu par la communauté internationale - a directement accusé la France, pour la première fois, de soutenir le maréchal Khalifa Haftar dont les forces ont lancé un assaut contre la capitale Tripoli.   Selon un communiqué publié par son service de presse, le ministre de l’Intérieur Fathi Bach Agha, a ordonné «la suspension de tout lien entre [son] ministère et la partie française dans le cadre des accords sécuritaires bilatéraux (...) à cause de la position du gouvernement français soutenant le criminel Haftar qui agit contre la légitimité».   «Coup d’État» Le maréchal Khalifa Haftar a lancé le 4 avril une offensive contre Tripoli pour «débarrasser la capitale des terroristes». Mais pour l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, la manœuvre «ressemble davantage à un coup d’État qu’à une lutte antiterroriste». Les combats ont fait en deux semaines au moins 189 morts dont des civils et 816 blessés, selon un dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a fait état mercredi de 25 000 déplacés, dont plus de 4 500 ces dernières 24 heures.    A l’ONU, un projet britannique de résolution réclamant un cessez-le-feu et un accès humanitaire inconditionnel aux zones de combats près de Tripoli, n’a pas encore recueilli le consensus nécessaire à son adoption, selon des diplomates. Outre l’Afrique, la Russie et les États-Unis ne soutiennent guère la démarche britannique.   Risque d’enlisement Dans un communiqué en avril, le département des Affaires humanitaires de l’ONU a cependant annoncé le déblocage de 2 millions de dollars pour une aide humanitaire d’urgence à destination des civils pris au piège dans les combats «incluant les réfugiés et les migrants vulnérables».  Mais jusqu’à présent, le maréchal Haftar ne veut pas entendre parler d’un cessez-le-feu. Et Fayez al-Sarraj, chef du «Gouvernement d’entente nationale» (GNA), refuse tout processus politique en l’absence d’un cessez-le- feu et d’un retrait sur les lignes d’avant le début de l’offensive. «Des positions irréconciliables», note un diplomate.  Le risque d’enlisement est réel dans ce pays pétrolier en proie au chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Les diplomates craignent notamment que les belligérants cherchent à se réarmer auprès de leurs soutiens, en dépit de l’embargo sur les armes décrété par l’ONU pour la Libye.  La France derrière le maréchal Haftar ? Libye Le maréchal Haftar a lancé début avril une offensive sur Tripoli que l'émissaire de l'ONU qualifie de "coup d'État". DR ...le maréchal Haftar ne veut pas entendre parler d’un cessez-le- feu. Et Fayez al-Sarraj, chef du «Gouvernement d’entente nationale» refuse tout processus politique en l’absence d’un cessez- le-feu... L a Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire française, a rejeté le pourvoi du frère cadet de Blaise Compaoré, ex-président chassé par une insurrection populaire en 2014, après 27 ans de pouvoir. Elle a aussi refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité déposée par sa défense contre les textes régissant l’extradition. Le gouvernement français doit désormais prendre un décret pour rendre effective l’extradition de François Compaoré, soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de Norbert Zongo, un journaliste d’investigation indépendant très critique vis-à-vis du pouvoir de l’époque, dont la mort avait provoqué une crise politique. Agé de 64 ans, François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport parisien Charles-de-Gaulle en octobre 2017 en exécution d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de Ouagadougou. Le ministre burkinabè  de la Justice, René Bagoro, a salué sur la télévision nationale une «victoire d’étape». «  La   présence de François Compaoré (au Burkina) est un élément  important pour l’avancée du dossier Norbert Zongo  », a-t- il estimé.  «  Nous sommes sereins, nous restons optimistes  en espérant que les autorités françaises vont certainement  prendre rapidement ce décret  » afin que   François Compaore « soit remis à la justice » burkinabè, a déclaré le ministre. RobertZongo,frèrecadetdujournaliste assassiné, s’est également félicité de la décision française. « Cette décision de la justicefrançaiseestsalutaire».«François Compaoré aura tout son temps pour faire tous les recours qu’il voudra (...)   j’ai la conviction qu’il rentrera au Burkina Faso», a-t-il déclaré.  «  Le peuple burkinabè aura toujours soif de justice dans l’affaire Norbert Zongo  ». «  C›est une étape importante dans le processus (...) de justice pour Norbert Zongo parce que Francois Compaoré est le principal suspect en tant que commanditaire de l’assassinat  », a estimé Abdoulaye Diallo, directeur du centre de presse Norbert Zongo.  La défense de Compaoré va faire appel Me François-Henri Briard, avocat de M. Compaoré, a indiqué qu’»à supposer qu’un décret soit effectivement signé par le gouvernement français», il l’attaquerait devant le Conseil d’Etat. «On a perdu une bataille, mais pas encore perdu la guerre. M. Compaoré n’est pas encore extradé», a-t-il déclaré à l’AFP. Le 5 décembre 2018, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait autorisé l’extradition de M. Compaoré vers Ouagadougou, où le dossier Zongo, classé en 2003 après un non-lieu en faveur du seul inculpé, a été rouvert à la faveur de la chute de Blaise Compaoré. Journaliste d’investigation reconnu et directeur de l’hebdomadaire L’Indépendant, Norbert Zongo avait été assassiné le 13 décembre 1998, alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré. Sa mort avait provoqué une profonde crise politique au «pays des hommes intègres». Le journaliste, âgé de 49 ans, auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant une mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, avait été tué avec trois de ses compagnons. Les quatre dépouilles avaient été découvertes calcinées dans une voiture.  Demander justice A ce jour, François Compaoré n’est pas inculpé dans son pays, à la différence de trois ex-soldats du Régiment de sécuritéprésidentielle,l’anciennegarde prétorienne de Blaise Compaoré. Dans son arrêt, la Cour de cassation a estimé que la chambre de l’instruction de la Courd’appeldeParisavaitdemandéaux autorités burkinabè «divers éléments complémentaires», afin de savoir si M. Compaoré bénéficierait des «garanties fondamentalesdeprocédure,desdroits de la défense et d’un procès équitable», et de fait «justifié, sans insuffisance ni contradiction, sa décision». La chambre de l’instruction a «examiné les engagements» de Ouagadougou garantissant que M. Compaoré ne serait pas soumis «à un traitement inhumain et dégradant, notamment, en cas d’incarcération et d’exécution d’une peine d’emprisonnement à vie», a aussi souligné la Cour. Comme l’assassinat de l’ex-président burkinabè Thomas Sankara en 1987, le meurtre de Norbert Zongo garde une forte charge symbolique au Burkina, où chaque année, le 13 décembre, des milliers de Burkinabè  se rassemblent pour demander justice pour l’assassinat du journaliste. François Compaoré sera extradé Burkina Faso Par Olade MOLADE Le gouvernement burkinabè s'est réjoui début juin de la décision de la justice française de valider l'extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, où ce frère de l'ancien président burkinabè est mis en cause dans l'assassinat d'un journaliste en 1998.