Marie-Reine Hassen, une candidature symbole du changement en Centrafrique, Diaspora News magasine, Mars 2010
1. Gratuit
La référence afro-caribéenne
Ne pas jeter sur la voie publique
Politique 4 Invite du mois 26 Sport 28Culture 24Société 18
Diasporasnews
N°5
Mars 2010
Nicolas Sarkozy
en Afrique
Burkina
Faso
Un béninois de la diaspo-
ra honnoré en France :
Niger
Bénin
Marie-Reine HASSEN
UNE CANDIDATURE SYMBOLE DU CHANGEMENT...
en C entr A f ri q ue
Libreville -
Kigali via
Bamako
en 36
heures
2010, année
d’élection
présidentielle
AMADOU RAIMI
RECEVRA LES IN-
SIGNES DE LA LE-
GION D’HONNEUR
LE 17 MARS 2010
les derniers jours de
règne du Président
Mamadou Tandja
champion de la démo-
cratie, en quête d’un
souffle économique
2.
3. Edito
L’année 2009 aura été marquée par la plus grave
crise financière que l’humanité aie connue depuis
celle de 1929. La faillite d’un modèle économique
sans éthique qui a entraîné la mort de maintes en-
treprises même les plus nanties. Les prêts impru-
dents dans l’immobilier aux Etats-Unis à l’origine
de l’effondrement des principaux marchés finan-
ciers et la récession de l’économie de la plupart
des pays industrialisés, se résument, comme on a
pu le comprendre des explications des spécialis-
tes, à des erreurs humaines ou du moins à la bou-
limie des patrons de Wall Street, du CAC 40, du
Dow Jones (…). Comme un effet domino, la crise
des subprimes de 2007 est elle-même à l’origine
de la crise financière de 2008 et 2009.
Si en 2010 les patrons ont repris leurs bonnes
habitudes de générosité à l’instar de la Société
générale qui a décidé de verser 250 millions
d’euros de bonus en 2010 à ses traders, le FMI
et la Banque Mondiale recommandent toujours
la vigilance. Car, la crise financière est certes à
peine derrière nous, mais elle n’est pas totalement
terminée. Son impact se fait toujours ressentir sur
les marchés interbancaires, dans les entreprises,
sur le marché du travail, dans le panier de la mé-
nagère (…) La précarité s’installe même dans les
pays développés et le chômage n’a pas non plus
reculé d’un iota.
Dans les pays du tiers monde, le seuil de pauvreté
a atteint des pics gravissimes. Les populations
n’arrivent toujours pas à manger à leur faim, à
avoir accès à l’eau potable, à se soigner, à s’ins-
truire. Cette crise financière telle que nous la vi-
vons, est le fait de l’homme ou du moins relève
de la responsabilité entière de l’être humain. Si
les richesses de la planète pouvaient être répar-
ties de façon équitable, il est fort à parier que la
pauvreté disparaîtrait et qu’il y aurait moins de
misère sur terre.
Ce qui n’est pas le cas des séries de catastro-
phes naturelles qui s’annoncent depuis le début
de l’année 2010. Ici, l’on parle du sort qui s’abat
sur notre planète devenue subitement folle et in-
contrôlable. Pour certains, Dieu serait en colère
après l’humanité quand d’autres, plus fatalistes,
croient que ces catastrophes naturelles seraient le
signe annonciateur d’une fin du monde certaine.
Une des raisons de la floraison et de la montée en
puissance des sectes qui recrutent à tout vent.
Ces explications quoiqu’elles ne soient pas ration-
nelles affolent l’humanité. Le 12 janvier 2010,
c’est Haïti qui a ouvert la série noire meurtrière
de la colère de la terre. Au moment où le monde
entier est encore mobilisé au chevet des Haïtiens,
la terre a tremblé aux Philippines, au Japon et
elle a encore tremblé au Chili créant la panique
générale et un spectacle de désolation totale.
On imaginait que le drame qui se déroule sous
nos yeux était loin de nos régions, de nos villes
et de nos maisons, mais que non. La France vient
elle aussi d’être touchée par une violente tempête
nommée Xynthia qui a dévasté toute la Vendée
et la Charente Maritime. Les zones d’habitation
ont été entièrement englouties par la montée des
eaux faisant des dizaines de morts et de disparus.
Impuissantes devant l’ampleur de la catastrophe,
les autorités ont tout simplement décrété l’état de
catastrophe naturelle dans cette partie du pays.
Face à ces deux phénomènes, l’un tributaire de
l’homme et l’autre échappant à la volonté de
l’homme, quelle attitude l’humanité doit-elle
adopter? Le débat est ouvert. Mais en imaginant
le pire, c’est-à-dire le scénario d’une planète
vouée à des catastrophes répétitives, l’homme ne
peut que prendre conscience de son devenir et
avoir certainement les pieds sur terre. Le monde
aura ainsi un visage plus humain et on verra sûre-
ment tomber les barrières raciales, économiques,
culturelles à la base des disparités tous azimuts.
L’universalité reprendra tout son sens et ses lettres
de noblesse.
Clément Yao
Diasporas
News
Numéro 5 de mars 2010
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Impression : En France
ISSN : 2105-3928
Économieenberne…planèteencolère!
4. Politique
4
Diasporas News
A
utre temps, autre mœurs :
contrairement à son prédé-
cesseur Jacques Chirac, le
nouveau Président de la Ré-
publique n’a aucune appétence ni une
connaissance profonde de la « chose »
africaine. En témoigne les deux déclara-
tions suivantes. D’abord, celle du candidat
à l’élection présidentielle sur le continent
: « La France n’a pas besoin économique-
ment de l’Afrique pour vivre... ». Vient en-
suite, le discours de Nicolas Sarkozy, fraî-
chement élu Président de la République, à
Dakar en 2007. Il restera dans les annales
de la relation séculaire entre la France
et l’Afrique. A l’époque, le chef de l’Etat
avait estimé que « le drame de l’Afrique,
c’est que l’homme africain n’est pas assez
entré dans l’histoire… ». Tonitruant, vire-
voltant, volontariste le candidat de la Rup-
ture voulait marquer d’emblée sa volonté
de rompre avec la Françafrique.
Remise en cause des accords de défense
qui lie la France et ses anciennes colonies,
démantèlement des bases françaises en
Afrique, une politique d’immigration à la
carte ; telles sont les mesures que le nou-
veau locataire de l’Elysée tient à imprimer.
Fini donc, les relations incestueuses faites
de compromissions, de soutien aux vieux
dictateurs qui ont vu passer trois voire qua-
tre Présidents de la République française.
Mais les faits sont têtus : en 2008, les re-
belles tchadiens sont aux portes de N’dja-
mena. Officiellement, la France est pré-
sente pour évacuer ses ressortissants. Mais
le Président Idriss Déby n’a dû son salut
qu’aux instructeurs français affectés au pa-
lais présidentiel et surtout à la sécurisation
de l’aéroport et de l’espace aérien par les
hommes de l’opération Epervier. Toujours
en mars 2008, Jean-Marie Bockel, ministre
de la Coopération passe au secrétariat à
la Défense aux Anciens Combattants, lors
d’un remaniement du gouvernement Fillon
II. Motif : feu Omar Bongo Ondimba aurait
demandé sa tête à l’Elysée suite à des
propos peu amènes envers le Président du
Congo Brazzaville Denis Sassou Nguesso
et lui-même.
La récente tournée africaine de Sarkozy
est le signe d’une modération et d’une ré-
vision de sa politique africaine. A mi-man-
dat, il se ravise et se rend compte que les
liens entre la France et le continent sont
indéfectibles et qu’il a du mal à s’en dé-
barrasser. Pour le coup, ce voyage express
de 36 heures résume toute l’ambigüité de
cette relation.
La première étape :
Gabon
C’est la 3ème fois que le chef de l’Etat
français rend visite à ce pays. Et pourtant,
il s’est fait siffler par le public lorsqu’il
est venu assister aux obsèques du père
de l’actuel Président Ali Bongo, en 2009.
Cette fois-ci, l’accueil que le pays hôte lui
a réservé est digne de la belle époque
des années 1960-70 : folklore, bandero-
les et pompons. Les deux parties voulaient
que cette rencontre soit une vitrine de la
refondation d’un partenariat privilégié. Le
Président Ali bongo veut conforter son sta-
tut de chef d’Etat moderne et démontrer
en même temps qu’il est le digne héritier
de son père après avoir pris la précau-
tion d’écarter quelques fidèles collabora-
teurs de ce dernier. Les deux chefs d’Etat
ont signé un accord de défense, alors que
la France a décidé de conserver sa seule
base militaire en Afrique de l’Ouest à Li-
breville. Au cours d’un discours, le Président
Nicolas Sarkozy a insisté sur « le nouveau
plan stratégique pour le développement
du Gabon dans les cinq ans qui viennent
et le nouvel accord de défense qui sera
Nicolas Sarkozy en Afrique
Libreville - Kigali via Bamako en 36 heures
Le 14 juillet prochain, des unités militaires de chaque an-
cienne colonie défileront sur les Champs-Elysées pour com-
mémorer le 50 ème anniversaire de leur Indépendance. Le «
désengagement » de l’ex-puissance coloniale, clamé urbi et
orbi, est pour le moins alambiqué. Pourquoi tourner le dos à
son pré-carré alors que d’autres acteurs ne s’embarrassent
pas de scrupules pour nouer des relations diplomatiques et
surtout économiques avec un continent qui comptera 2 mil-
liards de consommateurs d’ici 50 ans ?
5. 5
Diasporas News
pour leurs unités depuis qu’ils ont quitté le
Panama.
La France a-t-elle encore une diplomatie
africaine bien définie ? L’impression qu’el-
le dégage est du pilotage à vue. La cellule
africaine de l’Elysée dirigée, en son temps,
par Jacques Foccart, perpétuée jusqu’à
l’époque Chirac semble révolue. L’avocat
Robert Bourgui, qualifié de conseiller oc-
culte du Président Sarkozy pour les ques-
tions africaines officie désormais au grand
jour. L’ancienne puissance coloniale semble
maintenant procéder par à-
coups. Et cette politique pa-
raît de plus en plus dictée par
des impératifs économiques
voire des intérêts de grou-
pes privés tels que Bouygues
(BTP et téléphonie) ou Bolloré
(industrie agroalimentaire et
infrastructure portuaire). La
perte d’influence de la Fran-
ce est manifeste ; elle ne bé-
néficie plus des privilèges des
relations exclusives passées,
où le jeu est maintenant plus
ouvert, face à la surenchère
des pays comme la Chine, le
Brésil ou l’Inde.
L’escale de
Bamako
L’étape suivante initialement
prévue était Kigali mais avant
de quitter Libreville, la délé-
gation a appris que Pierre
Camatte, l’otage français en-
levé depuis le mois novembre
2009 au Nord-Est du Mali et
détenu par un groupe terro-
totalement transparent. Fini les clauses se-
crètes… »
Pour des raisons géopolitiques, la France
a installé une nouvelle base militaire ul-
tramoderne au Qatar, dans le Détroit
d’Ormuz et face à l’Iran. Dans le cadre
de ce redéploiement, il a fermé plusieurs
bases en Afrique : la 43 ème BIMA à Abi-
djan, celle de Bangui en Centre-Afrique.
Aujourd’hui, le cas du positionnement des
forces françaises à Dakar n’est pas défi-
nitivement tranché mais certainement avec
une réduction d’effectifs ; la France n’a
prévu de garder que 300 soldats au Sé-
négal, soit 900 de moins qu’aujourd’hui.
Tandis qu’au Tchad, les hommes de l’opé-
ration Epervier ont basculé sous mandat
de l’ONU. Seuls des points jugés straté-
giques sont maintenus : d’abord, Djibouti
sur la corne de l’Afrique pour contrôler la
route du pétrole et protéger les navires
commerciaux contre les pirates somaliens,
ensuite, les Forces Françaises au Gabon
(FFG) qui constituent la plus ancienne base
permanente de la France en Afrique. Fort
d’un millier d’hommes, une de leur premiè-
re mission est de veiller à la sécurité des
12.000 ressortissants français du Gabon.
En cas de conflit dans les pays limitrophes,
les FFG pourront également se projeter et
par la même exfiltrer les résidents fran-
çais. Bien que les réserves de pétrole du
Gabon s’amenuisent, il n’en demeure pas
moins qu’une présence militaire dans le
golfe de Guinée, où le groupe Total est
présent, reste un élément déterminant qui
a motivé le maintien de cette base. Mais
aujourd’hui, les américains ont aussi sta-
tionné des forces dans ce pays. Ils se sont
installés pour deux raisons : la sécurisation
des exploitations pétrolières et la recher-
che d’un terrain d’entraînement tropical
riste islamiste venait d’être libéré au Mali.
Après un détour de 6.000 km, l’avion du
Président Sarkozy a alors nuitamment fait
un arrêt à Bamako. « La France ne laissera
jamais tomber un de ses ressortissants…
son devoir est de les ramener à la maison
quel qu’en soit le coût » a-t-il déclaré. Vu
de Paris et des médias français, le Chef de
l’Etat, en mal de notoriété et au plus bas
dans les sondages, ne voulait pas rater
une photo avec l’otage libéré. Aurons-nous
plus tard la version exacte des tractations
de cette libération qui se sont tramées en
coulisses ? Le Mali s’est attiré la foudre de
ses voisins. La Mauritanie et l’Algérie ont
rappelé leurs ambassadeurs respectifs en
poste à Bamako pour consultation. Pierre
Camatte a été libéré contre La libération
de quatre terroristes qui ont perpétré des
attentats criminels dans les deux pays et
qui sont activement recherchés. Pour dres-
ser un parallèle, la France aurait-elle libé-
ré des terroristes recherchés en Grande-
6. Politique
6
Diasporas News
forme d’aveuglement (...), des erreurs poli-
tiques ». Le Président Sarkozy avait inscrit
sur le livre d’or du mémorial consacré aux
victimes : « Au nom du peuple français, je
m’incline devant les victimes du génocide
des Tutsi. »
Cette visite est une sorte de catharsis, une
volonté de tourner la page. Mais le chemin
de la réconciliation est parfois semé d’em-
bûches. L’ordonnance du juge Jean-Louis
Bruguière sur l’attentat du 6 avril 1994,
publiée en novembre 2006, incrimine di-
rectement le Président Paul Kagamé et
neuf de ses proches pour attentat terro-
riste. Il a lancé contre eux un mandat d’ar-
rêt international « pour sa participation
présumée à l’attentat du 6 avril 1994 ».
Début janvier, le comité d’experts nommé
par le gouvernement rwandais, présidé
par Jean Mutsinzi, chargé d’enquêter sur
l’attentat du 6 avril 1994 contre le prési-
dent Habyarimana a remis son rapport. Il
dédouane les personnalités accusées par
le juge Bruguière. A la lecture du rapport,
il demande de renvoyer devant le Tribunal
Pénal International les responsables po-
litiques français de l’époque : en autres,
Edouard Balladur (premier Ministre), Fran-
çois Léotard (Ministre de la Défense), Hu-
bert Védrine (Secrétaire Général de l’Ely-
sée).
Comment tourner la page dans cette ré-
gion où les politiques de décolonisation
ont lamentablement échouées ? Rappelons
que ce génocide au Rwanda a été l’élé-
ment déclencheur de conflits qui se sont ré-
pandus aux pays voisins depuis 1996 pour
un bilan estimé aujourd’hui à au moins 4
millions de victimes.
Alex ZAKA
la France est de se
replacer dans le
jeu diplomatique
de cette partie de
l’Afrique et à terme
ne pas se faire de-
vancer quand vien-
dra la stabilité poli-
tique et frontalière,
prélude à l’exploi-
tation de l’énorme
richesse que re-
gorge la région des
Grands Lacs.
Pour l’heure, les blessures sont encore vives
entre le Rwanda et la France. Il y a trois ans
de cela, les relations diplomatiques ont été
carrément rompues. C’est que les séquelles
du génocide tardent à se cicatriser. Paul
Kagamé, Président en exercice accuse la
France d’être le complice du génocide de
1994. Le 6 avril de cette année-là, le Pré-
sident Habyarimana (d’origine hutu) et son
homologue burundais Cyprien Ntaryamira
sont assassinés. Le Falcon 50, à bord du-
quel ils se trouvaient a été frappé par un
missile au moment de l’approche finale de
l’aéroport de Kigali. Dès le lendemain les
extrémistes hutus ont éliminé des membres
du gouvernement qu’ils considéraient com-
me modérés. Et s’en suivra l’extermination
des populations civiles en majorité tutsies
et qui fera au moins 800.000 morts.
Que reproche-t-on à
la France ?
D’une part, d’avoir laissé faire le massacre
alors qu’il aurait pu être jugulé et d’autre
part, d’avoir exfiltrer et protéger des res-
ponsables de cette tragédie. Sur le pre-
mier grief, effectivement les contingents
étrangers stationnés au Rwanda auraient
pu éviter le génocide. La France, la Belgi-
que et les casques bleues disposaient res-
pectivement de 2.500 hommes, les améri-
cains avaient environ 800 soldats.
L’ex-puissance coloniale belge, les Etats-
Unis de Bill Clinton et les Nations unies de
Kofi Annan ont tous déjà demandé pardon
au peuple rwandais. Et la France ? Toujours
pas d’excuses officielles mais reconnaît en-
fin de « graves erreurs d’appréciation, une
Bretagne ou en Espagne pour sauver un de
ses ressortissants ? Quels sont les moyens
de pression que la France a exercé auprès
du Président malien Amadou Toumani Tou-
ré (ATT) pour le contraindre à prendre une
décision de justice qui froissera, à coup sûr,
ses voisins et compagnons de lutte contre
Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI)
? La France a sans doute usé de tout son
poids dans la négociation. Le ministre des
Affaires Etrangères Bernard Kouchner s’est
rendu par deux fois à 15 jours d’intervalle
à Bamako ; tandis que Claude Guéant, le
Secrétaire Général de l’Elysée et Jean-Da-
vid Levitte, Conseiller diplomatique du Pré-
sident auraient fait quelques allers-retours
dans les différentes capitales africaines.
Cet oukase français ne fera que stigmati-
ser l’opinion africaine déjà exacerbée par
tant d’avanies et de rancœurs à l’encontre
de l’ancienne puissance coloniale. Cette
escale prend tout son sens dans la mesure
où ATT devait être officiellement remercié
et rassuré du soutien indéfectible de Nico-
las Sarkozy car le Mali en cédant aux exi-
gences d’AQMI s’expose à l’avenir à une
recrudescence d’enlèvements d’étrangers
sur son territoire.
Kigali, l’ultime étape
Préparé par Bernard Kouchner depuis
plus d’un an, ce voyage revêt un carac-
tère important. Le Président rwandais Paul
Kagamé, anglophone, doté d’une forte
personnalité, parle d’égal à égal avec
ses homologues occidentaux. L’objectif de
7.
8. Politique
8
Diasporas News
B
laiseCompaorésouhaiteaujourd’hui
briguer un nouveau mandat de cinq
ans. Arrivé au pouvoir en 1987, il a
été élu 1er Président de la IVème
République en juin 1991. Avec deux septen-
nats et un quinquennat, il totalise vingt-trois
années de règne ! Lors d’un récent discours,
le Président de la République déclare : « que
le Burkina Faso est un pays en construction
qui s’est donné pour objectif, d’une part de
mettre l’homme au centre de son dévelop-
pement ; et de l’autre à travers ses efforts,
sa cohésion et sa solidarité, faire du Burkina
un pays émergent en 2025 ». Si ce n’est un
appel à candidature, cela y ressemble fort.
Mais peut-il encore une fois se présenter au
suffrage universel ?
Le Président Compaoré a toujours su s’en ac-
commoder et modifier à la marge l’article 37
de la Constitution, laquelle limite le nombre
de mandats présidentiels. En 1997 déjà, la
création du Congrès pour la Démocratie et le
Progrès (CDP), une coalition de parlementai-
res, permettait d’obtenir les 4/5 de députés
exigés pour pouvoir modifier ledit article, en
février de cette année-là. En ce qui concerne
l’élection présidentielle de novembre 2005,
elle s’annonçait plus ouverte et ce d’autant
plus que les juristes experts en Constitution
estimaient qu’aucun Président de la Républi-
que, après ses deux septennats, ne pouvait
prétendre à un autre mandat. Pour surmonter
l’obstacle, il avait initié une sorte de concerta-
tion de toutes les composantes du pays pour
demander le prolongement de son bail au
nom « d’un progrès continu pour une société
d’espérance ».
Le dernier quinquennat
2005-2010
Pour l’élection présidentielle de 2010, le
maigre bilan du dernier quinquennat mar-
qué par des promesses non-tenues et surtout
le fameux mouvement contre la vie chère
de février 2008 auront-il raison du Candi-
dat Blaise Compaoré ? Cette crise de la vie
chère donnait l’impression d’une contestation
spontanée alors qu’avec du recul elle relève
d’un problème structurel plus profond qui est
commun à tous les pays en voie de dévelop-
pement. D’une part, les pays africains ont
négligé l’intensification de la culture vivrière
au détriment de la culture de rente, censée
ramener davantage de devises. D’autre part,
ils ne disposent pas d’une bonne stratégie po-
litique, socioéconomique et ne font que subir
les conséquences de la mondialisation. Par
exemple, lorsque que la crise des subprimes
aux Etats-Unis a induit trop de risques sur
le marché financier, au regard des traders ;
ces derniers se sont rabattus sur des produits
plus attractifs : les matières premières. Et c’est
cette spéculation qui a entrainé en grande
partie la flambée des prix et provoqué la
famine en Afrique. Par ailleurs, on a incul-
qué aux Burkinabès la consommation du riz
et autres produits importés, aux dépends de
leurs habitudes alimentaires traditionnelles.
En dépit des décisions de contrôle de prix et
de baisses, sur certains produits de première
nécessité, décidées par le gouvernement, le
mouvement contre la vie chère s’est poursuivie
pendant plus de trois mois, de février à mai,
car l’ensemble des syndicats ont pris le relais.
Ce qui pèsera dans l’inconscient collectif au
moment de dresser le bilan des actions du
Premier Ministre Tertius Zongo. N’est-ce pas le
même qui annonça lors de sa nomination que
les ministres du gouvernement seraient notés
comme dans les écoles. Les bons élèves passe-
raient, les moins mauvais redoubleraient et les
très mauvais seraient renvoyés ? Toujours est-il
que les cahiers de notes n’ont jamais circulé
ou été rendus public. On peut toutefois met-
tre à son crédit la réduction du train de vie
de l’Etat. Faute d’avoir baissées, les dépenses
de l’Etat ont stagné avec un taux de progres-
sion insignifiant de 0,01%. Le gouvernement
Burkina Faso :
2010, année d’élection
présidentielle
L’Afrique, continent composé d’une cinquantaine de pays, est
le théâtre, tous les ans, de pas moins d’une demi-douzaine
d’élections présidentielles : la Centre Afrique, la Guinée, la
Côte d’Ivoire (enfin), Madagascar, le Burkina Faso. Un retour
à l’ordre constitutionnel pour les uns, une alternance politique
normale pour les autres. Blaise Compaoré se présentera-t-il
encore une fois ou pas ? Verdict d’ici 6 mois pour une élection
présidentielle prévue en novembre.
9. 9
Diasporas News
peut aussi se prévaloir des différentes me-
sures préconisées pour juguler la vie chère
qui sont estimées à plus de 5 milliards de
FCFA (environ 7.500.000 €uros).
Pour les raisons évoquées précédemment, le
pays doit trouver, à moyen terme, un relais
de croissance: 80% de la population sur 14
millions d’habitants environ vivent de l’agricul-
ture, 25% du PIB est généré par la seule ex-
portation du coton. La chute du cours mondial
de cette matière première risque d’aggraver
le déséquilibre de la balance commerciale.
Le pays a d’autres atouts dans sa manche et
conscientes de cet état de fait, les autorités
diversifient de plus en plus leur source de
recettes. Comme c’est le cas dans le secteur
minier où la délivrance de permis d’exploi-
tation est largement facilitée ; une aubaine
pour les compagnies internationales étrangè-
res toujours à l’affût de nouveaux gisements.
Rappelons tout de même que la plus grande
mine d’or du continent est celle d’Essakane,
dans la province de Séno dont la construc-
tion et l’inauguration ont débuté il y a un an.
Dans sa phase opérationnelle, elle rapporte-
rait à l’Etat, au titre des taxes, divers impôts
et royalties, plus de trente milliards de FCFA
(environ 45.000.000 €uros) par an.
Le faucon Blaise s’est-il mué
en colombe Compaoré ?
Le Président burkinabé, avec plus de 25 ans
de « règne », est considéré comme le doyen
des chefs d’Etat en exercice de la sous-ré-
gion. D’un passé sulfureux de guerrier, en
Afrique de l’Ouest, où il a toujours été soup-
çonné plusieurs fois d’être l’instigateur ou le
soutien d’un conflit, il joue désormais dans le
camp des faiseurs de paix. A l’image de feu
Omar Bongo, le continent a toujours eu be-
soin d’une figure tutélaire, une sorte de pa-
triarche, capable de convoquer deux parties
antagonistes, de venir discuter au pied de
l’arbre à palabre. Et Blaise Compaoré s’im-
pose aujourd’hui comme l’homme qui incarne
légitimement ce statut, devant le sénégalais
Abdoulaye Wade. En tout cas, il ne ménage
jamais sa peine pour servir de médiateur ou
désamorcer une crise dans les pays voisins.
La dernière en date : la crise ivoirienne ! Le
président Laurent Gbagbo décide unilatéra-
lement de dissoudre le gouvernement et la
Commission électorale ; cela provoque des
manifestations de rue et cause la mort d’une
dizaine de personnes. Il a fallu s’y prendre
en deux temps. D’abord, les différentes par-
ties ivoiriennes se retrouvent dès le lendemain
à Ouagadougou, sous l’égide du médiateur
Blaise Compaoré pour la recherche de solu-
tions. Ensuite, il fait un aller-retour dans la ca-
pitale ivoirienne. Les tractations entre le chef
de l’Etat et l’opposition étaient dans l’impas-
se et des foyers de tensions se faisaient de
plus en plus menaçants. Le Président burki-
nabè a réussi à débloquer la situation par la
promesse de la mise en place d’un gouver-
nement de consensus, de la
nomination d’un nouveau
président à la tête de la
Commission Electorale In-
dépendante (CEI) et d’une
date probable de l’élec-
tion présidentielle. Pour-
tant, en 2003, lorsque la
Côte d’Ivoire a failli bas-
culer dans une guerre civi-
le, la plupart des ivoiriens
reprochaient au Président
Compaoré de soutenir les
Forces Nouvelles du Nord.
Mais c’est sous l’égide de
ce dernier que la hache
de guerre, entre mes-
sieurs Laurent Gbagbo et
Guillaume Soro, fut enter-
rée à Ouagadougou en
2007. Outre, ce rôle de
facilitateur de paix, inter-
venir auprès de son voisin
permet également au chef
d’Etat de résoudre des
problèmes collatéraux si-
non vitaux pour un pays
sans aucun accès à la mer.
Car Abidjan est le port de
transit pour l’essentiel de
l’exportation burkinabé.
Et du temps du Président
Houphouët-Boigny, la Côte d’Ivoire accueillait
des milliers d’émigrés économiques des pays
voisins et dont des burkinabés qui y vivent
toujours.
Thiam Lamine
10. Politique
10
Diasporas News
Bénin:
Le bon peuple est loin des tracasseries qui secouent les
arcanes du pouvoir et de l’Assemblée Nationale. Il récla-
me « du pain et des jeux ». Les Ecureuils (les joueurs de
l’équipe nationale de football) et leur encadrement techni-
que sont mis au ban de la Nation pour mauvais résultats
et manque de patriotisme à la dernière CAN. Pour le pain,
la République du Bénin fait figure de modèle démocrati-
que sur le continent… Mais trouvera-t-elle la voie pour la
prospérité de ses 8 millions d’habitants ?
L
’ancien Président de la République,
Mathieu Kérékou, à plus de 75 ans
passés, blanchi sous le harnais, ob-
serve de sa résidence des Filaos la
vie politique béninoise avec une certaine dis-
tance. L’homme se fait discret et se complaît
dans un rôle de Sage qu’il assume certaine-
ment avec délectation quoiqu’il refuse toutes
sollicitations publiques ou sorties officielles. Au
début de cette année, croyant bien faire ou
pour s’attirer les bonnes grâces de son pré-
décesseur, l’actuel Président de la République
en exercice Boni Yayi, décide de l’élever au
grade de Général d’Armée. A la surprise gé-
nérale, le récipiendaire rejette l’offre alors
que le décret présidentiel a déjà été pris en
Conseil des ministres.
Aujourd’hui, le Bénin se prévaut d’être le mo-
dèle démocratique de l’Afrique. Pourtant cela
n’a toujours pas été le cas depuis son Indé-
pendance en 1960. Et cette métamorphose,
doit-elle être, toute entière, mise au crédit du
Général Mathieu Kérékou ?
Du Dahomey à la République
Populaire du Bénin
Indépendant en 1960, la première décennie
de jeune République du Dahomey a été ja-
lonnée de soubresauts et de coups de théâ-
tre. Hubert Maga, premier Président de la
République se fait débarquer au bout de 3
ans, par un certain Colonel Christophe Soglo.
Le pays traverse alors une période d’insta-
bilité, avec alternance de coups d’Etat et de
transmission de pouvoir aux civils mais ce sont
toujours les militaires qui tiennent les rênes en
sous-main. En 1970, les trois Présidents, qui
se sont succédé, suspendent la Constitution
avant de former une sorte de triumvirat ap-
pelé Conseil Présidentiel. Il s’agit de messieurs
Emile Derlin Zinsou, Sourou Migan Apithy et
Justin Ahomadegbé.
En 1972, l’armée derrière le Capitaine Ma-
thieu Kérékou décide de reprendre le pou-
voir en destituant le Conseil Présidentiel et
embastille les trois membres du triumvirat. Les
jeunes cadres africains de l’époque aspiraient
à un changement radical dans la mesure où
ils considéraient que le cordon ombilical avec
la puissance coloniale n’avait pas été totale-
ment rompu. La France a réussi à conserver
des liens étroits avec ses anciennes colonies,
notamment grâce à une politique de coopé-
ration économique. En pleine Guerre Froide,
les jeunes dirigeants du continent, éplorés
par cette forme de néocolonialisme, n’ont pas
tardé à épouser les thèses révolutionnaires.
Plusieurs pays ont alors changé de cap pour
adopter un système collectiviste et un régime
marxiste-léniniste. L’Afrique est devenue un
champ de bataille idéologique et militaire
où s’affrontaient les deux blocs : capitaliste
et socialiste. Et c’est en 1974, pour marquer
la mise en place d’un régime socialiste, que
le Commandant Mathieu Kérékou abandonne
symboliquement la République du Dahomey
pour la République Populaire du Bénin. En
1977, l’échec d’une tentative de putsch, ap-
puyé par des mercenaires, n’a fait qu’exacer-
ber la position révolutionnaire du régime. Le
Président tenait sa légitimité par son élection
à la tête de l’Assemblée Nationale Révolu-
tionnaire, elle-même issue de l’instauration
d’un parti unique.
Ainsi, l’Afrique fut ballotée entre une alterna-
tive politique qui ne lui a pas permis de s’ex-
tirper du sous-développement. La conjoncture
mondiale ne lui a pas été favorable non plus
car la planète entière a subi deux chocs pé-
troliers (en 1973 et 1978). Les pays en voie
de développement, généralement spécialisés
dans des cultures d’exportation, génératrices
de devises, ont subi pour la plupart le contre-
coup de la chute des cours mondiaux de ma-
tières premières (autres que le pétrole). Avec
un malus pour les pays qui ont opté pour le
champion de la démocra-
tie, en quête d’un souffle
économique
11. 11
Diasporas News
régime socialiste. Car le grand Frère soviéti-
que ne payait même pas ses exportations en
devises. L’URSS a toujours fonctionné avec des
accords de clearing c’est-à-dire un système de
compensation sous-forme de trocs. L’échange
commercial se dénouait entre produits d’ex-
portation (café, vanille, coton…) contre des
tracteurs voire des pièces détachées de tanks
ou d’avions de chasse (les fameux Mig 17 ou
21 recyclés de la Guerre de Corée). Si bien
qu’à partir des années 1980, les pays afri-
cains étaient exsangues, secoués par des cri-
ses économiques successives qui provoquaient
des mécontentements populaires et une pau-
périsation de la classe moyenne.
Le FMI vola alors à leur secours par la mise en
place de Plans d’Ajustements Structurels (PAS),
avec des effets néfastes et pervers pour la
population. En 1987, Michel Camdessus, Di-
recteur Général de cette institution, ancien
Gouverneur de la Banque de France, libéral
convaincu, imposa des mesures économiques
de privatisations, de réduction de dépenses
publiques (éducation, santé…) en contrepar-
tie des prêts octroyés aggravant la situation
socioéconomique des pays pauvres. C’est
dans ce contexte que le régime du Président
Mathieu Kérékou essuya trois tentatives de
coups d’Etat en 1988. L’année suivante un
nouvel accord avec le FMI déclenche une grè-
ve massive des étudiants et des fonctionnaires,
réclamant le paiement de leurs salaires et de
leurs bourses. Conscient de la gravité de la
situation, Mathieu Kérékou annonce l’organi-
sation d’une Conférence nationale, en faisant
appel à tous les représentants de mouvements
politiques du Bénin.
La chute du mur de Berlin (1989) qui sonne la
fin de la Guerre Froide, le Sommet de la Fran-
cophonie de la Baule (1990) qui a appelé les
pays africains au multipartisme et la situation
socioéconomique décrite précédemment ont
marqué encore une fois, un tournant historique
sur le continent. Et l’idéologie marxiste a fait
long feu !
En 1990, le Bénin adopte une nouvelle Consti-
tution qui instaure un gouvernement de transi-
tion dirigé par le Premier Ministre Nicéphore
Soglo (le neveu du Colonel Soglo). Ce dernier
accède à la magistrature suprême, pour cinq
ans, en battant aux élections présidentielles
Mathieu Kérékou.
Mais Mathieu Kérékou fut réélu à la faveur
de scrutin présidentiel de mars 1996 et éga-
lement en 2001. Le mandat de Nicéphore
Soglo fut émaillé de relents de népotisme
et d’enrichissement d’une nouvelle oligarchie
grâce à des trafics ou de la contrebande des
produits de première nécessité. Les dictateurs
marxistes-léninistes ont bénéficié d’un nouvel
état de grâce car à la même période, Denis
Sassou Nguesso (Congo Brazzaville) et Didier
Ratsiraka (Madagascar), entre autres, revien-
nent au pouvoir après quelques années d’exil
forcé.
L’avènement de Boni Yayi
Deux mandats successifs dans des conditions
économiques difficiles ont eu raison de Ma-
thieu Kérékou. Une nouvelle race de chefs
d’Etats arrive en Afrique : diplômés d’univer-
sité occidentale, ayant fait carrière dans de
grandes institutions internationales, avec un
réseau relationnel conséquent et bénéficiant
de préjugés favorables. Béotien en politique
mais qui mieux qu’un économiste pour pré-
sider aux destinées de pays en développe-
ment. Madame Ellen Johnson-Sirleaf, élue en
janvier 2006 au Libéria et le béninois Boni
Yayi incarnent cette nouvelle génération de
chefs d’Etat.
A 54 ans, l’ancien Directeur Général de la
Banque Ouest Africaine de Développement
(BOAD), affiche sa feuille de route, depuis son
palais présidentiel de Porto-Novo : une gou-
vernance concertée, la lutte contre la corrup-
tion, le développement de l’esprit d’entrepri-
se, la construction de nouvelles infrastructures.
Le Bénin bénéficie d’un capital de sympathie
internationale. Les bailleurs conventionnels
sont prêts à accompagner le redressement
économique d’un pays stable dans lequel
l’alternance politique est passée sans heurt.
La manne financière internationale contribue
pour au moins 25% du budget national. Mais
très vite, le Chef d’Etat se rend à l’évidence ; il
sera confronté à des contingences sur lesquel-
les une bonne volonté ne suffit pas à résoudre
tous les problèmes. Comme tous les pays en
développement, plus de 75% de sa popula-
tion compose le secteur primaire ; l’agriculture
de faible productivité ne permet pas d’attein-
dre une autosuffisance alimentaire et la seule
culture du coton n’assure que 40% de son PIB.
Quant aux secteurs secondaires et tertiaires,
l’industrie ne contribue qu’à hauteur de 14%
du PIB. Une des caractéristiques de cette éco-
nomie est la forte proportion du secteur infor-
mel composé pour l’essentiel d’une population
sacrifiée par les fameuses restructurations
économiques dictées par la Banque Mondiale
et le FMI.
Le Bénin a du mal à se débarrasser d’une
image négative : une centrale d’achats pour
son grand voisin qu’est le Nigéria. Comme les
produits importés sont fortement taxés au Ni-
12. Politique
12
Diasporas News
géria, Porto-Novo devient alors un des ports
d’entrée des importations nigérianes avant
que ces produits ne traversent la frontière
clandestinement. En effet, il y a une différen-
ce, de droits de douanes et des différentes
taxes d’importation, du simple au triple entre
les deux pays. Et les statistiques béninoises
l’attestent ! Le commerce d’automobile d’oc-
casion n’a jamais été aussi florissant qu’à la
suite de la dévaluation du FCFA en 1994. La
demande nationale de véhicules est estimée
à 25.000 alors que le Bénin en a importé dix
fois plus. Mais beaucoup de produits de pre-
mière nécessité (riz, farine, sucre…) suivent
également ce même circuit.
L’intégration régionale se-
rait-elle la solution pour le
Bénin ?
Le pays fait déjà partie des institutions comme
la CEDEAO pour l’intégration économique et
l’UEMOA pour la monnaie. Mais dans une op-
tique de dynamique et d’opportunité, il fait
partie, dès sa création, de la Zone de l’Al-
liance de Co-Prospérité (ZACOP) que compo-
sent le Nigéria, le Ghana, le Togo et le Bénin.
Créée le 13 Février 2007 à Cotonou, la ZA-
COP est un instrument au service du dévelop-
pement et de la croissance économique. Elle
prône la libre circulation des personnes et des
biens mais aussi la recherche des approches
de solution à la crise alimentaire. Son champ
d’action se focalise sur des matières comme
l’énergie, l’agriculture. Le Nigéria garantirait
l’amélioration de la fourniture d’électricité et
de gaz à ses voisins, facteur déterminant de
la formation d’un tissu industriel et d’attrait de
capitaux étrangers.
Que nous réserve l’avenir ?
Sur fond de crise économique internatio-
nale qui a freiné la croissance, le Président
Boni Yayi doit remettre son mandat en jeu en
2011. Le bilan est assez mitigé : la corruption
est toujours présente, l’Indicateur de Dévelop-
pement Humain (IDH) c’est-à-dire l’amélio-
ration de la qualité de vie de la population
reste toujours à son niveau d’étiage (0,5). Le
L
e Président nigérien voulait à tout
prix prolonger son « règne », s’ac-
crocher à son trône en dépit de
deux mandats pleins qui avaient
pris fin en décembre 2009. Il pensait
pouvoir se maintenir vaille que vaille en
adoptant une nouvelle Constitution. La fi-
celle était un peu grosse. Non seulement
l’opposition s’est coalisée au sein de la
Coordination des Forces pour la Démo-
cratie et la République (CFDR) mais il
s’est mis à dos toute la communauté inter-
nationale. Sous la menace d’une sanction
internationale, Mamadou Tandja a été
sommé de trouver une voie de consensus
avec l’opposition [ndlr : diasporas - news
peu d’Investissement Direct Etranger (IDE) ou
les flux de capitaux investis s’orientent davan-
tage vers la prise de contrôle de sociétés pri-
vées existantes plutôt que dans la construction
d’infrastructures, qui elles, sont financées par
les bailleurs conventionnels.
En vue de la présidentielle de l’année pro-
chaine, l’opposition a créé un front commun :
l’Union fait la Nation (UN) qui regroupe les
adversaires du Président sortant. Elle devra
désigner un candidat unique d’ici le mois
d’avril. Mais depuis plus d’un an, la liste Elec-
torale Permanente Informatisée (Lépi) divise
la classe politique et la société civile. L’op-
position reproche au Prédisent Boni Yayi une
conduite unilatérale et opaque de la Lépi. Ce
dernier en fait appel à l’ONU pour évaluer
le processus.
Thiam Lamine
Niger :
Pour le continent africain, la démocratie est un travail de
longue haleine. Malgré tout, le nombre de coups d’Etat
a largement diminué depuis le début des années 90. Car
lors des 30 premières années d’Indépendance pas moins
de 300 putschs ont été perpétrés contre une trentaine,
ces 20 dernières années. Le rôle de l’armée n’est-il pas
d’être le dernier rempart de la souveraineté du peuple
lorsqu’un régime autocrate bafoue la Constitution ? Que
la communauté internationale cesse de condamner sans
discernement la chute des dictateurs dont elle est parfois
complice et œuvre davantage pour la restauration de la
Démocratie
13. 13
Diasporas News
ties. Ce dernier est en service commandé
et il doit «être au rapport» au prochain
Sommet des chefs d’Etat et de gouverne-
ment de la CEDEAO, censé se tenir à Abu-
ja, quelques jours après. Du contenu de
sa mission dépendront les sanctions que
la CEDEAO, l’UA et l’UE prendront à l’en-
contre du Niger. Le dernier Sommet des
Chefs d’Etat de la CEDEAO, tenu le 16
février 2010, a entériné les propositions
du Médiateur ; ce qui n’a pas empêché le
gouvernement, par la voix de son Premier
ministre, de poser une fin de non recevoir
à ces mêmes propositions lors d’un point
de presse mémorable 17 février 2010
c’est-à-dire la veille du coup d’Etat.
Côté caserne, des signes avant-coureurs
indiquaient que l’Armée n’était plus unie
derrière son Chef suprême, le Président
Mamadou Tandja. D’abord, lors du ré-
férendum et des élections
législatives de l’année der-
nière, les soldats, qui ont eu
le privilège de voter 24 heu-
res avant tous les citoyens, se
sont abstenus dans la même
proportion que la majorité
des nigériens. Ensuite, malgré
la déclaration du chef d’Etat
major le général Momouni
Moureïma qui mettait les sol-
dats en garde « contre toute
tentative de remise en cause
des institutions de la Républi-
que », des tracts circulaient
dans les garnisons stipulant
l’illégitimité du pouvoir au-
delà du 22 décembre 2009.
Le jeudi 18 février, jour de
conseil des ministres, des
unités blindées et des dizai-
nes de soldats investissent le
palais présidentiel. D’après
l’un des journalistes accré-
dité à la présidence qui était
à l’intérieur du bâtiment, ils
avaient entendu un premier
coup de feu considéré comme
n°4]. C’est dans ce cadre-là que la Com-
munauté Economique des Etats d’Afrique
de l’Ouest (CEDEAO) joue son rôle d’ar-
bitre. Abdulsalami Abubakar, médiateur
de cette organisation a déjà effectué un
voyage à Niamey en décembre 2009
pour tenter une conciliation et un partage
du pouvoir entre les deux parties en vue
d’une transition.
Début février, les assises du dialogue in-
ter-nigérien sont dans l’impasse : le Mou-
vement Populaire pour la Refondation de
la République (MPRR), pro-Tandja campe
sur ses positions c’est-à-dire le résultat
du référendum du 4 août 2009 et donc
que l’effectivité de la 6ème République
ne doit plus être remise en cause. Mais le
front de l’opposition la CFDR ne l’entend
pas de cette oreille. Le 4 février, le Prési-
dent sénégalais Abdoulaye Wade, en mis-
sus dominicus a fait une escale à Niamey
pour un entretien avec son homologue. La
discussion tournait autour de la recherche
d’une solution de sortie de crise.
Et le retour d’Abdulsalami Abubakar n’ap-
portera aucune évolution significative sur
les rapprochements entres les deux par-
le signal de départ du coup d’Etat. Il fut
suivi par plusieurs détonations et de bruits
d’armes lourdes. La garde présidentielle
a opposé une résistance vite maîtrisée
mais qui s’est soldée par une dizaine de
morts. Surpris en plein conseil des mi-
nistres, le Président de la République et
tous ses ministres ont été tenus en respect
; ensuite Mamadou Tandja a été mis en
lieu sûr dans une villa jouxtant le palais
présidentiel avant d’être transféré dans
une caserne militaire située à une dizaine
de kilomètres de la Capitale. Après deux
jours de captivité, plusieurs ministres ont
été relâchés mais sept d’entre eux ne sont
toujours pas libres de leur mouvement.
Niamey était placée sous couvre-feu, des
hommes en treillis et des engins blindés
étaient postés sur des points névralgiques
de la Capitale. La population nigérien-
ne et le monde entier attendaient, avec
les derniers jours de règne du Président
Mamadou Tandja
14. Politique
14
Diasporas News
impatience et une inquiétude non feinte,
l’identité des putschistes pendant que la
radio nationale diffusait de la musique
militaire.
Ce n’est que le lendemain, lors d’un pre-
mier point de presse, que le Colonel
Goukoye Abdoulkarim, porte-parole du
Conseil Suprême pour la Restauration de
la Démocratie (CSRD) a déclaré que: « la
situation est sous contrôle… et qu’il n’y a
aucune dissidence ni à Niamey, ni à l’inté-
rieur du pays ».
Qui sont les têtes pensantes
de la junte ?
Ils ont ceci de commun: c’est d’avoir,
pour la plupart, participé en 1999, aux
côtés du Général Mamadou Tandja à la
chute du régime du Chef d’Etat de l’épo-
que Ibrahim Baré. Le Colonel Goukoye
Abdoulkarim, Chef des renseignements
militaires et chargé de communication
du CSDR ; le Colonel Djibrilla Hamidou
Hima, dit « Pelé », considéré comme le
numéro deux de la junte, commandant de
la zone de défense 1 de la Capitale mais
également Président de la Fédération ni-
gérienne de Football ; Djibo Salou, Chef
d’escadron et spécialiste en armements
lourds, est celui qui a dirigé l’assaut des
blindés sur le palais présidentiel. A 44
ans, il devient le Président par intérim du
Niger. Et depuis le 22 février, le cortège
du nouveau Président nigérien roule, toute
sirène hurlante avec plusieurs motards et
sous bonne escorte, dans les rues de Nia-
mey. Cinq jours après avoir déposé Ma-
madou Tandja, le Colonel Djibo Salou en-
dosse la double casquette de Chef d’Etat
et de gouvernement.
Les différentes réactions…
La majorité de la population ne cachait
pas sa joie de s’être débarrassé de ce
régime autocratique. Diverses manifes-
tations de soutien au CSRD ont eu lieu.
D’abord à Niamey où dès le samedi 20
février, plus de 10.000 mille personnes
sont descendues dans la rue et ensuite
dans d’autres villes de province. En pa-
reille circonstance, les apparatchiks du
pouvoir craignent des représailles ou des
actes vindicatifs mais en signe de bonne
volonté la junte a libéré plusieurs minis-
tres qui ont été retenus pendant deux
jours saufs sept d’entre eux dont le Pre-
mier Ministre et le ministre des Finances.
Leurs cas seront examinés ultérieurement
sans aucune autre précision de la part
des militaires.
Le CSDR rassure et déclare qu’elle va
faire du Niger « un exemple de démo-
cratie et de bonne gouvernance, à l’ins-
tar des autres pays épris de paix et de
stabilité « sans pour autant donner un
calendrier. L’opposition espère pouvoir
s’entretenir avec le CSDR pour l’instaura-
tion d’une démocratie tandis que la junte,
elle, « souhaite d’abord assainir la situa-
tion politique du pays avant d’organiser
des élections… ». Pour l’heure, le Prési-
dent Djibo Salou gouverne par ordonnan-
ces après avoir dissout la Constitution du
mois de mai 2009. En tant que Chef de
l’Etat, il a nommé comme Premier Minis-
tre Mahamadou Danda, un ancien minis-
tre de la Communication de 1999 et est
actuellement conseiller à l’ambassade du
Canada au Niger. Cette déclaration des
militaires ne mentionne pas la durée de
la transition. Dès sa nomination à la Pri-
mature, monsieur Danda a demandé des
garanties quant à un engagement réel de
la junte dans un processus devant aboutir
à la restauration réelle de la démocratie.
Concernant les nouvelles institutions, un «
organe » devrait être créé sous l’autorité
du Président. Il sera chargé de rédiger
un code pénal et une nouvelle constitution
qui sera soumise au référendum pour son
adoption.
Quant à la communauté internationale,
toutes les institutions ont adopté la même
position, égrené la même litanie : ne ja-
mais cautionner l’accession au pouvoir
anticonstitutionnel ! Le secrétaire Géné-
ral de l’ONU, Ban Ki Moon condamne le
coup d’Etat et souhaite un retour rapide à
l’ordre constitutionnel. Le Commissaire à
la paix et la sécurité de l’Union africaine
(UA), Ramtane Lamamra, a rappelé que
l’UA condamnait « l’usage de la violence
pour tout changement de pouvoir politi-
que ». L’organisation a appelé à un retour
rapide à l’ordre constitutionnel, dans un
communiqué diffusé vendredi matin. La
CEDEAO, qui avait tenté une médiation au
Niger, a également « condamné une fois
de plus tous les actes destinés à parve-
nir ou à se maintenir au pouvoir par des
moyens non constitutionnels ».
Pourtant, quel soulagement que d’avoir
pu se débarrasser d’un Chef d’Etat gê-
nant qui refuse de quitter le pouvoir !
Aucune institution n’ose afficher sa satis-
faction alors que tous .les recours et les
négociations ont échoué. Dès le 20 fé-
vrier, le Colonel Djibrilla Hamidou Hima a
fait le déplacement au Mali. Il a été bien
accueilli par les chefs d’Etat réunis au
sommet de l’UEMOA (Union Economique
et Monétaire Ouest-Africaine), à Bamako.
Au même moment une délégation de la
Troïka (ONU, UA, CEDEAO) a fait le dé-
placement à Niamey. « Avec les membres
de la junte nous avons discuté de comment
faire pour que le pays retrouve dans les
plus brefs délais une vie constitutionnelle
normalisée. Ils nous ont donné les garan-
ties nécessaires », a indiqué le Président
de la Commission de la CEDEAO, Moha-
med Ibn Chambas.
Sans forcer, les militaires de Niamey s’im-
posent à la communauté internationale qui
redoute toujours le spectre d’un scénario
à la Daddis Camara en Guinée Conakry.
Ils ont en tout cas rendu la souveraineté
au peuple nigérien. Maintenant, bien des
questions restent en suspens : la durée de
la transition, le sort réservé au Président
Mamadou Tandja et ses ministres, la re-
mise du pouvoir aux civils.
Thiam Lamine
15. 15
Diasporas News
Que risque-t-elle
aujourd’hui ?
D’abord, Paris devra choisir entre la régu-
larisation de son titre de séjour ou une ex-
pulsion vers un pays tiers. Ensuite, avec un
statut d’apatride, elle ne risque pas d’être
expulsée vers le Rwanda. D’autant plus que
ce pays ne respecte pas les standards judi-
ciaires européens notamment sur la protec-
tion des droits de la défense. Des précédents
existent : la France a refusé, en son temps,
des extraditions de présumés génocidaires
vers Kigali. Le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda (TPIR) d’Arusha, reste la juri-
diction compétente pour la juger. Mais comme
le mandat du TPIR s’achèvera fin 2010, ce-
lui-ci a demandé à plusieurs pays européens
de traiter les dossiers en instance. Seule une
plainte pour complicité de génocide, dépo-
sée en 2007, par un collectif de rescapés,
s’étant constitué partie civile, aura une chance
de renvoyer madame Agathe Habyarimana
devant une cour d’Assises. Mais cela relève
plus d’une décision politique. D’après Nico-
las Sarkozy, lors de son dernier voyage au
Rwanda : « nous voulons que les responsables
du génocide soient retrouvés et soient punis. Il
n’y a aucune ambiguïté… » Dans combien de
temps lorsqu’on sait que quinze années sont
déjà passées depuis les massacres ?
Le cas de Rose Kabuye
Bernard Kouchner s’est investi pour renouer
les relations diplomatiques rompues entre
Paris et Kigali, il y a trois ans. La justice fran-
çaise avait ouvert une enquête en 1998 à
la suite de la plainte des familles françai-
trois jours seulement après l’assassinat de son
mari, elle ne fut jamais inquiétée pendant
dix ans. Pourtant de lourdes accusations, re-
layées par de nombreuses organisations in-
ternationales comme l’Union Africaine et la
Ligue des Droits de l’Homme (LDH) plane sur
sa tête. Elle est soupçonnée d’être un membre
très influent du mouvement Akazu (la petite
case) responsable direct des meurtres contre
les tutsis et les hutus modérés. Ce premier
cercle de Juvénal Habyarimana était com-
posé de son proche entourage, des gens issus
de sa région et des membres de la famille
de son épouse. La Fédération Internationale
des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) a
également évoqué « le rôle » d’Agathe Ha-
byarimana « dans l’animation des milices In-
terahamwe et de la radio des Milles Collines
».
Ce n’est qu’en 2004, que le gouvernement
rwandais lance des poursuites judiciaires
contre l’ancienne première Dame rwandaise.
Kigali a rendu public le nom de 300 person-
nes soupçonnées de collusion avec le régime
du Président assassiné et ayant fui à l’étran-
ger à la fin du génocide. Et parmi les noms
figurent en tête de liste le nom de madame
Agathe Habyarimana. Elle dépose alors en
2004 une demande d’asile politique auprès
de l’Office Français de Protection des Réfu-
giés et des Apatrides (OFPRA). Ce n’est que
trois ans plus tard que l’OFPRA a statué sur
son sort : une fin de non-recevoir au motif
de sa proximité évidente avec le mouvement
Akazu. De recours en appel auprès du Haut
Commissariat aux Réfugiés (HCR), le Conseil
d’Etat s’est saisi du dossier et a définitive-
ment tranché la question du refus le 16 oc-
tobre 2009.
Paris et Kigali :
vers une normalisation des re-
lations diplomatiques ?
A
gathe Habyarimana née Kan-
ziga, veuve du Président Juvénal
Habyarimana assassiné le 6 avril
1994, a été interpellée, à son
domicile de Courcouronnes (Essonne) par
les autorités judiciaires françaises le 2 mars
2010, cinq jours seulement après la visite du
Président Nicolas Sarkozy au Rwanda. Est-
elle une victime expiatoire ou collatérale des
relations tumultueuses entre les deux pays,
depuis le génocide de 1994 qui a fait plus
de 800.000 morts ? La justice française agis-
sait dans le cadre d’un mandat d’arrêt inter-
national, lancé par le Rwanda qui veut la ju-
ger pour « génocide, complicité de génocide,
association de malfaiteurs en vue de lacom-
mission d’un géno-
cide, crime contre
l’humanité ». Après
avoir été entendue
par le Procureur
général auprès
de la cour d’appel
de Paris, elle a été
remise en liberté
et placée sous
contrôle judiciaire,
avec obligation
de se présenter
une fois par mois
au commissariat. La chambre de l’instruction
devra, sous dix jours, statuer sur la demande
d’extradition formulée par Kigali. Laquelle
extradition a très peu de chance d’aboutir
car madame Agathe Habyarimana est sans
papiers qui plus est, n’a plus de passeport
rwandais !
Exfiltrée vers Paris, par les autorités françai-
ses de Kigali, dès le 9 avril 1994 c’est-à-dire
15
Diasporas News
Deux rwandaises ont eu maille à partir avec la
justice française. Le Lieutenant-colonel Rose Ka-
buye a été entendu plusieurs fois entre 2008 et
2009. Pour Agathe Habyarimana, son arrestation
intervient moins d’une semaine après la visite de
Nicolas Sarkozy au Rwanda. Gage de bonne volonté de la part de la France ?
16. Politique
16
Diasporas News
ses des trois membres de
l’équipage de l’avion du
Président Juvénal Habyari-
mana abattu en avril 1994.
A la fin de son instruction,
le juge Jean-Louis Bruguiè-
re, en novembre 2006, a
délivré un mandat d’arrêt
international. Son ordon-
nance visait neuf collabo-
rateurs de Paul Kagamé
dont le Lieutenant-colonel
Rose Kabuye, actuelle Res-
ponsable de protocole à
la présidence de la Répu-
blique, pour leur participation présumée à
l’attentat contre l’avion.
Sur la base de ce mandat, madame Rose Ka-
buye a été arrêtée à l’aéroport de Francfort
(Allemagne) en novembre 2008 et extradée
vers la France 10 jours plus tard. Mise en
examen pour « complicité d’assassinats en
relation avec une entreprise terroriste », elle
fut entendue à quatre reprises. Elle aurait
hébergé le commando du Front Patriotique
Rwandais (FPR), qui a descendu le Falcon 50.
Après chaque audition, elle était laissée li-
bre de ses mouvements. Quoique son contrôle
judiciaire lui interdise de quitter le territoire
français, cela ne l’a jamais empêchée de
se rendre plusieurs fois à Kigali, entre deux
examens.
Les autorités rwandaises auraient-elles pous-
sé le cynisme aussi loin en sacrifiant madame
Rose Kabuye pour avoir accès au dossier
instruit par le juge Bruguière ? Bon nombre
d’observateurs le pensent. Elle a aujourd’hui
repris ses activités et il fallait que la France
le sache : lors de la venue du ministre des Af-
faires Etrangères Bernard Kouchner en jan-
vier dernier, celui-ci a eu la surprise d’être
accueilli sur le tarmac par madame Rose
Kabuye en lieu et place de son homologue
ou une personnalité de même rang comme le
veut les règles protocolaires.
Des contentieux judiciaires restent encore
en suspens entre les deux pays. Le 7 janvier
2010, le Rwanda est de nouveau passé à
l’offensive par la publication d’un rapport
d’experts. Il s’agit du rapport rédigé sous la
direction de Jean Mutsinzi, ancien président
de la Cour suprême du Rwanda. Il contredit
les conclusions du juge Bruguière à propos du
lieu d’où auraient été tirés les missiles contre
l’avion présidentiel. Il le situe dans la zone
de Kanombe contrôlée par les Forces ar-
mées rwandaises (FAR)
du Président Habyari-
mana. En août 2008,
(ndrl : voir article su-
pra Nicolas Sarkozy
en Afrique : Libreville
- Kigali via Bamako en
36 heures) Kigali avait
publié un autre rapport
qui accusait la France
d’avoir « participé à
l’exécution du génocide
» et mettait en cause
nommément des hauts-
responsables politiques
de l’époque : Edouard Balladur, Alain Juppé,
Hubert Védrine et Dominique de Villepin.
Le Président Nicolas Sarkozy a-t-il demandé
une garantie à son homologue de ne pas
poursuivre ces hommes politiques moyennant
quoi la France « livrerait » Agathe Habya-
rimana au Rwanda ? Rappelons juste pour
l’anecdote que l’actuel Chef de l’Etat fran-
çais faisait partie du gouvernement Balladur
de 1993 en tant que Ministre délégué au
Budget. Les déclarations, du Porte-parole du
gouvernement qu’il était à l’époque, relatives
à la position de la France et de l’Opération
turquoise circulent aujourd’hui sur Internet.
Les grenades de Kigali :
actes de déstabilisation ?
C’est la deuxième fois en moins d’un mois que la
Capitale rwandaise est visée par des attaques à la
grenade. Ce sont des actes qui sont souvent perpétrés
en province et en zone rurale pour des règlements de
comptes familiaux ou des manœuvres d’intimidations
de témoins dans des affaires liées au génocide. Mais
cette fois-ci, ils sont commis à Kigali.
Le 19 février dernier, trois attaques simultanées dans
des quartiers animés ont fait un mort et une vingtaine
de blessés. Et tout récemment dans la nuit du 4 mars,
deux jets de grenades ont encore fait seize blessés.
Pour l’attaque du mois de février, deux membres d’In-
terahamwe (milice extrémiste hutu qui a pris activement
part au génocide de 1994) ont été suspectés avant
que les enquêteurs n’appréhendent le Général Faustin
Kayumba Nyamwasa. Accusé d’être l’instigateur des
attaques à la grenade, l’Ex-Chef d’état-major de l’ar-
mée et Ambassadeur rwandais en Inde a été entendu
par la justice de son pays le 26 février. Depuis, il est
aujourd’hui en fuite en Ouganda ou au Kenya ? Il aurait
rejoint le Colonel Patrick Karegeya, en Afrique du Sud,
ex-patron des renseignements extérieurs, lui aussi re-
cherché pour les mêmes faits. Tutsis anglophones de
la diaspora ougandaise, compagnons de lutte de Paul
Kagamé, ils font partie du FPR. Guerre de succession
ou témoins encombrants ? Ce dernier dont la réélection
ne fera aucun doute aux prochaines présidentielles
prévues en août 2010, semble dès à présent vouloir
faire le ménage autour de lui.
L
es décisions qui viennent d’être pri-
ses par le Président Gbagbo tra-
duisent une réalité: il n’aimerait al-
ler aux élections que lorsqu’il aura
l’impression que le scrutin garantira sa
réélection. Pour ceux qui y croyaient en-
core, la dissolution de la commission élec-
torale indépendante et du gouvernement
par le président Laurent Gbagbo repous-
se de facto les élections initialement pré-
vues pour fin février début mars. Mais elle
ne les renvoie pas forcement sine-die. Sans
cesse repoussée, la présidentielle, qui va
l’être une fois encore se tiendra-t-elle dans
six semaines, dans six mois, dans un an?
L’opposition le martèle, Laurent Gbagbo
ne veux pas aller aux élections qu’il craint
de perdre et donc sa double dissolution
est un subterfuge de plus pour renvoyer le
scrutin aux calendes grecques. L’opposition
n’en veut pour preuve que l’insignifiance du
fait générateur de cette crise: l’affaire «
de la liste des 429000 », dans la mesure
où les noms qui avaient été dûment ajoutés
à la liste électorale ont été retirés. C’est
un prétexte pour ne pas voter, donc il n’y
aura pas d’élection de sitôt. Pour le peuple
de Côte d’ivoire, cette décision unilatérale
est antidémocratique et dictatoriale.
Laurent Gbagbo affirme avoir pris cette
décision en vertu de l’article 48 de la
constitution ivoirienne. Cet article prévoit
en cas de menaces graves et immédiates
sur les institutions, sur l’indépendance de la
nation, l’intégrité du territoire ou encore
l’exécution de ses engagements internatio-
naux, que le Président de la République a
le droit de prendre des mesures exception-
nelles. Autrement dit, il s’agit d’une dispo-
sition constitutionnelle qui permet au prési-
dent de s’attribuer les pleins pouvoirs.
Le Premier Ministre Guillaume Sorø est
officiellement reconduit dans ses fonctions
avec deux principales missions. D’une part
de déterminer le format d’une nouvelle
commission électorale, et d’autre part de
former un nouveau gouvernement qui «se
mette au service des ivoiriens et non aux
ordres des partis politique»
Le Premier Ministre Guillaume Sorø pre-
nant le Président Gbagbo au mot, tente
de former un nouveau gouvernement dans
le cadre de l’accord politique de Ouaga-
dougou « A.P.O.».Or, cet accord prévoit
un gouvernement de cohabitation, incluant
donc l’opposition, et concède aux partis
politiques signataires la prérogative de
désigner leurs ministres. C’est une situation
17. 17
Diasporas News
ment cours dans plusieurs villes du pays.
LA REPONSE DU BERGER A LA
BERGERE
L’opposition dans sa déclaration informe le
général MANGOU Philippe que le débat en
cours est strictement politique et que les par-
tis membres du R.H.D.P et le P.I.T.sont réguliè-
rement constitués, conformément à la consti-
tution et aux lois en vigueur en Côte d’ivoire.
Elle rappelle que le mandat constitutionnel
de Monsieur Gbagbo a pris fin depuis le
30 octobre 2005 et que c’est grâce aux ac-
cords de paix qu’il est resté chef de l’état. Le
R.H.D.P et le P.I.T. ont affirmé que l’inaccep-
table intrusion du général MANGOU dans le
débat politique et son parti pris manifestent
en faveur de Monsieur Gbagbo, constituant
un danger pour la cohésion nationale et la
paix. Ils ont interpellé le général MANGOU
et ont indiqué qu’il aura à répondre des in-
cidents et des morts survenus à l’occasion de
la répression déclenchée par les forces de
défense et de sécurité lors des différentes
marches pacifiques à Divo et à Gagnoa.
RENCONTRE DE LA DERNIERE
CHANCE
C’est ce que l’on croyait avec l’arrivée pré-
cipitée de Blaise COMPAORE médiateur
dans la crise ivoirienne, 24 heures seulement
après avoir reçu les deux principaux leaders
de l’opposition ivoirienne à Ouagadougou
au BURKINA-FASO. Mais, cet espoir placé
en la visite du facilitateur n’aura pas produit
le résultat escompté. Et pour cause, un flou
artistique et compact a émaillé l’issue des
échanges. Notamment ceux qui se sont dé-
roulés entre Guillaume SORO premier minis-
tre et les deux leaders de l’opposition, Henri
Konan BEDIE du (P.D.C.I.) et Alassane OUAT-
TARA du (R.D.R.) « nous ne rentreront pas au
gouvernement tant que la composition de la
nouvelle commission électorale indépendante
sont tombés sous des balles tirées
par les forces de l’ordre. Celles-ci
auraient agit ainsi sur instruction de
certaines autorités proche du camp
présidentiel.
L’objectif de cet acte criminel, est
d’effrayer au maximum l’opposi-
tion afin qu’elle cesse les manifes-
tations. L’opposition n’entend pas
baisser les bras, elle a manifesté en France
et tente de mettre la pression sur Paris et
les représentants en France de la «Gbag-
bocratie».
Le chef des «patriotes» ivoiriens soutenant
le président LAURENT GBAGBO, Charles
Blé Goudé, a dénoncé une guérilla urbai-
ne après les manifestations de l’opposition
marquées par des violences parfois meur-
trières, mais s’est dit opposé à toute action
de représailles. L’opposition a annoncé le
maintien de son mot d’ordre de manifes-
tations jusqu’à la mise en place d’une nou-
velle commission électorale indépendante.
INGERENCE DE L’ARMEE
Des manifestations parfois émaillées de
violence pour protester contre la dissolu-
tion du gouvernement et de la commission
électorale indépendante par le président
Gbagbo ont dégénéré. Au moins sept per-
sonnes sont mortes à la suite de la répres-
sion de ces manifestations par les forces de
l’ordre. La police oblige la population à
se comporter autrement, c’est un véritable
western qui se déroule. Selon des témoi-
gnages, la police en cagoule tire à balles
réelles sur la foule des manifestants.
Le 19 février, le Général MANGOU Phi-
lippe, chef d’état major des forces armées
nationales, a lu à la télévision nationale,
une déclaration par laquelle il s’invite dans
le débat politique en cours en soutenant les
décisions anticonstitutionnelles de Monsieur
Gbagbo, accusant l’opposition d’être la
responsable des troubles qui ont actuelle-
Côte d’Ivoire:
DANS L’IMPASSE
«GBAGBOCRATIE»
cruciale pour Guillaume SORO car le Prési-
dent Gbagbo dans son allocution du 12 fé-
vrier fustigeait les partis politiques qui selon
lui, prenaient le processus de paix en otage.
C’est une partie difficile que joue Guillaume
SORO car il n’a pas vraiment les coudées
franches. Il est serré par le camp présiden-
tiel et celui de l’opposition. « Un véritable
coup d’état », c’est ainsi que la coalition de
l’opposition ivoirienne qualifie la décision de
Monsieur Gbagbo. Elle a appelé le peuple
ivoirien et les opérateurs économiques à se
mobiliser et à s’opposer par tout moyen à
cette dictature. Elle se tourne vers le prési-
dent du Burkina Faso Blaise COMPAORE
pour lui demander d’infléchir la position de
son homologue ivoirien Laurent Gbagbo dans
le sens du respect des engagements de l’ac-
cord de Ouagadougou. Selon l’opposition
Laurent Gbagbo par ses dernières décisions
démontre, si besoin en était encore, «qu’il
veut confisquer le processus électoral».
MANIFESTATION L’OPPOSITION
Depuis le 12 février l’opposition ivoirienne
a décidé de manifester son mécontentement
à travers des marches éclatées qui s’achè-
vent par des meetings. Malheureusement les
manifestants sont souvent contraints d’aban-
donner leur combat de revendication à cause
des forces de l’ordre qui les briment à l’aide
des moyens mis à leur disposition. Ce à quoi
il nous est donné d’assister ces derniers jours,
ce sont des morts par balles tirées par les
forces de l’ordre. Les témoignages poignants
font état de ce que tous ceux qui ont été
tués à Divo, Daloa, Abobo, Gagnoa etc.,
La côte d’ivoire de nouveau plon-
gée dans la crise politique après
la décision du Président Laurent
Gbagbo de dissoudre la com-
mission électorale indépen-
dante et le gouvernement. Un
soubresaut de plus dans l’in-
terminable crise politique ivoi-
rienne qui dure depuis 2002.
18. Société
18
Diasporas News
ne sera pas rendue publique »,a déclaré le
R.H.D.P.Et pourtant le médiateur dans la crise
ivoirienne, le président du Burkina Faso, Blai-
se COMPAORE, s’est montré optimiste après
sa visite d’urgence à Abidjan pour déblo-
quer la «situation». Le mouvement des forces
d’avenir (M.F.A.) selon son Président Innocent
ANAKI KOBENA ne siègera pas dans le gou-
vernement formé par Guillaume SORO. Il
s’en explique: « la présence des ministres de
l’opposition dans le gouvernement contribue
à rechercher le processus électoral (.....) la
seule chose que nous voulons c’est des élec-
tions. Or, avec l’opposition dans le gouverne-
ment, Gbagbo fait traîner les choses. Dans
un système démocratique, l’opposition s’op-
pose et ceux qui sont au pouvoir gouvernent
». L’on apprend également que le R.H.D.P.au
cours des échanges avec Blaise COMPAORE
aurait donné son accord pour que la com-
mission électorale indépendante soit dirigée
par les forces nouvelles. Un deal qui pourrait
être contrarié par le camp présidentiel.
Finalement, cette commission est dirigée par
l’ancien Ministre des affaires étrangères qui
est issu du PDCI de Henri Konan Bédié et ce
sont onze ministres de l’opposition qui font
leur entrée au gouvernement.
« Tout cela pour rien !!! On est encore revenu
au même schéma »
Désormais, en Côte d’Ivoire, on ne pense
plus trop aux élections présidentielles mais
à quand la prochaine crise ?
Les Ivoiriens auraient pu faire l’économie de
cette crise.
UNE DATE A ETE FIXEE POUR LES
PRESIDENTIELLES
Les différentes parties sont en effet tombées
d’accord pour organiser le scrutin présiden-
tiel avant fin avril début mai 2010. Le prési-
dent Gbagbo a eu encore un sursis de deux
mois .Ce scrutin a été maintes fois reporté
et selon plusieurs observateurs les dernières
crises risquent de conduire à un nouveau re-
port sine-die.
La nouvelle commission électorale indépen-
dante devrait s’atteler à achever le conten-
tieux électoral, à élaborer la liste électorale
définitive et à distribuer les cartes d’électeurs
aux ivoiriens inscrits dans la perspective de
l’élection présidentielle. Mais la Côte d’ivoire
est dans une situation de blocage telle, que
personne ne veut reculer, la tension est arri-
vée à son paroxysme et tout est possible.
Lucien HOUNKANLI
Un béninois de la diaspora
honnoré en France :
AMADOU RAIMI RECEVRA LES
INSIGNES DE LA LEGION D’HONNEUR
LE 17 MARS 2010
Notre frère et ami, Amadou Raimi sera donc honoré des
insignes de la Légion d’Honneur le 17 mars 2010. Ce bos-
seur timide et humble est l’exemple même de la réussite de
la diaspora béninoise. Comme il aime à le dire lui-même,
« Un leader doit savoir écouter et parler vrai ». Ce langage
de la vérité universelle sied aussi bien, dans le domaine
de la bonne gouvernance, aux gouvernants qu’aux gou-
vernés.
«premier vrai employeur»). Excellent élé-
ment, il gravit les échelons au sein du cabi-
net, puis a l’opportunité de travailler sur une
mission commandée par la banque mondiale
concernant l’ouverture du capital d’entrepri-
ses publiques lourdement endettées dans son
pays d’origine, le Bénin.
Il y passe deux ans, se déplaçant entre
l’Afrique, l’Europe et les Etats-Unis. Son
travail aboutit à la publication du rapport
«Parex».
Constatant qu’il n’y avait que peu d’oppor-
tunités de faire bouger les choses malgré
cette contribution, il retourne à Paris : «Mal-
heureusement, je devais à nouveau faire mes
preuves. Au sein du cabinet on ne savait plus
quelles étaient mes compétences et je tou-
chais un peu à tout. Dans l’année qui a suivi
mon retour, j’ai beaucoup travaillé et lors des
évaluations de fin d’année, mes responsables
ont trouvé que non seulement j’avais gardé
toutes les compétences que j’avais lors de
mon départ, mais qu’en plus je les avais enri-
chies par cette mission de deux ans.»
En 1987 c’est le tournant : Amadou Raimi qui
a parallèlement obtenu son diplôme d’ex-
pert-comptable, est coopté associé devenant
ainsi le premier originaire d’Afrique subsa-
harienne associé d’un grand cabinet d’audit
en France. De 1991 à 1997 Il est responsa-
ble du groupe audit dédié aux grands clients
et membre de la direction de l’audit, puis
A
vant d’aller plus loin, rappelons tout
simplement que notre frère Amadou
Raimi est Président du Conseil d’Ad-
ministration de DELOITTE FRANCE
(l’une des quatre plus grandes sociétés d’audit
au niveau mondial) et VICE-PRESIDENT de DE-
LOITTE AU PLAN MONDIAL.
Qui est Amadou Raimi ?
Né il y a 59 ans à Porto-Novo au Bénin, Ama-
dou Raimi effectue toutes ses études primai-
res et secondaires dans son pays natal. Elève
brillant, il est boursier sur mérites scolaires pen-
dant toute sa scolarité et effectue à partir de
la terminale ses études à l’étranger. D’abord
au Gabon où il obtient son baccalauréat, puis
en classe préparatoire aux études commercia-
les à Grenoble, dans un environnement radica-
lement différent de celui auquel il était habitué
dans son Bénin natal : «je devais m’adapter
pour réussir ou rentrer à la maison» dit-il.
De fait, il intègre une des plus prestigieuses
écoles de commerce de France, l’Essec (Ecole
Supérieure des Sciences Economiques et Com-
merciales). Son diplôme en poche, il est comme
beaucoup de jeunes diplômés africains soumis
à un dilemme : rentrer dans son pays natal ou
s’orienter vers un emploi offrant de grandes
possibilités d’épanouissement.
Il choisit d’effectuer ses débuts professionnels
en France où il a plusieurs propositions d’em-
ploi. Il travaille un an dans une banque avant
d’entrer chez Deloitte en septembre 1976 (son
19. 19
Diasporas News
tre pays avec des passeports diplomatiques à
la clé.
La diaspora béninoise en France dispose de tous
les talents que l’obscurantisme de Yayi Boni refu-
se de reconnaître. Je vais citer seulement quatre
exemples pour illustrer le propos:
• Jean-Charles AHOMADEGBE, Président
du Conseil des Béninois de France (C.B.F.) est
Docteur en Médecine et chercheur dans le plus
grand Institut de recherche sur le cancer en
France. Non seulement il mérite d’être décoré
par le Bénin, mais il aurait pu être un très bon
Ministre de la santé publique au Bénin;
• Faustin AISSI est professeur agrégé des uni-
versités en France et Vice-présidente du C.B.F.
Il a entamé plusieurs programmes de colla-
boration avec l’Université Nationale du Bénin
(U.N.B.). Il mérite d’être décoré par le Bénin. Il
aurait pu faire un très bon ministre de l’Ensei-
gnement supérieur et scientifique au Bénin.
• Nouréini TIDJANI-SERPOS mérite d’être dé-
coré par le Bénin, même si Yayi Boni et ses
mercenaires ont bousillé son rêve de devenir
D.G. De l’U.N.E.S.C.O. Dans les conditions que
chacun sait;
• Léopold Abilé ADJAKPA, consultant interna-
tional en N.T.I.C. A été le Directeur Technique
de BELL-BENIN. Il n’est pas aujourd’hui reconnu
par les change-menteurs, alors qu’il sert les
pays africains comme la Centrafrique, la RDC,
la Côte d’Ivoire, le NIGER, etc. Il aurait pu va-
lablement insuffler un nouveau souffle à la tête
d’un ministère technique de notre pays.
Cette liste n’est naturellement pas exhaustive.
Amadou Raimi, quant à lui, peut aujourd’hui,
avec le parcours qui est le sien, prétendre aux
hautes fonctions de la Magistrature suprême
dans notre pays.
Benoît ILLASSA
http://illassa-benoit.over-blog.com
«Chaque génération doit, dans une relative opa-
cité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir»
Frantz FANON.
les béninois de France sont, à plus de 90%, des
cadres dans leurs domaines respectifs. Qu’ils
exercent une profession libérale ou salariale.
Les béninois de l’intérieur l’oublient souvent,
mais ce sont leurs frères de la diaspora qui ont
massivement participé à la Conférence Natio-
nale des Forces Vives de la Nation de 1990
dont on célèbre aujourd’hui le 20ème anniver-
saire sans les y associer. A cette conférence de
1990, le Président Mathieu KEREKOU dira:
« Les béninois ont de l’argent à l’extérieur nous
a-t-on dit, eh bien qu’ils commencent déjà à
s’entendre pour cotiser ne serait-ce que pour
le montant de deux mois de salaires... »
Les 82 millions de FCFA qu’a coûté la Confé-
rence Nationale ont été entièrement libérés
par la diaspora béninoise. C’est dire que celle-
ci n’a coûté aucun centime au budget de l’Etat
béninois.
Vingt ans après, on ne peut que s’étonner
qu’aucune Chancellerie du Bénin à l’étranger
n’ait daigné convier ces même béninois de la
diaspora à échanger sur les acquis et les fai-
blesses d’une démocratie encore à parfaire.
Les Présidents SOGLO et KEREKOU n’ont ja-
mais oublié le rôle important joué par la dias-
pora dans le processus démocratique en cours
dans notre pays. Pour mémoire, le Premier
Président du renouveau démocratique était issu
de la diaspora. Comme d’ailleurs, l’actuel, Yayi
Boni. Ce dernier aura été celui qui aura déci-
dé de saborder les communautés béninoises
de l’extérieur avec l’apparition des Conver-
gences cauris en France, notamment.
On peut tout reprocher au Général KEREKOU,
sauf de vouloir caporaliser la diaspora béni-
noise comme le fait actuellement les change-
menteurs de notre pays. En effet, Kérékou a
installé le Haut Conseil des béninois de l’exté-
rieur en 1997. Tous les participants ont payé
leurs billets d’avion et leur logement à Cotonou.
C’est lui qui a pris un Décret pour transformer
le H.C.B.E. En une association d’utilité publique
nationale. Avant de quitter le pou-
voir en 2006, il a pris le soin de
donner un siège national à cette
association. Il a aussi créé l’Agen-
ce Nationale des Béninois de l’Ex-
térieur (A.N.B.E.).
Si nous revenons à notre frère,
Amadou Raimi, il convient de
souligner qu’il n’a obtenu aucune
distinction honorifique de son pays
natal. Dans le même temps, des
ministres étrangers et des consul-
tants occultes se voient décerner
les plus hautes distinctions de no-
successivement
administrateur,
vice-président du
conseil d’admi-
nistration de De-
loitte France en
2000 et membre
du conseil d’ad-
ministration mon-
dial en 2001.
En juillet 2004 il
brigue avec suc-
cès la présidence
du conseil d’ad-
ministration, et est élu par ses pairs président
du conseil d’administration de Deloitte France
pour un mandat de quatre ans. Il est également
depuis 2007 vice-président du conseil d’admi-
nistration mondial de Deloitte.
Concernant la réussite de no-
tre frère, voyons ce qu’il en
dit lui-même.
« La réussite au plus haut niveau d’un mana-
ger issu de la diversité (il n’oublie jamais de
préciser ses racines béninoises), notamment de
l’Afrique subsaharienne, nécessite la prise en
compte d’un certains nombre de facteurs:
•Rester soi-même, ne pas se renier, et avoir en
mémoire ce fait que toute société a une di-
mension ethnocentrique. Je cite volontiers deux
expressions africaines qui me semblent bien il-
lustrer cette dimension. Quand tu ne sais pas où
tu vas, souviens-toi d’où tu viens et puis: La force
du baobab est dans ses racines.
• Travailler un peu plus que les autres, et viser
l’excellence en toute chose, pour mériter le res-
pect, puis la confiance. Il faut bien avoir pré-
sent à l’esprit le fait que l’on ne nous accorde
pas de crédit à priori, mais à postériori. Il faut
savoir franchir les étapes.
• Enfin, capitaliser sur quelques avantages que
nous donnent l’éducation et la culture africai-
nes; c’est une bonne école qui prépare à af-
fronter les difficultés de la vie dans la cité, car
elle enseigne l’humilité, la patience, l’impor-
tance du rôle de la famille dont le soutien est
fondamental, notamment dans les moments de
turbulence, enfin l’équilibre et la paix intérieure
qu’apporte la spiritualité.»
Ils sont nombreux, ces béninois de la diaspora
qui ont fui leur terre natale pour diverses rai-
sons. Ils ont du mérite car il n’est jamais facile
d’abandonner sa terre natale pour se recons-
truire ailleurs avec les déchirements sociologi-
ques que chacun peut aisément imaginer.
Aujourd’hui, les béninois de la diaspora sont
dans tous les continents, avec des fortunes di-
verses. Pour celle que je connais d’avantage,
20. Société
20
Diasporas News
Baba cool :
De la Côte d’Ivoire à l’Italie, de l’Italie au Etats-Unis, des Etats-
Unis au Boulevard de Strasbourg Paris 10e... Celui qui se défi-
nit comme un artiste-coiffeur était en fait, un ancien footballeur
de l’équipe italienne de Bari. Après un accident, il voit sa car-
rière s’arrêter et sillonne le monde en attendant sa prochaine
reconversion. Le déclic se fera quelques mois plus tard lorsqu’il
réalisera sa vraie passion, en revenant sur Paris après avoir
immergé 2 ans à New York dans les salons afros. Là bas, il
acquiert une technique unique, qu’il développera et affinera à
Strasbourg St Denis.
En l’espace de 12 ans, Baba Cool a su s’atti-
rer une clientèle de stars de la scène françai-
se et internationale. Son allure vestimentaire
ne passe pas inaperçue, de même que ses
coiffures qui ont fait sa renommée : « les Tri-
bales ». Colorés, rasés, taillés avec précision,
ces dessins atypiques qu’il crée sur les crânes
sont les véritables symboles de son art.
Seulement, derrière le « styliste capillaire
pour hommes », se cache un homme qui ré-
serve bien des surprises. En effet, parmi les
diverses vies de Baba Cool, il y a aussi le
père de famille, concessionnaire avisé et le
musicien hors pair. Mais quelle est la vérita-
ble identité de l’inventeur des « Tribales » ?
Nul ne doute sur l’identité de Baba Cool dans
le 10ème arrondissement. Et pour cause : le
quartier abrite une star pas vraiment comme
les autres. Lorsque l’on pousse la porte de
son salon, on se rend compte que le mythe
est en fait une réalité. Les murs sont tapissés
de photos de Baba en compagnie de stars
tels que Usher, DMX, Passi ou encore Mokobé
du groupe 113... Le salon est plein à cra-
quer, et la queue ne cesse de s’allonger. Mais
rien ne semble déconcentrer « le maître »
dans sa créativité. Entre deux coupes, il nous
explique son parcours.
D’où vient votre nom « Baba
Cool » ?
Baba est mon véritable nom, et cool parce
que je suis toujours disponible pour les gens,
j’aime leur rendre service lorsqu’ils me le de-
mandent. Cela fait 10 ans que le public m’a
attribué ce surnom.
Après l’arrêt brutal de votre
carrière de footballeur, com-
ment avez-vous choisi votre
reconversion ?
A la suite d’une blessure au genou, j’ai du
abandonner mon métier de footballer pro-
fessionnel. J’étais dans l’équipe de Bari en
Italie et j’y ai fait quatre ans. J’étais dans un
club de seconde division. J’ai d’ailleurs connu
quelques problèmes de racisme … A ce mo-
ment, je me suis dit que si quelque chose ne
marche pas dans un domaine, ça peut mar-
cher ailleurs ! J’aimais beaucoup le milieu
de la coiffure, c’était mon rêve depuis tout
petit... La coiffure pour moi c’est la passion,
c’est un rêve de jeunesse...
Que décidez-vous de faire à l’issue
de votre carrière ?
J’ai décidé de partir pour New York. Arrivé
sur place, je me rends compte que la coiffure
n’est pas un métier facile. Je voyais les coif-
feurs s’exercer sur des têtes afros, et j’étais
très épaté. Je me suis rendu compte que pour
être coiffeur il faut avoir du talent. Lorsque
j’ai foulé le sol de Paris, avec l’expérience
que j’avais eue à New York, je me suis pré-
senté dans un salon tenu par un ami, Hamed,
qui m’a donné ma première tondeuse, et m’a
fait entrer dans le métier en me disant « pour
être coiffeur, tu n’a pas besoin de passer des
diplômes. C’est à force de travailler sur le
tas que tu y arriveras ».
Comment se passent vos pre-
miers pas dans la coiffure ?
Je savais que c’était ça que je voulais faire,
mais j’ai vite compris que ce ne serait pas
facile. Le premier monsieur que j’ai coiffé
n’était pas du tout content de sa coupe, com-
me je n’avais pas mes papiers français, le
monsieur a appelé les flics et ils sont venus
me chercher. A la suite de cette histoire, j’ai
changé plusieurs fois de salons avant de re-
venir avec la force et un autre concept. Faire
des dessins sur les crânes des gens ! Mon en-
tourage à pensé que l’idée était absurde !
Les gens m’ont traité de fou...
Comment vous est venue cette
idée de dessiner sur les crânes des
clients ?
J’aime créer et je pense être quelqu’un de
créatif et je n’aime pas faire comme tout le
monde, d’ailleurs cela se voit dans mon fa-
çon de m’habiller. J’aime toujours avoir ce
quelque chose qui fait la différence. J’aime
attirer l’attention, susciter l’intérêt dans mon
look, que les gens se disent, « mais où est- ce
que tu as trouvé ça ? »
Qui vous a inspiré ?
A l’époque, je côtoyais l’inventeur du « coupé
décalé » avant même qu’il ne fasse sa pre-
mière chanson. Il venait souvent me voir, et
quand il s’asseyait, il me laissait toujours car-
te blanche avec sa tête. C’est à ce moment
que j’ai commencé à puiser mon inspiration
de création. Je faisais ce qui me passait par
la tête, et bizarrement, ça a commencé à
plaire. Le bouche à oreille aidant, la foule
L’homme à la tondeuse
virtuose
21. 21
Diasporas News
art, j’ai pu démocratiser la coiffure masculine
pour la rendre moins figée, plus dans notre
époque. D’ailleurs, j’ai été récompensé pour
mon travail au États-Unis en recevant plu-
sieurs fois le African Diaspora Award, le prix
du meilleur coiffeur, avec Mokobé qui avait
fait le voyage pour me soutenir. Aujourd’hui à
Château d’Eau, cette coiffure que j’ai créée
a un sens, qui je pense est le bon. Il y a cette
espèce de concurrence -non violente- entre
les coiffeurs qui se lancent des défis et se
spécialisent dans certaines coupes ! Tout cela
crée une harmonie et j’aime voir ce que font
les autres.
Que retenez-vous de votre par-
cours ?
Je sais que nous ne sommes rien sur terre,
mais je pense que quelque part, je laisse-
rais une trace. Lorsque je m’arrête et que je
pense à mon parcours, je suis quand même
fier de ce que j’ai pu faire car je ne regrette
rien. Je remercie toutes les personnes qui
m’ont suivi et aidé lorsque je n’avais pas mes
papiers. Je sais qu’aujourd’hui que je ne se-
rai rien sans leur soutien... En fait je fais plu-
sieurs choses à la fois, je vends des voitures,
je coiffe, je chante, je mène ma vie comme
je l’entends. Même si il est vrai que la coif-
fure aujourd’hui est ma raison de vivre, c’est
comme une drogue pour moi.
Au sujet des sans papiers qui gra-
vitent dans le quartier de Barbès.
Quel est votre opinion sur leur si-
tuation ?
Je pense que quand on arrive quelque part,
il faut savoir respecter les lieux. Il ne faut
pas répéter ou ramener ici les mêmes habi-
tudes de l’Afrique. Cela ne nous sert pas, au
contraire. Mais je les soutiens et si je peux en
aider quelques uns, je le ferai. Le plus grand
défaut de l’africain, c’est la jalousie, ce qui
fait qu’ on ne peut pas progresser. Ça tue
l’artiste, et son art. Il faut le laisser voler de
ses propres ailes.
Que peut-on vous souhaiter pour
l’avenir ?
La coiffure ce n’est pas quelque chose qui
meurt, il n’y a pas de retraite dans la coiffu-
re ! Si Dieu le veut, j’ai reçu quelques propo-
sitions notamment en Suisse, aux États-Unis,
avec un client que j’ai coiffé qui m’avait de-
mandé d’aller ouvrir avec lui un salon à New
York. Mais j’ai refusé, je me suis dit, chaque
chose en son temps. Il ne faut jamais se pré-
cipiter dans la vie. Je ne dis pas que je vais
forcément faire un grand salon mais je veux
faire les choses étapes par étapes.
Dans tout ce qu’on fait dans la vie, il faut
avoir la foi, et croire en ses projets et je pen-
se que avec ça ont peut aller de l’avant. Il
faut avoir le cœur sur la main, et aider lors-
que tu le peux. Avancer sans arrières pen-
sées. Ne pas avoir d’ennemis, ne pas être
contre les gens.
Maud Oyabi
Baba Cool sera du 12 au 24 avril en tour-
née Africaine avec Alibi Montana.
fait mon premier son avec Mokobé du 113,
et le prochain qui va sortir sera avec Alibi
Montana. Je suis un touche à tout !
Que pensez-vous du travail de vos
concurrents ?
C’est normal, aujourd’hui à Château d’eau,
tous mes confrères essayent de faire des
dessins, ils font de leur mieux pour m’imiter
mais tous reconnaissent leur patron : ils sa-
vent que c’est moi. Pour bien dessiner, il faut
: avoir la main, avoir le feeling, laisser une
empreinte. Le dessin c’est quelque chose qui
respire, ça marche, ça vit, ça respire, c’est
quelque chose qui bouge. Après tout, le des-
sin qu’on arbore sur la tête doit faire par-
tie de nous, de notre identité. Il faut créer
une harmonie...Et ça me fait plaisir quand je
croise un coiffeur, et qu’il reconnait que c’est
moi qui ai inventé les tribales. Baba Cool,
c’est une marque déposée.
Comment avez-vous su attirer une
clientèle aussi variée allant des
stars du paysage français aux
stars internationales ?
Avec des américains de passage sur Paris
que je coiffais ! Lorsqu’ils retournaient aux
USA avec mes coiffures, ils faisaient ma
pub. Et puis, avec le temps ma renommée
s’est faite avec le bouche à oreille. Un jour,
quelqu’un m’a appelé pour me dire qu’il y
avait un artiste à coiffer mais je ne savais
même pas que c’était Usher !
Cela ne me fait pas grand chose car je ne
suis quelqu’un de simple. Pour moi ce sont
des clients comme les autres. Je ne dis pas
ça par prétention. Si j’ai accroché autant de
photos de célébrités sur mes murs et sur mon
site internet, c’est parce que lorsque je ra-
contais qui j’avais coiffé à mon entourage,
ils ne me croyaient pas. Maintenant je n’ai
plus à me justifier, les images parlent d’elles
même. Vous savez, les africains aiment les
preuves. Je fais ça aussi pour les américains
qui viennent dans mon salon, pour qu’ils se
rendent compte sur place de qui est Baba
Cool.
Ce que les gens qui passent entre
vos mains ignorent, c’est que vous
aviez un frère jumeau qui vivait au
États-Unis...
J’avais un frère jumeau qui s’est fait assassiné
au Etats-Unis. C’est pour cela qu’il a fallu que
je parte, sinon, je n’aurais jamais quitté ce
pays. Ce qui fait qu’aujourd’hui, une partie
de moi s’est envolée avec lui. Cela a laissé
une trace peut-être, mais ce n’est plus qu’un
mauvais souvenir. Aujourd’hui je me bats
avant tout pour lui, pour ne pas le décevoir
là où il est. Je me dis que dans la vie, il ne
faut pas baisser les bras...
Et si c’était à refaire ?
Je suis content de ce que j’ai pu réussir à
faire car mine de rien, j’ai contribué à créer
une nouvelle façon de coiffer les gens. Avant,
la coiffure pour les hommes n’était pas aussi
variée et développée en Europe, avec mon
masculine a commencé à affluer jusqu’à
aujourd’hui.
Quels ont été les réactions dans
votre entourage ?
Ce qui est drôle c’est qu’au début les autres
coiffeurs se moquaient de moi ! Tous m’ont
traité de fou ! Et aujourd’hui, ce sont eux-mê-
mes qui proposent des dessins à leurs clients.
Mais tout ce qu’ils font ne pourra jamais être
comme moi car j’ai mon secret. J’ai n’ai pas
encore révélé ce secret, mais il faut savoir
que tous les coiffeurs peuvent faire des sym-
boles sur la tête, mais les dessins, c’est autre
chose...
Sur les murs de votre salon ont peut
voir que vous avez coiffé le crâne
d’un client avec le portrait de Barak
Obama. Votre inspiration vous mène
très loin...
Ce sont des images ! C’est lorsque que je
vais encore plus en profondeur dans mon art.
Lorsqu’on est artiste, il faut toujours aller au
bout de son talent. Lorsqu’on veut faire quel-
que chose, il faut aller au bout de son envie.
Je considère la coiffure comme un art à part
entière. C’est beaucoup de travail mais aussi
une bonne part d’art. Coiffeur, c’est un mé-
tier d’artiste.
Vous êtes également concession-
naire et chanteur... N’avez-vous
pas peur de perdre vos priorités en
cumulant les activités ?
Un artiste n’a pas de limites ! Je fais plusieurs
boulots, et c’est vrai que l’on me pose souvent
cette question. Je suis fier de ma créativité
car tous les coiffeurs que ce soit à Paris ou
dans le monde entier aujourd’hui les tribales
ont pris une dimension internationale. Au dé-
but, c’était de la moquerie, aujourd’hui c’est
devenu un business, quelque chose de pré-
cieux. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir
du plaisir à chanter. Je me sens musicien et
j’ai mon quatrième album qui va sortir... J’ai
22. Société
22
Diasporas News
Diasporas- News
Le ministre français de l’Immigration, M.
Eric Besson, a initié depuis le mois de no-
vembre 2009 un débat sur l’Identité na-
tionale. Un sujet qui divise toute la classe
politique française de même que la société
civile. Quelle est l’opinion du président du
Cran ?
M. Patrick Lozès
A mon sens, ce débat est à la fois une ré-
gression et une instrumentalisation. Une
régression parce que 80 % des Noirs de
nationalité française, ne doutent pas de
leur appartenance à ce pays. Ceux-là
savent qu’ils font partie de l’identité fran-
çaise. C’est donc une régression si on en
revient encore à se poser des questions
sur l’identité nationale d’une partie de
la population en l’occurrence les Français
noirs, le Français arabo-maghrébins et les
Français d’origine asiatique. Nous savons
tous ce que c’est qu’être Français, ce qui
fait l’identité nationale et les valeurs ré-
publicaines. Se reposer aujourd’hui ces
questions de manière très théorique, c’est
une régression. Deuxièmement, je pense
que ce débat est une instrumentalisation
parce qu’il est mené à quelques semaines
des élections régionales. Visiblement, l’in-
tention est de rafler des voix notamment
à l’extrême droite. Dans le même temps,
ce débat tel qu’il est mené, fait ressurgir
des peurs et est dangereux dans la mesure
où ses initiateurs ne fixent aucun objectif
et qu’il n’est pas cadré. On assiste donc
à des dérapages sur des propos racistes,
xénophobes (…) On indexe une partie de
la population française et une religion en
l’occurrence l’islam. On en arrive à op-
poser l’immigration à l’identité nationale
avec des dérives inévitables. Alors que si
ce débat avait été cadré et posé de fa-
çon positive avec des objectifs en se disant
comment devrons-nous nous projeter dans
l’avenir en reconnaissant que la France
est diverse et que la question qui se pose
n’est pas « Qu’est-ce qu’être Français ? »
mais plutôt « Comment avec ces millions
de français issus de la diversité, pouvons-
nous construire ensemble un avenir meilleur
commun pour que ce pays soit rayonnant
sur la scène internationale au plan éco-
nomique, politique et culturel ? » C’est un
atout et une chance pour la France d’avoir
une population d’origines diverses qui a
des codes culturels en Afrique, en Asie, au
Maghreb (…)
Diasporas-News :
N’y a-t-il pas de similitudes entre ce dé-
bat en France et la question identitaire qui
s’est posé avec acuité à un moment donné
dans certains pays africains notamment en
Côte d’Ivoire où le concept de l’ivoirité a
débouché sur une grave crise sociopoliti-
que ?
M. P. L.
Effectivement, il y a une comparaison à
faire avec des pays africains où des cri-
ses identitaires, des passions identitaires
ont dégénéré. En l’évidence, la peur qu’on
a aujourd’hui si j’ai dit que ce débat est
dangereux, c’est que dès lors qu’on ouvre
la boîte de pandore , qu’on commence à
définir le bon français, le bon allemand,
le bon ivoirien par opposition au mauvais
français, au mauvais allemand, au mau-
vais ivoirien, bien évidemment, on court le
grave risque d’une atteinte à la cohésion
nationale. C’est une façon délibérée d’op-
poser les parties constituantes de la nation
française. Ce qui se passe ailleurs dans les
pays qui ont laissé les passions identitai-
res prendre le dessus peut se reproduire
en France. Oui, le racisme, la xénophobie
peuvent également prendre le dessus sur le
débat en France. C’est pourquoi, j’alerte
les responsables de ce pays, à commencer
par le ministre français de l’Immigration,
M. Eric Besson, et surtout le président de la
République, M. Nicolas Sarkozy, garant de
la cohésion nationale, à cadrer ce débat.
Je suis extrêmement inquiet.
Diasporas-News :
Le sud de l’Italie a été récemment secoué
par des manifestations « anti-étranger »
d’une rare violence. Des groupes d’extré-
mistes ont organisé des chasses à l’homme
contre les immigrés, principalement les
Noirs. Ne faut-il pas craindre une conta-
gion en France avec la tenue de ce dé-
bat ?
M. P. L.
Il y a effectivement des risques réels. Ce
débat tel qu’il est conduit peut légitimer
M. Patrick Lozès :
Président du CRAN
Le Patrick Lozès, diplômé en Pharmacie et de l’Ecole supé-
rieure de commerce de Paris, natif de Porto Novo au Bénin,
est un des rares intellectuels noirs issus de l’immigration à
qui le gouvernement français en l’occurrence le Ministre des
Affaires étrangères, Bernard Kouchner et celui de l’Immigra-
tion de l’époque, Brice Hortefeux, ont confié en novembre
2009, la direction d’une mission de lutte contre le racisme et
le communautarisme. Le président du CRAN (Conseil repré-
sentatif des associations noires de France) nous livre sans
détours ce qu’il pense du débat sur l’Identité nationale qui
défraie la chronique en France.