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INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 237 SEMAINE DU 7 AU 13 FÉVRIER 2013
Avec leurs confédérations
les travailleurs refusent
I Les confédérations CGT et FO ont annoncé une action commune contre la transposition dans la loi
I A Renault, de nouveaux débrayages ont eu lieu le 5 février contre le plan de la direction,
avec 8 260 suppressions d’emplois en prime. I A Goodyear, l’annonce de la fermeture du site d’Amiens
REPÈRES
Bernard Thibault (CGT) : “Nous allons joindre La confédération FO en faveur L’accord national interprofessionnel
nos forces (avec FO — NDLR) pour essayer de dissuader d’une “action coordonnée et ciblée, du 11 janvier 2013
le gouvernement et la majorité des députés” à l’initiative des deux confédérations non signataires” La CGT et la CGT-FO, en refusant de signer l’accord interpro-
fessionnel qui liquiderait des pans entiers du Code du travail,
Sur France Inter le dimanche Le 3 février sur BFM-TV, Jean- ont infligé un revers important au gouvernement qui appelait
3 février, Bernard Thibault, Claude Mailly, pour la CGFT-FO à un « compromis historique ». Il ne s’est trouvé que la CFDT
(avec la CGC et la CFTC) pour parapher le texte avec le Medef
pour la CGT, déclare : « J’ai eu indique : « Une décision de prin- le 11 janvier dernier. Le gouvernement compte présenter le
une nouvelle conversation cipe a été prise entre les deux projet de loi au Conseil des ministres du 6 mars.
aujourd’hui même avec Jean- confédérations non signataires Signé par la CFDT et le Medef, l’accord, qui ne peut s’appli-
Claude Mailly, le secrétaire (de l’accord interprofessionnel du quer que s’il est transposé dans la loi :
— autorise des accords d’entreprises permettant de baisser
général de Force ouvrière, 11 janvier – NDLR), une mani- les salaires et d’augmenter le temps de travail, sous peine de
nous avons encore nos festation vraisemblablement, qui licenciement individuel (sans les garanties prévues par les
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réunions d’instance cette sera affinée dans les jours à conventions collectives) pour tout salarié qui les refuserait ;
venir. » La veille, la commission — accélère toutes les procédures de licenciements collectifs ;
semaine mais le principe est
— limite sévèrement les recours aux prud’hommes en cas de
maintenant acquis : nous exécutive de la CGT-FO, qualifiant licenciement abusif.
allons joindre nos forces pour essayer de dissuader le l’accord du 11 janvier comme étant « attentatoire aux droits La présidente du Medef, Laurence Parisot, a appelé les parle-
gouvernement et la majorité des députés actuels de collectifs », avait déclaré qu’elle mandatait « le bureau mentaires à l’union nationale : « Je dis que cet accord est
potentiellement historique, c’est-à-dire qu’il le sera réellement
commettre l’impair important que représenterait l’adop- confédéral pour prendre contact avec l’autre confédéra-
si la majorité, et j’espère au-delà même de la majorité, c’est-
Renault :
tion » du projet de loi transposant l’accord national inter- tion non signataire (CGT) afin d’examiner les conditions à-dire avec l’opposition parlementaire, adopte le texte en
professionnel sur la flexibilité signé le 11 janvier par le permettant une action coordonnée et ciblée, à l’initiative l’état. »
Medef et la CFDT. des deux confédérations non signataires. »
Grève contre le plan de compétitivité
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Le 5 février, nouveaux débrayages dans toutes « On est en train de vivre un recul social histo- accord “compétitivité”, et pour cela, seule la mon-
les usines Renault. Appuyée par le gouverne- rique. Les déplacements forcés m’inquiètent aussi. tée en puissance de nos mouvements fera recu-
CHIFFRE
ment (l’Etat demeure le premier actionnaire Aujourd’hui, il n’y a pas assez d’effectifs et ils ler Renault. Le 5 février, soyons encore plus
de Renault), la direction voudrait imposer aux parlent de suppressions de postes, c’est inad- nombreux » (tract du 30 janvier).
syndicats, en plus de 8 260 suppressions d’em- missible ! », dit un magasinier de 55 ans. Le syndicat FO de Renault-Douai : « Pour Force
plois, un accord supprimant 17 jours de congés Karine, 39 ans, ajoute : « Ce qui m’inquiète le ouvrière, pas de chantage à l’emploi (…) ! La
et imposant une mobilité forcée entre les dif- plus, ce serait de devoir partir travailler ailleurs, direction générale n’a eu de cesse de tenter de
férentes usines. que ce soit dans le cadre de l’accord sur la mobi- nous démontrer que pour assurer la survie des
lité ou si l’usine doit fermer. Ma priorité, c’est ma sites Renault en France, il faudrait que les sala- C’est le nombre d’usines fermées
Yan Legoff vie de famille. » riés fassent d’énormes sacrifices (…) ! Force
avec notre correspondant à Flins ouvrière dit non ! Il est hors de question de lais- en France depuis 2009.
Pour Montebourg, le plan de Renault ser partir en fumée plus de vingt années d’acquis Source : cabinet de conseil Trendeo, février 2013.
es débrayages du 5 février, à Renault, font serait “une protection des intérêts sociaux » (tract du 28 janvier). I
L suite à ceux du 29 janvier. Ils avaient été
massifs dans les usines du groupe à tra-
vers la France : 1 000 grévistes à Douai, 1 300 à
sociaux des salariés” !
Dans la presse régionale le 1er février, le ministre
Flins, 600 au Mans, 250 à Sandouville, 500 à Arnaud Montebourg, apporte une nouvelle fois
Cléon (le lendemain). son soutien à la direction de Renault : « On a
A Flins notamment, le 29 janvier, les grévistes beaucoup parlé des 7 500 suppressions de postes,
sont venus de tous les secteurs de l’usine ainsi mais je voudrais attirer l’attention sur le fait qu’il
que des services techniques et des bureaux, à est impensable et qu’il me paraît déraisonnable
l’appel de tous les syndicats. Ils ont dit et voté d’assimiler ce plan (…) à un plan de licencie-
dans les assemblées générales d’équipes : ments et même de départs volontaires. Personne
— Non à l’accord sur la compétitivité que la ne perdra son travail dans ce type de stratégie de
direction voudrait imposer, en plus du plan de gestion des effectifs. »
8 260 suppressions d’emplois ! Et le ministre fait pression sur les syndicats pour
— Oui à la poursuite du mouvement et surtout, signer l’accord de compétitivité que la direction
qu’aucun syndicat ne signe l’accord ! voudrait imposer : « Finalement, dit-il, c’est une
Les travailleurs de Renault refusent les disposi- protection des intérêts industriels et des intérêts
tions du projet d’accord : la mobilité obligatoire, sociaux des salariés (…). Ce sont des propositions
la mainmise sur leurs congés, 17 jours de tra- qui peuvent être discutées, mais qui me parais-
vail supplémentaires, la diminution du temps sent être (…) des efforts modérés. »
de pause (20 minutes par jour, pas une de plus !),
la baisse de rémunération des heures supplé- Les syndicats CGT et FO
mentaires qui passeraient de 25 % à 10 %, le gel refusent de signer
des salaires sur plusieurs années. C’est, en fait,
une application anticipée de l’accord interpro- Le syndicat CGT de Renault-Flins : « Si cet accord
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fessionnel du 11 janvier sur la flexibilité qui vise voyait le jour, non seulement cela ne “sauverait”
à généraliser ce type de plan dans toutes les aucune usine, mais au contraire, cela contri-
entreprises. buerait à les “vider” ! La direction doit retirer son
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CGT et FO, é
ÉDITORIAL
la flexibilité
Pourquoi
ce cri d’alarme,
Monsieur
Moscovici ?
Q
de l’accord interprofessionnel du 11 janvier sur la flexibilité signé par le Medef et la CFDT.
Daniel Gluckstein,
plan soutenu par le gouvernement, qui anticipe cet accord interprofessionnel, secrétaire national du POI
s’accompagne d’une campagne contre le syndicat CGT qui refuse la déréglementation.
Pourquoi
uel objectif poursuit donc le
ministre Moscovici ? Il y a
quelques jours, il a lancé :
une telle campagne
« Le niveau de l’euro est trop
fort. » Aussitôt, la presse mul-
tiplie commentaires et analyses à l’appui
contre la CGT Goodyear ?
de cette déclaration. L’euro est trop fort,
nous disent-ils, en raison de la faiblesse du
dollar, délibérément orchestrée par la
Réserve fédérale pour encourager les expor-
tations américaines. Et du coup, les pro-
duits « made in France » ne peuvent
soutenir la concurrence (évidemment
déloyale) des Etats-Unis. Conclusion de
nos « commentateurs » avisés : comme les
traités européens (Maastricht et TSCG)
Depuis l’annonce par le patron de sa volonté matin, deux jours de travail la nuit, une pause
interdisent à la Banque centrale euro-
de fermer l’usine Goodyear d’Amiens, qui au milieu, et deux jours de repos. Le samedi
péenne le même type d’intervention, il ne
Quand
emploie 1 200 salariés, un concert de pro- et le dimanche sont travaillés comme les autres
reste plus à l’Europe qu’une seule variable
testations s’élève… mais pas contre le patron ! jours de la semaine. Un travailleur de Dunlop
Mickaël Wamen
d’ajustement, c’est de baisser le coût du
Contre les travailleurs de Goodyear et leur explique : « On est comme des zombies. C’est
travail.
rappelle
syndicat CGT. Laurent Berger, le nouveau ruinant physiquement, et, sur le plan familial,
L’argument n’est pas nouveau. Il y a
secrétaire général de la CFDT, a explicitement c’est très dur. Mais je ne peux pas faire autre-
la promesse
quinze ans, préparant la mise en place de
mis en cause la CGT Goodyear pour avoir ment, il faut que je gagne ma vie. » L’année der-
l’euro, un certain Tietmeyer, alors prési-
de M. Hollande
refusé d’accompagner les plans sociaux depuis nière, un ouvrier de Dunlop, considéré comme
dent de la Banque centrale allemande, aver-
cinq ans. Arnaud Montebourg y est allé de un ouvrier modèle par sa hiérarchie, s’est sui-
tissait : « Nous ne pouvons plus jouer sur
son couplet, appelant la CGT à mettre de l’eau cidé du fait de la pression des 4 x 8. Quatre ten-
les taux de change. (…) Le fardeau de l’ajus-
dans son vin. Ce serait donc la CGT qui serait tatives de suicides connues à Dunlop. Un
tement (…) reposera désormais exclusive-
responsable de la fermeture de l’usine, et pas délégué syndical de Dunlop explique : « Quand
ment sur les coûts du travail nationaux.
les patrons. la direction présente les résultats du groupe en
Les salaires et tous les leviers reliés aux
Europe, Goodyear est classé dernier, et nous, on
salaires devront permettre de faire face aux
Lucien Gauthier est les avant-derniers. Je me dis que si demain
différences de productivité. »
Goodyear ferme, on risque d’être les suivants. »
Rien de bien nouveau donc. Alors pour-
a presse, et un certain nombre de res- De fait, l’accord signé en 2008 à Dunlop « pro-
L ponsables politiques, mais également
des responsables de la CFDT, opposent
au prétendu « dogmatisme » de la CGT Good-
tége » (!) les salariés jusqu’en 2014, date de
l’échéance de l’accord. Mais d’ores et déjà, la
feuille de production pour 2013 à Dunlop est
quoi ce soudain cri d’alarme de Mosco-
vici ? Pourquoi, sinon pour justifier l’accord
Medef/CFDT et le chantage exercé, à
Renault et ailleurs, sur le thème : les syn-
year le « pragmatisme » de la CFDT et de la CFTC de 3,2 millions de pneus, soit une baisse de un
dicats doivent accepter les baisses de salaire
de Dunlop, l’autre usine du groupe, qui se trouve million par rapport à l’année précédente. De
sous peine de voir fermer les usines et liqui-
de l’autre côté de la rue, en face de Goodyear, nombreux travailleurs de Dunlop s’inquiètent.
Photo AFP
der les emplois (2) ?
qui ont signé un plan avec la direction, alors Ils se rappellent le cas de Continental Clairoix
Cette dramatisation à outrance traduit
que la CGT Goodyear l’a refusé. (Oise) où, plusieurs années avant la fermeture
l’inquiétude du gouvernement. Son offen-
de cette usine, les syndicats avaient signé un
Le 14 octobre 2011, François Hollande, sive de démantèlement du Code du travail
Mais qu’a donc refusé accord avec le patronat pour « préserver l’em-
se heurte à une résistance que matérialise
la CGT de Goodyear ? ploi », avec le retour du travail aux 40 heures sur le parking de l’usine Goodyear,
à Amiens ; derrière lui, Mickaël Wamen, en particulier le refus des confédérations
sans augmentation de salaire et l’introduction
responsable CGT. CGT et CGT-FO de signer l’accord. D’où la
En avril 2007, le patron veut regrouper Good- de la flexibilité. Résultat : Continental est fermé,
campagne sur la hausse vertigineuse de
year et Dunlop, supprimer 450 postes et pas- 80 % des travailleurs de Continental sont
ser aux 4 x 8. Les salariés de l’ensemble du aujourd’hui sans emploi. Mickaël Wamen, le responsable l’euro. D’où, aussi, cet incroyable argu-
mentaire adressé par le groupe PS à l’As-
groupe rejettent le plan. En janvier 2008, le de la CGT de Goodyear, a déclaré : semblée nationale à tous les syndicats de
patron annonce vouloir supprimer 478 postes Quel est donc le “crime” ce pays, tentant de convaincre que l’accord
et faire baisser la production de 23 %. La CFTC de la CGT Goodyear ? « Quand Hollande est venu
sur le parking de notre usine signé n’est pas « favorable au patronat »,
et la CFDT de Dunlop signent alors l’accord des
que « la situation des salariés » ne va pas
4 x 8. La CGT de Goodyear refuse cet accord. Le L’un des militants CGT explique : « Comme en 2011, il nous a dit « se dégrader », que la voie n’est pas ouverte
patron menace de supprimer 402 postes et syndicaliste, mon rôle n’est pas d’accepter les
réduit la production de 38 %. En juin, les sala- restructurations et de me mettre à négocier tout
qu’il condamnait l’attitude « à la précarisation généralisée », que « cet
des dirigeants de Goodyear. accord » ne fait pas « sauter les protections
riés, par un vote écrasant, rejettent les 4 x 8 à de suite les primes de départ, comme cela a été
contre les licenciements », etc. Plaidoyer
Goodyear. En juillet, la CGC et la CFTC, mino- fait à Continental, mais de défendre les tra- Ça, c’était avant d’être élu. mensonger en faveur d’une politique de
ritaires à Goodyear, signent l’accord. La CGT, vailleurs et leur emploi. » Mickaël Wamen a Mais maintenant qu’il est élu, destruction des garanties collectives de la
syndicat majoritaire, pour respecter le vote annoncé que l’usine serait en grève le 12 février
il ne fait plus rien du tout, sauf classe ouvrière dictée par les seuls intérêts
des travailleurs, bloque l’accord. Et en et que les travailleurs se rendraient massive-
de la classe capitaliste.
novembre, la justice invalide le plan du patron ment au siège de Goodyear, en région pari- condamner la CGT et surtout pas Toute la situation appelle avec force la
de suppression de 402 emplois. En 2009, la sienne, où se tiendra le comité d’entreprise. la direction de l’usine. François rupture avec l’Union européenne et les trai-
direction annonce un autre plan de 1 000 sup- L’avocat du syndicat a engagé une nouvelle
Hollande avait affirmé en octobre tés qui instaurent la dictature de l’euro et
pressions de postes. A plusieurs reprises, la procédure judiciaire.
2011 que s’il était élu président de la troïka.
justice invalide les plans de licenciement. Le crime de la CGT Goodyear, c’est de vouloir
De manière immédiate, les travailleurs
Depuis 2007, il n’y a eu aucun licenciement à rester un syndicat, c’est-à-dire de ne pas d’ac- de la République, il ferait voter sont fondés à voir dans le « non » des confé-
Goodyear et aucune introduction de la flexi- compagner « socialement » les plans du patron,
bilité qu’exigeait le patron. Mais celui-ci fait mais de s’y opposer, ce qu’elle fait victorieu-
une loi en urgence pour interdire dérations CGT et CGT-FO un appel à se
les licenciements financiers et regrouper pour résister à la destruction
baisser la production journalière de 20 000 à sement depuis cinq ans. Le dirigeant CFTC de
des droits ouvriers et mettre en échec la
2 000 pneus ! Et après, ils osent dire que l’usine Dunlop reproche à la CGT d’avoir « refusé le interdire aux entreprises comme loi de transposition que prépare le gou-
n’est pas rentable, alors que le groupe Good- plan sur une base idéologique du siècle der- Goodyear de délocaliser alors vernement.
year France réalise 184 millions d’euros de nier ». Pour la CFTC et la CFDT, signataires
bénéfices ! avec le Medef en janvier 2013, sous l’égide du qu’elles font du fric. Aujourd’hui,
(1) 19 juin 1997.
gouvernement « de gauche », d’un « accord de elle est où, cette promesse ? (2) « La France a perdu plus d’un millier d’usines
Mais qu’ont donc accepté compétitivité » (qu’ont rejeté FO et la CGT), la Elle n’est pas tenue. Nous avons depuis 2009 », titrent Les Echos (5 février) qui citent
la CFTC et la CFDT à Dunlop ? « base idéologique » du XXIe siècle est celle de
la collaboration avec les patrons pour appli- un gouvernement qui a menti un « expert » : « L’euro a augmenté de 10 % face au
dollar depuis juillet 2012, ce qui pèse sur la compé-
Ils ont accepté un plan de flexibilité générali- quer les « plans sociaux ». Le résultat en cinq à l’ensemble du personnel de notre
titivité des entreprises. »
sée dans l’usine et, surtout, l’instauration du ans : 15 000 emplois industriels ont été détruits usine et qui fuit ses responsabilités. »
4 x 8. Le 4 x 8, c’est : deux jours de travail le dans la région de Picardie. I