Me William Desrochers c. Procureur général du Québec - Argumentaire du demandeur (30-01-2021)
1. 1
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE GATINEAU
No : 550-17-011925-219
COUR SUPÉRIEURE
_____________________________
WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU
QUÉBEC
Défendeur
ARGUMENTAIRE
DU DEMANDEUR
(30-01-2021)
________________________________________________________________
Introduction
Nous vivons dans un État de droit régi par une constitution à laquelle il ne peut
être dérogé sous aucun prétexte. Le Canada est une fédération où les
compétences sont partagées entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le
Canada adhère également à la théorie de la séparation des pouvoirs élaborée par
Locke et Montesquieu1. Ainsi, au Québec, le pouvoir législatif relève de
l’Assemblée nationale, le pouvoir exécutif revient au parti politique qui a fait élire
le plus de députés et le pouvoir judiciaire relève des différents tribunaux
légalement constitués.
Les tribunaux doivent assurer le respect de la règle de droit. Dans notre système
contradictoire, ils appliquent la loi généralement aux seuls faits qui leur sont
présentés, sous réserve des règles de la connaissance d’office2. En certaines
circonstances, les tribunaux sont le dernier rempart des citoyens en cas d’abus
commis par le gouvernement qu’ils ont élu et ils doivent alors faire preuve d’un
grand courage3. Les tribunaux n’ont toutefois qu’un pouvoir limité et doivent faire
preuve d’une certaine déférence envers le gouvernement. Ils ne peuvent contrôler
1 Il s’agit d’un des objets de la Loi constitutionnelle de 1867. Le préambule parle
également d’une « constitution reposant sur les mêmes principes que celle du
Royaume-Uni »
2 Articles 2806 à 2810 C.c.Q.
3 L'honorable. Luc Martineau : « Le courage judiciaire : mythe ou réalité ? » - 2018
- Institut canadien d'administration de la justice
2. 2
l’opportunité ou la sagesse des décisions prises ou des lois dûment adoptées. Ils
ne peuvent se demander si le gouvernement gouverne bien. Toutefois, ils peuvent
et doivent intervenir en cas d’illégalité.
La constitution canadienne, composée de plusieurs textes, est la loi suprême de
notre société, la loi numéro 1. Elle inclut la Charte canadienne des droits et libertés.
Le gouvernement élu peut, jusqu’à un certain point, définir notre société, définir
comment nous allons vivre. Jusqu’à quel point? La question se pose en l’espèce,
puisqu’en vertu de la Charte canadienne, nous avons la garantie de vivre dans
une société libre et démocratique. Nous avons également la garantie que le
gouvernement ne restreindra pas notre liberté d’une façon déraisonnable. Le
caractère raisonnable ou non d’une atteinte à un droit fondamental est une
question de contexte et s’apprécie à la lumière de l’ensemble des circonstances.
Il s’agit d’une question de droit que seul le tribunal peut trancher. Le gouvernement
ne peut décider ce qui est raisonnable et ce qui ne l’est pas. Il ne s’agit pas non
plus d’une question de popularité.
Je soumets respectueusement que dans le contexte actuel, le couvre-feu imposé
par le gouvernement du Québec est illégal, déraisonnable et excessif et je
demande la protection de cette cour pour assurer une réparation convenable et
juste. Voici pourquoi.
Le contexte : la crise sanitaire
Le contexte actuel est de notoriété publique. Même le plus déconnecté d’entre
nous ne peut ignorer ce qui se passe en ce moment à travers le monde. « Le
Québec est aux prises avec la pandémie de la COVID-19 due au virus SRAS-CoV-
2 depuis l‘hiver 2020, avec un premier cas importé détecté à la fin février et la
déclaration de l’état d’urgence sanitaire le 13 mars »4. À compter du 13 mars 2020,
notre monde a changé en l’espace de quelques jours. Des mesures radicales ont
été adoptées par le gouvernement et la panique s’est emparée du monde entier.
Fermeture des écoles et des garderies, fermeture des commerces jugés non
essentiels, distanciation physique, etc. C’était ce qu’on appelle maintenant la
première vague. Le virus a pris tout le monde par surprise, il était inconnu. Peu à
peu, il s’est fait connaître. Les gouvernements à travers le monde - incluant le
gouvernement québécois - ont fait un travail de compilation des données
remarquable. Après près d’un an, des données objectives permettent de bien
délimiter les contours de ce qu’est la Covid-19.
Au Québec, on dénombre près de 10 000 morts au total qu’on associe au virus5,
ce qui représente 0,11 % de la population, estimée à 8,5 millions d’habitants. Le
4 Pièce P-4, p. 2
5 Pièce P-3
3. 3
gouvernement estime que 0,21 % de la population a été hospitalisée pour cette
raison6, dont 0,03 % aux soins intensifs7.
Le virus n’a que faire du droit fondamental à l’égalité : il discrimine beaucoup. Il
s’attaque aux personnes vulnérables. Ainsi, 74% des décès sont des personnes
âgées de 80 ans et plus et 92% des décès sont des personnes âgées de 70 ans
et plus8. Pis encore, même parmi les aînés décédés, plus de 90% d’entre eux
avaient 2 conditions préexistantes ou plus9.
Au printemps 2020, le virus a fait des ravages dans les CHSLD, les résidences
pour personnes âgées et les autres milieux de vie similaires, quelque soit le
vocable utilisé. En effet, on constate que la hausse marquée des décès par rapport
à la norme ne s’observe que de mars à juin 202010 et que seulement 17,5% des
décès sont des gens vivant hors institution11. Outre cette période sombre de la
pandémie, la hausse des décès et des hospitalisations, s’il en est, ne peut être
qualifiée d’importante12. Il n’en demeure pas moins que la Covid-19 est plus sévère
que la grippe13, malgré les nombreuses ressemblances14.
À l’heure actuelle, le virus semble bien contrôlé. Au 25 janvier 2021, on disait que
228 887 des 254 836 cas confirmés de Covid-19 étaient rétablis. Environ la moitié
des lits désignés dans les hôpitaux pour les cas de covid-19 sont disponibles15. La
vaccination est entamée et les groupes les plus prioritaires ont déjà été vaccinés.
Des mesures sanitaires sévères sont toujours en vigueur16.
Malgré ces données objectives dont nous ne pouvons douter à ce stade-ci, il
demeure néanmoins beaucoup de points d’interrogation. Combien de gens ont
contracté le virus sans que personne ne le sache? Y-aura-t-il une immunité
collective naturelle? Le vaccin sera-t-il vraiment efficace? Combien de vagues sont
à venir et pendant combien de temps cela va-t-il durer? Le virus pourra-t-il se muter
et le cas échéant, les variantes seront-elles plus dévastatrices? Quelles seront
ultimement les conséquences sur la société? Quelle est la véritable source du
virus? Tout le monde y va de ses spéculations mais personne ne sait. Ajoutons
également qu’il est impossible de vraiment mesurer l’efficacité des mesures
6 Pièce P-8 : 17 932 / 8 500 000 x 100
7 Pièce P-8 : 2856 / 8 500 000 x 100
8 Pièces P-9 et P-10
9 Pièce P-7
10 Pièce P-13
11 Pièce P-14
12 Pièce P-12
13 Pièce P-4
14 Pièce P-2
15 Pièce P-15
16 Pièce P-5
4. 4
adoptées par le gouvernement dans le contexte de la présente pandémie puisqu’il
y a beaucoup trop de variables qui entrent en jeu.
Voici donc le contexte dans lequel nous nous trouvons. Examinons maintenant le
cadre légal applicable au présent litige.
Le cadre légal applicable
Stade préliminaire
Pour des raisons évidentes, accorder le sursis ou l’inapplicabilité d’une règle de
droit au stade préliminaire est exceptionnel et ne doit généralement être accordé
que dans les cas manifestes17.
L’arrêt-clé en la matière est l’affaire RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur
général), [1994] 1 RCS 311, riche en enseignement. Il a encore récemment été
appliqué par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Hak c. Procureure générale
du Québec, 2019 QCCA 2145.
Les critères sont les suivants :
1. Y-a-t-il une question sérieuse à juger au mérite?
2. La personne qui demande le sursis subira-t-elle un préjudice irréparable
advenant que le sursis n’est pas accordé?
3. Qui souffrira le plus selon que le sursis est accordé ou non?
La question sérieuse à juger est celle qui n’est pas futile ou vexatoire, pour ne pas
dire farfelue.
Comme le dossier est incomplet à ce stade, le tribunal ne doit habituellement pas
faire un examen approfondi de la question de fond; autrement dit, l’opinion du
tribunal relativement à la question de fond est normalement sans pertinence à ce
stade. La Cour suprême a toutefois déjà prévu 2 exceptions à cette règle :
i. le cas où le résultat de la demande interlocutoire équivaudra en fait au
règlement final de l’action;
ii. le cas où la question de constitutionnalité est une pure question de droit18;
Dans le cas de la première exception, le tribunal doit tenter de résoudre la question
de fond et tenir compte des résultats prévus dans son analyse des critères
17 Harper c. Canada (Procureur général), 2000 CSC 57, pages 770-771
18 RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, p. 338-
340
5. 5
applicables au stade préliminaire, tandis que dans le cas de la deuxième
exception, soit la pure question de droit, le tribunal doit la trancher immédiatement
et il n’a pas à tenir compte des critères normalement applicables à ce moment
précoce de l’instance19.
Fond du litige
Les articles pertinents de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après « la
Charte ») sont les suivants :
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui
y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans
des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer
dans le cadre d’une société libre et démocratique.
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut
être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice
fondamentale.
24. (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou
libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un
tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable
et juste eu égard aux circonstances.
Le droit à la liberté bénéficie donc d’une double protection :
a) toute atteinte ne peut se faire qu’en conformité avec les principes de justice
fondamentale;
b) l’atteinte doit être raisonnable et doit pouvoir se justifier dans une société
libre et démocratique;
Qu’est-ce que la liberté au sens de l’article 7? Il ne s’agit pas du droit de faire tout
ce que l’on veut20 mais il s’agit d’une notion qui doit s’interpréter largement. On
parle d’une interprétation « généreuse, large et libérale, progressiste et non stricte,
étroite, formaliste ou technique, de façon à assurer la protection constante des
19 RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, p. 339-
340
20 Racicot c. PGQ, 2020 QCCA 656, par. 14
6. 6
droits et libertés individuels »21. L’auteur Nicolas Rioux écrivait ce qui suit dans un
article récent analysant la légalité du couvre-feu imposé par le gouvernement :
L’atteinte la plus évidente est celle touchant au droit à la liberté prévu à l’article
7 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l’article premier de la
Charte des droits et libertés de la personne. La Cour suprême reconnaissait
implicitement dans l’arrêt Heywood qu’une interdiction de se trouver dans
certains lieux publics portait atteinte au droit à la liberté. La Cour d’appel du
Manitoba rappelait plus clairement dans l’arrêt Baril v. Obelnicki que le droit à
la liberté ne s’applique pas uniquement à la menace d’emprisonnement et qu’il
peut même entrer en jeu dans des dossiers civils puisqu’une restriction à la
liberté de mouvement limite la sphère d’autonomie personnelle et les choix
fondamentaux qu’un individu peut prendre.22
La Charte ne comportant pas de définition de la liberté, il revient donc aux
tribunaux, lorsqu’une situation se présente, de déterminer si une mesure porte
atteinte à ce droit ou non.
S’il y a atteinte, il faut ensuite se demander si celle-ci est conforme aux principes
de justice fondamentale. Cette notion est particulièrement floue. En 2015, la Cour
suprême écrivait ce qui suit :
Le principe de justice fondamentale présente trois caractéristiques. Il doit
s’agir d’un principe juridique à l’égard duquel il existe « un consensus
substantiel dans la société » sur le fait que ce principe est « essentiel au bon
fonctionnement du système de justice », et ce principe doit être suffisamment
précis pour « constituer une norme fonctionnelle permettant d’évaluer l’atteinte
à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne » (R. c. Malmo-Levine, 2003
CSC 74, [2003] 3 R.C.S. 571, par. 113, les juges Gonthier et Binnie; R. c.
D.B., 2008 CSC 25, [2008] 2 R.C.S. 3, par. 46, la juge Abella; R. c.
Anderson, 2014 CSC 41, [2014] 2 R.C.S. 167, par. 29, le juge Moldaver).23
Il est impossible, selon la Cour suprême, d’avoir une définition plus précise ou
exhaustive et il revient aux tribunaux, lorsque la situation se présente, de lui
donner un sens concret24. Par principe juridique, on réfère à un principe de droit
et non pas un principe judiciaire25. En outre, une règle de droit ne peut pas être
21 Collection de droit - Volume 8 - Droit public et administratif - Titre I - Les droits
et libertés fondamentaux - Chapitre II - L'objet, la nature et l'interprétation des
Chartes des droits
22 Publié sur le site internet Droit inc. : https://www.droit-inc.com/article28017-L-
imposition-du-couvre-feu-Une-limite-raisonnable-a-nos-droits-fondamentaux
23 Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes
du Canada, 2015 CSC 7, par. 87
24 Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 RCS 486, p. 513
25 Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 RCS 486, p. 512
7. 7
arbitraire, avoir une portée excessive, être imprécise ou avoir un effet
disproportionné : il s’agit là de principes de justice fondamentale26.
Si on conclut que l’atteinte n’est pas conforme aux principes de justice
fondamentale, il faut se demander si elle peut néanmoins se justifier au regard de
l’article 1 de la Charte. Le test applicable est bien connu et il va comme suit :
1. Le gouvernement poursuit-il un objectif urgent et réel, assez important pour
justifier l’atteinte au droit protégé?
2. La mesure contestée a-t-elle un lien rationnel avec l’objectif poursuivi?
3. La mesure contestée porte-t-elle atteinte le moins possible au droit
protégé?
4. Les effets préjudiciables de la mesure contestée sont-ils proportionnels à
l’objectif poursuivi et aux effets bénéfiques résultant de ladite mesure?
Les tribunaux ne sont généralement pas difficiles pour ce qui concerne l’objectif
poursuivi et le lien rationnel. Il en va autrement du critère de l’atteinte minimale et
de la règle de la proportionnalité27.
Par ailleurs, soulignons qu’il est très rare qu’on pourra justifier par l’article 1 une
atteinte non conforme aux principes de justice fondamentale, on dit que seules
des circonstances exceptionnelles seraient suffisantes : guerre, urgence
nationale, désastre naturel, déclenchement d'hostilités, épidémie, etc.28
Analyse
La nécessité de faire un examen approfondi du fond de l’affaire
Du cadre légal applicable, on constate d’abord que nous sommes manifestement
dans un scénario où il est impératif de faire un examen approfondi sur le fond. Le
couvre-feu imposé par le gouvernement est une mesure qu’on souhaite tous
temporaire. Il est peu probable que le présent dossier procède réellement en deux
temps, soit une audition interlocutoire puis une audition finale, parce qu’il est fort
probable que le couvre-feu imposé soit levé avant que le dossier puisse être
entendu au mérite. Dans les faits donc, le jugement à être rendu au stade
26 Voir notamment R. c. Heywood, (1994) 3 R.C.S. 761, p. 790 ss. et Canada
(Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, par. 129
ss.
27 Collection de droit 2020-2021 - Volume 8 - Droit public et administratif - Titre I -
Les droits et libertés fondamentaux - Chapitre V - Les limites aux droits et libertés,
p. 103-107
28 R. c. Heywood, [1994] 3 RCS 761, p. 802; voir aussi Renvoi sur la Motor Vehicle
Act (C.-B.), [1985] 2 RCS 486, p. 518
8. 8
préliminaire devrait être le seul, après quoi la demande risque de devenir sans
objet et le jugement qui serait rendu ne serait que symbolique. Dans l’arrêt RJR -
MacDonald, la Cour suprême écrivait ce qui suit :
D'autre part, la Charte impose aux tribunaux la responsabilité de sauvegarder
les droits fondamentaux. Si les tribunaux exigeaient strictement que toutes les
lois soient observées à la lettre jusqu'à ce qu'elles soient déclarées
inopérantes pour motif d'inconstitutionnalité, ils se trouveraient dans certains
cas à fermer les yeux sur les violations les plus flagrantes des droits garantis
par la Charte. Une telle pratique contredirait l'esprit et l'objet de la Charte et
pourrait encourager un gouvernement à prolonger indûment le règlement final
des différends.29
Ces propos sont très pertinents lorsqu’on examine le déroulement des procédures
jusqu’à présent. Il y a en effet certains indices qui permettent de penser que le
gouvernement tente de retarder l’avancement du dossier. Le demandeur a
demandé qu’une gestion d’instance soit convoquée en urgence et le défendeur s’y
est opposé. La correspondance déposée sous la Pièce P-1 est éloquente. Le
gouvernement entend « profiter » du délai minimal de 15 jours prévue par le Code
de procédure civile. Le gouvernement exige le respect des prescriptions
contenues aux articles 76 et 77 C.p.c., demande des précisions sur des points qui
sont évidents et purement accessoires en l’instance, comme l’atteinte à la liberté
ou l’intérêt pour agir. Plaider que je n’ai pas d’intérêt pour agir est ridicule. Je suis
directement touché par le couvre-feu et je l’estime illégal. En tant qu’avocat, je suis
un professionnel du droit, un officier de justice, avec tout ce que cela implique. Je
suis un intervenant de première ligne du système judiciaire, j’ai un rôle de servir la
justice et d’assurer le respect de la primauté du droit, incluant notre constitution.
Les gens me consultent pour connaître leurs droits et leurs options juridiques et
là, quand je constate ce qui me semble être des violations constitutionnelles, je ne
pourrais pas saisir le tribunal? Bien sûr que je peux plaider une question d’intérêt
public en mon nom personnel! Je n’ai pas à attendre qu’on me mandate. Il n’y a
pas d’autre option dans les circonstances. Devrait-on demander à tous les
Québécois de se présenter un par un devant la cour pour faire cesser l’atteinte à
leur liberté? Soyons sérieux. Le gouvernement annonce qu’il veut m’interroger,
comme si la présente affaire avait quelque chose à avoir avec ma vie personnelle.
Je soulève avant tout une question de droit, une question d’intérêt public, et mon
pourvoi ne laisse pas de place à interprétation à cet égard, c’est l’essence même
des mesures de gestion que j’ai demandées et j’ai également exprimé clairement
mon intention d’admettre tous les faits dans une correspondance30. Lors d’une
conférence téléphonique convoquée par le tribunal et tenue le 28 janvier 2021, les
avocats du défendeur ont annoncé qu’ils s’objecteraient au dépôt de mes pièces
alors qu’il s’agit de documents publics, objectifs, incontestables, émanant du
gouvernement. Tout ce qui précède commence à frôler l’abus de procédure.
29 RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, p. 333
30 Pièce P-16
9. 9
Peu importe l’opinion qu’on peut avoir quant au bien-fondé des conclusions de ma
demande, cette affaire doit être entendue rapidement en raison de sa nature. En
effet, non seulement il s’agit d’un dossier mettant en cause le droit fondamental à
la liberté de tous les Québécois, mais en plus il s’agit d’un cas où une audition
tardive ferait perdre toute efficacité du recours.
Le gouvernement, comme tout défendeur, a certes le droit de ne pas être d’accord
avec l’objet de la demande et de la contester, avec toute la vigueur qu’un
adversaire peut avoir dans le cadre d’une procédure judiciaire.
Toutefois, le Procureur général du Québec est l’officier de justice par excellence,
ce qui vient avec des responsabilités et des devoirs importants. Le procureur
général doit notamment servir la justice et favoriser son administration ainsi que la
solution rapide des litiges. Il a aussi une obligation de bonne foi et un devoir de
coopération. En conséquence, il est évident que le Procureur général du Québec
ne peut agir d’une façon qui ferait en sorte que le recours devienne dépourvu de
toute utilité en retardant la mise en état du dossier. Profiter des délais prévus dans
la loi pour les contextes non urgents ou profiter même des largesses du tribunal
ne s’inscrit pas dans cet esprit.
Soulignons aussi que le recours en réparation fondé sur l’article 24 de la Charte
est protégé par la constitution31. Une loi provinciale comme le Code de procédure
civile ne peut pas avoir pour effet de le réduire à néant. Si l’effet d’une loi
provinciale est d’empêcher une réparation convenable et juste, elle est sans effet
dans un contexte constitutionnel. Quand un gouvernement prend des mesures
aussi draconiennes que dans le contexte actuel, les tribunaux devraient pouvoir
contrôler leur légalité et leur raisonnabilité de façon efficace, autrement c’est la
confiance du public qui risque d’être ébranlée. La procédure est la servante du
droit, pas l’inverse; notre code de procédure civile vise « à assurer l’accessibilité,
la qualité et la célérité de la justice civile, l’application juste, simple, proportionnée
et économique de la procédure et l’exercice des droits des parties dans un esprit
de coopération et d’équilibre », pour paraphraser sa disposition préliminaire.
De plus, le présent dossier se présente comme une pure question de droit. Le
contexte et les circonstances entourant le couvre-feu sont tellement de notoriété
publique et incontestables qu’il est évident qu’aucune question de fait n’a à être
tranchée par la cour. Bien sûr, les faits devront être appréciés par le tribunal mais
cela s’inscrit simplement dans l’examen de la question de droit, il ne s’agit pas
d’une question de fait pour autant.
En conséquence, je suis d’avis que le tribunal n’a même pas à appliquer les
critères de l’arrêt RJR - MacDonald et qu’il doit trancher la question de fond
31 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l'Éducation), 2003 CSC 62,
par. 51
10. 10
immédiatement. Faire autrement, ce serait de faire en sorte que toute atteinte
sérieuse à un droit fondamental, dans un contexte temporaire comme en ce
moment, ne pourrait pratiquement jamais être contrôlée par le tribunal. Le
gouvernement pourrait donc impunément causer des torts irréparables aux gens
sans qu’il n’y ait ni recours utile pour faire cesser l’atteinte, ni recours en
dommages-intérêts32. Voilà un résultat absurde que notre constitution canadienne
ne permet pas.
Minimalement, il faut analyser consciencieusement la question de fond et tenir
compte des résultats prévus dans l’analyse des critères applicables au stade
préliminaire.
Est-ce qu’il y a atteinte au droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte?
Il est utile de reproduire ici les termes de l’interdiction contestée en l’espèce :
« il est interdit à toute personne, entre 20 heures et 5 heures, de se trouver
hors de sa résidence ou de ce qui en tient lieu ou du terrain d’une telle
résidence »
Est-ce qu’une personne libre est limitée au périmètre de son terrain? Est-ce qu’une
personne libre peut circuler librement à l’extérieur sur les voies de circulation
destinées au public? Est-ce qu’une personne libre peut se faire dicter l’heure à
laquelle elle « prend l’air »? Les réponses à ces questions sont évidentes et
n’incitent pas à s’étendre longtemps sur le sujet.
De tout temps, l’automobile a été un emblème de la liberté, particulièrement en
région. Limiter ou interdire la circulation en automobile porte certainement atteinte
au droit à la liberté, quoiqu’en disent les environnementalistes. Qui plus est, ce
n’est manifestement pas dans un objectif environnemental que le couvre-feu a été
adopté.
L’atteinte à la liberté est flagrante, évidente, choquante et particulièrement
contraignante, d’autant plus que le couvre-feu se rajoute à toutes les autres
mesures imposées par le gouvernement33. Dans l’arrêt Racicot, rendu le 20 mai
2020, donc vers la fin de la première vague, la Cour d’appel du Québec a indiqué
ce qui suit :
Les mesures de santé publique actuellement imposées par les intimés sont
indéniablement fort sévères, du jamais vu, sans doute. Peut-être
32 L’article 123 in fine de la Loi sur la santé publique accorde une immunité relative
au gouvernement. Voir aussi l’arrêt Ernst c. Alberta Energy Regulator, 2017 CSC
1 quant à la validité constitutionnelle d’une telle immunité
33 Pièce P-5
11. 11
s’approchent-elles, sous certains aspects, de la limite acceptable aux yeux
d’une cour de justice.34
Cet arrêt portait sur la possibilité de procéder par la voie d’un recours en habeas
corpus en réaction à l’ensemble des mesures sanitaires imposées par le
gouvernement. Ces propos de la Cour d’appel sont néanmoins pertinents à la
présente affaire en ce qu’ils confirment la gravité objective de ce qu’on fait vivre
aux Québécois depuis près d’un an, incluant le couvre-feu qui fait l’objet du présent
recours.
Est-ce que l’atteinte est conforme aux principes de justice fondamentale?
Une réponse négative s’impose, pour plusieurs raisons.
Le couvre-feu a une portée excessive parce qu’il interdit des activités légitimes qui
n’ont aucun lien rationnel avec la propagation du coronavirus. En effet, le mode de
transmission du virus est bien connu : « La COVID-19 se transmet d’une personne
à une autre par le contact avec les gouttelettes qui sont projetées dans l’air quand
une personne malade parle, tousse ou éternue. Elle peut aussi se propager par
des mains infectées portées à la bouche, au nez ou aux yeux après avoir eu un
contact avec une personne ou une surface infectée. Les risques de transmission
varient selon la nature des contacts entre les personnes. La transmission par des
surfaces ou des objets contaminés est possible, mais ne représente pas le mode
de transmission principal. »35.
Une personne seule qui va prendre une marche à l’extérieur entre 20h et 5h
n’augmente aucunement le risque de contagion. C’est la même chose pour les
gens du même ménage et pour les simples balades en automobile. Interdire ces
activités est excessif, arbitraire et disproportionné. Le gouvernement ratisse trop
large, sans raison valable. Et rappelons que l’atteinte est grave. Dans l’arrêt
Heywood, la Cour suprême s’exprime comme suit :
L'analyse de la portée excessive porte sur les moyens choisis par l'État par -
rapport à l'objet qu'il vise. Lorsqu'il examine si une disposition législative a
une portée excessive, le tribunal doit se poser la question suivante: ces
moyens sont‑ils nécessaires pour atteindre l'objectif de l'État? Si, dans un but
légitime, l'État utilise des moyens excessifs pour atteindre cet objectif, il y aura
violation des principes de justice fondamentale parce que les droits de la
personne auront été restreints sans motif. Lorsqu'une loi a une portée
34 Racicot c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCA 656, par. 20
35 Pièce P-2, pages 2 et 3, aussi disponible en ligne :
https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-
2019/symptomes-transmission-traitement/
12. 12
excessive, il s'ensuit qu'elle est arbitraire ou disproportionnée dans certaines
de ses applications.36
En date de rédaction des présentes, le gouvernement n’a toujours pas précisé
clairement l’objectif qu’il poursuit en imposant le couvre-feu. Selon la Cour
suprême, « il doit être défini avec exactitude et précision, de manière à établir un
cadre qui permet d’en apprécier l’importance et d’évaluer la précision avec laquelle
les moyens nécessaires à sa réalisation ont été élaborés. Si l’objectif est formulé
de façon trop large, son importance risque d’être exagérée et l’analyse
compromise. »37.
Ainsi donc, en l’espèce « protéger la santé de la population » ou « réduire la
propagation du virus » seraient des exemples d’objectifs formulés de façon trop
large. Est-ce que le gouvernement veut maximiser ses chances de réduire les
rassemblements privés, déjà interdits, en pensant que ce sera davantage dissuasif
ou qu’il sera plus facile d’attraper les contrevenants? Est-ce que le gouvernement
veut envoyer un signal à la population à l’effet que l’heure est grave, qu’il faut se
mettre en mode guerre et qu’on s’astreigne à une discipline de militaire? Nous ne
le savons pas vraiment, des déclarations publiques ont été faites mais ça demeure
flou.
Dans tous les cas, il répugne à l’esprit qu’une personne seule ne puisse prendre
une marche de santé dans son quartier sans contrevenir à une règle de droit, et
sous peine de s’exposer à payer une amende de 1000 à 6000 $38. Dans le
contexte actuel ci-haut décrit, lequel est de notoriété publique, rien ne peut justifier
une telle atteinte au droit à la liberté. C’est manifestement disproportionné. Il n’est
pas nécessaire pour le gouvernement d’aller aussi loin pour rencontrer son objectif
et ce, peu importe sa formulation. J’ajouterais même que le gouvernement a
l’obligation négative de ne pas aller aussi loin, compte tenu de la sévérité des
autres mesures déjà en place.
Le gouvernement ne peut pas, non plus, tirer des conclusions de faits ou tenir un
raisonnement d’une façon incompatible avec les données objectives qu’il a lui-
même compilées, sous peine de verser dans l’arbitraire et l’irrationnel.
Le gouvernement se comporte présentement comme si le coronavirus avait le
potentiel d’éradiquer le tiers de la population. Il n’en est rien. Ce n’est pas du tout
ce que les données émanant du gouvernement révèlent. Soulignons que
l’espérance de vie des Québécois est de 80,9 ans pour les hommes et 84,3 ans
pour les femmes. Lorsqu’une personne atteint l’âge vénérable de 80 ans, la mort
la guette malgré elle, qu’il y ait une pandémie ou non. Il y a une limite à ce qu’un
36 R. c. Heywood, [1994] 3 RCS 761, p. 792-793
37 T.U.A.C., section locale 1518, c. KMart Canada Ltd., [1999] 2 RCS 1083, p.
1123
38 Article 139 de la Loi sur la santé publique
13. 13
gouvernement peut faire pour empêcher la nature de suivre son cours, surtout
quand une personne de cet âge a deux conditions préexistantes ou plus.
Autrement dit, les données du gouvernement révèlent que nous sommes en
présence d’un virus objectivement peu dévastateur : les chances qu’il puisse
causer un grand mal à une personne en bonne santé, même âgée, sont
particulièrement minces. La plupart des personnes décédées de la Covid-19
avaient vraisemblablement atteint leur espérance de vie, même si le virus peut
avoir devancé leur mort légèrement. Les épidémies sont des phénomènes naturels
récurrents et inévitables. Ce n’est pas la première que nous traversons et ce ne
sera pas la dernière. Les épidémies ne sont pas toutes du même degré de
dangerosité et la population est en droit de s’attendre à ce que le gouvernement
les traite de façon proportionnelle et raisonnable pour ce qu’elles sont vraiment. Ni
la peur d’une fraction des résidents du Québec, ni la tristesse des familles
endeuillées pour qui un proche est décédé de la Covid-19, ne peut justifier
l’extrémisme sanitaire39 du gouvernement actuel, en particulier le couvre-feu tel
que décrété. Il faut s’en tenir à la raison, autrement on verse dans les abus et les
dérapages.
Il faut aussi tenir compte de l’article 1 de la Loi sur la santé publique :
1. La présente loi a pour objet la protection de la santé de la population et la
mise en place de conditions favorables au maintien et à l’amélioration de l’état
de santé et de bien-être de la population en général.
Le gouvernement agit comme s’il n’y avait plus que le coronavirus qui comptait
dans notre vie, au détriment de l’objet même de la Loi sur la santé publique, qui
implique qu’il faille trouver un juste équilibre dans le bien commun. Le
gouvernement semble être en train de mettre tous ses œufs dans le même panier :
la santé physique des plus vulnérables en lien avec la Covid-19. Le gouvernement
doit parfois faire des choix difficiles et déchirants et faire preuve de courage, tout
comme le tribunal. On ne peut ignorer les enjeux de santé mentale que soulèvent
les mesures sanitaires actuelles. C’est quelque chose qui relève du sens commun,
le tribunal n’a pas besoin d’un expert pour comprendre quels sont les effets d’une
privation de liberté chez une personne. Les juges font aussi partie du monde et
subissent les mesures sanitaires comme nous tous.
On me reprochera sans doute mon manque d’empathie pour les personnes
vulnérables et les familles endeuillées. Ce n’est pas l’essence de mes propos. Il
s’agit ici de constater le caractère extrême des mesures auxquelles nous devons
nous astreindre, par rapport à la faible dangerosité du virus pour la population en
général, ce qui permet de conclure que le couvre-feu est top large; il est draconien
et déraisonnable dans les circonstances, c’est une question de droit.
39 Un merci spécial à Éric Duhaime pour cette expression, bien que je ne puisse
pas affirmer avec assurance qu’elle vient vraiment de lui
14. 14
Je crois que ma réflexion est légitime. Je ne suis pas un complotiste ni un covidiot.
Est-ce que nos aînés veulent vraiment que leurs enfants, petits-enfants et arrière-
petits-enfants vivent de la façon qu’on le fait présentement? Est-ce que nos aînés
veulent vraiment, eux, vivre comme ça? Serait-il préférable d’accepter un tant soit
peu le cours normal des choses et de laisser nos aînés mourir dans la dignité
plutôt que dans la souffrance et la solitude? Oui, le printemps 2020 a été une
catastrophe dans nos CHSLD et autres milieux pour aînés. Qu’on arrête de
chercher des explications ou des coupables et qu’on regarde de l’avant. Il faut
continuer d’avancer et faire preuve de résilience collectivement. Comment
protéger les plus vulnérables sans étouffer tous les autres? Cela commande des
choix politiques difficiles qui ne relèvent pas de moi ni du tribunal, ni même du
gouvernement. Ces choix relèvent de l’Assemblée nationale, tel qu’expliqué plus
loin. Plus que jamais, elle a besoin de s’affirmer et de jouer son rôle.
En outre, le gouvernement a des solutions de rechange tout aussi efficaces, sinon
plus. Il serait facile de donner davantage de pouvoirs aux policiers pour assurer
une surveillance accrue. Permettre expressément les interceptions au hasard, ce
qui est problématique en vertu de la common law, ériger des barrages routiers,
ordonner aux gens de donner les explications aux policiers quant à leurs allées et
venues, sous peine d’amende, etc. Personne ne veut vivre dans un État policier
mais il est quand même plus rassurant pour les Québécois de savoir que s’ils ne
font rien de mal, s’ils n’ont rien à se reprocher, on les laissera tranquille après qu’ils
se soient expliqués et on ne leur donnera pas d’amende. Une amende de 1546 $,
ce qui serait la peine minimale en incluant les frais, n’est pas banale non plus, on
s’approche de ce qu’une personne reçoit par mois avec la Prestation canadienne
d’urgence (PCU) et c’est plus que le revenu hebdomadaire moyen canadien.
Les citoyens ne peuvent par ailleurs présumer que les policiers useront
correctement de leur discrétion et n’appliqueront pas la loi parce qu’ils ne sont pas
en contact avec une personne d’un autre ménage. La population est en droit qu’on
soit clair et précis avec elle relativement à ce qui est permis et ce qui est interdit.
Il n’est pas rationnel non plus d’interdire la circulation à l’extérieur ou l’occupation
de l’espace public si ce qu’on veut en fait enrayer ce sont les rassemblements
privés. C’est comme si on interdisait totalement la conduite automobile à partir
d’une certaine heure parce que c’est à ce moment que se produisent la majorité
des décès causés par la conduite en état d’ébriété. Ou comme si on interdisait
toutes les substances qui se fument parce qu’il est trop difficile pour les policiers
de faire la différence entre les substances licites et les substances illicites. Va-t-on
aussi interdire les relations sexuelles parce qu’il y a des maladies transmises
sexuellement, même mortelles? La dissuasion d’un geste devrait cibler la peine
en cas de contravention et non pas élargir indûment la portée même de
l’interdiction, surtout pas au détriment des libertés fondamentales de tous les
Québécois. On ne peut pas s’empêcher totalement de vivre par peur de mourir.
Chacun a droit à une vie qui mérite d’être vécue, il faut faire une saine gestion de
risques.
15. 15
Faut-il aller si loin pour interdire à tout prix les rassemblements privés en soirée?
Soulignons que le gouvernement permet de nombreux contacts entre les
individus : les garderies et les écoles, jusqu’au niveau secondaire, sont ouvertes.
Les commerces essentiels continuent d’opérer durant la journée. Le
gouvernement peut bien faire des choix politiques et privilégier certains contacts
physiques au détriment de d’autres et cela n’est effectivement pas du ressort des
tribunaux. Il faut toutefois tenir compte de ces choix dans l’examen de ce qui est
raisonnable et ce qui ne l’est pas. On ne peut pas permettre de nombreux contacts,
d’une part, et d’autre part agir comme si toute contravention à une mesure interdite
était une question de vie ou de mort. Quand les gens se rassemblent illégalement,
tout ce qu’il en résulte, c’est une augmentation du risque. Risque qui, tel
qu’examiné précédemment, doit être remis en perspective, aussi difficile soit-il,
avant de peser sur le bouton panique. La vérité c’est qu’il est simplement
impossible de mesurer l’impact ou l’efficacité de toute mesure adoptée par le
gouvernement depuis le début de la crise sanitaire. Certains États s’en sont mieux
tirés que d’autres et nous ne savons pas pourquoi. C’est quelque chose qui nous
dépasse largement en tant qu’humains. Les incertitudes et les spéculations ne
peuvent fonder une justification valable à l’atteinte à la liberté en l’espèce. Cette
atteinte est certaine, évidente et elle produit ses effets dommageables depuis
plusieurs semaines déjà sans qu’on puisse en douter d’aucune façon.
À la lumière de ce qui précède, je soumets bien humblement que l’atteinte dont il
est question ici n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale. Je ne
crois pas que j’aie à aller plus loin mais il y a quelque chose d’autre qui selon moi
n’est pas conforme à la justice fondamentale.
Un gouvernement ne peut indéfiniment, par décret, gérer la présente pandémie
sans passer par le pouvoir législatif. Le gouvernement ne peut plus prétendre être
en mode urgence.
Les articles 118 et 119 de la Loi sur la santé publique se lisent comme suit :
118. Le gouvernement peut déclarer un état d’urgence sanitaire dans tout ou
partie du territoire québécois lorsqu’une menace grave à la santé de la
population, réelle ou imminente, exige l’application immédiate de certaines
mesures prévues à l’article 123 pour protéger la santé de la population.
119. L’état d’urgence sanitaire déclaré par le gouvernement vaut pour une
période maximale de 10 jours à l’expiration de laquelle il peut être renouvelé
pour d’autres périodes maximales de 10 jours ou, avec l’assentiment de
l’Assemblée nationale, pour des périodes maximales de 30 jours.
Si le gouvernement ne peut se réunir en temps utile, le ministre peut déclarer
l’état d’urgence sanitaire pour une période maximale de 48 heures.
16. 16
Dans le cas de l’article 118, les termes utilisés sont clairs : nous sommes en
présence d’un pouvoir très temporaire, seule l’immédiateté des mesures qu’on
veut adopter peut justifier une déclaration d’urgence sanitaire et les pouvoirs
extraordinaires qui en découlent et ce, même en présence d’une menace grave à
la santé de la population, réelle ou imminente. L’article 119 est drôlement rédigé,
c’est le moins qu’on puisse dire. Au sens littéral, on comprend que le
gouvernement peut renouveler à l’infini l’état d’urgence sanitaire tous les 10 jours
mais qu’il pourrait aussi renouveler à l’infini par périodes de 30 jours avec
l’assentiment de l’Assemblée nationale. L’interprétation littérale mène à un résultat
absurde et enlève tout intérêt à la règle quant au renouvellement par périodes de
30 jours. Pourquoi un gouvernement irait demander l’assentiment du pouvoir
législatif s’il n’en a pas besoin? L’interprétation littérale de l’article 119 ferait en
sorte qu’un parti majoritaire au pouvoir pourrait déclarer l’urgence sanitaire
indéfiniment, et pour autant qu’il n’y ait pas de dissidence au sein du parti, le
pouvoir législatif ne pourrait jamais désavouer la déclaration d’état d’urgence
sanitaire, vu l’article 122 de la Loi sur la santé publique qui prévoit la procédure de
désaveu.
L’interprétation littérale de l’article 119 serait inconstitutionnelle parce que
manifestement contraire au principe de la séparation des pouvoirs, qui vise
justement à limiter les pouvoirs de l’exécutif. La formulation de la Loi
constitutionnelle de 1867 est peut-être désuète et nul doute qu’elle gagnerait à
être modernisée, mais il n’en demeure pas moins qu’elle continue de produire ses
pleins effets, elle s’impose aux gouvernements et le tribunal doit la faire respecter.
Le gouvernement actuel, par le biais du processus de déclaration d’urgence
sanitaire, adopte des mesures particulièrement envahissantes et sévères depuis
près d’un an. Il se retrouve en fait dans une position où il s’est accaparé le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif pour une durée indéterminée. Il rédige les règles et
il les applique. Manifestement, le pouvoir judiciaire ne peut regarder les choses
aller sans intervenir.
Selon moi, il faut interpréter l’article 119 précité comme suit : le gouvernement ne
peut jamais déclarer l’état d’urgence sanitaire plus de 30 jours consécutifs sans
l’assentiment de l’Assemblée nationale. De plus, même avec l’assentiment de
l’Assemblée nationale, encore faut-il que toutes les conditions de l’article 118
soient remplies. Autrement dit, l’Assemblée nationale ne peut pas non plus confier
au gouvernement les pouvoirs draconiens de l’article 123 simplement parce qu’elle
le veut. Toute déclaration d’urgence sanitaire requiert :
1. une menace grave à la santé de la population, réelle ou imminente;
2. que cette menace exige l’application immédiate de certaines mesures
prévues à l’article 123 pour protéger la santé de la population;
17. 17
La loi accorde des pouvoirs extraordinaires à l’exécutif et il faut donc interpréter
les articles 118 et 119 de la façon la plus restrictive qui soit. L’objet des dispositions
se rapportant à l’état d’urgence sanitaire, c’est de permettre au gouvernement de
prendre des mesures immédiates pour protéger la population lorsque c’est
vraiment nécessaire de le faire, c’est-à-dire dans des circonstances où
l’Assemblée nationale ne peut agir en temps utile. C’est l’interprétation qui
s’harmonise le mieux avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi, l'intention du législateur,
notre constitution, qui inclut le principe de la séparation des pouvoirs et les droits
fondamentaux de la personne. C’est l’interprétation qui s’harmonise le mieux avec
la raison, le bon sens et tous les autres principes d’interprétation qui sont bien
connus de cette cour. En présence d'une loi particulière qui permet d'une façon
aussi draconienne de porter atteinte à des droits fondamentaux, la parcimonie est
de mise, il faut être extrêmement prudent. L'ensemble de la législation doit aussi
former un tout cohérent.
L’Assemblée nationale est capable d’élaborer et d’adopter des lois dans un temps
relativement court. Dans les faits, l’urgence sanitaire s’est terminée il y a
longtemps. La Covid-19 fait maintenant partie de notre vie et le gouvernement doit
retourner à l’Assemblée nationale, débattre comme il se doit des questions
fondamentales qui définissent dans quelle société les Québécois devraient vivre.
L’Assemblée nationale est composée de gens du peuple, élus par lui. Des gens
qui proviennent de toutes les régions et de tous les horizons. Des gens qui ont une
bonne tête sur les épaules et qui veulent vraiment servir la collectivité et
rechercher le bien commun. Nous avons fait le choix il y a bien longtemps de vivre
en démocratie et d’élire nos semblables, des gens ordinaires, des monsieur-
madame-tout-le-monde, pour définir les règles qui s’imposent à tous en société.
Nous n’avons jamais choisi d’être gouvernés par une poignée de gens formant
une cellule de crise. Nous n’avons jamais voulu non plus nous faire dicter notre
conduite par des experts, des spécialistes ou des scientifiques. Ces gens ne sont
que des conseillers et il revient à l’ensemble de nos députés ensuite de réfléchir,
de faire les débats philosophiques et les consultations qui s’imposent, d’user de
leur bon jugement pour prendre les bonnes décisions.
Le gouvernement ne peut pas choisir de rester en mode urgence. Il ne peut pas
attendre que des mesures doivent être prises immédiatement pour justifier l’état
d’urgence sanitaire indéfiniment. On a eu la première vague, puis on a eu un petit
répit. Puis la deuxième vague, qui n’est probablement pas terminée. Peu importe,
un travail de planification s’impose depuis longtemps, l’Assemblée nationale a un
travail de réflexion à faire, elle seule peut et doit définir comment la présente crise
doit être gérée. Le pouvoir exécutif, composé d’une poignée de gens, même élus,
ne saurait imposer des mesures sanitaires aussi sévères aux Québécois, sur une
période aussi longue, sans suivre les règles strictes de notre État de droit, de notre
démocratie. Ça ne passe pas.
Notre système parlementaire ne peut être réduit à une peau de chagrin et il a un
rôle à jouer. Le processus suivi par le gouvernement du Québec, de déclarer l’état
18. 18
d’urgence sanitaire puis de la renouveler indéfiniment, pour ensuite prendre le
contrôle quasi-total de la société pendant une période aussi longue, frappe
l’imaginaire et n’est pas digne d’une société libre et démocratique.
On peut affirmer que le principe de séparation des pouvoirs est un principe de
justice fondamentale. Une règle de droit adoptée d’une façon contraire à ce
principe n’est donc pas conforme à la justice fondamentale.
En fait, ce sont des principes sacrés qui ici sont en jeu : primauté du droit et
principe de la légalité. Si le gouvernement adopte un décret alors qu’il n’est pas
habilité à le faire par une loi habilitante dûment adoptée par le pouvoir législatif, ce
décret est nul et sans effet puisque le gouvernement, pour ne pas dire le pouvoir
exécutif, excède sa compétence, purement et simplement.
En présence d’un manquement aussi grave, la bonne foi ou la bonne intention du
gouvernement est sans importance parce que ça demeure illégal. Il y a plusieurs
façons de gouverner, plusieurs idéologies respectables, mais le respect du
principe de la légalité est impératif. Le gouvernement ne peut pas non plus plaider
que le fond l’emporte sur la forme, que c’est une technicalité, qu’il a la légitimité
politique et qu’il est majoritaire donc il pourrait facilement adopter les mêmes
mesures en Assemblée nationale. C’est réduire à bien peu de choses la valeur
ajoutée du travail des parlementaires et le fruit de leurs réflexions. Le pouvoir
législatif n’est pas nécessairement partisan et il n’est surtout pas inutile. Il fait partie
de notre constitution, de notre ADN collectif. Les débats parlementaires sont beaux
à lire. Comme juristes, nous devons parfois interpréter les lois plusieurs années
plus tard et la transcription des débats nous est très utile. Être gouverné par un
exécutif trop fort, c’est perdre cette richesse.
En somme, les décrets adoptés durant la pandémie après la première période de
30 jours sont illégaux et les mesures qui en découlent, lesquelles restreignent les
libertés fondamentales, ne sont pas conformes aux principes de justice
fondamentale.
À la lumière de tout ce qui précède, l’atteinte à la liberté découlant du couvre-feu
est illicite parce que contraire à l’article 7 de la Charte.
Est-ce que l’atteinte peut néanmoins être justifiée par l’article 1 de la Charte?
La Cour suprême a déjà anticipé qu’une épidémie, pour ne pas dire une pandémie,
puisse constituer une justification valable en vertu de l’article 1 et ce, même en cas
d’atteinte contraire aux principes de justice fondamentale.
Toutefois, pour les explications données plus haut, la présente pandémie n’entre
pas dans cette catégorie à la lumière de l’ensemble des circonstances. Elle n’est
simplement pas assez dangereuse.
19. 19
Le préjudice irréparable
Dans l’arrêt RJR - MacDonald, précité, la Cour suprême s’exprime comme suit
concernant le critère du préjudice irréparable :
Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son
étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire
ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie
ne peut être dédommagée par l'autre. Des exemples du premier type sont le
cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son
entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry, (1988) 1988 CanLII 5042 (SK QB), 48
D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte
commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation
commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut
subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu'une activité
contestée n'est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, 1985 CanLII 154
(BC CA), [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.-B.)). Le fait qu'une partie soit
impécunieuse n'entraîne pas automatiquement l'acceptation de la requête de
l'autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des
dommages-intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c.
Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).
L'appréciation du préjudice irréparable dans le cas de demandes interlocutoires
concernant des droits garantis par la Charte est une tâche qui sera
habituellement plus difficile qu'une appréciation comparable dans le cas d'une
demande en matière de droit privé. Une des raisons en est que la notion de
préjudice irréparable est étroitement liée à la réparation que sont les
dommages-intérêts, lesquels ne constituent pas la principale réparation dans
les cas relevant de la Charte.
À plusieurs reprises, notre Cour a accepté le principe que des
dommages-intérêts peuvent être accordés relativement à une violation des
droits garantis par la Charte: (voir par exemple Mills c. La Reine, 1986 CanLII
17 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 863, aux pp. 883, 886, 943 et 971; Nelles c.
Ontario, 1989 CanLII 77 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 170, à la p. 196). Toutefois, il
n'existe pas encore de théorie juridique relative aux principes susceptibles de
régir l'octroi de dommages-intérêts en vertu du par. 24(1) de la Charte. Compte
tenu de l'incertitude du droit quant à la condamnation à des dommages-intérêts
en cas de violation de la Charte, il sera dans la plupart des cas impossible pour
un juge saisi d'une demande interlocutoire de déterminer si un
dédommagement adéquat pourrait être obtenu au procès. En conséquence,
jusqu'à ce que le droit soit clarifié en cette matière, on peut supposer que le
20. 20
préjudice financier, même quantifiable, qu'un refus de redressement causera au
requérant constitue un préjudice irréparable40.
Toutefois, il est maintenant clair, depuis l’arrêt Ernst, que l’octroi de dommages-
intérêts ne constitue pas une réparation convenable en vertu de l’article 24 de la
Charte et que les immunités relatives comme celle contenue à l’article 123 in fine
de la Loi sur la santé publique empêchent réellement toute forme de compensation
monétaire, sauf à prouver la mauvaise foi41.
Le préjudice subi en l’espèce est donc, en raison de sa nature, irréparable, et il
satisfait l’exigence de ce critère.
Prépondérance des inconvénients
Si le sursis est accordé en l’espèce, le gouvernement ne subira aucun préjudice
vérifiable ou mesurable. Rien n’indique, raisonnablement, que de permettre des
activités qui n’impliquent aucun contact avec des gens d’un autre ménage causera
un tort à la santé publique.
De l’autre côté, la privation de liberté est bien réelle, concrète et sérieuse. La
privation de liberté limite de plus l’activité physique, dont les bienfaits pour le corps
et l’esprit, sont de connaissance judiciaire. Un esprit sain dans un corps sain, c’est
vieux comme la lune.
À ce stade de l’analyse, il faut tenir compte de l’intérêt public. Il est loisible aux
particuliers de plaider leur vision de l’intérêt public et tenter de convaincre la cour
que le sursis demandé est dans l’intérêt public42. Dans le contexte du présent
dossier, c’est là où l’examen approfondi du fond de l’affaire prend tout son sens.
Les nombreux accrocs aux principes de justice fondamentale, jumelés à la sévérité
de l’atteinte au droit à la liberté, ne peuvent être dans l’intérêt public. Le tribunal
ne peut simplement pas cautionner cela, sous prétexte que la santé publique
subirait quelconque préjudice ou qu’il y aurait augmentation hypothétique du
risque de propagation du virus. Il est dans l’intérêt public que les dernières libertés
qu’il nous restent ne nous soient pas enlevées si elles n’ont pas de lien rationnel
direct sur la propagation du virus.
Il y a donc lieu d’accorder le sursis demandé durant toute la durée de l’instance.
40 RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, p. 341-
342
41 Ernst c. Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1
42 RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, p. 343-
347
21. 21
Réparation demandée
La réparation demandée au stade préliminaire ne pourrait être autre chose qu’une
déclaration d’inapplicabilité limitée mais au bénéfice de tous, comme ce qui est
demandé en l’instance. C’est convenable et juste dans les circonstances.
D’une part, déclarer nuls et sans effet tous les décrets en vigueur serait excessif
et pourrait causer un risque pour la santé publique. Cette question devra être
examinée au fond et même là, le tribunal devrait donner un délai au gouvernement
pour adopter une loi comme il se doit. Bien qu’illégaux, ces décrets ne sont pas
nécessairement mauvais ou inopportuns et nul ne veut se retrouver dans un vide
juridique.
D’autre part, accorder une simple exemption au demandeur serait contraire à un
autre pilier de notre constitution : le droit à l’égalité. Le présent dossier dépasse
manifestement la situation personnelle du demandeur et la loi doit être la même
pour tous. Comme on dit, ce qui est bon pour pitou est bon pour minou.
En terminant, je tiens à souligner que je n’ai personnellement aucun doute sur les
bonnes intentions du gouvernement actuel. Il a aussi toute la légitimité politique
d’agir et en ce qui me concerne, le lien de confiance n’est pas brisé. Je veux
simplement qu’on fasse les choses correctement et qu’on rectifie le tir rapidement
parce qu’au Québec, c’est comme ça qu’on se gouverne. Plus on attend, plus c’est
dangereux.
Gatineau, le 30 janvier 2021
________________________
Me William Desrochers
Demandeur
22. CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE GATINEAU
COUR SUPÉRIEURE
NO : 550-17-011925-219
________________________________
WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
Défendeur
________________________________
ARGUMENTAIRE DU DEMANDEUR
(30-01-2021)
________________________________
Original
________________________________
William Desrochers
260, boul. St-Raymond
Bureau 204A
Gatineau (Québec) J9A 3G7
Téléphone : 819-205-1094 p. 3
Télécopieur : 819-205-1096
william@SimardDesrochers.ca
23. CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE GATINEAU
No : 550-17-011925-219
COUR SUPÉRIEURE
_____________________________
WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU
QUÉBEC
Défendeur
INVENTAIRE DE PIÈCES
DU DEMANDEUR
________________________________________________________________
PIÈCE P-1 : Lettre des avocats du défendeur datée du 25 janvier 2021;
PIÈCE P-2 : « Symptômes, transmission et traitement [de la Covid-19] » (extrait
de Quebec.ca);
PIÈCE P-3 : Faits saillants / données compilées par l’INSPQ – 25-01-2021;
PIÈCE P-4 : Comparaison des hospitalisations dues à la COVID-19 pendant la
première vague à celles dues à l’influenza pendant les saisons
précédentes;
PIÈCE P-5 : Mesures sanitaires en vigueur – 25-01-2021;
PIÈCE P-6 : Nombre total de décès au Québec de 2010 à 2020;
PIÈCE P-7 : Nombre de décès cumulatifs selon la présence d’une condition
préexistante par groupe d’âge;
PIÈCE P-8 : Nombre d’hospitalisations liées à la COVID-19 au Québec selon le
groupe d’âge, le sexe et le type de séjour;
PIÈCE P-9 : Nombre cumulatif de décès liés à la COVID-19 au Québec selon le
groupe d’âge et le sexe;
PIÈCE P-10 : Répartition des décès liés à la COVID-19 au Québec selon le
groupe d’âge;
PIÈCE P-11 : Espérance de vie à la naissance des Québécois;
24. Gatineau, le 26 janvier 2021
___________________________
Me William Desrochers
Demandeur
260 boul. St-Raymond, bur. 204A
Gatineau QC J9A 3G7
T : 819-205-1094 p. 3
F : 819-205-1096
william@simarddesrochers.ca
25. CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE GATINEAU
COUR SUPÉRIEURE
NO : 550-17-011925-219
________________________________
WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
Défendeur
________________________________
INVENTAIRE DE PIÈCES
DU DEMANDEUR
________________________________
Original
________________________________
William Desrochers
260, boul. St-Raymond
Bureau 204A
Gatineau (Québec) J9A 3G7
Téléphone : 819-205-1094 p. 3
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william@SimardDesrochers.ca
26. CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE GATINEAU
No : 550-17-011925-219
COUR SUPÉRIEURE
_____________________________
WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU
QUÉBEC
Défendeur
INVENTAIRE DE PIÈCES ADDITIONNELLES
DU DEMANDEUR
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PIÈCE P-12 : Évolution de la létalité parmi les personnes atteintes de la COVID-
19;
PIÈCE P-13 : Décès par semaine selon le groupe d'âge, Québec, 2010-2020;
PIÈCE P-14 : Évolution du nombre cumulatif de décès liés à la COVID-19 selon
le milieu de vie et la date de décès - Ensemble du Québec;
PIÈCE P-15 : Tableau de bord - Situation de la Covid-19 - 27 janvier 2021;
PIÈCE P-16 : Lettre du demandeur au tribunal en date du 26 janvier 2021;
Gatineau, le 29 janvier 2021
___________________________
Me William Desrochers
Demandeur
260 boul. St-Raymond, bur. 204A
Gatineau QC J9A 3G7
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F : 819-205-1096
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PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE GATINEAU
COUR SUPÉRIEURE
NO : 550-17-011925-219
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WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
Défendeur
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INVENTAIRE DE PIÈCES
ADDITIONNELLES DU DEMANDEUR
________________________________
Original
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William Desrochers
260, boul. St-Raymond
Bureau 204A
Gatineau (Québec) J9A 3G7
Téléphone : 819-205-1094 p. 3
Télécopieur : 819-205-1096
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PROVINCE DE QUÉBEC COUR SUPÉRIEURE
DISTRICT DE GATINEAU ____________________________
NO : 550-17-011925-219 WILLIAM DESROCHERS;
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU
QUÉBEC;
Défendeur
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INVENTAIRE DES AUTORITÉS
DU DEMANDEUR
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Législation et décrets
1- Décret numéro 2-2021 du 8 janvier 2021
2- Lois constitutionnelles de 1867 à 1982
3- Loi sur la santé publique, RLRQ, ch. S-2.2
Jurisprudence
4- Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44
5- Canada (Procureur général) c.Fédération des ordres professionnels de juristes
du Canada, 2015 CSC 7
6- Doucet-Boudreau c. Nouvelle Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62.
7- Ernst c. Alberta Energy Regulator, 2017 CSC 1
8- Hak c. Procureure générale du Québec, 2019 QCCA 2145
9- Harper c. Canada (Procureur Général), 2000 SCC 57
10- R. c. Heywood, 1994 3 R.C.S. 761
11- Racicot c. Procureure générale du Québec, 2020 QCCA 656
29. 12- Re B.C. Motor Vehicule Act, 1985, 2 S.C.R. 486
13- RJR – MacDonald inc. c. Canada (Procureur Général), 1994 1 S.C.R. 312
14- T.U.A.C., Section Locale 1518 c. Kmart Canada Ltd., 1999 2 R.C.S. 1083
Doctrine
15- Collection de droit 2020-2021, Droit public et administratif, volume 8, titre I : Les
droits et libertés fondamentaux, avant-propos
16- Collection de droit 2020-2021, Droit public et administratif, volume 8, titre I : Les
droits et libertés fondamentaux, Chapitre II : L’objet, la nature et l’interprétation
des Chartes des droits
17- Collection de droit 2020-2021, Droit public et administratif, volume 8, titre I : Les
droits et libertés fondamentaux, Chapitre V : Les limites aux droits et libertés
18- L’Honorable Luc Martineau, « Le courage judiciaire : Mythe ou Réalité? »,
Institut canadien d’administration de la justice, 2018
19- RIOUX, Nicolas, « L’imposition du couvre-feu : Une limite raisonnable à nos
droits fondamentaux? », publié sur Droit inc., (en ligne), www.droit-inc.com.
Gatineau, le 30 janvier 2021
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Me William Desrochers
Demandeur
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NO : 550-17-011925-219
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WILLIAM DESROCHERS
Demandeur
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC
Défendeur
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INVENTAIRE DES AUTORITÉS
DU DEMANDEUR
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Original
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William Desrochers
260, boul. St-Raymond
Bureau 204A
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Téléphone : 819-205-1094 p. 3
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