Edouard Delruelle, Directeur adjoint du Centre pour l’Égalité des Chances, est l’invité de ce mois.
Le Centre est principalement connu pour sa mission de promotion de l’égalité des chances et son combat contre toute forme de distinction, d’exclusion, de restriction ou de préférence. Mais le
Centre a également pour mission de veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers et de développer la concertation et le dialogue avec tous les acteurs publics et privés concernés par les politiques d’accueil et d’intégration. En ce sens, les communes sont des partenaires privilégiés.
Interview d'edouard delruelle - Adjoint du centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme
1. l’invité du mois
EDOUARD
DELRUELLE Directeur adjoint
(Centre pour l’Égalité
des Chances et la Lutte
contre le Racisme)
ALAIN DEPRET SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Edouard Delruelle, Directeur adjoint du Centre pour l’Égalité des Chances, est l’invité de ce mois.
Le Centre est principalement connu pour sa mission de promotion de l’égalité des chances et son
combat contre toute forme de distinction, d’exclusion, de restriction ou de préférence. Mais le
Centre a également pour mission de veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers et de
développer la concertation et le dialogue avec tous les acteurs publics et privés concernés par les
politiques d’accueil et d’intégration. En ce sens, les communes sont des partenaires privilégiés.
Pouvez-vous nous présenter brièvement le Centre ? d’intégration des immigrés. Le Centre est en outre chargé de sti-
Le Centre pour l’Égalité des Chances a été créé en 1993. C’est une muler la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains. Il est
institution publique, c’est-à-dire non militante et indépendante du accrédité avec le statut B par le Haut Commissariat aux Droits de
pouvoir politique, ce qui est très important pour nous. Le Centre a l’Homme des Nations unies. Notre métier peut se diviser en deux
pour mission de promouvoir l’égalité des chances et de combattre parties : la réception des signalements de discrimination et l’infor-
toute forme de distinction, d’exclusion, de restriction ou de pré- mation sur le sujet vers tous les niveaux de pouvoir.
férence fondée sur la nationalité, la prétendue race, la couleur de Je pense que vous travaillez essentiellement sur les matières
peau, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, l’orientation fédérales…
sexuelle, l’état civil, la naissance, la fortune, l’âge, la conviction En effet. Aujourd’hui, nous ne pouvons travailler que sur les législa-
religieuse ou philosophique, l’état de santé actuel ou futur, le han- tions fédérales et sur les matières et les compétences fédérales. Mais
dicap, la conviction politique, la caractéristique physique ou géné- notre perspective, pour le futur, est de devenir une institution inter-
tique ou l’origine sociale. Le Centre a également pour mission de fédérale. Car il existe des décrets anti-discrimination à la Commu-
veiller au respect des droits fondamentaux des étrangers, d’éclai- nauté française et à la Région wallonne aussi. Cela devrait se faire au
rer les pouvoirs publics sur la nature et l’ampleur des flux migra- travers d’un mécanisme d’accord de coopération avec l’ensemble
toires et de développer la concertation et le dialogue avec tous les des entités politiques du pays. Malheureusement, le pari n’est
acteurs publics et privés concernés par les politiques d’accueil et pas gagné d’avance, notamment du côté flamand. Et donc, nous
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2. anticipons cette interfédéralité en proposant déjà un protocole de entre les villes et communes, les espaces Wallonie et les médiateurs
collaboration avec la Région wallonne et la Communauté française. de la Région wallonne et de la Communauté française. Il s’agira
L’enjeu est dès lors tout aussi local et intéresse au plus haut point les d’un guide pour les communes avec un rappel de la législation, des
communes. exemples de bonnes pratiques, des adresses utiles, des suggestions
En quoi vos missions intéressent-elles les communes ? que nous pouvons faire.
L’un de nos agents tente actuellement de créer un réseau de lutte Les communes seront-elles sollicitées en termes de moyens ?
anti-discrimination au niveau des villes et communes. Nous pro- On ne demande pas aux villes et communes de désigner une per-
posons ainsi d’aider les communes à montrer l’exemple en cette sonne à temps plein pour s’occuper de cela. C’est à chaque com-
matière, en tant qu’acteur, en tant qu’employeur. Cela concerne la mune, selon sa volonté politique, selon ses choix et ses priorités, de
gestion de leur recrutement, de leur personnel, la mise à disposition mettre en place les outils qu’elle pense être les plus adéquats. On
des services au public. Il s’agit, par exemple, d’aider les communes sait que les moyens financiers sont limités. C’est pour cela que l’on
à être en accord avec la législation essaie de donner les instruments les plus
sur l’accessibilité pour les personnes efficaces possible. Ce que l’on demande
handicapées, les personnes âgées.
Plus toutes les questions de racisme,
EN MATIÈRE DE aux communes, c’est de trouver une place
dans un maillage global. Il s’agit plutôt
d’inter-culturalité, de rapports entre
les communautés, de handicap, d’âge, DISCRIMINATION, d’une prise de conscience.
En ce sens, vous êtes donc plutôt une
d’orientation sexuelle… Nous aime-
rions également que les villes et com- LES COMMUNES SONT source de recommandations…
En effet, nous voudrions pouvoir faire
DÉJÀ ACTIVES
munes qui le souhaitent deviennent des recommandations aux villes et com-
un lieu de réceptacle des signalements. munes ou à la Région wallonne dans un
Le citoyen pourrait ainsi se renseigner esprit constructif, tout étant extrêmement
auprès du pouvoir le plus proche pour
obtenir des informations quant à la
SANS LE SAVOIR soucieux quant à la réalité du terrain.
L’égalité des chances est un droit fonda-
discrimination. mental : il faut donc partir de cette base,
Certaines communes ont déjà pris des initiatives particulières, je de la liberté de conviction des gens, de la liberté individuelle. Nous
pense… sommes très réalistes, nous ne sommes pas des puritains de l’anti-
En effet, de manière individuelle ou collective, d’ailleurs. Une série discrimination. Nous ne sommes pas non plus des inquisiteurs. Nous
d’initiatives sont prises avec le Forem local, avec les entrepreneurs ne sommes pas là pour surveiller, contrôler, accuser ou condamner.
locaux, avec l’Awiph locale… L’idée est de créer un événement de Nous sommes là pour aider les autres institutions. Quelle que soit
sensibilisation et de travailler sur un motif de discrimination. Le la question, nous ne travaillons pas dans la verticalité, avec un texte
Centre peut aider les communes en ce sens. Nous proposons donc qu’il faut appliquer de façon abstraite. Notre but est plutôt de donner
notre expertise aux pouvoirs locaux pour tout initiative afin que des instruments pratiques aux villes et communes.
les communes relaient notre combat et soient nos partenaires Vous pensez que l’Union des Villes et Communes de Wallonie peut
dans la lutte contre la discrimination. Nous n’avons pas encore pu vous aider dans cette démarche ?
contacter les 262 communes. Certaines sont très enthousiastes, L’UVCW est, pour nous, une association incontournable. Il est
très actives, d’autres un peu moins. Mais, partout, nous recevons ainsi important que l’UVCW propage notre message auprès des
un accueil vraiment positif. villes et communes. Il y a aussi toute une série de mécanismes
Vous pensez donc que les communes sont plutôt réceptives ? de concertation où les informations reviennent jusqu’à l’Union.
Ce qui est étonnant, c’est de constater que les communes sont Il est évident qu’une institution comme l’Union est, pour nous,
déjà très actives en matière de discrimination sans vraiment le tout à fait essentielle. L’UVCW connaît la réalité et la spécificité de
savoir. Un peu comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans chaque commune et peut nous aiguiller au mieux.
s’en rendre compte. Certaines communes prennent ainsi des ini- En conclusion, avez-vous un message particulier à faire passer
tiatives de façon dispersée sans vraiment identifier qu’elles res- auprès de nos lecteurs ?
pectent une législation particulière. Notre volonté est donc de Je voudrais leur dire qu’il ne faut pas croire certains clichés, que le
rassembler toutes ces démarches sous un même vocable, la lutte Centre pour l’Égalité des Chances n’est pas la police de la pensée,
contre la discrimination. Il y a un tas de choses que l’on pourrait ni une institution qui contrôle, qui condamne… Nos demandes ne
croiser pour rendre plus efficace le service qu’on rend aux citoyens sont pas celles de soixante-huitards attardés. Les municipalistes
les plus vulnérables. Nous avons mené une enquête sur le sujet ; sont sur le terrain et on veut travailler avec eux sur du concret et
elle sera bientôt publiée. dans un esprit positif. Même en situation de conflictualité, on pri-
Vous pouvez nous en dire plus sur cette enquête ? vilégie d’ailleurs toujours la voie de la médiation.
Nous avons organisé une journée d’études sur le sujet le 28 novembre
de cette année. Le but de cette enquête est d’analyser la perception
Renseignements
qu’ont les communes de la discrimination au niveau local. Au final,
Centre pour l’Égalité des Chances et la Lutte contre le Racisme
nous allons publier une brochure qui sera un outil de travail pour les 138, rue Royale 1000 Bruxelles
agents communaux et les mandataires. L’idée sera d’optimaliser la 02 212 30 00 – www.diversite.be
lutte contre les discriminations au niveau local et de tisser les liens
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