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Université Paris 12 – Val de Marne
UFR des Lettres et sciences
Département de Communication politique et publique
QUELLE PLACE POUR INTERNET
DANS LA COMMUNICATION EUROPEENNE « DE PROXIMITE » ?
LE ROLE DU PORTAIL FRANÇAIS D’INFORMATION EUROPEENNE
WWW.TOUTELEUROPE.FR
- Session de septembre 2006 -
Mémoire de deuxième année de
Master de Communication politique et
publique en France et en Europe
Stage au Centre d’information sur l’Europe
Etudiant : Mihaela Gafitescu
Promotion 2005-2006
Tuteur universitaire : Anne Granger
Maîtres de stage : Alexandra Lessur,
Ronan Le Goff, Benoit Thieulin
REMERCIEMENTS
Je souhaite exprimer mes remerciements à :
Madame Anne Granger, ma tutrice universitaire, pour la pleine confiance qu’elle m’a accordée et
qui m’a permis d’élaborer un plan de mémoire personnel et propre à mes aspirations;
Monsieur Benoit Thieulin, l’administrateur du Centre d’information sur l’Europe, pour
l’opportunité d’effectuer ce stage et d’avoir cru en mes capacités;
Mademoiselle Alexandra Lessur, rédactrice, et Monsieur Ronan Le Goff, le rédacteur-en-chef du
site Touteleurope.fr, pour leur disponibilité, leur aide permanente, la confiance qu’ils m’ont fait,
leur patience de corriger toutes mes erreurs;
Mes professeurs pour leur précieux enseignements ;
Toute l’équipe du Centre d’information sur l’Europe pour leur générosité, leur ouverture d’esprit
et leur gentillesse ;
Mes collègues de cours, de stage et de travail, qui m’ont accompagné avec bienveillance tout au
long de cette expérience ;
Diane, mon amie, pour son intérêt envers mon travail, sa gentillesse et l important travail de
relecture et correction qu’elle fait ;
Ma famille et Dacian, mon compagnon, pour leur soutien moral et financier, leur amour et leur
patience.
SOMMAIRE
INTRODUCTION............................................................................................................ 4
I. PROXIMITE POLITIQUE ET INTERACTIVITE MEDIATIQUE : QUELS
RAPPORTS ?................................................................................................................... 7
1. La proximité institutionnelle et politique .........................................................................................................8
1.1. Le concept de la proximité en politique......................................................................................................8
1.2. Proximité et actualité européenne : état de lieux.........................................................................................9
2. La proximité communicationnelle...................................................................................................................19
2.1. Le concept et les usages dans la communication ......................................................................................19
2.2. La proximité journalistique et l’actualité : les choix rédactionnels...........................................................21
2.3. Internet et la mise en proximité : la technique et la politique ...................................................................24
II. PROXIMITE ET INTERACTIVITE : LES CLES D’UNE COMMUNICATION
POLITIQUE ET PUBLIQUE DE SUCCES ? ................................................................. 28
1. Rapprocher l’Europe des Français par Internet: étude de cas ....................................................................29
1.1. Le Centre d’information sur l’Europe (CIE).............................................................................................29
1.2. Le site Touteleurope.fr et ses contenus .....................................................................................................33
2. Quel type de journalisme sur www.touteleurope.fr ?....................................................................................51
2.1. La revue de presse de Touteleurope.fr : un exemple de mise en place des propositions
communicationnelles du dispositif..........................................................................................................................52
2.2. Réussir la rencontre avec le public français : opportunités et limites de l’Internet...................................63
CONCLUSION .............................................................................................................. 67
BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES DOCUMENTAIRES.......................................... 69
ANNEXES ..................................................................................................................... 73
TABLE DE MATIERES............................................................................................... 124
Introduction
Deux mythes de la société européenne du XXIe
siècle ont été en permanence visés par notre
démarche d’analyse : celui de l’Internet vu comme solution de communication magique pour la
crise de représentativité des institutions politiques démocratiques et la devise, toujours en quête
d’un sens concret, « rapprocher l’Europe de ses citoyens ». Bien évidemment, ce mémoire n’a
ni le but de « désenchanter » cette société de l’information, ni l’ambition de « contribuer à la
période de réflexion sur l’avenir de l’Europe ». Nous resterons dans les sphères neutres d’une
analyse ponctuelle, à partir d’une étude de cas précis, fournis par l’expérience des quatre mois de
stage : le « portail français de référence sur les questions européennes Touteleurope.fr ».
Nous nous interrogeons principalement sur comment Internet, en tant que support de
communication visant à créer la proximité dans le cadre d’une politique de communication
spécifique, arrive à répondre aux exigences d’une communication nationale à vocation
européenne. Nous commencerons par placer cet objet d’étude dans la situation de communication
et d’énonciation caractéristiques, en raccordant le dispositif analysé à la situation politique,
française et européenne, ainsi qu’à l’état actuel d’interrogation et de débat autour de l’idéal
européen. Nous n’oublierons pas non plus les conditions engendrées par la révolution
communicationnelle, elle-même provoquée par les nouvelles technologies et les nouveaux
médias, tel que l’Internet.
En considérant Internet non pas comme un canal de communication « hors médias »1
, mais
comme un « média informatisé », selon l’acception du terme employé par Yves Jeanneret, nous
avons formulé une hypothèse de départ : celle qu’Internet, malgré ses spécificités, n’est pas un
média créateur de communication de proximité en soi. Nous cherchons donc à vérifier si ce ne
sont pas plutôt les genres et les scénarios discursifs déployés à la suite des choix éditoriaux
stratégiques, qui pré-construisent et encadrent la relation de proximité de façon à gérer la
construction (sociale, politique, institutionnelle, communicationnelle) de la distance. Tout en
s’appuyant, mais non pas exclusivement, sur la principale caractéristique de l’Internet : la
symétrie de la relation émetteur – récepteur, construite à travers l’interactivité proposée par le
support (des conditions techniques qui favorisent l’échange bidirectionnel d’information).
1
« Hors média » ou Below the line (marketing/ advertising) : tous les autres canaux et supports de communication
qui ne sont pas des médias « traditionnels » (ces derniers sont ressemblés sous l’expression ATL – above the line).
5
Théoriquement et méthodologiquement, nous nous détachons des approches classiques de
l’innovation technologique (centrées sur le moment de la conception des objets techniques) ou de
la diffusion des innovations. Nous préférerons l’approche de l’appropriation, c'est-à-dire de la
« mise en usage » de l’Internet dans la vie sociale. Cependant, en situant l’objet d’étude (le site)
dans la situation de communication et d’énonciation qui le définissent au centre des échanges
interdiscursifs spécifiques au web, notre analyse vise à décrypter seulement « le formatage du
processus de communication par le média »1
informatisé dans le but de créer certains
comportements chez les lecteurs - utilisateurs et non pas les comportements des usagers liés au
dispositif ou au support en général. En se situant dans la direction de recherche ouverte par
Emmanuel Souchier par la notion d’ « écrit d’écran » en tant qu’objet polysémique et en même
temps matériel, dont le potentiel de signification est lié au support mais également à un espace
communicationnel et discursif plus large, nous viserons donc uniquement les stratégies
éditoriales et communicationnelles visant à créer la proximité, sans calculer leur impact sur les
internautes.
La première partie est centrée autour du concept de « proximité ». Tout d’abord, nous traitons
de l’appropriation du concept par la politique, en tant que stratégie employée dans le but de
rétablir le lien entre gouvernants/élus et gouvernées/citoyens, tant au niveau national
qu’européen. En passant par ses rapports avec l’actualité et son rôle devenu stratégique dans la
politique de communication, nous décrirons enfin les espoirs liés à l’Internet en tant qu’outil
(communicationnel, politique) de mise en proximité. Pour entreprendre cette démarche plutôt
exploratoire, de documentation, nous nous appuyons sur un corpus constitué en grande partie
d’études et de documents publics d’institutions françaises et européennes.
La deuxième partie est entièrement consacrée à l’étude de cas du site Touteleurope.fr. La
posture adoptée est celle de l’observation participative à travers l’expérience de stage. Un
premier chapitre, traite du point de vue institutionnel et interdiscursif de ce site web, et part d’une
analyse de plusieurs supports de communication externe, de documents internes, d’entretiens
avec les responsables et, enfin, du décryptage du site lui-même. Le second chapitre se penche sur
l’analyse au niveau discursif de la revue de presse de Touteleurope.fr, en tant qu’expression
synthétique des promesses communicationnelles du site comme dispositif. A la fin de cette
1
Emmanuel Souchier, Yves Jeanneret, Joelle Le Marec (dir.) - Lire. Ecrire. Réécrire. Objets, signes et pratiques des
médias informatisés, BPI Centre Pompidou, Paris, 2003.
6
partie, nous tenterons de proposer des améliorations afin de mieux transposer ces promesses dans
les choix éditoriaux et les contenus rédactionnels.
En ce qui concerne la communication de l’Union européenne, nous partageons l’opinion d’Eric
Dacheux qui considère que la communication n’est pas la solution à la crise démocratique de
l’Union, et que seul un projet politique d’envergure engendrera une communication efficace.
Nous signalons également les prévisions faites au début des années 2000, par Peter Dahlgren :
« (…) les mass médias nationaux continueront à dominer les espaces publics des États membres,
même pour le traitement des question concernant l'UE. Si nous nous tournons vers l'Internet,
nous pouvons nous attendre à des événements significatifs, qui concerneront cependant, du
moins pour la plupart d'entre eux, plutôt les élites. »1
Est-ce qu’Internet sera capable de créer le vrai « espace public européen » dont certains
spécialistes déplorent l’absence ? Est-ce que la « sphère publique européenne » ou l’ « opinion
publique européenne » verront le jour sans l’appropriation d’une culture civique et politique
européenne reconnue en tant que telle au niveau national ? Les citoyens de l’Europe se
transformeront-ils bientôt en « sitoyens de l’Europe », selon l’expression de Dominique Reynié2
,
afin de participer à ce type de décision délocalisée engendrée par la politique européenne ? Ce
sont des questions dont les réponses restent à découvrir et cet ouvrage n’a pour ambition que
d’examiner un état de lieux afin de contribuer à ce débat.
1
Peter Dahlgren – « L’espace public et l’Internet », p. 181, dans Réseaux n°100 – CENT/Hermès Science
Publications – 2000, pp. 159-186.
2
Professeur aux Sciences Po, Directeur de l’OIP. Voir son blog http://reynie.typepad.fr .
7
I. Proximité politique et interactivité médiatique :
quels rapports ?
« Police de proximité », « justice de proximité », « démocratie de proximité », « communication
de proximité » : on pourrait affirmer qu’au XXI e
siècle on agit localement ou on n’existe pas.
Alors que la rhétorique de la proximité est ancienne, cette nouvelle quête de la proximité, au
moins au niveau déclaratif, influence non seulement le discours politique (l’expression employée
par l’ancien Premier ministre J.-P. Rafarin « la France d’en bas » versus « la France d’en haut »
en est un bon exemple), mais également l’action des élus (locaux surtout, pour lesquels la
proximité constitue une idéologie) et des gouvernants : elle devient à la fois une exigence et une
preuve de la démocratie. Osons le dire : « le terme proximité fait l’objet d’un véritable fétichisme
dans le champ politique »1
.
Dans ce chapitre, nous allons montrer comment ce concept est défini par la politique et par la
communication, ainsi que par les usages du terme dans les discours concernant la solution
communicationnelle à la crise de l’Union européenne : une mise en proximité à l’aide des
nouvelles technologies et de l’Internet.
1
C’est le constat des journées d’études La « proximité » dans le champ politique: usages, rhétoriques, pratiques,
organisées les 18-19 septembre 2003 à l’Université Lille 2.
8
1. La proximité institutionnelle et politique
1.1. Le concept de la proximité en politique
Selon Philippe Genestier, « la proximité constitue un cadre - registre de compréhension et de
construction des problèmes et, par conséquent, un échelon - moyen de préfiguration des solutions
pouvant être apportées »1
. L’auteur réalise ainsi un inventaire des significations du vocable
« proximité » dans le discours politique: « être proche des gens », avoir « un esprit pratique » et
une « capacité à concevoir et à appliquer de ‘mesures concrètes’ », « une volonté de s’adapter
aux situations et aux publics visés » et de « privilégier une approche concrète, précise et nuancée
‘des réalités’ » « qui touchent les gens », c’est-à-dire une préférence pour « le terrain ». En fait,
souligne-t-il, la proximité sert également d’argument de communauté (nous sommes une
communauté car nous coexistons) et d’argument analogique (l’appartenance à un même territoire
créateur d’une identité propre homogénéise les problèmes et, en conséquence, les solutions).
Toutefois, malgré la plurivalence de la thématique de la proximité en tant qu’argument politique,
les risques existent : l’électeur pourrait retenir d’un discours politique qui prône la proximité
uniquement son implicite, c’est-à-dire le manque de proximité actuelle. Car, c’est parce qu’il y a
un déficit de proximité qu’on en veut plus. Le risque à la suite d’un tel discours, c’est d’obtenir
exactement le contraire de ce que l’on attend. Ce phénomène est celui de l’effet pervers :
l’éloignement, à cause du rejet de cette « proximité forcée ». Le public cible y voit une politique
comme les autres, qui vient s’imposer d’en haut vers le bas et qui n’est qu’artificiellement créée
pour servir les élites et leur image. Bref, ce n’est que de la démagogie ! D’autre part, il existe
également un danger de dérapage idéologique, car le discours qui cultive la spécificité du local
peut aller de « l’identité du terroir », à travers le « particularisme », jusqu’à « l’exception
culturelle nationale ». D’ici à la prolifération des propos nationalistes et racistes, il n’y a qu’un
pas, que certains hommes politiques ont déjà franchi, profitant justement de la popularité (voir du
populisme) de cette thématique de proximité.
Comment donc reconstruire la distance sociale qui sépare les élites des masses, les élus de leurs
électeurs, les gouvernants de leurs gouvernés, de manière à les rapprocher, à apporter des
bénéfices aux deux parties, sans créer, dans le même temps, des discriminations ? Les médias qui
véhiculent les discours des hommes politiques et se font l’écho de l’opinion publique, semblent
1
Philippe Genestier – « La thématique de la proximité. Composante d'une épistémè, expression d'une idéologie ou
bien symptôme d'une certaine vision du monde? », p. 290, dans Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (dir.), La
proximité en politique. Usages, rhétoriques, pratiques, Presses Universitaires de Rennes, 2005, pp. 287-305.
9
être l’outil le plus utilisé. Réunions publiques, audiences, rencontres avec les élus, bains de foule,
référendums, sont remis en question à une époque où l’intérêt pour la politique se manifeste très
peu, y compris aux moments électoraux. Car, du point de vue de la communication politique, un
contact direct réussi est un contact qui améliore l’image de l’homme politique et qui lui apporte
des voix. Or, se laisser « défigurer » par un public critique ou sceptique, à une heure de grande
audience sur un plateau de télévision ou sur une place publique, reste un exercice que peu
d’hommes politiques osent accepter. Cependant, « rien ne va plus » si les représentants ne vont
pas se confronter aux problèmes directement sur le terrain et s’ils n’apportent pas des réponses
« hic et nunc » aux préoccupations des représentés.
Une solution « de crise » trouvée par les communicants a été d’interposer entre les deux
participants un canal de communication accessible, plus flexible du point de vue du contenu,
assez ouvert pour faciliter l’échange réciproque et spontané d’information, donc une
communication efficace : Internet. Alors que des dérapages télévisuels vont dans la direction
d’une dépolitisation de l’information politique, commandée par l’impératif de l’audience, des
« talk-shows » de moins en moins diffusés en direct et qui miment une certaine interactivité avec
le public à travers les SMS, envahissent le petit écran. Une autre pratique incontournable, étant la
présence des hommes politiques dans des émissions de pur divertissement, voire de télé-réalité. Il
semble que nous soyons arrivés à une époque où l’on assiste à « la fin de la télévision » (J.-L.
Missika) et au passage des mass media aux self media. Internet regagne le terrain perdu par les
autres médias en terme d’audience, mais aussi en termes de facilité d’accès (le phénomène de
« la fracture numérique » deviendra bientôt caduc, en se déplaçant du niveau technique au niveau
de l’utilisation) et de capacité de répondre de façon personnalisée aux besoins de communication
et d’information du public (voir l’offre VOD1
sur Internet, opposée à la télévision programmée
traditionnelle). Un public qui ne cherche plus à partager, mais plutôt à apprivoiser pour son
propre bien-être. Un public atomisé transformé en un électorat dispersé et hétérogène, et qui ne
peut plus être mis facilement « ensemble ». En effet, si se placer « en réseau » parait ainsi être
une solution facile et faisable, selon Missika, « le risque de la désintégration de l’espace public »2
à travers cette « démédiation » est toujours là.
1.2. Proximité et actualité européenne : état de lieux
Le leitmotiv du discours de la Commission Prodi au début des années 2000, cet objectif de
« rapprocher l’Europe des citoyens », est revenu sur le devant de la scène avec la nouvelle
1
Video On Demand
2
Jean-Louis Missika, La fin de la télévision, Seuil, 2006, p. 105
10
politique de communication de la Commission Barroso. Tandis que, selon P. Dahlgren, « La
consommation des médias par les citoyens demeure très dépendante du cadre national et les
efforts réalisés au cours de ces dernières années pour produire des espaces médiatiques ‘pan-
européens’ via la radiodiffusion n’ont pas rencontré beaucoup de succès. »1
, la construction d’un
espace public européen s’avère difficile et reste même une utopie de l’Union européenne. Eric
Dacheux va plus loin et affirme2
que cet objectif de créer la proximité reste intangible (alors qu’il
n’y a aucun projet derrière) et absurde (car les citoyens sont l’Europe). Il pointe également du
doigt3
l’absence d’un espace public européen et le manque d’utopie comme étant responsables de
la crise de légitimité de l’Union européenne. Un an après le référendum français sur la
Constitution européenne, l’animateur de l’équipe « Espace public européen » du laboratoire
« Communication et Politique » du CNRS va même jusqu’à dénoncer la crise des démocraties
européennes1
: « Il est temps de penser l’Europe en se détachant des analyses dépassées de la
démocratie française. En réalité, ce sont toutes les démocraties européennes qui patinent. ».
Où en est-on de l’émergence d’un tel espace public « pan-européen » ? Quels ont réellement été
les essais politiques au niveau européen et les efforts nationaux effectués dans ce sens ? Nous
allons présenter dans ce sous-chapitre quelques-unes de ces démarches, mais nous nous
garderons de les évaluer ou de juger leur impact.
1.2.1. Un impératif de la nouvelle stratégie de communication de la Commission
européenne
La préoccupation de l’UE pour une meilleure communication n’est pas récente : après le « choc »
de la difficile adoption du traité de Maastricht, en 1992, la volonté de rendre l’activité de ses
institutions plus transparente et de se rapprocher du grand public, est exprimée par la Déclaration
interinstitutionnelle sur la démocratie, la transparence et la subsidiarité, d’octobre 1993, suivie
par le Livre blanc de Jaques Delors, Croissance, compétitivité, emploi – Les défis et les pistes
pour entrer dans le 21e
siècle. Ce dernier document met l’accent sur l’importance et l’urgence du
développement d’une infrastructure paneuropéenne d’information afin de ressusciter la
croissance économique et la compétitivité, et de dynamiser le marché de travail.
1
Peter Dahlgren – « L’espace public et l’Internet », p. 180, dans Réseaux n°100, CENT/Hermès Science
Publications, 2000, pp. 159-186. Voir aussi l’article de Jerome Bourdon sur « les expériences ratées » concernant la
mise en place d’une télévision européenne, « Une communauté inimaginable : l’Europe et ses politiques de
l’image », dans Mots, les langages du politique n° 67, décembre 2001 – La politique à l’écran : l’échec ? , pp. 150-
167.
2
Voir les articles publiés sur le site www.europlusnet.info: Europe, la mal communicante – entretien par Stephen
Bunard et Rapprocher l’Europe des citoyens, une absurdité ?, par Eric Dacheux (15/12/2004).
3
Eric Dacheux (dir.) – L’Europe qui se construit. Réflexion sur l’espace public européen, Publications de l’
Université de Saint Etienne, Saint Etienne, 2003.
11
Alors que les critiques dénonçaient un « déficit de représentativité » et le faible niveau de
confiance accordé par les citoyens aux institutions européennes, ces mêmes institutions
commencent à parler de la nécessité de « combler le fossé » et de « rapprocher l’Europe de ses
citoyens ». Un besoin qui s’est avéré majeur lors du processus de ratification du Traité
constitutionnel. Et, tandis que les dirigeants européens s’efforcent depuis longtemps d’y
répondre, les stratégies qu’ils ont proposé ou employé n’ont pas rencontré beaucoup de succès :
les Eurobaromètres montrent, au cours des années, un déclin de la confiance envers les
institutions communautaires, jusqu’à juger l’UE, en proportion de 43%, comme « inefficace », en
20062
. Cette dernière enquête montre également que le degré d’intérêt pour les questions
européennes est devenu assez faible et met au jour l’effet du « désenchantement » face à la
politique en général et la « connaissance médiocre et floue des domaines d’action de l’Union »3
:
« Si 63% des répondants au sein de l’Union européenne se disent intéressés par la politique dans
leur pays, ils ne sont qu’une minorité à partager cet avis en ce qui concerne la politique
européenne (47%). Notons ici, que 30% des personnes qui montrent un intérêt pour les affaires
nationales se désintéressent des questions européennes »4
- souligne le rapport de cette enquête.
C’est en avril 2000 que l’UE décrit sa politique de gestion de l’Internet et deux ans plus tard, en
2002, qu’une communication de la Commission européenne, approuvée ensuite par le Conseil et
par le Parlement européen, définit la stratégie d’information et de communication de l’Union et
lance le défi eEurope 2005 : une société d’information pour tous. En 2003 un nouvel outil de
communication sur Internet, multilingue, le portail Europa (www.europa.eu.int ) est lancé dans sa
formule actuelle, afin de répondre aux exigences de transparence et d’accessibilité de
l’information. En août 2004, à la suite des élections pour le Parlement européen qui ont été très
visiblement marquées par la faible participation et le manque d’intérêt croissant des citoyens
pour les affaires européennes, un nouveau poste de Vice-président chargée des Relations
institutionnelles et des Communications est créé par la Commission Barroso. Une création qui
rend compte de l’importance accordée à ce domaine. Margot Wallström est nommée à ce poste et
commence la préparation d’un nouveau plan d’action.
1
Eric Dacheux, « Les Européens dans un mortel pas de deux », Le Monde, 25 mai 2006.
2
Eurobaromètre Spécial 251 / Vague 65.1 – TNS Opinion & Social, « Le Futur de l’Europe », terrain février - mars
2006, rapport mai 2006. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65:eb65_fr.htm , visité le 15.08.2006.
3
Rapport Etude qualitative – Optem, Eurobaromètre Spécial 251, p. 10,
http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65:eb65_fr.htm , visité le 15.08.2006.
4
Eurobaromètre Spécial 251 / Vague 65.1 – TNS Opinion & Social, « Le Futur de l’Europe », terrain février - mars
2006, rapport mai 2006, p. 13, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65:eb65_fr.htm, visité le 15.08.2006
12
En juin 2005, à la suite des « non » français et néerlandais à la Constitution européenne, le
Conseil européen a appelé à une « période de réflexion » sur l’avenir de l’Europe. La nécessité
d’une nouvelle stratégie de communication s’est ainsi imposée. Son rôle serait celui de « renouer
le dialogue avec les citoyens ». Elle s’appuie sur trois principes 1
:
- être à l’écoute des citoyens et tenir compte de leurs opinions et préoccupations ;
- expliquer quels sont les effets des politiques de l’UE sur la vie quotidienne de ses citoyens et
quelle est leur valeur ajoutée ;
- créer la proximité, c’est-à-dire adapter les messages au public de chaque État membre
(médias préférés, la langue du pays).
Depuis, cette stratégie de communication et information a été complétée et actualisée,
successivement par plusieurs documents - cadre:
- Le Plan d’action relatif à l’amélioration de la communication sur l’Europe, publié le 20
juillet 2005, qui comprend 50 actions programmées sur plusieurs années;
- Le Plan D – comme Démocratie, Dialogue et Débat, lancé le 13 octobre 2005 et qui
représente la contribution de la Commission européenne à la période de réflexion sur
l’avenir de l’Europe. Conçu pour participer à l’émergence d’une « sphère publique
européenne », il établit un cadre structuré pour de grands débats nationaux et présente 13
initiatives pour renforcer le dialogue, déterminer les principaux acteurs, définir les thèmes de
réflexion, ainsi que les délais pour organiser des débats dans les 25 États membres. Ses
objectifs officiellement déclarés ont été les suivants : rétablir la confiance du public via la
promotion d’une communication plus claire sur les activités de l’UE et l’engagement de la
responsabilité des États membres concernant la prise de décision et la mise en œuvre des
politiques européennes ; associer au débat « tant les citoyens, la société civile, les partenaires
sociaux, les parlements nationaux, que les partis politiques » pour s’exprimer à travers les
médias, en particulier la télévision et Internet ; écouter les citoyens et leur accorder
l’occasion de s’exprimer et, enfin, construire un consensus sur le projet européen.
- Le livre blanc sur la nouvelle politique de communication de l’UE, qui a ouvert, en février
2006, une période de consultation de 6 mois (sur Internet, un site multilingue2
lui étant
spécialement consacré) concernant cette politique et la nécessité d’une charte/code de
conduite européen en communication. Plus d’un million de citoyens européens s’y sont déjà
1
Source : RAPID– communiqué de presse de la Commission européenne au lancement du Plan d’action relatif à
l’amélioration de la communication sur l’Europe, 20/07/2005
2
http://europa.eu.int/comm/communication_white_paper/index_fr.htm
13
exprimés, selon les chiffres avancés mi-juillet par la DG Communication1
. La Commission
européenne propose d’agir conjointement dans cinq domaines : la définition de principes
communs concernant la communication (l’élaboration d’une Charte), l’implication des
citoyens, la collaboration avec les médias au niveau national, régional et local et l’utilisation
des nouvelles technologies (« combler la fracture numérique »), la compréhension de
« l’opinion publique européenne »2
(l’analyser) et, enfin, l’action en commun (renforcer la
coopération entre les niveaux national et européen).
La mise en œuvre de cette stratégie est illustrée par la manière dont les institutions européennes,
les États membres et la société civile se mobilisent, depuis juin 2005, pour organiser des débats
nationaux afin de raccorder les priorités de l’UE aux exigences de ses citoyens.
Quelques jours avant le début du Conseil européen de juin 2006, dans son discours tenu devant
les eurodéputés réunis à Strasbourg, Margot Wallström, la Vice-présidente de la Commission
européenne chargée des Relations institutionnelles et des Communications, souligne que, lors de
la période de réflexion et à travers les débats nationaux qui se sont déroulés dans le cadre du Plan
D, trois « leçons importantes » se sont révélées à la Commission européenne. Les citoyens se
sont montrés particulièrement préoccupés par la protection sociale et par la nécessité et les enjeux
de l’élargissement de l’UE. Ils attendraient également de voir les résultats des politiques
européennes. La Commission qui vient de mener ce grand exercice d’écoute que représente le
Plan D, dont les conclusions devraient nourrir la réflexion des décideurs politiques européens,
déclare souhaiter répondre aux attentes et aux préoccupations des citoyens. Les conclusions de la
présidence du Conseil européen des 15 et 16 juin 20063
présentent une première évaluation de
cette période de réflexion : « Malgré les inquiétudes et les préoccupations exprimées lors de tous
les débats publics, les citoyens demeurent attachés au projet européen. Un dialogue renforcé avec
ces derniers requiert des moyens et un engagement adéquats. Les citoyens attendent de l’Union
qu’elle démontre sa valeur ajoutée en prenant des mesures pour relever les défis et saisir les
occasions qui se présentent : garantir la paix, la prospérité et la solidarité, renforcer la sécurité,
favoriser le développement durable et promouvoir les valeurs européennes dans un
environnement qui se mondialise rapidement ». C’est pourquoi le Sommet européen de juin 2006
a lancé un nouveau défi pour 2008 : une Europe des projets et des résultats. Le sujet du traité
1
Voir le communiqué de presse du service de presse de la Commission européenne, RAPID, réf. IP/06/989, du 13
juillet 2006. Cependant, au moment de la rédaction de ce texte voir un mois après la fin officielle de la consultation
sur ce Livre blanc, les résultats de cette expression en ligne ne sont toujours pas publiés.
2
Voir les recherches Dominique Reynié sur l’existence, ou non, d’une opinion publique européenne.
3
Conclusions de la Présidence - 15/16 juin 2006, 10633/06, Bruxelles, le 16 juin 2006, p. 2,
www.eu2006.at/fr/News/Council_Conclusions/1606EuropeanCouncil.pdf , visité le 13.09.2006
14
constitutionnel, autour duquel se sont agrégés tous les commentaires concernant la crise
européenne, mais aussi l’intérêt de la presse1
, a été repoussé après les élections françaises et
britanniques, et la période de réflexion a été prolongée.
1.2.2. Une exigence des Français à l’égard de l’information européenne
Selon l’Eurobaromètre Flash « Quelle Europe ? La construction européenne vue par les
Français », 50% des Français n’accordent pas leur confiance à l’UE et 82% considèrent la
construction européenne trop éloignée de leurs préoccupations. Cette enquête réalisée en France
début 20062
à la demande de la Représentation de la Commission européenne à Paris, souligne
également les besoins d’information des citoyens français sur les questions européennes: 87%
des personnes interrogées attendent que les hommes politiques leur parlent davantage de l’Union
européenne et 57% pensent que les élus locaux et régionaux devraient être les premiers à animer
des discussions publiques sur l’Europe. Les médias passent en deuxième, après les hommes
politiques, quand il s’agit des sources préférées d’information européenne (80%), mais les débats
télévisés restent le moyen d’information privilégié par la moitié des Français.
La surprise de ce sondage est, évidement, ce besoin d’information de proximité, personnalisée et
directe. C’est d’ailleurs ce qui ressort en premier : les Français souhaitent que leur député-maire
ou leur préfet, les représentants du Conseil régional, leur parlent de l’Europe et des effets de ses
politiques sur leur région ou localité, c’est-à-dire sur leur vie quotidienne. Penser globalement
même au niveau local, et penser au local quand on agit globalement, serait le défi de cette
communication attendue.
a. Les initiatives prises au niveau institutionnel et politique
L’engagement des États membres et leur responsabilisation sont souvent cités parmi les solutions
à la crise européenne. Alors que Bruxelles ne devrait plus servir de « bouc émissaire » pour les
crises politiques, sociales ou économiques nationales, un renouvellement de l’engagement3
des
1
Voir l’article d’Euractiv, Sommet européen : le prolongement de la période de réflexion fait les gros titres
(http://www.euractiv.com/fr/avenir-europe/sommet-européen-prolongement-reflexion-gros-titres/article-156194) qui
souligne que « le Sommet a suscité peu d'intérêt au sein de la presse » et « la plupart des commentateurs se sont
concentrés sur l'avenir incertain de la constitution ».
2
Flash Eurobaromètre 178 / TNS Sofres c/o EOS Gallup Europe, terrain 16-23 janvier 1006, rapport 15 mars 2006 -
http://europa.eu.int/comm/public_opinion/index_fr.htm
3
Voir la proposition de la Commission européenne, du juin 2006, d’un renouvellement de l’engagement des États
membres, par une déclaration commune, à l’occasion de la 50ème
anniversaire de la signature du Traité de Rome, le
25 mars 2007, l'UE célèbrera.
15
États membres pour le projet européen est exigé afin de pouvoir suivre des objectifs communs et
mener une politique commune.
État fondateur, la France a également imposé son point de vue à l’occasion du référendum sur la
Constitution européenne, le 29 mai 2005. Malgré son résultat, il a montré qu’un tel débat sur un
sujet de politique européenne peut avoir un important impact et obtenir une grande audience
auprès des Français.
Après cet événement, qui a eu des résultats tangibles sur la politique de l’UE (le Conseil
européen de juin 2005 ouvre « la période de réflexion » sur l’avenir de l’Europe, qui est
prolongée en juin 2006 jusqu’à la fin du mandat de la Commission Barosso), loin d’abandonner
sa responsabilité dans la gestion des politiques européennes, la France choisit d’agir afin de
renforcer sa position au sein de la communauté européenne par une contribution importante à la
« période de réflexion » et à la stratégie pour sortir de la crise institutionnelle européenne. Le
gouvernement français encourage ainsi l’amélioration de l’information sur l’Europe, les
consultations et les débats au niveau local, régional, national. Plusieurs outils ont été mis en
place, comme, par exemple :
- Les comités interministériels sur l’Europe1
. Présidés par le Premier ministre, ces réunions
sont organisées chaque mois et permettent de définir au plus haut niveau de l’Etat les
positions françaises sur les enjeux européens.
- « Mieux informer les Français sur l’Europe et mieux les associer aux processus de
décision européens »- tel est le programme auquel le gouvernement travaille, à la demande
du Président de la République en août 2005. Dans ce cadre, le gouvernement a pris toute une
série d’initiatives concernant différents publics - cibles: les parlementaires, les collectivités
locales, les partenaires sociaux, la société civile. La mise en place d’un nouveau site Internet,
www.touteleurope.fr, ainsi que l’idée de faire de la Journée de l’Europe (9 mai) une véritable
fête et une occasion de débat, participent officiellement de cette volonté de mieux associer
les Français aux questions européennes2
.
Un an après le référendum qui a divisé la France et l’Europe, la ministre déléguée aux Affaires
étrangères, Catherine Colonna, dresse un bilan de l’action du gouvernement français en la
matière, dans un document intitulé « La France et l’Europe, relever les défis du présent et
1
http://www.premier-ministre.gouv.fr/thematique/europe_m100/
2
Mieux informer les Français sur l’Europe et mieux les associer aux processus d décision européens, le 15.12.2005,
http://www.europe.gouv.fr/actualites_1/dossiers_3/action_gouvernementale_39/les_français_347.html
16
préparer l’avenir »1
. Elle montre tout d’abord que le gouvernement a fondé dernièrement sa
politique européenne autour de trois priorités essentielles:
- « appliquer une nouvelle méthode de travail pour gagner en efficacité et mieux associer
les Français à la construction européenne »;
- « relever les défis du présent pour faire avancer la vision française de l’Europe et mettre
en place des projets et des politiques efficaces au service des citoyens »;
- « préparer l’avenir en proposant d’avancer sur les deux sujets majeurs que sont les
institutions et l’élargissement ».
Parmi les actions à destination du grand public menées pour « mieux dialoguer et mieux informer
la société civile » se trouve le lancement du site Touteleurope.fr2
: « Un nouveau site Internet
interactif www.touteleurope.fr a été ouvert le 2 mai 2006. Réalisé par le Centre d’information sur
l’Europe (« Sources d’Europe »), organisme cofinancé par le ministère délégué aux Affaires
européennes et la Commission, ce nouveau site présente une information pédagogique et claire
sur l’Europe, son histoire, son fonctionnement, les politiques qu’elle conduit, et offre aux
Françaises et aux Français le moyen de s’exprimer sur les grands enjeux européens et donc de
prendre ainsi la parole. Une première ‘expression en ligne’ a été lancée par la ministre déléguée
le 9 mai à l’occasion de la Journée de l’Europe. Elle concernait les attentes des Français à l’égard
de l’Europe. Chacun est invité à y participer ».
b. Des initiatives de la part de la société civile
L’expression libre d’une diversité d’opinions et de points de vue reste la caractéristique la plus
importante d’une démocratie3
, ce qui, au niveau transnational, européen, n’est pas assez visible.
Préoccupés par la construction politique et institutionnelle de l’UE, les dirigeants européens
n’ont pas considéré, ou, plus vraisemblablement, n’ont pas pensé, que donner la parole aux
représentants de la société civile était important. Mais les séismes référendaires de 2005 ont mis
en avant la nécessité d’écouter plus attentivement ces voix.
Cependant, les signaux d’alarme concernant « le déficit de communication » dont souffre l’UE
n’ont pas manqué. En octobre 2004, trois acteurs de la société civile, bien connus au niveau
1
La France et l’Europe, relever les défis du présent et préparer l’avenir , juin 2006,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/europe_828/france-europe-relever-les-defis-du-present-preparer-avenir_37671.html
2
idem 1.
3
Prenons aujourd'hui l'exemple de la République communiste de Chine, qui, ayant un système économique de plus
en plus libre et une économie de marché, n'est pas pour autant considérée comme un démocratie à cause des
multiples attentats au droits de l'homme et au droit de libre expression surtout – voir le cas Yahoo!
17
européen, Les Amis de l’Europe, Euractiv et Gallup Europe ont publié conjointement un rapport
intitulé « Can EU Hear Me? »1
qui signale que l’UE est perçue en étant « distante et peu
aimable ». A cette occasion, ils proposent à la nouvelle commissaire chargée de Communication,
Margot Wallstrom, « 30 idées pratiques » pour sortir de cette crise. Parmi ces idées, citons : des
visites de la part des commissaires dans tous les États membres pour recueillir des opinions des
citoyens, rencontrer les représentants des médias nationaux et les dirigeants politiques, la
diffusion d’un message simple, d’idées clés sur l’UE, tout en soulignant les avantages liés à
l’appartenance à cette Union. Côté logistique, ils recommandent la réduction des obstacles
administratifs à la communication et l’utilisation d’une approche décentralisée en rendant les
gouvernements nationaux plus responsables, et en encourageant les médias nationaux à couvrir
l’actualité de l’UE.
Entre novembre 2005 et mars 2006, la Représentation de la Commission européenne en France a
organisé les travaux du Cercle de réflexion « Communication sur l’Europe ». Sa mission a
consisté à « identifier et définir les actions à mettre en oeuvre au niveau local pour rapprocher
l’Europe du citoyen, en favorisant des échanges réguliers, via l’ensemble des relais intéressés à la
construction européenne »2
. Ce cercle informel, a réuni régulièrement plus de 200 personnalités
françaises fortement engagées dans la construction européenne, et provenant de tous les milieux
(enseignement, média - communication, culture, entreprise, université, associations, syndicats,
responsables politiques - anciens commissaires européens, anciens ministres délégués aux
Affaires européennes ou élus européens, nationaux, régionaux et locaux), autour des 5 thèmes de
réflexion: « Les Jeunes et l’Europe », « Le Monde de l’Enseignement et l’Europe », « Le Monde
du Travail », « Le processus décisionnel en Europe » et « Le rôle des Hommes de l’art ». Des
comptes rendus de ces réunions sont rendus publics et une consultation est ouverte aux
internautes sur le site de la Représentation.
Le 28 avril 2006, la Représentation de la Commission européenne en France a présenté le
Rapport3
de synthèse du Cercle de réflexion sur la communication européenne intitulé A l’écoute
des français, lequel fait, tout d’abord, plusieurs constats : la méconnaissance des questions
européennes due à la communication insuffisante avec la société civile et à une faible implication
des journalistes et des responsables politiques ; une perception de l’UE comme éloignée, qui
s’explique partiellement par le désenchantement vis-à-vis de la politique en général ; des attentes
1
Les Professionnels des affaires européennes soumettent leurs recommandations à Margot Wallstrom, Euractiv,
publié le 22 octobre 2004, mis à jour le 21 décembre 2005, http://www.euractiv.com/fr/agenda2004/professionnels-
affaires-européennes-soumettent-recommandations-margot-walstrom/article-131369 , visité le 15.08.2006.
2
http://ec.europa.eu/france/listen/comm/index_fr.htm
3
http://ec.europa.eu/france/pdf/cercle_synth_finale_fr.pdf
18
qui visent une « Europe du concret » et le souhait de participer au débat autour de ce sujet. Les
propositions pour l’amélioration de ces déficits se référent notamment à :
- la professionnalisation accrue de la communication (notamment un ciblage plus fin) et la
simplification des messages;
- une communication de proximité par la décentralisation plus poussée à tous les niveaux
(national, régional, local), en utilisant les relais Europe Direct et les collectivités territoriales
comme partenaires privilégiés;
- le renforcement de la participation de la société civile.
Le chapitre sur la communication de proximité décrit tout d’abord le manque de symboles, par
exemple des lieux de rencontre sur l’Europe en France. Le rapport déplore la fermeture au public
du Centre d’information sur l’Europe – Source d’Europe, vu comme l’endroit le plus approprié
pour s’informer ou pour parler des questions européennes : « Depuis le départ de Sources
d’Europe de La Défense, certains regrettent l’absence de lieu clairement identifié symbolisant
l’Europe et où il soit, par exemple, possible d’amener une classe ». La visibilité, mentionne le
rapport, peut également passer par les sites qui ont bénéficié de financements communautaires
(panneaux d’information, drapeau européen) ou par des « lieux de vie » (CIDJ, CIO etc.). Les
dates sont également importantes, comme la fête de l’Europe, le 9 mai. Le Cercle propose même
qu’elle devienne un jour férié. Selon le rapport, la proximité peut être invoquée également, par la
diffusion des messages ciblés et crédibles (l’utilisation des témoignages) et par l’utilisation de
supports d’information plus accessibles (la carte interactive des projets européens en France,
mise en ligne par le Centre d’information sur l’Europe est donnée comme un exemple allant dans
ce sens).
Mais, pour connaître l’état de l’opinion sur l’Europe à un moment donné, les enquêtes d’opinion
(sondages enrichis par des études qualitatives), notamment les Eurobaromètres, constituent une
importante base de données comparables dans le temps (certains questions se répètent
régulièrement depuis de nombreuses années) et dans l’espace (en général les indicateurs sont
similaires dans tous les États membres). Ils ont d’ailleurs signalé, et cela bien avant l’épisode
référendaire, la méconnaissance et le faible intérêt des citoyens vis-à-vis des questions
européennes. Sans réaliser ici la synthèse de toutes ces données, après avoir exemplifier, ci-
dessus, par l’Eurobaromètre Flash « Quelle Europe ? La construction européenne vue par les
Français », réalisé début 2006, nous voulons seulement présenter quelques chiffres du dernier
Eurobaromètre standard, daté printemps 2006, révélateurs pour notre sujet et pour la situation
19
française. Le chapitre « L’opinion publique dans l’Union européenne » de ce rapport confirme1
la
faible connaissance qu’ont les Français du fonctionnement de l’Union européenne (23% croient
que l’UE est actuellement composée de 15 membres, et, moins d’un Français sur deux, sait que
les parlementaires européens sont élus au suffrage universel). Leur souhait est d’être mieux
informés, notamment par la télévision (70%), les journaux quotidiens (37%) et la radio (32%).
Internet arrive à la quatrième place (31% - une hausse de 4 points par rapport à l’enquête
précédente), mais en 2e
position chez les moins de 40 ans, alors que parmi les étudiants
l’information en ligne (60%) fait concurrence à la télévision.
D’autres sondages ont tracé un profil des Français par rapport à la connaissance des questions
européennes et leur investissement vis-à-vis de l’Europe. L’enquête TNS Sofres pour l’EPIQ
« Les Français et l’Europe. Les enjeux du quotidien – vague 2 »2
, rendue publique un an après le
referendum français sur la Constitution européenne, le 29 mai 2006, décrit une relation directe
entre le niveau d’information et les sentiments vis-à-vis de l’Europe. Tandis que les 52% qui se
sentent mal informés sur le sujet sont en général les moins investis, c’est-à-dire les plus
sceptiques ou les plus opposés à la construction européenne, et ceux qui ont voté « non » au
référendum, les 47% qui se déclarent bien informés (remarquons que seulement 3% se disent très
bien informés) sont également les plus investis, enthousiastes et/ou favorables à la construction
européenne. C’est-à-dire ceux qui ont voté « oui » au référendum3
. La conclusion serait donc que
plus on est mal informé, plus on est sceptique ou hostile à l’idée d’une Union européenne.
2. La proximité communicationnelle
2.1. Le concept et les usages dans la communication
On comprend en général par « communication de proximité », celle qui s’opère au plus près de
son public de destination. Il s’agit d’une communication décentralisée, appelée aussi
communication « de terrain » ou « locale ». Elle privilégie la mise en relation directe des
interlocuteurs, sans médiation extérieure. Cependant, on parle également de « médias de
proximité » pour désigner un journal de mairie ou un poste de radio local, les seuls qui auront
« la capacité à appréhender les attentes et les besoins en information de proximité et de
1
Eurobaromètre standard 65/ Printemps 2006 – TNS Opinion & Social, pp. 29 – « L'opinion publique dans l'Union
européenne » – Rapport national France - http://ec.europa.eu/france/pdf/eb65f-final_fr.pdf .
2
http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/290506_europe.htm
3
En terme de régions françaises, il s'agit surtout des habitants d'Auvergne, Midi-Pyrénées, PACA et Corse qui se
sont déclarés mal informés, tandis que les citoyens d'Alsace et de Bretagne e sentent le mieux informés.
20
service »1
. Le type de relation qui se construit est la même, sauf que cela se produit à une autre
échelle. On rend compte d’une connaissance directe du milieu de vie du public, on parle aux gens
de leurs préoccupations et de leurs rêves, dans un langage familier, on répond à leurs questions,
on leur rend service en proposant des solutions ou des astuces personnalisées, on leur donne des
exemples qu’ils puissent repérer facilement et on leur offre la possibilité de réagir à ce qui se
passe à côté de chez eux. Consacrée dernièrement en tant que « clé » d’une communication
réussie, qu’il s’agisse du domaine individuel, politique, social, culturel, ou médiatique, la
communication de proximité devient à la fois, quand elle fait défaut ou quand elle est jugée
comme insuffisante ou maladroite, le bouc émissaire de tout échec de management ou de
marketing : on a perdu les élections, car on n’a pas pris assez de bains de foules, notre journal ne
se vend pas car il traite d’une actualité trop éloignée de citoyen, la politique qu’on a implémentée
n’obtient pas de résultats positifs parce que nous n’avons pas assez demandé l’avis des citoyens
avant, mes étudiants ne me respectent pas car je ne leur donne pas la parole, l’image de la marque
s’est détériorée car notre produit ne répond plus aux besoins exprimés par les gens.
La caractéristique de ce type de communication est d’instaurer une relation basée sur l’écoute, la
confiance mutuelle et le partage des mêmes valeurs (faire partie d’une même communauté :
territoriale, de destin, culturelle, de valeurs, d’idées, etc.). Elle propose ainsi un contrat de
communication2
où les participants ont des statuts égaux et réagissent en permanence (et, si
possible, spontanément) à ce que l’autre lui transmet. De ce point de vue, la communication de
proximité est beaucoup plus proche d’une simple conversation que de la communication de
masse.
En s’inspirant de l’Ecole de Palo Alto, Daniel Bougnoux 3
opère une distinction importante entre
la communication (la relation) et l’information (le contenu) en soulignant la primauté de la
communication avant tout échange d’information. Cependant, selon Charles de Laubier, « Avec
le web, la frontière entre information et communication devient virtuelle. L’information est à la
démocratie ce que la communication est à l’économie »4
. Car Internet crée une situation de
communication spéciale : nous parlons à quelqu’un qui habite parfois à des milliers de kilomètres
de distance, « comme si » il était à côté de nous. L’abolition de l’espace dans une communication
avec double sens, interactive, est l’une des principales caractéristiques de la Toile. Cependant, la
proximité ainsi construite est exclusivement virtuelle.
1
Philippe Robinet, Serge Guerin – La presse quotidienne, Dominus/Flammarion, 1999, p. 64.
2
Selon le terme employé par P. Charaudeau dans l’analyse du discours.
3
Daniel Bougnoux – La communication contre l'information, Hachette, 1997
4
Charles De Laubier, La presse sur Internet, Que sais-je n° 3582, PUF, 2000, p. 23.
21
2.2. La proximité journalistique et l’actualité : les choix rédactionnels
Il est évident que l’une des principales règles sur laquelle les rédactions s’appuient pour
sélectionner un sujet, surtout lorsqu’il s’agit de la première page ou d’un média local/régional,
c’est la proximité1
. Les manuels de journalisme avertissent les apprentis de l’importance et des
multiples composantes de cette exigence journalistique : l’actualité, les « grands instincts », la
géographie, les groupes d’appartenance socio-culturelle et socio-professionnelle et la vie
quotidienne2
. Ce que les journalistes appellent « lois de proximité », sont en fait des critères
d’évaluation de l’importance et de l’intérêt que les sujets pourraient avoir auprès les lecteurs : un
reportage doit créer à la fois ou au moins une proximité chronologique, géographique,
psychoaffective ou humaine, culturelle, sociologique ou politique, existentielle, pratique ou
spécifique, en fonction des caractéristiques de ce même public3
. On se sent donc concernés
surtout par les événements qui se produisent près de chez nous, au présent ou prochainement, qui
touchent les gens. C’est pourquoi, par exemple, le média régional met l’accent sur l’événement
qui se passe dans le voisinage, sur le fait divers, et, pour plus de crédibilité, souhaite amener son
lecteur à se positionner comme participant ou témoin de ce qui vient de se passer.
Néanmoins, G. Lochard et H. Boyer ont remarqué que la proximité spatiale, un principe de
sélection évident pour la presse locale et régionale, « est également présent dans la presse
d’information générale écrite et audiovisuelle, qui a tendance de plus en plus à privilégier les
faits ayant pour cadre le territoire national » 4
. Les événements qui se passent à l’étranger tendent
à être traités de plus en plus, soit dans des pages/rubriques/émissions particulières, régulières ou
occasionnelles, soit par des médias spécialisés en actualité internationale (Courrier International,
Le Monde diplomatique, Euronews, BBC). Surnommée (cyniquement) « la loi du mort –
kilomètre » la loi de proximité géographique est ainsi définie par J.-L. Martin–Lagardette dans
son ouvrage Le guide de l’écriture journalistique : « Un mort dans votre domicile, même s’il
vous est indifférent, a infiniment plus d’impact que deux morts dans votre rue, trois morts dans la
commune avoisinante, cinq dans la capitale, dix dans un pays voisin, cinquante à l’autre bout du
1
Voir José Broucker, Manuel. Pratique de l’information et écritures journalistiques, Les Editions du Centre de
formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ), Paris, 1995 notamment le chapitre « Se risquer de
choisir », pp.49-70 et Jean-Luc Martin-Lagardette, Le guide de l’écriture journalistique, La Découverte, 2003 (5ème
édition mise à jour et enrichie), pp. 31-38.
2
Yves Agnès, Manuel de journalisme. Ecrire pour le journal, Editions de la Découverte & Seyros, 2002, pp. 36-39
3
José de Broucker, op.cit., p. 60 ; Claude Furet – Le titre. Pour donner envie de lire, Les Guides du CFPJ, Editions
du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ), 1995,p. 39-44.
4
Guy Lochard, Henri Boyer - La communication médiatique, Seuil, 1998, p. 30
22
monde »1
. Bien évidement, il s’agit à la fois d’une proximité affective, si « le mort » est
quelqu’un qui nous est proche.
Mais il y a aussi des astuces que les journalistes peuvent utiliser pour « réduire les distances »,
s’ils tiennent à signaler des faits intéressants ou importants qui se sont passés ailleurs ou il y a
longtemps. José Broucker dans son manuel de Pratique de l’information et écritures
journalistiques énonce quelques unes2
:
- pour réduire la distance géographique en relatant un événement, on peut « mettre en
évidence les conséquences possibles pour les gens d’ici, de l’événement qui s’est produit
là-bas »; « mettre en relief la participation de gens d’ici à ce qui s’est passé là-bas »;
« faire expliquer ou commenter l’événement lointain par une personnalité d’ici »;
rapprocher, par comparaison ou analogie, l’événement qui s’est produit ailleurs,
d’événements ou situations vécus ici.
- pour créer la proximité chronologique, surtout dans les titres et les accroches, il faut
valoriser les conséquences pour le futur et utiliser le plan chronologique inverse (en
remontant du présent au passé);
- pour rapprocher un événement de point de vue psychoaffectif, la rédaction doit mettre en
évidence « les aspects ou les implications les plus humains de l’information », le concret,
le particulier et le social.
Bref, presque toute information peut devenir « de proximité » dès lors qu’on lui applique une
grille de lecture « zoomée », qu’on la présente de manière à abolir la distance sociale,
géographique, temporelle. L’exemple le plus représentatif est, très certainement, la présentation
des situations catastrophiques. En France, les médias nous ont présenté le tsunami asiatique de
fin 2004 à travers les yeux des touristes français qui l’ont vécu et la récente guerre israélo -
libanais sous l’angle de la contribution de la diplomatie française à la résolution du conflit. De
même, le débat autour de la directive Bolkestein sur la libéralisation des services au niveau
européen, a été illustrée via les positions des divers hommes politiques et entrepreneurs français,
mais aussi à travers les éventuelles conséquences sur les travailleurs immigrés en France ou sur
les expatriés français3
. Car, aux yeux des journalistes, « Les grandes questions humaines
passionnent toujours, à la condition d’être traitées de façon très concrète »4
, si possible à travers
1
Jean-Luc Martin –Lagardette, op.cit., p. 31
2
José de Broucker, op.cit., p. 60.
3
Cependant, nous remarquons que ce dernier angle a été moins utilisé, comme si ce qui se passe sur le territoire
national passe toujours en premier.
4
Idem 1, p. 34.
23
des témoignages et en évitant les théories, les déclarations d’intention, la langue de bois ou le
langage trop abstrait.
P. Charaudeau nous met en garde sur l’application de cette loi de proximité spatiale, car, au-delà
des manuels, en pratique c’est plutôt « le mode de traitement de la nouvelle qui rendra ce lieu
événementiel proche ou lointain. »1
. Une critique que l’on retrouve également chez C. Restier-
Melleray qui insiste sur le fait que, alors que « parler de proximité c’est envisager prioritairement
le travail journalistique du point de vue de celui qui recevra le message », « cette loi consacre la
prééminence de l’individu, un individu présenté comme décontextualisé et psychologisé2
». Elle
souligne que cette relation est créée à travers le discours rapporté qui est « la clé du journalisme
de proximité, avec un large recours aux dialogues (échanges d’arguments), témoignages des gens
ordinaires3
. En effet, cette approche est du ressort de ce que l’on appelle public journalisme ou
« journalisme civique », dont la déclinaison serait le consequence journalism, à savoir la
démarche qui propose de « centrer reportages et analyses sur ceux qui subissent les décisions,
donc sur des gens ordinaires qui sont amenés à juger les mesures dont ils sont les destinataires
(…) »4
.
Dans une perspective discursive, R. Ringoot et Y. Rochard parlent encore de l’émergence des
certains « genres journalistiques de proximité ». Le reportage, l’interview, l’enquête, le compte
rendu sont des genres liés au terrain, ou, selon la distinction opéré par E. Neveu dans sa
Sociologie du journalisme, des genres « debout », à la différence des « genres assis », qui
supposent de rester au bureau et de rédiger à partir de documents (l’éditorial, le commentaire, la
chronique). Les deux auteurs proposent une catégorisation des genres en fonction de l’ethos, plus
précisément « à partir des stratégies énonciatives mettant en scène la figure du journaliste »5
:
- les genres « corporalisants » (l’interview, qui induit une mise en scène du journaliste qui "a
été là", donc une proximité physique de l’événement);
- les genres « caractérisants » (l’éditorial, le commentaire qui proposent au lecteur une
proximité plutôt intellectuelle, d’opinion et émotionnelle);
1
Patrick Charaudeau , Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Nathan/INA, 1997,
p. 153
2
Christiane Restier- Melleray , « La proximité dans les médias: retour sur une loi », pp. 254 et 259, dans La
proximité en politique. Usages, rhétoriques, pratiques – Christian Le Bart et Rémi Lefebvre dir., Presses
Universitaires de Rennes, 2005 , p. 251-270
3
Christiane Restier-Melleray , « Mise en proximité du politique. Les ‘Carnets de campagne’ du Monde (19 mars-2
juin 2002) » , p. 70, dans Mots. Les langages du politique : Proximité – n° 77 mars 2005, ENS Editions, pp. 59-72
4
Idem.2, p. 262.
5
Roselyne Ringoot, Yves Rochard – « Proximité éditoriale : normes et usages des genres journalistiques », dans
Mots. Les langages du politique: Proximité – n° 77 mars 2005, ENS Editions, pp. 73 – 90
24
- les genres « dépersonnalisants » (la brève, la dépêche, la mouture qui font disparaître le
journaliste en tant que médiateur et laissent le lecteur seul face à l’information, en créant une
proximité fonctionnelle, ou d’utilité).
« Partage, identification, complicité, adhésion, communion circularité, séduction,
communautarisation, socialisation, intériorisation, sont autant d’expressions traduisant des
matières d’être proches, issues de l’interaction entre la proximité induite par les genres
(émotionnelle, physique, intellectuelle, fonctionnelle) et la proximité travaillée par la ligne
éditoriale, quelle que soit l’appartenance revendiquée »1
. En effet, la gestion de la distance entre
le média et son public représente ainsi un enjeu majeur qui fait preuve à la fois du
professionnalisme et du respect de la déontologie journalistique. Car, la « proximité à tout prix »
afin de se pouvoir féliciter pour « l’ouverture de l’espace public à la parole profane » (la large
audience des reality-shows et de l’infotainment ou des soft news y compris) risque, selon C.
Restier-Melleray, de tomber dans le populisme ou dans la pure course à l’audience, de jouer sur
les affects plutôt que d’expliquer ce qui se passe, de focaliser sur les « témoignages
exceptionnels », plutôt que de se fonder sur des documentaires réalisés à travers des statistiques
et des rapports.
2.3. Internet et la mise en proximité : la technique et la politique
Sur Internet la mise en proximité spatiale se fait automatiquement, car le réseau crée une distance
virtuelle flexible qui peut être réglée par l’utilisateur lui-même, selon ses besoins et ses envies. Je
peux sans problèmes partager mes opinions de Paris sur un forum japonais, tout en déclarant que
je me trouve à New York. L’anonymat est ainsi garanti, les traces de l’identité n’étant pas
perceptibles pour l’utilisateur ordinaire (mais, ils le sont, en revanche, pour les services policiers
spécialisés). C’est également de cette particularité que vient le grand succès du web : de la
possibilité de se mettre en relation sans s’exposer, d’émettre des opinions sans les signer, de
pouvoir être n’importe qui, quand on veut. Et les psychologues le confirment : dans ces
conditions, établir des relations avec d’autres individus devient plus facile. Internet n’est donc
pas seulement un outil de mise en proximité spatiale immédiate, spontanée, mais, en même
temps, un facilitateur de la mise en proximité affective, émotionnelle, intellectuelle. Etant
données ces caractéristiques, quel est l’impact de l’Internet sur la communication politique et sur
la sphère publique en France et en Europe ?
1
Roselyne Ringoot, Yves Rochard, op.cit., p. 70.
25
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont été identifiées au
Conseil européen de mars 2000 à Lisbonne comme ayant un rôle capital à jouer dans ce qui est
connu depuis sous le nom de « la stratégie de Lisbonne ». Celle-ci a pour objectif de construire
une Union européenne plus compétitive et plus dynamique d’ici 2010. La Commission
européenne a alors lancé dans ce sens l’initiative eEurope, qui s’est achevée fin 2005. Quel en est
le bilan ? L’étude Eurostat sur l’"Utilisation d’Internet par les particuliers et les entreprises"1
montre qu’en 2005 presque la moitié des ménages de l’UE des 25 a accès à Internet à la maison2
(un quart disposent même d’une connexion large bande), que le pourcentage moyen d’entreprises
de dix salariés ou plus, ayant accès à Internet en janvier 2005, était de 91% et, que 43% de
particuliers ont accédé à Internet en moyenne une fois par semaine en 2005 (les étudiants étant
ceux qui utilisent le plus régulièrement le Web). Pourtant, « le coût élevé, l’accès, l’accessibilité,
les compétences et la motivation sont autant d’obstacles pour les quelques 30% - 40%
d’Européens qui ne profitent pas des avantages de la société de l’information »3
. Plus d’un tiers
de la population de l’UE des 25 n’a pas de connaissances de base en informatique et il existe de
grandes différences entre les générations les plus jeunes et les plus âgées4
. L’autre paramètre
essentiel étant le niveau général d’éducation (le niveau d’analphabétisme informatique diminuant
avec l’augmentation du niveau d’instruction). Conscients de ce qu’on appelle depuis longtemps
« la fracture numérique », les ministres de 34 pays européens, réunis à Riga les 11-13 juin 2006,
ont approuvé une action paneuropéenne visant l’«e-inclusion». L’objectif est de « réduire de
moitié le nombre de personnes n’utilisant pas l’Internet dans les groupes menacés par
l’exclusion, d’assurer à au moins 90 % du territoire européen un accès à l’Internet haut débit et
de rendre accessibles tous les sites web publics d’ici à 2010 »5
.
Quant à la France, une récente étude de l’INSEE 6
révèle qu’en 2005, un Français sur quatre s’est
connecté quotidiennement sur Internet, surtout pour la recherche d’information et pour la
messagerie électronique. Mais en communication politique, Internet a fait ses preuves pendant la
campagne référendaire de 2005. Il a été sans doute le lieu du débat politique alternatif. L’étude
1
Ottens, Morag- EUROSTAT. Utilisation d'Internet par les particuliers et les entreprises. Statistiques en Bref.
Décembre 2006, sur http://europa.eu.int/eurostat. Voir également le communiqué de presse EUROSTAT
STAT/06/45, du 6 avril 2006.
2
Des données non-disponible sur la France, Malte et l'Irlande.
3
Communiqué de presse IP/06/769 - L'internet pour tous: les ministres européens s'engagent en faveur d'une société
de l'information accessible fondée sur l'inclusion, Bruxelles, le 12 juin 2006
http://europa.eu.int:rapid/pressReleaseAction.do?reference=IP/06/775&format=HTML&aged=0&language=FR&gui
Language=fr
4
Eurostat, Statistiques en bref, Industrie, commerce et services, 17/2006, « Utilisation de l'informatique et d'Internet:
quel est le niveau de compétence des Européens? ». La publication est disponible gratuitement en format PDF sur le
site Internet d’Eurostat, http://ec.europa.eu/eurostat/
5
Idem. 3.
6
Yves Frydel, Internet au quotidien : un Français sur quatre, dans INSEE Première, N° 1076 - MAI 2006
26
cartographique1
réalisée par le RTGI (le groupe Réseau Territoires et Géographie de
l’Information de l’Université de Technologie de Compiègne) sur 5000 sites qui ont participé au
débat, souligne le rôle détenu par le Web dans l’issue du scrutin. Tandis que le comptage fait par
l’émission Arrêt sur image2
sur les trois principales chaînes hertziennes révélait que plus de 70%
du temps de parole consacré au débat, avait été utilisé par des représentants du camp du oui, sur
le Net 67% des sites ont fait campagne pour le « non », dont 82% étaient des sites de gauche. Les
chercheurs ont ainsi émis l’hypothèse que « le Web a servi de tribune publique à nombre de ceux
qui se sentaient écartés des plateaux de télévision ou des grands médias, transformant ainsi en
quelque sorte le Web en un négatif, au sens photographique, de la télévision ».
« Ne cherchez pas le pouvoir à l’Elysée ou au Palais Bourbon: il est chez les techniciens – labos,
firmes, agences, centres de recherche et développement, opérateurs multimédia. Internet mène le
bal » – disait Régis Debray, l’inventeur de la médiologie, en paraphrasant ainsi des propos de
Balzac, tenus il y a 150 ans, sur le pouvoir des journalistes3
. Alors que sur Internet, les sites
d’information à caractère politique se sont développés en France à partir de 19974
, à la suite
d’initiatives privées, en 2006 des classements des meilleurs blogs politiques ont vu le jour dans
les médias traditionnels et « les députés blogueurs » du Parlement européen utilisent Internet
comme tribune politique à la place des médias nationaux dont ils se sentent exclus5
. Si l’idée que
les techniques de communication peuvent constituer un outil de progrès politique provient déjà
du XIXe
siècle, les technologies de l’information et de la communication ont suscité, à la fin du
XXe
des projets comme « la démocratie électronique », « le e-gouvernement », « les cités
numériques ». Pour certains, il s’agit d’une conséquence de la crise de légitimité que traversent
les institutions politiques représentatives : elles sont actuellement à la recherche de nouvelles
méthodes afin d’inciter les citoyens à participer politiquement et socialement. C’est pourquoi
l’Internet représente pour beaucoup l’espoir d’un renouveau du dialogue élus – citoyens, même si
des études ont montré que, pour l’instant, « l’avènement d’une démocratie plus participative est
très peu vérifiée empiriquement »6
et la mobilisation reste toujours faible, malgré « l’effet
d’annonce » d’une société d’information (politique) globale.
1
http://www.utc.fr/rtgi/index.php?rubrique=1&sousrubrique=0
2
France 5, 10 avril 2005.
3
Régis Debray – Intervention à l'Assemblée Nationale, le 27 février 1998, introduction au séminaire de travail
« Anciennes nations, nouveaux réseaux », http://www.regisdebray.com/content.php?pgid=medioint
4
Voir Marin Ledun – La démocratie assistée par ordinateur. Du sujet politique au consommateur à caractère
politique, éditions Connaissances et Savoirs, 2005, pp. 440-441.
5
Voir l’article « Elus et lus : les députés blogueurs », REF. : 20060331STO06933, publié sur le site du Parlement
européen le 10.04. 2006, http://www.europarl.eu.int/news/public/story_page/039-6934-089-03-13-906-200603...,
visité le 18.04.2006.
6
Bernard Corbineau, Gérard Loiseau, Stéphanie Wijcik – « L’invariance de al démocratie électronique
municipale », dans Francis Jauréguiberry, Serge Prouls (éds.) – Internet, nouvel espace citoyen ?, L’Harmattan,
Paris, 2003, p. 103.
27
Ce nouvel espace politique, même virtuel, n’a pas échappé aux journalistes et un nouveau
support médiatique est ainsi né. Mais le passage de la diffusion à l’interactivité présente
également des risques. Car, Internet est-il vraiment un support favorable à l’information, alors
que, sur le Net, tout le monde peut se décréter journaliste ? On s’interroge ainsi sur la crédibilité
de l’information que l’on peut trouver sur Internet et sur le rapport « information » (qui est
l’objet du métier de journaliste) et « communication » (qui va au-delà de l’information, en
présentant une opinion afin de transmettre un message pour atteindre un but communicationnel :
influencer une décision, persuader etc.). Dépendant eux aussi des recettes publicitaires, les
médias en ligne ne sont pas non plus à l’abri de l’influence économique, politique etc. C’est
pourquoi, selon C. de Laubier1
, la question déontologique s’impose, interférant avec la question
politique de la protection des droits d’auteur. En même temps, des pratiques de coproduction de
l’information, à travers ce qu’on appelle « l’Internet citoyen » prend la forme des ‘webzines’ tel
que www.agoravox.fr où n’importe qui peut devenir rédacteur à la condition de publier des
informations inédites et que son article arrive au comité de rédaction, laquelle avoue et assume,
sans pouvoir effectivement contrôler, les risques de désinformation. Car, selon J.L. Missika, « La
dispersion de sources d’information, soutenues à la fois par les nouvelles technologies et par de
puissantes demandes sociétales, risque de conduire à une nouvelle situation : celle d’un espace
public bavard et inattentif, où chacun veut être émetteur, auteur, journaliste, mais où peu
choisissent d’écouter ensemble et de se rendre aux rendez-vous de prescripteurs fiables, peu
nombreux et puissants. » 2
1
Christian de Laubier – op.cit.
2
J.-L. Missika – op.cit., p. 105.
28
II. Proximité et interactivité : les clés d’une
communication politique et publique de succès ?
Afin de faciliter la diffusion d’information auprès de ses citoyens, l’Union européenne dispose
d’un réseau d’information sur les questions communautaires appelé Europe DIRECT. Il
comprend des relais d’information européenne au niveau local et/ou régional dans chaque État
membre (environ 40 en France), des centres de documentation européenne (aujourd’hui il y en a
600 centres dans les États membres et des pays tiers), 3 centres nationaux d’information sur
l’Europe (à Paris, Lisbonne et Rome), ainsi qu’un réseau de conférenciers indépendants de la
Commission européenne, Team Europe.
Les Centres nationaux d’information ouverts dans les années ’90 en France (Centre
d’information sur l’Europe – CIE - « Sources d’Europe », 1992), Portugal (Centro de informação
Euopeia Jaques Delors de Lisbonne,1994) et Italie (Centro Nazionale d’Informazione e di
documentazione europeo – Cide, 2000) sont situés dans les capitales des pays d’accueil. Ils ont
été créés à l’initiative de ces derniers et placés initialement sous la tutelle conjointe de la
Commission européenne et des autorités gouvernementales (les Ministères des Affaires
étrangères) des pays d’accueil. Leurs objectifs communs sont de renseigner le grand public, de
« répondre aux questions de publics spécialisés » et de « créer un lieu de rencontres, de formation
et d’animation permanente sur l’Europe » 1
. Mais, ces dernières années, le centre français a été
obligé de réviser ses objectifs en renonçant à son ouverture au public, ainsi qu’à une bonne partie
de la logistique, et contraint de restructurer son activité et de la restreindre à l’Internet. Ce pas
une fois franchi, est-ce que le CIE arrivera à accomplir sa mission ? Le présent chapitre essaie de
suivre ces changements et de distinguer, dans la ligne éditoriale du nouveau portail
Touteleurope.fr, le rôle qu’il assume auprès de son public et l’adéquation de ses promesses
communicationnelles aux objectifs prévus par la nouvelle stratégie de communication
européenne, en quête de proximité .
1
http://ec.europa.eu/comm/relays/ni_fr.htm, visité le 10.09.2006.
29
1. Rapprocher l’Europe des Français par Internet: étude de cas
1.1. Le Centre d’information sur l’Europe (CIE)
Fondé en 1992 par le gouvernement français (le Ministère des Affaires étrangères) et la
Commission européenne, le Centre d’information sur l’Europe (CIE) est un groupement d’intérêt
économique qui a commencé son activité sous le nom de « Sources d’Europe ». Créé « pour
« répondre aux questions sur l’Union européenne », le centre de Paris a eu des jumeaux : l’un à
Rome, l’autre à Lisbonne. Si le CIE français a restreint en 2005, son activité uniquement à
l’Internet (info-europe.fr, puis touteleurope.fr), les deux autres centres d’information nationaux
continuent de développer des activités de formation et de documentation (bibliothèque,
médiathèque).
Selon les documents de présentation, sa mission était « d’aider [les Français] à mieux
comprendre les enjeux de la construction communautaire » et de répondre à « toutes » leur
questions sur l’Union européenne, ses politiques, ses pays membres, ses apports dans la vie
quotidienne1
.
Situé au début dans le sous-sol de l’Arche de la Défense, le CIE disposait d’un vaste espace
d’accueil (4500m2
) avec médiathèque, auditorium, centre de documentation, libre distribution de
brochures, etc.. L’envergure du projet initial a placé le GIE sous contrainte financière et
budgétaire importante. Pour continuer son activité, le Centre d’information sur l’Europe a été
obligé de déménager (dans le 7e
arrondissement, dans le même immeuble que les bureaux de la
Représentation du Parlement européen et de la Commission européenne, et à côté du Quai
d’Orsay), de réduire l’effectif du personnel et de restreindre son activité : depuis la rentrée 2004
Sources d’Europe n’est plus ouvert au public et le fond documentaire est désormais consultable à
la Documentation française. A partir de 2007, le financement de la Commission européenne
cessera définitivement.
Afin de mettre en évidence l’importance de cette institution pour la communication européenne
en France, dans ce chapitre nous appuyons notre analyse sur un corpus de présentation du site (le
1
Dépliant de présentation Sources d’Europe – info-europe.fr, annexe 12.
30
dossier de presse du lancement, les points de vue exprimés à cette occasion par divers acteurs et
pas les médias), sur des rapports et sur des entretiens avec le personnel.
1.1.1. Le passage sur Internet
Alors que depuis 1993 le Centre d’information sur l’Europe s’occupait de la gestion électronique
des documents, en 1997 une partie de l’activité d’information développée par le CIE passe sur
Internet, et en avril 1998 le site www.info-europe.fr est lancé. L’équipe rédactionnelle s’est mis à
travailler sur le fond des produits d’information / documentation du CIE en fournissant des
contenus assez variés à destination du grand public, mais aussi une information spécialisée de
base sur les questions européennes (droit communautaire, politiques etc.).
En 2005, le contenu du site www.info-europe.fr1
se présentait ainsi sous deux volets2
:
a. Des contenus stables, froids, dont le but est documentaire et utilitaire: depuis
1998, une collection de fiches pratiques (« Fiches Europe ») sur les programmes, les
politiques de l’UE, les institutions, l’histoire de l’Europe et les fondateurs, les plus
importants textes de droit communautaire, les droits des citoyens européens et les
démarches à suivre (« L’Europe au quotidien »), avec un contenu très concret et une
information adaptée au sujet « la France en Europe ». Cette partie occupait en 2005
plus de deux tiers de l’information publiée sur le site. Un Guide des sources, créé en
1993, comprenant les coordonnées des relais et des centres d’informations sur
l’Europe en France, des ONG, des associations et des institutions européennes ou
françaises à vocation européenne, est aussi mis en ligne.
b. Des contenus flexibles, en suivant l’actualité européenne, et qui poursuivent un
but informatif : une revue de la presse française axée sur les articles traitant de
l’actualité communautaire (en place depuis 1993 et dans une nouvelle version depuis
2002) et des brèves d’actualité rédigées à partir de communiqués de presse officiels
des instances communautaires et nationales, ainsi que des forums thématiques. En
fonction de l’actualité, le site s’est enrichi de nouvelles rubriques et de mini-sites
(« Elargissement», par exemple), Sources d’Europe, en assurant la gestion et
1
Page d’accueil site www.info-europe.fr, annexe 6.
2
Voir « Activité de l’équipe rédactionnelle du Centre d’information sur l’Europe » 01/06/2004, màj 31/01/06,
annexe 3.
31
l’actualisation du site spécialement dédié à la Constitution européenne
www.constitution-européenne.fr.
1.1.2. La naissance du nouveau portail Touteleurope.fr
Après le vote négatif des Français du 29 mai 2005, le réseau d’information sur l’Union
européenne en France s’est vu obligé de relever des nouveaux défis. En novembre 2004,
préoccupé par le fort taux d’abstention des Français aux dernières élections européennes, le
Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, a confié au député Michel Herbillon une
mission ayant deux objectifs importants. Premièrement, de dresser un bilan des actions en
matière d’information sur l’Europe menées par tous les acteurs français (état, société civile,
médias, ONG etc.). Ensuite, de faire des propositions « de nature à renforcer la conscience
européenne » des Français. Dans sa « lettre de mission », Sources d’Europe était cité comme
ayant un rôle de « tête de réseau, correspondant des partenaires décentralisés qui contribuent à
l’information des Français sur les sujets européens ». Rendu public après le référendum, le
rapport intitulé « 40 recommandations pour mieux informer les Français sur l’Europe » a signalé
au gouvernement français « l’échec patent des politiques d’information et de communication sur
l’Europe » et « la dispersion » des relais d’information, citant ainsi Source d’Europe : « Au
niveau national, le Gouvernement, la Représentation de la Commission, le Bureau d’information
du Parlement européen et le Groupement d’intérêt économique Sources d’Europe (géré et financé
à parité par la Commission et le Gouvernement français), se partagent la charge de l’information
des Français sur l’Europe. »1
. En analysant l’activité du CIE (pp. 84-85 et 174-179 du rapport), le
député recommande (recommandation numéro 10) que Sources d’Europe soit « transformé en un
service propre du ministre délégué aux affaires européennes » qui « servirait de tête de réseau des
relais d’information sur l’Europe », et qui « sera chargé d’assurer la permanence de l’information
sur l’Europe, au-delà des campagnes ponctuelles menées à l’occasion de tel ou tel événement ».
Même s’il reste un GIE, son activité devrait ainsi se développer, selon le député, autour de 5
pôles : « information et communication sur l’Europe » (une nouvelle direction interministérielle,
s’il est intégré au gouvernement), « dialogue permanent sur l’Europe » (qui prendrait la forme
d’une conférence permanente sur l’Europe), «animation du réseau national » (en partenariat avec
la Commission européenne), un pôle « formation » (en partenariat avec le Centre d’études
européennes de Strasbourg et avec le ministère de l’Éducation nationale), et, le dernier,
«Recherche et publications » (en partenariat avec la Documentation française).
32
Pour l’instant, l’avenir du CIE reste incertain, alors qu’une décision concernant son statut est
attendue pour septembre 2006. Depuis janvier 2006, avec la nomination d’un nouvel
administrateur, le Centre d’information sur l’Europe a commencé a développer ses activités
majoritairement sur Internet. Le CIE a, néanmoins, poursuivi l’action de réponse au téléphone et
par messagerie électronique aux questions visant l’Europe communautaire et un serveur vocal
interactif, ainsi qu’un logiciel de traitement semi - automatisé des courriers électroniques font
partie de ce projet. L’équipe a été partiellement changée en concordance avec cette nouvelle
orientation de l’activité : un poste de veille Internet a été créé et un nouveau rédacteur en chef,
spécialisé dans la rédaction Web, a été nommé. Remarquons le fait que les deux nouveaux
coordinateurs de l’activité de CIE, l’administrateur et le rédacteur en chef, proviennent du secteur
gouvernemental, ce qui pourrait marquer profondément le futur positionnement de cette
institution : le premier a été le chef du Département multimédia du SIG et l’autre, faisant partie
de la Cellule éditoriale du même service gouvernemental, a été rédacteur pour le site du Premier
ministre. D’autre part, dépourvu des moyens de l’accueil direct du public, la mission principale
du Centre devient ainsi celle « d’informer les citoyens français sur l’Union européenne » à
travers « un nouveau portail de référence »: www.touteleurope.fr. Une nouvelle relation reste à
construire avec son public et un nouveau support doit être mis en place pour un nouveau type
d’interactivité, créée cette fois dans un monde virtuel : le CIE ne reçoit plus « chez soi » dans les
salles de lecture, ni dans les amphithéâtres, mais sur des forums et consultations en ligne.
Le lancement du nouveau portail était cité parmi les mesures prises par le gouvernement français
pour « mieux informer la société civile sur les questions européennes et dialoguer avec elle »2
.
En présence de la commissaire européenne en charge de la Politique régionale, Danuta Hubner, à
l’occasion du lancement de Touteleurope.fr, le 2 mai 2006, la ministre déléguée aux Affaires
européennes, Mme Catherine Colonna, a formulé le vœu que l’ouverture du site soit un moment
important pour la France « pour faire vivre le dialogue sur l’Europe », en soulignant son rôle de
répondre à l’« immense besoin d’information [simple et accessible] sur la construction
européenne» et « d’expression et d’échange »1
. La présence à l’événement des représentantes
des deux tutelles devient ainsi symbolique, en renforçant l’image partagée du CIE en tant que
1
Rapport HERBILLON, Résumé, p. 9, http://lesrapports.ladocumentationfrançaise.fr/BRP/054000424/0000.pdf
2
Mieux informer les Français sur l’Europe et mieux les associer aux processus d décision européens, le 15.12.2005,
http://www.europe.gouv.fr/actualites_1/dossiers_3/action_gouvernementale_39/les_français_347.html
33
prescripteur de l’information sur l’Europe pour les Français, et d’outil d’agrégation de l’opinion
française concernant les questions européennes.
1.2. Le site Touteleurope.fr et ses contenus
A travers son positionnement d’interface entre les sources d’informations européennes et ceux
qui les cherchent, même au-delà d’Internet, ce site grand public vise à :
- devenir l’outil de référence en France pour obtenir toute information sur l’Europe ;
- offrir une plateforme de dialogue et d’échange pour les Français sur l’Europe.
L’administrateur de CIE, Benoit Thieulin, résume en quelques mots le rôle de
www.touteleurope.fr : « C’est à la fois une clef d’accès, une carte, et une boussole pour naviguer
sur une toile européenne... et un baromètre sur l’opinion ‘européenne’ des Français. L’Europe
2.0, en somme... » 2
.
Notre démarche ne sera pas d’analyser le site en tant qu’objet sémiotique, mais plutôt de le
considérer dans une situation de communication qui s’organise autour de lui et qui comporte
plusieurs éléments : Touteleurope.fr et ses promesses, donc l’usage qu’il prescrit et anticipe de
soi-même, et les sites médiateurs qui proposent leur représentation de Touteleurope.fr. Ce qui
nous intéresse également ce sont les prescriptions d’usage afin de transformer leur propre
utilisateur en visiteur de ce site. Comme nous avons fait le choix de ne pas nous aventurer dans
une analyse de la réception, malgré l’intérêt d’une telle recherche, à travers l’analyse des profils
des visiteurs des sites médiateurs, nous ne nous lancerons pas sur cette voie. Nous nous
interrogerons surtout sur la concordance entre l’image crée par le CIE autour du site
Touteleurope.fr et celle qui se crée à travers certains discours dont il fait l’objet, entre les
promesses de ce dispositif de communication, son ethos pre-discursif, et son image créée dans la
situation de communication, à savoir son ethos discursif.
1.2.1. L’adresse et le nom de domaine du site : les marques d’une identité spécifique
L’URL contient entièrement le nom du site. Il exprime tout d’abord sa promesse d’être « un
portail de référence sur les question européennes/ sur l’Europe », donc d’apporter une
1
Allocution de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes, à l’occasion d lancement du
site Internet www.touteleurope.fr, à la Tour Eiffel, le 2 mai 2006,
http://www.rpfrance.eu.article.php3?id_article=449 , visité le 25 août 2006.
2
Entretien avec Benoit Thieulin publiée sur le site de SIG, le 8 juin 2006, visité le 10.09.2006.
http://www.internet.gouv.fr/information/inormation/rencontres/avec-benoit-thieulin-281.htm.
34
information exhaustive, à la fois fondamentale et d’actualité sur ce qui se passe sur le vieux
continent. Cependant, cette appellation peut porter à la confusion, car le site ne traite que les
questions en lien avec l’Union européenne, en excluant toute information extra - communautaire
(exception faite des pays adhérents ou en cours d’adhésion, mais, en ce qui les concerne, seule
l’information communautaire est publiée).
D’autre part, « touteleurope.fr » ne correspond pas à un seul nom et son orthographe n’est pas
compatible avec les règles de la langue française, il est donc peu probable qu’un internaute qui
fait des recherches sur Internet tape dans le moteur de recherche « touteleurope », sans avoir
entendu ce syntagme avant dans d’autres contextes. C’est pourquoi, afin d’assurer sa notoriété, le
site s’appuie sur l’achat de mots clés et sur la promotion du nom du site. D’ailleurs, cette
appellation, entièrement reproduite par le logo, contient qu’il s’agit, soit de texte, soit d’image et
sur tous les supports de promotion et de présentation, la particule qui correspond au nom du
domaine : « .fr ». Cette stratégie de communication est utilisée afin de renforcer son image
d’abord en tant que site Internet, puis en tant qu’outil de communication entièrement consacré
aux Français. Il s’agit aussi d’une métaphore de la proximité, qui envisage de créer un lien
(virtuel) entre l’Europe et la France : « Toute l’Europe pour les Français » ou « Toute l’Europe
made in France » semble être le message ainsi porté.
Contrairement à ce que certains attendaient (un journaliste a posé une question à ce sujet pendant
la conférence de presse du lancement), le CIE n’a pas choisi pour son portail le nom de domaine
en « .eu ». Selon l’administrateur du centre, alors qu’il a acheté aussi le nom de domaine
www.touteleurope.eu, ce choix s’explique par la volonté de faire de ce site un portail français, en
s’adressant directement aux Français et, donc, un site qui doit être tout d’abord sur les moteurs de
recherche en « .fr ». Alors que « (…) le domaine, au sens de terroir, donne un style aux
productions de ses habitants »1
, le choix fait par le CIE devrait signaler, entre autres, l’adoption
du discours de type français sur la Toile. En même temps, pour réaffirmer son indépendance, le
domaine « .gouv.fr », la marque des sites gouvernementaux, a été également exclu.
1
Valérie Beaudouin, Serge Fleury, Marie Pasquier, Benoit Habert, Christian Licoppe – « Décrire la toile pour mieux
comprendre les parcours. Sites personnels et sites marchands » pp. 21- 49, dans Réseaux n°116 – FT R&D/Hermes
Science Publications, 2002, p. 39.
35
Selon P. Stockinger, « un critère très important est le nom et le renom, donc la réputation de
l’institution propriétaire d’un site »1
. Mais, le CIE était connu surtout en tant que « Sources
d’Europe », nom auquel il a définitivement renoncé au moment du lancement de
www.touteleurope.fr, cela l’empêche donc de récupérer le déficit d’image dû aux dernières
changements. En ce qui concerne le Web, tandis que la notoriété de l’ancien site du CIE,
www.info-europe.fr, était incontestablement élevée, celle du nouveau nom se construit
progressivement : un lancement assez bien médiatisé et une campagne d’achat de mots clés sur
Google afin de lui permettre un meilleur référencement (perdu une fois qu’on a renoncé à son
ancien nom), sont les premiers pas faits dans cette direction.
1.2.2. Touteleurope.fr : une image à construire
En termes discursifs, « L’énonciateur doit légitimer son dire : dans son discours, il s’octroie une
position institutionnelle et marque son rapport à un savoir. »2
. Pour repérer quelques traits de
l’ethos préalable3
que se construit Touteleurope.fr, nous avons analysé « les promesses »4
de ce
dispositif, à travers les documents d’auto-présentation (papier et en ligne). Les objectifs déclarés
de ce nouveau portail seraient, selon le dossier de presse5
et la présentation en ligne (rubrique
« Qui sommes nous ? »6
), très audacieux. Ils viennent légitimer le nom du portail (TOUTE
l’Europe), traduisant également les ambitions d’un nouveau départ, d’un nouveau projet.
a. Exhaustivité et intégralité
Tout d’abord, nous remarquons la promesse d’apporter une information exhaustive (aborder
« tous les aspects des questions européennes») pour « tous les publics » (français et francophone,
car la seule langue utilisée sur le site est le français), le grand public y compris. Tandis que les
spécialistes de la communication recommandent, en général, la segmentation de l’information
selon les divers publics et l’adaptation du message afin de garantir de meilleurs résultats, vouloir
s’adresser à tout le monde peut paraître une démarche utopique. Cependant, il faut remarquer
qu’Internet permet déjà un premier ciblage sur un public (les internautes) qui, pour l’instant, est
évidemment beaucoup moins vaste que celui des médias de masse (par rapport à la télévision, par
1
Peter Stockinger – Les sites web. Conception, description, évaluation, Hermes Science/Lavoisier, Paris 2005.
2
P. Charaudeau, D. Maingueneau (dir.)– Dictionnaire de l’analyse du discours, Seuil, 2002,p. 239
3
Adam 1999, Amossy éd., 1999,2000
4
François Jost – « Les promesses des genres », dans Réseaux no 81 CENT, 1997
5
Voir le dossier de presse de Touteleurope.fr, annexe 12.
6
Voir page Qui sommes nous ? du site Touteleurope.fr, annexe 10.
36
exemple). En fait, « tout le monde » représente déjà « ceux qui ont les moyens d’accéder à
Internet » et qui connaissent la langue française (puisque la langue unique du site). Il s’agit donc
de rendre l’information européenne intéressante pour les Français et la présenter sous une forme
adaptée au support web. Ensuite, Internet est un média qui permet à l’utilisateur, non seulement
une certaine autonomie, mais qui le transforme d’un consommateur passif de l’information
(comme dans le cas de la télévision ou de la radio), dans un consommateur avisé et en quête
d’information. C’est pourquoi il faut rajouter un critère de segmentation pour la cible de ce
portail : « tous les internautes qui comprennent le français et qui s’intéressent aux questions
européennes ».
Malheureusement, il est impossible d’aller plus loin dans cette segmentation et il faut souligner
que la concurrence est rude : la toile européenne de langue française compte aujourd’hui des
milliers de sites et de portails, sans compter les blogs. Pas facile donc de se faire repérer et de
fidéliser les visiteurs afin de devenir « un portail de référence sur les questions européennes». En
même temps, cette promesse oblige à un grand travail rédactionnel de « vulgarisation » de
l’information provenant des institutions européennes, en gardant non seulement la rigueur d’un
documentaliste, mais aussi la même préoccupation pour l’actualité que peut avoir un journaliste.
Car viser « tous publics » et « grand public », c’est aussi proposer des contenus susceptibles
d’intéresser, à la fois ou séparément, diverses catégories sociales, professionnelles, politiques,
économiques, à la fois les « eurosceptiques » que les « europhones » et les « europhobes » ; les
étudiants, les hommes politiques, les universitaires, les think-tanks mais aussi les touristes, les
entrepreneurs, les retraités, les travailleurs, les jeunes, les fonctionnaires, les enseignants etc. En
effet, confronté à sa double personnalité (à la fois institutionnelle et indépendante, plutôt
d’organisme parapublic) et à sa mission « d’informer les citoyens français », le CIE mise sur
l’interactivité de ces nouveaux outils. Le but est d’adapter l’information en fonction des intérêts
des destinataires et d’offrir aux « récepteurs » les moyens pour leur permettre de personnaliser
cette information qui est mise à leur disposition, selon leurs préférences. Une très claire et
rigoureuse organisation du contenu devrait ainsi permettre à l’internaute de trouver facilement
sur le même site l’information qu’il lui faut, qu’il y accède en tant qu’entrepreneur, en tant que
touriste, en tant que père qui cherche de l’information pour faire les devoirs de son fils, ou encore
en tant que candidat aux élections européennes.
Par ailleurs, il faut aussi souligner le fait que la promesse du dispositif en tant que portail n’est
pas de présenter lui-même cette information très vaste de façon exhaustive, mais
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Quelle place pour internet dans la communication européenne de proximité

  • 1. Université Paris 12 – Val de Marne UFR des Lettres et sciences Département de Communication politique et publique QUELLE PLACE POUR INTERNET DANS LA COMMUNICATION EUROPEENNE « DE PROXIMITE » ? LE ROLE DU PORTAIL FRANÇAIS D’INFORMATION EUROPEENNE WWW.TOUTELEUROPE.FR - Session de septembre 2006 - Mémoire de deuxième année de Master de Communication politique et publique en France et en Europe Stage au Centre d’information sur l’Europe Etudiant : Mihaela Gafitescu Promotion 2005-2006 Tuteur universitaire : Anne Granger Maîtres de stage : Alexandra Lessur, Ronan Le Goff, Benoit Thieulin
  • 2. REMERCIEMENTS Je souhaite exprimer mes remerciements à : Madame Anne Granger, ma tutrice universitaire, pour la pleine confiance qu’elle m’a accordée et qui m’a permis d’élaborer un plan de mémoire personnel et propre à mes aspirations; Monsieur Benoit Thieulin, l’administrateur du Centre d’information sur l’Europe, pour l’opportunité d’effectuer ce stage et d’avoir cru en mes capacités; Mademoiselle Alexandra Lessur, rédactrice, et Monsieur Ronan Le Goff, le rédacteur-en-chef du site Touteleurope.fr, pour leur disponibilité, leur aide permanente, la confiance qu’ils m’ont fait, leur patience de corriger toutes mes erreurs; Mes professeurs pour leur précieux enseignements ; Toute l’équipe du Centre d’information sur l’Europe pour leur générosité, leur ouverture d’esprit et leur gentillesse ; Mes collègues de cours, de stage et de travail, qui m’ont accompagné avec bienveillance tout au long de cette expérience ; Diane, mon amie, pour son intérêt envers mon travail, sa gentillesse et l important travail de relecture et correction qu’elle fait ; Ma famille et Dacian, mon compagnon, pour leur soutien moral et financier, leur amour et leur patience.
  • 3. SOMMAIRE INTRODUCTION............................................................................................................ 4 I. PROXIMITE POLITIQUE ET INTERACTIVITE MEDIATIQUE : QUELS RAPPORTS ?................................................................................................................... 7 1. La proximité institutionnelle et politique .........................................................................................................8 1.1. Le concept de la proximité en politique......................................................................................................8 1.2. Proximité et actualité européenne : état de lieux.........................................................................................9 2. La proximité communicationnelle...................................................................................................................19 2.1. Le concept et les usages dans la communication ......................................................................................19 2.2. La proximité journalistique et l’actualité : les choix rédactionnels...........................................................21 2.3. Internet et la mise en proximité : la technique et la politique ...................................................................24 II. PROXIMITE ET INTERACTIVITE : LES CLES D’UNE COMMUNICATION POLITIQUE ET PUBLIQUE DE SUCCES ? ................................................................. 28 1. Rapprocher l’Europe des Français par Internet: étude de cas ....................................................................29 1.1. Le Centre d’information sur l’Europe (CIE).............................................................................................29 1.2. Le site Touteleurope.fr et ses contenus .....................................................................................................33 2. Quel type de journalisme sur www.touteleurope.fr ?....................................................................................51 2.1. La revue de presse de Touteleurope.fr : un exemple de mise en place des propositions communicationnelles du dispositif..........................................................................................................................52 2.2. Réussir la rencontre avec le public français : opportunités et limites de l’Internet...................................63 CONCLUSION .............................................................................................................. 67 BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES DOCUMENTAIRES.......................................... 69 ANNEXES ..................................................................................................................... 73 TABLE DE MATIERES............................................................................................... 124
  • 4. Introduction Deux mythes de la société européenne du XXIe siècle ont été en permanence visés par notre démarche d’analyse : celui de l’Internet vu comme solution de communication magique pour la crise de représentativité des institutions politiques démocratiques et la devise, toujours en quête d’un sens concret, « rapprocher l’Europe de ses citoyens ». Bien évidemment, ce mémoire n’a ni le but de « désenchanter » cette société de l’information, ni l’ambition de « contribuer à la période de réflexion sur l’avenir de l’Europe ». Nous resterons dans les sphères neutres d’une analyse ponctuelle, à partir d’une étude de cas précis, fournis par l’expérience des quatre mois de stage : le « portail français de référence sur les questions européennes Touteleurope.fr ». Nous nous interrogeons principalement sur comment Internet, en tant que support de communication visant à créer la proximité dans le cadre d’une politique de communication spécifique, arrive à répondre aux exigences d’une communication nationale à vocation européenne. Nous commencerons par placer cet objet d’étude dans la situation de communication et d’énonciation caractéristiques, en raccordant le dispositif analysé à la situation politique, française et européenne, ainsi qu’à l’état actuel d’interrogation et de débat autour de l’idéal européen. Nous n’oublierons pas non plus les conditions engendrées par la révolution communicationnelle, elle-même provoquée par les nouvelles technologies et les nouveaux médias, tel que l’Internet. En considérant Internet non pas comme un canal de communication « hors médias »1 , mais comme un « média informatisé », selon l’acception du terme employé par Yves Jeanneret, nous avons formulé une hypothèse de départ : celle qu’Internet, malgré ses spécificités, n’est pas un média créateur de communication de proximité en soi. Nous cherchons donc à vérifier si ce ne sont pas plutôt les genres et les scénarios discursifs déployés à la suite des choix éditoriaux stratégiques, qui pré-construisent et encadrent la relation de proximité de façon à gérer la construction (sociale, politique, institutionnelle, communicationnelle) de la distance. Tout en s’appuyant, mais non pas exclusivement, sur la principale caractéristique de l’Internet : la symétrie de la relation émetteur – récepteur, construite à travers l’interactivité proposée par le support (des conditions techniques qui favorisent l’échange bidirectionnel d’information). 1 « Hors média » ou Below the line (marketing/ advertising) : tous les autres canaux et supports de communication qui ne sont pas des médias « traditionnels » (ces derniers sont ressemblés sous l’expression ATL – above the line).
  • 5. 5 Théoriquement et méthodologiquement, nous nous détachons des approches classiques de l’innovation technologique (centrées sur le moment de la conception des objets techniques) ou de la diffusion des innovations. Nous préférerons l’approche de l’appropriation, c'est-à-dire de la « mise en usage » de l’Internet dans la vie sociale. Cependant, en situant l’objet d’étude (le site) dans la situation de communication et d’énonciation qui le définissent au centre des échanges interdiscursifs spécifiques au web, notre analyse vise à décrypter seulement « le formatage du processus de communication par le média »1 informatisé dans le but de créer certains comportements chez les lecteurs - utilisateurs et non pas les comportements des usagers liés au dispositif ou au support en général. En se situant dans la direction de recherche ouverte par Emmanuel Souchier par la notion d’ « écrit d’écran » en tant qu’objet polysémique et en même temps matériel, dont le potentiel de signification est lié au support mais également à un espace communicationnel et discursif plus large, nous viserons donc uniquement les stratégies éditoriales et communicationnelles visant à créer la proximité, sans calculer leur impact sur les internautes. La première partie est centrée autour du concept de « proximité ». Tout d’abord, nous traitons de l’appropriation du concept par la politique, en tant que stratégie employée dans le but de rétablir le lien entre gouvernants/élus et gouvernées/citoyens, tant au niveau national qu’européen. En passant par ses rapports avec l’actualité et son rôle devenu stratégique dans la politique de communication, nous décrirons enfin les espoirs liés à l’Internet en tant qu’outil (communicationnel, politique) de mise en proximité. Pour entreprendre cette démarche plutôt exploratoire, de documentation, nous nous appuyons sur un corpus constitué en grande partie d’études et de documents publics d’institutions françaises et européennes. La deuxième partie est entièrement consacrée à l’étude de cas du site Touteleurope.fr. La posture adoptée est celle de l’observation participative à travers l’expérience de stage. Un premier chapitre, traite du point de vue institutionnel et interdiscursif de ce site web, et part d’une analyse de plusieurs supports de communication externe, de documents internes, d’entretiens avec les responsables et, enfin, du décryptage du site lui-même. Le second chapitre se penche sur l’analyse au niveau discursif de la revue de presse de Touteleurope.fr, en tant qu’expression synthétique des promesses communicationnelles du site comme dispositif. A la fin de cette 1 Emmanuel Souchier, Yves Jeanneret, Joelle Le Marec (dir.) - Lire. Ecrire. Réécrire. Objets, signes et pratiques des médias informatisés, BPI Centre Pompidou, Paris, 2003.
  • 6. 6 partie, nous tenterons de proposer des améliorations afin de mieux transposer ces promesses dans les choix éditoriaux et les contenus rédactionnels. En ce qui concerne la communication de l’Union européenne, nous partageons l’opinion d’Eric Dacheux qui considère que la communication n’est pas la solution à la crise démocratique de l’Union, et que seul un projet politique d’envergure engendrera une communication efficace. Nous signalons également les prévisions faites au début des années 2000, par Peter Dahlgren : « (…) les mass médias nationaux continueront à dominer les espaces publics des États membres, même pour le traitement des question concernant l'UE. Si nous nous tournons vers l'Internet, nous pouvons nous attendre à des événements significatifs, qui concerneront cependant, du moins pour la plupart d'entre eux, plutôt les élites. »1 Est-ce qu’Internet sera capable de créer le vrai « espace public européen » dont certains spécialistes déplorent l’absence ? Est-ce que la « sphère publique européenne » ou l’ « opinion publique européenne » verront le jour sans l’appropriation d’une culture civique et politique européenne reconnue en tant que telle au niveau national ? Les citoyens de l’Europe se transformeront-ils bientôt en « sitoyens de l’Europe », selon l’expression de Dominique Reynié2 , afin de participer à ce type de décision délocalisée engendrée par la politique européenne ? Ce sont des questions dont les réponses restent à découvrir et cet ouvrage n’a pour ambition que d’examiner un état de lieux afin de contribuer à ce débat. 1 Peter Dahlgren – « L’espace public et l’Internet », p. 181, dans Réseaux n°100 – CENT/Hermès Science Publications – 2000, pp. 159-186. 2 Professeur aux Sciences Po, Directeur de l’OIP. Voir son blog http://reynie.typepad.fr .
  • 7. 7 I. Proximité politique et interactivité médiatique : quels rapports ? « Police de proximité », « justice de proximité », « démocratie de proximité », « communication de proximité » : on pourrait affirmer qu’au XXI e siècle on agit localement ou on n’existe pas. Alors que la rhétorique de la proximité est ancienne, cette nouvelle quête de la proximité, au moins au niveau déclaratif, influence non seulement le discours politique (l’expression employée par l’ancien Premier ministre J.-P. Rafarin « la France d’en bas » versus « la France d’en haut » en est un bon exemple), mais également l’action des élus (locaux surtout, pour lesquels la proximité constitue une idéologie) et des gouvernants : elle devient à la fois une exigence et une preuve de la démocratie. Osons le dire : « le terme proximité fait l’objet d’un véritable fétichisme dans le champ politique »1 . Dans ce chapitre, nous allons montrer comment ce concept est défini par la politique et par la communication, ainsi que par les usages du terme dans les discours concernant la solution communicationnelle à la crise de l’Union européenne : une mise en proximité à l’aide des nouvelles technologies et de l’Internet. 1 C’est le constat des journées d’études La « proximité » dans le champ politique: usages, rhétoriques, pratiques, organisées les 18-19 septembre 2003 à l’Université Lille 2.
  • 8. 8 1. La proximité institutionnelle et politique 1.1. Le concept de la proximité en politique Selon Philippe Genestier, « la proximité constitue un cadre - registre de compréhension et de construction des problèmes et, par conséquent, un échelon - moyen de préfiguration des solutions pouvant être apportées »1 . L’auteur réalise ainsi un inventaire des significations du vocable « proximité » dans le discours politique: « être proche des gens », avoir « un esprit pratique » et une « capacité à concevoir et à appliquer de ‘mesures concrètes’ », « une volonté de s’adapter aux situations et aux publics visés » et de « privilégier une approche concrète, précise et nuancée ‘des réalités’ » « qui touchent les gens », c’est-à-dire une préférence pour « le terrain ». En fait, souligne-t-il, la proximité sert également d’argument de communauté (nous sommes une communauté car nous coexistons) et d’argument analogique (l’appartenance à un même territoire créateur d’une identité propre homogénéise les problèmes et, en conséquence, les solutions). Toutefois, malgré la plurivalence de la thématique de la proximité en tant qu’argument politique, les risques existent : l’électeur pourrait retenir d’un discours politique qui prône la proximité uniquement son implicite, c’est-à-dire le manque de proximité actuelle. Car, c’est parce qu’il y a un déficit de proximité qu’on en veut plus. Le risque à la suite d’un tel discours, c’est d’obtenir exactement le contraire de ce que l’on attend. Ce phénomène est celui de l’effet pervers : l’éloignement, à cause du rejet de cette « proximité forcée ». Le public cible y voit une politique comme les autres, qui vient s’imposer d’en haut vers le bas et qui n’est qu’artificiellement créée pour servir les élites et leur image. Bref, ce n’est que de la démagogie ! D’autre part, il existe également un danger de dérapage idéologique, car le discours qui cultive la spécificité du local peut aller de « l’identité du terroir », à travers le « particularisme », jusqu’à « l’exception culturelle nationale ». D’ici à la prolifération des propos nationalistes et racistes, il n’y a qu’un pas, que certains hommes politiques ont déjà franchi, profitant justement de la popularité (voir du populisme) de cette thématique de proximité. Comment donc reconstruire la distance sociale qui sépare les élites des masses, les élus de leurs électeurs, les gouvernants de leurs gouvernés, de manière à les rapprocher, à apporter des bénéfices aux deux parties, sans créer, dans le même temps, des discriminations ? Les médias qui véhiculent les discours des hommes politiques et se font l’écho de l’opinion publique, semblent 1 Philippe Genestier – « La thématique de la proximité. Composante d'une épistémè, expression d'une idéologie ou bien symptôme d'une certaine vision du monde? », p. 290, dans Christian Le Bart et Rémi Lefebvre (dir.), La proximité en politique. Usages, rhétoriques, pratiques, Presses Universitaires de Rennes, 2005, pp. 287-305.
  • 9. 9 être l’outil le plus utilisé. Réunions publiques, audiences, rencontres avec les élus, bains de foule, référendums, sont remis en question à une époque où l’intérêt pour la politique se manifeste très peu, y compris aux moments électoraux. Car, du point de vue de la communication politique, un contact direct réussi est un contact qui améliore l’image de l’homme politique et qui lui apporte des voix. Or, se laisser « défigurer » par un public critique ou sceptique, à une heure de grande audience sur un plateau de télévision ou sur une place publique, reste un exercice que peu d’hommes politiques osent accepter. Cependant, « rien ne va plus » si les représentants ne vont pas se confronter aux problèmes directement sur le terrain et s’ils n’apportent pas des réponses « hic et nunc » aux préoccupations des représentés. Une solution « de crise » trouvée par les communicants a été d’interposer entre les deux participants un canal de communication accessible, plus flexible du point de vue du contenu, assez ouvert pour faciliter l’échange réciproque et spontané d’information, donc une communication efficace : Internet. Alors que des dérapages télévisuels vont dans la direction d’une dépolitisation de l’information politique, commandée par l’impératif de l’audience, des « talk-shows » de moins en moins diffusés en direct et qui miment une certaine interactivité avec le public à travers les SMS, envahissent le petit écran. Une autre pratique incontournable, étant la présence des hommes politiques dans des émissions de pur divertissement, voire de télé-réalité. Il semble que nous soyons arrivés à une époque où l’on assiste à « la fin de la télévision » (J.-L. Missika) et au passage des mass media aux self media. Internet regagne le terrain perdu par les autres médias en terme d’audience, mais aussi en termes de facilité d’accès (le phénomène de « la fracture numérique » deviendra bientôt caduc, en se déplaçant du niveau technique au niveau de l’utilisation) et de capacité de répondre de façon personnalisée aux besoins de communication et d’information du public (voir l’offre VOD1 sur Internet, opposée à la télévision programmée traditionnelle). Un public qui ne cherche plus à partager, mais plutôt à apprivoiser pour son propre bien-être. Un public atomisé transformé en un électorat dispersé et hétérogène, et qui ne peut plus être mis facilement « ensemble ». En effet, si se placer « en réseau » parait ainsi être une solution facile et faisable, selon Missika, « le risque de la désintégration de l’espace public »2 à travers cette « démédiation » est toujours là. 1.2. Proximité et actualité européenne : état de lieux Le leitmotiv du discours de la Commission Prodi au début des années 2000, cet objectif de « rapprocher l’Europe des citoyens », est revenu sur le devant de la scène avec la nouvelle 1 Video On Demand 2 Jean-Louis Missika, La fin de la télévision, Seuil, 2006, p. 105
  • 10. 10 politique de communication de la Commission Barroso. Tandis que, selon P. Dahlgren, « La consommation des médias par les citoyens demeure très dépendante du cadre national et les efforts réalisés au cours de ces dernières années pour produire des espaces médiatiques ‘pan- européens’ via la radiodiffusion n’ont pas rencontré beaucoup de succès. »1 , la construction d’un espace public européen s’avère difficile et reste même une utopie de l’Union européenne. Eric Dacheux va plus loin et affirme2 que cet objectif de créer la proximité reste intangible (alors qu’il n’y a aucun projet derrière) et absurde (car les citoyens sont l’Europe). Il pointe également du doigt3 l’absence d’un espace public européen et le manque d’utopie comme étant responsables de la crise de légitimité de l’Union européenne. Un an après le référendum français sur la Constitution européenne, l’animateur de l’équipe « Espace public européen » du laboratoire « Communication et Politique » du CNRS va même jusqu’à dénoncer la crise des démocraties européennes1 : « Il est temps de penser l’Europe en se détachant des analyses dépassées de la démocratie française. En réalité, ce sont toutes les démocraties européennes qui patinent. ». Où en est-on de l’émergence d’un tel espace public « pan-européen » ? Quels ont réellement été les essais politiques au niveau européen et les efforts nationaux effectués dans ce sens ? Nous allons présenter dans ce sous-chapitre quelques-unes de ces démarches, mais nous nous garderons de les évaluer ou de juger leur impact. 1.2.1. Un impératif de la nouvelle stratégie de communication de la Commission européenne La préoccupation de l’UE pour une meilleure communication n’est pas récente : après le « choc » de la difficile adoption du traité de Maastricht, en 1992, la volonté de rendre l’activité de ses institutions plus transparente et de se rapprocher du grand public, est exprimée par la Déclaration interinstitutionnelle sur la démocratie, la transparence et la subsidiarité, d’octobre 1993, suivie par le Livre blanc de Jaques Delors, Croissance, compétitivité, emploi – Les défis et les pistes pour entrer dans le 21e siècle. Ce dernier document met l’accent sur l’importance et l’urgence du développement d’une infrastructure paneuropéenne d’information afin de ressusciter la croissance économique et la compétitivité, et de dynamiser le marché de travail. 1 Peter Dahlgren – « L’espace public et l’Internet », p. 180, dans Réseaux n°100, CENT/Hermès Science Publications, 2000, pp. 159-186. Voir aussi l’article de Jerome Bourdon sur « les expériences ratées » concernant la mise en place d’une télévision européenne, « Une communauté inimaginable : l’Europe et ses politiques de l’image », dans Mots, les langages du politique n° 67, décembre 2001 – La politique à l’écran : l’échec ? , pp. 150- 167. 2 Voir les articles publiés sur le site www.europlusnet.info: Europe, la mal communicante – entretien par Stephen Bunard et Rapprocher l’Europe des citoyens, une absurdité ?, par Eric Dacheux (15/12/2004). 3 Eric Dacheux (dir.) – L’Europe qui se construit. Réflexion sur l’espace public européen, Publications de l’ Université de Saint Etienne, Saint Etienne, 2003.
  • 11. 11 Alors que les critiques dénonçaient un « déficit de représentativité » et le faible niveau de confiance accordé par les citoyens aux institutions européennes, ces mêmes institutions commencent à parler de la nécessité de « combler le fossé » et de « rapprocher l’Europe de ses citoyens ». Un besoin qui s’est avéré majeur lors du processus de ratification du Traité constitutionnel. Et, tandis que les dirigeants européens s’efforcent depuis longtemps d’y répondre, les stratégies qu’ils ont proposé ou employé n’ont pas rencontré beaucoup de succès : les Eurobaromètres montrent, au cours des années, un déclin de la confiance envers les institutions communautaires, jusqu’à juger l’UE, en proportion de 43%, comme « inefficace », en 20062 . Cette dernière enquête montre également que le degré d’intérêt pour les questions européennes est devenu assez faible et met au jour l’effet du « désenchantement » face à la politique en général et la « connaissance médiocre et floue des domaines d’action de l’Union »3 : « Si 63% des répondants au sein de l’Union européenne se disent intéressés par la politique dans leur pays, ils ne sont qu’une minorité à partager cet avis en ce qui concerne la politique européenne (47%). Notons ici, que 30% des personnes qui montrent un intérêt pour les affaires nationales se désintéressent des questions européennes »4 - souligne le rapport de cette enquête. C’est en avril 2000 que l’UE décrit sa politique de gestion de l’Internet et deux ans plus tard, en 2002, qu’une communication de la Commission européenne, approuvée ensuite par le Conseil et par le Parlement européen, définit la stratégie d’information et de communication de l’Union et lance le défi eEurope 2005 : une société d’information pour tous. En 2003 un nouvel outil de communication sur Internet, multilingue, le portail Europa (www.europa.eu.int ) est lancé dans sa formule actuelle, afin de répondre aux exigences de transparence et d’accessibilité de l’information. En août 2004, à la suite des élections pour le Parlement européen qui ont été très visiblement marquées par la faible participation et le manque d’intérêt croissant des citoyens pour les affaires européennes, un nouveau poste de Vice-président chargée des Relations institutionnelles et des Communications est créé par la Commission Barroso. Une création qui rend compte de l’importance accordée à ce domaine. Margot Wallström est nommée à ce poste et commence la préparation d’un nouveau plan d’action. 1 Eric Dacheux, « Les Européens dans un mortel pas de deux », Le Monde, 25 mai 2006. 2 Eurobaromètre Spécial 251 / Vague 65.1 – TNS Opinion & Social, « Le Futur de l’Europe », terrain février - mars 2006, rapport mai 2006. http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65:eb65_fr.htm , visité le 15.08.2006. 3 Rapport Etude qualitative – Optem, Eurobaromètre Spécial 251, p. 10, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65:eb65_fr.htm , visité le 15.08.2006. 4 Eurobaromètre Spécial 251 / Vague 65.1 – TNS Opinion & Social, « Le Futur de l’Europe », terrain février - mars 2006, rapport mai 2006, p. 13, http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb65:eb65_fr.htm, visité le 15.08.2006
  • 12. 12 En juin 2005, à la suite des « non » français et néerlandais à la Constitution européenne, le Conseil européen a appelé à une « période de réflexion » sur l’avenir de l’Europe. La nécessité d’une nouvelle stratégie de communication s’est ainsi imposée. Son rôle serait celui de « renouer le dialogue avec les citoyens ». Elle s’appuie sur trois principes 1 : - être à l’écoute des citoyens et tenir compte de leurs opinions et préoccupations ; - expliquer quels sont les effets des politiques de l’UE sur la vie quotidienne de ses citoyens et quelle est leur valeur ajoutée ; - créer la proximité, c’est-à-dire adapter les messages au public de chaque État membre (médias préférés, la langue du pays). Depuis, cette stratégie de communication et information a été complétée et actualisée, successivement par plusieurs documents - cadre: - Le Plan d’action relatif à l’amélioration de la communication sur l’Europe, publié le 20 juillet 2005, qui comprend 50 actions programmées sur plusieurs années; - Le Plan D – comme Démocratie, Dialogue et Débat, lancé le 13 octobre 2005 et qui représente la contribution de la Commission européenne à la période de réflexion sur l’avenir de l’Europe. Conçu pour participer à l’émergence d’une « sphère publique européenne », il établit un cadre structuré pour de grands débats nationaux et présente 13 initiatives pour renforcer le dialogue, déterminer les principaux acteurs, définir les thèmes de réflexion, ainsi que les délais pour organiser des débats dans les 25 États membres. Ses objectifs officiellement déclarés ont été les suivants : rétablir la confiance du public via la promotion d’une communication plus claire sur les activités de l’UE et l’engagement de la responsabilité des États membres concernant la prise de décision et la mise en œuvre des politiques européennes ; associer au débat « tant les citoyens, la société civile, les partenaires sociaux, les parlements nationaux, que les partis politiques » pour s’exprimer à travers les médias, en particulier la télévision et Internet ; écouter les citoyens et leur accorder l’occasion de s’exprimer et, enfin, construire un consensus sur le projet européen. - Le livre blanc sur la nouvelle politique de communication de l’UE, qui a ouvert, en février 2006, une période de consultation de 6 mois (sur Internet, un site multilingue2 lui étant spécialement consacré) concernant cette politique et la nécessité d’une charte/code de conduite européen en communication. Plus d’un million de citoyens européens s’y sont déjà 1 Source : RAPID– communiqué de presse de la Commission européenne au lancement du Plan d’action relatif à l’amélioration de la communication sur l’Europe, 20/07/2005 2 http://europa.eu.int/comm/communication_white_paper/index_fr.htm
  • 13. 13 exprimés, selon les chiffres avancés mi-juillet par la DG Communication1 . La Commission européenne propose d’agir conjointement dans cinq domaines : la définition de principes communs concernant la communication (l’élaboration d’une Charte), l’implication des citoyens, la collaboration avec les médias au niveau national, régional et local et l’utilisation des nouvelles technologies (« combler la fracture numérique »), la compréhension de « l’opinion publique européenne »2 (l’analyser) et, enfin, l’action en commun (renforcer la coopération entre les niveaux national et européen). La mise en œuvre de cette stratégie est illustrée par la manière dont les institutions européennes, les États membres et la société civile se mobilisent, depuis juin 2005, pour organiser des débats nationaux afin de raccorder les priorités de l’UE aux exigences de ses citoyens. Quelques jours avant le début du Conseil européen de juin 2006, dans son discours tenu devant les eurodéputés réunis à Strasbourg, Margot Wallström, la Vice-présidente de la Commission européenne chargée des Relations institutionnelles et des Communications, souligne que, lors de la période de réflexion et à travers les débats nationaux qui se sont déroulés dans le cadre du Plan D, trois « leçons importantes » se sont révélées à la Commission européenne. Les citoyens se sont montrés particulièrement préoccupés par la protection sociale et par la nécessité et les enjeux de l’élargissement de l’UE. Ils attendraient également de voir les résultats des politiques européennes. La Commission qui vient de mener ce grand exercice d’écoute que représente le Plan D, dont les conclusions devraient nourrir la réflexion des décideurs politiques européens, déclare souhaiter répondre aux attentes et aux préoccupations des citoyens. Les conclusions de la présidence du Conseil européen des 15 et 16 juin 20063 présentent une première évaluation de cette période de réflexion : « Malgré les inquiétudes et les préoccupations exprimées lors de tous les débats publics, les citoyens demeurent attachés au projet européen. Un dialogue renforcé avec ces derniers requiert des moyens et un engagement adéquats. Les citoyens attendent de l’Union qu’elle démontre sa valeur ajoutée en prenant des mesures pour relever les défis et saisir les occasions qui se présentent : garantir la paix, la prospérité et la solidarité, renforcer la sécurité, favoriser le développement durable et promouvoir les valeurs européennes dans un environnement qui se mondialise rapidement ». C’est pourquoi le Sommet européen de juin 2006 a lancé un nouveau défi pour 2008 : une Europe des projets et des résultats. Le sujet du traité 1 Voir le communiqué de presse du service de presse de la Commission européenne, RAPID, réf. IP/06/989, du 13 juillet 2006. Cependant, au moment de la rédaction de ce texte voir un mois après la fin officielle de la consultation sur ce Livre blanc, les résultats de cette expression en ligne ne sont toujours pas publiés. 2 Voir les recherches Dominique Reynié sur l’existence, ou non, d’une opinion publique européenne. 3 Conclusions de la Présidence - 15/16 juin 2006, 10633/06, Bruxelles, le 16 juin 2006, p. 2, www.eu2006.at/fr/News/Council_Conclusions/1606EuropeanCouncil.pdf , visité le 13.09.2006
  • 14. 14 constitutionnel, autour duquel se sont agrégés tous les commentaires concernant la crise européenne, mais aussi l’intérêt de la presse1 , a été repoussé après les élections françaises et britanniques, et la période de réflexion a été prolongée. 1.2.2. Une exigence des Français à l’égard de l’information européenne Selon l’Eurobaromètre Flash « Quelle Europe ? La construction européenne vue par les Français », 50% des Français n’accordent pas leur confiance à l’UE et 82% considèrent la construction européenne trop éloignée de leurs préoccupations. Cette enquête réalisée en France début 20062 à la demande de la Représentation de la Commission européenne à Paris, souligne également les besoins d’information des citoyens français sur les questions européennes: 87% des personnes interrogées attendent que les hommes politiques leur parlent davantage de l’Union européenne et 57% pensent que les élus locaux et régionaux devraient être les premiers à animer des discussions publiques sur l’Europe. Les médias passent en deuxième, après les hommes politiques, quand il s’agit des sources préférées d’information européenne (80%), mais les débats télévisés restent le moyen d’information privilégié par la moitié des Français. La surprise de ce sondage est, évidement, ce besoin d’information de proximité, personnalisée et directe. C’est d’ailleurs ce qui ressort en premier : les Français souhaitent que leur député-maire ou leur préfet, les représentants du Conseil régional, leur parlent de l’Europe et des effets de ses politiques sur leur région ou localité, c’est-à-dire sur leur vie quotidienne. Penser globalement même au niveau local, et penser au local quand on agit globalement, serait le défi de cette communication attendue. a. Les initiatives prises au niveau institutionnel et politique L’engagement des États membres et leur responsabilisation sont souvent cités parmi les solutions à la crise européenne. Alors que Bruxelles ne devrait plus servir de « bouc émissaire » pour les crises politiques, sociales ou économiques nationales, un renouvellement de l’engagement3 des 1 Voir l’article d’Euractiv, Sommet européen : le prolongement de la période de réflexion fait les gros titres (http://www.euractiv.com/fr/avenir-europe/sommet-européen-prolongement-reflexion-gros-titres/article-156194) qui souligne que « le Sommet a suscité peu d'intérêt au sein de la presse » et « la plupart des commentateurs se sont concentrés sur l'avenir incertain de la constitution ». 2 Flash Eurobaromètre 178 / TNS Sofres c/o EOS Gallup Europe, terrain 16-23 janvier 1006, rapport 15 mars 2006 - http://europa.eu.int/comm/public_opinion/index_fr.htm 3 Voir la proposition de la Commission européenne, du juin 2006, d’un renouvellement de l’engagement des États membres, par une déclaration commune, à l’occasion de la 50ème anniversaire de la signature du Traité de Rome, le 25 mars 2007, l'UE célèbrera.
  • 15. 15 États membres pour le projet européen est exigé afin de pouvoir suivre des objectifs communs et mener une politique commune. État fondateur, la France a également imposé son point de vue à l’occasion du référendum sur la Constitution européenne, le 29 mai 2005. Malgré son résultat, il a montré qu’un tel débat sur un sujet de politique européenne peut avoir un important impact et obtenir une grande audience auprès des Français. Après cet événement, qui a eu des résultats tangibles sur la politique de l’UE (le Conseil européen de juin 2005 ouvre « la période de réflexion » sur l’avenir de l’Europe, qui est prolongée en juin 2006 jusqu’à la fin du mandat de la Commission Barosso), loin d’abandonner sa responsabilité dans la gestion des politiques européennes, la France choisit d’agir afin de renforcer sa position au sein de la communauté européenne par une contribution importante à la « période de réflexion » et à la stratégie pour sortir de la crise institutionnelle européenne. Le gouvernement français encourage ainsi l’amélioration de l’information sur l’Europe, les consultations et les débats au niveau local, régional, national. Plusieurs outils ont été mis en place, comme, par exemple : - Les comités interministériels sur l’Europe1 . Présidés par le Premier ministre, ces réunions sont organisées chaque mois et permettent de définir au plus haut niveau de l’Etat les positions françaises sur les enjeux européens. - « Mieux informer les Français sur l’Europe et mieux les associer aux processus de décision européens »- tel est le programme auquel le gouvernement travaille, à la demande du Président de la République en août 2005. Dans ce cadre, le gouvernement a pris toute une série d’initiatives concernant différents publics - cibles: les parlementaires, les collectivités locales, les partenaires sociaux, la société civile. La mise en place d’un nouveau site Internet, www.touteleurope.fr, ainsi que l’idée de faire de la Journée de l’Europe (9 mai) une véritable fête et une occasion de débat, participent officiellement de cette volonté de mieux associer les Français aux questions européennes2 . Un an après le référendum qui a divisé la France et l’Europe, la ministre déléguée aux Affaires étrangères, Catherine Colonna, dresse un bilan de l’action du gouvernement français en la matière, dans un document intitulé « La France et l’Europe, relever les défis du présent et 1 http://www.premier-ministre.gouv.fr/thematique/europe_m100/ 2 Mieux informer les Français sur l’Europe et mieux les associer aux processus d décision européens, le 15.12.2005, http://www.europe.gouv.fr/actualites_1/dossiers_3/action_gouvernementale_39/les_français_347.html
  • 16. 16 préparer l’avenir »1 . Elle montre tout d’abord que le gouvernement a fondé dernièrement sa politique européenne autour de trois priorités essentielles: - « appliquer une nouvelle méthode de travail pour gagner en efficacité et mieux associer les Français à la construction européenne »; - « relever les défis du présent pour faire avancer la vision française de l’Europe et mettre en place des projets et des politiques efficaces au service des citoyens »; - « préparer l’avenir en proposant d’avancer sur les deux sujets majeurs que sont les institutions et l’élargissement ». Parmi les actions à destination du grand public menées pour « mieux dialoguer et mieux informer la société civile » se trouve le lancement du site Touteleurope.fr2 : « Un nouveau site Internet interactif www.touteleurope.fr a été ouvert le 2 mai 2006. Réalisé par le Centre d’information sur l’Europe (« Sources d’Europe »), organisme cofinancé par le ministère délégué aux Affaires européennes et la Commission, ce nouveau site présente une information pédagogique et claire sur l’Europe, son histoire, son fonctionnement, les politiques qu’elle conduit, et offre aux Françaises et aux Français le moyen de s’exprimer sur les grands enjeux européens et donc de prendre ainsi la parole. Une première ‘expression en ligne’ a été lancée par la ministre déléguée le 9 mai à l’occasion de la Journée de l’Europe. Elle concernait les attentes des Français à l’égard de l’Europe. Chacun est invité à y participer ». b. Des initiatives de la part de la société civile L’expression libre d’une diversité d’opinions et de points de vue reste la caractéristique la plus importante d’une démocratie3 , ce qui, au niveau transnational, européen, n’est pas assez visible. Préoccupés par la construction politique et institutionnelle de l’UE, les dirigeants européens n’ont pas considéré, ou, plus vraisemblablement, n’ont pas pensé, que donner la parole aux représentants de la société civile était important. Mais les séismes référendaires de 2005 ont mis en avant la nécessité d’écouter plus attentivement ces voix. Cependant, les signaux d’alarme concernant « le déficit de communication » dont souffre l’UE n’ont pas manqué. En octobre 2004, trois acteurs de la société civile, bien connus au niveau 1 La France et l’Europe, relever les défis du présent et préparer l’avenir , juin 2006, http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/europe_828/france-europe-relever-les-defis-du-present-preparer-avenir_37671.html 2 idem 1. 3 Prenons aujourd'hui l'exemple de la République communiste de Chine, qui, ayant un système économique de plus en plus libre et une économie de marché, n'est pas pour autant considérée comme un démocratie à cause des multiples attentats au droits de l'homme et au droit de libre expression surtout – voir le cas Yahoo!
  • 17. 17 européen, Les Amis de l’Europe, Euractiv et Gallup Europe ont publié conjointement un rapport intitulé « Can EU Hear Me? »1 qui signale que l’UE est perçue en étant « distante et peu aimable ». A cette occasion, ils proposent à la nouvelle commissaire chargée de Communication, Margot Wallstrom, « 30 idées pratiques » pour sortir de cette crise. Parmi ces idées, citons : des visites de la part des commissaires dans tous les États membres pour recueillir des opinions des citoyens, rencontrer les représentants des médias nationaux et les dirigeants politiques, la diffusion d’un message simple, d’idées clés sur l’UE, tout en soulignant les avantages liés à l’appartenance à cette Union. Côté logistique, ils recommandent la réduction des obstacles administratifs à la communication et l’utilisation d’une approche décentralisée en rendant les gouvernements nationaux plus responsables, et en encourageant les médias nationaux à couvrir l’actualité de l’UE. Entre novembre 2005 et mars 2006, la Représentation de la Commission européenne en France a organisé les travaux du Cercle de réflexion « Communication sur l’Europe ». Sa mission a consisté à « identifier et définir les actions à mettre en oeuvre au niveau local pour rapprocher l’Europe du citoyen, en favorisant des échanges réguliers, via l’ensemble des relais intéressés à la construction européenne »2 . Ce cercle informel, a réuni régulièrement plus de 200 personnalités françaises fortement engagées dans la construction européenne, et provenant de tous les milieux (enseignement, média - communication, culture, entreprise, université, associations, syndicats, responsables politiques - anciens commissaires européens, anciens ministres délégués aux Affaires européennes ou élus européens, nationaux, régionaux et locaux), autour des 5 thèmes de réflexion: « Les Jeunes et l’Europe », « Le Monde de l’Enseignement et l’Europe », « Le Monde du Travail », « Le processus décisionnel en Europe » et « Le rôle des Hommes de l’art ». Des comptes rendus de ces réunions sont rendus publics et une consultation est ouverte aux internautes sur le site de la Représentation. Le 28 avril 2006, la Représentation de la Commission européenne en France a présenté le Rapport3 de synthèse du Cercle de réflexion sur la communication européenne intitulé A l’écoute des français, lequel fait, tout d’abord, plusieurs constats : la méconnaissance des questions européennes due à la communication insuffisante avec la société civile et à une faible implication des journalistes et des responsables politiques ; une perception de l’UE comme éloignée, qui s’explique partiellement par le désenchantement vis-à-vis de la politique en général ; des attentes 1 Les Professionnels des affaires européennes soumettent leurs recommandations à Margot Wallstrom, Euractiv, publié le 22 octobre 2004, mis à jour le 21 décembre 2005, http://www.euractiv.com/fr/agenda2004/professionnels- affaires-européennes-soumettent-recommandations-margot-walstrom/article-131369 , visité le 15.08.2006. 2 http://ec.europa.eu/france/listen/comm/index_fr.htm 3 http://ec.europa.eu/france/pdf/cercle_synth_finale_fr.pdf
  • 18. 18 qui visent une « Europe du concret » et le souhait de participer au débat autour de ce sujet. Les propositions pour l’amélioration de ces déficits se référent notamment à : - la professionnalisation accrue de la communication (notamment un ciblage plus fin) et la simplification des messages; - une communication de proximité par la décentralisation plus poussée à tous les niveaux (national, régional, local), en utilisant les relais Europe Direct et les collectivités territoriales comme partenaires privilégiés; - le renforcement de la participation de la société civile. Le chapitre sur la communication de proximité décrit tout d’abord le manque de symboles, par exemple des lieux de rencontre sur l’Europe en France. Le rapport déplore la fermeture au public du Centre d’information sur l’Europe – Source d’Europe, vu comme l’endroit le plus approprié pour s’informer ou pour parler des questions européennes : « Depuis le départ de Sources d’Europe de La Défense, certains regrettent l’absence de lieu clairement identifié symbolisant l’Europe et où il soit, par exemple, possible d’amener une classe ». La visibilité, mentionne le rapport, peut également passer par les sites qui ont bénéficié de financements communautaires (panneaux d’information, drapeau européen) ou par des « lieux de vie » (CIDJ, CIO etc.). Les dates sont également importantes, comme la fête de l’Europe, le 9 mai. Le Cercle propose même qu’elle devienne un jour férié. Selon le rapport, la proximité peut être invoquée également, par la diffusion des messages ciblés et crédibles (l’utilisation des témoignages) et par l’utilisation de supports d’information plus accessibles (la carte interactive des projets européens en France, mise en ligne par le Centre d’information sur l’Europe est donnée comme un exemple allant dans ce sens). Mais, pour connaître l’état de l’opinion sur l’Europe à un moment donné, les enquêtes d’opinion (sondages enrichis par des études qualitatives), notamment les Eurobaromètres, constituent une importante base de données comparables dans le temps (certains questions se répètent régulièrement depuis de nombreuses années) et dans l’espace (en général les indicateurs sont similaires dans tous les États membres). Ils ont d’ailleurs signalé, et cela bien avant l’épisode référendaire, la méconnaissance et le faible intérêt des citoyens vis-à-vis des questions européennes. Sans réaliser ici la synthèse de toutes ces données, après avoir exemplifier, ci- dessus, par l’Eurobaromètre Flash « Quelle Europe ? La construction européenne vue par les Français », réalisé début 2006, nous voulons seulement présenter quelques chiffres du dernier Eurobaromètre standard, daté printemps 2006, révélateurs pour notre sujet et pour la situation
  • 19. 19 française. Le chapitre « L’opinion publique dans l’Union européenne » de ce rapport confirme1 la faible connaissance qu’ont les Français du fonctionnement de l’Union européenne (23% croient que l’UE est actuellement composée de 15 membres, et, moins d’un Français sur deux, sait que les parlementaires européens sont élus au suffrage universel). Leur souhait est d’être mieux informés, notamment par la télévision (70%), les journaux quotidiens (37%) et la radio (32%). Internet arrive à la quatrième place (31% - une hausse de 4 points par rapport à l’enquête précédente), mais en 2e position chez les moins de 40 ans, alors que parmi les étudiants l’information en ligne (60%) fait concurrence à la télévision. D’autres sondages ont tracé un profil des Français par rapport à la connaissance des questions européennes et leur investissement vis-à-vis de l’Europe. L’enquête TNS Sofres pour l’EPIQ « Les Français et l’Europe. Les enjeux du quotidien – vague 2 »2 , rendue publique un an après le referendum français sur la Constitution européenne, le 29 mai 2006, décrit une relation directe entre le niveau d’information et les sentiments vis-à-vis de l’Europe. Tandis que les 52% qui se sentent mal informés sur le sujet sont en général les moins investis, c’est-à-dire les plus sceptiques ou les plus opposés à la construction européenne, et ceux qui ont voté « non » au référendum, les 47% qui se déclarent bien informés (remarquons que seulement 3% se disent très bien informés) sont également les plus investis, enthousiastes et/ou favorables à la construction européenne. C’est-à-dire ceux qui ont voté « oui » au référendum3 . La conclusion serait donc que plus on est mal informé, plus on est sceptique ou hostile à l’idée d’une Union européenne. 2. La proximité communicationnelle 2.1. Le concept et les usages dans la communication On comprend en général par « communication de proximité », celle qui s’opère au plus près de son public de destination. Il s’agit d’une communication décentralisée, appelée aussi communication « de terrain » ou « locale ». Elle privilégie la mise en relation directe des interlocuteurs, sans médiation extérieure. Cependant, on parle également de « médias de proximité » pour désigner un journal de mairie ou un poste de radio local, les seuls qui auront « la capacité à appréhender les attentes et les besoins en information de proximité et de 1 Eurobaromètre standard 65/ Printemps 2006 – TNS Opinion & Social, pp. 29 – « L'opinion publique dans l'Union européenne » – Rapport national France - http://ec.europa.eu/france/pdf/eb65f-final_fr.pdf . 2 http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/290506_europe.htm 3 En terme de régions françaises, il s'agit surtout des habitants d'Auvergne, Midi-Pyrénées, PACA et Corse qui se sont déclarés mal informés, tandis que les citoyens d'Alsace et de Bretagne e sentent le mieux informés.
  • 20. 20 service »1 . Le type de relation qui se construit est la même, sauf que cela se produit à une autre échelle. On rend compte d’une connaissance directe du milieu de vie du public, on parle aux gens de leurs préoccupations et de leurs rêves, dans un langage familier, on répond à leurs questions, on leur rend service en proposant des solutions ou des astuces personnalisées, on leur donne des exemples qu’ils puissent repérer facilement et on leur offre la possibilité de réagir à ce qui se passe à côté de chez eux. Consacrée dernièrement en tant que « clé » d’une communication réussie, qu’il s’agisse du domaine individuel, politique, social, culturel, ou médiatique, la communication de proximité devient à la fois, quand elle fait défaut ou quand elle est jugée comme insuffisante ou maladroite, le bouc émissaire de tout échec de management ou de marketing : on a perdu les élections, car on n’a pas pris assez de bains de foules, notre journal ne se vend pas car il traite d’une actualité trop éloignée de citoyen, la politique qu’on a implémentée n’obtient pas de résultats positifs parce que nous n’avons pas assez demandé l’avis des citoyens avant, mes étudiants ne me respectent pas car je ne leur donne pas la parole, l’image de la marque s’est détériorée car notre produit ne répond plus aux besoins exprimés par les gens. La caractéristique de ce type de communication est d’instaurer une relation basée sur l’écoute, la confiance mutuelle et le partage des mêmes valeurs (faire partie d’une même communauté : territoriale, de destin, culturelle, de valeurs, d’idées, etc.). Elle propose ainsi un contrat de communication2 où les participants ont des statuts égaux et réagissent en permanence (et, si possible, spontanément) à ce que l’autre lui transmet. De ce point de vue, la communication de proximité est beaucoup plus proche d’une simple conversation que de la communication de masse. En s’inspirant de l’Ecole de Palo Alto, Daniel Bougnoux 3 opère une distinction importante entre la communication (la relation) et l’information (le contenu) en soulignant la primauté de la communication avant tout échange d’information. Cependant, selon Charles de Laubier, « Avec le web, la frontière entre information et communication devient virtuelle. L’information est à la démocratie ce que la communication est à l’économie »4 . Car Internet crée une situation de communication spéciale : nous parlons à quelqu’un qui habite parfois à des milliers de kilomètres de distance, « comme si » il était à côté de nous. L’abolition de l’espace dans une communication avec double sens, interactive, est l’une des principales caractéristiques de la Toile. Cependant, la proximité ainsi construite est exclusivement virtuelle. 1 Philippe Robinet, Serge Guerin – La presse quotidienne, Dominus/Flammarion, 1999, p. 64. 2 Selon le terme employé par P. Charaudeau dans l’analyse du discours. 3 Daniel Bougnoux – La communication contre l'information, Hachette, 1997 4 Charles De Laubier, La presse sur Internet, Que sais-je n° 3582, PUF, 2000, p. 23.
  • 21. 21 2.2. La proximité journalistique et l’actualité : les choix rédactionnels Il est évident que l’une des principales règles sur laquelle les rédactions s’appuient pour sélectionner un sujet, surtout lorsqu’il s’agit de la première page ou d’un média local/régional, c’est la proximité1 . Les manuels de journalisme avertissent les apprentis de l’importance et des multiples composantes de cette exigence journalistique : l’actualité, les « grands instincts », la géographie, les groupes d’appartenance socio-culturelle et socio-professionnelle et la vie quotidienne2 . Ce que les journalistes appellent « lois de proximité », sont en fait des critères d’évaluation de l’importance et de l’intérêt que les sujets pourraient avoir auprès les lecteurs : un reportage doit créer à la fois ou au moins une proximité chronologique, géographique, psychoaffective ou humaine, culturelle, sociologique ou politique, existentielle, pratique ou spécifique, en fonction des caractéristiques de ce même public3 . On se sent donc concernés surtout par les événements qui se produisent près de chez nous, au présent ou prochainement, qui touchent les gens. C’est pourquoi, par exemple, le média régional met l’accent sur l’événement qui se passe dans le voisinage, sur le fait divers, et, pour plus de crédibilité, souhaite amener son lecteur à se positionner comme participant ou témoin de ce qui vient de se passer. Néanmoins, G. Lochard et H. Boyer ont remarqué que la proximité spatiale, un principe de sélection évident pour la presse locale et régionale, « est également présent dans la presse d’information générale écrite et audiovisuelle, qui a tendance de plus en plus à privilégier les faits ayant pour cadre le territoire national » 4 . Les événements qui se passent à l’étranger tendent à être traités de plus en plus, soit dans des pages/rubriques/émissions particulières, régulières ou occasionnelles, soit par des médias spécialisés en actualité internationale (Courrier International, Le Monde diplomatique, Euronews, BBC). Surnommée (cyniquement) « la loi du mort – kilomètre » la loi de proximité géographique est ainsi définie par J.-L. Martin–Lagardette dans son ouvrage Le guide de l’écriture journalistique : « Un mort dans votre domicile, même s’il vous est indifférent, a infiniment plus d’impact que deux morts dans votre rue, trois morts dans la commune avoisinante, cinq dans la capitale, dix dans un pays voisin, cinquante à l’autre bout du 1 Voir José Broucker, Manuel. Pratique de l’information et écritures journalistiques, Les Editions du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ), Paris, 1995 notamment le chapitre « Se risquer de choisir », pp.49-70 et Jean-Luc Martin-Lagardette, Le guide de l’écriture journalistique, La Découverte, 2003 (5ème édition mise à jour et enrichie), pp. 31-38. 2 Yves Agnès, Manuel de journalisme. Ecrire pour le journal, Editions de la Découverte & Seyros, 2002, pp. 36-39 3 José de Broucker, op.cit., p. 60 ; Claude Furet – Le titre. Pour donner envie de lire, Les Guides du CFPJ, Editions du Centre de formation et de perfectionnement des journalistes (CFPJ), 1995,p. 39-44. 4 Guy Lochard, Henri Boyer - La communication médiatique, Seuil, 1998, p. 30
  • 22. 22 monde »1 . Bien évidement, il s’agit à la fois d’une proximité affective, si « le mort » est quelqu’un qui nous est proche. Mais il y a aussi des astuces que les journalistes peuvent utiliser pour « réduire les distances », s’ils tiennent à signaler des faits intéressants ou importants qui se sont passés ailleurs ou il y a longtemps. José Broucker dans son manuel de Pratique de l’information et écritures journalistiques énonce quelques unes2 : - pour réduire la distance géographique en relatant un événement, on peut « mettre en évidence les conséquences possibles pour les gens d’ici, de l’événement qui s’est produit là-bas »; « mettre en relief la participation de gens d’ici à ce qui s’est passé là-bas »; « faire expliquer ou commenter l’événement lointain par une personnalité d’ici »; rapprocher, par comparaison ou analogie, l’événement qui s’est produit ailleurs, d’événements ou situations vécus ici. - pour créer la proximité chronologique, surtout dans les titres et les accroches, il faut valoriser les conséquences pour le futur et utiliser le plan chronologique inverse (en remontant du présent au passé); - pour rapprocher un événement de point de vue psychoaffectif, la rédaction doit mettre en évidence « les aspects ou les implications les plus humains de l’information », le concret, le particulier et le social. Bref, presque toute information peut devenir « de proximité » dès lors qu’on lui applique une grille de lecture « zoomée », qu’on la présente de manière à abolir la distance sociale, géographique, temporelle. L’exemple le plus représentatif est, très certainement, la présentation des situations catastrophiques. En France, les médias nous ont présenté le tsunami asiatique de fin 2004 à travers les yeux des touristes français qui l’ont vécu et la récente guerre israélo - libanais sous l’angle de la contribution de la diplomatie française à la résolution du conflit. De même, le débat autour de la directive Bolkestein sur la libéralisation des services au niveau européen, a été illustrée via les positions des divers hommes politiques et entrepreneurs français, mais aussi à travers les éventuelles conséquences sur les travailleurs immigrés en France ou sur les expatriés français3 . Car, aux yeux des journalistes, « Les grandes questions humaines passionnent toujours, à la condition d’être traitées de façon très concrète »4 , si possible à travers 1 Jean-Luc Martin –Lagardette, op.cit., p. 31 2 José de Broucker, op.cit., p. 60. 3 Cependant, nous remarquons que ce dernier angle a été moins utilisé, comme si ce qui se passe sur le territoire national passe toujours en premier. 4 Idem 1, p. 34.
  • 23. 23 des témoignages et en évitant les théories, les déclarations d’intention, la langue de bois ou le langage trop abstrait. P. Charaudeau nous met en garde sur l’application de cette loi de proximité spatiale, car, au-delà des manuels, en pratique c’est plutôt « le mode de traitement de la nouvelle qui rendra ce lieu événementiel proche ou lointain. »1 . Une critique que l’on retrouve également chez C. Restier- Melleray qui insiste sur le fait que, alors que « parler de proximité c’est envisager prioritairement le travail journalistique du point de vue de celui qui recevra le message », « cette loi consacre la prééminence de l’individu, un individu présenté comme décontextualisé et psychologisé2 ». Elle souligne que cette relation est créée à travers le discours rapporté qui est « la clé du journalisme de proximité, avec un large recours aux dialogues (échanges d’arguments), témoignages des gens ordinaires3 . En effet, cette approche est du ressort de ce que l’on appelle public journalisme ou « journalisme civique », dont la déclinaison serait le consequence journalism, à savoir la démarche qui propose de « centrer reportages et analyses sur ceux qui subissent les décisions, donc sur des gens ordinaires qui sont amenés à juger les mesures dont ils sont les destinataires (…) »4 . Dans une perspective discursive, R. Ringoot et Y. Rochard parlent encore de l’émergence des certains « genres journalistiques de proximité ». Le reportage, l’interview, l’enquête, le compte rendu sont des genres liés au terrain, ou, selon la distinction opéré par E. Neveu dans sa Sociologie du journalisme, des genres « debout », à la différence des « genres assis », qui supposent de rester au bureau et de rédiger à partir de documents (l’éditorial, le commentaire, la chronique). Les deux auteurs proposent une catégorisation des genres en fonction de l’ethos, plus précisément « à partir des stratégies énonciatives mettant en scène la figure du journaliste »5 : - les genres « corporalisants » (l’interview, qui induit une mise en scène du journaliste qui "a été là", donc une proximité physique de l’événement); - les genres « caractérisants » (l’éditorial, le commentaire qui proposent au lecteur une proximité plutôt intellectuelle, d’opinion et émotionnelle); 1 Patrick Charaudeau , Le discours d’information médiatique. La construction du miroir social, Nathan/INA, 1997, p. 153 2 Christiane Restier- Melleray , « La proximité dans les médias: retour sur une loi », pp. 254 et 259, dans La proximité en politique. Usages, rhétoriques, pratiques – Christian Le Bart et Rémi Lefebvre dir., Presses Universitaires de Rennes, 2005 , p. 251-270 3 Christiane Restier-Melleray , « Mise en proximité du politique. Les ‘Carnets de campagne’ du Monde (19 mars-2 juin 2002) » , p. 70, dans Mots. Les langages du politique : Proximité – n° 77 mars 2005, ENS Editions, pp. 59-72 4 Idem.2, p. 262. 5 Roselyne Ringoot, Yves Rochard – « Proximité éditoriale : normes et usages des genres journalistiques », dans Mots. Les langages du politique: Proximité – n° 77 mars 2005, ENS Editions, pp. 73 – 90
  • 24. 24 - les genres « dépersonnalisants » (la brève, la dépêche, la mouture qui font disparaître le journaliste en tant que médiateur et laissent le lecteur seul face à l’information, en créant une proximité fonctionnelle, ou d’utilité). « Partage, identification, complicité, adhésion, communion circularité, séduction, communautarisation, socialisation, intériorisation, sont autant d’expressions traduisant des matières d’être proches, issues de l’interaction entre la proximité induite par les genres (émotionnelle, physique, intellectuelle, fonctionnelle) et la proximité travaillée par la ligne éditoriale, quelle que soit l’appartenance revendiquée »1 . En effet, la gestion de la distance entre le média et son public représente ainsi un enjeu majeur qui fait preuve à la fois du professionnalisme et du respect de la déontologie journalistique. Car, la « proximité à tout prix » afin de se pouvoir féliciter pour « l’ouverture de l’espace public à la parole profane » (la large audience des reality-shows et de l’infotainment ou des soft news y compris) risque, selon C. Restier-Melleray, de tomber dans le populisme ou dans la pure course à l’audience, de jouer sur les affects plutôt que d’expliquer ce qui se passe, de focaliser sur les « témoignages exceptionnels », plutôt que de se fonder sur des documentaires réalisés à travers des statistiques et des rapports. 2.3. Internet et la mise en proximité : la technique et la politique Sur Internet la mise en proximité spatiale se fait automatiquement, car le réseau crée une distance virtuelle flexible qui peut être réglée par l’utilisateur lui-même, selon ses besoins et ses envies. Je peux sans problèmes partager mes opinions de Paris sur un forum japonais, tout en déclarant que je me trouve à New York. L’anonymat est ainsi garanti, les traces de l’identité n’étant pas perceptibles pour l’utilisateur ordinaire (mais, ils le sont, en revanche, pour les services policiers spécialisés). C’est également de cette particularité que vient le grand succès du web : de la possibilité de se mettre en relation sans s’exposer, d’émettre des opinions sans les signer, de pouvoir être n’importe qui, quand on veut. Et les psychologues le confirment : dans ces conditions, établir des relations avec d’autres individus devient plus facile. Internet n’est donc pas seulement un outil de mise en proximité spatiale immédiate, spontanée, mais, en même temps, un facilitateur de la mise en proximité affective, émotionnelle, intellectuelle. Etant données ces caractéristiques, quel est l’impact de l’Internet sur la communication politique et sur la sphère publique en France et en Europe ? 1 Roselyne Ringoot, Yves Rochard, op.cit., p. 70.
  • 25. 25 Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont été identifiées au Conseil européen de mars 2000 à Lisbonne comme ayant un rôle capital à jouer dans ce qui est connu depuis sous le nom de « la stratégie de Lisbonne ». Celle-ci a pour objectif de construire une Union européenne plus compétitive et plus dynamique d’ici 2010. La Commission européenne a alors lancé dans ce sens l’initiative eEurope, qui s’est achevée fin 2005. Quel en est le bilan ? L’étude Eurostat sur l’"Utilisation d’Internet par les particuliers et les entreprises"1 montre qu’en 2005 presque la moitié des ménages de l’UE des 25 a accès à Internet à la maison2 (un quart disposent même d’une connexion large bande), que le pourcentage moyen d’entreprises de dix salariés ou plus, ayant accès à Internet en janvier 2005, était de 91% et, que 43% de particuliers ont accédé à Internet en moyenne une fois par semaine en 2005 (les étudiants étant ceux qui utilisent le plus régulièrement le Web). Pourtant, « le coût élevé, l’accès, l’accessibilité, les compétences et la motivation sont autant d’obstacles pour les quelques 30% - 40% d’Européens qui ne profitent pas des avantages de la société de l’information »3 . Plus d’un tiers de la population de l’UE des 25 n’a pas de connaissances de base en informatique et il existe de grandes différences entre les générations les plus jeunes et les plus âgées4 . L’autre paramètre essentiel étant le niveau général d’éducation (le niveau d’analphabétisme informatique diminuant avec l’augmentation du niveau d’instruction). Conscients de ce qu’on appelle depuis longtemps « la fracture numérique », les ministres de 34 pays européens, réunis à Riga les 11-13 juin 2006, ont approuvé une action paneuropéenne visant l’«e-inclusion». L’objectif est de « réduire de moitié le nombre de personnes n’utilisant pas l’Internet dans les groupes menacés par l’exclusion, d’assurer à au moins 90 % du territoire européen un accès à l’Internet haut débit et de rendre accessibles tous les sites web publics d’ici à 2010 »5 . Quant à la France, une récente étude de l’INSEE 6 révèle qu’en 2005, un Français sur quatre s’est connecté quotidiennement sur Internet, surtout pour la recherche d’information et pour la messagerie électronique. Mais en communication politique, Internet a fait ses preuves pendant la campagne référendaire de 2005. Il a été sans doute le lieu du débat politique alternatif. L’étude 1 Ottens, Morag- EUROSTAT. Utilisation d'Internet par les particuliers et les entreprises. Statistiques en Bref. Décembre 2006, sur http://europa.eu.int/eurostat. Voir également le communiqué de presse EUROSTAT STAT/06/45, du 6 avril 2006. 2 Des données non-disponible sur la France, Malte et l'Irlande. 3 Communiqué de presse IP/06/769 - L'internet pour tous: les ministres européens s'engagent en faveur d'une société de l'information accessible fondée sur l'inclusion, Bruxelles, le 12 juin 2006 http://europa.eu.int:rapid/pressReleaseAction.do?reference=IP/06/775&format=HTML&aged=0&language=FR&gui Language=fr 4 Eurostat, Statistiques en bref, Industrie, commerce et services, 17/2006, « Utilisation de l'informatique et d'Internet: quel est le niveau de compétence des Européens? ». La publication est disponible gratuitement en format PDF sur le site Internet d’Eurostat, http://ec.europa.eu/eurostat/ 5 Idem. 3. 6 Yves Frydel, Internet au quotidien : un Français sur quatre, dans INSEE Première, N° 1076 - MAI 2006
  • 26. 26 cartographique1 réalisée par le RTGI (le groupe Réseau Territoires et Géographie de l’Information de l’Université de Technologie de Compiègne) sur 5000 sites qui ont participé au débat, souligne le rôle détenu par le Web dans l’issue du scrutin. Tandis que le comptage fait par l’émission Arrêt sur image2 sur les trois principales chaînes hertziennes révélait que plus de 70% du temps de parole consacré au débat, avait été utilisé par des représentants du camp du oui, sur le Net 67% des sites ont fait campagne pour le « non », dont 82% étaient des sites de gauche. Les chercheurs ont ainsi émis l’hypothèse que « le Web a servi de tribune publique à nombre de ceux qui se sentaient écartés des plateaux de télévision ou des grands médias, transformant ainsi en quelque sorte le Web en un négatif, au sens photographique, de la télévision ». « Ne cherchez pas le pouvoir à l’Elysée ou au Palais Bourbon: il est chez les techniciens – labos, firmes, agences, centres de recherche et développement, opérateurs multimédia. Internet mène le bal » – disait Régis Debray, l’inventeur de la médiologie, en paraphrasant ainsi des propos de Balzac, tenus il y a 150 ans, sur le pouvoir des journalistes3 . Alors que sur Internet, les sites d’information à caractère politique se sont développés en France à partir de 19974 , à la suite d’initiatives privées, en 2006 des classements des meilleurs blogs politiques ont vu le jour dans les médias traditionnels et « les députés blogueurs » du Parlement européen utilisent Internet comme tribune politique à la place des médias nationaux dont ils se sentent exclus5 . Si l’idée que les techniques de communication peuvent constituer un outil de progrès politique provient déjà du XIXe siècle, les technologies de l’information et de la communication ont suscité, à la fin du XXe des projets comme « la démocratie électronique », « le e-gouvernement », « les cités numériques ». Pour certains, il s’agit d’une conséquence de la crise de légitimité que traversent les institutions politiques représentatives : elles sont actuellement à la recherche de nouvelles méthodes afin d’inciter les citoyens à participer politiquement et socialement. C’est pourquoi l’Internet représente pour beaucoup l’espoir d’un renouveau du dialogue élus – citoyens, même si des études ont montré que, pour l’instant, « l’avènement d’une démocratie plus participative est très peu vérifiée empiriquement »6 et la mobilisation reste toujours faible, malgré « l’effet d’annonce » d’une société d’information (politique) globale. 1 http://www.utc.fr/rtgi/index.php?rubrique=1&sousrubrique=0 2 France 5, 10 avril 2005. 3 Régis Debray – Intervention à l'Assemblée Nationale, le 27 février 1998, introduction au séminaire de travail « Anciennes nations, nouveaux réseaux », http://www.regisdebray.com/content.php?pgid=medioint 4 Voir Marin Ledun – La démocratie assistée par ordinateur. Du sujet politique au consommateur à caractère politique, éditions Connaissances et Savoirs, 2005, pp. 440-441. 5 Voir l’article « Elus et lus : les députés blogueurs », REF. : 20060331STO06933, publié sur le site du Parlement européen le 10.04. 2006, http://www.europarl.eu.int/news/public/story_page/039-6934-089-03-13-906-200603..., visité le 18.04.2006. 6 Bernard Corbineau, Gérard Loiseau, Stéphanie Wijcik – « L’invariance de al démocratie électronique municipale », dans Francis Jauréguiberry, Serge Prouls (éds.) – Internet, nouvel espace citoyen ?, L’Harmattan, Paris, 2003, p. 103.
  • 27. 27 Ce nouvel espace politique, même virtuel, n’a pas échappé aux journalistes et un nouveau support médiatique est ainsi né. Mais le passage de la diffusion à l’interactivité présente également des risques. Car, Internet est-il vraiment un support favorable à l’information, alors que, sur le Net, tout le monde peut se décréter journaliste ? On s’interroge ainsi sur la crédibilité de l’information que l’on peut trouver sur Internet et sur le rapport « information » (qui est l’objet du métier de journaliste) et « communication » (qui va au-delà de l’information, en présentant une opinion afin de transmettre un message pour atteindre un but communicationnel : influencer une décision, persuader etc.). Dépendant eux aussi des recettes publicitaires, les médias en ligne ne sont pas non plus à l’abri de l’influence économique, politique etc. C’est pourquoi, selon C. de Laubier1 , la question déontologique s’impose, interférant avec la question politique de la protection des droits d’auteur. En même temps, des pratiques de coproduction de l’information, à travers ce qu’on appelle « l’Internet citoyen » prend la forme des ‘webzines’ tel que www.agoravox.fr où n’importe qui peut devenir rédacteur à la condition de publier des informations inédites et que son article arrive au comité de rédaction, laquelle avoue et assume, sans pouvoir effectivement contrôler, les risques de désinformation. Car, selon J.L. Missika, « La dispersion de sources d’information, soutenues à la fois par les nouvelles technologies et par de puissantes demandes sociétales, risque de conduire à une nouvelle situation : celle d’un espace public bavard et inattentif, où chacun veut être émetteur, auteur, journaliste, mais où peu choisissent d’écouter ensemble et de se rendre aux rendez-vous de prescripteurs fiables, peu nombreux et puissants. » 2 1 Christian de Laubier – op.cit. 2 J.-L. Missika – op.cit., p. 105.
  • 28. 28 II. Proximité et interactivité : les clés d’une communication politique et publique de succès ? Afin de faciliter la diffusion d’information auprès de ses citoyens, l’Union européenne dispose d’un réseau d’information sur les questions communautaires appelé Europe DIRECT. Il comprend des relais d’information européenne au niveau local et/ou régional dans chaque État membre (environ 40 en France), des centres de documentation européenne (aujourd’hui il y en a 600 centres dans les États membres et des pays tiers), 3 centres nationaux d’information sur l’Europe (à Paris, Lisbonne et Rome), ainsi qu’un réseau de conférenciers indépendants de la Commission européenne, Team Europe. Les Centres nationaux d’information ouverts dans les années ’90 en France (Centre d’information sur l’Europe – CIE - « Sources d’Europe », 1992), Portugal (Centro de informação Euopeia Jaques Delors de Lisbonne,1994) et Italie (Centro Nazionale d’Informazione e di documentazione europeo – Cide, 2000) sont situés dans les capitales des pays d’accueil. Ils ont été créés à l’initiative de ces derniers et placés initialement sous la tutelle conjointe de la Commission européenne et des autorités gouvernementales (les Ministères des Affaires étrangères) des pays d’accueil. Leurs objectifs communs sont de renseigner le grand public, de « répondre aux questions de publics spécialisés » et de « créer un lieu de rencontres, de formation et d’animation permanente sur l’Europe » 1 . Mais, ces dernières années, le centre français a été obligé de réviser ses objectifs en renonçant à son ouverture au public, ainsi qu’à une bonne partie de la logistique, et contraint de restructurer son activité et de la restreindre à l’Internet. Ce pas une fois franchi, est-ce que le CIE arrivera à accomplir sa mission ? Le présent chapitre essaie de suivre ces changements et de distinguer, dans la ligne éditoriale du nouveau portail Touteleurope.fr, le rôle qu’il assume auprès de son public et l’adéquation de ses promesses communicationnelles aux objectifs prévus par la nouvelle stratégie de communication européenne, en quête de proximité . 1 http://ec.europa.eu/comm/relays/ni_fr.htm, visité le 10.09.2006.
  • 29. 29 1. Rapprocher l’Europe des Français par Internet: étude de cas 1.1. Le Centre d’information sur l’Europe (CIE) Fondé en 1992 par le gouvernement français (le Ministère des Affaires étrangères) et la Commission européenne, le Centre d’information sur l’Europe (CIE) est un groupement d’intérêt économique qui a commencé son activité sous le nom de « Sources d’Europe ». Créé « pour « répondre aux questions sur l’Union européenne », le centre de Paris a eu des jumeaux : l’un à Rome, l’autre à Lisbonne. Si le CIE français a restreint en 2005, son activité uniquement à l’Internet (info-europe.fr, puis touteleurope.fr), les deux autres centres d’information nationaux continuent de développer des activités de formation et de documentation (bibliothèque, médiathèque). Selon les documents de présentation, sa mission était « d’aider [les Français] à mieux comprendre les enjeux de la construction communautaire » et de répondre à « toutes » leur questions sur l’Union européenne, ses politiques, ses pays membres, ses apports dans la vie quotidienne1 . Situé au début dans le sous-sol de l’Arche de la Défense, le CIE disposait d’un vaste espace d’accueil (4500m2 ) avec médiathèque, auditorium, centre de documentation, libre distribution de brochures, etc.. L’envergure du projet initial a placé le GIE sous contrainte financière et budgétaire importante. Pour continuer son activité, le Centre d’information sur l’Europe a été obligé de déménager (dans le 7e arrondissement, dans le même immeuble que les bureaux de la Représentation du Parlement européen et de la Commission européenne, et à côté du Quai d’Orsay), de réduire l’effectif du personnel et de restreindre son activité : depuis la rentrée 2004 Sources d’Europe n’est plus ouvert au public et le fond documentaire est désormais consultable à la Documentation française. A partir de 2007, le financement de la Commission européenne cessera définitivement. Afin de mettre en évidence l’importance de cette institution pour la communication européenne en France, dans ce chapitre nous appuyons notre analyse sur un corpus de présentation du site (le 1 Dépliant de présentation Sources d’Europe – info-europe.fr, annexe 12.
  • 30. 30 dossier de presse du lancement, les points de vue exprimés à cette occasion par divers acteurs et pas les médias), sur des rapports et sur des entretiens avec le personnel. 1.1.1. Le passage sur Internet Alors que depuis 1993 le Centre d’information sur l’Europe s’occupait de la gestion électronique des documents, en 1997 une partie de l’activité d’information développée par le CIE passe sur Internet, et en avril 1998 le site www.info-europe.fr est lancé. L’équipe rédactionnelle s’est mis à travailler sur le fond des produits d’information / documentation du CIE en fournissant des contenus assez variés à destination du grand public, mais aussi une information spécialisée de base sur les questions européennes (droit communautaire, politiques etc.). En 2005, le contenu du site www.info-europe.fr1 se présentait ainsi sous deux volets2 : a. Des contenus stables, froids, dont le but est documentaire et utilitaire: depuis 1998, une collection de fiches pratiques (« Fiches Europe ») sur les programmes, les politiques de l’UE, les institutions, l’histoire de l’Europe et les fondateurs, les plus importants textes de droit communautaire, les droits des citoyens européens et les démarches à suivre (« L’Europe au quotidien »), avec un contenu très concret et une information adaptée au sujet « la France en Europe ». Cette partie occupait en 2005 plus de deux tiers de l’information publiée sur le site. Un Guide des sources, créé en 1993, comprenant les coordonnées des relais et des centres d’informations sur l’Europe en France, des ONG, des associations et des institutions européennes ou françaises à vocation européenne, est aussi mis en ligne. b. Des contenus flexibles, en suivant l’actualité européenne, et qui poursuivent un but informatif : une revue de la presse française axée sur les articles traitant de l’actualité communautaire (en place depuis 1993 et dans une nouvelle version depuis 2002) et des brèves d’actualité rédigées à partir de communiqués de presse officiels des instances communautaires et nationales, ainsi que des forums thématiques. En fonction de l’actualité, le site s’est enrichi de nouvelles rubriques et de mini-sites (« Elargissement», par exemple), Sources d’Europe, en assurant la gestion et 1 Page d’accueil site www.info-europe.fr, annexe 6. 2 Voir « Activité de l’équipe rédactionnelle du Centre d’information sur l’Europe » 01/06/2004, màj 31/01/06, annexe 3.
  • 31. 31 l’actualisation du site spécialement dédié à la Constitution européenne www.constitution-européenne.fr. 1.1.2. La naissance du nouveau portail Touteleurope.fr Après le vote négatif des Français du 29 mai 2005, le réseau d’information sur l’Union européenne en France s’est vu obligé de relever des nouveaux défis. En novembre 2004, préoccupé par le fort taux d’abstention des Français aux dernières élections européennes, le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, a confié au député Michel Herbillon une mission ayant deux objectifs importants. Premièrement, de dresser un bilan des actions en matière d’information sur l’Europe menées par tous les acteurs français (état, société civile, médias, ONG etc.). Ensuite, de faire des propositions « de nature à renforcer la conscience européenne » des Français. Dans sa « lettre de mission », Sources d’Europe était cité comme ayant un rôle de « tête de réseau, correspondant des partenaires décentralisés qui contribuent à l’information des Français sur les sujets européens ». Rendu public après le référendum, le rapport intitulé « 40 recommandations pour mieux informer les Français sur l’Europe » a signalé au gouvernement français « l’échec patent des politiques d’information et de communication sur l’Europe » et « la dispersion » des relais d’information, citant ainsi Source d’Europe : « Au niveau national, le Gouvernement, la Représentation de la Commission, le Bureau d’information du Parlement européen et le Groupement d’intérêt économique Sources d’Europe (géré et financé à parité par la Commission et le Gouvernement français), se partagent la charge de l’information des Français sur l’Europe. »1 . En analysant l’activité du CIE (pp. 84-85 et 174-179 du rapport), le député recommande (recommandation numéro 10) que Sources d’Europe soit « transformé en un service propre du ministre délégué aux affaires européennes » qui « servirait de tête de réseau des relais d’information sur l’Europe », et qui « sera chargé d’assurer la permanence de l’information sur l’Europe, au-delà des campagnes ponctuelles menées à l’occasion de tel ou tel événement ». Même s’il reste un GIE, son activité devrait ainsi se développer, selon le député, autour de 5 pôles : « information et communication sur l’Europe » (une nouvelle direction interministérielle, s’il est intégré au gouvernement), « dialogue permanent sur l’Europe » (qui prendrait la forme d’une conférence permanente sur l’Europe), «animation du réseau national » (en partenariat avec la Commission européenne), un pôle « formation » (en partenariat avec le Centre d’études européennes de Strasbourg et avec le ministère de l’Éducation nationale), et, le dernier, «Recherche et publications » (en partenariat avec la Documentation française).
  • 32. 32 Pour l’instant, l’avenir du CIE reste incertain, alors qu’une décision concernant son statut est attendue pour septembre 2006. Depuis janvier 2006, avec la nomination d’un nouvel administrateur, le Centre d’information sur l’Europe a commencé a développer ses activités majoritairement sur Internet. Le CIE a, néanmoins, poursuivi l’action de réponse au téléphone et par messagerie électronique aux questions visant l’Europe communautaire et un serveur vocal interactif, ainsi qu’un logiciel de traitement semi - automatisé des courriers électroniques font partie de ce projet. L’équipe a été partiellement changée en concordance avec cette nouvelle orientation de l’activité : un poste de veille Internet a été créé et un nouveau rédacteur en chef, spécialisé dans la rédaction Web, a été nommé. Remarquons le fait que les deux nouveaux coordinateurs de l’activité de CIE, l’administrateur et le rédacteur en chef, proviennent du secteur gouvernemental, ce qui pourrait marquer profondément le futur positionnement de cette institution : le premier a été le chef du Département multimédia du SIG et l’autre, faisant partie de la Cellule éditoriale du même service gouvernemental, a été rédacteur pour le site du Premier ministre. D’autre part, dépourvu des moyens de l’accueil direct du public, la mission principale du Centre devient ainsi celle « d’informer les citoyens français sur l’Union européenne » à travers « un nouveau portail de référence »: www.touteleurope.fr. Une nouvelle relation reste à construire avec son public et un nouveau support doit être mis en place pour un nouveau type d’interactivité, créée cette fois dans un monde virtuel : le CIE ne reçoit plus « chez soi » dans les salles de lecture, ni dans les amphithéâtres, mais sur des forums et consultations en ligne. Le lancement du nouveau portail était cité parmi les mesures prises par le gouvernement français pour « mieux informer la société civile sur les questions européennes et dialoguer avec elle »2 . En présence de la commissaire européenne en charge de la Politique régionale, Danuta Hubner, à l’occasion du lancement de Touteleurope.fr, le 2 mai 2006, la ministre déléguée aux Affaires européennes, Mme Catherine Colonna, a formulé le vœu que l’ouverture du site soit un moment important pour la France « pour faire vivre le dialogue sur l’Europe », en soulignant son rôle de répondre à l’« immense besoin d’information [simple et accessible] sur la construction européenne» et « d’expression et d’échange »1 . La présence à l’événement des représentantes des deux tutelles devient ainsi symbolique, en renforçant l’image partagée du CIE en tant que 1 Rapport HERBILLON, Résumé, p. 9, http://lesrapports.ladocumentationfrançaise.fr/BRP/054000424/0000.pdf 2 Mieux informer les Français sur l’Europe et mieux les associer aux processus d décision européens, le 15.12.2005, http://www.europe.gouv.fr/actualites_1/dossiers_3/action_gouvernementale_39/les_français_347.html
  • 33. 33 prescripteur de l’information sur l’Europe pour les Français, et d’outil d’agrégation de l’opinion française concernant les questions européennes. 1.2. Le site Touteleurope.fr et ses contenus A travers son positionnement d’interface entre les sources d’informations européennes et ceux qui les cherchent, même au-delà d’Internet, ce site grand public vise à : - devenir l’outil de référence en France pour obtenir toute information sur l’Europe ; - offrir une plateforme de dialogue et d’échange pour les Français sur l’Europe. L’administrateur de CIE, Benoit Thieulin, résume en quelques mots le rôle de www.touteleurope.fr : « C’est à la fois une clef d’accès, une carte, et une boussole pour naviguer sur une toile européenne... et un baromètre sur l’opinion ‘européenne’ des Français. L’Europe 2.0, en somme... » 2 . Notre démarche ne sera pas d’analyser le site en tant qu’objet sémiotique, mais plutôt de le considérer dans une situation de communication qui s’organise autour de lui et qui comporte plusieurs éléments : Touteleurope.fr et ses promesses, donc l’usage qu’il prescrit et anticipe de soi-même, et les sites médiateurs qui proposent leur représentation de Touteleurope.fr. Ce qui nous intéresse également ce sont les prescriptions d’usage afin de transformer leur propre utilisateur en visiteur de ce site. Comme nous avons fait le choix de ne pas nous aventurer dans une analyse de la réception, malgré l’intérêt d’une telle recherche, à travers l’analyse des profils des visiteurs des sites médiateurs, nous ne nous lancerons pas sur cette voie. Nous nous interrogerons surtout sur la concordance entre l’image crée par le CIE autour du site Touteleurope.fr et celle qui se crée à travers certains discours dont il fait l’objet, entre les promesses de ce dispositif de communication, son ethos pre-discursif, et son image créée dans la situation de communication, à savoir son ethos discursif. 1.2.1. L’adresse et le nom de domaine du site : les marques d’une identité spécifique L’URL contient entièrement le nom du site. Il exprime tout d’abord sa promesse d’être « un portail de référence sur les question européennes/ sur l’Europe », donc d’apporter une 1 Allocution de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes, à l’occasion d lancement du site Internet www.touteleurope.fr, à la Tour Eiffel, le 2 mai 2006, http://www.rpfrance.eu.article.php3?id_article=449 , visité le 25 août 2006. 2 Entretien avec Benoit Thieulin publiée sur le site de SIG, le 8 juin 2006, visité le 10.09.2006. http://www.internet.gouv.fr/information/inormation/rencontres/avec-benoit-thieulin-281.htm.
  • 34. 34 information exhaustive, à la fois fondamentale et d’actualité sur ce qui se passe sur le vieux continent. Cependant, cette appellation peut porter à la confusion, car le site ne traite que les questions en lien avec l’Union européenne, en excluant toute information extra - communautaire (exception faite des pays adhérents ou en cours d’adhésion, mais, en ce qui les concerne, seule l’information communautaire est publiée). D’autre part, « touteleurope.fr » ne correspond pas à un seul nom et son orthographe n’est pas compatible avec les règles de la langue française, il est donc peu probable qu’un internaute qui fait des recherches sur Internet tape dans le moteur de recherche « touteleurope », sans avoir entendu ce syntagme avant dans d’autres contextes. C’est pourquoi, afin d’assurer sa notoriété, le site s’appuie sur l’achat de mots clés et sur la promotion du nom du site. D’ailleurs, cette appellation, entièrement reproduite par le logo, contient qu’il s’agit, soit de texte, soit d’image et sur tous les supports de promotion et de présentation, la particule qui correspond au nom du domaine : « .fr ». Cette stratégie de communication est utilisée afin de renforcer son image d’abord en tant que site Internet, puis en tant qu’outil de communication entièrement consacré aux Français. Il s’agit aussi d’une métaphore de la proximité, qui envisage de créer un lien (virtuel) entre l’Europe et la France : « Toute l’Europe pour les Français » ou « Toute l’Europe made in France » semble être le message ainsi porté. Contrairement à ce que certains attendaient (un journaliste a posé une question à ce sujet pendant la conférence de presse du lancement), le CIE n’a pas choisi pour son portail le nom de domaine en « .eu ». Selon l’administrateur du centre, alors qu’il a acheté aussi le nom de domaine www.touteleurope.eu, ce choix s’explique par la volonté de faire de ce site un portail français, en s’adressant directement aux Français et, donc, un site qui doit être tout d’abord sur les moteurs de recherche en « .fr ». Alors que « (…) le domaine, au sens de terroir, donne un style aux productions de ses habitants »1 , le choix fait par le CIE devrait signaler, entre autres, l’adoption du discours de type français sur la Toile. En même temps, pour réaffirmer son indépendance, le domaine « .gouv.fr », la marque des sites gouvernementaux, a été également exclu. 1 Valérie Beaudouin, Serge Fleury, Marie Pasquier, Benoit Habert, Christian Licoppe – « Décrire la toile pour mieux comprendre les parcours. Sites personnels et sites marchands » pp. 21- 49, dans Réseaux n°116 – FT R&D/Hermes Science Publications, 2002, p. 39.
  • 35. 35 Selon P. Stockinger, « un critère très important est le nom et le renom, donc la réputation de l’institution propriétaire d’un site »1 . Mais, le CIE était connu surtout en tant que « Sources d’Europe », nom auquel il a définitivement renoncé au moment du lancement de www.touteleurope.fr, cela l’empêche donc de récupérer le déficit d’image dû aux dernières changements. En ce qui concerne le Web, tandis que la notoriété de l’ancien site du CIE, www.info-europe.fr, était incontestablement élevée, celle du nouveau nom se construit progressivement : un lancement assez bien médiatisé et une campagne d’achat de mots clés sur Google afin de lui permettre un meilleur référencement (perdu une fois qu’on a renoncé à son ancien nom), sont les premiers pas faits dans cette direction. 1.2.2. Touteleurope.fr : une image à construire En termes discursifs, « L’énonciateur doit légitimer son dire : dans son discours, il s’octroie une position institutionnelle et marque son rapport à un savoir. »2 . Pour repérer quelques traits de l’ethos préalable3 que se construit Touteleurope.fr, nous avons analysé « les promesses »4 de ce dispositif, à travers les documents d’auto-présentation (papier et en ligne). Les objectifs déclarés de ce nouveau portail seraient, selon le dossier de presse5 et la présentation en ligne (rubrique « Qui sommes nous ? »6 ), très audacieux. Ils viennent légitimer le nom du portail (TOUTE l’Europe), traduisant également les ambitions d’un nouveau départ, d’un nouveau projet. a. Exhaustivité et intégralité Tout d’abord, nous remarquons la promesse d’apporter une information exhaustive (aborder « tous les aspects des questions européennes») pour « tous les publics » (français et francophone, car la seule langue utilisée sur le site est le français), le grand public y compris. Tandis que les spécialistes de la communication recommandent, en général, la segmentation de l’information selon les divers publics et l’adaptation du message afin de garantir de meilleurs résultats, vouloir s’adresser à tout le monde peut paraître une démarche utopique. Cependant, il faut remarquer qu’Internet permet déjà un premier ciblage sur un public (les internautes) qui, pour l’instant, est évidemment beaucoup moins vaste que celui des médias de masse (par rapport à la télévision, par 1 Peter Stockinger – Les sites web. Conception, description, évaluation, Hermes Science/Lavoisier, Paris 2005. 2 P. Charaudeau, D. Maingueneau (dir.)– Dictionnaire de l’analyse du discours, Seuil, 2002,p. 239 3 Adam 1999, Amossy éd., 1999,2000 4 François Jost – « Les promesses des genres », dans Réseaux no 81 CENT, 1997 5 Voir le dossier de presse de Touteleurope.fr, annexe 12. 6 Voir page Qui sommes nous ? du site Touteleurope.fr, annexe 10.
  • 36. 36 exemple). En fait, « tout le monde » représente déjà « ceux qui ont les moyens d’accéder à Internet » et qui connaissent la langue française (puisque la langue unique du site). Il s’agit donc de rendre l’information européenne intéressante pour les Français et la présenter sous une forme adaptée au support web. Ensuite, Internet est un média qui permet à l’utilisateur, non seulement une certaine autonomie, mais qui le transforme d’un consommateur passif de l’information (comme dans le cas de la télévision ou de la radio), dans un consommateur avisé et en quête d’information. C’est pourquoi il faut rajouter un critère de segmentation pour la cible de ce portail : « tous les internautes qui comprennent le français et qui s’intéressent aux questions européennes ». Malheureusement, il est impossible d’aller plus loin dans cette segmentation et il faut souligner que la concurrence est rude : la toile européenne de langue française compte aujourd’hui des milliers de sites et de portails, sans compter les blogs. Pas facile donc de se faire repérer et de fidéliser les visiteurs afin de devenir « un portail de référence sur les questions européennes». En même temps, cette promesse oblige à un grand travail rédactionnel de « vulgarisation » de l’information provenant des institutions européennes, en gardant non seulement la rigueur d’un documentaliste, mais aussi la même préoccupation pour l’actualité que peut avoir un journaliste. Car viser « tous publics » et « grand public », c’est aussi proposer des contenus susceptibles d’intéresser, à la fois ou séparément, diverses catégories sociales, professionnelles, politiques, économiques, à la fois les « eurosceptiques » que les « europhones » et les « europhobes » ; les étudiants, les hommes politiques, les universitaires, les think-tanks mais aussi les touristes, les entrepreneurs, les retraités, les travailleurs, les jeunes, les fonctionnaires, les enseignants etc. En effet, confronté à sa double personnalité (à la fois institutionnelle et indépendante, plutôt d’organisme parapublic) et à sa mission « d’informer les citoyens français », le CIE mise sur l’interactivité de ces nouveaux outils. Le but est d’adapter l’information en fonction des intérêts des destinataires et d’offrir aux « récepteurs » les moyens pour leur permettre de personnaliser cette information qui est mise à leur disposition, selon leurs préférences. Une très claire et rigoureuse organisation du contenu devrait ainsi permettre à l’internaute de trouver facilement sur le même site l’information qu’il lui faut, qu’il y accède en tant qu’entrepreneur, en tant que touriste, en tant que père qui cherche de l’information pour faire les devoirs de son fils, ou encore en tant que candidat aux élections européennes. Par ailleurs, il faut aussi souligner le fait que la promesse du dispositif en tant que portail n’est pas de présenter lui-même cette information très vaste de façon exhaustive, mais