1. Travail - Liberté - Justice sociale
Le bulletin d'Al-Qotb France
A
Editorial
où vous lirez ces lignes, la Constitution
tunisienne aura été adoptée et promulguée ; plus
de deux ans après l’élection de l’Assemblée Nationale
Constituante, voici que ce marathon entamé à partir
d’une page blanche se termine en sprint confus avec
son lot de bricolages procéduraux et de jeux de
coulisses propres à la « politique politicienne ». La
première question à laquelle nous devons nous
attacher à répondre est de savoir comment se
positionne ce texte par rapport à la précédente
constitution de 1959. Rappelons que l’assemblée qui
l’avait rédigée était élue par un corps électoral duquel
étaient exclues les femmes. Le nouveau texte apporte
quelques évolutions sur ce sujet puisqu’il renforce les
droits des femmes, sans pour autant consacrer l’égalité
complète. Un rééquilibrage des pouvoirs entre le
Président et l’Assemblée est opéré et vient corriger le
rôle prépondérant qui était dévolu précédemment au
seul Président. Le second questionnement concerne la
mise en rapport de ce projet vis-à-vis des attentes issues
de la Révolution tunisienne. Au chapitre des libertés, les
débats auront été vifs, souvent houleux, ce qui est en
soi un signe de changement lorsqu’on se remémore
combien étaient ternes les séances de l’ancienne
assemblée nationale, et ce malgré la présence d’une «
opposition parlementaire ». Les obsessions identitaires
et religieuses auront plané tout au long des débats,
alors que celles-ci ne faisaient nullement partie des
revendications de la Révolution. Les droits
économiques et sociaux, revendications exprimées
depuis de longues années, sont certes évoqués dans la
Constitution, mais ne prendront corps qu’à travers une
politique gouvernementale volontaire.
Cette constitution sera donc éloignée des espoirs nés
de la Révolution, et sera à l’évidence grandement
perfectible tant les progrès sont maigres. Désormais des
échéances électorales nous attendent : c’est
maintenant qu’il faut soutenir les valeurs de progrès, de
transformations économiques et sociales, de liberté, de
citoyenneté, que l’on soit sur le sol national ou parmi la
diaspora, sujet auquel nous consacrons un article de ce
bulletin. Toutes ces valeurs seront portées par le projet
du Front Populaire auquel Al-Qotb apportera toute sa
contribution. Elire le plus grand nombre de députés du
Front aux prochaines élections est indispensable.
Et cela se fera avec vous !
U MOMENT
Al-Qotb est membre du Front Populaire
N° 11 - Janvier 2014
Quelle place pour les Tunisien-ne-s
de l’étranger ?
A
u vu des récents débats qui ont
secoué l’ANC, la place à donner aux
binationaux est apparue comme source
d’interrogations, de crispations autour de
ce qu’on pourrait appeler la « pureté » de
l’identité tunisienne. En effet doit-on
permettre l’accès à la magistrature
suprême à un binational ? Les tunisien-ne-s
devraient-ils tous avoir les mêmes droits et
devoirs selon qu’ils soient titulaires d’une
double citoyenneté ou non ? Cela
reviendrait dès lors à dire qu’il existe des «
citoyens pleinement tunisiens » et des «
citoyens de seconde zone » dont les droits
diffèreraient. On mesure ici l’ampleur de la
suspicion qui pèse sur les Tunisien-ne-s de
l’étranger, qui s’ils avaient l’opportunité
d’accéder à des fonctions nationales
conduirait irrémédiablement le pays vers la
voie de la néocolonisation…
"Les tunisien-ne-s devraient-ils tous
avoir les mêmes droits et devoirs
selon qu’ils soient titulaires d’une
double citoyenneté ou non ?"
Il serait malhonnête de nier les liens étroits
du binational avec son autre pays. En effet
le plus souvent il y vit, il y est né ou a choisi
de s’y installer pour diverses raisons. Est-ce
à dire que cette seconde nationalité
primerait sur la Tunisienne ? Que le simple
fait d’être porteur de cette nationalité
rompt tout lien avec la patrie d’origine ?
Dès lors comment expliquer la liesse de
nombreux « franco-tunisiens » à l’annonce
de la fuite de Ben Ali, le regain d’intérêt
d’une grande partie de la jeunesse
immigrée pour son pays d’origine ? De
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2. Le bulletin d'Al-Qotb France
nombreux observateurs ont souligné à
juste titre la surprise provoquée par cet
engagement collectif des Français
d’origine tunisienne, qui se sont identifiés
avec force à la révolte de leurs
compatriotes tunisiens. La Révolution a
contribué dans une certaine mesure à
changer le regard porté sur l’immigration,
notamment en jetant une lumière crue sur
le drame des « harragas » fuyant
désespérément le pays à la recherche
d’une vie meilleure. Mais elle a également
révélé l’attachement profond des Tunisiens
de l’étranger pour leur pays d’origine et
leur volonté d’être acteurs du changement
et de contribuer au développement de la
Tunisie. S’il est difficile d’évaluer
précisément le nombre de Tunisiens
binationaux, on estime qu’ils représentent
environ 10% de la population, dont les 2/3
vivent en France. A ce titre ils constituent
un atout considérable pour notre pays, en
jouant le rôle de « traits d’union » entre les
deux pays et contribuent par leur
engagement social et politique à établir
des relations diplomatiques saines pour
éviter que ne se répètent les erreurs du
passé.
l’étranger. Si une telle structure a pu exister
par le passé, elle était noyautée par les
cellules politiques du RCD à des fins
d’instrumentalisation électorale.
Une telle instance a aujourd’hui vocation à
devenir un véritable organe de
concertation, au fonctionnement
transparent et de permettre aux
associations, partis et autres collectifs de
travailler en bonne intelligence afin de
représenter au mieux les intérêts des
Tunisiens et de répondre à leurs
préoccupations. Si un projet de création «
Haut Conseil des Tunisiens de l’étranger »
(HCTE) a d’ores et déjà été évoqué, il est
important d’en préciser les procédés de
désignation de ses membres ainsi que son
mode de fonctionnement. Il faut assurer
une juste représentativité des acteurs, en
évitant la prégnance d’associations et/ou
des formations politiques –mieux
structurées et plus anciennes- au détriment
d’autres organisations de la société civile,
qui ont pourtant un rôle primordial à jouer
du fait de leur expertise et de leur
proximité avec les citoyens.
Nous devons dès lors nous battre contre
une vision réductrice de la nationalité et
de la citoyenneté, afin que chaque citoyen
quelque soit son parcours de vie ait
l’opportunité d’apporter sa pierre à l’édifice
démocratique.
Nous prônons une citoyenneté active,
absolument nécessaire pour réussir la
transition et accélérer la démocratisation
de la Tunisie, mais également favoriser la
solidarité entre les deux rives de la
Méditerranée.
Nous saluons l’adoption de l’article 73 de
la Constitution qui permettra au
binationaux de se présenter aux élections
présidentielles, mais cette victoire doit
s’accompagner de mesures concrètes pour
assurer une représentation véritable des
Tunisiens de l’étranger. Cette
revendication est ancienne, et il est plus
que temps de s’atteler à cette tâche.
Nous recommandons la création d’un
Service public de l’immigration, ainsi que la
mise en place d’une Instance de
représentation des Tunisien-ne-s de
Nous proposons que le HCTE soit composé
à parité de députés représentant les
Tunisien-ne-s de l’étranger et de
représentants associatifs élus. Un
représentant du Ministère des Affaires
Etrangères pourrait siéger au sein du HCTE
afin de faire le lien avec le gouvernement.
Le projet proposé initialement pour la
Constitution semble défendre la mise en
place d’une gouvernance centralisée du
HCTE, ce qui pose la question de la
hiérarchisation des différents organes et
de leurs rôles respectifs. La mise en place
d’un dialogue et d’une coopération
effective doit être au cœur du
fonctionnement de l’Instance, et une
organisation pyramidale et centralisée
n’est dès lors pas pertinente pour prendre
la mesure des priorités locales et permettre
un fonctionnement égalitaire et équitable.
Les enjeux sont réels et nous devons faire
en sorte qu’émerge une citoyenneté qui
prenne en compte la multiplicité des
Tunisien-ne-s et de leurs parcours de vie.
"Nous devons dès lors nous battre
contre une vision réductrice de la
nationalité et de la citoyenneté"
"Nous proposons que le HCTE soit
composé à parité de députés
représentant les Tunisien-ne-s de
l’étranger et de représentants
associatifs élus."
Al-Qotb est membre du Front Populaire
N° 11 - Janvier 2014
N
Zoom
ous y sommes, non sans mal : la vigilance
reste indispensable. Mais, après l’adoption
d’une nouvelle constitution, le changement du
gouvernement et la mise en place de l’ISIE, les
échéances électorales – cruciales pour notre pays
– ne sauraient tarder.
Et à Al-Qotb comme au Front Populaire, où en
sommes-nous ? Nous ne sommes pas peu fiers
d’avoir, entre autres, été les premiers à militer
pour la libération de Jabeur Mejri, prisonnier de
conscience embastillé pour ses idées. Parce que
nous croyons à la force des convictions, nous
n’avons jamais cessé de proposer un autre
modèle, une autre façon de faire de la politique.
Celle qui consiste à se battre isolément dans des
batailles d’égos destructrices, sans perspectives ni
projet ne nous intéresse pas. C’est pourquoi nous
avons rejoint le Front Populaire. Suite à
l’assassinat de Chokri Belaïd, la Jabha a fait bloc,
s’est consolidée ; elle a été attaquée au point de
perdre Mohamed Brahmi, un autre de ses
dirigeants parmi les plus en vue, mais
contrairement aux « attentes » de ses détracteurs,
elle n’a cessé de grandir pour s’imposer sur la
scène politique comme la seule force de gauche
organisée. Elle a su transcender ses réticences
pour proposer à d’autres formations politiques un
front commun. Nul ne conteste qu’en grande
partie grâce à son action, des milliers de nos
concitoyens sont descendus dans la rue pour dire
assez à la Troïka et à ces agissements, pour
imposer un « dialogue national » -certes
chaotique – mais qui a permis (enfin !) de voir
l’horizon se dégager un tant soit peu.
Depuis, on cherche insidieusement à nous
cantonner dans un rôle purement protestataire.
Certains ont-ils pris ombrage de notre influence
grandissante ? Ces tentatives de marginalisation
sont vouées à l’échec, car chacun peut désormais
se rendre compte par lui-même que la Jabha
représente bien l’alternative. Pour une Tunisie
plus juste, plus libre, attentive à ceux qui souffrent
du chômage, aspirent à pouvoir se soigner ou se
loger correctement, et qui réclament depuis si
longtemps une vie meilleure. Osons porter la
parole d’un peuple, qui, dans sa diversité, a réalisé
l’impensable : se débarrasser de la dictature. Nous
invitons celles et ceux qui partagent ces objectifs
– ceux de la révolution – à nous rejoindre car
alors, l’union des forces de gauche au sein du
Front aura un poids considérable et sera
incontournable pour exercer les responsabilités
que les Tunisiennes et Tunisiens nous auront
confiées.
Nous y sommes prêts.
contact.france@al-qotb.com
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