1. Destin brisé
Elle s’est retrouvée seule sur le quai
Valise à la main par un matin chagrin
En partance vers un improbable destin
De n’être qu’un caillou, un objet
Toute menue dans son ciré plastique
Elle semblait ignorer même pourquoi
Le fonctionnaire au sourire sardonique
Lui avait intimé : Ici t’es pas chez toi !
Chez moi, c’est où alors, dans quel port ?
De quel pays suis-je l’enfant chéri ?
Ma maison, mon école, tous mes amis
Sont pourtant ici, quel est mon tort ?
Elle ne l’a pas vu arriver, simple quidam
Il l’interpelle dans la rue : Toi là !
Et aussitôt emmenée par une dame
Allez petite, pas d’histoire ! monte-là !
La voilà toute seule, elle pleure, reniflant
Comme l’enfant qu’elle fut il y a peu
Résonnent échos des rires et des jeux
Son cœur en complainte cri : Maman !
Tout son être se rétracte comme aspiré
De toute l’énergie qui l’habitait jadis,
Quand de la carmagnole en coulisse
Les couplets elle écoutait, inspirée
C’était l’époque ou tout était lumineux,
L’avenir étendant ses doigts sur elle,
Lui prédisait un futur merveilleux
De citoyenne, de femme, comme gazelle
L’école, c’est fini, pour elle à jamais,
Là où elle va son avenir n’existe pas.
Finies les galéjades des amis marseillais,
Promenades languissantes sur les quais.
Destin d’expulsée, destin d’égarée
Brebis sacrifiée sur l’autel implacable
De la loi du vide, la loi sinistrée
Juste un enfant qui part sans cartable