1. 96 ALBERT CAMUS
ton, comme si elle n'avait pas remarque qu'il n'ttait plus
necessaire de crier: (Soigne-toi bien et fais attention., Puis
est venu mon tour. Marie a fait signe qu'elle m'ernbrassait.
Je me suis retourn; avant de disparaitre. Elle Ctait immobile,
a l e visage Ccrasd contre la grille, avec le mtme sourire
;cartel( et crisp&.
C'est peu apres qu'elle m'a kcrit. Et c'est A partir de ce
moment qu'ont commenci les choses dont je n'ai jamais
aim6 parler. De toute f a ~ o n il ne faut rien exagerer et cela
,
egm'a it4 plus facile qu'i d'autres. Au debut de ma detention,
pourtant, ce qui a 6tC le ,c'est que p a i s des pn &
e&
d'homme'hre. Par ex envie me prenait d'ttre sur
une p l a e et de descendre vers la mer. A imaginer le bruit
des premiires vagues sous la plante de mes pieds, l'entrCe
5 d u corps dans l'eau et la dklivrance que j'y trouvais, je sentais
tout d'un coup combien les rnurs de ma prison Ptaient
rapprochks. Mais cela a q u e l q u e s mois. Ensuite. je n'avais
que des pensees de prisonnier. J'attendais la promenade
quotidienne que je faisais dans la cour ou la visite de mon
--o- avocat. Je m'arrangeais trPs bien avec le reste de mon temps.
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J'ai souvent pens6 alors que si l'on m'avaitfait vivre dans u n
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tronc iEii%r< sec, sans autre occupation que de r g a r d e r la
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flg"r du ciels au-dessus d e m a ttte, je m'y serais , p e u _ a ~ u
habitd. J'aurais attendu des passages d'oiseaux~oudes ren-
iscontres de nuages cornme j'attendais ici les c u r i e u s e s c r a v ~ ~
de mon avocat et comme, dans un autre rnondc, je patienta_iF
jusqu'au samedi pour Ctreindre le corps de Marie. Or, a
birn rifllchir, je n'dtais pas dans un arbre sec. I1 y avait plus
rnalheureux que m o i . ~ e ~ d ~ ' a i l l e u r s id& de maman,-
une
'la fleur du ciel. Had Meursault been, as he imagines here, zmprisoned
in the trunk of a dead tree, he worrld have seen the sky above him like
a flower above the tree; the tree would seem to hold the s b like a stalk.