Biographie complète de Kennit sous la forme d'une lettre au capitaine.

1. Nove sed non nova : la manière est nouvelle, mais non la matière. Citation que j’n’ai jamais pu recaser
correctement…
Depuis plusieurs années circule entre les murs du fort de Pyk une bien étrange rumeur : on raconte que le
roi Robert Baratheon, après avoir pris d’assaut la forteresse et mit fin aux prétentions d’indépendance de Balon
Greyjoy, autoproclamé roi des Iles de Fer, aurait donné à la sœur de ce dernier un fils. Un bâtard royal que la
pauvre femme savait condamné si jamais son frère venait à en apprendre l’existence. Elle aurait donc pris
certaines dispositions pour cacher sa grossesse et, une fois le garçon venu au monde, le confier à un jeune capitaine
marchand qu’elle avait connu et aimé autrefois, et venu prétendument sur l’île pour y vendre une cargaison
entière d’un des meilleurs vins de Dorne. Ni le seigneur Balon, trop occupé à pleurer la perte de tous ses fils dans sa
folle entreprise, ni le roi Robert, reparti depuis longtemps à Port-Réal pour gouverner, n’auraient jamais rien su de
l’existence de cet enfant. Une bien étrange rumeur comme je vous le disais.
De tous les mythes, légendes et autres fariboles occultes dont j’ai pu avoir connaissance au cours de mes
études, celle-ci est la seule dont je sois dans la capacité de vous affirmer la véracité, car cet enfant mystérieux, c’est
moi.
Je vois venir de très loin la question que vous brulez de me poser : ‘‘Comment un jeune garçon élevé par un
marchand dornien a-t-il bien pu finir pirate ?’’. Laissez-moi éclairer votre lanterne…
C’était une nuit sans lune, une nuit noire comme l’ébène. Le navire d’Areo Hotah, La Fiancée d’Azur,
naviguait prudemment en direction de Dorne pour y déposer son très précieux chargement. Voyez-vous, le
capitaine avait, par amour, accepté de prendre à bord le fils nouveau-né de son ancienne maîtresse fer-née. Il avait
convenu avec elle que la meilleure chose à faire serait de confier le jeune garçon à un viticulteur avec qui il avait
l’habitude de faire affaire, et dont la femme était stérile, sans bien entendu rien leur révéler du sang royal qui
coulait dans les veines de l’enfant. C’est ce qu’il projetait de faire. Mais le destin en avait décidé autrement.
Dans la nuit noire, l’équipage de La Fiancée fut dans l’incapacité de voir approcher le navire pirate du
célébrissime capitaine Barbe-Poivre-Et-Sel, qui semait à l’époque la terreur dans les eaux dorniennes. L’attaque fut
brève et efficace. Areo Hotah, dans une tentative désespérée pour sauver son navire et l’enfant, attaqua Barbe-PES
(car c’est ainsi qu’on surnommait le pirate) en personne, et lui trancha la main droite. Malheureusement pour lui,
Barbe-PES était gaucher, et cette erreur dans le choix de la main à couper fut fatale au capitaine marchand. Le
pirate, enragé d’avoir été mutilé de la sorte, ordonna que tous les prisonniers soient ligotés et jetés à l’eau. Quant au
navire, il avait été beaucoup trop endommagé pour être d’aucune utilité. Il fit récupérer les objets de valeurs se
trouvant à bord avant de le bruler, et c’est ainsi que lui fut amené le bébé.
La décision la plus simple aurait certainement été de réserver à l’enfant le même sort qu’au reste de
l’équipage de La Fiancée, mais soudainement pris d’un élan de compassion, Barbe-PES décida qu’il n’en ferait rien.
Au lieu de cela, il prit l’enfant sous son aile afin d’en faire un vrai pirate, et lui fit même l’insigne honneur de lui
donner le même prénom que lui : Kennit. Evidemment, la place d’un nouveau-né n’était certainement pas sur un
navire, et durant les dix premières années de sa vie, c’est la propre mère de Barbe-PES qui se chargea de
l’éducation du garçon. Mais le jour de son dixième anniversaire, Kennit pu enfin intégrer l’équipage du Vif-
Argent, le navire principal de la flotte de Barbe-PES.
Voilà comment un jeune garçon censé être élevé par un marchand dornien finit par devenir pirate.
Vous êtes certainement troublé que je parle de moi à la troisième personne ? M’enfin, je suis comme ça,
j’aime raconter des histoires de manière un peu pompeuse. Tempora Mori, Tempora Mundis Recorda : ça ne veut
rien dire, mais ça a vachement la classe !
La suite de ma biographie risque d’être bien moins passionnante, sans doute parce qu’à partie de
maintenant je m’exprimerai à la première personne…
Durant les dix années suivantes j’écumai les mers avec le Vif-Argent et son capitaine, pillant, buvant et …
lisant. J’avais de fait développé un goût très prononcé pour les livres, surtout ceux consacrés aux sciences occultes
ou aux mythes et légendes en tout genre. Petit à petit, je devins très callé sur ces sujets, me désintéressant d’à peu
près tout le reste. Je consacrai des heures à la lecture d’ouvrages tels que L’Histoire de la piraterie, de la Mère
Morte, ou L’Anthologie mythique des mythes, de Sam Eteigal. La vigie était le lieu rêvé pour cela, et c’est pour cette
raison que je fis en sorte que Barbe-PES, qui ne me refusait rien, me confie ce poste à très haute responsabilité.
Mais moi, plongé dans mes bouquins, je n’accordai que très peu d’importance à la tâche qui était
maintenant la mienne, si bien que trois semaines après avoir pris mes fonctions, je ne remarquai pas le navire de la
Compagnie des Indes qui prit en chasse le Vif-Argent. Nous ne nous en sortîmes que grâce au médecin de bord, qui
en allant satisfaire certains besoins naturels aperçu au loin la voile de la compagnie. La très grande réactivité de
l’équipage nous épargna un drame qui aurait sans nul doute mis un terme au règne de Barbe-PES sur ces mers.
De ce fait, cette mésaventure me valut les très sévères remontrances du capitaine. Ne supportant d’être
grondé de la sorte, je transgressai la Règle Première, celle que tout membre de l’équipage de Barbe-PES était dans
l’obligation de respecter par-dessus tout : ne jamais faire allusion à l’absence de main droite du capitaine. Et je vous
prie de croire que ce jour-là, je fis bien plus que d’y faire une simple allusion !
Je fus donc débarqué sur une île déserte non loin de là, de laquelle je m’échappai en utilisant la célèbre
technique des tortues, donc Jack Sparrow parle avec bien plus de brio que moi. J’arrivai dans le port le plus proche
où j’eus la très grande chance de tomber sur La Licorne des Mers, qui avait justement besoin d’une nouvelle vigie,
et c’est là que vous m’avez engagé.
A partir de là vous connaissez toute l’histoire mon capitaine. Malédiction, sauvages et tout ce qui va
avec…
Odi panem quid meliora. Ça n’veut rien dire, mais je trouve que ça boucle bien. Kennit de Pyk