Traduire se résumerait à passer d’une langue à l’autre ? Si tel était le cas, les traducteurs professionnels auraient depuis longtemps disparu au profit des outils de traduction automatique. C’est que la chose est bien plus subtile. Traduire, c’est comprendre, localiser, optimiser… Le point avec Jean Mandron, CEO de la filiale française de Telelingua, spécialiste de la traduction depuis 1985.
1. Focus entreprises
Informations Entreprise : Quels sont les
enjeux liés à la traduction aujourd’hui, à
l’ère de la globalisation des échanges et de
l’internationalisation des entreprises ?
Jean Mandron : Il ne s’agit pas uniquement de
transposeroudetraduireuntexted’unelangue
vers une autre. La principale problématique
pournosclientsestdetoucherlabonnecibleet
d’avoir une information qui ait de la valeur. Pour
ce faire, il nous faut avoir compris en amont le
message qu’il a besoin de faire passer. Savoir
quelle est l’audience visée. On ne parle pas
de la même façon, n’emploie pas les mêmes
termes, ne vulgarise pas de la même manière
selon la cible. 80% des ventes n’aboutissent pas
parce que les gens ne lisent pas l’information
dans leur langue. Ils achètent en effet moins
facilement dans une langue étrangère. La
traduction est donc essentielle à la croissance
d’une entreprise. Toute la difficulté est donc
de bien comprendre, transposer et localiser le
message de nos clients pour qu’ils touchent
leurspropresclientsdansleurmarchélocal.Plus
ilspartagerontd’informationssurleursobjectifs,
lastratégiedetelleoutellecommunication,plus
la justesse et la précision de la traduction seront
au rendez-vous. Le deuxième challenge, c’est
la réactivité. Il s’agit d’une problématique très
présente. Les outils que nous développons en
directouquil’ontétéparlemarchéainsiqueles
processus que nous optimisons constamment
nous permettent d’accélérer le rendu.
IE :Quelregardportez-voussurlessolutions
de traduction assistée, qui sont désormais
légion. Outils « prêts à traduire »? Aides
potentielles ? Concurrents ?
JM : Il faut bien distinguer trois types d’aides
à la traduction qui existent aujourd’hui: les
mémoires de traduction (une mémoire créée
et alimentée par un client et qui permet
d’enregistrer des segments traduits pour les
réutiliser), les glossaires (un glossaire permet
de sécuriser la terminologie d’un client, voire
d’un département), et finalement les moteurs
de traduction automatique (MT pour Machine
Translation). Or, cette dernière ne permet pas
de tout traduire ! Il faut bien différencier les
marchés. Pour les clients avec de gros volumes
se pose la question du coût. Globalement,
ils n’ont les moyens de faire traduire par des
professionnels que 40% de ce qu’ils voudraient,
recherchent donc une solution pour les 60%
restants. La traduction automatique en fait
partie, mais il y a plusieurs niveaux. Si vous avez
besoin de comprendre le texte d’un e-mail,
donc d’une traduction basique, alors vous
pouvez utiliser ces outils, qui vont vous donner
le sens de ce que vous voulez comprendre.
Si vous voulez traduire une documentation
juridique ou des documents médicaux (étude
clinique,protocoleopératoire)enrevanche,cela
ne va pas suffire. Tout dépend donc de ce que
les clients veulent derrière. Pour comprendre
grossièrement le sens d’un texte : pas de
problèmeàutiliserunetraductionautomatique.
Par contre, pour diffuser de l’information
pertinente, la traduction automatique ne
sera qu’une étape. Le traducteur pourra s’en
aider mais aura forcément un travail de post-
édition à effectuer pour peaufiner la traduction
et la rendre plus « naturelle ». La traduction
automatique dite «neuronale» tout comme
l’intelligence artificielle sont également des
outilsetsolutionsquisedéveloppentfortement
et seront des atouts pour aider nos clients à
produire plus de contenu.
IE : La traduction intervient souvent en
dernier dans un projet. À tort ?
JM : Pour beaucoup de sociétés, la traduction
n’arrive qu’à la fin d’un processus. Alors que si
vous intégrez la linguistique dans la réflexion
stratégique dès le départ, meilleures seront
les retombées. Prenons le cas d’un packaging
pour l’industrie cosmétique ou d’un logiciel,
ou d’une application mobile. En envisageant
d’emblée les langues, vous pourrez optimiser
la taille du packaging ou des écrans en
fonction du texte qui devra y figurer. Car en
allemand ou en portugais par exemple, les
phrases sont plus longues qu’en anglais. Si
vous n’avez pas anticipé cet aspect, vous allez
devoir opter pour un packaging (un écran
ou une documentation) plus grand ou alors
vous allez devoir faire intervenir des graphistes
pour refaire intégralement la mise en page,
ce qui in fine impactera votre budget et votre
délai. Intégrer l’intelligence linguistique dès le
début du processus, optimiser le processus de
traduction permet ainsi d’être plus efficace, de
réduire les coûts et d’accélérer la mise sur le
marché. C’est là tout l’intérêt de faire appel à
des professionnels qui peuvent optimiser les
processus de traduction et s’appuient sur des
experts métiers pour localiser. Il faut voir cela
non comme une dépense, mais comme un
investissement.
IE : Comment se porte le marché de la
traduction aujourd’hui ?
JM : Le marché mondial de la traduction pèse
environ 40 milliards d’euros, compte plus de
20 000 acteurs, dont 25% concentrent 10%
du chiffre d’affaires mondial. C’est un marché
en croissance constante de 6% environ, mais
atomisé, qui toutefois se consolide et se
professionnalise de plus en plus pour apporter
un service de meilleure qualité aux clients. Car
la communication explose, les contenus tout
autant, la gestion des données est primordiale
et la pertinence du contenu devient critique
pour diffuser le bon message aux utilisateurs
locaux. La localisation, c’est-à-dire la traduction,
est donc devenue un élément essentiel.
La traduction,
ce n’est pas
automatique
Traduire se résumerait à passer d’une langue à l’autre ? Si tel était le
cas, les traducteurs professionnels auraient depuis longtemps disparu
au profit des outils de traduction automatique. C’est que la chose est
bien plus subtile. Traduire, c’est comprendre, localiser, optimiser… Le
point avec Jean Mandron, CEO de la filiale française de Telelingua,
spécialiste de la traduction depuis 1985.
Jean Mandron
Bioexpress
JeanMandron
•2000 Entre dans le monde de la traduction en
développantlasociétéTRADWEB
•2003CréationdelafilialefrançaisedeCOGEN(spécialiste
del’automatisationdocumentairemultilingue)
•2003à2011OuverturedesentitésCOGENenAllemagne,
Suisse, Angleterre et aux États-Unis. Vainqueur du prix
TrendsGazelles2007pourlaplusfortecroissance
•2014 Rejoint le groupe Telelingua pour prendre la
direction de Telelingua France et de la société 4T. Fusion
desdeuxsociétésdès2015etcroissancede15%fin2015