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1
LE MILITANTISME RADICAL
BOULEVERSE-T-IL LES PRATIQUES SUR
LES RÉSEAUX SOCIAUX ?
Sous la direction d’Estelle Chauvey
Axel OLIVIER
SP – Marketing Digital et Réseaux Sociaux – 2016/2017
2
Remerciements
Je tiens à remercier Estelle Chauvey, ma directrice de mémoire, pour ses conseils et sa vision
originale du travail préparatoire ; Dorian Mauger, et tous les militants qui ont pris le temps
de répondre à mes questions ; Mes proches pour le soutien sans faille pendant les derniers
jours.
3
INTRODUCTION............................................................................................................................ 4
CHOIX DU SUJET ............................................................................................................................... 4
DEFINITIONS.................................................................................................................................... 6
LE MILITANTISME RADICAL..............................................................................................................................6
LES PRATIQUES SUR LES RESEAUX SOCIAUX ........................................................................................................6
UNE APPROCHE SENSIBLE ...............................................................................................................................7
I – LE MILITANTISME RADICAL SUR LES RESEAUX SOCIAUX : UNE REALITE ET DES PRATIQUES......... 9
A) LE CONTEXTE ACTUEL FAVORABLE AU SUJET POLITIQUE SUR LES RESEAUX................................................. 9
1 - LES EQUIPES DE CAMPAGNES ONT PRIS LA MESURE DE L'IMPORTANCE DES RESEAUX SOCIAUX ...............................9
2 - LES PARTIS EXTREMES COMME FER DE LANCE DE L'UTILISATION DES RESEAUX SOCIAUX ......................................11
3 – L’AGE D’OR DU FAUX..............................................................................................................................13
B) LE COMMUNAUTARISME DIGITAL COMME CIMENT DU MILITANTISME RADICAL SUR LES RESEAUX SOCIAUX..... 19
1 - LE PRINCIPE DE COMMUNAUTE SUR LES RESEAUX SOCIAUX EN POLITIQUE ........................................................19
2- DES CODES PROPRES A CHAQUE COMMUNAUTE...........................................................................................19
3 - UNE ORCHESTRATION DES COMMUNAUTES PAR LES EQUIPES DIGITALES DES PARTIS ?........................................23
C- ÉTAT DES LIEUX : L’ETOUFFEMENT DES RESEAUX SOCIAUX. .................................................................... 29
1 – L’OMNIPRESENCE DES SUJETS POLITIQUES..................................................................................................29
2 – LA SURREPRESENTATION DES DIALOGUES MILITANTS ...................................................................................31
3 – LA PLAINTE DES UTILISATEURS..................................................................................................................33
II – POURQUOI LA NOTION DE BOULEVERSEMENT DES PRATIQUES PEUT-ELLE ETRE ATTENUEE ? . 36
A) LA RIPOSTE CITOYENNE ET MEDIATIQUE ........................................................................................ 36
1- LA REVOLUTION CITOYENNE ..................................................................................................................36
2- LES MEDIAS EN POSITION DE DEFENSE.........................................................................................................39
3- FACEBOOK ET TWITTER, FORCES A REAGIR...............................................................................................42
B) LA QUESTION DE LA TEMPORALITE DU PHENOMENE.......................................................................... 44
1- LE CONTEXTE DES ELECTIONS, PAS SI EVIDENT ?........................................................................................44
2- LE CONSTAT POST-ELECTION..................................................................................................................46
3- L’URGENCE D’ANTICIPER LES PROCHAINES ELECTIONS ................................................................................47
C) PEUT-ON REELLEMENT PARLER DE BOULEVERSEMENT DES RESEAUX SOCIAUX ? ....................................... 49
1- LES RESEAUX SOCIAUX, AVANT TOUT UN ESPACE D’INTERACTIONS SOCIALES..................................................49
2 - LES NOUVELLES PRATIQUES RESULTENT PLUS D'UN CONTEXTE SOCIAL GENERAL QUE D'UN PHENOMENE PROPRE AUX
RESEAUX SOCIAUX.......................................................................................................................................50
3 - SI CE N’EST PAS UN BOULEVERSEMENT, QU’EST-CE ?....................................................................................50
CONCLUSION.............................................................................................................................. 52
ANNEXES.................................................................................................................................... 54
#1QUESTIONNAIRE......................................................................................................................... 54
#2 ENTRETIEN AVEC DORIAN MAUGER ................................................................................................ 57
#3 ENTRETIEN AVEC UN MILITANT LR .................................................................................................. 60
#4 ENTRETIEN AVEC UN MILITANT FI ................................................................................................... 62
#5 ENTRETIEN AVEC UNE MILITANTE UPR/FN....................................................................................... 65
#6 CHRONIQUE DU 21 MARS 2017 – LA VIE NUMERIQUE PAR XAVIER DE LA PORTE....................................... 66
#7 SOURCES.................................................................................................................................. 68
4
Introduction
Choix du sujet
Un mémoire, c’est le constat d’un instant, le questionnement d’un sujet pour un
temps donné. Pour ma part, il part d’une observation de tous les jours. La fin de l’année
2016 et le début de l’année 2017 ont été fortement marqués par la campagne de Donald
Trump, les primaires des deux partis politiques français principaux (Parti Socialiste et Les
Républicains) en vue de l’élection présidentielle ainsi que la course politique et les
différentes « affaires personnelles » des candidats à cette élection. Ces évènements
politiques ont fasciné et alimenté les débats parmi les équipes de campagne, les
observateurs et les militants.
L’un des enjeux dans la campagne électorale française de 2017 a été la bataille des
réseaux sociaux, ces derniers étant vus comme des relais d’opinion larges, notamment au
regard des chiffres. Les élections présidentielles de 2012 avaient d’ores et déjà boosté le
nombre de visites uniques1
à 27 millions pour Facebook et 5,6 millions pour Twitter.
Concernant Twitter, les chiffres avaient déjà doublé par rapport à l’année passée et ont
atteint leur apogée le soir du 6 mai 2012, jour de l’élection de François Hollande, avec 1,4
million de visiteurs uniques. Et pourtant, ces chiffres sont incomparables à ceux évoqués
pour l’année 20172
: plus de 40 millions de visiteurs uniques sur Facebook et 21 millions sur
Twitter, avec une hausse nette et significative par rapport aux derniers mois.
Une véritable bataille d’idéologies a eu lieu. Sur les hashtags, sous les articles, sous
les commentaires politiques, sous les questions de société, le débat politique s’est inséré
partout au fur et à mesure que le premier tour approchait. La politique a pris de plus en plus
d’espace sur les réseaux sociaux. Il était déjà possible de distinguer des stratégies ou des
1
Nombre de visiteurs uniques par mois / « Audience Internet Global en France en mai 2012 »
Médiamétrie
2
« Audience Internet Global en France en avril 2017 » Médiamétrie
5
méthodes de prise de parole différentes selon les partis soutenus. J’ai souhaité m’intéresser
à ces méthodes et stratégies afin de comprendre les actions et les raisonnements de chacun.
Au centre de ces batailles d’idéologies entre militants se trouvaient les utilisateurs
réguliers. Ceux-ci ont vu leurs modes de communication quotidiens saturés par les sujets
politiques. Affichant leur désolation pour l’espace qu’était devenu leur timeline Twitter ou
Facebook et la récupération politique du moindre sujet de discussion, ils ont cherché à
imposer leur place, ou tout du moins à préserver leur environnement digital.
La question était donc de déterminer si ces réseaux sociaux « grands publics »
n’allaient pas évoluer en marge de cette période électorale. Les chiffres d’utilisateurs qui
explosent, des batailles idéologiques ultra-présentes qui brouillent les flux quotidiens et qui
révoltent les utilisateurs réguliers, nous en arrivons à une problématique plus globale :
Le militantisme radical bouleverse-t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ?
Afin de traiter cette problématique, deux aspects doivent nécessairement être précisés. Les
contours de cette problématique doivent être affinés en s’attardant notamment sur la
signification des mots. L’approche de ce mémoire doit également être expliquée, en
détaillant la démarche et la méthodologie suivies pour étudier un sujet où l’opinion est reine
et, ainsi, compliquée à aborder.
6
Définitions
Le militantisme radical
Au début de mes recherches, je souhaitais faire pencher mon travail vers le militantisme
extrémiste, c’est-à-dire au profit de partis considérés comme extrêmes. Cependant, j’ai
rapidement été confronté au fait que les militants de partis plus traditionnels ou non
considérés comme « extrêmes » employaient eux aussi ces pratiques. Le terme radical3
serait plus adapté. Il faut ensuite délimiter ce qu’est un militant radical. Julien Boyadjian,
Maître de conférences à Sciences Po Lille et auteur de l’ouvrage « Analyser les opinions
politiques sur internet : enjeux théoriques et défis méthodologiques », répertorie 4 types
d’utilisateurs politiques des réseaux sociaux :
- Le militant traditionnel : Il est encarté, souvent élu local. Il partage essentiellement
des informations sur les évènements à venir ou sur les actions menées par son parti.
- Le militant supporter : Son profil est plus ou moins officiel (anonyme ou non
renseigné). Il communique ses goûts et son soutien pour son parti et surtout pour ses
idées. Il est également dans l’attaque des candidats, supporters et idées adverses. Il a
un rapport émotionnel voir passionnel avec la politique.
- Le « consommateur ostentatoire d’informations politiques » : Il partage des
informations qui l’ont interpellé. Il est sensible aux informations qui sont partagées
mais ne représente pas d’engagement à proprement parler pour un organisme
politique.
- L’internaute désintéressé, il ne regarde qu’en travers ce qui se dit et passe en
politique. Il ne s’y intéresse pas.
Les pratiques sur les réseaux sociaux
3
Se dit d'un genre d'action ou de moyen très énergique, très efficace, dont on use pour
combattre quelque chose. (Def. Larousse)
7
Par pratiques sur les réseaux sociaux, il faut entendre tout ce qui compose leur
fonctionnement, de leur mise à disposition par les compagnies à leur utilisation par les
internautes, en passant par les règles et codes mis en place sur ces sites.
Pour des raisons d’accès à l’information, Twitter a plus souvent été étudié que Facebook ou
d’autres réseaux sociaux. Twitter est un réseau très ouvert où il est possible de
communiquer très facilement avec des communautés diverses.
Une approche sensible
Eu égard à la sensibilité du thème de ce mémoire, chaque intervention devait être traitée
avec méthode afin de ne pas perturber les résultats. L’objectif était d’altérer le moins
possible les propos des sondés et, par suite, de ne pas modifier leur opinion.
Dans cette optique, il a fallu déterminer comment approcher des inconnus pour les faire
parler de leur comportement militant. La principale difficulté a été de trouver ces personnes
et surtout d’établir le contact. Facebook étant majoritairement un réseau fermé, un réseau
de communauté, il était compliqué d’agir dessus. En revanche, Twitter, qui représente
traditionnellement une parole plus publique, permettait d’interpeller plus facilement et
d’avoir accès à plus de posts d’expression militante. Les commentaires militants recueillis au
cours de ce mémoire ont donc tous été recueillis par des entretiens en messagerie directe.
La question de ma position est aussi importante pour savoir s’il y a subjectivité ou non. Je
tiens à préciser que je ne suis et n’ai jamais été lié à un organisme politique. Cette précision,
essentielle pour la justification de mes recherches auprès des militants, leur était faite dès la
première approche.
Nous verrons dans un premier temps la réalité des pratiques du militantisme radical sur les
réseaux sociaux, puis dans un second temps pourquoi il faut relativiser le phénomène
8
9
I – Le militantisme radical sur les réseaux sociaux : une
réalité et des pratiques
Pour comprendre pourquoi nous parlons actuellement de bouleversement, il est important
de revenir sur la réalité du militantisme radical durant la présidentielle
A) Le contexte actuel favorable au sujet politique sur les réseaux
1 - Les équipes de campagnes ont pris la mesure de l'importance des
réseaux sociaux
Les RS comme centre principal de communication des partis
L’année 2012 a été la première élection présidentielle française avec les réseaux sociaux en
toile de fond. L’enjeu était alors d’assurer une simple présence sur les réseaux sociaux. Ils
étaient utilisés comme un moyen de communication au même titre que la presse ou la
télévision. L’élection présidentielle de 2017 ont été sur ce plan d’une toute autre nature. Les
réseaux sociaux sont devenus un champ de bataille quotidien pour les partis politiques,
mêlant présence, force de frappe et but argumentaire.
Le contexte y était favorable. Les sondages étaient serrés, que ce soit pour les primaires des
deux partis politiques principaux ou pour l’élection en elle-même : 40% d’indécis à trois
semaines du premier tour. Les équipes de campagne ont vu en ce médium de
communication une façon d’atteindre une cible large, au-delà de leur communauté
convaincue et à moindre coût.
Dorian MAUGER a participé à la campagne d’Arnaud MONTEBOURG aux primaires du Parti
Socialiste et a dirigé la communication d’Elodie TRUONG, candidate aux élections législatives
dans les Deux-Sèvres. Il confirme que les réseaux sociaux occupaient une place importante
dans son travail quotidien : « J’ai travaillé à la mise en place d’une stratégie digitale de façon
globale : dans un premier temps en établissant un diagnostic de sa [Elodie Truong] présence
10
sur le web et de sa communauté, puis dans un second temps en mettant en place des
messages et des outils en fonction des objectifs et des cibles. »
L’élection de Donald Trump et le Brexit comme exemple
L’élection présidentielle française a également été fortement influencée par l’élection
surprise de Donald Trump en novembre 2016 et le vote en faveur du Brexit en juin 2016
Royaume-Uni. Ces deux évènements ont été un choc et leur analyse a prouvé que les
réseaux sociaux pouvaient se trouver à la base même de ce résultat, voire qu’ils étaient
prévisibles pour tout analyste.
La grande force de Donald Trump était sa force de frappe sur les réseaux sociaux. Déjà
connu en tant qu’animateur, il était populaire avant les primaires de son parti. Ses
déclarations chocs ont attiré l’attention sur lui et ses tweets sont devenus ultra-relayés. Au-
delà de sa présence sur Twitter comme atout, il a pu se reposer sur une communauté forte,
engagée et très organisée. Sur des forums ou des plateformes de partage, ses soutiens que
l’on pourrait répertorier comme des « militants supporters » ont lancé des campagnes et des
actions sur les réseaux sociaux visant à discréditer les démocrates et vanter la solution
Trump. Cette tendance a grandement inspiré la campagne présidentielle française.
Autre fait d’armes des réseaux sociaux au cours de ces évènements : un cabinet d’étude
statistique canadien a fait surface dans le chaos post-résultat. La société Filteris est
spécialisée dans l’étude des tendances sur les réseaux sociaux. Elle était la seule à annoncer
les deux évènements. Filteris proclame baser ses études sur le volume de messages postés
en faveur de tel ou tel vote, ou concernant une organisation ou une personne impliquée
dans un choix potentiel. Même si la méthode est à la fois floue et discutable, les résultats
ont été là et les partis français ont bien vu le message. Le parti Les Républicains a utilisé ces
études pendant toute sa campagne comme gage d’optimisme. François Fillon a été annoncé
au deuxième tour avec Marine Le Pen pendant toute la durée de la campagne, signe que les
méthodes restent à être améliorée. Les différentes affaires Fillon ayant sans doute faussé les
résultats.
11
2 - Les partis extrêmes comme fer de lance de l'utilisation des réseaux
sociaux
Les réseaux sociaux, terre historique de l’extrême droite
Le Front National est l’un des pionniers de la politique dans le domaine du web et des
nouvelles techniques de communication : du minitel à la radio, du premier site internet en
1996 à la première page Facebook en 2006. Le FN a toujours été à la pointe.
Cette expérience permet au FN de parfaitement connaître les codes du web. Dernièrement
Florian Phillipot faisait référence, dans une vidéo YouTube, aux codes du plus gros forum
français : le blabla 18-25 de jeuxvideo.com.
Désormais le FN s’appuie sur les réseaux sociaux pour prononcer des discours sans filtres
médiatiques, pousser à l’action militante et avoir la mainmise sur les discours de ses élus et
ainsi perpétuer leur stratégie de dédiabolisation.
Sur les RS, les voix les plus fortes sont celles des extrêmes
En septembre 2016, dans son émission « on n’est pas couché » Laurent Ruquier qualifiait le
réseau entier de Twitter de « fachosphère ». Si la citation a créé un tollé sur Twitter et
notamment auprès des twittos non politisés qui ne se reconnaissaient pas dans cette
description, elle est tout de même significative. D’autant plus qu’il n’est pas le seul
« people » à s’en être plaint. Michel Cymès, docteur et animateur TV a désactivé son compte
Twitter en le justifiant avec le texte ci-dessous :
12
On peut comprendre le sentiment de ces personnalités quand Nicolas Vanderbiest,
enseignant chercheur à l’Université de Louvain estime que Marine Le Pen a pu se baser sur
une communauté de plus de 45 000 compte actifs pour propager ses idées. Un chiffre
énorme si on le compare aux autres partis plus traditionnels.
L'anonymat, propice à libérer la parole extrémiste ?
Grâce à la prolifération des comptes militants, l’anonymat et la parole extrémiste se
développent. La question est de déterminer s’il s’agit ou non d’une coïncidence, notamment
du côté de l’extrême droite où les dérapages racistes sont réguliers. Une grande majorité
des comptes identifiés comme d’extrême droite et non élus communiquent sous anonymat,
jusqu’à Marine Le Pen qui dispose de son propre compte, qui n’est désormais plus
anonyme4
.
J’ai interrogé à ce sujet un compte très actif (1 tweet/5 min environ) sur des thématiques
d’extrême droite (Annexe #5). Ce compte possède 9 000 abonnés et affiche clairement son
vote pour François Asselineau au premier tour de l’élection présidentielle et en faveur de
Marine Le Pen au second tour. Son nom d’usage comprend aussi une référence à son
4
Son adresse mail personnelle a été reliée à un compte ayant pour pseudo eniram68, et
comme prénom Anne. Ce compte contient son prénom, sa date de naissance et son
deuxième prénom. Suspecté par Le Monde d’être son compte personnel en 2015, France
Info a établi des preuves en Juin 2017 sur la base d’un mail officiel envoyé par Marine Le Pen
avec l’adresse mail reliée à ce fameux compte Twitter. Elle a notamment utilisé ce compte
pour partager des infos du site extrémiste fdesouche.fr ou encore remettre en place des
journalistes ou des personnes n’ayant pas les mêmes opinions politiques.
13
opinion5
. Après avoir répondu avec des réponses construites et complètes sur plusieurs
questions, il a brutalement cessé de répondre à mes sollicitations lorsque le sujet de
l’anonymat a été abordé. On retrouve généralement plus de comptes militants anonymes
chez les « extrêmes », La France Insoumise, l’UPR et surtout le Front National en tête. Il est
même rare que l’extrême droite milite à visage découvert. Lorsque c’est le cas, ils rentrent
généralement dans la catégorie des militants traditionnels, ayant un rôle exécutif au sein du
parti.
L’une des raisons de cet anonymat est aussi judiciaire. Les poursuites à l’encontre
d’internautes tenant des propos racistes se sont multipliées, des noms ont même été
affichés dans la presse pour des commentaires jugés extrêmes sous des articles. Pour se
prémunir, dès les premières attaques, l’anonymat est devenu monnaie courante. D’autant
plus que depuis leurs débuts, Facebook et surtout Twitter sont catégoriques sur la
protection des données de leurs utilisateurs. Twitter a plusieurs fois tenu tête à la CIA en
refusant de donner les informations qu’ils détenaient sur leurs comptes afin de « préserver
la liberté d’expression ». Ainsi, anonymat et protection des réseaux permettent à bon
nombre de paroles extrêmes de se délier. Il est donc aisé de voir des illustrations
ouvertement racistes ou extrêmes circuler librement sur ces réseaux.
Cette image n’est pas un cas rare sur Twitter. On y
croise des montages en tout genre, la plupart du
temps assez grotesques (Image #2) et faisant des
raccourcis entre le passé et la vie actuelle.
Facebook et Twitter font régulièrement face à des
attaques verbales les accusant de participer à la propagation de ces informations.
3 – L’âge d’or du faux
5
Pour des raisons de confidentialité, je me suis engagé à ne pas divulguer de nom de
compte.
14
Le phénomène Fake News
Inconnu du grand public début 2016, c’est l’un des buzzword de l’année. Entré dans le
langage courant depuis les élections présidentielles américaines, les réseaux sociaux
francophones n’y ont pas échappé pendant les élections présidentielles françaises. The
Guardian a tenté à plusieurs reprises de définir le terme avant de donner cette définition en
avril dernier : « Les « fake news » (littéralement fausses nouvelles) représentent des
informations fictives délibérément fabriquées et présentées comme n’étant pas fictives avec
l'intention d'induire ses destinataires à traiter ces informations comme un fait ou à les faire
douter sur la réalité de l’information.6
».
Nous devons également distinguer une fake news d’une fausse information satirique, type
Le Gorafi ou Nordpresse. La différence réside dans l’objectif, le but affiché. Dans une fake
News, il y a un but idéologique, mais la frontière est ténue. La preuve en est lorsqu’avant le
second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron s’est rendu à Amiens pour
rencontrer les salariés de l’usine Whirlpool : plusieurs salariés ont interpelé le candidat sur le
fait qu’il ose leur serrer la main. Des salariés en parleront même face caméra sur BFM TV. La
visite a en fait été entachée par un vieil article du Gorafi, daté de Juillet 2016, où Emmanuel
Macron, alors ministre de l’économie, était cité en titre avec la phrase suivante : « Je ne suis
pas méprisant… mais c’est plus fort que moi, quand je serre la main d’un pauvre, je me sens
sale pour toute la journée. ». L’article avait alors été abondement relayé sur des groupes
Facebook et des sites d’extrême-droite. Ainsi un article satirique associé à une idéologie en
devient rapidement une fake news détournant certaines opinions.
Si certains rappellent que le phénomène de contre-vérité a presque toujours existé, nous
sommes en droit de nous interroger pourquoi elle explose aujourd’hui. Trois explications
peuvent être apportées : les sources, la consommation de l’information et le lectorat.
6 « Fake news means fictions deliberately fabricated and presented as non-fiction with the intent to
mislead recipients into treating fiction as fact or into doubting verifiable fact. » The Guardian,
« Defining fake news will help us expose it », mai 2017
15
Premièrement, la démocratisation d’Internet et sa facilité d’utilisation font que désormais
chacun peut créer son propre média sur internet. Certains en ont profité pour créer des sites
d’informations ayant pour objectif premier de jouer sur les émotions du lecteur afin de faire
passer une idéologie. Une fois encore, les extrêmes ont très vite su s’emparer de l’espace.
Les sites d’extrême droite ont fleuri. Dans mon enquête (Annexe #1), je me suis rendu
compte que les sites les plus connus pour proposer des contenus extrémistes étaient connus
du grand public. De nombreux sites tels que dreuz.info, Boulevard Voltaire ou fdesouche.fr
ont acquis une présence forte sur les réseaux sociaux. Boulevard Voltaire, média d’opinion
ouvertement anti-PMA, anti-mariage pour tous, et aux penchants islamophobes compte par
exemple 25 700 abonnés (dont François Fillon et Marine Le Pen) et est identifié par 16% des
sondés. Il existe une autre problématique derrière la source : qui se cache derrière. Nous
verrons que les politiques ne sont en réalité pas si éloignés de ces pratiques. Ce sont ces
sites aujourd’hui qui se posent comme des relais d’informations alors qu’ils possèdent une
idéologie forte. Ils ont vocation à communiquer avec leur communauté et éventuellement à
l’élargir. Ce sont des sources de fake news.
Deuxièmement, la consommation de l’information est en jeu dans le phénomène des Fake
News. Si 17% de la population déclare s’informer à partir des réseaux sociaux, ce chiffre
monte à 2/3 pour les 18-24 ans7. Il y a donc une partie importante de la population qui n’est
au courant de l’actualité, dont la politique, que par ce médium. Il s’agit donc d’un véritable
enjeu de présence. L'Université de Columbia, en collaboration avec le French National
Institute, publiait dans le Chicago Tribune une étude édifiante : 59% des liens partagés sur
les médias sociaux l’on été faits sans être lus. Ajouté à cela que 60% des liens apparaissant
dans la timeline ne sont pas cliqués. Ce qui signifie que ces personnes ont pu avoir accès à
7
Enquête Actu 24/7, Médiamétrie, février 2016
16
l’information délivrée par le titre mais n’ont pas cherché à en savoir plus. Cela pose une
question fondamentale relative à l’impact du titre d’un article auprès de l’opinion publique.
Si l’on ne peut estimer exactement cette influence, une étude pour GQ Italia et repris par
Médiapart rapporte que 70% des commentaires d’un article sont postés sans lire ledit
article. Cela induit que les réactions sont immédiates et ne cherchent pas forcément à
affiner leur raisonnement.
La conclusion de tout cela est que cette fabrique d’opinions a bien été comprise et
notamment par les extrêmes. A partir d’un titre ravageur et d’un nom de site d’informations
en apparence légitime, de fausses informations peuvent circuler à grande échelle et à
grande vitesse. Ainsi, au travers du sondage que j’ai mené auprès d’internautes, j’ai constaté
la réalité du phénomène : seulement 15% des internautes pensent n’avoir jamais eu affaire à
des fake news alors que 92% des sondés connaissaient le terme auparavant.
Les fake news ont tellement envahi le terrain politique que de nombreux candidats ont
décidé de répliquer sur leur site en répondant dans des rubriques spécifiques à ces Fake
News. Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et
même Jacques Cheminade ont eu recours à ce procédé.
17
L’astroturfing en politique
Une autre notion, tout aussi complexe mais moins répandue que celle de « Fake News », est
l’astroturfing. Ce terme vient des Etats-Unis et du faux gazon très réaliste de la marque
astroturf. L’astroturfing est une méthode de communication qui consiste à simuler une
action commune dans le but de manifester contre une cause donnée. Pour être plus clair,
cela permet de donner l’impression d’être beaucoup à défendre une cause afin d’avoir plus
de poids. L’astroturfing s’est exprimé par trois méthodes différentes durant la campagne
présidentielle française.
Tout d’abord, il s’est exprimé au travers de la présence massive de messages militants sur
tous les contenus relatifs à la société ou à la politique. Certains partis ont inondé les réseaux
sociaux de messages militants, s’assurant une présence bien plus élevée que ce qu’elle
représente en réalité. L’exemple le plus marquant est celui de l’UPR, énormément présent
pendant toute la campagne sur les réseaux sociaux et notamment sur leurs thématiques
fortes (Europe et euro). Les militants UPR sont devenus un meme8
pendant la course à la
présidence. La phrase « Connaissez-vous l’UPR ? » et le rapprochement avec des témoins de
Jéhovah sont devenus cultes sur le web français. Pourtant, et c’est le symbole de cette
forme d’astroturfing, l’UPR n’a représenté que 0,8% des voix au premier tour de l’élection
présidentielle, s’attirant ainsi les moqueries des autres utilisateurs suite à l’annonce des
résultats.
Deuxième exemple de l’astroturfing, les sondages et les « j’aime » de commentaires, qui
constituent une véritable bataille au sein des réseaux sociaux. Ce phénomène concerne la
quasi-totalité des partis politiques français. Pour le compte de Jean-Luc Mélenchon,
Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen, François Asselineau, il existe des
exemples très clairs :
- Des sondages sont créés sur des sites d’informations ou sur Twitter, les militants se
mobilisent pour que le résultat soit en faveur de leur protégé.
8
Élément ou un phénomène repris et décliné en masse sur Internet
18
- Une information importante sort sur les sites d’informations sur les réseaux sociaux,
un message militant soutenant le parti sort immédiatement du lot des commentaires
et tout est fait pour qu’il soit le premier commentaire.
Telles sont les actions d’astroturfing qu’ont pratiqué ces partis pendant la campagne.
Enfin, la dernière pratique d’astroturfing est la falsification de compte. Deux exemples ont
été relevés par Réputatio Lab. Tout d’abord, le cas d’un utilisateur de Twitter qui s’est
acheté des followers en grande quantité (il a atteint 110 000 followers) afin de donner plus
de visibilité à son contenu pro-FN. L’autre exemple a consisté à créer de faux comptes pro-
Macron (explicitement nommés Macron2017) sur Twitter et de les faire changer d’avis en
cours de route pour Marine Le Pen. Le fait d’avoir créé plusieurs comptes de cette manière
de façon à porter préjudice à Emmanuel Macron est une forme d’astroturfing.
Désormais nous devons réfléchir sur le sens de la communauté. En effet, nous avons vu que
plusieurs communautés se sont créées et ont agi ensemble, ce qui interroge sur la possibilité
que le principe de communauté favoriserait le militantisme radical sur les réseaux sociaux.
L’objectif final de l’astroturfing est le « bandwagon effect », littéralement « l’effet du wagon
orchestre ». L’objectif est d’influencer une opinion en créant un effet de groupe.
19
B) Le communautarisme digital comme ciment du militantisme radical sur
les réseaux sociaux
1 - Le principe de communauté sur les réseaux sociaux en politique
Fachosphère et patriosphère sont deux termes, devenus légion sur le web, qui traduisent un
problème plus profond. Il faut tout d’abord définir ces mots. Fachosphère désigne
l’ensemble des internautes portant une opinion à caractère fasciste, quand patriosphère
traiterait d’une opinion centrée sur la France en prônant des valeurs historiques.
L’intérêt de l’utilisation de ces termes n’est pas la réunion des pensées sous un nom précis
mais l’utilisation du mot « sphère ». A première vue, cela représente la bulle dans laquelle se
tiennent ces utilisateurs. Une autre hypothèse peut être envisagée. Eli Pariser, entrepreneur
américain et militant du web a proposé une théorie lors d’une conférence TedX : « la bulle
de filtre ». Le principe est qu’aujourd’hui, tous les contenus auxquels les utilisateurs de
réseaux sociaux ont accès sont générés autour de ce qu’ils aiment ou consultent. Cela
concerne les moteurs de recherche autant que les réseaux sociaux. Le problème est que cela
génère des filtres à la réalité puisque l’utilisateur n’est confronté qu’à un seul point de vue.
Eli Pariser résume cela : « Vous vous endoctrinez vous-même avec vos propres opinions. Vous
ne réalisez pas que ce que vous voyez n’est qu’une partie du tableau. Et cela a des
conséquences sur la démocratie : pour être un bon citoyen, il faut que vous puissiez vous
mettre à la place des autres et avoir une vision d’ensemble. Si tout ce que vous voyez
s’enracine dans votre propre identité, cela devient difficile, voire impossible. » Les bulles de
filtres sont donc l’une des grandes bases du communautarisme sur les réseaux sociaux.
Le problème de ce postulat est que ce système va à l’encontre de ce que veulent être les
réseaux sociaux, à savoir une ouverture aux autres. Cela enferme les idées dans des sphères,
des bulles, et celles-ci rencontrent souvent des frictions avec d’autres bulles qu’elles ne
comprennent pas.
2- Des codes propres à chaque communauté
20
Les signes distinctifs
A force d’être catégorisé ou de se catégoriser, une partie importante de militants de tous
bords arborent fièrement à côté de leur nom des signes distinctifs ou des hashtags
permettant d’identifier leur opinion au premier coup d’œil. La France insoumise arbore la
lettre Phi et le rameau d’olivier, deux symboles forts de la campagne de Jean-Luc
Mélenchon. Le Front National et plus généralement la patriosphère porte très facilement le
drapeau français dans son nom. Du côté de l’UPR, on glisse #frexit au sein de son pseudo.
Pour les autres, ce sont essentiellement les hashtags de campagne type #Hamon2017. Nous
verrons plus tard que d’autres éléments ont été mis à disposition des militants pour se
distinguer.
Un militant Les Républicains a ainsi confié (Annexe #3) que le #Fillon2017 dans les
informations du profil des autres utilisateurs lui permettait de voir qui d'autre soutenait
François Fillon et ainsi d'échanger plus facilement avec d'autres militants.
Une réelle organisation au sein des communautés
Chaque communauté a su mettre en place une forme d’organisation dans le but d’agir sur
les réseaux sociaux.
Concernant l’UPR, le parti est quasiment né sur Internet. Comptant 700 adhérents il y a six
ans pour plus de 16 000 aujourd’hui, la stratégie de présence globale porte ses fruits. Cette
stratégie s’articule notamment autour d’affichage massif dans les grandes villes, de mailings
permanents aux rédactions et d’une présence sur les sujets phares de leur programme que
sont l’Europe et la monnaie.
Au cours de mes recherches auprès de militants, j’ai cherché à interpeller ces derniers sur
l’existence de l’UPR. Une adhérente/militante UPR a ainsi répondu que « les français parlent
d’Asselineau sur les réseaux sociaux pour partager ses multiples
conférences/analyses/interviews... ». Face à l’expression « les français », je lui ai demandé
s’il existait bien une communauté forte à l’UPR. « Il y a une communauté d'adhérents très
actifs, ne serait-ce que pour les 600 000 affiches collées partout et sur les réseaux sociaux. Je
21
suis entrée dans une conversation privée sur Twitter sans l’avoir voulu et ils n'arrêtent pas de
parler, de réfléchir, de se passer des informations. »
Du côté de la France Insoumise, l’objectif n’est pas la notoriété mais la persuasion. La
stratégie majeure des militants FI a été de pointer un point du programme de Jean-Luc
Mélenchon face à chaque problème de société mis en lumière. Dans le cadre de mes
recherches, j’ai interrogé un militant FI sur ce point (Annexe #4). « C'est une méthode qui a
fonctionné car nous n’arrivons pas avec force et fracas, un vocabulaire grossier et je pense
[que] nous avons cette capacité à débattre et à défendre correctement nos idées. La France
Insoumise est un mouvement qui se suffit à lui-même, c'est un mouvement de gens de tous
bords qui se rencontrent autour d'un projet, qui ne sont pas sectaires, et je pense que ça ne
peut qu'être bénéfique pour le débat public. » Ce qui est inédit avec la stratégie de la France
Insoumise est qu’une grosse partie de la communication (notamment numérique) de la
campagne est issue de la communauté elle-même. Basés sur des forums ou des plateformes
(Discord), des communautés et des talents se sont rejoints pour créer des opérations et
déterminer des stratégies à mener ensemble. Il s’agit de la communauté qui semble la plus
organisée. C’est que souligne un militant interrogé : « La plateforme jlm2017 a permis la
création de milliers de groupes d'appui, ça a permis à des gens de se rencontrer, d'échanger.
Et aussi, les différents groupes sur Facebook également, il existe même des groupes de
design pour des photos et des affiches. Tous les talents ont été mis en commun. On le voit par
exemple avec la création de Fiscal Kombat9
. C'est nous en fin de compte qui faisons la
communication de la campagne avec les réseaux sociaux. Nous ne recevons aucune consigne
et faisons place à nos talents et à notre originalité. Ma pp (photo de profil, ndlr) a été faite
par un militant, qui a apposé son phi. »
Les Républicains sont aussi une communauté très organisée. Outre la reconnaissance par les
signes disctinctifs, un militant LR, très impliqué dans la campagne a ainsi confié lors de notre
échange : « En général pour les échanges, on utilise des groupes où on peut discuter plus
facilement, on se donne des infos. Il y a beaucoup de groupes, je suis présent dans trois. Ça
9
Jeu vidéo sur la base du jeu « Mortal Kombat », mettant en scène Jean-Luc Mélenchon se
battant avec ses idées contre des adversaires politiques et idéaux.
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permet aussi de se retweeter pour que nos messages soient plus vus. On s'échange aussi des
articles où l'on peut voter, sur les sondages, les tweets qui critiquent Fillon, diffusent de
fausses informations. Ensuite, chacun décide de répondre ou pas. Et ça permet de se
connaître, puisqu'on n'habite pas nécessairement à côté. Si mon soutien peut convaincre
d'autres personnes, j'en serai ravi, mais c'est difficile à estimer. » Nous verrons tout à l’heure
que l’organisation des Républicains est encore plus poussée.
« En Marche ! » a en revanche été plus ou moins contraint de s’organiser rapidement pour
contrer les attaques des autres partis. Face à celles-ci, les militants ont créé la « team love ».
Il s’agit d’un rassemblement sur l’application de messagerie Telegram afin de gagner en
poids sur les réseaux sociaux. Les résultats n’ont pas toujours été au rendez-vous malgré des
pratiques claires d’astroturfing.
Concernant le Parti Socialiste et Benoît Hamon, il est en revanche difficile de trouver une
information sur la mobilisation des militants. Celle-ci n’a été que très peu visible pendant la
campagne et les seuls articles qui existent sur la présence numérique du candidat montrent
à quel point il a été absent. Il est donc difficile, même auprès des militants, de dénicher des
informations.
Quant au Front National, il s’agit d’un parti donc l’activité numérique mériterait à elle-seule
un mémoire entier.
Tout d’abord, il faut distinguer le militantisme patriote, ou d’extrême-droite, du militantisme
FN. Un militant prônant la résistance française et étant présent à la base des actions
militantes d’extrême-droite a déclaré à Buzzfeed : « Disons qu'on lance des tweets, des
hashtags, des mèmes qui sont repris par notre base de plusieurs centaines de personnes, puis
qui inondent le camp pro-FN sur Twitter. Eux-mêmes les réutilisent mais de leur propre
initiative. […] Certains d'entre nous sommes sur des DM collectifs (sur Twitter) pour se
retweeter, mais il n'y a pas une base centrale où les pros-FN complotent pour faire monter
des tweets », ajoute-t-il. En réalité, la stratégie est plus complexe. Outre les forums
comprenant de fortes parties pro-fn : jeuxvidéo.com, 4chan.org ou autres, il existe comme
pour la France Insoumise un Discord (nom de la plateforme) pour organiser des actions sur
les réseaux sociaux. Nicolas Vanderbiest l’expliquait sur France Culture le 24 février dernier :
23
« La fachosphère ou la patriosphère convient d’un jour et d’une heure précise, généralement
le mardi ou jeudi, à 18 h. Une fois l’heure venue, ils s’activent à environ 1800 personnes pour
tweeter un mot-clef défini au préalable, le tout piloté sur la plateforme "Discord". Objectif :
atteindre les tendances Twitter pour obtenir la visibilité qui l’accompagne. »
En revanche, la question demeure dans le fait de savoir si les équipes de campagnes jouent
ou non un rôle direct dans l’organisation militante sur les réseaux sociaux.
3 - Une orchestration des communautés par les équipes digitales des
partis ?
L’élection présidentielle de 2017 a consacré le règne de l’omniprésence sur les réseaux
sociaux. Les équipes de campagne ont toutes cherché à être présentes sur toutes les
plateformes, sur tous les formats et sur tous les fronts. Rien ne devait être laissé au hasard.
Les militants ont été poussés, coachés et aiguillés jusqu’à ne leur laisser que l’action de
publication. Les équipes ont mis à disposition des militants un véritable arsenal de
promotion, voire de « propagande » selon les termes mêmes de certains partis. Une
nouvelle pratique a émergé par la création de contenu divertissant sous « marque blanche ».
Un coaching direct auprès des militants.
Nous avons précédemment parlé de l’importance des organisations militantes et des
plateformes de type Discord ou Telegram, mais celle-ci doit beaucoup à la tutelle des
équipes de campagne. Si l’on reprend les six partis étudiés, nous observons des différences
nettement plus marquées.
L’UPR communique en affirmant que les équipes de campagne ne font qu’inciter les
militants à prendre la parole sur le web. Cependant, dans le Journal du Dimanche du 9 mars
2017, l’un des membres du parti a concédé avoir eu recours aux chaînes de mails et aux
appels à commenter ou à voter sur les médias en ligne : « Cela a dû nous arriver, mais on ne
l'a jamais beaucoup fait... ». Ce même membre a avoué dans la foulée : « L'honnêteté
intellectuelle m'oblige à dire qu'on l'a fait, moi aussi ça m'est arrivé. » Les techniques de
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l’UPR ne sont cependant pas autant développées que celles des autres partis, mais les
hautes sphères du parti reconnaissent ainsi que le cyber-militantisme est encouragé.
Concernant la France Insoumise, il est plus difficile d’observer la présence des équipes de
campagne dans la mesure où la communauté tient une place très forte, d’autant plus
qu’affirmer que toute la communication de Jean-Luc Mélenchon provient de ces internautes
fait partie du storytelling de la campagne. Cependant, le fait même d’intégrer les réseaux
sociaux dans le processus de la campagne fait partie de la stratégie des équipes de la France
Insoumise. En effet, de nombreux outils ont été mis en place pour s’assurer du bon
fonctionnement de cette stratégie : une plateforme de cohésion d’actions, un site pour
détailler comment parler et débattre des idées de Jean-Luc Mélenchon, sans parler de la
stratégie de présence sur les réseaux sociaux et notamment YouTube, dont Jean-Luc
Mélenchon affirme y avoir la plus forte communauté politique de France. Si la présence des
équipes est volontairement en retrait, nul doute que cela fait partie de leur stratégie.
Du côté des Républicains, un contrôle très fort de l’action militante sur le web a été mis en
place par les équipes de François Fillon. Le militant LR dont il était question précédemment a
résumé comment sa parole de militant a été influencée par les équipes de campagne. A
propos de son quotidien de militant, il a ainsi
confié : « Je regarde ce qui est mis dans
l'application Fillon 2017 mais ne poste pas tous les
messages, il y en a parfois 6-7 alors j'en prends un
ou deux. Pour la newsletter, je reçois celle de mon
Comité et les mails de Fillon. Sur l'équipe de
campagne, on reçoit parfois des mails de visuels à
utiliser, pour les débats en général ou quand il est
invité à un JT. On a aussi un fil sur Telegram où on
reçoit régulièrement des visuels à diffuser sur le
programme et des articles à partager. On a aussi
des visuels pendant ses discours de meetings. » Le
nombre d’interventions de l’équipe de campagne
est colossal comparé à celui de la France
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Insoumise. Sur les organismes officiels de communication de François Fillon, ce contrôle est
pleinement assumé. L’ensemble des moyens cyber-militants sont rassemblés sous le nom
« e-force ». Symbole de l’importance donnée à ce mouvement, sur le site officiel de la
campagne de François Fillon, E-force est la première catégorie présentée. On y incite à
télécharger l’application mobile de la campagne pour pouvoir militer en ligne en temps réel.
Il est aussi possible de laisser son adresse mail pour recevoir le même type de contenu. En
définitive, cela conduit par exemple à un contenu de ce type :
Il s’agit d’un mail avec une dizaine de verbatim de François Fillon et de liens cliquables pour
les partager. Nous verrons plus tard qu’il ne s’agit que d’une des stratégies mises en place
par l’équipe de campagne de François Fillon.
Concernant « En Marche ! », nous avons précédemment évoqué d’un Telegram militant. Il
s’agît d’un outil conçu pour les militants et non conçu par les militants. Tous les « salons » de
débats entre militants sont coordonnés par au minimum un employé d’En Marche. Il y a une
volonté de garder la mainmise sur les avancées. De plus, un système aux visées équivalentes
de la E-force des Républicains a été mis en place. Il s’agit d’un site web à l’URL régulièrement
changeante permettant d’avoir accès plus simplement aux contenus à partager et à faire
prospérer. La différence avec les équipes de François Fillon est que cette position n’est pas
clairement assumée, comme le montre la difficulté d’accès au fameux site. La
communication est ultra-contrôlée et a perduré à l’Elysée, comme en atteste la
communication officielle du Président de la République.
Quant au Parti Socialiste, nous ne disposons pas d’informations précises. Cependant, la
position sur l’importance des contacts auprès des militants est importante. Dorian Mauger,
qui a mené la campagne du Parti Socialiste aux législatives dans une circonscription des
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Deux-Sèvres le confirme. Selon lui, les bases de données en ligne des militants sont « le nerf
de la guerre », même si « la communication digitale à l’échelle locale ne représente que
20% » de la communication totale. Pouvoir compter sur un appui militant en ligne est donc
très important.
Enfin, nous en arrivons au Front National. Le Front National joue double jeu en incitant à la
mobilisation sur les réseaux sociaux tout en prenant ses distances afin d’éviter toute
retombée suite à un discours haineux ou injurieux. Le Front National s’appuie de façon
évidente sur la culture et la connaissance historique des codes d’Internet par l’extrême
droite pour propager ses idées face aux médias que le parti critique en permanence. Le
problème est que cette propagation engendre très facilement des débordements. Or le FN
est depuis quelques années dans une logique de dédiabolisation. La solution trouvée a été
de se désolidariser officiellement de la fachosphère et de la patriosphère, qui amène
potentiellement le plus de problèmes, et de maintenir de nombreuses règles d’utilisation
des réseaux sociaux pour les élus locaux. Néanmoins, il n’est pas aisé de contrer la
dynamique créée par les « sphères ». Tout d’abord, des membres de ces sphères ont créés
un Discord nommé « la Taverne du patriote ». Ce Discord propose de nombreuses pistes de
réflexions pour mettre en place des raids sur les réseaux sociaux et de grandes opérations
contre les adversaires politiques. Le lien entre le Front National et ces « sphères » est établi
quand des dirigeants FN eux-mêmes partagent des contenus générés sur ce medium. Autre
lien entre dirigeants FN et actions militantes : les dirigeants n’hésitent pas eux-mêmes à
publier des fake news, montrant la voie aux militants. A la suite du débat du premier tour de
l’élection présidentielle, Wallerand de Saint Just, figure notable du FN a publié un faux
sondage prétendument sorti du Figaro et prouvant que Marine Le Pen avait le plus
convaincu. Le Figaro contestant l’origine des graphiques, l’élu FN a mis en cause le média.
Par ailleurs, Florian Phillipot a rendu hommage à cette communauté de cyber-militants dans
l’une de ses vidéos YouTube en intégrant en grande quantité des codes propres au forum
dont ils étaient issus (jeuxvideo.com).
Une aide à l’identification
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Les équipes de campagne ayant besoin de ces communautés, il leur appartient aussi de faire
en sorte qu’elles existent et subsistent. A ce sujet, la totalité des équipes de campagnes se
sont mises sur les mêmes longueurs d’ondes. Le principe consiste à mettre à disposition des
« kits de campagne » permettant de s’identifier et de revendiquer son appartenance à sa
communauté.
Benoît Hamon, Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélechon,
François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan ont mis à disposition des kits militants pour
afficher, sur les photos de profil et les bannières de Facebook et Twitter, l’appartenance et
l’adhésion à ces idées. Ils ont également mis à disposition des visuels de soutien, de
promesses de campagnes, etc. Marine Le Pen est allée le plus loin dans le processus en
proposant des visuels adaptés à chaque corporation et à chaque idée partagée. Cette
stratégie a eu pour conséquence de voir ces visuels envahir les photos de profil sur les
réseaux et notamment sur Twitter.
Quand les équipes de campagne transmettent des opinions en se cachant
Il semble que, pour la première fois au cours d’une élection présidentielle française, des
partis politiques ont créé du contenu engageant en cachant leurs véritables intérêts, en
d’autres termes du brand content de la politique.
Premier exemple, ces derniers mois un concept a fait le buzz sur Twitter puis sur Facebook :
Malaise TV. Le principe consiste à publier des situations de malaise pour que le spectateur se
sente terriblement gêné de la situation. Reprenant ce principe exclusivement en politique,
un compte Twitter/Facebook/YouTube a été créé et a rapidement fait le buzz : Ridicule TV.
Chaque post engage des milliers d’internautes qui partagent en masse. Le compte enchaîne
les maladresses d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Hollande… mais jamais
François Fillon. Interpellé par cette anomalie, Buzzfeed a mené son enquête et découvert
que l’adresse ayant servi à la création du compte provenait de l’équipe de campagne de
François Fillon. Ces derniers se sont justifiés en disant qu’ils n’avaient fait qu’aider des
militants qui souhaitaient monter ce projet. Toujours est-il que le compte a continué à se
développer, accumulant plus de 12 600 abonnés et allant jusqu’à être cité par TF1, CNN et El
28
Mundo. Au travers du sondage réalisé pour les besoins de ce mémoire, il apparait que 47%
des internautes reconnaissent avoir déjà fait face à une vidéo de Ridicule TV.
Un autre exemple concerne les reportages de Vincent Lapierre sur ERTV. Il s’agit d’un
animateur qui pose des questions plus ou moins complexes à des militants sur un sujet
donné. L’objectif sous-jacent est de les mettre en défaut. Le problème est que, dans ce cas
également, le traitement n’est pas égal. Cette différence de traitement s’est notamment
observée au cours de l’entre-deux tours. Les militants d’Emmanuel Macron ont
systématiquement été décrédibilisés et Marine Le Pen a au contraire été « dédiabolisée ».
Cela s’explique par le fait que la production et la diffusion de ces vidéos est effectuée par
ERTV, Egalité et Réconciliation TV, un média créé par Alain Soral avec un fort soutien de
Dieudonné. Ces deux personnalités sont connues pour leurs idées bien ancrées à l’extrême-
droite, validées par une candidature conjointe aux élections européennes de 2009 sous les
couleurs frontistes. Si le rapport est moins direct avec l’équipe de campagne que Ridicule TV,
la question d’un contenu viral à vocation idéologique est au moins aussi dangereuse que les
fake news.
Nous pouvons parler ici de dangerosité dans la mesure où les idéologies de ces partis sont
transmises par des personnes agissant sous marque blanche, sans se dévoiler. Pour preuve,
91% des sondés dans le cadre de ce mémoire ne savaient pas ce que représentaient ces
deux médias ni sous quelles idéologies ils agissaient. Sachant que certaines vidéos ont
atteint plus de 5 millions de vues, la question de la moralité mérite d’être posée dans la
mesure où l’électorat peut se sentir trompé, voire manipulé.
29
C- État des lieux : l’étouffement des réseaux sociaux.
Nous avons étudié jusqu’ici une multitude de pratiques, de détails et d’implications dans les
actions politiques. C’est dans ce contexte d’un foisonnement de pratiques politiques
numériques diverses qu’intervient notre problématique, celle du bouleversement des
pratiques sur les réseaux sociaux par le militantisme radical. Ce foisonnement apparait
comme désordonné eu égard au nombre de pratiques recensées et peut donner aux
utilisateurs lambda une certaine impression de cafouillage. En plus du présentéisme accru
des militants, les internautes observateurs commentent eux aussi les post, ce qui a pour
conséquence de se retrouver face à un flux politique plus qu’important sur les réseaux
sociaux. Pour émerger de ces flux, les équipes de campagnes et les militants ont rivalisé
d’ingéniosité, quitte à employer des méthodes pouvant être considérées comme
moralement condamnables. Toutes ces pratiques ont conduit à une saturation des sujets
politiques et des messages militants, et par conséquent à un certain ras-le-bol de la part des
utilisateurs lambda.
1 – L’omniprésence des sujets politiques
Un contexte largement favorable
La période d’étude est très importante pour déterminer s’il y a ou non bouleversement des
pratiques sur les réseaux sociaux dû au militantisme radical. Si les premières constatations
ont été effectuées il y a déjà longtemps, tout s’est accéléré ces derniers mois à l’approche de
l’élection présidentielle. Cette échéance aurait pu créer à elle-seule une effervescence
politique sur les réseaux sociaux, mais elle a été accentuée par de nombreux tournants qui
ont agité les réseaux sociaux : (dans le désordre)
• Election de Donald Trump
• Brexit
• Non-candidature de François Hollande
• Primaire à droite & surprise de la désignation de François Fillon
• Primaire à gauche & surprise de la désignation de Benoit Hamon
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• Montée d’Emmanuel Macron
• Nouveau/elle président/e alors que l’on semblait se diriger vers un retour de François
Hollande ou Nicolas Sarkozy
• Multiples affaires et retournements de situation chez François Fillon et Marine Le
Pen
• Des débats « nouvelle formule »
• Les traditionnelles petites affaires et petites phrases
• Etc.
Autant de sujets à opinion qui ont enflammé la toile pendant plus de sept mois. Les
réactions classiques, qui auraient généré en temps normal énormément d’interactions en
lien avec la politique, ont été poussées à leur paroxysme grâce à la stratégie de
l’omniprésence voulue par les équipes de campagnes.
Des pratiques pour être omniprésent sur les réseaux sociaux
Plusieurs pratiques vont être mises en place pour que les
arguments politiques viennent plus facilement aux yeux des
électeurs.
La première est l’utilisation massive de hashtags similaires.
L’objectif ultime : les trending topics (#TT). Ce sont les sujets
tendances. Nous l’avons expliqué précédemment, ces
méthodes peuvent être décriées mais la récompense est une
visibilité sur Twitter voire en relais média. C’est l’un des
symboles de l’emprise qu’a eu la politique ces derniers mois sur
Twitter. En permanence, deux à trois des dix sujets les plus
commentés étaient politiques.
La seconde est l’utilisation de bots. Présents sous différentes
formes : achats de followers, publication d’un même message, engagement, etc. Ils
permettent d’occuper le terrain, de gagner en visibilité et de donner une impression forte
sur l’opinion ou la personne qui soutient le candidat concerné. Au cours de la présidentielle,
seuls Marine Le Pen et François Fillon ont été mis sur le devant de la scène pour cette
31
pratique. Marine Le Pen s’est vue reprocher les faits précédemment expliqués, à savoir
organiser des raids numériques pour arriver en TT ou pour avoir un message plus facilement
visible sur des sujets de société. Du côté de François Fillon, l’intention était de marquer un
soutien fort dans la crise qu’il traversait du fait des affaires. A noter, l’équipe de François
Fillon n’a pas créé de bot mais a eu recours à des plateformes de mini-services où chaque
personne partageant le tweet ou le post obtient quelques centimes d’euro.
Enfin, la dernière pratique était la surutilisation de visuels. Nous avons observé ce
phénomène chez tous les partis qui, pour plus de visibilité, ont privilégié les visuels. Durant
les discours, pour appuyer une idée, pour soutenir une cause ou le candidat lui-même,
l’utilisation de visuels permettait d’attirer l’œil et de se distinguer. Nous pouvons ici parler
d’omniprésence dans la mesure où tous ces contenus s’additionnaient, se disputant la
faveur des yeux des internautes.
2 – La surreprésentation des dialogues militants
Des débats présents quel que soit le sujet
A l’instar des sujets politiques qui investissent les trending topics, les argumentaires et les
débats militants s’incrustent dans n’importe quel sujet public ou post de candidat. Le
problème, c’est que ce cela n’est que très rarement constructif. L’objectif est uniquement de
faire gagner de la visibilité à leur message politique.
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Une présence sur tous les types d’articles ou de commentaires
Etre présent sous chaque article publié sur Facebook
ou Twitter a semble-t-il été une volonté des militants
de la France Insoumise. Il s’agissait de mettre en
valeur un point du programme dans un commentaire
sous un article qui ne parle pas de politique. Le
principe est simple : dégager la thématique de
l’article, trouver une solution ou une idée en lien
avec l’article, poster et faire aimer le message entre
militants. La tactique a été répétée à de multiples
reprises, suscitant des réactions lassées des
internautes. On observe le même genre de schéma
lorsqu’un internaute parle de sa vision personnelle
d’un parti. Ce schéma étant notamment appliqué par : l’UPR. Suite à ce tweet, l’internaute
concerné va s’indigner du fait que les militants sont partout et sont « des forceurs ».
La critique systématique sous la communication d’un candidat
Si le but premier des militants est de mettre en valeur les idées de leurs candidats, ils
n’oublient pas d’aller empêcher les autres de prospérer ; Ainsi, quel que soit le parti, toute
communication est entachée par des militants adverses mettent le candidat face à ses
défauts, ses critiques ou ses dilemmes. Cela crée généralement des grands débats dans les
commentaires.
Le militant LR interviewé finissait d’ailleurs son interview n’avouant à demi-mot cette
pratique : « Je préfère quand même quand on défend le projet plutôt que lorsque l'on
attaque l'autre. Mais tout le monde le fait. »
Construire un argumentaire en commentaire
Le problème c’est qu’il est compliqué de débattre sur les réseaux sociaux vu la quantité de
personnes et l’espace qui est alloué. Sur Facebook, nous pouvons facilement nous retrouver
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avec un texte d’une trentaine de lignes et, points par points, l’argumentaire d’un militant.
Mais qui va le lire en entier ? Seulement les plus concernés et motivés. En revanche Twitter
ne favorise pas autant le débat avec ses 140 caractères. Or, c’est sur ce réseau qu’ont lieues
les plus grandes confrontations de militants. Les paroles et les arguments sont donc
largement raccourcis, laissant une grande place à l’interprétation du destinataire. Résultat,
chacun défend ses idées mais personne ne convainc avec si peu de texte. C’est une limite
forte au cyber-militantisme.
3 – La plainte des utilisateurs
Face à toutes ces techniques, cette omniprésence, et cette volonté permanente de
convaincre tous les utilisateurs, les internautes non politisés ont commencés à exprimer leur
désarroi de la situation. Se plaignant d’être fliqués, submergés de messages militants,
certains cherchent des solutions pour échapper à cela.
La plainte des internautes
Encore aujourd’hui 50% des sondés estiment
que la politique prend trop de place sur les
réseaux sociaux. Les tweets ironisant sur le
sujet se comptent par dizaine. Ce tweet de
@MonsieurP est évocateur : « Qui l’eut cru :
avec la saturation politique foireuse sur
Twitter et Facebook, LinkedIn est devenu un
havre de paix intellectuelle. » Certains se
plaindront aussi du fait d’être considéré
comme de la « chair à vote ».
Dans le sondage en annexe, 91% des internautes ont déjà été confrontés à un message
militant quel que soit sa forme et 45% estiment que cela arrive quotidiennement.
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Concernant le type de message auxquels ils ont été exposés : 87% parlent d’un post d’un ami
ou d’une relation engagée, 59% ont déjà vus un commentaire sous un post d’un inconnu
engagé et 52% ont déjà été exposé à des tweets ou post issus de la classe politique. Enfin,
48% des sondés présents sur Twitter reconnaissent avoir été exposés à des trending topics
militants. Les chiffres montrent aisément la place que prends le militantisme dans le
quotidien des internautes.
Chercher des solutions alternatives
Alors que les internautes étaient lassés de la situation sans forcément se l’avouer, un nouvel
acteur va rentrer en jeu et perturber le courant de la campagne. Son nom : Mastodon.
Mastodon est un réseau social totalement calqué sur Twitter dans le fonctionnement. Son
principal changement : un passage du nombre de caractères par tweets (appelés « prout »
sur le site) à 500 caractères. C’est aussi une plateforme Open Source qui permet de créer
pleins de petits Twitter qui seront reliés entre eux par une timeline globale. Le
fonctionnement est un peu complexe à comprendre au début mais sous l’impulsion de
quelques influenceurs sur les réseaux sociaux, la plateforme devient un phénomène et reste
en TT pendant 3 jours sur Twitter. Preuve d’un intérêt certains
Pourquoi elle séduit ? Tout simplement parce que c’est un Twitter avec plus de contact
direct et surtout « moins de politique et de publicité ».
Les appels à quitter Twitter se multiplient et les louanges ne s’arrêtent plus. Le mal-être ne
peut pas mieux être représenté par le fait que 9 messages sur 10 sur cette plateforme
internationale sont français, créant des questionnements chez les étrangers du réseau. Si
Mastodon offre l’occasion d’un nouveau départ pour les fans de la première heure de
Twitter, il est aussi le reflet d’un ras-le-bol des internautes.
35
Constat
L’objectif de cette première partie était de montrer la réalité du militantisme radical sur les
réseaux sociaux et notamment sur Facebook et Twitter. Les faits sont biens là : les extrêmes
sont ultra-présents sur les réseaux sociaux, un véritable communautarisme s’est créé pour
organiser des actions politiques et leur but ultime est l’omniprésence sur le réseau. Cela
perturbe la base d’internautes. Pire, les pratiques du militantisme radical se rapprochant des
limites de l’éthique et de la morale, elles obligent les différentes parties prenantes de ces
réseaux sociaux à réagir. Il y a donc un véritable changement, peut-être peut-on même
parler de bouleversement ?
36
II – Pourquoi la notion de bouleversement des
pratiques peut-elle être atténuée ?
Certes il y a énormément de pratiques militantes plus ou moins éthiques, un ras-le-bol du
côté des internautes non-militants et sans doute quelques changements dans l’utilisation et
le paysages des réseaux sociaux ces derniers mois. Cependant quelques faits et réflexions
tendent à relativiser la chose.
A) La riposte citoyenne et médiatique
La première nuance vient des référents historiques des réseaux sociaux : les citoyens, les
médias et bien sûr les réseaux sociaux eux-mêmes.
1- La révolution citoyenne
Les utilisateurs « lambda » ont été les plus prompt à réagir, à vouloir sauvegarder les
réseaux sociaux tels qu’ils les aiment. Il y a un côté affectif au medium de communication
mais aussi un côté éthique où on ne peut pas laisser ce bouleversement se faire sans réagir.
On trouve alors des moyens pour se rebeller.
La confrontation directe
Violente cette altercation ? Peut-être.
Unique ? Pas du tout. La révolte la plus
rapide et simple à engager, c’est la
confrontation directe.
Aller au-devant des militants,
majoritairement des extrêmes, est la révolte
la plus naturelle. Difficile de passer outre des
mots, des opinions ou des pratiques quand
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celles-ci sont contraires à vos premiers principes. C’est ainsi que naturellement, des
anonymes ou non de Twitter se lancent dans la bataille pour démolir les argumentaires et
gêner le développement d’idéologies des extrêmes.
S’en suit une sorte de lutte populaire où les encouragements se font à partir de retweets ou
de j’aime, désignant ainsi qui a le soutien de Twitter sur son argumentaire. Les schémas se
ressemblent à chaque confrontation mais la limite reste la même que pour les débats entre
militants : difficile de faire entendre raison en 140 caractères…
La création de mouvements contestataires
Certains utilisateurs décident de s’investir plus fortement contre les militants radicaux,
généralement de l’extrême-droite, sans pour autant militer pour un autre parti. On cherche
à décrédibiliser un parti, ses idées et ses militants qui bénéficient d’une position de force dû
à leur nombre.
C’est le cas de « fdebranche ». Satire du média pro-FN « fdesouche », fdebranche a
commencé sur Twitter à relayer à la manière de son modèle, des articles issus de la presse
nationale et régionale. Mais à contrario de fdesouche qui publie majoritairement des articles
qui servent l’idéologie FN, fdebranche ne publie lui que du contenu hostile au FN ou au
communautarisme religieux en général. Depuis leurs débuts, ils ont ouvert un site web et
une page Facebook pour faciliter le relai de leur combat. Aujourd’hui fdebranche possède
presque 7000 abonnés sur Twitter et chaque post est relayé au minimum une trentaine de
fois. Seul problème, les articles les plus lus sur leur site desservent quelque peu la cause
initiale : le premier est à charge contre des privilèges pour la communauté juive, le deuxième
pour la communauté musulmane et le troisième est un classement des villes les moins
sécurisées. Trois articles donc qui servent ou se rapprochent de l’idéologie FN. L’initiative
reste efficace comme les commentaires des articles et les mentions du comptes Twitter le
montrent. Ils pullulent d’insultes et de dénigrement issus de la fachosphère. Chaque
publication recueille quant à elle une cinquantaine de retweets.
38
La veille populaire
Plus discrète mais aussi peut-être plus efficace, certains utilisateurs ne cherchent ni la
confrontation directe, ni la lutte idéologique, ils optent pour le ménage pur et simple. Le
principe, veiller aux discours et aux actes des militants puis les signaler auprès de Twitter et
Facebook. Lorsque les retours de Facebook ou de Twitter ne sont pas à la hauteur de leurs
espérances, ils peuvent collecter des preuves et les dénoncer sur les réseaux sociaux en
espérant être relayés par d’autres internautes, voire par des médias.
Et le départ ?
Si la solution Mastodon a fait le buzz sur Twitter, au final très peu sont partis définitivement,
même les influenceurs du début. Mastodon continue de vivre essentiellement dans la
communauté « geek » et en alternative à la plateforme Discord. La question est : est-ce
qu’outre la tentation de se libérer du contenu politique, les internautes seraient prêts à
lâcher leur réseau et leur communauté ?
En posant la question : « Seriez-vous prêt(e) à migrer vers un autre réseau si le vôtre se
politisait trop fortement ? », le sondage a donné des réponses étonnantes. Seuls 15%
seraient prêts à migrer de réseaux sociaux, quand 78% resteraient dans leur zone de confort
en évitant au possible les messages. Les réponses restantes cherchaient des solutions ou
posaient de réflexions. Il est intéressant de les partager pour voir les différents chemins de
pensée des internautes :
• « Il est intéressant d'accéder au contenu d'individus ayant une opinion différente de la
nôtre sans pour autant être inondé d'infos du même bord politique, ce qui risquerait
de "bouleverser" les opinions »
• (En référence à Michel Cymès quittant Twitter) : « C'est drôle de voir ces pseudo star
qui quittent les réseaux seulement pour montrer qu'ils existent. La liberté d'expression
emmerde les journalistes, stars, qui peuvent tout simplement ignorer ce qui ne leur
plaît pas. »
• « Je bloque les remous, et c'est réglé. »
39
• « Non, toutes mes habitudes sont ici, il suffit de ne pas être en contact avec les
mauvaises personnes. »
Constat
Parler de bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux du point de vue des
utilisateurs est légitime mais à atténuer. Il y a trois types de réactions : se rebeller,
ignorer/s’adapter et s’en aller. La majorité semble avoir choisi la seconde solution, propice
au non-changement, insensible au phénomène politique. Si les choses ne changent pas ou
évoluent naturellement, difficile de parler de parler de bouleversement.
2- Les médias en position de défense
S’il y en a qui ont régulièrement été mis en cause durant la campagne, ce sont bien les
médias : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan,
François Asselineau, tous ont menés leur campagne avec en ligne de mire les médias.
Mis à mal dans leur légitimité par une remise en cause systématique, ils ont aussi dû faire
face à l’arrivée des fake news, véritable concurrents de l’information. Celle-ci s’impose
rapidement car elle sensationnelle bien que mensongère. La lutte pour l’information a été
centrale dans cette campagne. Dans les faits, les médias sont fortement en difficulté et
doivent trouver un moyen de répondre à ces problématiques. Le but est de diminuer l’effet
de cette campagne sur leur crédibilité et leur visibilité sur les réseaux sociaux, enjeu
désormais majeur de leur activité.
Quand les médias dénoncent les nouvelles pratiques sur les réseaux sociaux
Nous sommes le 21 mars 2017, et Xavier de la Porte commence sa chronique nommée « la
vie numérique » dans la matinale de France Culture10
. Il s’apprête à asséner un coup de
poignard à Twitter au lendemain du premier débat télévisé. Le titre de sa chronique : « Hier
soir, quelque chose est mort dans Twitter ». Résumer la chronique est compliqué tant les
10
Retrouver la chronique en annexe 6
40
mots sont juste, l’analyse est très précise et réfléchie. X. De la Porte commence en racontant
son expérience forte de 8 ans de Twitter, de sorte de fascination pour la plateforme, cette
« mini-démocratie » qui réunit toutes les pensées, tous les caractères, des talents
incroyables, avec lesquels il vit chaque évènement politique, sportif ou culturel, se plaisant
dans cet espace. Seulement, il en vient à son expérience de la veille que je ne peux que
citer : « Hier, quelque chose s’est cassé : je me suis ennuyé sur Twitter. Dès que le débat a
commencé, la conversation numérique a été saturée. Saturée par des partisans très
organisés qui relayaient les déclarations des candidats avec des images et des slogans
fabriqués et préparés par les équipes de campagne. Saturée par les comptes des candidats
eux-mêmes (du point de vue communicationnel, c’est un peu bizarre de voir un candidat
s’exprimer à la télévision et une minute après, son compte Twitter répéter ce propos, dans un
processus d’autocitation content de soi). Saturée par les comptes de médias qui tweetaient
frénétiquement. Bien sûr, passaient aussi des tweets d’internautes lambda, des bêtises ou
des remarques intéressantes, mais en portion congrue, tristement congrue. » La chronique
continue par une démarche d’analyse et de compréhension. Au lendemain du débat, il voit
déjà énormément de faits qui se retrouvent dans la première partie de ce mémoire11
.
Autres interventions et cette fois-ci moins conventionnelles : la « dénonciation » des
lecteurs par les médias. France 3 Occitanie a publié fin octobre un article dénonçant les
commentaires racistes sur l’accueil des migrants dans la région : copie d’écran et noms des
internautes à l’appui. « L’Union » a également publié, un mois plus tard, une page dans son
journal montrant le visage, le nom et les commentaires extrêmes postés sur les posts de leur
page Facebook. Certaines des personnes affichées ont reçues des plaintes et ont même
perdues leur travail. Beaucoup d’autres médias se sont portés relais de ces initiatives laissant
penser à une certaine prise de position commune contre le contenu issu des extrêmes.
Cela se confirme par les fortes politiques de modération de commentaires mis en place par
les médias pour filtrer les propos extrêmes. Ces méthodes sont souvent dénoncées par des
11
D’un point de vue personnel, cette chronique est importante car elle a réorienté ce
mémoire tant je me suis reconnu dans l’expérience vécue et le constat du chroniqueur.
41
internautes. C’est un parti pris subjectif que les détracteurs qualifient d’entrave à la liberté
d’expression.
Le combat contre les fake news
Mis en échec dans leur crédibilité et dans leurs rôles d’informateurs par les fake news, les
grands groupes de médias ont décidés de contre-attaquer en lançant plusieurs outils de
décodage d’information et de vérification de l’information.
La plateforme la plus connue est la rubrique « les Décodeurs », une équipe au sein du
journal Le Monde, entièrement dédiée à la vérification des informations. Ils revendiquent le
fait qu’ils « vérifient déclarations, assertions et rumeurs en tous genres ; ils mettent
l’information en forme et la remettent dans son contexte. » Ils agissent de deux manières :
en publiant des articles démentant des rumeurs ou en reprenant les informations avec plus
de précision, en mettant à disposition l’outil Décodex qui permet de vérifier si une source
d’information est crédible ou non. L’outil se distingue de deux façons : un site web pour
vérifier par l’adresse URL ou un plug-in à utiliser sous chrome ou Firefox.
Il existe d’autres outils basés sur le même concept, le second outil le plus connu est
Crosscheck. Conçu par First Draft et Google Lab, ce site vérifie les informations avec l’appui
de 34 partenaires. L’AFP, les plus grands groupes de presse, des pureplayers (média web
uniquement), participent au projet.
Le grand problème de ces sujets est que face à la défiance médiatique des extrêmes,
exposer une contre vérité à leurs arguments avec l’appui des grands médias ne les fait pas
changer d’avis, au contraire même. Cela semble plus satisfaire ceux qui n’en ont pas
réellement besoin.
A partir du sondage annexe, 62% des personnes interrogées ne connaissaient aucun de ces
outils, et seul 13% se sont déjà aventurés sur ces sites. Ensuite, concernant le fait que ce soit
de grands médias qui contrôlent la véracité de l’information :
42
• 72 % estiment que cela est nécessaire pour certains utilisateurs qui sont crédules
devant de fausses informations
• 26% pensent que cela entretien un gage de qualité sur les articles qui circulent sur les
réseaux sociaux
• 18% imaginent que c’est inutile car ces outils ne permettront pas d’endiguer le
phénomène
• 12% estiment que c’est illégitime et que les médias empêchent la liberté
d’expression en imposant leur vérité
Nous pourrons noter le commentaire suivant à propos de ces outils : « A l'image d'une
politique pourrie jusqu'à l'os. Internet permet de dire des vérités cachées par les médias.
CQFD ». Il caractérise la pensée des extrêmes sur ce sujet.
3- Facebook et Twitter, forcés à réagir
Les réseaux sociaux ont eux-mêmes été mis en cause. Accusés de propager de fausses
information, d’encourager l’incitation à la haine, d’autoriser un bon nombre de
comportements illégaux, Facebook et Twitter se sont retrouvés obligés de réagir.
Tout d’abord un fait commun pour les deux réseaux : La France est le pays qui fait fermer le
plus de compte au monde devant l’Inde et la Turquie. Essentiellement pour des causes liées
au terrorisme mais aussi pour des faits d’incitation à la haine.
Une forme de censure ?
Pendant la présidentielle, les deux réseaux ont dû opérer une forme de censure, supprimant
de nombreux comptes issus de l’extrême droite (dont fdesouche sur Facebook). Ils ont
justifié leurs actions chacun à leur manière. Facebook a mis en avant la lutte contre les bots
et les fausses informations. Ils ont suspendu ou ont fermés des comptes sur la base
d’algorithmes et de signalisation. Twitter a mis en avant des points de son règlement :
l’interdiction des bots (surtout à des fins de manipulation des tendances) ainsi que
43
l’incitation à la haine. Cela a exaspéré les militants d’extrêmes droite qui ont créé le
#FacebookGate et le #TwitterGate à l’occasion.
Participer au fact-checking
Facebook a décidé de s’investir dans la vérification de l’information. L’initiative de Facebook
se nomme « related article ». Le but est de « faciliter l’accès à d’autres perspectives et
informations ». Pour être plus clair, Facebook va afficher sur le mur de ses utilisateurs les
plus sujets à des fake news des articles de sources journalistiques solides. Cela permet
d’éviter les fameuses « bulles de filtre ». A côté de cela, Facebook fait désormais partie des
partenaires de Crosscheck, le site de vérification d’information.
Twitter de son côté a activé un bloqueur de tweet. Certains tweets jugés comme des fake
news ou des tweets considérés comme incitant à la haine sont bloqués dans leur pays initial.
Il est désormais possible de voir le message affiché à la place d’un tweet : « tweet
indisponible dans votre pays : France ».
Le problème juste déplacé ?
C’est la question que l’on est en droit de se poser. Si les utilisateurs en mal de paix se
retrouvent sur Mastodon, ceux en mal de liberté d’expression peuvent aussi chercher leur
nouvelle place. C’est ce que prône ce tweet :
Le site en question gab.ai est présenté
comme un réseau social à expression
libre, sans aucune censure. Seulement,
en s’y connectant, on découvre un
réseau social totalement conquis par
l’extrême droite et comme promis, sans
aucune forme de censure. Le problème
des pensées extrêmes est donc juste
déplacé.
44
Résultat de toutes ces mesures prise par les citoyens, les médias et les réseaux sociaux : le
problème n’est pas clairement réglé, il est pris en compte dans l’utilisation et la gestion des
réseaux et est adouci par des actions mises en place, mais n’est pas complètement résolu.
B) La question de la temporalité du phénomène
Nous avons commencé à l’aborder auparavant dans la contextualisation du phénomène. La
temporalité de l’analyse et du phénomène est très importante pour pouvoir tirer des
conclusions.
1- Le contexte des élections, pas si évident ?
Une des réponses qui viendrait presque automatiquement serait de dire que certes le
phénomène d’utilisation des réseaux sociaux par les militants radicaux est fort, « mais c’est
normal, nous sommes aux élections présidentielles. » Oui, tous les chiffres ont nettement
augmenté à l’approche des élections, mais pouvait-on s’attendre à ce type d’actions durant
la campagne présidentielle ?
Retour en 2012
4 ans après l’élection de Barack Obama présentée comme un modèle du genre avec une
forte utilisation des réseaux sociaux, les élections présidentielles de 2012 s’annonçaient
intéressantes de ce point de vue.
Seulement comme le rapporte le Huffington Post dans un article sorti juste après les
élections, « tout le monde attendait que l’élection présidentielle 2012 couronne les réseaux
sociaux », « il n’en a fianelement rien été ». Les candidats ont justes utilisés les réseaux
sociaux comme relais de paroles et d’analyse de comportement. Le seul grand intérêt a été
la révélation des résultats avant les grands médias.
45
En revanche, plus intéressante, l’analyse de Terra Femina, dans un article du 11 avril 2012.
Pour elle, le web a déjà une petite victoire. Il est devenu un média privilégié pour 4 français
sur 10. Cependant, c’est l’analyse des réseaux sociaux qui retient notre attention. Basé sur
une étude de l’Observatoire Orange – Terra Femina, quelques citations de l’articles, pour ne
pas dire tout l’article, sont troublantes :
• « Ces e-militants encore peu nombreux sont néanmoins bien visibles sur Facebook, ils
essaient de convaincre, à la moindre actu ils laissent un commentaire et il y a débat,
quitte à importuner leurs amis en prolongeant un peu trop les discussions
militantes ».
• « Sur Facebook il y a toujours quelqu’un pour vous rappeler la campagne ». Il y a
des « batailles politiques entre amis à coup de likes et de commentaires, de parodies
et de détournement. »
• « Twitter est un outil militant pour défendre un camp, pas pour argumenter, analyse
le journaliste Erwann Gaucher »
• « C’est bien plus le fact-checking qui rend cette campagne intéressante : 48% des
français jugent que la vérification factuelle des propos des candidats est plus facile
qu’avant ».
Il y a énormément de choses à dire sur cet article. A quelques chiffres et détails près, l’article
pourrait être réutilisable 5 ans plus tard. Les méthodes originelles sont encore présentes, les
débat et batailles politiques sont encore de légion, et la question de la véracité de
l’information était déjà au centre des préoccupations.
Ainsi, si l’on compare avec aujourd’hui, il y a tout de même à se poser la question : Que
s’est-il passé pendant 5 ans pour que l’on passe d’une moitié de la population fière de
pouvoir vérifier les informations délivrées par les candidats, à la création de nombreux
stratagèmes pour faire vérifier les informations à la population sujette à des fake news ?
46
Le contexte des élections oui, mais quelles élections ?
S’il y a quelque chose qui saute aux yeux depuis la présidentielle, c’est au combien les
élections législatives ont moins passionnées les foules. On peut trouver plusieurs raisons à
cela, l’enjeu n’est plus national mais local, les équipes de campagnes n’ont plus la même
maîtrise ni le même budget, les communautés fortes sont fracturées par les zones
géographiques, etc. Toujours est-il que ce constat est une preuve qu’il y avait bien un
emballement autour de la présidentielle. Pire, nous nous dirigeons désormais vers une
période de plus d’un an sans élections à l’horizon (hors sénatoriales qui ne dépendent pas
directement des citoyens). Il va être intéressant de voir comment les choses font s’avancer.
2- Le constat post-élection
Comme nous venons de le voir pour les législatives, le constat post-élection est sans appel :
presque plus aucune trace de raid sur Twitter, les militants fervents de Marine Le Pen se
sont relativement tus depuis le débat d’entre deux tours puis les résultats du deuxième tour
(même s’ils ne sont jamais loin quand il y a matière à s’exprimer). Tout le monde semble
pour le moins sonné de ces 8 derniers mois de militantisme.
La très forte communauté de Jean-Luc Mélenchon est en train d’éclater. Il y avait eu un
contrecoup au moment de l’élimination au premier tour de l’élection présidentielle, suivi
d’une colère froide des militants, puis d’une claque reçue aux législatives. Ajouté à cela des
décisions de la direction du parti non-comprises ou non-adoptées par une partie de la
communauté, et l’aura de Jean-Luc Mélenchon qui baisse. Il était même possible d’entendre
des voix demander à continuer le mouvement sans JLM.
47
Du côté de l’UPR, la crédibilité est sérieusement engagée auprès du reste des internautes
après les résultats du premier tour (0,92%). Leur défense est claire : 0,92% c’est aussi leur
pourcentage de temps de parole à la TV. « C’est la faute des médias ». Seulement le discours
ne prend plus vraiment.
Chez LR, les militants sont dans une situation aussi ambigüe que le parti. Pas vraiment de
ligne directrice. Hors les militants ont besoins d’être appuyés. Donc le militantisme est plus
ou moins en stand-by, sauf pour les plus convaincus.
La grande surprise se situe du côté de Benoît Hamon qui, ayant quitté le PS, bénéficie d’une
côte de popularité grandissante et notamment sur Twitter. Ses idées ont touchées, après le
premier tour de la présidentielle où il a été éliminé, un nouveau public. On rappelle
désormais que Benoît Hamon faisait partie des précurseurs politiques sur Twitter, il en
connaît bien les codes. Avec son nouveau parti, il sera sans doute une force militante à
surveiller.
Du côté d’En Marche, on est rentré dans une phase de défense du quinquennat et du
gouvernement. Il n’y a pas d’actions particulières mises en place mais les militants
défendent systématiquement les premiers propos et actions politiques d’Emmanuel Macron.
3- L’urgence d’anticiper les prochaines élections
Alors que tout est redevenu plutôt calme ces derniers temps, il serait temps de se poser les
bonnes questions et d’anticiper l’avenir. Sauf surprise, les nombre d’utilisateurs de Facebook
et Twitter ne devraient pas diminuer d’ici 2022, et même augmenter encore quelque peu.
Nous avons vu les évolutions entre les élections de 2012 et celles de 2017. Un cap a été
franchi dans l’utilisation et la pratique des réseaux sociaux. Ne serait-il pas judicieux
d’anticiper 2022 et de se prémunir des potentielles nouvelles pratiques ?
48
Les équipes de campagne iront-elles plus loin ?
Il y a fort à parier que les partis ne s’arrêteront pas à ce qu’ils ont fait cette année. Ils vont
retenir les leçons de 2017 pour s’améliorer en 2022.
Quelles évolutions possibles ? Les bots de messagerie ? L’intelligence Artificielle ? Une
analyse Big Data encore plus poussée ? Difficile de voir à 5 ans, mais toujours est-il que l’on
peut être certains qu’ils utiliseront tous les moyens à leur disposition.
Doit-on fixer des limites ?
Les pratiques de 2017 ont frôlées les limites de l’éthique et de la morale. Elles se sont faites
sans trop se dévoiler pour certaines (Ridicule TV), et visaient à tromper l’opinion. Peut-on
accepter cela ? Non. Peut-on y faire quelque chose ? Difficile à dire.
Il existe énormément de contraintes à la règlementation de ces pratiques : prouver les faits,
prouver qui en est l’instigateur, envisager une sorte de censure, etc.…
Cela semble très compliqué à faire. Depuis peu, c’est le CSA (Conseil Supérieur de
l’Audiovisuel) qui est le « gendarme d’internet ». À l’organisation d’être prête en 2022 pour
éviter les problèmes moraux.
La temporalité du phénomène est donc importante à deux niveaux. Le militantisme radical
est surtout effectif en période d’élection présidentielle. Mais les pratiques sont également
de plus en plus pointues au fil du temps. Il faut donc dès aujourd’hui préparer les prochaines
échéances pour éviter les futurs problèmes.
49
C) Peut-on réellement parler de bouleversement des réseaux sociaux ?
Le bouleversement est le mot central de ce mémoire. C’est un mot fort. Pour le Larousse,
c’est « une profonde perturbation, un trouble violent ». Si l’on a constaté des changements,
des nouvelles pratiques, peut-on parler de bouleversement ?
1- Les réseaux sociaux, avant tout un espace d’interactions sociales.
Est-ce que l’on peut parler de réel bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux
quand ces mêmes pratiques restent des interactions sociales ? La question se pose en
prenant de la distance avec les outils et usages vus auparavant. Si les sujets sont plus
politiques, les militants plus intrusifs, les discussions et les débats plus houleux, est-ce
vraiment un bouleversement ?
Dans le fond non. Pourquoi ? Parce que les réseaux sociaux ont été conçus pour cela, pour
créer de l’interaction entre des personnes qui ne connaissent pas forcément. Le but est
d’échanger des points de vue, de partager sa vision. Alors est-ce que les pratiques sur les
réseaux sociaux sont bouleversées par le militantisme radical ? Pour moi non. Certes les
échanges sont tendus, pas toujours cordiaux, mais il y a toujours eu des désaccords dans
l’interaction. Cela fait partie d’un échange.
Cependant s’il y avait une limite à cette réflexion, ce serait à propos de la triche. Pas
forcément au niveau des fake news mais concernant les bots utilisés. Les fake news peuvent
s’apparenter à un mensonge ou à une manipulation. Ce ne sont pas les dernières pratiques
électorales qui ont fait arriver le mensonge sur internet et dans les intéractions. En
revanche, l’utilisation de bots, c’est fausser le principe d’échange. Automatiser le dialogue et
l’engagement sur les réseaux sociaux pourrait être un véritable changement. Cependant, je
ne considère pas cela comme un bouleversement puisqu’actuellement tous les bots sur
Facebook ou Twitter ont une fonction calquée sur les interactions humaines sur les réseaux
sociaux : partager un message, aimer, retweeter, donner de la visibilité, ce n’est pas
nouveau.
50
Dans le sens premier des réseaux sociaux, il n’y a donc pas de bouleversement.
2 - Les nouvelles pratiques résultent plus d'un contexte social général
que d'un phénomène propre aux réseaux sociaux
Si l’on garde à l’idée que les réseaux sociaux sont avant tout des espaces d’interactions
sociales, celle-ci sont forcément le reflet d’un contexte plus global. C’est à dire que
utilisateurs vont parler de ce qui les tracasse, de leurs envies, de leurs projets, de leurs
visions.
Hors dans le contexte de la politique, la chose est sensible. Ces dernières années des
fractures réelles se sont formées, amplifiées par des évènements d’actualités. Les clivages
sont forts entre des opinions identitaires, les visions écologiques et ceux qui donnent la
priorité à l’économie du pays. C’est ce que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, avec la
volonté de convaincre l’autre du bien-fondé de son positionnement.
S’il y a évolution dans les opinions, cela se traduira automatiquement d’une manière ou
d’une autre sur les réseaux sociaux.
Encore une fois il est difficile de parler de bouleversement des pratiques sur les réseaux
sociaux quand celles-ci continuent de suivre le rôle de traduction des opinions sur le web.
3 - Si ce n’est pas un bouleversement, qu’est-ce ?
Si l’on ne peut pas parler de bouleversement, de quoi résultent ces nouvelles pratiques qui
modifient le paysage des réseaux sociaux ? Et si nous considérions cela comme une
évolution logique, une évolution avec son temps.
51
D’abord de plus en plus de monde est présent quotidiennement sur le web, il est logique
que les réseaux saturent en informations et donc que pour exister la solution soit de parler
plus fort que les autres.
D’un autre côté le monde digital avance à une vitesse phénoménale, la politique suit le
courant en mettant en place des outils plus performants.
Oui mais alors les fake news ? La réponse est la même. Ce ne sont pas les fake news qui se
sont imposées dans le paysage du web. On a profité du comportement de plus en plus
éloigné de l’utilisateurs vis-à-vis du contenu, et cela peut être également être dû à la surdose
d’informations. Le militantisme radical ne bouleverse pas les pratiques sur les réseaux
sociaux, il s’adapte à l’évolution du web et du monde pour exister un maximum.
52
Conclusion
Les grands partis politiques ont pour la première fois pris la mesure de l’importance des
réseaux sociaux dans une campagne présidentielle. Les extrêmes étaient déjà bien ancrés
dans le paysage des réseaux sociaux quand la campagne a démarrée. Ils se sont alors
appuyés sur des techniques, utilisant volontairement le faux, ayant marché pour Donald
Trump. Sous le modèle de l’extrême droite, des communautés affiliées à tous les partis se
sont créées et organisées. Elles ont montées des actions pour être plus visibles que les
autres, n’hésitant pas à emprunter des techniques aux frontières de l’acceptable. Les
équipes de campagnes, sans forcément le dévoiler, ont soutenues ces initiatives. Le résultat,
les militants radicaux défendant leurs idées étaient partout sur les réseaux sociaux où ils
pouvaient occuper de la place, réagissant au moindre dialogue ou sujet de société pouvant
être récupéré. Seulement les utilisateurs lambda ont commencé à avoir marre de
l’omniprésence des militants et ont cherchés des alternatives, voire à quitter le réseau.
Voyant les réseaux sociaux, éléments pionniers de leur fonctionnement, sombrer sous les
vagues de militants, les internautes, les médias et les réseaux sociaux eux-mêmes ont
décidés de réagir face à ce qui pourrait rapidement devenir un bouleversement. Ils ont agi
de manière à contrer les militants sur leur terrain : l’argumentation, la mise en avant de la
vérité, la dénonciation voire dans certains cas la censure. Ils ont contribué à atténuer l’effet
qu’auraient pu avoir un militantisme radical sans contrôle. Mais au-delà de ça, il faut se
poser la question de l’utilisation du mot « bouleverser ». Il y a plusieurs niveaux de réponses
sur ce sujet. Tout d’abord la double temporalité du phénomène. C’est-à-dire que ce que l’on
pouvait considérer comme un bouleversement était en fait temporaire car accentué par les
élections, les actions n’étaient pas nouvelles non plus, mais simplement accentuées depuis
la dernière présidentielle. Parler de bouleversement est donc en soi compliqué. En dehors
de la temporalité des évènements, il fallait déterminer si les pratiques étaient elles-mêmes
des bouleversements pour les réseaux sociaux. Mais pour deux raisons cela ne convenait
pas : Les réseaux sociaux ne perdent pas leur fonction première qu’est l’interaction sociale, il
ne perde pas non plus leur logique de reflet de la société. Dans les faits, le bouleversement
53
est un mot trop fort. Nous pourrions tout de même interpréter cela comme une évolution
logique adaptée aux pratiques et aux besoins d’aujourd’hui.
La question qui reste en suspens est celle de l’avenir, comment évolueront le militantisme
radical et les réponses des internautes, médias et réseaux d’ici la prochaine présidentielle ?
Difficile à dire…
54
Annexes
#1Questionnaire
Depuis janvier 2017, avez-vous été en contact avec un message militant ? (voir exemples
dans la question suivante)
• Oui, quasi quotidiennement.  45,5 %
• Oui, parfois.  45,5%
• Non, jamais.  9%
Si oui, à quel type de message politique avez-vous été confronté ?
• Message d'une personnalité politique  53%
• Post ou tweet d'un ami engagé  86%
• Réponse ou réaction dans les commentaires d'un inconnu engagé politiquement
 59%
• Un ou plusieurs Trending Topics militant sur Twitter  26%
• Un article d’un média engagé  2%
Votre top 3 des communautés politiques les plus actives sur les réseaux sociaux ?
• Lutte Ouvrière  0%
• UPR  6%
• Solidarité et Progrès  0%
• Debout la France  6%
• Les Républicains  35%
• Le Parti Socialiste  16%
• Jean Lassalle  11%
• Front National  67%
• En Marche !  87%
• La France Insoumise  75%
• NPA  4%
Avez-vous déjà vu l'une des vidéos de ces pages Facebook/Twitter :
• Les extraits de discours trouvés par Ridicule TV  45%
• Les reportages de Vincent Lapierre pour ERTV  11%
• Non, jamais.  55%
Saviez-vous que ces deux médias étaient proches ou tenus par des équipes de campagnes ?
ERTV est un média créé par Alain Soral (Extrême-Droite/proche-FN) et Ridicule TV est tenue
par des militants pro-Fillon, directement en lien avec les équipes de campagne.
Le militantisme radical bouleverse t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ?
Le militantisme radical bouleverse t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ?
Le militantisme radical bouleverse t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ?
Le militantisme radical bouleverse t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ?
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Le militantisme radical bouleverse t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ?

  • 1. 1 LE MILITANTISME RADICAL BOULEVERSE-T-IL LES PRATIQUES SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX ? Sous la direction d’Estelle Chauvey Axel OLIVIER SP – Marketing Digital et Réseaux Sociaux – 2016/2017
  • 2. 2 Remerciements Je tiens à remercier Estelle Chauvey, ma directrice de mémoire, pour ses conseils et sa vision originale du travail préparatoire ; Dorian Mauger, et tous les militants qui ont pris le temps de répondre à mes questions ; Mes proches pour le soutien sans faille pendant les derniers jours.
  • 3. 3 INTRODUCTION............................................................................................................................ 4 CHOIX DU SUJET ............................................................................................................................... 4 DEFINITIONS.................................................................................................................................... 6 LE MILITANTISME RADICAL..............................................................................................................................6 LES PRATIQUES SUR LES RESEAUX SOCIAUX ........................................................................................................6 UNE APPROCHE SENSIBLE ...............................................................................................................................7 I – LE MILITANTISME RADICAL SUR LES RESEAUX SOCIAUX : UNE REALITE ET DES PRATIQUES......... 9 A) LE CONTEXTE ACTUEL FAVORABLE AU SUJET POLITIQUE SUR LES RESEAUX................................................. 9 1 - LES EQUIPES DE CAMPAGNES ONT PRIS LA MESURE DE L'IMPORTANCE DES RESEAUX SOCIAUX ...............................9 2 - LES PARTIS EXTREMES COMME FER DE LANCE DE L'UTILISATION DES RESEAUX SOCIAUX ......................................11 3 – L’AGE D’OR DU FAUX..............................................................................................................................13 B) LE COMMUNAUTARISME DIGITAL COMME CIMENT DU MILITANTISME RADICAL SUR LES RESEAUX SOCIAUX..... 19 1 - LE PRINCIPE DE COMMUNAUTE SUR LES RESEAUX SOCIAUX EN POLITIQUE ........................................................19 2- DES CODES PROPRES A CHAQUE COMMUNAUTE...........................................................................................19 3 - UNE ORCHESTRATION DES COMMUNAUTES PAR LES EQUIPES DIGITALES DES PARTIS ?........................................23 C- ÉTAT DES LIEUX : L’ETOUFFEMENT DES RESEAUX SOCIAUX. .................................................................... 29 1 – L’OMNIPRESENCE DES SUJETS POLITIQUES..................................................................................................29 2 – LA SURREPRESENTATION DES DIALOGUES MILITANTS ...................................................................................31 3 – LA PLAINTE DES UTILISATEURS..................................................................................................................33 II – POURQUOI LA NOTION DE BOULEVERSEMENT DES PRATIQUES PEUT-ELLE ETRE ATTENUEE ? . 36 A) LA RIPOSTE CITOYENNE ET MEDIATIQUE ........................................................................................ 36 1- LA REVOLUTION CITOYENNE ..................................................................................................................36 2- LES MEDIAS EN POSITION DE DEFENSE.........................................................................................................39 3- FACEBOOK ET TWITTER, FORCES A REAGIR...............................................................................................42 B) LA QUESTION DE LA TEMPORALITE DU PHENOMENE.......................................................................... 44 1- LE CONTEXTE DES ELECTIONS, PAS SI EVIDENT ?........................................................................................44 2- LE CONSTAT POST-ELECTION..................................................................................................................46 3- L’URGENCE D’ANTICIPER LES PROCHAINES ELECTIONS ................................................................................47 C) PEUT-ON REELLEMENT PARLER DE BOULEVERSEMENT DES RESEAUX SOCIAUX ? ....................................... 49 1- LES RESEAUX SOCIAUX, AVANT TOUT UN ESPACE D’INTERACTIONS SOCIALES..................................................49 2 - LES NOUVELLES PRATIQUES RESULTENT PLUS D'UN CONTEXTE SOCIAL GENERAL QUE D'UN PHENOMENE PROPRE AUX RESEAUX SOCIAUX.......................................................................................................................................50 3 - SI CE N’EST PAS UN BOULEVERSEMENT, QU’EST-CE ?....................................................................................50 CONCLUSION.............................................................................................................................. 52 ANNEXES.................................................................................................................................... 54 #1QUESTIONNAIRE......................................................................................................................... 54 #2 ENTRETIEN AVEC DORIAN MAUGER ................................................................................................ 57 #3 ENTRETIEN AVEC UN MILITANT LR .................................................................................................. 60 #4 ENTRETIEN AVEC UN MILITANT FI ................................................................................................... 62 #5 ENTRETIEN AVEC UNE MILITANTE UPR/FN....................................................................................... 65 #6 CHRONIQUE DU 21 MARS 2017 – LA VIE NUMERIQUE PAR XAVIER DE LA PORTE....................................... 66 #7 SOURCES.................................................................................................................................. 68
  • 4. 4 Introduction Choix du sujet Un mémoire, c’est le constat d’un instant, le questionnement d’un sujet pour un temps donné. Pour ma part, il part d’une observation de tous les jours. La fin de l’année 2016 et le début de l’année 2017 ont été fortement marqués par la campagne de Donald Trump, les primaires des deux partis politiques français principaux (Parti Socialiste et Les Républicains) en vue de l’élection présidentielle ainsi que la course politique et les différentes « affaires personnelles » des candidats à cette élection. Ces évènements politiques ont fasciné et alimenté les débats parmi les équipes de campagne, les observateurs et les militants. L’un des enjeux dans la campagne électorale française de 2017 a été la bataille des réseaux sociaux, ces derniers étant vus comme des relais d’opinion larges, notamment au regard des chiffres. Les élections présidentielles de 2012 avaient d’ores et déjà boosté le nombre de visites uniques1 à 27 millions pour Facebook et 5,6 millions pour Twitter. Concernant Twitter, les chiffres avaient déjà doublé par rapport à l’année passée et ont atteint leur apogée le soir du 6 mai 2012, jour de l’élection de François Hollande, avec 1,4 million de visiteurs uniques. Et pourtant, ces chiffres sont incomparables à ceux évoqués pour l’année 20172 : plus de 40 millions de visiteurs uniques sur Facebook et 21 millions sur Twitter, avec une hausse nette et significative par rapport aux derniers mois. Une véritable bataille d’idéologies a eu lieu. Sur les hashtags, sous les articles, sous les commentaires politiques, sous les questions de société, le débat politique s’est inséré partout au fur et à mesure que le premier tour approchait. La politique a pris de plus en plus d’espace sur les réseaux sociaux. Il était déjà possible de distinguer des stratégies ou des 1 Nombre de visiteurs uniques par mois / « Audience Internet Global en France en mai 2012 » Médiamétrie 2 « Audience Internet Global en France en avril 2017 » Médiamétrie
  • 5. 5 méthodes de prise de parole différentes selon les partis soutenus. J’ai souhaité m’intéresser à ces méthodes et stratégies afin de comprendre les actions et les raisonnements de chacun. Au centre de ces batailles d’idéologies entre militants se trouvaient les utilisateurs réguliers. Ceux-ci ont vu leurs modes de communication quotidiens saturés par les sujets politiques. Affichant leur désolation pour l’espace qu’était devenu leur timeline Twitter ou Facebook et la récupération politique du moindre sujet de discussion, ils ont cherché à imposer leur place, ou tout du moins à préserver leur environnement digital. La question était donc de déterminer si ces réseaux sociaux « grands publics » n’allaient pas évoluer en marge de cette période électorale. Les chiffres d’utilisateurs qui explosent, des batailles idéologiques ultra-présentes qui brouillent les flux quotidiens et qui révoltent les utilisateurs réguliers, nous en arrivons à une problématique plus globale : Le militantisme radical bouleverse-t-il les pratiques sur les réseaux sociaux ? Afin de traiter cette problématique, deux aspects doivent nécessairement être précisés. Les contours de cette problématique doivent être affinés en s’attardant notamment sur la signification des mots. L’approche de ce mémoire doit également être expliquée, en détaillant la démarche et la méthodologie suivies pour étudier un sujet où l’opinion est reine et, ainsi, compliquée à aborder.
  • 6. 6 Définitions Le militantisme radical Au début de mes recherches, je souhaitais faire pencher mon travail vers le militantisme extrémiste, c’est-à-dire au profit de partis considérés comme extrêmes. Cependant, j’ai rapidement été confronté au fait que les militants de partis plus traditionnels ou non considérés comme « extrêmes » employaient eux aussi ces pratiques. Le terme radical3 serait plus adapté. Il faut ensuite délimiter ce qu’est un militant radical. Julien Boyadjian, Maître de conférences à Sciences Po Lille et auteur de l’ouvrage « Analyser les opinions politiques sur internet : enjeux théoriques et défis méthodologiques », répertorie 4 types d’utilisateurs politiques des réseaux sociaux : - Le militant traditionnel : Il est encarté, souvent élu local. Il partage essentiellement des informations sur les évènements à venir ou sur les actions menées par son parti. - Le militant supporter : Son profil est plus ou moins officiel (anonyme ou non renseigné). Il communique ses goûts et son soutien pour son parti et surtout pour ses idées. Il est également dans l’attaque des candidats, supporters et idées adverses. Il a un rapport émotionnel voir passionnel avec la politique. - Le « consommateur ostentatoire d’informations politiques » : Il partage des informations qui l’ont interpellé. Il est sensible aux informations qui sont partagées mais ne représente pas d’engagement à proprement parler pour un organisme politique. - L’internaute désintéressé, il ne regarde qu’en travers ce qui se dit et passe en politique. Il ne s’y intéresse pas. Les pratiques sur les réseaux sociaux 3 Se dit d'un genre d'action ou de moyen très énergique, très efficace, dont on use pour combattre quelque chose. (Def. Larousse)
  • 7. 7 Par pratiques sur les réseaux sociaux, il faut entendre tout ce qui compose leur fonctionnement, de leur mise à disposition par les compagnies à leur utilisation par les internautes, en passant par les règles et codes mis en place sur ces sites. Pour des raisons d’accès à l’information, Twitter a plus souvent été étudié que Facebook ou d’autres réseaux sociaux. Twitter est un réseau très ouvert où il est possible de communiquer très facilement avec des communautés diverses. Une approche sensible Eu égard à la sensibilité du thème de ce mémoire, chaque intervention devait être traitée avec méthode afin de ne pas perturber les résultats. L’objectif était d’altérer le moins possible les propos des sondés et, par suite, de ne pas modifier leur opinion. Dans cette optique, il a fallu déterminer comment approcher des inconnus pour les faire parler de leur comportement militant. La principale difficulté a été de trouver ces personnes et surtout d’établir le contact. Facebook étant majoritairement un réseau fermé, un réseau de communauté, il était compliqué d’agir dessus. En revanche, Twitter, qui représente traditionnellement une parole plus publique, permettait d’interpeller plus facilement et d’avoir accès à plus de posts d’expression militante. Les commentaires militants recueillis au cours de ce mémoire ont donc tous été recueillis par des entretiens en messagerie directe. La question de ma position est aussi importante pour savoir s’il y a subjectivité ou non. Je tiens à préciser que je ne suis et n’ai jamais été lié à un organisme politique. Cette précision, essentielle pour la justification de mes recherches auprès des militants, leur était faite dès la première approche. Nous verrons dans un premier temps la réalité des pratiques du militantisme radical sur les réseaux sociaux, puis dans un second temps pourquoi il faut relativiser le phénomène
  • 8. 8
  • 9. 9 I – Le militantisme radical sur les réseaux sociaux : une réalité et des pratiques Pour comprendre pourquoi nous parlons actuellement de bouleversement, il est important de revenir sur la réalité du militantisme radical durant la présidentielle A) Le contexte actuel favorable au sujet politique sur les réseaux 1 - Les équipes de campagnes ont pris la mesure de l'importance des réseaux sociaux Les RS comme centre principal de communication des partis L’année 2012 a été la première élection présidentielle française avec les réseaux sociaux en toile de fond. L’enjeu était alors d’assurer une simple présence sur les réseaux sociaux. Ils étaient utilisés comme un moyen de communication au même titre que la presse ou la télévision. L’élection présidentielle de 2017 ont été sur ce plan d’une toute autre nature. Les réseaux sociaux sont devenus un champ de bataille quotidien pour les partis politiques, mêlant présence, force de frappe et but argumentaire. Le contexte y était favorable. Les sondages étaient serrés, que ce soit pour les primaires des deux partis politiques principaux ou pour l’élection en elle-même : 40% d’indécis à trois semaines du premier tour. Les équipes de campagne ont vu en ce médium de communication une façon d’atteindre une cible large, au-delà de leur communauté convaincue et à moindre coût. Dorian MAUGER a participé à la campagne d’Arnaud MONTEBOURG aux primaires du Parti Socialiste et a dirigé la communication d’Elodie TRUONG, candidate aux élections législatives dans les Deux-Sèvres. Il confirme que les réseaux sociaux occupaient une place importante dans son travail quotidien : « J’ai travaillé à la mise en place d’une stratégie digitale de façon globale : dans un premier temps en établissant un diagnostic de sa [Elodie Truong] présence
  • 10. 10 sur le web et de sa communauté, puis dans un second temps en mettant en place des messages et des outils en fonction des objectifs et des cibles. » L’élection de Donald Trump et le Brexit comme exemple L’élection présidentielle française a également été fortement influencée par l’élection surprise de Donald Trump en novembre 2016 et le vote en faveur du Brexit en juin 2016 Royaume-Uni. Ces deux évènements ont été un choc et leur analyse a prouvé que les réseaux sociaux pouvaient se trouver à la base même de ce résultat, voire qu’ils étaient prévisibles pour tout analyste. La grande force de Donald Trump était sa force de frappe sur les réseaux sociaux. Déjà connu en tant qu’animateur, il était populaire avant les primaires de son parti. Ses déclarations chocs ont attiré l’attention sur lui et ses tweets sont devenus ultra-relayés. Au- delà de sa présence sur Twitter comme atout, il a pu se reposer sur une communauté forte, engagée et très organisée. Sur des forums ou des plateformes de partage, ses soutiens que l’on pourrait répertorier comme des « militants supporters » ont lancé des campagnes et des actions sur les réseaux sociaux visant à discréditer les démocrates et vanter la solution Trump. Cette tendance a grandement inspiré la campagne présidentielle française. Autre fait d’armes des réseaux sociaux au cours de ces évènements : un cabinet d’étude statistique canadien a fait surface dans le chaos post-résultat. La société Filteris est spécialisée dans l’étude des tendances sur les réseaux sociaux. Elle était la seule à annoncer les deux évènements. Filteris proclame baser ses études sur le volume de messages postés en faveur de tel ou tel vote, ou concernant une organisation ou une personne impliquée dans un choix potentiel. Même si la méthode est à la fois floue et discutable, les résultats ont été là et les partis français ont bien vu le message. Le parti Les Républicains a utilisé ces études pendant toute sa campagne comme gage d’optimisme. François Fillon a été annoncé au deuxième tour avec Marine Le Pen pendant toute la durée de la campagne, signe que les méthodes restent à être améliorée. Les différentes affaires Fillon ayant sans doute faussé les résultats.
  • 11. 11 2 - Les partis extrêmes comme fer de lance de l'utilisation des réseaux sociaux Les réseaux sociaux, terre historique de l’extrême droite Le Front National est l’un des pionniers de la politique dans le domaine du web et des nouvelles techniques de communication : du minitel à la radio, du premier site internet en 1996 à la première page Facebook en 2006. Le FN a toujours été à la pointe. Cette expérience permet au FN de parfaitement connaître les codes du web. Dernièrement Florian Phillipot faisait référence, dans une vidéo YouTube, aux codes du plus gros forum français : le blabla 18-25 de jeuxvideo.com. Désormais le FN s’appuie sur les réseaux sociaux pour prononcer des discours sans filtres médiatiques, pousser à l’action militante et avoir la mainmise sur les discours de ses élus et ainsi perpétuer leur stratégie de dédiabolisation. Sur les RS, les voix les plus fortes sont celles des extrêmes En septembre 2016, dans son émission « on n’est pas couché » Laurent Ruquier qualifiait le réseau entier de Twitter de « fachosphère ». Si la citation a créé un tollé sur Twitter et notamment auprès des twittos non politisés qui ne se reconnaissaient pas dans cette description, elle est tout de même significative. D’autant plus qu’il n’est pas le seul « people » à s’en être plaint. Michel Cymès, docteur et animateur TV a désactivé son compte Twitter en le justifiant avec le texte ci-dessous :
  • 12. 12 On peut comprendre le sentiment de ces personnalités quand Nicolas Vanderbiest, enseignant chercheur à l’Université de Louvain estime que Marine Le Pen a pu se baser sur une communauté de plus de 45 000 compte actifs pour propager ses idées. Un chiffre énorme si on le compare aux autres partis plus traditionnels. L'anonymat, propice à libérer la parole extrémiste ? Grâce à la prolifération des comptes militants, l’anonymat et la parole extrémiste se développent. La question est de déterminer s’il s’agit ou non d’une coïncidence, notamment du côté de l’extrême droite où les dérapages racistes sont réguliers. Une grande majorité des comptes identifiés comme d’extrême droite et non élus communiquent sous anonymat, jusqu’à Marine Le Pen qui dispose de son propre compte, qui n’est désormais plus anonyme4 . J’ai interrogé à ce sujet un compte très actif (1 tweet/5 min environ) sur des thématiques d’extrême droite (Annexe #5). Ce compte possède 9 000 abonnés et affiche clairement son vote pour François Asselineau au premier tour de l’élection présidentielle et en faveur de Marine Le Pen au second tour. Son nom d’usage comprend aussi une référence à son 4 Son adresse mail personnelle a été reliée à un compte ayant pour pseudo eniram68, et comme prénom Anne. Ce compte contient son prénom, sa date de naissance et son deuxième prénom. Suspecté par Le Monde d’être son compte personnel en 2015, France Info a établi des preuves en Juin 2017 sur la base d’un mail officiel envoyé par Marine Le Pen avec l’adresse mail reliée à ce fameux compte Twitter. Elle a notamment utilisé ce compte pour partager des infos du site extrémiste fdesouche.fr ou encore remettre en place des journalistes ou des personnes n’ayant pas les mêmes opinions politiques.
  • 13. 13 opinion5 . Après avoir répondu avec des réponses construites et complètes sur plusieurs questions, il a brutalement cessé de répondre à mes sollicitations lorsque le sujet de l’anonymat a été abordé. On retrouve généralement plus de comptes militants anonymes chez les « extrêmes », La France Insoumise, l’UPR et surtout le Front National en tête. Il est même rare que l’extrême droite milite à visage découvert. Lorsque c’est le cas, ils rentrent généralement dans la catégorie des militants traditionnels, ayant un rôle exécutif au sein du parti. L’une des raisons de cet anonymat est aussi judiciaire. Les poursuites à l’encontre d’internautes tenant des propos racistes se sont multipliées, des noms ont même été affichés dans la presse pour des commentaires jugés extrêmes sous des articles. Pour se prémunir, dès les premières attaques, l’anonymat est devenu monnaie courante. D’autant plus que depuis leurs débuts, Facebook et surtout Twitter sont catégoriques sur la protection des données de leurs utilisateurs. Twitter a plusieurs fois tenu tête à la CIA en refusant de donner les informations qu’ils détenaient sur leurs comptes afin de « préserver la liberté d’expression ». Ainsi, anonymat et protection des réseaux permettent à bon nombre de paroles extrêmes de se délier. Il est donc aisé de voir des illustrations ouvertement racistes ou extrêmes circuler librement sur ces réseaux. Cette image n’est pas un cas rare sur Twitter. On y croise des montages en tout genre, la plupart du temps assez grotesques (Image #2) et faisant des raccourcis entre le passé et la vie actuelle. Facebook et Twitter font régulièrement face à des attaques verbales les accusant de participer à la propagation de ces informations. 3 – L’âge d’or du faux 5 Pour des raisons de confidentialité, je me suis engagé à ne pas divulguer de nom de compte.
  • 14. 14 Le phénomène Fake News Inconnu du grand public début 2016, c’est l’un des buzzword de l’année. Entré dans le langage courant depuis les élections présidentielles américaines, les réseaux sociaux francophones n’y ont pas échappé pendant les élections présidentielles françaises. The Guardian a tenté à plusieurs reprises de définir le terme avant de donner cette définition en avril dernier : « Les « fake news » (littéralement fausses nouvelles) représentent des informations fictives délibérément fabriquées et présentées comme n’étant pas fictives avec l'intention d'induire ses destinataires à traiter ces informations comme un fait ou à les faire douter sur la réalité de l’information.6 ». Nous devons également distinguer une fake news d’une fausse information satirique, type Le Gorafi ou Nordpresse. La différence réside dans l’objectif, le but affiché. Dans une fake News, il y a un but idéologique, mais la frontière est ténue. La preuve en est lorsqu’avant le second tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron s’est rendu à Amiens pour rencontrer les salariés de l’usine Whirlpool : plusieurs salariés ont interpelé le candidat sur le fait qu’il ose leur serrer la main. Des salariés en parleront même face caméra sur BFM TV. La visite a en fait été entachée par un vieil article du Gorafi, daté de Juillet 2016, où Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, était cité en titre avec la phrase suivante : « Je ne suis pas méprisant… mais c’est plus fort que moi, quand je serre la main d’un pauvre, je me sens sale pour toute la journée. ». L’article avait alors été abondement relayé sur des groupes Facebook et des sites d’extrême-droite. Ainsi un article satirique associé à une idéologie en devient rapidement une fake news détournant certaines opinions. Si certains rappellent que le phénomène de contre-vérité a presque toujours existé, nous sommes en droit de nous interroger pourquoi elle explose aujourd’hui. Trois explications peuvent être apportées : les sources, la consommation de l’information et le lectorat. 6 « Fake news means fictions deliberately fabricated and presented as non-fiction with the intent to mislead recipients into treating fiction as fact or into doubting verifiable fact. » The Guardian, « Defining fake news will help us expose it », mai 2017
  • 15. 15 Premièrement, la démocratisation d’Internet et sa facilité d’utilisation font que désormais chacun peut créer son propre média sur internet. Certains en ont profité pour créer des sites d’informations ayant pour objectif premier de jouer sur les émotions du lecteur afin de faire passer une idéologie. Une fois encore, les extrêmes ont très vite su s’emparer de l’espace. Les sites d’extrême droite ont fleuri. Dans mon enquête (Annexe #1), je me suis rendu compte que les sites les plus connus pour proposer des contenus extrémistes étaient connus du grand public. De nombreux sites tels que dreuz.info, Boulevard Voltaire ou fdesouche.fr ont acquis une présence forte sur les réseaux sociaux. Boulevard Voltaire, média d’opinion ouvertement anti-PMA, anti-mariage pour tous, et aux penchants islamophobes compte par exemple 25 700 abonnés (dont François Fillon et Marine Le Pen) et est identifié par 16% des sondés. Il existe une autre problématique derrière la source : qui se cache derrière. Nous verrons que les politiques ne sont en réalité pas si éloignés de ces pratiques. Ce sont ces sites aujourd’hui qui se posent comme des relais d’informations alors qu’ils possèdent une idéologie forte. Ils ont vocation à communiquer avec leur communauté et éventuellement à l’élargir. Ce sont des sources de fake news. Deuxièmement, la consommation de l’information est en jeu dans le phénomène des Fake News. Si 17% de la population déclare s’informer à partir des réseaux sociaux, ce chiffre monte à 2/3 pour les 18-24 ans7. Il y a donc une partie importante de la population qui n’est au courant de l’actualité, dont la politique, que par ce médium. Il s’agit donc d’un véritable enjeu de présence. L'Université de Columbia, en collaboration avec le French National Institute, publiait dans le Chicago Tribune une étude édifiante : 59% des liens partagés sur les médias sociaux l’on été faits sans être lus. Ajouté à cela que 60% des liens apparaissant dans la timeline ne sont pas cliqués. Ce qui signifie que ces personnes ont pu avoir accès à 7 Enquête Actu 24/7, Médiamétrie, février 2016
  • 16. 16 l’information délivrée par le titre mais n’ont pas cherché à en savoir plus. Cela pose une question fondamentale relative à l’impact du titre d’un article auprès de l’opinion publique. Si l’on ne peut estimer exactement cette influence, une étude pour GQ Italia et repris par Médiapart rapporte que 70% des commentaires d’un article sont postés sans lire ledit article. Cela induit que les réactions sont immédiates et ne cherchent pas forcément à affiner leur raisonnement. La conclusion de tout cela est que cette fabrique d’opinions a bien été comprise et notamment par les extrêmes. A partir d’un titre ravageur et d’un nom de site d’informations en apparence légitime, de fausses informations peuvent circuler à grande échelle et à grande vitesse. Ainsi, au travers du sondage que j’ai mené auprès d’internautes, j’ai constaté la réalité du phénomène : seulement 15% des internautes pensent n’avoir jamais eu affaire à des fake news alors que 92% des sondés connaissaient le terme auparavant. Les fake news ont tellement envahi le terrain politique que de nombreux candidats ont décidé de répliquer sur leur site en répondant dans des rubriques spécifiques à ces Fake News. Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et même Jacques Cheminade ont eu recours à ce procédé.
  • 17. 17 L’astroturfing en politique Une autre notion, tout aussi complexe mais moins répandue que celle de « Fake News », est l’astroturfing. Ce terme vient des Etats-Unis et du faux gazon très réaliste de la marque astroturf. L’astroturfing est une méthode de communication qui consiste à simuler une action commune dans le but de manifester contre une cause donnée. Pour être plus clair, cela permet de donner l’impression d’être beaucoup à défendre une cause afin d’avoir plus de poids. L’astroturfing s’est exprimé par trois méthodes différentes durant la campagne présidentielle française. Tout d’abord, il s’est exprimé au travers de la présence massive de messages militants sur tous les contenus relatifs à la société ou à la politique. Certains partis ont inondé les réseaux sociaux de messages militants, s’assurant une présence bien plus élevée que ce qu’elle représente en réalité. L’exemple le plus marquant est celui de l’UPR, énormément présent pendant toute la campagne sur les réseaux sociaux et notamment sur leurs thématiques fortes (Europe et euro). Les militants UPR sont devenus un meme8 pendant la course à la présidence. La phrase « Connaissez-vous l’UPR ? » et le rapprochement avec des témoins de Jéhovah sont devenus cultes sur le web français. Pourtant, et c’est le symbole de cette forme d’astroturfing, l’UPR n’a représenté que 0,8% des voix au premier tour de l’élection présidentielle, s’attirant ainsi les moqueries des autres utilisateurs suite à l’annonce des résultats. Deuxième exemple de l’astroturfing, les sondages et les « j’aime » de commentaires, qui constituent une véritable bataille au sein des réseaux sociaux. Ce phénomène concerne la quasi-totalité des partis politiques français. Pour le compte de Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen, François Asselineau, il existe des exemples très clairs : - Des sondages sont créés sur des sites d’informations ou sur Twitter, les militants se mobilisent pour que le résultat soit en faveur de leur protégé. 8 Élément ou un phénomène repris et décliné en masse sur Internet
  • 18. 18 - Une information importante sort sur les sites d’informations sur les réseaux sociaux, un message militant soutenant le parti sort immédiatement du lot des commentaires et tout est fait pour qu’il soit le premier commentaire. Telles sont les actions d’astroturfing qu’ont pratiqué ces partis pendant la campagne. Enfin, la dernière pratique d’astroturfing est la falsification de compte. Deux exemples ont été relevés par Réputatio Lab. Tout d’abord, le cas d’un utilisateur de Twitter qui s’est acheté des followers en grande quantité (il a atteint 110 000 followers) afin de donner plus de visibilité à son contenu pro-FN. L’autre exemple a consisté à créer de faux comptes pro- Macron (explicitement nommés Macron2017) sur Twitter et de les faire changer d’avis en cours de route pour Marine Le Pen. Le fait d’avoir créé plusieurs comptes de cette manière de façon à porter préjudice à Emmanuel Macron est une forme d’astroturfing. Désormais nous devons réfléchir sur le sens de la communauté. En effet, nous avons vu que plusieurs communautés se sont créées et ont agi ensemble, ce qui interroge sur la possibilité que le principe de communauté favoriserait le militantisme radical sur les réseaux sociaux. L’objectif final de l’astroturfing est le « bandwagon effect », littéralement « l’effet du wagon orchestre ». L’objectif est d’influencer une opinion en créant un effet de groupe.
  • 19. 19 B) Le communautarisme digital comme ciment du militantisme radical sur les réseaux sociaux 1 - Le principe de communauté sur les réseaux sociaux en politique Fachosphère et patriosphère sont deux termes, devenus légion sur le web, qui traduisent un problème plus profond. Il faut tout d’abord définir ces mots. Fachosphère désigne l’ensemble des internautes portant une opinion à caractère fasciste, quand patriosphère traiterait d’une opinion centrée sur la France en prônant des valeurs historiques. L’intérêt de l’utilisation de ces termes n’est pas la réunion des pensées sous un nom précis mais l’utilisation du mot « sphère ». A première vue, cela représente la bulle dans laquelle se tiennent ces utilisateurs. Une autre hypothèse peut être envisagée. Eli Pariser, entrepreneur américain et militant du web a proposé une théorie lors d’une conférence TedX : « la bulle de filtre ». Le principe est qu’aujourd’hui, tous les contenus auxquels les utilisateurs de réseaux sociaux ont accès sont générés autour de ce qu’ils aiment ou consultent. Cela concerne les moteurs de recherche autant que les réseaux sociaux. Le problème est que cela génère des filtres à la réalité puisque l’utilisateur n’est confronté qu’à un seul point de vue. Eli Pariser résume cela : « Vous vous endoctrinez vous-même avec vos propres opinions. Vous ne réalisez pas que ce que vous voyez n’est qu’une partie du tableau. Et cela a des conséquences sur la démocratie : pour être un bon citoyen, il faut que vous puissiez vous mettre à la place des autres et avoir une vision d’ensemble. Si tout ce que vous voyez s’enracine dans votre propre identité, cela devient difficile, voire impossible. » Les bulles de filtres sont donc l’une des grandes bases du communautarisme sur les réseaux sociaux. Le problème de ce postulat est que ce système va à l’encontre de ce que veulent être les réseaux sociaux, à savoir une ouverture aux autres. Cela enferme les idées dans des sphères, des bulles, et celles-ci rencontrent souvent des frictions avec d’autres bulles qu’elles ne comprennent pas. 2- Des codes propres à chaque communauté
  • 20. 20 Les signes distinctifs A force d’être catégorisé ou de se catégoriser, une partie importante de militants de tous bords arborent fièrement à côté de leur nom des signes distinctifs ou des hashtags permettant d’identifier leur opinion au premier coup d’œil. La France insoumise arbore la lettre Phi et le rameau d’olivier, deux symboles forts de la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Le Front National et plus généralement la patriosphère porte très facilement le drapeau français dans son nom. Du côté de l’UPR, on glisse #frexit au sein de son pseudo. Pour les autres, ce sont essentiellement les hashtags de campagne type #Hamon2017. Nous verrons plus tard que d’autres éléments ont été mis à disposition des militants pour se distinguer. Un militant Les Républicains a ainsi confié (Annexe #3) que le #Fillon2017 dans les informations du profil des autres utilisateurs lui permettait de voir qui d'autre soutenait François Fillon et ainsi d'échanger plus facilement avec d'autres militants. Une réelle organisation au sein des communautés Chaque communauté a su mettre en place une forme d’organisation dans le but d’agir sur les réseaux sociaux. Concernant l’UPR, le parti est quasiment né sur Internet. Comptant 700 adhérents il y a six ans pour plus de 16 000 aujourd’hui, la stratégie de présence globale porte ses fruits. Cette stratégie s’articule notamment autour d’affichage massif dans les grandes villes, de mailings permanents aux rédactions et d’une présence sur les sujets phares de leur programme que sont l’Europe et la monnaie. Au cours de mes recherches auprès de militants, j’ai cherché à interpeller ces derniers sur l’existence de l’UPR. Une adhérente/militante UPR a ainsi répondu que « les français parlent d’Asselineau sur les réseaux sociaux pour partager ses multiples conférences/analyses/interviews... ». Face à l’expression « les français », je lui ai demandé s’il existait bien une communauté forte à l’UPR. « Il y a une communauté d'adhérents très actifs, ne serait-ce que pour les 600 000 affiches collées partout et sur les réseaux sociaux. Je
  • 21. 21 suis entrée dans une conversation privée sur Twitter sans l’avoir voulu et ils n'arrêtent pas de parler, de réfléchir, de se passer des informations. » Du côté de la France Insoumise, l’objectif n’est pas la notoriété mais la persuasion. La stratégie majeure des militants FI a été de pointer un point du programme de Jean-Luc Mélenchon face à chaque problème de société mis en lumière. Dans le cadre de mes recherches, j’ai interrogé un militant FI sur ce point (Annexe #4). « C'est une méthode qui a fonctionné car nous n’arrivons pas avec force et fracas, un vocabulaire grossier et je pense [que] nous avons cette capacité à débattre et à défendre correctement nos idées. La France Insoumise est un mouvement qui se suffit à lui-même, c'est un mouvement de gens de tous bords qui se rencontrent autour d'un projet, qui ne sont pas sectaires, et je pense que ça ne peut qu'être bénéfique pour le débat public. » Ce qui est inédit avec la stratégie de la France Insoumise est qu’une grosse partie de la communication (notamment numérique) de la campagne est issue de la communauté elle-même. Basés sur des forums ou des plateformes (Discord), des communautés et des talents se sont rejoints pour créer des opérations et déterminer des stratégies à mener ensemble. Il s’agit de la communauté qui semble la plus organisée. C’est que souligne un militant interrogé : « La plateforme jlm2017 a permis la création de milliers de groupes d'appui, ça a permis à des gens de se rencontrer, d'échanger. Et aussi, les différents groupes sur Facebook également, il existe même des groupes de design pour des photos et des affiches. Tous les talents ont été mis en commun. On le voit par exemple avec la création de Fiscal Kombat9 . C'est nous en fin de compte qui faisons la communication de la campagne avec les réseaux sociaux. Nous ne recevons aucune consigne et faisons place à nos talents et à notre originalité. Ma pp (photo de profil, ndlr) a été faite par un militant, qui a apposé son phi. » Les Républicains sont aussi une communauté très organisée. Outre la reconnaissance par les signes disctinctifs, un militant LR, très impliqué dans la campagne a ainsi confié lors de notre échange : « En général pour les échanges, on utilise des groupes où on peut discuter plus facilement, on se donne des infos. Il y a beaucoup de groupes, je suis présent dans trois. Ça 9 Jeu vidéo sur la base du jeu « Mortal Kombat », mettant en scène Jean-Luc Mélenchon se battant avec ses idées contre des adversaires politiques et idéaux.
  • 22. 22 permet aussi de se retweeter pour que nos messages soient plus vus. On s'échange aussi des articles où l'on peut voter, sur les sondages, les tweets qui critiquent Fillon, diffusent de fausses informations. Ensuite, chacun décide de répondre ou pas. Et ça permet de se connaître, puisqu'on n'habite pas nécessairement à côté. Si mon soutien peut convaincre d'autres personnes, j'en serai ravi, mais c'est difficile à estimer. » Nous verrons tout à l’heure que l’organisation des Républicains est encore plus poussée. « En Marche ! » a en revanche été plus ou moins contraint de s’organiser rapidement pour contrer les attaques des autres partis. Face à celles-ci, les militants ont créé la « team love ». Il s’agit d’un rassemblement sur l’application de messagerie Telegram afin de gagner en poids sur les réseaux sociaux. Les résultats n’ont pas toujours été au rendez-vous malgré des pratiques claires d’astroturfing. Concernant le Parti Socialiste et Benoît Hamon, il est en revanche difficile de trouver une information sur la mobilisation des militants. Celle-ci n’a été que très peu visible pendant la campagne et les seuls articles qui existent sur la présence numérique du candidat montrent à quel point il a été absent. Il est donc difficile, même auprès des militants, de dénicher des informations. Quant au Front National, il s’agit d’un parti donc l’activité numérique mériterait à elle-seule un mémoire entier. Tout d’abord, il faut distinguer le militantisme patriote, ou d’extrême-droite, du militantisme FN. Un militant prônant la résistance française et étant présent à la base des actions militantes d’extrême-droite a déclaré à Buzzfeed : « Disons qu'on lance des tweets, des hashtags, des mèmes qui sont repris par notre base de plusieurs centaines de personnes, puis qui inondent le camp pro-FN sur Twitter. Eux-mêmes les réutilisent mais de leur propre initiative. […] Certains d'entre nous sommes sur des DM collectifs (sur Twitter) pour se retweeter, mais il n'y a pas une base centrale où les pros-FN complotent pour faire monter des tweets », ajoute-t-il. En réalité, la stratégie est plus complexe. Outre les forums comprenant de fortes parties pro-fn : jeuxvidéo.com, 4chan.org ou autres, il existe comme pour la France Insoumise un Discord (nom de la plateforme) pour organiser des actions sur les réseaux sociaux. Nicolas Vanderbiest l’expliquait sur France Culture le 24 février dernier :
  • 23. 23 « La fachosphère ou la patriosphère convient d’un jour et d’une heure précise, généralement le mardi ou jeudi, à 18 h. Une fois l’heure venue, ils s’activent à environ 1800 personnes pour tweeter un mot-clef défini au préalable, le tout piloté sur la plateforme "Discord". Objectif : atteindre les tendances Twitter pour obtenir la visibilité qui l’accompagne. » En revanche, la question demeure dans le fait de savoir si les équipes de campagnes jouent ou non un rôle direct dans l’organisation militante sur les réseaux sociaux. 3 - Une orchestration des communautés par les équipes digitales des partis ? L’élection présidentielle de 2017 a consacré le règne de l’omniprésence sur les réseaux sociaux. Les équipes de campagne ont toutes cherché à être présentes sur toutes les plateformes, sur tous les formats et sur tous les fronts. Rien ne devait être laissé au hasard. Les militants ont été poussés, coachés et aiguillés jusqu’à ne leur laisser que l’action de publication. Les équipes ont mis à disposition des militants un véritable arsenal de promotion, voire de « propagande » selon les termes mêmes de certains partis. Une nouvelle pratique a émergé par la création de contenu divertissant sous « marque blanche ». Un coaching direct auprès des militants. Nous avons précédemment parlé de l’importance des organisations militantes et des plateformes de type Discord ou Telegram, mais celle-ci doit beaucoup à la tutelle des équipes de campagne. Si l’on reprend les six partis étudiés, nous observons des différences nettement plus marquées. L’UPR communique en affirmant que les équipes de campagne ne font qu’inciter les militants à prendre la parole sur le web. Cependant, dans le Journal du Dimanche du 9 mars 2017, l’un des membres du parti a concédé avoir eu recours aux chaînes de mails et aux appels à commenter ou à voter sur les médias en ligne : « Cela a dû nous arriver, mais on ne l'a jamais beaucoup fait... ». Ce même membre a avoué dans la foulée : « L'honnêteté intellectuelle m'oblige à dire qu'on l'a fait, moi aussi ça m'est arrivé. » Les techniques de
  • 24. 24 l’UPR ne sont cependant pas autant développées que celles des autres partis, mais les hautes sphères du parti reconnaissent ainsi que le cyber-militantisme est encouragé. Concernant la France Insoumise, il est plus difficile d’observer la présence des équipes de campagne dans la mesure où la communauté tient une place très forte, d’autant plus qu’affirmer que toute la communication de Jean-Luc Mélenchon provient de ces internautes fait partie du storytelling de la campagne. Cependant, le fait même d’intégrer les réseaux sociaux dans le processus de la campagne fait partie de la stratégie des équipes de la France Insoumise. En effet, de nombreux outils ont été mis en place pour s’assurer du bon fonctionnement de cette stratégie : une plateforme de cohésion d’actions, un site pour détailler comment parler et débattre des idées de Jean-Luc Mélenchon, sans parler de la stratégie de présence sur les réseaux sociaux et notamment YouTube, dont Jean-Luc Mélenchon affirme y avoir la plus forte communauté politique de France. Si la présence des équipes est volontairement en retrait, nul doute que cela fait partie de leur stratégie. Du côté des Républicains, un contrôle très fort de l’action militante sur le web a été mis en place par les équipes de François Fillon. Le militant LR dont il était question précédemment a résumé comment sa parole de militant a été influencée par les équipes de campagne. A propos de son quotidien de militant, il a ainsi confié : « Je regarde ce qui est mis dans l'application Fillon 2017 mais ne poste pas tous les messages, il y en a parfois 6-7 alors j'en prends un ou deux. Pour la newsletter, je reçois celle de mon Comité et les mails de Fillon. Sur l'équipe de campagne, on reçoit parfois des mails de visuels à utiliser, pour les débats en général ou quand il est invité à un JT. On a aussi un fil sur Telegram où on reçoit régulièrement des visuels à diffuser sur le programme et des articles à partager. On a aussi des visuels pendant ses discours de meetings. » Le nombre d’interventions de l’équipe de campagne est colossal comparé à celui de la France
  • 25. 25 Insoumise. Sur les organismes officiels de communication de François Fillon, ce contrôle est pleinement assumé. L’ensemble des moyens cyber-militants sont rassemblés sous le nom « e-force ». Symbole de l’importance donnée à ce mouvement, sur le site officiel de la campagne de François Fillon, E-force est la première catégorie présentée. On y incite à télécharger l’application mobile de la campagne pour pouvoir militer en ligne en temps réel. Il est aussi possible de laisser son adresse mail pour recevoir le même type de contenu. En définitive, cela conduit par exemple à un contenu de ce type : Il s’agit d’un mail avec une dizaine de verbatim de François Fillon et de liens cliquables pour les partager. Nous verrons plus tard qu’il ne s’agit que d’une des stratégies mises en place par l’équipe de campagne de François Fillon. Concernant « En Marche ! », nous avons précédemment évoqué d’un Telegram militant. Il s’agît d’un outil conçu pour les militants et non conçu par les militants. Tous les « salons » de débats entre militants sont coordonnés par au minimum un employé d’En Marche. Il y a une volonté de garder la mainmise sur les avancées. De plus, un système aux visées équivalentes de la E-force des Républicains a été mis en place. Il s’agit d’un site web à l’URL régulièrement changeante permettant d’avoir accès plus simplement aux contenus à partager et à faire prospérer. La différence avec les équipes de François Fillon est que cette position n’est pas clairement assumée, comme le montre la difficulté d’accès au fameux site. La communication est ultra-contrôlée et a perduré à l’Elysée, comme en atteste la communication officielle du Président de la République. Quant au Parti Socialiste, nous ne disposons pas d’informations précises. Cependant, la position sur l’importance des contacts auprès des militants est importante. Dorian Mauger, qui a mené la campagne du Parti Socialiste aux législatives dans une circonscription des
  • 26. 26 Deux-Sèvres le confirme. Selon lui, les bases de données en ligne des militants sont « le nerf de la guerre », même si « la communication digitale à l’échelle locale ne représente que 20% » de la communication totale. Pouvoir compter sur un appui militant en ligne est donc très important. Enfin, nous en arrivons au Front National. Le Front National joue double jeu en incitant à la mobilisation sur les réseaux sociaux tout en prenant ses distances afin d’éviter toute retombée suite à un discours haineux ou injurieux. Le Front National s’appuie de façon évidente sur la culture et la connaissance historique des codes d’Internet par l’extrême droite pour propager ses idées face aux médias que le parti critique en permanence. Le problème est que cette propagation engendre très facilement des débordements. Or le FN est depuis quelques années dans une logique de dédiabolisation. La solution trouvée a été de se désolidariser officiellement de la fachosphère et de la patriosphère, qui amène potentiellement le plus de problèmes, et de maintenir de nombreuses règles d’utilisation des réseaux sociaux pour les élus locaux. Néanmoins, il n’est pas aisé de contrer la dynamique créée par les « sphères ». Tout d’abord, des membres de ces sphères ont créés un Discord nommé « la Taverne du patriote ». Ce Discord propose de nombreuses pistes de réflexions pour mettre en place des raids sur les réseaux sociaux et de grandes opérations contre les adversaires politiques. Le lien entre le Front National et ces « sphères » est établi quand des dirigeants FN eux-mêmes partagent des contenus générés sur ce medium. Autre lien entre dirigeants FN et actions militantes : les dirigeants n’hésitent pas eux-mêmes à publier des fake news, montrant la voie aux militants. A la suite du débat du premier tour de l’élection présidentielle, Wallerand de Saint Just, figure notable du FN a publié un faux sondage prétendument sorti du Figaro et prouvant que Marine Le Pen avait le plus convaincu. Le Figaro contestant l’origine des graphiques, l’élu FN a mis en cause le média. Par ailleurs, Florian Phillipot a rendu hommage à cette communauté de cyber-militants dans l’une de ses vidéos YouTube en intégrant en grande quantité des codes propres au forum dont ils étaient issus (jeuxvideo.com). Une aide à l’identification
  • 27. 27 Les équipes de campagne ayant besoin de ces communautés, il leur appartient aussi de faire en sorte qu’elles existent et subsistent. A ce sujet, la totalité des équipes de campagnes se sont mises sur les mêmes longueurs d’ondes. Le principe consiste à mettre à disposition des « kits de campagne » permettant de s’identifier et de revendiquer son appartenance à sa communauté. Benoît Hamon, Emmanuel Macron, François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélechon, François Asselineau et Nicolas Dupont-Aignan ont mis à disposition des kits militants pour afficher, sur les photos de profil et les bannières de Facebook et Twitter, l’appartenance et l’adhésion à ces idées. Ils ont également mis à disposition des visuels de soutien, de promesses de campagnes, etc. Marine Le Pen est allée le plus loin dans le processus en proposant des visuels adaptés à chaque corporation et à chaque idée partagée. Cette stratégie a eu pour conséquence de voir ces visuels envahir les photos de profil sur les réseaux et notamment sur Twitter. Quand les équipes de campagne transmettent des opinions en se cachant Il semble que, pour la première fois au cours d’une élection présidentielle française, des partis politiques ont créé du contenu engageant en cachant leurs véritables intérêts, en d’autres termes du brand content de la politique. Premier exemple, ces derniers mois un concept a fait le buzz sur Twitter puis sur Facebook : Malaise TV. Le principe consiste à publier des situations de malaise pour que le spectateur se sente terriblement gêné de la situation. Reprenant ce principe exclusivement en politique, un compte Twitter/Facebook/YouTube a été créé et a rapidement fait le buzz : Ridicule TV. Chaque post engage des milliers d’internautes qui partagent en masse. Le compte enchaîne les maladresses d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François Hollande… mais jamais François Fillon. Interpellé par cette anomalie, Buzzfeed a mené son enquête et découvert que l’adresse ayant servi à la création du compte provenait de l’équipe de campagne de François Fillon. Ces derniers se sont justifiés en disant qu’ils n’avaient fait qu’aider des militants qui souhaitaient monter ce projet. Toujours est-il que le compte a continué à se développer, accumulant plus de 12 600 abonnés et allant jusqu’à être cité par TF1, CNN et El
  • 28. 28 Mundo. Au travers du sondage réalisé pour les besoins de ce mémoire, il apparait que 47% des internautes reconnaissent avoir déjà fait face à une vidéo de Ridicule TV. Un autre exemple concerne les reportages de Vincent Lapierre sur ERTV. Il s’agit d’un animateur qui pose des questions plus ou moins complexes à des militants sur un sujet donné. L’objectif sous-jacent est de les mettre en défaut. Le problème est que, dans ce cas également, le traitement n’est pas égal. Cette différence de traitement s’est notamment observée au cours de l’entre-deux tours. Les militants d’Emmanuel Macron ont systématiquement été décrédibilisés et Marine Le Pen a au contraire été « dédiabolisée ». Cela s’explique par le fait que la production et la diffusion de ces vidéos est effectuée par ERTV, Egalité et Réconciliation TV, un média créé par Alain Soral avec un fort soutien de Dieudonné. Ces deux personnalités sont connues pour leurs idées bien ancrées à l’extrême- droite, validées par une candidature conjointe aux élections européennes de 2009 sous les couleurs frontistes. Si le rapport est moins direct avec l’équipe de campagne que Ridicule TV, la question d’un contenu viral à vocation idéologique est au moins aussi dangereuse que les fake news. Nous pouvons parler ici de dangerosité dans la mesure où les idéologies de ces partis sont transmises par des personnes agissant sous marque blanche, sans se dévoiler. Pour preuve, 91% des sondés dans le cadre de ce mémoire ne savaient pas ce que représentaient ces deux médias ni sous quelles idéologies ils agissaient. Sachant que certaines vidéos ont atteint plus de 5 millions de vues, la question de la moralité mérite d’être posée dans la mesure où l’électorat peut se sentir trompé, voire manipulé.
  • 29. 29 C- État des lieux : l’étouffement des réseaux sociaux. Nous avons étudié jusqu’ici une multitude de pratiques, de détails et d’implications dans les actions politiques. C’est dans ce contexte d’un foisonnement de pratiques politiques numériques diverses qu’intervient notre problématique, celle du bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux par le militantisme radical. Ce foisonnement apparait comme désordonné eu égard au nombre de pratiques recensées et peut donner aux utilisateurs lambda une certaine impression de cafouillage. En plus du présentéisme accru des militants, les internautes observateurs commentent eux aussi les post, ce qui a pour conséquence de se retrouver face à un flux politique plus qu’important sur les réseaux sociaux. Pour émerger de ces flux, les équipes de campagnes et les militants ont rivalisé d’ingéniosité, quitte à employer des méthodes pouvant être considérées comme moralement condamnables. Toutes ces pratiques ont conduit à une saturation des sujets politiques et des messages militants, et par conséquent à un certain ras-le-bol de la part des utilisateurs lambda. 1 – L’omniprésence des sujets politiques Un contexte largement favorable La période d’étude est très importante pour déterminer s’il y a ou non bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux dû au militantisme radical. Si les premières constatations ont été effectuées il y a déjà longtemps, tout s’est accéléré ces derniers mois à l’approche de l’élection présidentielle. Cette échéance aurait pu créer à elle-seule une effervescence politique sur les réseaux sociaux, mais elle a été accentuée par de nombreux tournants qui ont agité les réseaux sociaux : (dans le désordre) • Election de Donald Trump • Brexit • Non-candidature de François Hollande • Primaire à droite & surprise de la désignation de François Fillon • Primaire à gauche & surprise de la désignation de Benoit Hamon
  • 30. 30 • Montée d’Emmanuel Macron • Nouveau/elle président/e alors que l’on semblait se diriger vers un retour de François Hollande ou Nicolas Sarkozy • Multiples affaires et retournements de situation chez François Fillon et Marine Le Pen • Des débats « nouvelle formule » • Les traditionnelles petites affaires et petites phrases • Etc. Autant de sujets à opinion qui ont enflammé la toile pendant plus de sept mois. Les réactions classiques, qui auraient généré en temps normal énormément d’interactions en lien avec la politique, ont été poussées à leur paroxysme grâce à la stratégie de l’omniprésence voulue par les équipes de campagnes. Des pratiques pour être omniprésent sur les réseaux sociaux Plusieurs pratiques vont être mises en place pour que les arguments politiques viennent plus facilement aux yeux des électeurs. La première est l’utilisation massive de hashtags similaires. L’objectif ultime : les trending topics (#TT). Ce sont les sujets tendances. Nous l’avons expliqué précédemment, ces méthodes peuvent être décriées mais la récompense est une visibilité sur Twitter voire en relais média. C’est l’un des symboles de l’emprise qu’a eu la politique ces derniers mois sur Twitter. En permanence, deux à trois des dix sujets les plus commentés étaient politiques. La seconde est l’utilisation de bots. Présents sous différentes formes : achats de followers, publication d’un même message, engagement, etc. Ils permettent d’occuper le terrain, de gagner en visibilité et de donner une impression forte sur l’opinion ou la personne qui soutient le candidat concerné. Au cours de la présidentielle, seuls Marine Le Pen et François Fillon ont été mis sur le devant de la scène pour cette
  • 31. 31 pratique. Marine Le Pen s’est vue reprocher les faits précédemment expliqués, à savoir organiser des raids numériques pour arriver en TT ou pour avoir un message plus facilement visible sur des sujets de société. Du côté de François Fillon, l’intention était de marquer un soutien fort dans la crise qu’il traversait du fait des affaires. A noter, l’équipe de François Fillon n’a pas créé de bot mais a eu recours à des plateformes de mini-services où chaque personne partageant le tweet ou le post obtient quelques centimes d’euro. Enfin, la dernière pratique était la surutilisation de visuels. Nous avons observé ce phénomène chez tous les partis qui, pour plus de visibilité, ont privilégié les visuels. Durant les discours, pour appuyer une idée, pour soutenir une cause ou le candidat lui-même, l’utilisation de visuels permettait d’attirer l’œil et de se distinguer. Nous pouvons ici parler d’omniprésence dans la mesure où tous ces contenus s’additionnaient, se disputant la faveur des yeux des internautes. 2 – La surreprésentation des dialogues militants Des débats présents quel que soit le sujet A l’instar des sujets politiques qui investissent les trending topics, les argumentaires et les débats militants s’incrustent dans n’importe quel sujet public ou post de candidat. Le problème, c’est que ce cela n’est que très rarement constructif. L’objectif est uniquement de faire gagner de la visibilité à leur message politique.
  • 32. 32 Une présence sur tous les types d’articles ou de commentaires Etre présent sous chaque article publié sur Facebook ou Twitter a semble-t-il été une volonté des militants de la France Insoumise. Il s’agissait de mettre en valeur un point du programme dans un commentaire sous un article qui ne parle pas de politique. Le principe est simple : dégager la thématique de l’article, trouver une solution ou une idée en lien avec l’article, poster et faire aimer le message entre militants. La tactique a été répétée à de multiples reprises, suscitant des réactions lassées des internautes. On observe le même genre de schéma lorsqu’un internaute parle de sa vision personnelle d’un parti. Ce schéma étant notamment appliqué par : l’UPR. Suite à ce tweet, l’internaute concerné va s’indigner du fait que les militants sont partout et sont « des forceurs ». La critique systématique sous la communication d’un candidat Si le but premier des militants est de mettre en valeur les idées de leurs candidats, ils n’oublient pas d’aller empêcher les autres de prospérer ; Ainsi, quel que soit le parti, toute communication est entachée par des militants adverses mettent le candidat face à ses défauts, ses critiques ou ses dilemmes. Cela crée généralement des grands débats dans les commentaires. Le militant LR interviewé finissait d’ailleurs son interview n’avouant à demi-mot cette pratique : « Je préfère quand même quand on défend le projet plutôt que lorsque l'on attaque l'autre. Mais tout le monde le fait. » Construire un argumentaire en commentaire Le problème c’est qu’il est compliqué de débattre sur les réseaux sociaux vu la quantité de personnes et l’espace qui est alloué. Sur Facebook, nous pouvons facilement nous retrouver
  • 33. 33 avec un texte d’une trentaine de lignes et, points par points, l’argumentaire d’un militant. Mais qui va le lire en entier ? Seulement les plus concernés et motivés. En revanche Twitter ne favorise pas autant le débat avec ses 140 caractères. Or, c’est sur ce réseau qu’ont lieues les plus grandes confrontations de militants. Les paroles et les arguments sont donc largement raccourcis, laissant une grande place à l’interprétation du destinataire. Résultat, chacun défend ses idées mais personne ne convainc avec si peu de texte. C’est une limite forte au cyber-militantisme. 3 – La plainte des utilisateurs Face à toutes ces techniques, cette omniprésence, et cette volonté permanente de convaincre tous les utilisateurs, les internautes non politisés ont commencés à exprimer leur désarroi de la situation. Se plaignant d’être fliqués, submergés de messages militants, certains cherchent des solutions pour échapper à cela. La plainte des internautes Encore aujourd’hui 50% des sondés estiment que la politique prend trop de place sur les réseaux sociaux. Les tweets ironisant sur le sujet se comptent par dizaine. Ce tweet de @MonsieurP est évocateur : « Qui l’eut cru : avec la saturation politique foireuse sur Twitter et Facebook, LinkedIn est devenu un havre de paix intellectuelle. » Certains se plaindront aussi du fait d’être considéré comme de la « chair à vote ». Dans le sondage en annexe, 91% des internautes ont déjà été confrontés à un message militant quel que soit sa forme et 45% estiment que cela arrive quotidiennement.
  • 34. 34 Concernant le type de message auxquels ils ont été exposés : 87% parlent d’un post d’un ami ou d’une relation engagée, 59% ont déjà vus un commentaire sous un post d’un inconnu engagé et 52% ont déjà été exposé à des tweets ou post issus de la classe politique. Enfin, 48% des sondés présents sur Twitter reconnaissent avoir été exposés à des trending topics militants. Les chiffres montrent aisément la place que prends le militantisme dans le quotidien des internautes. Chercher des solutions alternatives Alors que les internautes étaient lassés de la situation sans forcément se l’avouer, un nouvel acteur va rentrer en jeu et perturber le courant de la campagne. Son nom : Mastodon. Mastodon est un réseau social totalement calqué sur Twitter dans le fonctionnement. Son principal changement : un passage du nombre de caractères par tweets (appelés « prout » sur le site) à 500 caractères. C’est aussi une plateforme Open Source qui permet de créer pleins de petits Twitter qui seront reliés entre eux par une timeline globale. Le fonctionnement est un peu complexe à comprendre au début mais sous l’impulsion de quelques influenceurs sur les réseaux sociaux, la plateforme devient un phénomène et reste en TT pendant 3 jours sur Twitter. Preuve d’un intérêt certains Pourquoi elle séduit ? Tout simplement parce que c’est un Twitter avec plus de contact direct et surtout « moins de politique et de publicité ». Les appels à quitter Twitter se multiplient et les louanges ne s’arrêtent plus. Le mal-être ne peut pas mieux être représenté par le fait que 9 messages sur 10 sur cette plateforme internationale sont français, créant des questionnements chez les étrangers du réseau. Si Mastodon offre l’occasion d’un nouveau départ pour les fans de la première heure de Twitter, il est aussi le reflet d’un ras-le-bol des internautes.
  • 35. 35 Constat L’objectif de cette première partie était de montrer la réalité du militantisme radical sur les réseaux sociaux et notamment sur Facebook et Twitter. Les faits sont biens là : les extrêmes sont ultra-présents sur les réseaux sociaux, un véritable communautarisme s’est créé pour organiser des actions politiques et leur but ultime est l’omniprésence sur le réseau. Cela perturbe la base d’internautes. Pire, les pratiques du militantisme radical se rapprochant des limites de l’éthique et de la morale, elles obligent les différentes parties prenantes de ces réseaux sociaux à réagir. Il y a donc un véritable changement, peut-être peut-on même parler de bouleversement ?
  • 36. 36 II – Pourquoi la notion de bouleversement des pratiques peut-elle être atténuée ? Certes il y a énormément de pratiques militantes plus ou moins éthiques, un ras-le-bol du côté des internautes non-militants et sans doute quelques changements dans l’utilisation et le paysages des réseaux sociaux ces derniers mois. Cependant quelques faits et réflexions tendent à relativiser la chose. A) La riposte citoyenne et médiatique La première nuance vient des référents historiques des réseaux sociaux : les citoyens, les médias et bien sûr les réseaux sociaux eux-mêmes. 1- La révolution citoyenne Les utilisateurs « lambda » ont été les plus prompt à réagir, à vouloir sauvegarder les réseaux sociaux tels qu’ils les aiment. Il y a un côté affectif au medium de communication mais aussi un côté éthique où on ne peut pas laisser ce bouleversement se faire sans réagir. On trouve alors des moyens pour se rebeller. La confrontation directe Violente cette altercation ? Peut-être. Unique ? Pas du tout. La révolte la plus rapide et simple à engager, c’est la confrontation directe. Aller au-devant des militants, majoritairement des extrêmes, est la révolte la plus naturelle. Difficile de passer outre des mots, des opinions ou des pratiques quand
  • 37. 37 celles-ci sont contraires à vos premiers principes. C’est ainsi que naturellement, des anonymes ou non de Twitter se lancent dans la bataille pour démolir les argumentaires et gêner le développement d’idéologies des extrêmes. S’en suit une sorte de lutte populaire où les encouragements se font à partir de retweets ou de j’aime, désignant ainsi qui a le soutien de Twitter sur son argumentaire. Les schémas se ressemblent à chaque confrontation mais la limite reste la même que pour les débats entre militants : difficile de faire entendre raison en 140 caractères… La création de mouvements contestataires Certains utilisateurs décident de s’investir plus fortement contre les militants radicaux, généralement de l’extrême-droite, sans pour autant militer pour un autre parti. On cherche à décrédibiliser un parti, ses idées et ses militants qui bénéficient d’une position de force dû à leur nombre. C’est le cas de « fdebranche ». Satire du média pro-FN « fdesouche », fdebranche a commencé sur Twitter à relayer à la manière de son modèle, des articles issus de la presse nationale et régionale. Mais à contrario de fdesouche qui publie majoritairement des articles qui servent l’idéologie FN, fdebranche ne publie lui que du contenu hostile au FN ou au communautarisme religieux en général. Depuis leurs débuts, ils ont ouvert un site web et une page Facebook pour faciliter le relai de leur combat. Aujourd’hui fdebranche possède presque 7000 abonnés sur Twitter et chaque post est relayé au minimum une trentaine de fois. Seul problème, les articles les plus lus sur leur site desservent quelque peu la cause initiale : le premier est à charge contre des privilèges pour la communauté juive, le deuxième pour la communauté musulmane et le troisième est un classement des villes les moins sécurisées. Trois articles donc qui servent ou se rapprochent de l’idéologie FN. L’initiative reste efficace comme les commentaires des articles et les mentions du comptes Twitter le montrent. Ils pullulent d’insultes et de dénigrement issus de la fachosphère. Chaque publication recueille quant à elle une cinquantaine de retweets.
  • 38. 38 La veille populaire Plus discrète mais aussi peut-être plus efficace, certains utilisateurs ne cherchent ni la confrontation directe, ni la lutte idéologique, ils optent pour le ménage pur et simple. Le principe, veiller aux discours et aux actes des militants puis les signaler auprès de Twitter et Facebook. Lorsque les retours de Facebook ou de Twitter ne sont pas à la hauteur de leurs espérances, ils peuvent collecter des preuves et les dénoncer sur les réseaux sociaux en espérant être relayés par d’autres internautes, voire par des médias. Et le départ ? Si la solution Mastodon a fait le buzz sur Twitter, au final très peu sont partis définitivement, même les influenceurs du début. Mastodon continue de vivre essentiellement dans la communauté « geek » et en alternative à la plateforme Discord. La question est : est-ce qu’outre la tentation de se libérer du contenu politique, les internautes seraient prêts à lâcher leur réseau et leur communauté ? En posant la question : « Seriez-vous prêt(e) à migrer vers un autre réseau si le vôtre se politisait trop fortement ? », le sondage a donné des réponses étonnantes. Seuls 15% seraient prêts à migrer de réseaux sociaux, quand 78% resteraient dans leur zone de confort en évitant au possible les messages. Les réponses restantes cherchaient des solutions ou posaient de réflexions. Il est intéressant de les partager pour voir les différents chemins de pensée des internautes : • « Il est intéressant d'accéder au contenu d'individus ayant une opinion différente de la nôtre sans pour autant être inondé d'infos du même bord politique, ce qui risquerait de "bouleverser" les opinions » • (En référence à Michel Cymès quittant Twitter) : « C'est drôle de voir ces pseudo star qui quittent les réseaux seulement pour montrer qu'ils existent. La liberté d'expression emmerde les journalistes, stars, qui peuvent tout simplement ignorer ce qui ne leur plaît pas. » • « Je bloque les remous, et c'est réglé. »
  • 39. 39 • « Non, toutes mes habitudes sont ici, il suffit de ne pas être en contact avec les mauvaises personnes. » Constat Parler de bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux du point de vue des utilisateurs est légitime mais à atténuer. Il y a trois types de réactions : se rebeller, ignorer/s’adapter et s’en aller. La majorité semble avoir choisi la seconde solution, propice au non-changement, insensible au phénomène politique. Si les choses ne changent pas ou évoluent naturellement, difficile de parler de parler de bouleversement. 2- Les médias en position de défense S’il y en a qui ont régulièrement été mis en cause durant la campagne, ce sont bien les médias : Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, François Fillon, Nicolas Dupont-Aignan, François Asselineau, tous ont menés leur campagne avec en ligne de mire les médias. Mis à mal dans leur légitimité par une remise en cause systématique, ils ont aussi dû faire face à l’arrivée des fake news, véritable concurrents de l’information. Celle-ci s’impose rapidement car elle sensationnelle bien que mensongère. La lutte pour l’information a été centrale dans cette campagne. Dans les faits, les médias sont fortement en difficulté et doivent trouver un moyen de répondre à ces problématiques. Le but est de diminuer l’effet de cette campagne sur leur crédibilité et leur visibilité sur les réseaux sociaux, enjeu désormais majeur de leur activité. Quand les médias dénoncent les nouvelles pratiques sur les réseaux sociaux Nous sommes le 21 mars 2017, et Xavier de la Porte commence sa chronique nommée « la vie numérique » dans la matinale de France Culture10 . Il s’apprête à asséner un coup de poignard à Twitter au lendemain du premier débat télévisé. Le titre de sa chronique : « Hier soir, quelque chose est mort dans Twitter ». Résumer la chronique est compliqué tant les 10 Retrouver la chronique en annexe 6
  • 40. 40 mots sont juste, l’analyse est très précise et réfléchie. X. De la Porte commence en racontant son expérience forte de 8 ans de Twitter, de sorte de fascination pour la plateforme, cette « mini-démocratie » qui réunit toutes les pensées, tous les caractères, des talents incroyables, avec lesquels il vit chaque évènement politique, sportif ou culturel, se plaisant dans cet espace. Seulement, il en vient à son expérience de la veille que je ne peux que citer : « Hier, quelque chose s’est cassé : je me suis ennuyé sur Twitter. Dès que le débat a commencé, la conversation numérique a été saturée. Saturée par des partisans très organisés qui relayaient les déclarations des candidats avec des images et des slogans fabriqués et préparés par les équipes de campagne. Saturée par les comptes des candidats eux-mêmes (du point de vue communicationnel, c’est un peu bizarre de voir un candidat s’exprimer à la télévision et une minute après, son compte Twitter répéter ce propos, dans un processus d’autocitation content de soi). Saturée par les comptes de médias qui tweetaient frénétiquement. Bien sûr, passaient aussi des tweets d’internautes lambda, des bêtises ou des remarques intéressantes, mais en portion congrue, tristement congrue. » La chronique continue par une démarche d’analyse et de compréhension. Au lendemain du débat, il voit déjà énormément de faits qui se retrouvent dans la première partie de ce mémoire11 . Autres interventions et cette fois-ci moins conventionnelles : la « dénonciation » des lecteurs par les médias. France 3 Occitanie a publié fin octobre un article dénonçant les commentaires racistes sur l’accueil des migrants dans la région : copie d’écran et noms des internautes à l’appui. « L’Union » a également publié, un mois plus tard, une page dans son journal montrant le visage, le nom et les commentaires extrêmes postés sur les posts de leur page Facebook. Certaines des personnes affichées ont reçues des plaintes et ont même perdues leur travail. Beaucoup d’autres médias se sont portés relais de ces initiatives laissant penser à une certaine prise de position commune contre le contenu issu des extrêmes. Cela se confirme par les fortes politiques de modération de commentaires mis en place par les médias pour filtrer les propos extrêmes. Ces méthodes sont souvent dénoncées par des 11 D’un point de vue personnel, cette chronique est importante car elle a réorienté ce mémoire tant je me suis reconnu dans l’expérience vécue et le constat du chroniqueur.
  • 41. 41 internautes. C’est un parti pris subjectif que les détracteurs qualifient d’entrave à la liberté d’expression. Le combat contre les fake news Mis en échec dans leur crédibilité et dans leurs rôles d’informateurs par les fake news, les grands groupes de médias ont décidés de contre-attaquer en lançant plusieurs outils de décodage d’information et de vérification de l’information. La plateforme la plus connue est la rubrique « les Décodeurs », une équipe au sein du journal Le Monde, entièrement dédiée à la vérification des informations. Ils revendiquent le fait qu’ils « vérifient déclarations, assertions et rumeurs en tous genres ; ils mettent l’information en forme et la remettent dans son contexte. » Ils agissent de deux manières : en publiant des articles démentant des rumeurs ou en reprenant les informations avec plus de précision, en mettant à disposition l’outil Décodex qui permet de vérifier si une source d’information est crédible ou non. L’outil se distingue de deux façons : un site web pour vérifier par l’adresse URL ou un plug-in à utiliser sous chrome ou Firefox. Il existe d’autres outils basés sur le même concept, le second outil le plus connu est Crosscheck. Conçu par First Draft et Google Lab, ce site vérifie les informations avec l’appui de 34 partenaires. L’AFP, les plus grands groupes de presse, des pureplayers (média web uniquement), participent au projet. Le grand problème de ces sujets est que face à la défiance médiatique des extrêmes, exposer une contre vérité à leurs arguments avec l’appui des grands médias ne les fait pas changer d’avis, au contraire même. Cela semble plus satisfaire ceux qui n’en ont pas réellement besoin. A partir du sondage annexe, 62% des personnes interrogées ne connaissaient aucun de ces outils, et seul 13% se sont déjà aventurés sur ces sites. Ensuite, concernant le fait que ce soit de grands médias qui contrôlent la véracité de l’information :
  • 42. 42 • 72 % estiment que cela est nécessaire pour certains utilisateurs qui sont crédules devant de fausses informations • 26% pensent que cela entretien un gage de qualité sur les articles qui circulent sur les réseaux sociaux • 18% imaginent que c’est inutile car ces outils ne permettront pas d’endiguer le phénomène • 12% estiment que c’est illégitime et que les médias empêchent la liberté d’expression en imposant leur vérité Nous pourrons noter le commentaire suivant à propos de ces outils : « A l'image d'une politique pourrie jusqu'à l'os. Internet permet de dire des vérités cachées par les médias. CQFD ». Il caractérise la pensée des extrêmes sur ce sujet. 3- Facebook et Twitter, forcés à réagir Les réseaux sociaux ont eux-mêmes été mis en cause. Accusés de propager de fausses information, d’encourager l’incitation à la haine, d’autoriser un bon nombre de comportements illégaux, Facebook et Twitter se sont retrouvés obligés de réagir. Tout d’abord un fait commun pour les deux réseaux : La France est le pays qui fait fermer le plus de compte au monde devant l’Inde et la Turquie. Essentiellement pour des causes liées au terrorisme mais aussi pour des faits d’incitation à la haine. Une forme de censure ? Pendant la présidentielle, les deux réseaux ont dû opérer une forme de censure, supprimant de nombreux comptes issus de l’extrême droite (dont fdesouche sur Facebook). Ils ont justifié leurs actions chacun à leur manière. Facebook a mis en avant la lutte contre les bots et les fausses informations. Ils ont suspendu ou ont fermés des comptes sur la base d’algorithmes et de signalisation. Twitter a mis en avant des points de son règlement : l’interdiction des bots (surtout à des fins de manipulation des tendances) ainsi que
  • 43. 43 l’incitation à la haine. Cela a exaspéré les militants d’extrêmes droite qui ont créé le #FacebookGate et le #TwitterGate à l’occasion. Participer au fact-checking Facebook a décidé de s’investir dans la vérification de l’information. L’initiative de Facebook se nomme « related article ». Le but est de « faciliter l’accès à d’autres perspectives et informations ». Pour être plus clair, Facebook va afficher sur le mur de ses utilisateurs les plus sujets à des fake news des articles de sources journalistiques solides. Cela permet d’éviter les fameuses « bulles de filtre ». A côté de cela, Facebook fait désormais partie des partenaires de Crosscheck, le site de vérification d’information. Twitter de son côté a activé un bloqueur de tweet. Certains tweets jugés comme des fake news ou des tweets considérés comme incitant à la haine sont bloqués dans leur pays initial. Il est désormais possible de voir le message affiché à la place d’un tweet : « tweet indisponible dans votre pays : France ». Le problème juste déplacé ? C’est la question que l’on est en droit de se poser. Si les utilisateurs en mal de paix se retrouvent sur Mastodon, ceux en mal de liberté d’expression peuvent aussi chercher leur nouvelle place. C’est ce que prône ce tweet : Le site en question gab.ai est présenté comme un réseau social à expression libre, sans aucune censure. Seulement, en s’y connectant, on découvre un réseau social totalement conquis par l’extrême droite et comme promis, sans aucune forme de censure. Le problème des pensées extrêmes est donc juste déplacé.
  • 44. 44 Résultat de toutes ces mesures prise par les citoyens, les médias et les réseaux sociaux : le problème n’est pas clairement réglé, il est pris en compte dans l’utilisation et la gestion des réseaux et est adouci par des actions mises en place, mais n’est pas complètement résolu. B) La question de la temporalité du phénomène Nous avons commencé à l’aborder auparavant dans la contextualisation du phénomène. La temporalité de l’analyse et du phénomène est très importante pour pouvoir tirer des conclusions. 1- Le contexte des élections, pas si évident ? Une des réponses qui viendrait presque automatiquement serait de dire que certes le phénomène d’utilisation des réseaux sociaux par les militants radicaux est fort, « mais c’est normal, nous sommes aux élections présidentielles. » Oui, tous les chiffres ont nettement augmenté à l’approche des élections, mais pouvait-on s’attendre à ce type d’actions durant la campagne présidentielle ? Retour en 2012 4 ans après l’élection de Barack Obama présentée comme un modèle du genre avec une forte utilisation des réseaux sociaux, les élections présidentielles de 2012 s’annonçaient intéressantes de ce point de vue. Seulement comme le rapporte le Huffington Post dans un article sorti juste après les élections, « tout le monde attendait que l’élection présidentielle 2012 couronne les réseaux sociaux », « il n’en a fianelement rien été ». Les candidats ont justes utilisés les réseaux sociaux comme relais de paroles et d’analyse de comportement. Le seul grand intérêt a été la révélation des résultats avant les grands médias.
  • 45. 45 En revanche, plus intéressante, l’analyse de Terra Femina, dans un article du 11 avril 2012. Pour elle, le web a déjà une petite victoire. Il est devenu un média privilégié pour 4 français sur 10. Cependant, c’est l’analyse des réseaux sociaux qui retient notre attention. Basé sur une étude de l’Observatoire Orange – Terra Femina, quelques citations de l’articles, pour ne pas dire tout l’article, sont troublantes : • « Ces e-militants encore peu nombreux sont néanmoins bien visibles sur Facebook, ils essaient de convaincre, à la moindre actu ils laissent un commentaire et il y a débat, quitte à importuner leurs amis en prolongeant un peu trop les discussions militantes ». • « Sur Facebook il y a toujours quelqu’un pour vous rappeler la campagne ». Il y a des « batailles politiques entre amis à coup de likes et de commentaires, de parodies et de détournement. » • « Twitter est un outil militant pour défendre un camp, pas pour argumenter, analyse le journaliste Erwann Gaucher » • « C’est bien plus le fact-checking qui rend cette campagne intéressante : 48% des français jugent que la vérification factuelle des propos des candidats est plus facile qu’avant ». Il y a énormément de choses à dire sur cet article. A quelques chiffres et détails près, l’article pourrait être réutilisable 5 ans plus tard. Les méthodes originelles sont encore présentes, les débat et batailles politiques sont encore de légion, et la question de la véracité de l’information était déjà au centre des préoccupations. Ainsi, si l’on compare avec aujourd’hui, il y a tout de même à se poser la question : Que s’est-il passé pendant 5 ans pour que l’on passe d’une moitié de la population fière de pouvoir vérifier les informations délivrées par les candidats, à la création de nombreux stratagèmes pour faire vérifier les informations à la population sujette à des fake news ?
  • 46. 46 Le contexte des élections oui, mais quelles élections ? S’il y a quelque chose qui saute aux yeux depuis la présidentielle, c’est au combien les élections législatives ont moins passionnées les foules. On peut trouver plusieurs raisons à cela, l’enjeu n’est plus national mais local, les équipes de campagnes n’ont plus la même maîtrise ni le même budget, les communautés fortes sont fracturées par les zones géographiques, etc. Toujours est-il que ce constat est une preuve qu’il y avait bien un emballement autour de la présidentielle. Pire, nous nous dirigeons désormais vers une période de plus d’un an sans élections à l’horizon (hors sénatoriales qui ne dépendent pas directement des citoyens). Il va être intéressant de voir comment les choses font s’avancer. 2- Le constat post-élection Comme nous venons de le voir pour les législatives, le constat post-élection est sans appel : presque plus aucune trace de raid sur Twitter, les militants fervents de Marine Le Pen se sont relativement tus depuis le débat d’entre deux tours puis les résultats du deuxième tour (même s’ils ne sont jamais loin quand il y a matière à s’exprimer). Tout le monde semble pour le moins sonné de ces 8 derniers mois de militantisme. La très forte communauté de Jean-Luc Mélenchon est en train d’éclater. Il y avait eu un contrecoup au moment de l’élimination au premier tour de l’élection présidentielle, suivi d’une colère froide des militants, puis d’une claque reçue aux législatives. Ajouté à cela des décisions de la direction du parti non-comprises ou non-adoptées par une partie de la communauté, et l’aura de Jean-Luc Mélenchon qui baisse. Il était même possible d’entendre des voix demander à continuer le mouvement sans JLM.
  • 47. 47 Du côté de l’UPR, la crédibilité est sérieusement engagée auprès du reste des internautes après les résultats du premier tour (0,92%). Leur défense est claire : 0,92% c’est aussi leur pourcentage de temps de parole à la TV. « C’est la faute des médias ». Seulement le discours ne prend plus vraiment. Chez LR, les militants sont dans une situation aussi ambigüe que le parti. Pas vraiment de ligne directrice. Hors les militants ont besoins d’être appuyés. Donc le militantisme est plus ou moins en stand-by, sauf pour les plus convaincus. La grande surprise se situe du côté de Benoît Hamon qui, ayant quitté le PS, bénéficie d’une côte de popularité grandissante et notamment sur Twitter. Ses idées ont touchées, après le premier tour de la présidentielle où il a été éliminé, un nouveau public. On rappelle désormais que Benoît Hamon faisait partie des précurseurs politiques sur Twitter, il en connaît bien les codes. Avec son nouveau parti, il sera sans doute une force militante à surveiller. Du côté d’En Marche, on est rentré dans une phase de défense du quinquennat et du gouvernement. Il n’y a pas d’actions particulières mises en place mais les militants défendent systématiquement les premiers propos et actions politiques d’Emmanuel Macron. 3- L’urgence d’anticiper les prochaines élections Alors que tout est redevenu plutôt calme ces derniers temps, il serait temps de se poser les bonnes questions et d’anticiper l’avenir. Sauf surprise, les nombre d’utilisateurs de Facebook et Twitter ne devraient pas diminuer d’ici 2022, et même augmenter encore quelque peu. Nous avons vu les évolutions entre les élections de 2012 et celles de 2017. Un cap a été franchi dans l’utilisation et la pratique des réseaux sociaux. Ne serait-il pas judicieux d’anticiper 2022 et de se prémunir des potentielles nouvelles pratiques ?
  • 48. 48 Les équipes de campagne iront-elles plus loin ? Il y a fort à parier que les partis ne s’arrêteront pas à ce qu’ils ont fait cette année. Ils vont retenir les leçons de 2017 pour s’améliorer en 2022. Quelles évolutions possibles ? Les bots de messagerie ? L’intelligence Artificielle ? Une analyse Big Data encore plus poussée ? Difficile de voir à 5 ans, mais toujours est-il que l’on peut être certains qu’ils utiliseront tous les moyens à leur disposition. Doit-on fixer des limites ? Les pratiques de 2017 ont frôlées les limites de l’éthique et de la morale. Elles se sont faites sans trop se dévoiler pour certaines (Ridicule TV), et visaient à tromper l’opinion. Peut-on accepter cela ? Non. Peut-on y faire quelque chose ? Difficile à dire. Il existe énormément de contraintes à la règlementation de ces pratiques : prouver les faits, prouver qui en est l’instigateur, envisager une sorte de censure, etc.… Cela semble très compliqué à faire. Depuis peu, c’est le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui est le « gendarme d’internet ». À l’organisation d’être prête en 2022 pour éviter les problèmes moraux. La temporalité du phénomène est donc importante à deux niveaux. Le militantisme radical est surtout effectif en période d’élection présidentielle. Mais les pratiques sont également de plus en plus pointues au fil du temps. Il faut donc dès aujourd’hui préparer les prochaines échéances pour éviter les futurs problèmes.
  • 49. 49 C) Peut-on réellement parler de bouleversement des réseaux sociaux ? Le bouleversement est le mot central de ce mémoire. C’est un mot fort. Pour le Larousse, c’est « une profonde perturbation, un trouble violent ». Si l’on a constaté des changements, des nouvelles pratiques, peut-on parler de bouleversement ? 1- Les réseaux sociaux, avant tout un espace d’interactions sociales. Est-ce que l’on peut parler de réel bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux quand ces mêmes pratiques restent des interactions sociales ? La question se pose en prenant de la distance avec les outils et usages vus auparavant. Si les sujets sont plus politiques, les militants plus intrusifs, les discussions et les débats plus houleux, est-ce vraiment un bouleversement ? Dans le fond non. Pourquoi ? Parce que les réseaux sociaux ont été conçus pour cela, pour créer de l’interaction entre des personnes qui ne connaissent pas forcément. Le but est d’échanger des points de vue, de partager sa vision. Alors est-ce que les pratiques sur les réseaux sociaux sont bouleversées par le militantisme radical ? Pour moi non. Certes les échanges sont tendus, pas toujours cordiaux, mais il y a toujours eu des désaccords dans l’interaction. Cela fait partie d’un échange. Cependant s’il y avait une limite à cette réflexion, ce serait à propos de la triche. Pas forcément au niveau des fake news mais concernant les bots utilisés. Les fake news peuvent s’apparenter à un mensonge ou à une manipulation. Ce ne sont pas les dernières pratiques électorales qui ont fait arriver le mensonge sur internet et dans les intéractions. En revanche, l’utilisation de bots, c’est fausser le principe d’échange. Automatiser le dialogue et l’engagement sur les réseaux sociaux pourrait être un véritable changement. Cependant, je ne considère pas cela comme un bouleversement puisqu’actuellement tous les bots sur Facebook ou Twitter ont une fonction calquée sur les interactions humaines sur les réseaux sociaux : partager un message, aimer, retweeter, donner de la visibilité, ce n’est pas nouveau.
  • 50. 50 Dans le sens premier des réseaux sociaux, il n’y a donc pas de bouleversement. 2 - Les nouvelles pratiques résultent plus d'un contexte social général que d'un phénomène propre aux réseaux sociaux Si l’on garde à l’idée que les réseaux sociaux sont avant tout des espaces d’interactions sociales, celle-ci sont forcément le reflet d’un contexte plus global. C’est à dire que utilisateurs vont parler de ce qui les tracasse, de leurs envies, de leurs projets, de leurs visions. Hors dans le contexte de la politique, la chose est sensible. Ces dernières années des fractures réelles se sont formées, amplifiées par des évènements d’actualités. Les clivages sont forts entre des opinions identitaires, les visions écologiques et ceux qui donnent la priorité à l’économie du pays. C’est ce que l’on retrouve sur les réseaux sociaux, avec la volonté de convaincre l’autre du bien-fondé de son positionnement. S’il y a évolution dans les opinions, cela se traduira automatiquement d’une manière ou d’une autre sur les réseaux sociaux. Encore une fois il est difficile de parler de bouleversement des pratiques sur les réseaux sociaux quand celles-ci continuent de suivre le rôle de traduction des opinions sur le web. 3 - Si ce n’est pas un bouleversement, qu’est-ce ? Si l’on ne peut pas parler de bouleversement, de quoi résultent ces nouvelles pratiques qui modifient le paysage des réseaux sociaux ? Et si nous considérions cela comme une évolution logique, une évolution avec son temps.
  • 51. 51 D’abord de plus en plus de monde est présent quotidiennement sur le web, il est logique que les réseaux saturent en informations et donc que pour exister la solution soit de parler plus fort que les autres. D’un autre côté le monde digital avance à une vitesse phénoménale, la politique suit le courant en mettant en place des outils plus performants. Oui mais alors les fake news ? La réponse est la même. Ce ne sont pas les fake news qui se sont imposées dans le paysage du web. On a profité du comportement de plus en plus éloigné de l’utilisateurs vis-à-vis du contenu, et cela peut être également être dû à la surdose d’informations. Le militantisme radical ne bouleverse pas les pratiques sur les réseaux sociaux, il s’adapte à l’évolution du web et du monde pour exister un maximum.
  • 52. 52 Conclusion Les grands partis politiques ont pour la première fois pris la mesure de l’importance des réseaux sociaux dans une campagne présidentielle. Les extrêmes étaient déjà bien ancrés dans le paysage des réseaux sociaux quand la campagne a démarrée. Ils se sont alors appuyés sur des techniques, utilisant volontairement le faux, ayant marché pour Donald Trump. Sous le modèle de l’extrême droite, des communautés affiliées à tous les partis se sont créées et organisées. Elles ont montées des actions pour être plus visibles que les autres, n’hésitant pas à emprunter des techniques aux frontières de l’acceptable. Les équipes de campagnes, sans forcément le dévoiler, ont soutenues ces initiatives. Le résultat, les militants radicaux défendant leurs idées étaient partout sur les réseaux sociaux où ils pouvaient occuper de la place, réagissant au moindre dialogue ou sujet de société pouvant être récupéré. Seulement les utilisateurs lambda ont commencé à avoir marre de l’omniprésence des militants et ont cherchés des alternatives, voire à quitter le réseau. Voyant les réseaux sociaux, éléments pionniers de leur fonctionnement, sombrer sous les vagues de militants, les internautes, les médias et les réseaux sociaux eux-mêmes ont décidés de réagir face à ce qui pourrait rapidement devenir un bouleversement. Ils ont agi de manière à contrer les militants sur leur terrain : l’argumentation, la mise en avant de la vérité, la dénonciation voire dans certains cas la censure. Ils ont contribué à atténuer l’effet qu’auraient pu avoir un militantisme radical sans contrôle. Mais au-delà de ça, il faut se poser la question de l’utilisation du mot « bouleverser ». Il y a plusieurs niveaux de réponses sur ce sujet. Tout d’abord la double temporalité du phénomène. C’est-à-dire que ce que l’on pouvait considérer comme un bouleversement était en fait temporaire car accentué par les élections, les actions n’étaient pas nouvelles non plus, mais simplement accentuées depuis la dernière présidentielle. Parler de bouleversement est donc en soi compliqué. En dehors de la temporalité des évènements, il fallait déterminer si les pratiques étaient elles-mêmes des bouleversements pour les réseaux sociaux. Mais pour deux raisons cela ne convenait pas : Les réseaux sociaux ne perdent pas leur fonction première qu’est l’interaction sociale, il ne perde pas non plus leur logique de reflet de la société. Dans les faits, le bouleversement
  • 53. 53 est un mot trop fort. Nous pourrions tout de même interpréter cela comme une évolution logique adaptée aux pratiques et aux besoins d’aujourd’hui. La question qui reste en suspens est celle de l’avenir, comment évolueront le militantisme radical et les réponses des internautes, médias et réseaux d’ici la prochaine présidentielle ? Difficile à dire…
  • 54. 54 Annexes #1Questionnaire Depuis janvier 2017, avez-vous été en contact avec un message militant ? (voir exemples dans la question suivante) • Oui, quasi quotidiennement.  45,5 % • Oui, parfois.  45,5% • Non, jamais.  9% Si oui, à quel type de message politique avez-vous été confronté ? • Message d'une personnalité politique  53% • Post ou tweet d'un ami engagé  86% • Réponse ou réaction dans les commentaires d'un inconnu engagé politiquement  59% • Un ou plusieurs Trending Topics militant sur Twitter  26% • Un article d’un média engagé  2% Votre top 3 des communautés politiques les plus actives sur les réseaux sociaux ? • Lutte Ouvrière  0% • UPR  6% • Solidarité et Progrès  0% • Debout la France  6% • Les Républicains  35% • Le Parti Socialiste  16% • Jean Lassalle  11% • Front National  67% • En Marche !  87% • La France Insoumise  75% • NPA  4% Avez-vous déjà vu l'une des vidéos de ces pages Facebook/Twitter : • Les extraits de discours trouvés par Ridicule TV  45% • Les reportages de Vincent Lapierre pour ERTV  11% • Non, jamais.  55% Saviez-vous que ces deux médias étaient proches ou tenus par des équipes de campagnes ? ERTV est un média créé par Alain Soral (Extrême-Droite/proche-FN) et Ridicule TV est tenue par des militants pro-Fillon, directement en lien avec les équipes de campagne.