1. Inra Prod. Anim., 2009,
22 (2), 59-76 Développement folliculaire ovarien
et ovulation chez les mammifères
D. MONNIAUX1, 2, 3, 4, A. CARATY1, 2, 3, 4, F. CLÉMENT5, R. DALBIÈS-TRAN1, 2, 3, 4, J. DUPONT1, 2, 3, 4,
S. FABRE,1, 2, 3, 4, N. GÉRARD1, 2, 3, 4, P. MERMILLOD1, 2, 3, 4, P. MONGET1, 2, 3, 4, S. UZBEKOVA1, 2, 3, 4
1 INRA, UMR85 Physiologie de la Reproduction et des Comportements, F-37380 Nouzilly, France
2 CNRS, UMR6175 Physiologie de la Reproduction et des Comportements, F-37380 Nouzilly, France
3 Université François Rabelais de Tours, F-37041 Tours, France
4 Haras Nationaux, F-37380 Nouzilly, France
5 INRIA, Centre de Recherche Paris-Rocquencourt, Domaine de Voluceau, Rocquencourt, F-78153 Le Chesnay, France
Courriel : dmonniaux@tours.inra.fr
Chez les mammifères, la fonction de l’ovaire est de produire à chaque ovulation un ou
plusieurs ovocytes fécondables et de créer un environnement hormonal propice au démarrage
éventuel d’une gestation. Au sein de l’ovaire, deux processus de développement étroitement
imbriqués, l’ovogenèse et la folliculogenèse, déterminent le nombre et la qualité des ovocytes
produits. Ces processus, initiés pendant la vie fœtale, se poursuivent pendant toute la vie de la
femelle et sont étroitement contrôlés à chacune de leurs étapes par de nombreux facteurs
hormonaux et environnementaux.
La production de gamètes femelles ment indissociable de la folliculo- très nombreux autres facteurs, dont
fécondables, ou ovogenèse, est un pro- genèse. l’importance varie au cours de la folli-
cessus de développement long et dis- culogenèse. L’objectif de cet article de
continu. Chez les mammifères, la Le développement des follicules ova- revue est de présenter l’état de nos
méiose qui aboutit à la formation de riens, ou folliculogenèse, commence au connaissances sur le développement
gamètes haploïdes, ou ovules, débute au démarrage de croissance du follicule folliculaire ovarien et l’ovulation chez
stade fœtal, se bloque au stade de pro- primordial et se termine à l’ovulation. les mammifères, en intégrant le rôle
phase de première division méiotique L’ovulation, stade ultime de la follicu- respectif de l’ovocyte et du follicule
lors de la formation des follicules ova- logenèse, ne se produit que si les carac- dans ces processus, et en tentant de hié-
riens, puis reprend à l’ovulation pour se téristiques endogènes (développemen- rarchiser l’importance des principaux
bloquer à nouveau au stade de méta- tales, hormonales, métaboliques) de facteurs qui les régulent.
phase de deuxième division méiotique, l’individu et son environnement (sai-
stade auquel l’ovocyte mature est son, nutrition, interactions sociales) le
expulsé dans les voies génitales femelles. permettent. L’influence des facteurs 1 / Le développement folli-
Ce dernier blocage ne sera levé qu’à la environnementaux sur le développe- culaire : principaux chan-
fécondation si elle a lieu, et l’ovule est ment folliculaire et l’ovulation varie
donc une cellule «fugace et rare». fortement selon les espèces de mammi-
gements morphologiques et
fères considérées, comme l’illustre par fonctionnels
L’ovogenèse est d’autant plus com- exemple l’existence d’animaux à repro-
plexe qu’elle s’imbrique dans un autre duction saisonnée ou non, et d’animaux
processus de développement, la follicu- à ovulation spontanée ou déclenchée 1.1 / Caractéristiques morpho-
logenèse, avec laquelle elle entretient par la saillie. Néanmoins, pour tous les logiques et dynamiques
des liens étroits. Ainsi, le follicule mammifères, la maturation folliculaire
apporte à l’ovocyte qu’il renferme l’en- et l’ovulation sont sous le contrôle Chez les mammifères, la colonisation
vironnement nécessaire à sa croissance direct du système hypothalamo-hypo- des crêtes génitales par les cellules ger-
et à l’acquisition de sa compétence à physaire qui intègre les informations minales primordiales initie un pro-
la fécondation et au développement des facteurs endogènes et exogènes, et gramme de développement mâle (la
embryonnaire. A l’inverse, la promotion les retraduit par des modifications de spermatogenèse) ou femelle (l’ovoge-
du développement folliculaire par l’ovo- sécrétion des gonadotropines FSH et nèse) dans les gonades fœtales.
cyte a été longtemps ignorée, mais est LH1. Le rôle crucial des gonadotropi- L’orientation de ce programme est
maintenant bien établie (Matzuk et al nes dans le contrôle de la folliculogenè- conditionnée par le caryotype (présen-
2002, Knight et Glister 2006). L’en- se et le déclenchement de l’ovulation ce ou absence d’un chromosome Y) des
semble des connaissances actuelles est désormais bien établi. Cependant, cellules somatiques de la gonade et son
confirme que l’ovogenèse est absolu- ces processus sont aussi régulés par de déroulement est le résultat d’interac-
1 Pour la définition des abréviations des protéines et des gènes cités dans l’article, cf. annexe.
* La liste des co-auteurs, par ordre alphabétique, indique leur contribution identique à la réalisation de cet article.
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
2. 60 / D. MONNIAUX et al
Figure 1. Ovogenèse et folliculogenèse au cours de la vie chez différents mammifères. de 51 ans, âge moyen de la ménopause.
Jpc : Jours post-conception. D’après Mauléon 1969 et Monniaux et al 1997. En raison de sa longue durée de vie,
l’espèce humaine est la seule pour
laquelle l’épuisement complet de la
réserve ovarienne est observable en
conditions physiologiques normales.
L’initiation de la croissance follicu-
laire se caractérise par l’augmentation
de volume de l’ovocyte et l’entrée en
prolifération des cellules de granulosa
qui acquièrent une forme cuboïdale
dans les follicules primaires (figure 2).
A partir de deux couches de cellules de
granulosa, le follicule est appelé folli-
cule secondaire ou préantral, il s’entou-
re d’une ébauche de thèque interne et la
zone pellucide entourant l’ovocyte
s’épaissit. Néanmoins tout au long du
développement folliculaire, l’ovocyte
et les cellules de granulosa qui l’entou-
rent gardent un contact étroit grâce à
l’existence de prolongements cytoplas-
miques des cellules de granulosa qui
traversent la zone pellucide et viennent
s’apposer contre la membrane plas-
mique de l’ovocyte. La présence de
jonctions communicantes («gap junc-
tions») à ces niveaux de contact est
responsable d’un véritable couplage
tions complexes entre cellules germina-
les et somatiques. Chez la femelle, les Figure 2. Coupe histologique d’ovaire de souris et principaux types de follicules
cellules germinales, appelées ovogonies, ovariens.
prolifèrent dans les cordons ovigères,
jusqu’à leur entrée en prophase méio-
tique qui marque l’arrêt de leur accrois-
sement numérique. La prophase méio-
tique se poursuit dans les ovocytes
primaires et se bloque au stade diplotène
(dit aussi vésicule germinale) tandis que
chaque ovocyte s’entoure d’une couche
de cellules somatiques, les cellules de
granulosa, pour former un follicule pri-
mordial. Ces étapes se déroulent pen-
dant la vie fœtale ou néonatale chez
tous les mammifères (Mauléon 1969 ;
figure 1). Une fois constituée, la réserve
ovarienne de follicules primordiaux
s’épuise au cours du temps sous l’action
de deux ensembles de mécanismes, l’un
(prédominant pendant la vie fœtale et
néonatale) conduisant à l’apoptose ovo-
cytaire, l’autre (existant toute la vie jus-
qu’à épuisement éventuel de la réserve
au moment de la ménopause chez la
femme) conduisant au développement
folliculaire, ou folliculogenèse. La folli-
culogenèse est un processus continu qui
se termine par la dégénérescence (ou
atrésie) de plus de 99% des follicules en
croissance, l’ovulation étant un événe-
ment exceptionnel. Dans l’espèce
humaine, le nombre de cellules germina-
les atteint un maximum de 7 millions à
20 semaines de gestation, chute à
1-2 millions à la naissance, 400 000 à
la puberté pour aboutir à 1500 vers l’âge
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
3. Développement folliculaire ovarien et ovulation chez les mammifères / 61
Tableau 1. Durée du développement folliculaire (en jours) chez différents mammifères. te, caractéristique de chaque espèce,
variant de 0,2 mm chez les rongeurs à
10 mm chez la jument (Monniaux et al
1997) (tableau 2). La folliculogenèse
basale est contrôlée par de nombreux
facteurs de croissance, d’origines ovo-
cytaire et somatique, agissant essentiel-
lement selon un mode paracrine de
régulation (cf. § 2 ). C’est au cours de
cette phase que s’effectue l’essentiel de
la croissance de l’ovocyte, à partir d’un
ND : non déterminé. diamètre initial de 20 à 30 microns, et
que l’ovocyte acquiert la compétence
métabolique entre ces deux types cellu- chez les mammifères de grande taille, méiotique, c’est-à-dire la capacité à
laires, permettant des échanges d’ions dont la femme. Dans chaque espèce, le reprendre la méiose (bloquée au stade
et de petites molécules (Poids développement des follicules jusqu’à diplotène/diacinèse) quand il est extrait
Moléculaire < 1 kD). Quand le follicu- l’apparition de l’antrum est très lent et de son follicule.
le atteint une taille voisine de 0,2 mm représente au moins 75% de la durée
de diamètre, une cavité, appelée totale du développement folliculaire La folliculogenèse terminale est stric-
antrum, se forme à l’intérieur de la (Monniaux et al 1997, McGee et Hsueh tement dépendante de la présence de
granulosa. C’est dans l’antrum que 2000) (tableau 1). Le développement FSH et, pour les stades terminaux de
s’accumulent les produits de sécrétion des follicules à antrum, plus rapide, est maturation du follicule préovulatoire,
des cellules folliculaires (granulosa et cependant plus long que la durée d’un de la présence de LH. L’apparition de
thèque), ainsi que les substances plas- cycle sexuel pour toutes les espèces de récepteurs de LH sur les cellules de
matiques diffusant librement à partir mammifères, sauf chez les rongeurs où granulosa est la «signature» d’une
des capillaires sanguins qui irriguent la elle correspond exactement à la durée maturité complète du follicule, qui
thèque. A ce stade, le follicule à du cycle. devient apte à ovuler. Cette maturité
antrum, appelé aussi follicule tertiaire, finale est atteinte pour des tailles folli-
comporte une thèque externe, une culaires variant entre 0,5 mm de dia-
thèque interne séparée de la granulosa 1.2 / Les étapes-clés de la follicu- mètre chez les rongeurs et 15 mm de
par la lame basale et un ovocyte entou- logenèse et du développement diamètre chez la jument (tableau 2). La
ré d’un massif de cellules appelé cumu- ovocytaire folliculogenèse terminale est contrôlée
lus. Au cours du développement termi- essentiellement par FSH et LH, mais de
nal du follicule à antrum, la taille de D’un point de vue fonctionnel, le nombreux autres facteurs (facteurs de
l’ovocyte n’augmente plus guère, la développement folliculaire peut se sub- croissance, matrice extracellulaire, pro-
prolifération des cellules de granulosa diviser en deux phases successives : la téases, stéroïdes), d’origine locale ou
diminue progressivement, et la crois- folliculogenèse basale et la folliculoge- endocrine, agissent en synergie avec les
sance folliculaire jusqu’au stade pré- nèse terminale (figure 3). gonadotropines pour réguler son dérou-
ovulatoire s’effectue essentiellement lement (McGee et Hsueh 2000). C’est
par accroissement du volume de l’an- La folliculogenèse basale se déroule au cours de cette phase que s’effectue
trum. Cependant, l’immense majorité apparemment normalement en l’absen- la sélection du ou des follicule(s) desti-
des follicules n’atteint jamais le stade ce de FSH, ce qui est observable expé- né(s) à ovuler, grâce à un ensemble de
préovulatoire. L’atrésie folliculaire rimentalement après hypophysectomie mécanismes dont la finalité biologique
débute par l’apoptose de l’ovocyte dans (rat, brebis), désensibilisation hypo- est de réguler le nombre d’ovulations
les follicules primaires et préantraux, physaire par traitement long avec un caractéristique de chaque espèce et de
et par l’apoptose des cellules de granu- agoniste du GnRH (toutes espèces) ou chaque race (cf. § 3). En début de folli-
losa dans les follicules à antrum. Dans invalidation du gène (knock-out) culogenèse terminale, l’ovocyte termi-
ces cellules, la phase finale de l’apopto- codant la chaîne β de la FSH ou son ne sa croissance pour atteindre un dia-
se est visible sous forme d’agré- récepteur chez la souris (Kumar et al mètre de 80 à 125 microns selon les
gats d’ADN, les grains de pycnose 1997). Un développement folliculaire espèces. Puis il subit des remaniements
(figure 2). basal existe aussi chez des femmes por- chromatiniens associés à l’acquisition
teuses de mutations affectant la fonc- de la compétence au développement,
La durée totale du développement tion de FSH ou de son récepteur. Dans c’est-à-dire la capacité à assurer un
folliculaire varie d’une vingtaine de tous ces cas, le développement follicu- développement embryonnaire normal
jours chez les rongeurs à plusieurs mois laire se poursuit jusqu’à une taille limi- après fécondation.
Tableau 2. Diamètres folliculaires (en mm) aux principales étapes du développement folliculaire chez différents mammifères.
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
4. 62 / D. MONNIAUX et al
Figure 3. Principales étapes du développement folliculaire et de la maturation cellules de thèque interne expriment,
ovocytaire. dès leur formation, des facteurs de
Dans le cas des rongeurs, la dépendance à FSH est acquise au moment de la forma- croissance, des récepteurs de LH, ainsi
tion de l’antrum. que des enzymes et des facteurs-clés
de la stéroïdogenèse, permettant la syn-
thèse de progestagènes (CYP11A1,
STAR, HSD3B2) et d’androgènes
(CYP17A1).
Au cours de la folliculogenèse termi-
nale, les cellules de granulosa perdent
progressivement leur activité de proli-
fération et de synthèse d’AMH, et se
différencient en cellules stéroïdogènes
par l’apparition et l’augmentation de
l’expression des gènes CYP11A1,
STAR, HSD3B2, et surtout CYP19A1
qui code l’enzyme aromatase, permet-
tant la synthèse d’oestradiol à partir
des androgènes d’origine thécale.
Simultanément, ces cellules de granu-
losa deviennent sensibles à LH (appari-
tion et augmentation brutale des récep-
teurs de LH, LHCGR). En fin de cycle
ovarien, le pic préovulatoire de LH
induit d’importants changements fonc-
tionnels dans les cellules de granulosa
et de thèque du follicule préovulatoire,
conduisant à leur lutéinisation et à la
formation du corps jaune (cf. § 4).
1.3 / Changements fonctionnels Figure 4. Changements fonctionnels dans les cellules de granulosa et l’ovocyte au
dans les cellules somatiques et cours du développement folliculaire.
l’ovocyte au cours de la follicu- Dans le follicule après l’ovulation, l’expression de l’aromatase (CYP19A1) disparaît au
moment de la formation du corps jaune chez les ruminants, la truie et la jument, mais
logenèse pas chez les primates et les rongeurs (courbe orange en pointillé).
De nombreux changements fonction-
nels, aussi bien dans les cellules soma-
tiques du follicule que dans l’ovocyte,
accompagnent le développement folli-
culaire (figure 4).
Lors du démarrage du développe-
ment folliculaire, les cellules de granu-
losa entrent en prolifération. Leur acti-
vité de prolifération atteint un
maximum en fin de folliculogenèse
basale, stade pendant lequel près de
100% des cellules sont proliférantes.
Parallèlement, ces cellules de granulosa
synthétisent de nombreux facteurs de
croissance (EGF, FGF, AMH) et des
cytokines (KITLG). En particulier la
production d’AMH, faible à indétecta-
ble dans les follicules primaires, aug-
mente dans les follicules préantraux
pour atteindre un maximum en fin de
folliculogenèse basale (Visser et
Themmen 2005). Les récepteurs de
FSH apparaissent dans la granulosa des
follicules primaires, leur nombre aug-
mente légèrement et progressivement
dans les follicules préantraux, reste sta-
ble dans les follicules à antrum et enfin
diminue au stade préovulatoire. Les
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
5. Développement folliculaire ovarien et ovulation chez les mammifères / 63
En parallèle avec le démarrage de sa observations statistiques, et rend 2.1 / Interactions cellules soma-
croissance, l’ovocyte initie une intense compte de la proportion d’ovocytes tiques - ovocyte au cours de la
activité transcriptionnelle. Une partie compétents dans une population de
des ARN supporte la synthèse pro- follicules à un stade donné, plutôt que
mise en place de la réserve de
téique pour assurer le métabolisme de de la dynamique d’un ovocyte particu- follicules primordiaux et du
l’ovocyte, tandis qu’une autre partie lier. Récemment, un autre modèle a démarrage de croissance follicu-
est stockée sous une forme stable au suggéré que les ovocytes sont dans laire
sein de particules ribonucléopro- une certaine mesure prédestinés, et
téiques, à l’abri de la machinerie de que les ovocytes incompétents sont
traduction, pour un recrutement ulté- éliminés progressivement au cours de L’effectif de la réserve de follicules
rieur. Certains gènes sont exprimés la folliculogenèse via l’atrésie primordiaux détermine la longévité de
spécifiquement ou préférentiellement (Mermillod et al 2008). Quoi qu’il en la fonction ovarienne. Il résulte vrai-
dans l’ovocyte, comme ceux codant soit, la compétence de l’ovocyte sem- semblablement de l’existence, dans
les facteurs de croissance BMP15 et ble associée à l’évolution vers une l’ovaire fœtal, d’un dialogue molécu-
GDF9, les composants de la zone pel- configuration chromatinienne conden- laire étroit entre cellules somatiques et
lucide (protéines ZP), ainsi que des sée en un anneau périnucléolaire, qui cellules germinales, mais les acteurs et
facteurs dont le rôle est encore coïncide avec l’inactivation des ARN les mécanismes en sont encore très mal
inconnu (Zheng et Dean 2007). polymérases. En fin de folliculogenè- connus. L’invalidation du gène codant
L’activité transcriptionnelle ralentit se, l’expression génique repose essen- le facteur de transcription ovocytaire
lorsque l’ovocyte approche de son dia- tiellement sur le contrôle post-trans- FIGLA n’empêche pas la mise en place
mètre maximal, jusqu’à devenir indé- criptionnel de la réserve d’ARN. et la multiplication des ovogonies dans
tectable. Cette période de fin de crois- l’ovaire fœtal, mais bloque la formation
sance ovocytaire coïncide avec des follicules primordiaux (Soyal et al
l’acquisition de propriétés fonction- 2 / Régulations du démar- 2000). Par ailleurs, l’inactivation natu-
nelles. L’ovocyte semble acquérir d’a- rage de croissance follicu- relle ou expérimentale de nombreux
bord la compétence à reprendre la facteurs impliqués dans le contrôle du
méiose (lorsqu’il atteint environ 80% laire et du développement déclenchement (STRA8) et du bon
de sa taille maximale) puis, à partir folliculaire basal déroulement de la méiose dans les cel-
d’un diamètre folliculaire caractéris- lules germinales (facteurs contrôlant
tique de chaque espèce, l’aptitude à les appariements ou les recombinaisons
soutenir le développement précoce de Les principales régulations du déve- chromosomiques tels que CPEB1,
l’embryon (Mermillod et Marchal loppement folliculaire basal sont sché- DMC1, ATM et MSH5) conduit à une
1999). Ce modèle repose sur des matisées dans la figure 5. perte massive des cellules germinales
Figure 5. Régulations du développement folliculaire basal.
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
6. 64 / D. MONNIAUX et al
par apoptose pendant la vie fœtale 2.2 / Interactions cellules soma- réserve ovarienne puisque son invalida-
(Baltus et al 2006). En outre, des cyto- tiques - ovocyte au cours de la tion chez la souris conduit à un démar-
kines d’origine somatique telles que folliculogenèse basale rage de croissance folliculaire massif et
KITLG, LIF ou IL1A, les facteurs un épuisement accéléré de cette réserve
mitochondriaux de la famille Dès le stade de follicule primaire, (Durlinger et al 1999). D’autre part,
BCL2/BAX et les caspases (CASP2, l’ovocyte exprime et sécrète les fac- même si le développement folliculaire
CASP3) jouent un rôle essentiel dans teurs BMP15 et GDF9 qui jouent un peut se dérouler en absence de gonado-
la survie des cellules germinales et des rôle crucial dans le déroulement de la tropines comme nous l’avons dit, les
follicules primordiaux nouvellement folliculogenèse basale. Ces facteurs sti- cellules folliculaires n’y sont pas pour
formés ; leur inactivation, et à l’inver- mulent la prolifération des cellules de autant insensibles. Ainsi FSH et LH
se leur surexpression, modulent de granulosa et favorisent leur survie. sont capables de stimuler le développe-
façon très importante le taux d’apop- L’invalidation du gène codant GDF9 ment folliculaire basal par leur action
tose des cellules germinales et par chez la souris conduit au blocage de la sur les cellules de granulosa et de
voie de conséquence la taille de la croissance folliculaire au stade de folli- thèque, respectivement. En particulier,
réserve ovarienne (Morita et Tilly cule primaire et la présence, à l’état l’administration de FSH est capable de
1999). homozygote, de mutations inactivatri- stimuler la prolifération des cellules de
ces dans les gènes BMP15 ou GDF9 est granulosa des follicules préantraux et
Une fois les follicules primordiaux associée à un phénotype similaire chez des petits follicules à antrum. Au cours
formés, certains vont démarrer leur la brebis (Juengel et McNatty 2005). des cycles sexuels, de modestes fluc-
croissance immédiatement et d’autres En retour, les cellules de granulosa par- tuations de concentrations de FSH dans
vont attendre, pendant plusieurs mois ticipent à la croissance ovocytaire par le sang régulent la transition vers le
ou plusieurs années, un signal de la production de KITLG, dont l’expres- développement folliculaire terminal et
démarrage de nature encore inconnue. sion est modulée par BMP15 et GDF9 le démarrage des vagues folliculaires.
Nous ignorons aussi si ce signal pro- d’origine ovocytaire (Shimasaki et al L’insuline et l’IGF1 stimulent cette
vient de l’ovocyte, des cellules de gra- 2004). transition en augmentant la sensibilité
nulosa qui l’entourent, du cortex ova- folliculaire à FSH (Mazerbourg et al
rien qui renferme les follicules L’existence d’un couplage métabo- 2003).
primordiaux, ou s’il est endocrinien. lique entre ovocyte et granulosa consti-
tue un autre élément déterminant du
Plusieurs facteurs ovocytaires sem- dialogue entre ces deux types cellulai- 3 / Les événements et la
blent jouer un rôle important dans res. Par exemple, l’ovocyte contrôle le régulation du développe-
transport actif d’acides aminés dans les
l’initiation de croissance des follicules
cellules de cumulus, et ces acides ami- ment folliculaire terminal
primordiaux. Chez la souris, l’invali-
dation des gènes codant les facteurs de nés peuvent être ensuite transférés à
transcription ovocytaires NOBOX, l’ovocyte par l’intermédiaire de jonc-
tions communicantes (Eppig et al 3.1 / Principaux facteurs régula-
LHX8, SOHLH1 ou SOHLH2 bloque
ce démarrage (Choi et Rajkovic 2006, 2005). La perte des jonctions commu- teurs
Pangas et al 2006). Leur expression nicantes entre ovocyte et granulosa (par Par définition, le développement fol-
coordonnée contrôle l’expression d’un invalidation du gène GJA4 codant la
connexine 37), a un effet délétère sur la liculaire terminal est strictement dépen-
grand nombre de gènes spécifiques de dant de la présence de gonadotropines,
l’ovocyte. En revanche, l’inactivation croissance et la survie de l’ovocyte
(Carabatsos et al 2000). et particulièrement de FSH qui en est le
dans l’ovocyte des facteurs ubiquistes chef d’orchestre. Outre les gonadotro-
FOXO3 ou PTEN induit un démarrage Les cellules thécales contribuent pines, les principaux régulateurs de la
de croissance massif et un épuisement aussi à la régulation du développement croissance folliculaire terminale sont
accéléré de la réserve (Castrillon et al folliculaire basal par la sécrétion d’an- l’IGF1 et l’insuline, qui sensibilisent
2003, Reddy et al 2008). drogènes (testostérone) et de nombreux les follicules à FSH. En particulier,
facteurs de croissance (BMP4, BMP7, l’action synergique de FSH et d’IGF1
Des facteurs d’origine somatique NGF, FGF7, EGF, TGF...) capables de joue un rôle déterminant dans le début
seraient aussi impliqués dans le stimuler la prolifération des cellules de de la phase terminale de croissance,
démarrage de croissance folliculaire. granulosa. L’activité des cellules de permettant l’émergence du futur folli-
Ainsi la cytokine KITLG, exprimée thèque est elle-même régulée par des cule préovulatoire. Ensuite, la domi-
par les cellules de granulosa dès le facteurs sécrétés par les cellules de gra- nance du follicule préovulatoire est
stade de follicule primordial, est capa- nulosa, en particulier le KITLG assurée par la LH, hormone à laquelle
ble de stimuler la croissance ovocytai- (Skinner 2005). ce follicule est progressivement devenu
re in vitro, et la présence de mutations hypersensible et qui prend le relais de
inactivatrices dans ce gène bloque le la FSH.
démarrage de croissance folliculaire in 2.3 / Régulations endocrines
vivo chez la souris, mais pas chez la Le contrôle de la folliculogenèse Les gonadotropines FSH et LH agis-
femme (Huang et al 1993, Klinger et basale s’effectue essentiellement selon sent sur leurs cellules-cibles via leurs
De Felici 2002). Le facteur de crois- un mode paracrine de régulation. récepteurs membranaires spécifiques,
sance BMP4, exprimé par les cellules Néanmoins, le rôle modulateur de respectivement FSHR et LHCGR.
stromales du cortex ovarien, pourrait quelques facteurs endocriniens mérite L’activation de ces récepteurs par leurs
aussi réguler ce démarrage ; en effet, d’être signalé. En premier lieu, l’AMH, ligands stimule la production d’AMPc
son administration à des rates ou des sécrétée par les cellules de granulosa par l’enzyme adenylate cyclase ADCY,
souris stimule l’initiation de croissan- des follicules en croissance (mais pas puis l’activation de la kinase PRKAC et
ce des follicules primordiaux (Nilsson des follicules primordiaux), jouerait un de nombreuses autres kinases
et Skinner 2003). rôle déterminant de «gardien» de la (MAPK1, MAPK14, PIK3). La
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
7. Développement folliculaire ovarien et ovulation chez les mammifères / 65
phosphorylation de différents facteurs vagues de développement folliculaire te de la croissance de ce groupe de fol-
de transcription (CREB1, NR5A1, terminal sont observables au cours du licules. Ainsi, lors de chaque vague fol-
SP1) par ces kinases va activer l’ex- cycle sexuel (Driancourt et al 2001). liculaire, le démarrage synchrone d’un
pression d’un ensemble de gènes-cibles Dans toutes les espèces, la vague de groupe de follicules en développement
tels que CYP19A1, INHBB, FSHR et développement folliculaire terminal qui terminal est suivi d’une diminution des
LHCGR dans la granulosa, CYP17A1 aboutit à l’ovulation démarre au concentrations circulantes de FSH, en
dans la thèque, et CYP11A1, STAR et moment de la lutéolyse, l’ovulation réponse à la rétroaction négative de
HSD3B2 dans ces 2 types cellulaires ayant lieu en fin de phase folliculaire l’oestradiol et de l’inhibine sécrétés par
(Lécureuil et al 2007). du cycle sexuel. La jument présente la ces follicules sur l’axe hypothalamo-
particularité de pouvoir ovuler égale- hypophysaire (figure 6 et cf. § 5).
3.2 / Vagues folliculaires et ment pendant la phase lutéale du cycle.
mécanisme de sélection des folli- Or, le pool de follicules au sein
Comme nous l’avons dit, la croissan- duquel s’effectue la sélection n’est pas
cules ovulatoires ce folliculaire terminale commence à homogène. Bien que des follicules de
Le développement folliculaire termi- 0,2 mm chez les rongeurs, 1-2 mm même taille aient, a priori, les mêmes
nal se déroule sous forme de vagues chez la truie, 2 mm chez la brebis, 3-5 potentialités, ils ne sont pas fonction-
folliculaires. Une vague folliculaire mm chez la vache et la femme et 10 nellement identiques en termes de
correspond à la croissance synchrone mm chez la jument. C’est la taille cri- vitesse de prolifération des cellules fol-
d’une cohorte de follicules, suivie de la tique au-delà de laquelle la croissance liculaires, de stéroïdogenèse et de syn-
sélection d’un ou plusieurs follicules du follicule est strictement dépendante thèse de facteurs de croissance et/ou de
appelés dominants, et de leur évolution de niveaux minimaux de FSH. Dans le protéines de liaison de ces facteurs. Les
vers l’ovulation ou de leur régression cas d’une espèce mono-ovulante, le fol- raisons de ces différences entre follicu-
quand les conditions endocriniennes licule qui va ovuler se trouve parmi un les apparemment tous au même stade
sont défavorables (phase lutéale du groupe de follicules qui atteignent «par de développement sont pour le moment
cycle ou gestation). Selon les espèces, hasard» cette taille au moment de la inconnues. On peut penser que les
une seule (femme, rongeurs, truie) ou lutéolyse. Les teneurs sériques en FSH caractéristiques de chaque follicule
plusieurs (brebis, vache, jument) sont alors compatibles avec la poursui- résultent à la fois de sa date d’entrée en
croissance, de sa position dans l’ovaire,
de l’importance de sa vascularisation,
Figure 6. Régulations de la sélection et du développement terminal du follicule ovula-
toire pendant la phase folliculaire du cycle ovarien chez une espèce mono-ovulante.
de son «historique» d’exposition aux
gonadotropines, etc. Quoiqu’il en soit,
La figure représente le dialogue endocrine existant entre les follicules ovariens de la chaque follicule est donc caractérisé
vague ovulatoire et le système hypothalamo-hypophysaire, au début, au milieu et à la par un équilibre local qui lui est propre,
fin de la phase folliculaire. Au cours du temps, un seul des follicules de la vague devient
entre des facteurs paracrines stimulants
progressivement l’acteur essentiel de ce dialogue et du déclenchement de la décharge
préovulatoire de LH, et c’est ce follicule qui ovulera en réponse à cette décharge.
(oestradiol, IGF1, activine...) et inhibi-
E2 = oestradiol, INH = inhibine. teurs (androgènes, les IGFBP, protéines
de liaison des IGF, la follistatine qui est
une protéine de liaison de l’activine...)
de son développement. De fait, une hié-
rarchie fonctionnelle s’établit entre fol-
licules, pourtant a priori au même stade
de développement.
Ainsi, au début de la phase folliculai-
re du cycle sexuel, le dialogue
ovaire/axe hypothalamo-hypophysaire
met en jeu plusieurs follicules.
Progressivement, la petite «avance»
dont pourrait bénéficier un follicule par
rapport aux autres s’amplifie. Ce der-
nier instaure alors une sorte de dialogue
privilégié en secrétant de plus en plus
d’oestradiol, ce qui a pour conséquence
une diminution importante des teneurs
en FSH, qui provoque l’atrésie des fol-
licules de la cohorte. Le follicule dit
«dominant» ne souffre pas quant à lui
de cette baisse des teneurs en FSH,
puisqu’il induit, par rétroaction positive
cette fois, via l’oestradiol, une forte
augmentation de la fréquence des pul-
ses de LH à laquelle il devient hyper-
sensible, grâce à la très forte expression
de récepteurs de LH dans ses cellules
de granulosa. L’expression des deux
marqueurs-clés de la différenciation
folliculaire, CYP19A1 et LHCGR, est
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
8. 66 / D. MONNIAUX et al
Figure 7. Modélisation du processus de sélection : compétition entre trois follicules en phase de développement terminal.
Le graphique en haut à gauche illustre la chute de la concentration plasmatique de FSH en réponse à l'augmentation de la maturi-
té ovarienne (représentant, de manière agrégée, l'inhibine et l'oestradiol). Les trois autres graphiques illustrent pour chaque follicu-
le le niveau de FSH réellement disponible (biodisponibilité locale, graphique en bas à gauche), la maturité folliculaire (graphique en
haut à droite) et l'effectif cellulaire total de la granulosa (graphique en bas à droite). L'effectif et la maturité sont identiques entre fol-
licules au début du développement terminal, mais leur sensibilité à FSH est légèrement différente. Seul un des follicules (courbe en
bleu), poursuit son développement jusqu'à l'ovulation.
donc critique à l’établissement de la les niveaux i) de sensibilité folliculaire délimitée. Ainsi, entre une hypothèse
sélection du follicule préovulatoire à FSH, en termes de prolifération et de déterministe et une hypothèse stochas-
(figure 6). Les follicules de la cohorte différenciation cellulaire, ii) de sensibi- tique de l’initiation de l’atrésie, c’est
débutent un processus d’atrésie qui se lité hypophysaire vis-à-vis du rétro- une hypothèse opportuniste qui semble
traduit, dès ses premiers stades, par une contrôle négatif exercé par l'inhibine et se dégager. Le follicule qui ovule est le
augmentation de synthèse d’éléments l'oestradiol d'origine ovarienne et iii) follicule qui, par chance, était à la
inhibiteurs (IGFBP, androgènes, TP53, de sensibilité hypothalamique au rétro- bonne place au bon moment.
BAX, caspases) et la perte de synthèse contrôle positif exercé par l'oestradiol.
d’éléments stimulants (oestradiol, Ici, un seul follicule réussit à poursui- 3.3 / La régulation du quota
BCL2L1), changements qui ne font vre son développement jusqu'à l'ovula- ovulatoire chez les mammifères
que précipiter leur dégénérescence tion. Il se distingue des deux autres par
(Monniaux et al 1999). son effectif cellulaire final (de l'ordre Le nombre d’ovulations par cycle
de 7,5 millions de cellules), sa capaci- sexuel, ou quota ovulatoire, est une
Ce mécanisme de sélection au cours té de sécrétion en oestradiol (reflétée caractéristique de chaque espèce.
du développement folliculaire terminal par la maturité folliculaire) et une bio- Certaines espèces sont polyovulantes et
a fait l’objet d’une approche de modéli- disponibilité locale en FSH bien plus donc très prolifiques (rongeurs, lapine,
sation dans l’espèce ovine (Echenim et élevée, en liaison avec une vascularisa- truie), d’autres essentiellement mono-
al 2005). La figure 7 représente un tion plus développée. ovulantes (femme, vache, jument).
exemple de compétition entre trois fol- L’espèce ovine a la particularité de ren-
licules en développement terminal, à Le follicule ovulatoire n’est pas pré- fermer à la fois des races polyovu-
partir du pic de prolifération cellulaire destiné, et sa sélection ne résulte pas lantes (Romanov, Finnoise…) et des
au sein de la granulosa (follicules d'en- non plus d’un tirage au sort, mais du races mono-ovulantes (Ile-de-France,
viron 1 mm de diamètre chez la bre- «choix» du follicule qui se trouve par Mérinos…). De plus, au sein de ces
bis) jusqu'au déclenchement de la hasard en parfaite harmonie avec les races ovines, il existe des lignées
décharge ovulatoire. Le taux de sélec- niveaux circulants de gonadotropines, (Booroola, Cambridge, Belclare…)
tion est déterminé conjointement par et ce pendant une fenêtre de temps bien présentant des caractéristiques excep-
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
9. Développement folliculaire ovarien et ovulation chez les mammifères / 67
Figure 8. Conséquences des mutations des gènes de prolificité sur la folliculogenèse et le nombre d’ovulations chez la brebis.
L’activité réduite du système de signalisation des Bone Morphogenetic Proteins (BMP) chez les brebis porteuses de mutations dans
les gènes de prolificité BMP15, GDF9 ou BMPR1B, conduit à diminuer l’action des BMPs, d’une part sur la prolifération et d’autre
part sur la sensibilité à FSH des cellules de la granulosa. Ainsi, les follicules antraux sont de plus petite taille avec moins de cellules
de la granulosa, mais présentent une sensibilité accrue à FSH. Ceci permet d’avancer la maturation des follicules. Ces follicules plus
petits produisent moins d’oestradiol et d’inhibine, mais ensemble, ils en produisent autant que le follicule préovulatoire des brebis
non-mutées. En conséquence, il s’établit le même dialogue endocrinien entre l’ovaire et l’axe hypothalamo-hypophysaire dans les
deux génotypes. Finalement, cette régulation aboutit à la sélection et à l’ovulation de plusieurs follicules de plus petite taille chez les
brebis porteuses des mutations dans les gènes de prolificité. E2 = oestradiol, INH = inhibine.
tionnelles en termes de quota ovulatoire les niveaux sériques en oestradiol le développement embryonnaire conti-
et de prolificité. Dans ces lignées, l’ana- nécessaires au déclenchement du pic nue à augmenter avec la taille folli-
lyse du déterminisme génétique de la préovulatoire (figure 8, d’après Fabre et culaire, alors que le diamètre de
poly-ovulation a permis d’identifier dif- al 2006). l’ovocyte, lui, n’augmente quasiment
férentes mutations dans les éléments du plus. La période de transcription inten-
système BMP, responsables de change- Comme nous l’avons dit précédem- se est achevée, et des vacuoles se déve-
ments du quota ovulatoire. Ainsi, des ment (cf. § 2), la présence, à l’état loppent dans le résidu nucléolaire
mutations conduisant à une perte de homozygote, de mutations conduisant à (Hyttel et al 2001). La conservation
fonction partielle de BMP15, GDF9, ou une perte de fonction totale des gènes globale du niveau d’expression pendant
du récepteur BMPR1B ont toutes pour BMP15 et GDF9 rendent les brebis sté- cette période n’exclut cependant pas la
conséquence une augmentation du riles. Cela signifie que chez la brebis, régulation spécifique de certains trans-
quota ovulatoire (Galloway et al 2000, une «dose» minimale de signalisation crits (Lequarre et al 2005, Mourot et al
Mulsant et al 2001, Hanrahan et al BMP est nécessaire à la folliculogenèse 2006).
2004). Les éléments de cette famille de ovarienne, et que de la valeur de cette
facteurs de croissance jouent en général «dose» dépend en partie le quota ovula- 4 / L’ovulation et la matu-
un rôle d’inhibiteurs de la différencia- toire. Signalons enfin que chez la sou- ration ovocytaire
tion cellulaire et de la lutéinisation. ris, une perte partielle d’expression de
L’hypothèse la plus probable est que ces BMP15 ou GDF9 (chez des individus
mutations induisent une avance à la hétérozygotes pour le gène invalidé) n’a 4.1 / Déclenchement de l’ovula-
maturation folliculaire terminale, les aucune conséquence sur le quota ovula-
follicules étant prêts à ovuler plus tôt, à toire. tion et de la maturation ovocy-
des tailles réduites pouvant aller de 3,5 taire
à 5 mm. Néanmoins, la capacité de 3.4 / Différenciation terminale de L’ovulation est un processus com-
synthèse d’oestradiol de chacun de ces l’ovocyte plexe au cours duquel sont induits à la
follicules étant inférieure à celle d’un fois la reprise de méiose de l’ovocyte,
follicule préovulatoire d’une brebis non Au cours du développement follicu- l’expansion du cumulus, la rupture du
porteuse d’une mutation de prolificité, laire terminal, l’ovocyte subit des mofi- pôle apical du follicule, et la restructu-
chez une brebis porteuse c’est la sécré- cations discrètes mais importantes d’un ration tissulaire associée à la différen-
tion simultanée de plusieurs follicules point de vue fonctionnel. En effet, la ciation cellulaire nécessaire à la forma-
préovulatoires qui permet d’atteindre proportion d’ovocytes aptes à soutenir tion du corps jaune. Au cours d’un cycle
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
10. 68 / D. MONNIAUX et al
normal, tous ces événements doivent Figure 9. Cascade d’événements déclenchés par le pic de LH en fin de phase follicu-
être coordonnés pour aboutir à la pro- laire du cycle et conduisant à l’ovulation du ou des follicule(s) préovulatoire(s).
duction d’un ovocyte mature et fécon-
dable, et d’un corps jaune capable d’as-
surer le début de gestation.
Une cascade d’événements mène à
l’ovulation, mais l’initiateur est une aug-
mentation très significative des taux cir-
culants de la LH sécrétée par l’hypophy-
se. Naturellement, l’ovulation peut être
spontanée ou réflexe, c’est-à-dire indui-
te par l’accouplement. Dans le cas
d’ovulations naturelles observées chez
la plupart des mammifères, l’augmenta-
tion de la fréquence des pulses endogè-
nes de LH est directement liée à celle du
GnRH, elle-même due à l’augmentation
progressive des teneurs sériques en oes-
tradiol. Les félins (chat), les lagomor-
phes (lapin), les camélidés (dromadaire,
lama) et les mustélidés (furet, putois)
sont des espèces à ovulation réflexe
(Driancourt et Levasseur 2001). Dans ce
cas, la stimulation des zones génitales
par le mâle déclenche un réflexe neuro-
hormonal, à l’origine de la libération de
LH. Ce mécanisme n’est généralement
mis en jeu qu’après plusieurs accouple-
ments d’une durée suffisante. Si la
femelle n’est pas mise en contact avec
un mâle, les follicules préovulatoires
dégénèrent le plus souvent sans ovuler.
Dans le cas d’ovulations provoquées,
l’augmentation de LH fait suite à une
stimulation pharmacologique d’un ago-
niste de GnRH ou de LH ; ce type de
stimulation est utilisé chez la femme
dans le cadre des programmes d’assis-
tance à la procréation, et chez certains
animaux d’élevage afin d’optimiser la
gestion des reproducteurs.
L’augmentation de la LH endogène
apparaît le plus souvent sous la forme
d’un «pic» de très forte amplitude et de (tableau 3). Seuls les follicules qui ce (figure 9). Ainsi activée, la PRKAC
durée variable selon les espèces, qui expriment de nombreux récepteurs de induit une cascade de phosphorylation
induit, dans les heures qui le suivent, la LH à la surface des cellules de granulo- et d’activation de facteurs de transcrip-
rupture du follicule ovulatoire et la sa sont capables d’ovuler en réponse au tion (CREB1, SP1) qui vont inhiber
libération de l’ovocyte dans l’oviducte pic préovulatoire de LH. La LH se fixe (CYP19A1, CYP17A1), ou activer
sur ses récepteurs au niveau des cellu- (STAR, CYP11A1, HSD3B2) l’expres-
Tableau 3. Intervalle entre pic préovula- sion des gènes-cibles. Ces changements
les folliculaires (granulosa murale et
toire de LH et ovulation chez différents
mammifères.
thèques) qui répondent à ce signal par expressionnels se traduisent par une
la régulation de l’expression de plu- importante modification du profil de
sieurs gènes, et le transmettent ensuite sécrétion des stéroïdes. Ainsi, dans les
aux cellules du cumulus et à l’ovocyte quelques heures suivant l’augmentation
(figure 9). circulante de LH, les taux sériques
d’oestrogènes et d’androgènes s’effon-
4.2 / Changements fonctionnels drent, alors que le taux de progestérone
des cellules folliculaires augmente considérablement. Ces chan-
gements sont détectables très rapide-
Lors du pic préovulatoire de LH, la ment au niveau sanguin, car la thèque
fixation de la LH sur son récepteur aug- devient oedémateuse et hyperhémique,
mente les taux intracellulaires d’AMPc augmentant ainsi le flux sanguin du fol-
* la jument ne présente pas de réel pic de LH
endogène mais une augmentation progressive
et d’inositol phosphate (Davis et al licule préovulatoire. Simultanément,
qui débute plusieurs heures avant l'ovulation 1986), mais cette dernière voie ne serait les cellules de la granulosa perdent
et un maximum 24 à 48 h après. néanmoins qu’une voie potentialisatri- leurs récepteurs de FSH, tandis que
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
11. Développement folliculaire ovarien et ovulation chez les mammifères / 69
l’expression des récepteurs de LH renciation des cellules du cumulus. La contenant la moitié du complément
diminue de façon transitoire pour aug- synchronisation de l’ensemble de ces chromatinien est expulsé dans l’espace
menter à nouveau par la suite (figu- événements sous-tend le succès non périvitellin. C’est à ce stade qu’inter-
re 4). Chez le rat, cette «reprogramma- seulement de la maturation ovocytaire vient l’ovulation chez la plupart des
tion» des cellules folliculaires dure elle-même, mais aussi des étapes ulté- mammifères, à l’exception des canidés
environ 7 h (Richards et Hedin 1988). rieures de la fécondation et de l’initia- pour lesquels la rupture de la vésicule
tion du développement embryonnaire. germinale a lieu lors du transit de
4.3 / La rupture de la paroi folli- l’ovocyte dans les voies génitales.
culaire Au cours de la folliculogenèse, L'ovocyte reste bloqué au stade de
depuis la formation du follicule primor- métaphase II par un facteur cytosta-
Le processus d’ovulation est associé dial jusqu'à la phase de croissance fina- tique (cytostatic factor ou CSF) jusqu’à
à une réaction de type inflammatoire le du follicule dominant, l'ovocyte est sa fécondation ou son activation par-
(Espey 1980). La synthèse ovarienne bloqué en prophase de première divi- thénogénétique.
de cytokines inflammatoires (interleu- sion méiotique et ce blocage est main-
kines, TNF), de prostaglandines et de tenu essentiellement par un niveau La reprise de méiose correspond à un
cortisol (glucocorticoïde à action anti- élevé d’AMPc intra-ovocytaire. Dans passage entre le stade G2 et le stade M
inflammatoire) s’accentue dans le folli- le follicule, ce facteur inhibiteur tran- du cycle cellulaire, et à ce titre repose
cule préovulatoire au moment de l’ovu- site des cellules de granulosa murales sur l’activation du M-phase Promoting
lation. Le mécanisme d’action des au cumulus et à l’ovocyte par des jonc- Factor ou MPF, hétérodimère composé
cytokines dans la maturation préovula- tions communicantes. In vitro, la repri- d’une sous-unité catalytique, CDC2, et
toire est probablement similaire à celui se de méiose intervient spontanément d’une sous-unité régulatrice, la cycline
observé au cours d’une inflammation ; quand le complexe ovocyte-cumulus CCNB1. La diversité des cibles
en particulier elles stimulent l’activité est sorti du follicule et résulterait de phosphorylées par le MPF (lamine B,
d’enzymes protéolytiques et la produc- l’arrêt de l’apport de ce facteur inhibi- histone H1 et certaines protéines asso-
tion de prostaglandines et de monoxyde teur. In vivo, le pic préovulatoire de LH ciées aux microfilaments) peut expli-
d’azote (NO). De plus, elles sont capa- induit la phosphorylation de la quer comment ce complexe coordonne
bles de moduler la stéroïdogenèse et connexine 43 (GJA1) qui constitue les les différents événements nécessaires à
interviendraient aussi dans la matura- jonctions communicantes, bloquant un bon déroulement de la maturation.
tion du complexe ovocyte-cumulus ainsi le passage d’AMPc par interrup- Le niveau d’activité du MPF chute à
(Gérard et al 2004). tion du couplage métabolique entre les l’anaphase I, la phosphorylation de ses
cellules folliculaires et l’ovocyte cibles étant alors maintenue par d’au-
La rupture de la paroi folliculaire et (Norris et al 2008). tres kinases (en particulier MAPK1).
l’expulsion de l’ovocyte dans l’oviduc- La progression de la méiose s’accom-
te nécessitent l’action d’enzymes pro- La rupture de la vésicule germinale pagne encore de l'activation de la kina-
téolytiques dégradant la matrice extra- (Germinal Vesicle BreakDown ou se AKT1 et de la déphosphorylation de
cellulaire. En réponse à la stimulation GVBD) est le premier signe visible de la kinase PRKAC (Mermillod et
par le pic préovulatoire de LH, la pro- maturation. Elle se produit dans les Marchal 1999, Dekel 2005).
duction locale d’activateur du plasmi- heures qui suivent le pic préovulatoire
nogène, de plasmine et de collagénases de LH et elle commence par un plisse- L’activité transcriptionnelle, déjà
(MMP1 et MMP2) augmente considé- ment de l'enveloppe nucléaire. Les minimale depuis la fin de la croissance
rablement. L’activateur du plasminogè- pores nucléaires disparaissent puis l'en- ovocytaire, s’arrête totalement dès la
ne transforme le plasminogène en plas- veloppe se fragmente avant d’être condensation des chromosomes en
mine, qui elle-même activerait dégradée (en 3 h chez la souris, 6 h début de maturation. L’expression
certaines collagénases (Beers et al chez les bovins). Le nucléole disparaît génique repose alors essentiellement
1975). En parallèle, l’activité d’inhibi- rapidement au contact du cytoplasme. sur la régulation post-transcriptionnelle
teurs de sérines protéases (SERPINE1) Les chromosomes se condensent durant des ARN présents dans le cytoplasme.
et d’inhibiteurs des métalloprotéases et après la GVBD et les chiasmas mig- La maturation s’accompagne d’une
matricielles (TIMP1 et TIMP2) aug- rent vers l’extrémité des bras chromo- dégradation modérée des ARN, et
mente. L’expression de ces métallopro- somiques. Le fuseau se forme depuis d’une déadénylation sélective affectant
téases et des TIMP est régulée par les les MTOCs (microtubule organizing les messagers à des degrés variables.
stéroïdes et les prostaglandines. Ainsi, center, équivalent du centrosome dans Certains messagers, comportant dans
l’expression concomitante de protéases l’ovocyte) et ses tubules s’ancrent sur leur région 3’ non traduite des signaux
et d’anti-protéases dans le follicule pré- les chromosomes qui se distribuent sur spécifiques, subissent au contraire une
ovulatoire permet de moduler le site et la plaque métaphasique de la première polyadénylation cytoplasmique cou-
le degré de dégradation du mur follicu- division méiotique (métaphase I). plée à leur recrutement pour la traduc-
laire au moment de sa rupture (Curry et L’anaphase et la télophase sont rapides, tion.
Smith 2006). les chromosomes homologues se sépa-
rent et migrent aux pôles du fuseau, Pendant cette période, l’élargisse-
4.4 / La maturation du complexe dont l’un provoque une boursouflure de ment de l’espace périvitellin s’accom-
ovocyte-cumulus la membrane qui deviendra le premier pagne d’une réorganisation des compo-
globule polaire. Après la télophase, les sants cytoplasmiques de l’ovocyte
En réponse au pic préovulatoire de chromosomes de l’ovocyte se répartis- (Mermillod et Marchal 1999). Les gra-
LH, l’ovocyte entre en phase de matu- sent rapidement sur une plaque méta- nules corticaux, qui avaient une locali-
ration. La reprise de la méiose s’ac- phasique alors que se forme le second sation cytoplasmique sous-corticale
compagne de modifications structura- fuseau méiotique (métaphase II) diffuse dans l'ovocyte immature, mi-
les et biochimiques au sein du (Brunet et Maro 2005, Terret et grent vers la zone corticale en s'asso-
cytoplasme, et est associée à une diffé- Wassmann 2008). Le globule polaire ciant au cytosquelette (filaments d'ac-
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
12. 70 / D. MONNIAUX et al
tine). Les mitochondries, qui consti- Figure 10. Implications des facteurs endocriniens, nutritionnels et saisonniers dans la
tuent l’organelle le plus abondant dans régulation des fonctions ovariennes.
l’ovocyte, forment des agrégats avec le
réticulum endoplasmique dans la région
périnucléaire, ces déplacements étant
sous la dépendance des microtubules. La
réserve en lipides et la concentration en
glutathion augmentent, indicateurs de
changement métaboliques. La reprise de
méiose est corrélée à une augmentation
de la concentration de calcium dans le
cytosol. Le calcium est relargué de
stocks intracellulaires, et pourrait aussi
pénétrer par les canaux ioniques de la
membrane plasmique. Parallèlement,
des changements de la machinerie de
signalisation calcique s’opèrent (Tosti
2006).
Le pic préovulatoire de LH induit
aussi l'expansion du cumulus qui
entoure l’ovocyte. Cette expansion
résulte de la sécrétion d’une matrice
extracellulaire riche en acide hyaluro-
nique, elle est stimulée par FSH et cer-
tains facteurs de croissance (EGF,
IGF1). Des facteurs ovocytaires inter-
viennent également dans ce phénomè-
ne, notamment GDF9. Le cumulus
expansé constitue un micro-environne-
ment protecteur pour l'ovocyte et assu- les capillaires sanguins de la tige pitui- tions pharmacologiques de l’axe gona-
re la captation du complexe par le taire. Le GnRH est un décapeptide, dotrope par KISS1 sont très prometteu-
pavillon de la trompe suite à l’ovula- synthétisé par les neurones de l’hypo- ses. En injections intraveineuses, elle
tion. Il joue également un rôle dans la thalamus médio-basal et de l’aire stimule fortement la sécrétion des
capacitation des spermatozoïdes avant optique, qui stimule la synthèse et la gonadotropines chez l’animal comme
la fécondation (Tanghe et al 2002). sécrétion de la LH et de la FSH en se chez l’homme. Chez la brebis, elle per-
fixant à des récepteurs situés à la surfa- met de synchroniser l’ovulation à
ce des cellules gonadotropes. Les sté- l’heure près, en saison de reproduction,
5 / Régulations par les fac- roïdes, en particulier l’oestradiol d’ori- ou d’induire une cyclicité suivie d’une
teurs externes gine ovarienne, inhibent la sécrétion ovulation chez des animaux en état de
pulsatile de GnRH par un rétrocontrôle repos sexuel (Caraty et al 2007).
négatif. Cependant, en fin de crois-
5.1 / Le système hypothalamo- sance folliculaire terminale et au- Les différentes aires de l’hypothala-
hypophysaire : un intégrateur delà d’une concentration-seuil (5 à mus (ventromédian, paraventriculaire,
des signaux endocriniens et 10 pg/mL chez la brebis) l’oestradiol noyau arqué) qui gouvernent le com-
exerce une action positive sur le systè- portement sexuel et la sécrétion du
environnementaux me hypothalamo-hypophysaire. Il pro- GnRH sont également au carrefour de
La maturation folliculaire et l’ovula- voque à la fois une augmentation de la nombreux systèmes de contrôle de
tion sont contrôlées par le système fréquence des pulses de GnRH, puis l’homéostasie, tels que le contrôle du
hypothalamo-hypophysaire qui intègre une libération massive de ce dernier, et poids corporel, du comportement ali-
les informations de différents facteurs une augmentation importante de la sen- mentaire et de la thermogenèse. Elles
endogènes (signaux hormonaux et sibilité hypophysaire. L’association de sont donc capables d’intégrer toute per-
nutritionnels) et exogènes (photopério- ces deux effets conduit à une décharge turbation du bilan énergétique au
de, température, stress…) (figure 10). massive de LH qui déclenchera l’ovu- niveau périphérique et de réagir en
lation des follicules préovulatoires pré- modifiant un ensemble de fonctions
Le système hypothalamo-hypophy- sents dans l’ovaire. Le peptide KISS1 physiologiques et de comportements.
saire est composé de l’hypothalamus, (ou kisspeptine), ligand d’un récepteur Chez la plupart des espèces étudiées,
partie du cerveau située à la base du appelé KISS1R (ou GPR54), est un des perturbations de la ration alimentai-
troisième ventricule, et de l’hypophyse, acteur majeur dans les mécanismes de re entraînant un déséquilibre du bilan
placée sous l’hypothalamus et rattachée rétrocontrôle des stéroïdes sur la libéra- énergétique ont des conséquences
à celui-ci par la tige pituitaire. tion du GnRH et semble impliqué dans directes au niveau de l’axe hypothala-
L’hypophyse et plus précisément l’adé- toutes les étapes de transition de la vie mo-hypophysaire. Par exemple, une
nohypophyse exprime et sécréte les reproductive (Caraty et Franceschini sous-alimentation plus ou moins
gonadotropines, LH et FSH. La sécré- 2008). De plus en plus de résultats indi- importante aboutit à une profonde déré-
tion de ces hormones est sous le contrô- quent que cette molécule intervient gulation du rétrocontrôle exercé par
le du GnRH, une neurohormone hypo- également au niveau de l’hypophyse et l’oestradiol sur la sécrétion de GnRH
thalamique secrétée directement dans des gonades. Les premières manipula- (Diskin et al 2003). Chez la vache et
Inra Productions Animales, 2009, numéro 2
13. Développement folliculaire ovarien et ovulation chez les mammifères / 71
l’agnelle, cette dérégulation passe en ment produit par le foie en réponse à un déficit congénital en leptine et sont
partie par un renforcement de la l’hormone de croissance (GH), jouent infertiles, augmente le taux de gonado-
rétroaction négative exercée par l’oes- un rôle pivot dans la régulation gonado- tropines circulantes, induit un dévelop-
tradiol sur la sécrétion de GnRH trope et ovarienne. En effet, il existe pement folliculaire ovarien normal et
(Foster et Olster 1985). Cette dérégula- une assez bonne corrélation in vivo restaure la fertilité (Chehab et al 1996).
tion conduit à une diminution de la entre les modifications des taux d’IGF1 Chez plusieurs espèces animales, il
sécrétion de la LH et, à terme, à une et d’insuline observées au cours de la semble que la leptine constitue un
anovulation. croissance, de la puberté ou lors de signal nécessaire au système nerveux
modifications du bilan énergétique, et central pour déclencher, en fonction de
Chez les espèces à reproduction sai- la fréquence des pulses de LH. D’autre l’état des réserves adipeuses, la puberté
sonnée (ovins, caprins, équins…), la part, les composants du système insuli- et les premières ovulations chez les jeu-
durée du jour (ou photopériode) est un ne/IGF (ligands, récepteurs, IGFBP) nes. In vivo, les teneurs en leptine dans
facteur supplémentaire qui module sont retrouvés aux trois niveaux réglant le sérum augmentent jusqu’à l’âge de la
l’activité de l’axe hypothalamo-hypo- la fonction ovarienne (hypothalamus, puberté (Zieba et al 2005).
physaire et est responsable de l’alter- hypophyse, ovaires) où ils peuvent par-
nance entre une saison sexuelle et une ticiper au contrôle de la réponse aux Le mécanisme d’action de la leptine
saison de repos sexuel, caractérisée par changements des signaux nutritionnels sur la fonction de reproduction n’est
l’absence d’ovulation (Malpaux 2006). (Monget et Martin 1997). pas encore parfaitement connu. Les
Cette action de la photopériode est récepteurs de la leptine sont présents
relayée par la mélatonine, une hormone Au niveau central, l’IGF1 régule la dans de nombreux tissus y compris
produite exclusivement pendant la nuit neurosécrétion de GnRH et de LH. En dans l’hypothalamus, l’hypophyse et
par la glande pinéale. La durée de effet, chez le rat, des injections d’IGF1 l’ovaire, indiquant que la leptine peut
sécrétion de la mélatonine est propor- par voie intra-cérébrale sont capables agir à tous les niveaux de l’axe hypo-
tionnelle à celle de la nuit et constitue de stimuler la sécrétion de LH et thalamo-hypophyso-ovarien. In vitro,
un signal endocrinien permettant aux d’avancer l’âge à la puberté des femel- la leptine induit une libération de la LH
tissus cibles de «distinguer» les jours les. L’insuline modifie l’expression à partir d’explants de complexes hypo-
longs d’été des jours courts d’hiver. La génique ou la libération de diverses thalamo-infundibulaires et de cultures
mélatonine agit au niveau hypothala- substances hypothalamiques interve- de cellules hypophysaires (Zieba et al
mique pour contrôler la libération de nant dans la régulation gonadotrope 2005), et exerce un effet direct sur la
GnRH, ce qui par voie de conséquence (IGF2, neuropeptide Y). Des études cli- stéroïdogenèse des cellules de la granu-
modifie la secrétion des gonadotropi- niques suggèrent que l’hyperinsuliné- losa et de thèque (Spicer 2001).
nes. Cette action n’est toutefois pas mie favorise l’amplitude des pulses de Comme la leptine, d’autres hormones
directe sur les neurones à GnRH mais sécrétion de LH chez les femmes obè- produites par le tissu adipeux comme
elle implique des interneurones multi- ses présentant un syndrome d’ovaires l’adiponectine (ADIPOQ) ou la résisti-
ples (dopamine, sérotonine, kisspepti- polykystiques. ne (RETN) pourraient jouer des rôles
ne...) qui ne sont que partiellement importants dans la régulation de l’axe
connus. L’action de la mélatonine passe Il existerait également des effets hypothalamo-hypophyso-ovarien
également par une modulation de la directs de l’insuline et/ou des IGF au (Mitchell et al 2005).
rétroaction négative de l’œstradiol avec niveau ovarien. Chez plusieurs espèces
un renforcement de cette dernière pen- d’intérêt agronomique (brebis, truie et c) Le glucose et les acides gras
dant les durées du jour inhibitrices vache), une augmentation de la ration
(Lehman et al 2002). Enfin, d’autres alimentaire pendant les derniers jours Les nutriments, en particulier le glu-
facteurs externes (alimentation, tempé- de la phase lutéale est capable d’aug- cose et les acides gras, peuvent aussi
rature, facteurs sociaux, stress…) menter la vitesse de croissance, la taille moduler les fonctions ovariennes par
modulent les effets de la photopériode et le nombre de follicules dominants une action directe et/ou indirecte.
pour déterminer les caractéristiques sans altérer les niveaux circulants de L’administration de 2-deoxy-D-gluco-
fines de la saison sexuelle. Ainsi, une FSH et de LH (Downing et Scaramuzzi se, un agent bloquant de la glycolyse,
restriction d’apport alimentaire peut 1991). Ces effets pourraient en partie induit une chute brutale de la sécrétion
raccourcir la saison sexuelle sans per- être dus à l’insuline et/ou l’IGF1 qui de LH et bloque l’ovulation et la forma-
turber la cyclicité pendant cette période augmenteraient la sensibilité des folli- tion du corps jaune (McClure et al
de l’année. cules à l’action de la FSH au moment 1978, Funston et al 1995). De même,
où ces derniers rentrent dans leur phase l’administration de méthyl-palmoxyra-
terminale de croissance (Mazerbourg et te, un agent empêchant l’oxydation des
5.2 / Régulation nutritionnelle acides gras, provoque une perturbation
de la fonction ovarienne al 2003). Plusieurs mécanismes d’ac-
tion de l’insuline/IGF1 au niveau ova- importante de l’ovulation (Schneider et
Des modifications quantitatives ou rien sont possibles, en particulier une Zhou 1999) et une lésion chirurgicale
qualitatives de l’apport alimentaire, activation directe de leurs récepteurs de l’area postrema, zone du cerveau
relayées par des changements de respectifs, ou une augmentation de la innervée par des afférences vagales
signaux hormonaux (insuline, IGF, lep- biodisponibilité de l’IGF1 par réduc- provenant des viscères, lève totalement
tine) et par des variations importantes tion des taux intra-folliculaires les effets inhibiteurs de la sous-alimen-
des flux métaboliques (acides gras ou d’IGFBP1. tation et des agents bloquant le métabo-
glucose), modulent l’activité de l’axe lisme du glucose et des acides gras, sur
hypothalamo-hypophyso-ovarien. b) La leptine la sécrétion de GnRH et sur le compor-
tement sexuel (Wade et al 1996).
a) L’insuline et l’IGF1 La leptine (LEP) est une hormone
principalement exprimée et sécrétée Les acides gras à longue chaîne pour-
L’insuline, synthétisée exclusivement par le tissu adipeux. L’injection de lep- raient moduler la croissance folliculaire
par le pancréas, et l’IGF1, majoritaire- tine à des souris femelles ob/ob, qui ont par une action directe au niveau ova-
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14. 72 / D. MONNIAUX et al
rien. En effet, un récepteur de ces aci- Plus vraisemblablement, chaque étape les mammifères, ce gaspillage pourrait
des gras, le récepteur PPARG, est forte- du développement folliculaire semble n’être qu’un résidu évolutif du méca-
ment exprimé dans les cellules de la dépendre, pour son bon déroulement, nisme de surproduction de gamètes qui
granulosa de brebis et de rongeurs, et de la présence de facteurs-clés. En existe chez les poissons, et qui s’avère
un ligand synthétique de ce récepteur l’état actuel des connaissances, on peut indispensable pour la survie des espè-
est capable de moduler in vitro la proli- proposer que ces facteurs sont les BMP, ces à fécondation externe. L’intérêt bio-
fération et la stéroïdogenèse de ces cel- le KITLG et l’AMH pour le démarrage logique éventuel de ce gaspillage pour
lules (Froment et al 2006). Ces résul- de croissance folliculaire, l’IGF et l’in- les mammifères pourrait être in fine de
tats suggèrent qu’un métabolisme des suline pour la transition entre dévelop- permettre l’ovulation des seuls
lipides spécifique de l’ovaire pourrait pement folliculaire basal et terminal, la «meilleurs» ovocytes, aptes à être
jouer un rôle important dans les interfa- FSH pour le début du développement fécondés et à donner naissance à des
ces métabolisme/reproduction. folliculaire terminal et la sélection du descendants viables. L’existence d’une
follicule préovulatoire, et la LH pour le réserve folliculaire surdimensionnée
développement final de ce follicule, la confère surtout une grande plasticité au
Conclusion maturation ovocytaire et l’ovulation. processus de développement folliculai-
Le bon pilote doit être présent à chaque re, plasticité que l’on peut mettre en
étape du développement folliculaire. évidence expérimentalement. En effet,
L’issue du développement folliculai- Ainsi, pour un follicule ovarien qui a
re, c’est-à-dire le déclenchement d’une si l’on détruit par cautérisation les folli-
bien démarré sa croissance mais qui
ou plusieurs ovulations, est caractéris- arrive en début de son développement cules à antrum présents sur un ovaire,
tique de chaque espèce de mammifères terminal juste après une ovulation chez ou si l’on enlève l’un des ovaires d’un
et de chaque race. Ce processus de la femme, le relais par FSH ne sera pas animal, dans les deux cas, le tissu ova-
développement est finement régulé à assuré. Ce passage de relais est égale- rien restant reconstitue rapidement une
chacune de ses étapes, et la question ment susceptible d’être modulé par les folliculogenèse normale jusqu’à l’ovu-
que l’on peut se poser est de savoir facteurs environnementaux, en particu- lation. De même, à partir d’un fragment
comment l’ensemble est orchestré. lier photopériodiques et nutritionnels. Il de cortex ovarien dépourvu de follicu-
Chez la souris, il a été proposé que n’y a donc pas un seul, mais plusieurs les à antrum, un démarrage de croissan-
l’ovocyte pourrait piloter tout le déve- pilotes successifs et c’est le passage de ce folliculaire s’initie «spontanément»
loppement folliculaire jusqu’à l’ovula- relais de l’un à l’autre qui est détermi- et très rapidement in vitro, permettant
tion (Eppig et al 2002). Néanmoins, il nant pour le bon déroulement de la fol- de régénérer une folliculogenèse nor-
est difficile d’imaginer que l’ovocyte liculogenèse. male. Les mécanismes à l’origine de
puisse orchestrer à lui seul l’ensemble ces phénomènes de compensation res-
du développement folliculaire chez des Depuis la formation de la réserve de tent à élucider, et en particulier la natu-
mammifères dont le diamètre du folli- follicules primordiaux jusqu’à l’ovula- re et l’origine du signal de démarrage
cule préovulatoire dépasse plusieurs tion, l’ovaire est le siège d’un immense de croissance des follicules primor-
millimètres ou plusieurs centimètres. gaspillage de cellules germinales. Chez diaux sont actuellement inconnus.
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