2. Les images fractales
• Nos merveilleux outils informatiques et les
mathématiques du chaos permettent la création d’images
qui évoquent bien l’unité du vivant dans son intériorité, sa
complexité, sa plasticité, sa temporalité. On croit voir les
boucles de rétroaction, les réseaux d’interactions,
d’intrications et d’inscriptions de la mémoire dans le
vivant. C’est pourquoi j’ai décidé de vous présenter en
parallèle à cet exposé les tableaux d’art fractal de Gilles
Nadeau, un des meilleurs dans cette discipline.
Cette faculté de mémoire a peut-être même précédé
l’apparition de la vie sur terre comme en témoigne Yves
Couder, physicien des systèmes complexes, récemment
admis à l’Académie des Sciences de
France: « Actuellement, nous étudions une goutte d’huile
qui surfe sur les ondes qu’elle crée sur un bain d’huile en
vibration. Ces ondes contiennent dans leur structure une
mémoire de la trajectoire antérieure. La fascination pour
ce système vient de ses régimes spécifiques d’auto-organisation,
quasi-biologiques, où l’information codée
dans le passé contribue à déterminer le présent. »
• « De la même manière, l’apparition du nombre de
Fibonacci dans les spirales végétales a un rapport profond
avec les quasi-cristaux. »
Gaz incandescent Gilles Nadeau
3. Le tourbillon de la vie
• Au XIXe siècle le grand physiologiste Claude Bernard
introduisit le concept de milieu intérieur qui, d’une
certaine façon, équivaut à parler d’une écologie
intérieure. Au XXe siècle la biologie moléculaire et la
génétique nous ont révélé des acteurs toujours plus
nombreux et insoupçonnés de la vie. Il semble que
même dans le noyau de la cellule, des virus ont été
recrutés ou domestiqués pour devenir des collaborateurs
de la cellule. Avec Lynn Margulis, nous verrons que
l’endosymbiose devient un facteur décisif d’évolution
chez les eucaryotes. L’histoire de cette chercheuse hors
du commun nous permettra de réfléchir sur les liens
entre la philosophie de la biologie et la recherche
strictement scientifique. Puis, nous inspirant des travaux
de Philippe J. Sansonetti et de Jules Hoffman, nous
verrons que l’homme lui-même est un hybride
eucaryote-procaryote. Nous nous tournerons ensuite
vers les symbioses dans le monde végétal, par exemple,
les relations tellement existentielles entre champignons
et arbres, pour nous concentrer finalement sur la
relation homme-nature. À toutes les échelles, nous
assistons à des dialogues moléculaires, cellulaires,
tissulaires, etc. Nous sommes devant des messages et
des voies de signalisation et nous parlerons d’une
branche négligée de l’éthologie : la biosémiotique. À
toutes ces échelles aussi, nous verrons combien une
approche toute génétique nous a embrouillé la vue.
Oiseaux de nuit Gilles Nadeau
4. Changement de paradigme?
• En séquençant le génome, les généticiens ont en
quelque sorte scié la branche sur laquelle ils
étaient assis : la génétique des populations. Et
comme la biologie avait mis la génétique des
populations au centre de son interprétation du
vivant, tout s’écroule. Il serait plus juste, peut-être,
de parler d’un Titanic conceptuel, réputé
insubmersible, qui s’enfonce lentement dans
l’océan, après avoir percuté un iceberg :
l’épigénétique.
• Que reste-t-il de la génétique classique? 2% du
génome, le fameux code génétique, qui s’avère
finalement être un clavier sur lequel la vie joue.
• Voici quelques phrases tirées de la conclusion de
la présentation du programme de cours « Analyse
des génomes 2013-2014 » à l’Institut Pasteur :
« Mais s’il est si difficile de définir les modèles de
gènes, il ne faut pas oublier qu’en définitive
chaque génome n’est en réalité que l’instantané
d’un processus de changements permanents. »
• « Si, à force de mieux connaître les gènes, on ne
sait plus très bien ce qu'ils sont, c'est peut-être
qu'en réalité, ils n'existent pas. Du moins pas
comme objet moléculaire précisément
définissable »
Embrangle (lumière diffuse) Gilles Nadeau
5. L’ampleur de notre ignorance
• Les plus récentes études concernant les virus indiquent qu’il
existe entre 10 milliards et 1000 milliards d’espèces de virus!
Nous en connaissons 10 000. (Didier Raoult 2013, L’Autre en
nous) Allons-nous continuer de leur donner des noms?
• « De l’ordre de dix milliards de virus sont détectables dans un
litre d’eau de mer, et parfois davantage dans les eaux douces,
ce qui peut donner lieu à 10 23 infections de bactéries par
seconde (Hendrix 2003). Ceci laisse imaginer le nombre de
transferts de gènes qui s’opère à chaque seconde dans tous les
milieux aquatiques. » (Yves Chupeau 2013)
• Il y a entre 100,000 et 1 million d’ « espèces » de protéines en
nous: marge d’erreur de 900 000…
• L’ARN , jadis simple messager unidirectionnel, devient
multiforme, et multifonctionnel; c’est souvent l’ARN qui
décide! Nous en avons découvert des milliers de variétés,
petits et longs. Ils agissent parfois comme des enzymes, c’est à
dire des protéines, et ont parfois des double brins, comme
l’ADN. Ils changent de costumes et de rôles. Le concept de
gène s’est dissous et les codons sont souvent dégénérés ou
synonymes: il y a beaucoup d’exceptions à la règle, au code. Le
modèle génétique traditionnel paraît maintenant simpliste.
L’inné et l’acquis semblent bien inextricablement liés et tous
ces processus sont en nous, comme une mémoire organique du
passé.
Seulement 2% du génome code pour des protéines, ce qui était
notre définition d’un gène. Plus de 45% de notre ADN serait
d’origine rétrovirale.
Spirit of Buddharot Gilles Nadeau
6. Plasticité du vivant et même du noyau
• Darwin avait souligné l’unité du vivant, mais celle
que nous découvrons est plus profonde, car elle
implique de nombreux acteurs agissant dans des
réseaux d’une complexité insoupçonnée. Elle est
doublée d’une plasticité que la génétique
classique excluait. On est pris d’un certain vertige
devant tant de complexité.
• La biologie semble maintenant dans une impasse
( Michel Morange Contre la pensée unique en biologie), elle fait
face au retour des deux hérésies qu’elle avait
crues définitivement éliminées, le lamarckisme
et le vitalisme.
• Le néodarwinisme est une théorie externaliste de
l’évolution. Les organismes ne participent pas à
leur transformation évolutive, ils sont « agis », ils
subissent l’évolution. Selon l’expression
consacrée, ils sont le fruit du hasard et de la
nécessité. Sans nier complètement le rôle du
hasard, je défendrai l’idée qu’il y a bien dans le
vivant une intériorité, qui correspond plus ou
moins au « Conatus » de Spinoza, à la « Volonté
de puissance » de Nietzsche, à « l’Intention » de
Husserl, ou à « l’Élan vital » de Bergson. Toutes
ces philosophies ont en commun la notion de
désir. La vie, c’est le désir. perroquet Gilles Nadeau
7. La génétique classique et l’ADN
égoïste
• Au début du XXe siècle, on redécouvre les travaux du moine Gregor Mendel qui, en étudiant l’hérédité chez les
petits pois, avait fondé la génétique. Les biologistes sont encore en majorité « lamarckiens » et acceptent
difficilement que la sélection naturelle de Darwin suffise à comprendre l’évolution des espèces. C’est August
Weismann qui sépare complètement l’inné de l’acquis, l’intérieur de l’extérieur, le passé du futur, en coupant des
queues de souris sur 40 générations. Les souriceaux naissent avec de queues normales et ceci démontre que
Lamarck avait tort. Weissmann prouve ainsi la non héritabilité des mutilations !
• 50 ans plus tard, Francis Crick impose le dogme central de la génétique : dans la cellule vivante, l’information ne
circule que dans un sens. Du noyau, vers l’extérieur.
• ADN >ARN > protéines. C'est Francis Crick lui-même qui le baptise « dogme central ». C’est un monologue, une
fermeture du noyau qui permet de sauver une théorie mécaniste de la vie. Les gènes sont les particules de l’hérédité.
Spirale marchante Gilles Nadeau
8. Séquençage de nouvelle génération
• 50 ans plus tard, le séquençage de nouvelle
génération (NGS) permet d’analyser le
transcriptome et l’épigénome, c’est-à-dire la
façon dont l’ADN est lu dans les cellules
vivantes. C’est seulement à ce moment qu’on
réalise que la différenciation cellulaire est un
phénomène épigénétique.
• 2% de l’ADN code pour des protéines. Dans le
98% qui reste, et qu’on avait qualifié d’ADN
« poubelle », on sait maintenant que 80%
transcrit quelque chose et 45% transcrit en sens
inverse en association avec une enzyme
présente partout dans le vivant, la transcriptase
inverse.
• Il est maintenant démontré que les
rétrotransposons LINE 1 (pour Long
interspersed Nuclear Element, Long élément
nucléaire disséminé) jouent un rôle clé dans le
génome humain. En utilisant la transcription
inverse, ces gènes sauteurs violent le dogme
central de la génétique. Ils sont environ 30 fois
plus nombreux que les « vrais gènes » dans le
génome. On les considère généralement comme
des rétrovirus qui auraient envahi l’ADN. Le dinausore disparu Gilles Nadeau
9. Protéine > ARN > ADN ?
• « La rétrotransposition est un
mécanisme commun à tous les
génomes eucaryotes. Il a largement
contribué à l’évolution et à la
plasticité des génomes. Chez l’homme
les rétrotransposons LINE-1 (Long
Interspersed Nucleotidic Elements-1)
représentent plus de 17% du génome.
Il est le seul élément mobile
autonome actif et est responsable de
l’amplification de rétrotransposons
non autonomes tels que les
séquences Alu et les
rétropseudogènes. Ainsi, au cours de
l’évolution, LINE-1 a contribué à la
formation de près d’un tiers de la
masse de notre génome. » Génomique,
génétique, bioinformatique et biologie systémique (Blanc SVSE 6)
2012 : projet RETROGENO Agence nationale de recherche Fr.
Slope embrangle Gilles Nadeau
10. Une autre interprétation
• M. Patrick Forterre a présenté dernièrement une
nouvelle théorie sur l’origine de l’ADN à partir
d’un monde à ARN. Dans ce scénario les virus
auraient créé l’ADN. Il est important de savoir
que l’origine de la vie et en particulier du code
génétique demeure tout à fait mystérieuse.
Cependant, il apparaît de plus en plus clairement
que l’ARN a précédé l’ADN dans l’évolution de
la vie.
• « Il est de plus en plus couramment admis
aujourd’hui que les interactions compétitives ou
symbiotiques entre virus et cellules représentent
le principal moteur de l’évolution
biologique ». (Forterre et Prangishvili, 2013 ; Koonin et Dolja,
2013)
• Les virus à ARN (rétrovirus) produisent des
molécules complexes et certains d’entre eux sont
capables de réparer leur ARN. Le virus peut
créer de nouvelles protéines. Il y a de nouveaux
gènes chez les virus ce qui est inattendu. Les
virus créent de la nouveauté.
• Dans cette interprétation, les virus n’ont pas
seulement envahi le génome, ils l’ont inventé. nuit étoilée Gilles Nadeau
11. Yamanaka, le retour de l’embryologie
• Le prix Nobel de biologie 2012, M. Yamanaka a étonné la
communauté scientifique en produisant les premières
cellules IPS (induced pluripotent stemcells). Avec
seulement quatre facteurs de transcriptions, il a réussi à
ramener une cellule adulte différenciée à l’état de
pluripotence. Ceci était réputé impossible.
• La cascade d’interactions qu’il déclenche doit être très
complexe et utiliser des réseaux à niveaux multiples, mais
il réussit à l’induire sans comprendre tous les rouages de
la machinerie. L’important, c’est d’avoir le bon message;
dans ce cas, quatre facteurs de transcription. M. Yamanaka
est parti de 24 facteurs de transcription (protéines) qu’il
avait repérés en étudiant les cellules souches
embryonnaires. Il a essayé toutes sortes de combinaisons
pour finalement constater qu’avec seulement quatre
protéines, et en utilisant un virus comme cheval de Troie,
on pouvait reprogrammer une cellule. Ceci ouvre la voie à
des thérapies et certaines leucémies incurables sont
maintenant guéries en utilisant des techniques
semblables.
• D’autres voies sont possibles. Il faut trouver le bon coktail.
Des petits ARN, la vitamine C peuvent améliorer
l’efficacité du procédé.
• « And thus the wonderful truth became manifest that a
single cell may contain within its microscopic compass the
sum total of the heritage of the species. » EB Wislon
1900. « Ainsi, la merveilleuse vérité s’est manifestée: une
simple cellule pourrait contenir dans ses étendues
microscopiques, la somme totale de l’héritage des
espèces. »
Reflets dans l’eau Gilles Nadeau
12. La mémoire cellulaire, l’épigénétique
• Nous assistons donc à l’intérieur de la cellule à des
dialogues moléculaires beaucoup plus complexes que
ce qu’on attendait. (On attendait un monologue, un
réflexe.) Pendant le développement embryonnaire, la
cellule souche totipotente interprète le génome selon
les circonstances temporelles et selon son paysage,
c’est à dire son milieu. C’est la cellule qui choisit la
recette, pas ses gènes. On pourrait donc considérer que
la matière noire du génome (ADN poubelle) constitue
une mémoire, un livre de recettes ou un répertoire de
l’évolution passée. Il y a des boucles de rétroaction
partout.
• Cette hypothèse rappelle une vieille tradition oubliée
en biologie: la mémoire organique. Au début du XXe
siècle, Richard Semon s’est enlevé la vie quand sa
théorie de la « mémoire organique » fut ruinée par le
triomphe apparent de la théorie génétique d’August
Weissman. Richard Semon avait inventé les concepts de
« mnèmes » et d’ engrammes biologiques.
• Des expériences récentes d’utilisation de l’ADN pour
stocker de l’information ont bien démontré la
gigantesque capacité de stockage de l’information de la
double hélice. OEuf décoratif Gilles Nadeau
13. Lynn Margulis, les symbioses
• Lynn Margulis passera sûrement à la
postérité. Elle sera reconnue comme un
personnage marquant de l’histoire de la
biologie. Elle a défendu contre vents et
marées une autre approche en biologie.
Critique sévère du néodarwinisme, et
pourtant généticienne, elle s’est fait
beaucoup d’ennemis. C’est en allant
fouiller dans de vieux papiers qu’elle a
ressuscité des théories
discréditées(Merezhkovsky).
• Son parcours démontre qu’un chercheur
isolé, armé d’une approche
philosophique différente et ouverte à
autre chose que la nouveauté, peut
arriver à des résultats extraordinaires. Il
lui a fallu faire preuve de beaucoup
d’audace et de ténacité pour faire
admettre son point de vue qui est
aujourd’hui accepté et enseigné.
Coquille de pierre Gilles Nadeau
14. Symbioses, endosymbioses
• On peut certes penser qu’elle est allée trop
loin, mais on ne peut nier que la symbiose des
chloroplastes chez les végétaux et celle des
mitochondries chez les animaux et les
végétaux constituent des étapes
fondamentales dans l’évolution des
espèces. On découvre de plus en plus
d’animaux utilisant les chloroplastes
(bactéries bioluminescentes).
• Considérant la théorie « Gaïa » qu’elle a
développée avec James Lovelock, on peut
aussi considérer qu’elle est allée trop loin.
Mais il n’empêche qu’il est vrai que
l’atmosphère et la température terrestres ont
été modifiées par l’activité du vivant. On
regarde à l’envers quand on dit que la vie ne
fait que réagir à l’environnement. C’est la vie
elle-même qui l’a d’abord changé. Il s’agit
donc d’un dialogue et non d’un monologue.
Encore ici, il y a une boucle de rétroaction.
Loupe Gilles Nadeau
15. Symbioses dans la symbiose
Au cours des dernières années, on a vu exploser le
nombre de découvertes révélant l’importance des
symbioses dans le monde vivant.
• Tous les eucaryotes connus ont ou ont eu des
mitochondries. Des gènes sont transférés de la
mitochondrie au noyau. La mitochondrie perd de son
autonomie, mais reçoit des protéines en retour.
• Un eucaryote incorpore un autre eucaryote. Beaucoup
d’endosymbioses secondaires, pertes d’endosymbioses
secondaires puis endosymbiose tertiaire. Réacquisition
secondaire etc. Endosymbioses avec bactéries,
eucaryotes unicellulaires, champignons ou protistes.
Symbiose des légumineuses avec des rhizobiums qui
permettent la fixation de l’azote, essentiel à leur
métabolisme.
• Autour des volcans sous-marins, une incroyable
diversité d’êtres utilisent la chimiosynthèse. C’est une
autre biochimie. Des moules, des clams et des vers qui
autorisent des infections bactériennes seulement dans
certaines sections de leur corps.
On observe une réduction de la taille du génome du
symbiote (bactérie). L’évolution va souvent du
complexe vers le simple. Two spheres for Keith Gilles Nadeau
16. Avalanche de symbioses
Fourmis, pucerons, mouches tsé-tsé
intègrent différents types de
bactéries qui viennent combler leurs
carences en acides aminés et en
vitamines.
• Quand l’insecte change de régime
alimentaire, une nouvelle carence
amène une nouvelle symbiose. Il y a
reconnaissance mutuelle des
partenaires et ces symbioses sont
intimement liées à l’immunité.
Remarquez que des symbiontes et
des symbiotes différents produisent
des protéines différentes en
utilisant les mêmes voies de
signalisation. François Lallier (conférence Académie
des sciences; symbioses et évolution des eucaryotes)17 sept.
2013
Tête de tyrannausore Gilles Nadeau
17. Immunité, microbiote, supersymbiose
• Les découvertes récentes concernant le microbiote, le
système immunitaire et les interactions génétiques et
épigénétiques entre les flores bactériennes et la physiologie
ont encore compliqué notre compréhension de la biologie.
• Le système immunitaire inné peut reconnaître une centaine
d’ennemis. Il existe déjà chez les organismes les plus
simples. Comme pour le code génétique, son origine est
totalement mystérieuse. Jusqu’à récemment, on ne
connaissait même pas son existence. Il est indispensable au
démarrage du système immunitaire acquis.
• Le système immunitaire induit ou acquis peut reconnaître
des millions, peut-être des milliards de structures
microbiennes. Ses possibilités d’adaptation semblent
infinies. La muqueuse intestinale dépliée aurait la taille d’un
terrain de tennis. Quelle interface! Quel terrain de jeu pour
des milliards de bactéries et de virus. La capacité de
discriminer entre un commensal et un pathogène afin de
respecter le microbiote et de détruire les pathogènes peut
être vue comme un moteur essentiel de l’évolution du
système immunitaire.
• Dans une perspective co-évolutionniste, le microbiote et les
pathogènes ont forgé le système immunitaire et en retour
le système immunitaire sculpte le microbiote et élimine les
pathogènes. loupes Gilles Nadeau
18. L’épithélium, un terrain fertile
• Les souris axéniques (sans flore bactérienne)
semblent incapables d’extraire efficacement les
calories des aliments. Elles sont aussi très agitées. La
flore intestinale pourrait donc influencer l’humeur et
le comportement.
• L’accouchement naturel et l’allaitement sont très
importants. Pendant la première année de vie
certaines bactéries vont former une niche et
entraîner l’expression d’enzymes qui vont à leur tour
créer un environnement favorable à d’autres
microbes. Le microbiome doit être construit.
• Les greffes ou transplatations fécales sont
maintenant reconnues comme des thérapies
efficaces et permettent de court-circuiter toute la
génétique impliquée dans les maladies du système
digestif.
Il faut adopter une vision plus large que celle de
Koch et de Pasteur. La réalité biologique relève
plutôt d’une écologie interne et d’équilibres entre
des populations de microbes. Il faudrait remplacer la
notion de pathogène par celle de dysbiose
(déséquilibre dans le microbiote, pas
nécessairement pathogène).
Petit bonhomme vert Gilles Nadeau
19. Les mychorhizes ou l’évolution par
coopération
C’est une symbiose entre un
champignon et une algue bleue
qui créa les lichens, flore
inaugurale des milieux
terrestres.
• « La presque totalité des
plantes vertes terrestres
prospèrent grâce à la symbiose
mycorhizienne. Une vieille et
heureuse relation avec les
champignons datant de plus de
400 millions d’années. Un
véritable moteur d’évolution. »
André Fortin (Découvrir Le magazine de l’ACFAS mars 2014) Roches magnétiques Gilles Nadeau
20. Biosémiotique
• Nous venons de voir que les symbioses
ont joué un rôle majeur dans l’évolution.
À la base de la photosynthèse chez les
végétaux et de la respiration chez les
animaux, c’est aussi une symbiose qui a
permis la sortie de l’eau des êtres vivants
et la création du placenta pour les
mammifères. Pourquoi la théorie de
l’endosymbiose a-t-elle été si longtemps
rejetée? Elle contredit l’évolution
graduelle et court-circuite l’hérédité
verticale car elle est source de transferts
horizontaux de gènes.
Ces transferts sont beaucoup plus
courants qu’on ne le croyait. « Les
associations symbiotiques sont la règle
plutôt que l’exception. Tout
développement est un co-développement.
Tout organisme est
mixte, hétérogène, non pur. C’est l’unité
dans la pluralité. » Thomas Pradeu,
(development, information and causation)
6 déc 2013 Collège de France.
La sympathie biologique existe-t-elle?
Bois sculpté Gilles Nadeau
21. La logique du vivant: un langage?
• Depuis plus de cent ans, la biologie s’est inspirée de la science
physique en aspirant au même statut qu’elle. De nombreux
penseurs proposent que la complexité du système génétique
serait bien mieux comprise comme un langage naturel. En
effet, les gènes rappellent les mots, la séquence évoque la
phrase, et le code, la syntaxe et/ou la grammaire. Dans le
langage, toute règle a ses exceptions. La langue est vivante.
C’est une construction historique, contingente, plastique et
créative. Un bricolage. Comme il a fallu créer de nouvelles
protéines pour faire face à l’imprévu, il faut de nouveaux mots
pour enrichir la pensée, et ce processus ne semble pas avoir de
limites. Le sens même des mots change avec les siècles. Mais
encore selon leur position dans la phrase et un petit accent
peut signifier beaucoup. Le langage possède ce caractère fluide
et plastique qui singularise le vivant. Le langage naturel
dépasse largement le langage mathématique en matière de
souplesse.
• Le mot « sens » a trois sens. Perception, orientation,
signification. Une bactérie perçoit et s’oriente pour survivre et
se reproduire. Même dans son petit monde, son « umwelt » et
sans être consciente de la signification de ces concepts, elle les
vit, les incarne.
• Il existe une branche négligée de l’éthologie qu’on appelle la
biosémiotique.
• La perception est signification, avant même les mots et les
concepts.
Plantes tropicales Gilles Nadeau
22. Charles Peirce, Jacob von Uexküel
• Inspirée de Charles Peirce et de sa triade sémiotique
(le signe, l’objet, l’interprète), la biosémiotique s’est
développée dans l’approche de Jacob von Uexküel. À
l’opposé du behaviorisme de Watson et de
Skinner,(réflexes) Von Uexküel propose une
éthologie où chaque organisme interprète le monde
selon ses besoins, le forgeant lui-même de plusieurs
manières. Même si Von Uexküel a inspiré des
penseurs comme Heidegger, Gilles Deleuze,
Merleau-Ponty, Georges Canguilhem et de nombreux
autres, son école de pensée est demeurée
minoritaire. Jusqu’à récemment, c’est la
sociobiologie qui dominait en éthologie. Richard
Dawkins est éthologiste.
• Joseph Hoffmeyer écrit : « Les cellules, comme les
organismes, sont des entités historiques portant
dans leur cytosquelette et dans leur ADN des traces
de leur passé remontant à plus de trois milliards
d'années. Elles mesurent perpétuellement les
situations actuelles par rapport à ce fond ancestral,
et font des choix basés sur de telles interprétations.
Ainsi, on pourrait dire que le signe, plutôt que la
molécule, est l'unité de base pour étudier la vie »
(Hoffmeyer, 1996).
Yin-Yang Gilles Nadeau
23. L’écologie
• À l’heure où l’humanité doit
faire face à des défis
écologiques planétaires,
comment pourrait-elle y
arriver armée d’une théorie
qui semble maintenant
presque « fixiste » et d’une
philosophie qui déclare sans
ambages que la conscience
et la liberté sont des illusions
? (Daniel Dennett) Nous voici
à la croisée des chemins.
Après plus d’un siècle de
génétique mendélienne, on
n’a toujours pas trouvé la vie,
ce qui amena plusieurs
scientifiques à déclarer
qu’elle n’existe pas!
Pleine lune Gilles Nadeau
24. Bergson
« Quant à l’idée que le corps humain pourrait être soumis par quelque calculateur surhumain au même
traitement mathématique que notre système solaire, elle est sortie peu à peu d’une certaine
métaphysique qui a pris une forme plus précise depuis les découvertes physiques de Galilée […]. Sa clarté
apparente, notre impatient désir de la trouver vraie, l’empressement avec lequel tant d’excellents esprits
l’acceptent sans preuve, toutes les séductions enfin qu’elle exerce sur notre pensée devraient nous mettre
en garde contre elle. » (Henri Bergson, L’évolution créatrice, p. 20)
Chaotic phoenix Gilles Nadeau
25. La mémoire
• « Mais la mise en garde de Bergson
n’a pas été prise au sérieux par les
biologistes, trop préoccupés qu’ils
étaient à faire rentrer le vivant dans
le cadre scientifique de la physique
de l’époque. En dehors du cercle des
philosophes, les thèses de Bergson
furent déformées, voire même
ridiculisées. L’élan vital dont il parle
fut confondu avec un vitalisme
primaire. Le malentendu est fort
salutaire, parce qu’il permet d’un
seul coup de discréditer tous les
arguments présentés. Bergson se
montrait pourtant d’une prudence
qui fait défaut à ses protagonistes.
• Sans doute, se défend-il, le “principe
vital” n’explique pas grand-chose : du
moins a-t-il l’avantage d’être une
espèce d’écriteau posé sur notre
ignorance et qui pourra nous la
rappeler à l’occasion, tandis que le
mécanisme nous invite à l’oublier. »
(E.C., p. 42)
• Gérard Nissim Amzallag
Vincent Gilles Nadeau
26. Le temps vécu
« Partout où quelque chose vit, il y a, ouvert
quelque part, un registre où le temps
s’inscrit.» E.C, p. 16.