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NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I
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LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E
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Diagnoses étrangères traduites et interprétées par : Christophe Avon (France)
Directeur du L.E.F.H.E., Membre de la Société Entomologique de France.
Toute reproduction d’un extrait quelconque de cette monographie, par quelque procédé
que ce soit et notamment par photocopie, microfilm, ou scanner est strictement interdite
pour tous les pays sans autoristation écrite des Editions du L.E.F.H.E.
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Ecrits et dessins1
: Christophe Avon (Directeur)
Attachée de direction : Pascale Courtial
1
Dessins d’après spécimens ou diagnoses originales.
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En hommage au Professeur René JEANNEL (1879-1965).
Le Professeur René JEANNEL (1879-1965)
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EVOLUTION ET ETUDE DES TRECHINAE
L'évolution des êtres vivants est définie comme l'ensemble des
processus par lesquels les organismes se transforment, dans leur
structure et leur comportement, au fil des générations, d'ancêtres à
descendants. Elle constitue actuellement une notion centrale des
sciences biologiques. Largement acceptée dans son principe en Europe,
elle reste toujours fortement combattue, pour des raisons religieuses
notamment, en Amérique du Nord, en dépit des nombreuses données
qui la soutiennent. Outre les preuves obtenues par les expériences de
sélection artificielle menées par les biologistes, bon nombre de ces
données découlent des travaux paléontologiques et géologiques.
Rappelons d'abord que Buffon (d'après l'épaisseur des sédiments et le
principe de l'actualisme), Lamarck puis Lyell, ont établi le grand âge de
la Terre, condition préalable pour concevoir les processus évolutifs,
supposés lents à l'échelle humaine. Ces mêmes chercheurs se sont
également intéressés à l’entomologie, qui elle, cherche, étudie et décrit
les insectes. Nous expliquerons d'abord comment les données qu'elle
fournit contribuent, avec l’étude des coléoptères hypogés et endogés, à
l'émergence de l'idée d'évolution de ces êtres, après quoi, nous verrons
comment cette discipline peut indiquer des modalités d'évolution, et
proposer de nouveaux mécanismes concernant ces processus. Nous en
déduirons ensuite « l’échelle des caractères pour servir aux
classements » qui sera utilisée dans l’ensemble de cette monographie.
Etude des Trechinae et histoire du vivant.
L’étude des Trechinae permet avant tout d'établir que des insectes
différents ont existé au cours des temps géologiques, donc de décrire
une histoire. Cuvier avait constaté que les faunes fossiles différaient des
faunes actuelles, mais attribuait cela à des extinctions et créations
successives d'espèces, qui restaient ensuite immuables jusqu'à
l'extinction suivante. De même, il avait montré l'existence de grands
plans d'organisation chez les Vertébrés, Mollusques, Articulés,
Zoophytes, qu'il supposait issus de créations séparées. Cependant,
l'ordre d'apparition maintenant établi pour les différentes formes
vivantes prouve que les formes les plus complexes sont aussi les plus
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récentes. Ce constat invalide l'idée d'une création divine initiale des
organismes. Lamarck, lui, avait déjà noté que les faunes de mollusques
fossiles différaient d'autant plus des faunes actuelles qu'elles étaient
anciennes et en avait tiré l'idée de modifications au cours du temps à
partir d'un état primitif simple apparu par génération spontanée. De
telles créatures simples apparaîtraient continûment pour s'engager alors
dans un processus de complexification progressive (la « montée dans
l'échelle des êtres »). Or, on constate que l'état unicellulaire est resté la
seule forme vivante pendant plusieurs milliards d'années, alors que les
épisodes de grandes extinctions ont été suivi quasi aussitôt d'un
renouvellement des faunes et des flores sans retour pour autant à un état
de complexité inférieur, ce qui rend improbable l'hypothèse de créations
successives des organismes par génération spontanée. Néanmoins,
l'idée d'évolution apparaît déjà avec Lamarck, même si le mécanisme
qu'il imagine, l'hérédité des caractères acquis, a été démenti par la
découverte de la génétique mendélienne. Reste l'idée du lien
généalogique des êtres vivants (au moins à l'intérieur des grands
« types »). C’est ici que l’étude des « faunes cavernicoles » va apporter
des arguments avec l’œuvre du Professeur René Jeannel. Oscillant entre
lamarckisme et darwinisme, Jeannel montrera pourtant, grâce à ses
nombreux travaux systématiques sur les coléoptères « spécialisés » et
leurs synthèses dans la première monographie des Trechinae (1928),
des filiations étonnantes pour l’époque, mais qui ne sont pas toutes
justifiées et vérifiées aujourd’hui.
Etude des Trechinae et notion d'homologie.
L’étude des Trechinae montre, un peu comme en Paléontologie, que les
organismes anciens, comme les actuels, présentent entre eux des
structures ressemblantes, plus ou moins marquées, dites homologues,
qui :
I. Permettent, la plupart du temps, de les classer selon l'organisation
hiérarchique définie par Linné.
II. Ne sont pas forcément explicables par des nécessités fonctionnelles.
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III. Peuvent être altérées et moins visibles chez certaines formes,
souvent spécialisées (formes aphaenopsiennes et phasmoïdes1
), mais
que l'anatomie comparée permet de retrouver, en particulier par le
principe des connexions d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire : « sont
homologues des organes ou structures qui, sur deux organismes
différents, présentent les mêmes connexions avec les organes ou
structures qui les entourent ».
L'existence de ces homologies, s'explique facilement en admettant un
ancêtre commun pour les formes qui partagent une même homologie,
ancêtre d'autant plus ancien que le nombre d'organismes possédant la
même homologie est grand. L'homologie prend alors sa définition
darwinienne de structure identique partagée par deux organismes en
raison de l'existence d'un ancêtre commun entre eux.
Le fait que les organes homologues ne soient pas pour autant
strictement identiques (entre autre les pièces copulatrices), implique une
histoire propre pour chaque organisme descendant, depuis l'état de
l'ancêtre commun, et amène donc la notion de « descendance avec
modification », concept de base de la théorie de l'évolution. Dernier
apport à la construction de cet édifice théorique : la découverte
d'organismes qui sont probablement très proches, de ces « ancêtres
communs » hypothétiques.
Trechinae, passage des crises, notion et exemple d'exaptation.
Les études poussées des épisodes de crises géologiques et biologiques
permettent de montrer qu'au sein d'un groupe touché par l'extinction, on
peut trouver une ou plusieurs espèces qui surmontent la crise, et qui
peuvent être considérées, de par leur morphologie, comme les ancêtres
1
l’habitude est d’utiliser le terme « aphoenopsiennes » pour indiquer la forme de certains
Trechinae dits adaptés à l’exterme au milieu cavernicole. Mais depuis peu, après la
découverte du Giraffapherenops par Deuve, et étant donné un degré apparamment
supérieur d’adaptation au milieu cavernicole, il nous semble bon d’utiliser un autre terme,
en l’occurence celui de « phasmoïde », à notre sens assez imagé pour décrire des
organismes encore plus grêles et plus allongés que les Aphaenops.
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des formes ultérieures, ou de proches parents de ces ancêtres. C'est
particulièrement vrai pour les Trechinae.
D'après ces données, aucune création de novo n'est à invoquer après le
passage d'une crise. Il en va de même avec les « taxons Lazare », des
organismes qui paraissent disparaître à la crise, mais que l'on retrouve
ensuite au delà, signe qu'ils ont survécu. Ces taxons ont été sans doute
conservés dans des milieux refuges ou encore à l’état d’œufs comme
chez les Crustacés de l'ancienne sous-classe des Branchiopodes
Phyllopodes. Le genre Triops fait partie de l'ordre des Notostracés, ces
œufs peuvent se conserver plus de 200 ans.
D'autre part, la découverte de nouveaux fossiles d’animaux montre
parfois qu'un caractère que l'on supposait propre à un groupe
d'organismes (caractère diagnostic), et qui paraissait constituer pour lui
une « adaptation clé » (c'est à dire qui aurait assuré son succès dans la
compétition écologique par occupation d'une niche nouvelle) se
rencontre chez des organismes plus anciens, que d'autres caractères
excluent du groupe précédent (cas de l’existence des pièces copulatrices
dans d’autres familles). Ceci apporte une illustration supplémentaire à
l'existence de liens de parenté entre des organismes qui, dans la nature
actuelle, paraissent très différents, donc à l'Evolution. Il permet de
concevoir plus facilement comment l'Evolution peut rendre compte de
l'existence d'organes très complexes. Le cas d'école étant l'œil des
Vertébrés ou des Céphalopodes, on conçoit mieux l'existence d'états
plus simples pour ces organes si ceux-ci n'avaient pas forcément pour
fonction de voir. Il constitue un premier exemple de mécanisme évolutif
proposé par l’étude des Trechinae : une structure remplissant une
fonction (= adaptée) chez certains organismes, est utilisée dans une
fonction différente ou non utilisée par leurs descendants. Ce phénomène
de changement de fonction au cours de l'Evolution est appelé
exaptation. A notre sens, le cas des pièces copulatrices, celui de
certaines soies ainsi que la physogastrie, en sont des exemples flagrants.
Ce que l'étude des Trechinae montre de l’évolution.
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Il faut d'abord souligner que l'atout principal dans l’étude des Trechinae
est d'examiner l'Evolution dans son déroulement sur des durées
géologiques, dans des isolats et diverses niches écologiques
particulières, qui n'ont rien à voir avec les durées des expériences
biologiques de spéciation et de sélection artificielle menées en
laboratoire.
Outre l'exaptation mentionnée plus haut, nous présenterons dans les
paragraphes suivants, plusieurs modalités évolutives mises à jour
initialement par les Taxonomistes qui demandent désormais à être
confrontés aux données ou aux propositions d'explications d'autres
disciplines, comme l'Ecologie et la Biologie du développement, la
Cladistique, la Génétique etc. qui n’ont presque jamais été traitées chez
ces organismes, ainsi que les études géonémiques globales que nous
entreprenons au laboratoire L. E. F. H. E.
La spéciation et ses rythmes : les radiations adaptatives.
Contrairement à la paléontologie, l’entomologie spécialisée dans
l’étude des insectes hypogés et endogés peut expliquer les spéciations
dans leurs mécanismes, justement parce que sa résolution temporelle est
moins faible. Pourtant, l'abondance de certains groupes d’organismes
fossiles dans les sédiments et au cours du temps montre d'importantes
variations de diversité, avec des périodes d'extinctions de grande
ampleur, attribuables grâce à d'autres données, à des événements de
modifications rapides du milieu, qui impliquent des épisodes de
spéciation intensive sur des durées brèves. Pour illustrer ce point, on
peut prendre la radiation des Mammifères, après la crise
Crétacé/Tertiaire. Ce phénomène, nommé radiation adaptative, est
interprété comme suit : l'apparition de niches écologiques vacantes
permet à un groupe de s'y installer et de se spécialiser dans chacune
d'entre elles. Cette spécialisation s'effectue par des modifications
morphologiques importantes qui apparaissent rapidement.
La paléontologie propose deux explications à l'invasion de niches
écologiques nouvelles : soit la libération de ces niches par leurs
occupants précédents, touchés par une extinction, soit l'acquisition, par
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l'ancêtre du groupe considéré, d'une adaptation clé, qui lui ouvre la
capacité d’occuper des niches nouvelles et libres. Comme elle, l’étude
des faunes cavernicoles (souvent encore appelées à tort « fossiles
vivants » puisque certainement agées de moins de 6 Ma) prouve que
l'évolution s'effectue à des vitesses variables en fonction de l'état du
milieu. Elle est aussi à même de montrer les modifications du milieu
qui ont eu lieu dans le passé et de proposer des corrélations entre ces
changements et ceux des organismes. Elle documente également
l'évolution « de fond », c'est à dire la divergence des organismes au
cours du temps en dehors des épisodes de grand bouleversement de la
biosphère.
Les deux modes d'évolution : anagenèse et équilibres ponctués.
Le mécanisme d'anagenèse, le premier conceptualisé et documenté,
consiste simplement en une modification graduelle d'une espèce, sur
toute son aire de répartition. En conséquence, la notion d'espèce est
malaisée à appliquer ici, puisque le passage d'une forme extrême à
l'autre s'effectue par une série continue de transitions allopatriques
(espèces naissantes ou sénescentes). Second mécanisme, d'illustration
bien plus récente (Eldredge et Gould, 1977) est celui des équilibres
ponctués. Ce mode d'évolution suppose que les phénomènes de
spéciation s'effectuent quasi instantanément à l'échelle géologique et
sont suivis d'une stase, autrement dit d’une durée importante pendant
laquelle l'espèce ne présente pas de modifications (en tout cas
concernant les aspects extérieurs, les seuls visibles sur les « vrais
fossiles »).
L'existence de cette modalité évolutive est bien établie. Les critiques de
cette théorie portent essentiellement sur le mécanisme explicatif
proposé par ses inventeurs, à savoir la spéciation allopatrique d'une
petite population séparée de la population initiale, qui, après avoir
acquis un avantage évolutif, va remplacer la population ancestrale. Les
données paléontologiques plus récentes, et les travaux d'écologie sur les
espèces actuelles, montrent que les petites populations évoluant en
isolats se révèlent moins compétitives face aux populations de plus
grande taille (populations homogénéisantes, Avon 1997).
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Ici, la paléontologie ne fait que montrer la modalité évolutive et
proposer des explications. Elle ne peut prouver tous les mécanismes
présentés. L’évolution a donc impérativement besoin des études de
notre discipline.
Ainsi, l'étude des Trechinae est par essence une science entomologique
descriptive, dont on a cependant illustré ici la puissance et la nécessité
pour argumenter la théorie de l’Evolution, dans son principe d'abord,
dans ses modes d'action ensuite. Elle ne peut qu'apporter du grain à
moudre aux biologistes de l’Evolution et des arguments pour ou contre
les hypothèses qu'ils proposent, en particulier en leur fournissant la
dimension temporelle que l’étude d’autres organismes vivant
actuellement ne donnent pas. Elle pourra calibrer par exemple les
hypothèses de divergence entre groupes d'organismes obtenues par les
généticiens à partir de l'établissement « d'horloges moléculaires ». En
fait, elle fournit une estimation de date pour une séparation donnée
entre deux lignées, date à partir de laquelle le généticien établit une
horloge moléculaire, qu'il va chercher à utiliser pour d'autres paires de
groupes d'êtres vivants, dont la divergence est moins bien documentée.
De plus, elle illustre la diversité de la vie présente et passée de ces
organismes, qui se révèle parfois bien plus complexe que ce qui était
auparavant perçu, ainsi que le chemin tortueux suivi par « le Code de la
Nature » pour fournir l'état que nous observons aujourd’hui.
Etablir des relations de parenté à partir de données
morphologiques.
« Rien n'a de sens en biologie si ce n'est à la lumière de l'évolution.».
Cet adage célèbre de Théodosius Dobzhansky prend encore plus de
valeur quand on se rend compte à quel point la notion d'évolution a été
difficile à faire émerger. En effet, au XVIIIème
siècle, de nombreuses
idées fausses, comme le créationnisme, l'échelle des êtres, les
métamorphoses et la génération spontanée, empêchaient la constitution
d'une biologie cohérente.
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Pas à pas, principalement par la réfutation de ces dernières théories, un
environnement propice à l'apparition du transformisme s'est constitué.
Avec Charles Darwin, au milieu du XIXème
siècle, un cadre théorique
cohérent se met en place à partir des deux concepts clés que sont la
descendance avec modification et la sélection naturelle. Mais il faudra
attendre presque un demi-siècle pour que la génétique puisse asseoir
une théorie que l'on baptisera « Théorie Synthétique » à l'aube de la
seconde guerre mondiale.
Ce nouveau cadre conceptuel va connaître diverses révolutions qui vont
susciter de vastes discussions, parfois houleuses. Avec la Cladistique, la
classification se trouve bouleversée ; le gradualisme est remis en cause
par le concept des équilibres ponctués que nous avons vu plus haut et le
renouveau du catastrophisme en paléontologie ; l'accès au génome
permet de mieux comprendre ce qu'est la nouveauté génétique, en
particulier au niveau des gènes du développement ; on se rend compte
que la sélection ne joue pas sur tous les caractères. C'est donc une
notion de l'évolution, complexe mais cohérente, qui émerge à la fin du
XXème
siècle. Les implications philosophiques sont importantes. Mais
peut-être l'une des idées les plus fortes consiste-t-elle à comprendre que
l'originalité géologique de la planète Terre est continuellement sous la
dépendance du vivant, constituée par une foule d’êtres liés par des
relations de parenté.
Dans l’étude des données morphologiques, nous pouvons retrouver ces
liaisons et donc construire l'histoire évolutive (la phylogénie) d'un
groupe d'êtres vivants en rapprochant leurs homologies.
A notre connaissance, peu d’études génétiques sérieuses (une ou deux),
ont été réalisées sur les Trechinae. Elles restent pourtant les seules à
pouvoir définir précisément l’histoire évolutive et la phylogénie de ces
groupes d’insectes. Au laboratoire, nous nous dirigeons aujourd’hui
essentiellement vers de telles recherches qui demandent encore un
matériel lourd et coûteux. Malgré ceci, nous espérons, dans l’avenir,
vous présenter de « vrais » arbres phylogéniques justes et cohérents,
ainsi que de véritables ensembles phylétiques. Hormis l’utilisation de la
génétique pour définir les relations de parenté, deux approches restent
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toujours possibles mais relativement houleuses dans l’étude des
parentés :
La Phénétique : permet de reconstruire un arbre évolutif en utilisant les
ressemblances globales, les homologies et les convergences étant
traitées à partir d’un maximum de données et d’états de caractères.
La Cladistique : mise au point dans les années cinquante, étudie les
caractères qui permettent de comparer les différents êtres vivants
envisagés dans leur état primitif comme l’agrégation des fouets
ombiliqués ou évolué comme leur désagrégation. L’Agrégation et la
désagrégation constituant deux aspects du caractère « soies sensitives
ombiliquées » l'état évolué étant apprécié par son état historique. Nous
parlerons alors de notion de clade.
Un clade, ou groupe monophylétique, comprend donc un ensemble
d'êtres vivants et leur ancêtre commun ; tous ces organismes partagent
en exclusivité une même nouveauté évolutive (nouveau caractère ou
état évolué d'un caractère). Les clades peuvent alors être
indépendamment, des ensembles de genres, de sous-genres, de lignées
de groupes ou d’espèces. Les sous-espèces étant dans la plupart des cas
traitées par les études de morphologie comparative.
La méthode cladistique est ainsi basée sur une notion d'homologie. On
pourra donc établir des relations de parenté, mais seulement sur la base
du partage des états évolués des caractères.
Lorsqu'une nouveauté évolutive apparaît chez un organisme, elle est
transmise à tous ses descendants. On peut donc tenir le raisonnement
suivant : lorsque plusieurs êtres vivants partagent une même nouveauté
évolutive (homologie), ils l'ont héritée d'un même ancêtre, qui leur est
propre (ancêtre commun), chez qui cette nouveauté est apparue.
Pour appliquer correctement la méthode cladistique chez les Trechinae,
il faut donc identifier les différents états d'un caractère, et distinguer
l'état primitif de son état évolué.
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Nous n’avons pas voulu utiliser la cladistique et la phénétique en vu de
construire des arbres phylogéniques dans cette monographie.
Effectivement, les résultats de certains auteurs qui s’y sont risqués,
donnent des arbres totalement incohérents à partir de comparaisons de
caractères mal interprétés, souvent trop nombreux ou sans réelle valeur
taxonomique (poils divers et variés, chétotaxie de la tête utilisée pour
les genres et non les sous-genres, état de la mandibule droite etc.), en
particulier pour les Trechinae du Caucase et de la Crimée. Nous
préférons donc travailler sur la génétique qui nous donnera, nous
l’espérons, de meilleurs résultats dans le futur.
Note particulière sur les analogies.
Les analogies sont essentiellement dues à des phénomènes de
convergence de forme, liées aux adaptations au milieu physique et
biologique. Les organes analogues ne sont donc pas hérités d'un même
ancêtre commun. De ce fait, ils ne traduisent pas de relations de
parenté. L'analogie est mise en évidence par application du principe de
parcimonie : si la prise en compte d'un état d'un caractère amène à
construire un arbre moins parcimonieux que celui que l'on a obtenu en
prenant en compte l'ensemble des autres caractères, c'est que cet état ne
constitue pas une homologie mais qu'il s'agit bien d'une analogie due à
une convergence de formes (ex : aphaenopsiennes aux deux pôles de la
planète), ou à un phénomène de « régression » (anophtalmie,
aptérisme). Que ce soit dans les études de morphologie comparée ou en
génétique, il faudra donc utiliser seulement les caractères qui semblent
partagés et hérités d’un ancêtre commun. Les homoplasies, caractères
partagés par hasard que sont les caractères secondaires ainsi que les
régressions constitueraient un bruit qui perturberait la construction des
arbres. Malgré nos interrogations sur la justesse des groupements
obtenus en morphologie comparée, donc hormis d’éventuelles études
génétiques, nous nous sommes efforcés de rechercher, chez l’ensemble
des Trechinae, la valeur taxonomique qui nous semble la plus juste
concernant leurs caractères, afin de conserver une base bien connue et
classique d’étude, habituellement pratiquées chez ces groupes
d’espèces. Nous en retrouverons le détail dans le chapitre suivant. Nous
préciserons également que l’ensemble de nos écrits ne prendra pas tout
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de suite en compte les rapprochements en séries phylétiques. Un tome
spécifique est en cours de rédaction à cet effet et sera édité avec les
tomes contenant les études géonémiques.
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LA VALEUR TAXONOMIQUE DES CARACTERES
CHEZ LES TRECHINAE
Etude du caractère « anophtalmie ».
Si l’on adhère aux règles « Jeanneliennes » affirmant que le caractère
« anophtalme » est le strict résultat d’une adaptation au milieu
cavernicole, on se heurte à un problème : ce caractère ne paraît pas
indispensable à la survie de l’espèce. Nous savons que chez ces
insectes, tous les anophtalmes ont développé des organes qui
compensent le sens de la vue. Ainsi, certaines soies (Fig. 8), utilisées
communément dans les classements taxonomiques, peuvent compenser
plusieurs autres sens. Ici se trouve une véritable adaptation.
L'Adaptationnisme, a été beaucoup discuté mais le mot « adaptation »
peut être compris ou interprété différemment selon les auteurs et peut
être appliqué à divers niveaux non concordants. De ce fait, les
discussions lui étant inhérentes s'en trouvent quelquefois remises en
question. Ainsi et dans le cas qui nous intéresse, nous ne croyons pas
qu’un insecte soit bien adapté au milieu hypogé parce qu’il est aveugle
ou anophtalme (Fig. 1) mais simplement parce qu’il a développé des
organes compensatoires. Nous expliquerons dans un premier temps le
problème de l'anophtalmie engendrée dans les milieux strictement
dépourvus de lumière. Comme nous allons le montrer, ces phénomènes
de régression oculaire ne s'intègrent pas dans la sélection directe de ce
caractère ni dans une adaptation telle que nous l’interprétons
aujourd’hui. Tout commence par une question simple : pourquoi les
hypogés ont-ils « perdus » leurs yeux ?.
En posant cette question à notre entourage, qu'il soit scientifique ou
non, nous obtenons toujours la même réponse : ils ont perdu leurs yeux
parce qu'ils n'en avaient plus l'utilité en milieu obscur. Cette réponse de
tendance tautologique reste bien évidemment facile et n'explique pas
grand chose. Beaucoup de grands hommes ont pourtant discuté de ce
problème : « Les organes rudimentaires, dit Darwin, < ... > étant
inutiles, et non réglés par la sélection naturelle, < ... > se trouvent par ce
fait plus sujet aux effets de retour » < ... > « Le défaut d'usage réduit
certaines parties du corps. » (Variations, 1, 237). Geoffroy St Hilaire
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explique qu’ « Un organe est plutôt altéré, atrophié, anéanti que
transposé » (Philosophie anatomique).
Bien que certains discours évolutionnistes soient construits sur des
bases Lamarckiennes permettant pour l'instant de combler quelques
lacunes du Darwinisme (surtout en entomologie), il semble que ceux de
Jeannel, pour expliquer l'évolution des insectes vers l'anophtalmie
soient des moins probables. Il est d'autant plus surprenant qu'il n'ait pas
tenu compte des nombreux articles de l'Héritier et Teissier (Cf.
Bibliographie) publiés entre 1933 et 1937 dans les Comptes-rendus de
l'Académie des Sciences où il écrivait aussi à cette époque. Un bon
nombre de ces notes traite de la sélection des Drosophiles anophtalmes
dans des études génétiques de populations. Nous montrerons ici
quelques extraits de l’œuvre de Jeannel où il s'implique largement dans
le Lamarckisme.
Pour lui, la disparition des yeux n'est que le résultat du non-usage.
« Dans le milieu souterrain, dit-il, sous l'effet de non-usage et du
ralentissement du métabolisme < ... > la rudimentation du moignon
d'aile s'est poursuivie très lentement... » (Les Fossiles vivants des
cavernes, 1943). « Lorsque les espèces ont pénétré sous terre, poussées
par les vicissitudes climatiques, alors par suite du non-usage, l'atrophie
a porté d'une façon déréglée sur tout ce qui restait de l’œil amoindri
dans les biotopes forestiers. < ... > C'est là, assurément un effet du
principe Lamarckien de l'usage et du non-usage. L’œil qui ne
fonctionne plus a disparu, celui qui fonctionne s'est développé. < ... >.
L'usage des ommatidies antérieures, dans l'éclairement réduit des
biotopes, entretient leur intégrité, alors que le non-usage des
ommatidies postérieures précipite leur atrophie. < ... > Leurs yeux ont
été maintenus et développés par l'usage. < ... > Tant que les espèces
subissant une évolution souterraine ont vécu dans les biotopes éclairés,
l'atrophie des yeux a été dirigée par l'usage et le non-usage ».
(Anophtalmie et cécité chez les coléoptères souterrains, Notes Biosp.
1954).
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Figure 1 : Différents stades d’oblitération de l’œil chez le genre Duvalius Delarouzée,
avec leurs coupes de profil.
De ces auteurs, seul Darwin emploie le terme de « non-réglés par la
sélection naturelle ». De ces mots, il paraît déborder dans le
Lamarckisme. La sélection naturelle n'agirait pas dans le cas où les
organes sont inutiles. Mais l'esprit général de son œuvre nous laisse
croire qu'il parle seulement ici d’espèces délaissées, des moins
optimums, des non sélectionnées. Elles s'intègrent finalement dans la
sélection naturelle car cette dernière conserve l'optimum mais en même
temps délaisse aussi les « inaptes ». Ainsi, quand Darwin écrit « le
défaut d'usage réduit certaines parties du corps », il ne semble pas, qu'à
l'instar de Jeannel, il se rapproche du Lamarckisme. Il avait constaté
que si les organes « inutiles », ou plutôt non optimums n'étaient pas
sélectionnés, ils disparaîtraient, mais ses observations se sont toutes
déroulées dans des milieux où les valeurs sélectives sont hautes, ce qui
est moins probable concernant l'anophtalmie dans les milieux
strictement obscurs. Effectivement, au fur et à mesure du processus
d'inféodation au milieu souterrain, un certain nombre d’évènements
inhabituels vont intervenir dans l’adaptation des espèces à leur nouvelle
vie.
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Dan un premier temps, nous considèrerons les mutations exercées sur le
sens de la vue lors du passage en milieu endogé / hypogé. Dans un
deuxième temps nous envisagerons leur mode de sélection.
Causes probables de mutations.
Nous connaissons aujourd’hui quatre causes qui pourraient engendrer la
disparition des yeux. Elles sont différenciées essentiellement par la
manière d'obtenir un bouleversement dans le génome. Tantôt en raison
d'une mutation des gènes responsables de la constitution hiérarchique
de l’œil et tantôt en raison d'une duplication d'une partie d'un
chromosome supportant ce ou ces mêmes gènes, probablement
agencées par les conditions mutagènes du milieu (baisse de
l'hygrométrie, hausse brutale des températures, périodes glaciaires ou
interglaciaires etc.). Ces causes, où les résultats sont presque identiques,
donnent l'anophtalmie totale ou partielle chez la Drosophile et
quelquefois même des co-modifications avec le développement des
soies et l’atrophie des ailes (2ème
cause).
1ère
Cause : Nous avions déjà cité, Avon (1997), les travaux de W.J.
Gehring de l'Université de Bâle en Suisse, concernant le gène
responsable de la hiérarchie de l’œil. Ils indiquent que sa genèse, chez
tous les animaux, est contrôlée par un gène maître. Ce gène fait partie
d'une catégorie spéciale, son produit contrôle la transcription, la lecture
d'autres gènes. C'est un gène régulateur. Il est situé au sommet d'un
édifice génétique d'où il maîtrise un ensemble de gènes cibles d’un
niveau inférieur dans la hiérarchie, Gehring (1995). Chez la Drosophile,
la mutation du gène « ey » provoque l'absence des yeux ou la formation
des yeux plus petits. Ce gène contrôle toute la chaîne d'événements
nécessaire au développement de l’œil chez elle mais également chez la
souris, gène Pax6. Les yeux réduits d'une mouche « Eyeless »
ressemblent de ce fait à s'y méprendre aux yeux atrophiés des insectes
cavernicoles : (Fig. 2) : œil bridé, cicatrice, auréole, résidus de cellules
sensibles de l’œil normal etc. Nous mettrons également en évidence ici
un fait remarquable : grâce à la forme bridée de leurs yeux résiduels, le
redressement de la tête qui s'est produit dans la genèse des coléoptères
carabiques, est montré. Dans la figure 2-3, la mouche a l’œil bridé
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horizontalement, l'orifice buccal est vertical (orthognathe). Dans la
figure 2-4, le Duvalius a l’œil bridé verticalement l'orifice buccal est
devenu horizontal (prognathe) (voir l’axe sur la figure 2-3).
2ème
Cause : Elle paraît être la plus intéressante. Ce sont les
duplications « Bar » (gène BH2) chez la Drosophile (Fig. 3-2). Au
départ, elles furent considérées comme des mutations ponctuelles. Elles
s'avèrent bien être aujourd'hui des duplications de faible amplitude et
viables qui peuvent jouer un rôle certain dans l'évolution et du même
coup dans l'adaptation. Ces duplications se manifestent sur le
phénotype, par une forte diminution des facettes des yeux tels qu'ils
apparaissent chez la mouche « Eyeless » comme chez les insectes
cavernicoles aux yeux déprimés. De ce fait, la partie du chromosome
intéressé (X-16 A1 chez la Drosophile) agit sur l'ensemble hiérarchique
du gène et induit les mêmes modifications que « Eyeless » (gène ey)
précédemment cité. Un fait intéressant se remarque également sur 3 des
6 allèles de BH2 : la manifestation sur le phénotype de la Drosophile
n’est pas seulement exprimée sur les yeux (allèles B-H2 ScerUAS.CSA
)
mais également sur les ailes (allèle B-H2hs.PH
) ainsi que sur les sensilles
trichoïdes.
3ème
Cause : C'est la mutation génique fortuite. En réalité, les
molécules d’ADN subissent en permanence, même lorsque les
conditions sont optimales, de nombreuses altérations (erreurs de copie
de l'ADN non rectifiées). Ainsi, strictement par hasard, le gène ou les
gènes responsables de la constitution des yeux et le complexe
mécanisme d'induction (développement de diverses parties de l’œil
coordonné par leurs interactions respectives et permanentes) qui
intervient, ont pu muter. C'est ici la cause la moins probable car les
changements physico-chimiques du milieu et leurs caractères
mutagènes ne manquent pas pour engendrer des mutations et priment en
probabilité par rapport aux changements simplement fortuits dans le cas
d'un passage du milieu épigé vers un milieu hypogé.
4ème
Cause : Nous l’avons trouvé dans les travaux de Suzanne
Rutherford et Susan Lindquist du Howard Hughes Medical Institute
(Université de Chicago, Etats-Unis, rapport publié dans la revue
« Nature » daté du 26 novembre 1998 et traduit dans « Le Monde » le
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11 décembre 1998). « Elles exposent ce qui pourrait constituer la
première preuve de l'intervention explicite d'un mécanisme moléculaire
dans l'évolution ». Lors de crises environnementales comme les
glaciations rapides ou les interglaciaires, une protéine : HSP90 (chez la
Drosophile) qui appartient à la famille des « heatshock protein » ou
HSP, protéines du choc thermique, peut déclencher tout un ensemble de
nouvelles mutations (dont l'anophtalmie partielle ou totale) sous l'effet
d'un stress (chaleur, manque d'oxygène, réactions chimiques etc.). Les
espèces restent viables et fertiles chez les Drosophiles. Ainsi, plus
l'étendue de ces variations est importante, plus grandissent les chances
que l'une des espèces soit mieux « adaptées » dans un environnement
qui change. HSP90 accompagne et protège tout un assortiment de
protéines instables (impliquées dans des processus liés à la division
cellulaire). Après un stress intense, HSP90 n'assure plus cette protection
et libère d'emblée un ensemble de mutations qui pourraient permettre à
l'évolution de travailler plus vite et plus efficacement. Ces constatations
pourront certainement apporter des compléments à la « Théorie des
équilibres ponctués » de Stephen Jay Gould et pourront expliquer
également la préadaptation que l'on suppose chez les insectes devenus
hypogés.
Mode de sélection sur les caractères dits « régressifs ».
Quelle que soit la cause énoncée ci-dessus, il semble que le caractère
d'anophtalmie n'a pas pu être directement sélectionné car le futur
hypogé, n'est pas directement favorisé ou avantagé quand il est aveugle
dans un milieu obscur. Ceci soulève donc un immense problème : ce
n'est donc pas important pour la survie du cavernicole que d'être
aveugle ! Ainsi les principes de la sélection naturelle ne paraissent pas
être appliqués directement sur ce caractère. Comment pourrait-on
effectivement affirmer qu'un insecte anophtalme et de ce fait aveugle
peut être plus apte à survivre que celui oculé s'il vit dans l'obscurité
totale ? Rien ne semble empêcher un être oculé et le restant à demeure,
de vivre dans un milieu souterrain donc strictement obscur, du moins
aussi bien que s'il était anophtalme. Ainsi le caractère d'anophtalmie,
qu'il soit fortuit ou non, ne semble pas être sélectionné. Nous constatons
ainsi que certains organismes ne le présentant pas, sont tout autant
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capables de survivre. Plusieurs solutions sont alors susceptibles de
répondre au même défi du milieu. Des « adaptations » très diverses sont
ainsi possibles. Le fait que l’insecte se trouve dans un milieu obscur
entraîne la création d’organes compensatoires. A partir du moment où
ils developpent les organes compensatoires la selection ne se fait plus
sur le sens de la vue. Ainsi dans une compétitivité intraspécifique,
l'individu anophtalme compense sa cécité par de nouveaux organes
pendant que celui resté oculé est « retenu » dans la limite de la clarté
comme dans l’expérience sur les Drosophiles du chapitre suivant réalisé
uniquement sur le caractère « aptérisme ». La compétition ne se fait
donc pas directement entre les formes oculées et anophtalmes mais
entre celles restées oculées et celles ayant développé des organes
compensatoires. Ces derniers devenant les optimums à court ou à longs
termes. L'optimum est donc l'espèce anophtalme ayant développé des
organes compensatoires.
L’adaptation dans son sens actif et évolutif correspond à un changement
permettant à une population ou à un individu, de vivre dans un milieu
où cela ne leur était pas possible auparavant. De ce fait, les espèces
anophtalmes que l’on qualifiait, par ce caractère exceptionnel,
d’adaptées à l’obscurité, ne répondent pas à cette définition. Ici
l’anophtalmie ne permet pas à l’insecte de vivre mieux dans son
milieu ; seuls ses organes compensatoires le font. Qu'elles supportent
l'un ou l'autre des deux types (anophtalme ou oculé), ces espèces ne
rentreront pas en compétition en absence stricte de lumière. Elles ne
seront donc pas directement sélectionnées. Un équilibre se créait ainsi
où la sélection naturelle n'intervient pas avant l’apparition des organes
compensatoires. Le milieu strictement obscur neutralise la sélection sur
le sens de la vue. L'image actuelle que l'on a de l'adaptation est donc
fausse dans le cas d'un tel type de milieu. Le fait d'interpréter la
régression progressive des yeux comme étant liée à une adaptation
directe des individus à leur milieu obscur semble donc obsolète. Ici le
contexte anophtalmie / obscurité est trompeur.
Le terme : « degré avancé d'évolution souterraine », largement utilisé
par Jeannel et bien d'autres auteurs pour qualifier les anophtalmes,
devient de ce fait inutilisable pour ce caractère sorti du contexte
anophtalmie / organes compensatoires. En résumé, nous pouvons dire
que dans un environnement strictement obscur, où les individus d'une
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même espèce ne rentrent pas en compétition, bien que certains de leurs
caractères passent par des « opposés » (oculés / anophtalmes), ils
transmettent majoritairement la forme déprimée de leurs caractères.
Car, qu'elle qu'en soit la forme, ils restent d’une valeur sélective neutre
dans ce milieu. Ils sont ainsi ni sélectionnés ni adaptés jusqu'au moment
où ils développent des organes compensatoires. Ainsi fait, ils
augmentent leur compétitivité par rapport à ceux ne possédant pas ces
organes. L'obscurité n’induit pas d'optimums pour les yeux.
Anophtalmes ou oculés, peu importe, ils ont chacun une valeur
sélective égale. Seulement, les oculés seront, par ce caractère, retenus
dans le domaine épigé, créant ainsi une séparation en deux types de
populations. Les épigés, resteront à l’extérieur (ex : Trechinae oculés
des Alpes de Transylvanie ou d’Asie) ou s’éteindront. Les anophtalmes
transmettront leur cécité sous terre grâce à l'apparition d'organes
compensatoires qui favoriseront leur sélection.
Finalement, le milieu strictement obscur, ne contribue pas seulement au
résultat de non-compétition intraspécifique pour l’anophtalmie, il est le
régisseur du phénomène observé. Ainsi, ces espèces ne devraient pas
être considérées comme adaptées au milieu hypogé parce qu’elles sont
anophtalmes, mais seulement parce qu’elles ont développé des organes
compensatoires. Une sélection directe paraît de ce fait comme virtuelle.
Ceci expliquera la difficulté que nous rencontrons pour utiliser ces
caractères en Taxonomie. A l’opposé, nous constatons que la haute
valeur de la chétotaxie dans le positionnement des Trechinae,
s’explique par le fait que les fouets de la série ombiliquée sont eux,
réellement sélectionnés. Ils font certainement partie des organes
compensatoires. Ces études nous amènent à penser que la valeur
taxonomique d’un caractère semble dépendre de la nature de sa
sélection. Dans la nature, la sélection naturelle ne suit pas un sens
déterminé. Elle est constamment redirigée selon les facteurs physico-
chimiques du milieu, ce qui lui donne un aspect désordonné. Ainsi, son
mécanisme reste toujours le même mais le hasard des circonstances agit
sur les caractères dans des sens différents.
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Figure 2 – 1. Yeux de Drosophile après une duplication « Bar ». 2. Après réversion
« Bar-Ultrabar ». 3. Après mutation Eyeless, le gène contrôlant toute la chaîne
d'événement nécessaire au développement de l’œil (d'après photo de W. J. Gehring). 4.
Régression oculaire chez le genre Duvalius Delarouzée. La ressemblance et remarquable.
L'orientation de l’œil bridé nous renseigne sur le redressement de la tête au court de
l'évolution (prognathe).
Le schéma, dans son ensemble, montre ainsi des directions diverses et
variées et bien souvent difficiles à comprendre. La pratique de la
sélection artificielle, qui existait bien avant Darwin et qui l’inspira dans
sa théorie, donne à l’homme le pouvoir de diriger, de sélectionner lui-
même les reproducteurs les plus performants. Le mécanisme ne change
guère dans notre cas.
L’inféodation au milieu souterrain, pour aboutir à l’anophtalmie,
semble opérer de même. Les liaisons intimes qui existent entre le sens
de la vue et l’obscurité, forcent la sélection à ignorer ces caractères.
Nous retrouvons donc une sélection forcée sur les organes
compensatoires. Elle n’est donc pas « classiquement naturelle » et
progressive sur le sens de la vue.
Ainsi, si les espèces hypogées et endogées ont survécu aux
bouleversements climatiques, c’est peut-être que leur inféodation n’a
pas été ce qui semble une barrière infranchissable. Il semble, bien au
contraire, qu’il s’agisse bien là d’une sélection forcée, accélérée et
dirigée dans ce remarquable milieu.
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Figure 3 – Partie du chromosome de Drosophila melanogaster. - 1., Etat normal. - 2.,
duplication « Bar ».
Le caractère « aptérisme ».
Le schéma évolutif concernant l’aptérisme des coléoptères cavernicoles
ressemble beaucoup à celui de l’anophtalmie. Comme lui, il y a
« régression » du caractère par des mutations diverses. Nous retiendrons
dans ce cas la 2ème
cause du chapitre précédent seule entraînant une
modification simultanée des deux caractères dans les mêmes
circonstances et dans les mêmes limites.
Ici l’environnement strictement obscur, qui neutralisait la sélection sur
l’anophtalmie, est remplacé par l’environnement restreint pour
l’aptérisme. Ainsi, nous pouvons dire, comme pour le caractère
d’anophtalmie, que dans un environnement exceptionnellement réduit,
où les individus d’une même espèce ne rentrent pas en compétition bien
que certains de leurs caractères passent par des opposés (ailés / aptères),
ils transmettent majoritairement la forme déprimée de leur caractère,
car qu’elle qu’en soit la forme, ils restent d’une valeur sélective neutre
dans ce milieu.
Le changement qui a son importance, est qu’il n’y a pas ici d’organes
compensatoires qui vont augmenter la compétitivité au sein de la
population. Le mécanisme est plus simple, plus direct, plus rapide et
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totalement automatique, comme dans l’expérience bien connue que
nous allons reprendre ci-dessous.
En 1937, L'Héritier, Neefs & Teissier publient une expérience
particulièrement originale et aujourd’hui très connue : il s'agit de
confronter une hypothèse émise par Darwin, dans l'Origine des
Espèces, à la réalité de l'expérience.
Ce dernier propose comme explication possible à la présence d'insectes
aptères sur les différentes îles, le fait que ces derniers, incapables de
voler, ne sont pas emportés par le vent contrairement aux insectes doués
pour le vol. L'expérience consiste donc à exposer une population mixte
de Drosophiles à cet élément naturel.
La population comprend des individus normaux (ailés) et des individus
portant le caractère vestigial (qui se manifeste par une atrophie des
ailes, ces individus sont alors incapables de voler).
« Dans cette expérience la population dispose d'une nourriture
nécessaire et suffisante pour son développement (la concurrence pour
l'aliment est donc supprimée) et, seul le vent peut jouer le rôle de
facteur sélectif. La proportion des mouches vestigiales progresse alors
rapidement. Si l'éclosion des premiers imagos rétablit un équilibre en
faveur des mouches ailés, on assiste ensuite à une évolution de la
population similaire à celle constatée précédemment ; les mouches
aptères deviennent progressivement majoritaires (on compte 67 % de
celles-ci au 38ème
jour) ».
Une contre-épreuve de l'expérience principale (1937) est également
présentée : la même population est alors placée dans des conditions
d'élevage différente.
En fait, l'influence sélective du vent est supprimée.
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Figure 4 – Types d’ailes chez les Trechinae. – 1., Type macroptère : Trechus
quadristriatus Schrank. – 2., Type brachyptère réduit : Trechus obtusus Er. – 3., Type
brachyptère : Trechus rufulus Dej. – 4., Vestige alaire (moignon) : Aphaenops cerberus
Dieck. – 5., Type brachyptère : Paratrechus (s. str.) tepoztlanensis Bolivar ; tcr., tronc
costo-radial.
On assiste alors à une évolution inverse et les mouches aptères ne
représentent plus que 32 % après 15 jours dans ces nouvelles
conditions. Les trois auteurs peuvent ainsi terminer leur
communication.
« Il nous semble légitime de conclure des faits que nous venons de
rapporter que l'hypothèse de Darwin est entièrement justifiée par
l'expérience. La sélection naturelle n'a pas nécessairement, comme on le
croit en général à l'heure actuelle, un rôle conservateur. Si le plus
souvent elle se borne à supprimer les faibles et les anormaux et
maintient ainsi la stabilité de l'espèce, elle peut également favoriser
certaines anomalies que des circonstances particulières rendent
avantageuses. L'aptérisme des insectes que leur habitat expose au vent
marin est une infirmité utile et l'on conçoit que, si le hasard des
mutations l'a fait apparaître dans certaines espèces, le jeu de la sélection
l'y ait maintenue. » L'Héritier, Neefs & Teissier (1937). Il suffit donc
que les caractères en question soient non indispensables dans leur
milieu (car sinon il y aurait eu extinction de l'espèce) et majoritaires par
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suppression de la compétition intraspécifique. C'est ainsi que le
remplacement d'une souche sauvage de Drosophile par une souche
mutante, peut conduire à l'élimination d'une forme ailée au profit d'une
autre aptère.
Chez les Trechinae qui nous intéressent, un équilibre se créait dans
leurs biotopes restreints où les nombreux facteurs externes ne jouent
plus. Les mutations diverses sur les ailes, induisent des formes
régressives à divers degrés (macroptères, brachyptères, aptères, Fig. 4),
viables et reproductibles. L'équilibre se créait seulement dans ces
micro-espaces en absence de compétition entre individus.
Il s’agit bien ici du même mécanisme que pour l’anophtalmie ou du
moins en partie. Il y a non compétition intraspécifique et l’équilibre est
toujours respecté. Seulement, la sélection n’agit pas ici sur d’éventuels
organes compensatoires. Elle se fait directement sur les individus
comme dans l’expérience sur les Drosophiles aptères. Les ailés,
macroptères ou brachyptères, sont « retenus » dans le domaine ouvert
pendant que les aptères, s’inféodent, poussés par la pression sélective
d’autres caractères déjà acquis.
En général, nous pouvons encore observer dans la nature des espèces
chez les Trechinae, ailés et à peine endogés et tous les intermédiaires
comme le Trechus quadristriatus qui est macroptère et jamais
cavernicole, des espèces brachyptères à ailes réduites au tronc costo-
radial qui sont endogées et les espèces aptères qui vivent dans le milieu
du sol superficiel, dans les entrées ou à l’intérieur des grottes.
Chez les espèces anophtalmes, les variations de la taille des yeux sont
peu perceptibles au sein d’une même espèce. Chez les espèces aptères,
les variations du degré de disparition des ailes peuvent se rencontrer
encore fréquemment, par exemple chez le Trechus obtusus, le genre
Trechiotes Jeannel, exceptionnellement chez le genre Duvalius
Delarouzée (Duvalius hetschkoi Reitter, 1911) et quelques autres
représentants des Trechinae. Cet indice nous indique qu’il sera encore
moins probable d’utiliser le caractère d’aptérisme dans les
classifications, même pas au niveau des différenciations spécifiques.
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L’absence de sélection « classique » sur le caractère de l’aptérisme,
nous confirme, comme nous l’avions vu plus haut pour l’anophtalmie
(mais ici plus sévèrement encore), que la valeur taxonomique des
caractères dépend bien de la nature de leur sélection.
Tableau I – Dans ce tableau, l’absence ou la présence de certains organes n’est pas
indifférente dans leurs milieux respectifs.
Contrairement à nos constatations, à savoir : « qu’ils aient des yeux ou
pas, ne permet pas aux Trechinae hypogées de vivre mieux dans un
milieu privé de lumière », l’absence ou la présence de certains organes,
n’est pas indifférente dans tous les milieux extrèmes (Cf. Tableau I.).
Ces exemples non exhaustifs qui s’avèrent à première vue proches, par
leur image superficielle, sont pourtant profondément éloignés de notre
théorie par la différence flagrante de leur mécanisme.
Nous pouvons donc dire qu’il existe, à notre connaissance, qu’un seul
intervenant composé de facteurs écologiques principaux que nous avons
nommé « Milieu Intimiste Inhibiteur » (Engl. Intimists Inhibitors
Biotops).
Il s’agit seulement de biocénoses interstitielles strictement obscures et
restreintes. Elles ne doivent pas être confondues avec les milieux
cavernicoles qui restent, à notre sens, des milieux essentiellement
« refuges » et probablement d’occupation plus récente.
Milieux Caractères
Terrestre / Aquatique Poumons / Branchies
Froid / Chaud
Antigel des Tardigrades / Regulation de la
température
Humide / Sec
Réduction racinaire (plantes épiphytes) /
Compensation aérienne (cactus)
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Les fouets du groupe huméral : pour servir en taxonomie.
Que les stries soient présentes ou oblitérées, il apparaît toujours, après
avoir étudié plusieurs centaines de spécimens chez les Trechinae, que le
groupe huméral de la série ombiliquée appartient bien, comme l’a dit
Jeannel (1925), au 9ème
interstrie. Il est accolé sur l’extérieur de la 8ème
strie avec le premier fouet toujours accolé à la 7ème
strie. C’est ce
dernier qui migre le plus chez les espèces physogastres, toujours le long
de cette 7ème
strie, souvent imaginaire chez les espèces très évoluées
(Fig. 5). Par contre, contrairement aux affirmations de Jeannel (1925),
nous pensons que l’évolution de cet organe, n’a pas été suivi à rebours.
« Ce n’est pas, dit Jeannel, la série ombiliquée régulière d’un Trechus
qui est primitive, mais celle de l’Aphaenops ! Il ne s’agit pas du tout
d’une désagrégation évolutive de la série ombiliquée, mais au contraire
de la formation d’une série ombiliquée régulière, par agrégation
marginale des soies primitives disséminées sur le disque de l’élytre »
Jeannel, 1925.
Figure 5 – Migration du 1er
fouet sur l’élytre de diverses espèces de Trechinae. 1.,
Duvalius. Tous les fouets sont bien agrégés. – 2., Anophthalmus. Le 1er
et le 4ème
fouet
commencent à s’écarter de la gouttière marginale. - 3., Aphaenops, migration de type
aphaenopsienne. La physogastrie et l’effacement des épaules entraîne la migration des
fouets 1 et 4 sur deux axes, le long d’une 7ème
strie ou 8ème
strie imaginaire. – x., côte
d’éloignement de la 8ème
strie.
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Il pensait que l’évolution de ces organes avait été comprise dans un
sens inverse à celui de Ganglbauer (1904), car le 2ème
fouet reste
toujours fixe, sensiblement en bordure de la gouttière marginale (Fig.
5). Il ne migre jamais. Il devait donc avoir, pour lui, cette place dans le
passé et au cours de l’agrégation. Le pore (base du fouet) ne pouvait
donc aller plus loin que la gouttière marginale. A notre sens, lors de
l’évolution vers la physogastrie, les déformations des stries s’articulent
toujours sur ce 2ème
pore, de sorte qu’il est simplement le centre de
rotation des 7ème
et 8ème
stries (celles qui entraînent le déplacement des
autres fouets), ceci empêchant sa migration. De plus, Jeannel n’avait
étonnament pas pris connaissance de l’existence de certains fossiles de
Trechinae (semblables à des Trechus) datant de l’Oligocène moyen
(env. 35 Ma). Ils ont tous leur série ombiliquée bien agrégée.
L’évolution des « formes aphaenopsiennes » est beaucoup plus récente.
Ceci prouve simplement et efficacement que se sont bien ces derniers
les modifiés et que les migrations se sont bien déroulées dans le sens de
Ganglbauer (1904), à savoir, d’une agrégation archaïque vers une
désagrégation. L’étude de l’innervation élytrale ne montre aucun
élément qui pourrait contredire les faits. L’innervation du 2ème
fouet est
absolument identique à celle du 3ème
, tous deux liaisonnés simplement
au nerf médian et rien dans le cheminement de ces nerfs, laisse penser à
une désagrégation archaïque. Le fait que l’on considère maintenant
l’état agrégé des fouets de la série ombiliquée comme étant un caractère
ancestral, nous permettra de construire des arbres totalement différents
des groupements qu’auraient pu imaginer les auteurs précédents. Chez
l’ensemble des insectes adéphaga, seul les espèces sténhygrobies
physogastres possèdent une série ombiliquée complètement désagrégée.
La migration de ces fouets vers l’intérieur de l’élytre semble donc
dépendre de cette physogastrie vers laquelle évoluent certaines espèces.
Tantôt flagrantes, tantôt subtiles, les positions de ces fouets paraissent
être des caractères plésiomorphes quand ils sont de type agrégé. Ils
peuvent définir ainsi des ancêtres communs selon leurs types
d’implantations. Ces fouets et leurs types d’implantations, ont une
haute valeur taxonomique au niveau de la classification des séries
phylétiques, des genres et des sous-genres. Quant à l’écartement des
fouets, il ne semble pas dépendre de la physogastrie mais
indépendamment d’une autre nature biologique car il existe de grands
écartements sur les espèces peu ou non physogastres. La combinaison
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de leur migration et de leur écartement donne tous les stades évolutifs,
de l’agrégation complète primitive chez les genres Duvalius, Trechus,
Apoduvalius, Thalassoduvalius, Duvaliomimus etc. à fouets espacés
plus ou moins régulièrement, vers un écartement important chez les
espèces aphaenopsiennes et phasmoïdes : Aphaenops, Sinaphaenops,
Guizhaphaenops, Giraffaphaenops etc. surtout le 4ème
fouet (Fig. 6). La
désagrégation due à la physogastrie s’observe donc chez les espèces
dites « évoluées » c’est à dire, dans notre cas, bien adaptées au milieu
souterrain humide, et par conséquent étroitement liée au type de
respiration sténhygrobie.
Figure 6 – Ecartement des fouets selon le degré d’effacement des épaules. a est variable
et b est généralement plus constant. 1., Aphaenops bucephalus Dieck. – 2., Aphaenops
leschnaulti Bonv. ou Aphaenops jeanneli Ab. – 3., Aphaenops crypticola Lind. – 4.,
Aphaenops minos Lind. – 5., Aphaenops chaudoiri Bris. – 6., Pseudanophthalmus
menetriesi Motsch. x., est le point de référence pour l’épaule.
L’espacement des fouets est lui indépendant de cette évolution mais est
seulement dû à un autre phénomène, de sorte que l’évolution générale
de la série ombiliquée s’est déroulée parallèlement sur deux axes.
L’effacement des épaules semble être un caractère expliquant ces
dernières variations. Dans la majorité des cas et comme le montre la
figure 6, la côte « a », qui donne l’effacement des épales, est variable.
La côte « b » est, elle, généralement beaucoup plus constante de sorte
que le point de référence « x » pour l’épaule, s’éloigne de la base de
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l’élytre lors de l’effacement de l’épaule, entraînant les quatre fouets du
groupe huméral. Ils s’éloignent ensemble de la base de l’élytre avec des
décalages divers qui donnent les espacements irréguliers, mais
seulement entre les limites de la côte « b ». Compris de telle sorte, nous
pouvons dire que l’Aphaenops a plus évolué au niveau respiratoire que
le Sardaphaenops qui, lui, a une série ombiliquée beaucoup plus
agrégée. Nous pouvons constater également qu’un insecte à série
ombiliquée désagrégée descend d’un ancêtre à série ombiliquée plus
agrégée et qu’un autre à fouet écarté descend d’un ancêtre à fouets plus
rapprochés. Nous comprendrons ainsi l’intérêt de considérer ces
migrations de telle sorte dans les études phylogéniques dles Trechinae.
Figure 7 – Chétotaxie du disque de l’élytre. – 1., Aphaenops cabidochei Coiffait. – 2.,
Hydraphaenops vasconicus Jeannel. – 3., Aphaenops loubensi Jeannel. – 4., Aphaenops
eskualduna Coiffait. – 5., Giraffaphaenops clarkei Deuve. – 6., Dongodytes fowleri
Deuve. – 7., Duvalius leonhardi Reitt. De Jablanica, Herzégovine, avec l’implantation des
soies sur la 3ème
et la 5ème
strie.
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Chétotaxie du disque de l’élytre : soies discales.
La chétotaxie de l’élytre au niveau des soies discales, semble d’une
valeur beaucoup moins importante au niveau taxonomique que celle de
la série ombiliquée.
Figure 8 – Chétotaxie des Trechinae. Comparaison des fouets et des soies discales d’un
même individu. A gauche : premier fouet de la série ombiliquée du Duvalius brujasi
Deville des Alpes Maritimes (France). Long. : 1,30 mm. A droite : première soie discale
du même. Long. : 0,658 mm. Avec les détails de leur pore basal respectif.
Effectivement, leur nombre et leur position (3ème
et 5ème
interstries,
exceptionnellement d’autres) peut varier chez les espèces d’un même
genre déjà considéré comme bien établi (Fig. 7). Ceci confère à ce
caractère, une valeur taxonomique plus faible que ce que l’on pensait
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encore il y a quelques années. Ces macrochètes sont des soies évoluées,
assimilables à la structure de simples poils plus rigides et plus longs.
Jeannel disait que leur diamètre était en rapport avec leur longueur,
contrairement aux fouets qui restent régulièrement fins et tubulaires. Il
s’avère que ces derniers ne sont pas réguliés comme il le disait, mais
simplement moins coniques, plus longs et plus fins que les soies
discales ; donc certainement plus évolués que ces dernières par cette
évidente démesure (Fig. 8).
Ainsi les soies du disque de l’élytre, ne semblent pas être de même
nature que les fouets du groupe huméral. Il ne s’agirait pas là d’organes
compensatoires à valeur taxonomique importante, mais plutôt de poils
un peu plus évolués. Nous utiliserons le nombre et l’emplacement des
soies discales seulement pour le classement des sous-genres et des
lignées, au même niveau que la chétotaxie de la tête (nombre de soies
frontales) et que du degré d’oblitération des sillons frontaux que nous
verrons dans les paragraphes qui suivent.
Le groupe des soies apicales et strie récurrente.
Le «triangle apical» est en général bien constitué chez les Trechinae.
(Fig. 9). Il est formé de trois soies implantées sur le sommet de l’élytre,
dont l’une (soie apicale antérieure) est accolée à la crosse apicale de la
2ème
strie côté 3ème
strie. La seconde est plus en dehors (soie apicale
externe), dans la région fusionnée du 3ème
et 5ème
interstrie, accolée à
une petite strie bien particulière nommée « strie récurrente ». Cette
dernière peut être en prolongement de la 3ème
à la 7ème
strie. Elle forme
la carène apicale chez tous les Trechinae. Son stade d’évolution donne
une valeur taxonomique moyenne, utilisée surtout comme caractère
vérificateur dans l’étude des genres1
. La 3ème
soie est accolée au bord
apical, près de la marge (soie apicale interne ou soie marginale), au
bout de la crosse apicale formée par l’extrémité de la 2ème
strie.
1
Une exception existe chez l’espèce Andinorites troglophilus Mateu & Belles, 1979, qui
est la seule de son genre à avoir la strie récurrente dirigée sur la 7ème
strie au lieu de la
5ème
. Il s’agit là certainement d’un cas tératologique ne rentrant pas dans une
interprétation valable en Taxonomie. Effectivement, le reste des caractères est tout à fait
conforme au genre Andinorites.
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Figure 9 – Groupe de soies apicales (triangle apical) et strie récurrente chez diverses
espèces de Trechinae. – 1., Thalassophilus longicornis St. – 2., Placomotrechus parilis
Pér. – 3., Trechus fulvus Dej. – 4., Dongodytes fowleri Deuve. – saa., soie apicale
antérieure. – sae., soie apicale externe. – sm., soie marginale (ou apicale interne). – ca.,
crosse apicale. – sr., strie récurrente.
Types d'organes sensoriels chez les Trechinae.
Lors d'une communication sur les traits évolutifs des coléoptères
Trechinae troglobies exposée au Colloque organisé en septembre 1978
sur l'évolution des « Verhalten der Carabiden », Juberthie avait présenté
les premières données sur l'évolution de l'équipement sensoriel des
antennes des Trechinae. Les résultats étaient basés sur l'étude d'un
certain nombre d'espèces appartenant à différents genres européens et
ce travail faisait suite à la description (Juberthie & Massoud, 1977) des
récepteurs sensoriels des antennes d'Aphaenops crypticola Linder,
choisi en tant qu'espèce représentative du type morphologique évolué.
Le trait majeur mis en évidence, est le développement de l'équipement
sensoriel antennaire chimiorécepteur en fonction du degré d'adaptation
à la vie souterraine des Trechinae. Ceci traduit une augmentation de la
sensibilité olfactive antennaire, et entraîne une plus grande efficacité
des Trechinae les plus « évolués » dans la conquête de leur nourriture.
Plus tard, Juberthie & Massoud (1980) ont étendu leurs recherches à un
nombre plus grand d'espèces et de groupes afin d'asseoir les conclusions
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sur des bases plus larges et surtout d'essayer de mettre en évidence, à
côté des tendances évolutives majeures, la variété des solutions
adoptées par les coléoptères souterrains (Juberthie & Massoud, Mém.
Biosp. 7, 1980) pour s’adapter à leur milieu. Les sensilles de l'apex du
dernier article antennaire dont la fonction gustative est évidente d'après
leur ultrastructure (présence de pore terminal notamment) possèdent un
neurone à morphologie spéciale dont le rôle reste à élucider. La
comparaison des résultats sur les sensilles des Trechinae avec ceux
publiés sur différents groupes d'insectes a permis à Juberthie &
Massoud de discuter sur la nature mécanoréceptrice ou
chimioréceptrice olfactive des sensilles. En revanche, la caractérisation
des thermorécepteurs reste en suspens chez les Trechinae, de même que
celle des hygrorécepteurs présumés.
Figure 10 – A. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea), mécanorécepteur. De. Dendrite. S.
Soie. Ep. Epicuticule. Ex. Exocuticule. En. Endocuticule. Ce. Cellules épidermiques. Ct.
Cuticule. Mb. Membrane basale. Ctr. Cellule tricogène. Cto. Cellule tormogène. Oe.
Oenocyte. Tr. Trachéoles. – B. Schéma de principe d’un organe sensoriel (ici, un
mécanorécepteur trichoïde). Ex. Exocuticule. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. Ax.
Axone. – C. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea chaetica), chimiorécepteur (plusieurs
cellules sensorielles). Ex. Exocuticule. P. Pore. De. Dendrite. Ctr. Cellules tricogènes.
Nb. Neurone bipolaire. Ax. Axone. – D. Différents types de sensilles trichoïdes (sensilla
trichoidea), chimiorécepteurs. – E. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea),
mécanorécepteur (un seul neurone bipolaire, sans cellules tricogènes). Ex. Exocuticule. P.
Pore. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. De. Dendrite. Ax. Axone. – F. Différents
types de sensilles trichoïdes (sensilla trichoidea), mécanorécepteurs.
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Les organes sensoriels chez les Trechinae, peuvent être superficiels (en
relation avec la cuticule) ou profonds. Ils sont de deux types. Les
organes sensoriels superficiels comme les sensilles avec neurones de
type I bipolaires et les organes sensoriels profonds comme les organes
scolopaux ou scolopidaux avec neurones de type I ou II multipolaires.
Les récepteurs sensoriels superficiels ou sensilles sont creux et en
rapport avec un neurone bipolaire dont le récepteur dendritique reçoit le
stimulus. Donc le fonctionnement de ces sensilles est semblable au
fonctionnement des neurones sensoriels périphériques des vertébrés
(sauf que ces derniers ont l'extrémité périphérique de ce dendrite
spécialisée : cônes, bâtonnets, cellules ciliées).
Les neurones multipolaires (type II) ont essentiellement des fonctions
musculaires et conjonctives comme les mécanorécepteurs ou récepteurs
de tension.
On distinguera deux types fonctionnels. Ce sont d’une part, les sensilles
chimiorécepteurs (= Chémorécepteurs de Juberthie & Massoud, Mem.
Biosp. 7, 1980) comme le toucher, l’olfaction et le goût. Ils sont surtout
abondants au niveau des antennes, pièces buccales, pattes, pièces
génitales, styles (paramères) de l’édéage ; d’autre part, les sensilles
mécanorécepteurs trichoïdes (Fig. 10-B) qui sont des soies articulées.
Ils sont partout mais surtout sur la tête, les élytres et le pronotum
(sensibles aux déplacements d’air). Les soies des cerques ou des styles
(paramères) de l’édéage sont sensibles au renseignement de la position
de l'abdomen pendant l'accouplement et la ponte pour les premiers et
ont certainement un rôle de sélection sexuelle pour les seconds. Les
soies trichoïdes du cou sont rares chez les Trechinae aptères car
généralement en rapport avec le maintien de la position horizontale en
vol.
Les Sensilla trichoidea ou sensilles trichoïdes (Fig. 10-A) sont de deux
types. Les mécanorécepteurs composés d’une seule cellule sensorielle
(soies discales, fouets huméraux), donc innervant des soies assez
longues et les chimiorécepteurs, plus petits, composés de plusieurs
cellules sensorielles (chaetica, Fig. 10-C). Les sensilles trichoïdes de
petite taille peuvent avoir une paroi épaisse avec un pore ou une paroi
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mince avec de nombreux pores (toute la surface est réceptrice ; parfois
couronne de pores à la base de la soie avec un dendrite pour chaque
pore). Chez les insectes, nous pouvons voir jusqu'à 2000 surfaces
réceptrices sur un sensille. Ils sont donc de nombreuses variétés :
sensilles poreux, non poreux, multiporeux, à parois minces ou épaisses.
Chez les Trechinae, ces sensilles sont en outre implantés sur la face
dorsale et ventrale des antennes, autour de la plage des sensilles
basiconiques.
Figure 11 – A. Sensille basiconique (sensilla basiconica), chimiorécepteur. Cs. Cône
sensoriel. De. Dendrites. Nb. Neurones bipolaires. Ctr. Cellules tricogènes. Ax. Axones.
Ex. Exocuticule. – B. Sensille campaniforme (sensilla campaniformia), mécanorécepteur
et certainement thermorécepteur ou chimiorécepteur. Cu. Cupule. De. Dendrite. Nb.
Neurone bipolaire. Cto. Cellule tormogène. Ax. Axone. Ex. Exocuticule. – C. Sensilla
coeloconica (variante de basiconica), chimiorécepteur. Zone de surface. Ex. Exocuticule.
De. Dendrite. – D. Sensilla placodea (variante de basiconica), chimiorécepteur. Zone de
surface. Ex. Exocuticule. De. Dendrite.
Les Sensilla basiconica et ses variantes Sensilla coeloconica
(=dentatum, Juberthie & Massoud, 1980), placodea, styloconica et
subinflata (Juberthie & Massoud, 1980) (Fig. 11) sont surtout des
chimiorécepteurs. Ils sont cylindriques, procurvés, émoussés à leur
extrémité, à paroi mince et percée de pores disposés en deux plages,
l'une face dorsale des antennes et l'autre face ventrale. Il s'agit là du
type classique de sensilles décrits chez la majorité des insectes. Les
subasiconica et subinflata présentent un élargissement de leur diamètre
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à la base. Le 8ème
article des antennes en porte en moyenne une
vingtaine chez le genre Trechus.
Sur les antennes des Trechinae, elles occupent une plage ventrale
externe au sein des sensilles basiconiques typiques. Cette plage existe
chez tous les Trechinae, mais elle peut porter des récepteurs un peu
différents, dérivés le plus souvent du type basiconique.
Les Sensilla campaniformia (Fig. 11-B) sont des sensilles
campaniformes. Ils s’agit là surtout de mécanorécepteurs ou
thermorécepteurs. Ils sont très fréquents chez les insectes. Ils peuvent
être en forme de cupule fermée, enfoncés dans la cuticule ou avec la
surface externe en petit dôme. Chez les Trechinae, ils sont très courts.
Ils peuvent être situés sur la face ventrale des antennes en position
subapicale, en une plage ventrale externe (sensilles procurvés à paroi
mince, percée de pores) ; mais également dans le tiers basal, face
dorso-interne, visible en microscopie photonique sous la forme d'une
cavité circulaire, sous-cuticulaire, sur les antennes quelquefois en
couronne subapicale au nombre de 5 à 10.
Quelquefois, les sensilles basiconiques sont élargis en spatule. Ces
derniers occupent alors le centre de la plage ventrale externe des
antennes là ou sont implantés les basiconiques typiques.
Les Sensilles ampullacea sont des chimiorécepteurs. Ils sont disposés le
long des génératrices, à large ouverture cuticulaire et longue tigelle
sensorielle implantée au fond d'une cavité cuticulaire en forme
d'ampoule. Le 8ème
article des antennes en porte 1 ou 2. L'ouverture
externe de la cavité est très petite et la tigelle est courte. Au total, une
vingtaine est présente sur l'ensemble de l'antenne d’un Trechinae.
Les Sensilles dentées, sont également des chimiorécepteurs. Ils sont en
forme de disque concave inséré dans une cavité circulaire dont le bord
postérieur se transforme en pointe triangulaire émettant en son centre
une crête longitudinale triangulaire dissymétrique et procurvée. Ils sont
localisés aux endroits où sont implantés chez les Aphaenops les
chimiorécepteurs olfactifs les plus modifiés.
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Ceci pourrait leur attribuer un rôle olfactif mais leur fonction n'est pas
vraiment reconnue. Ils possèdent 3 neurones dont 1 neurone particulier
(Tichane-Corbière, 1978). Juberthie & Massoud supposent un rôle de
thermorécepteur de deux des 3 neurones. Par analogie ces organes
pourraient être des organes mixtes olfactifs et thermorécepteurs
(Juberthie & Massoud, 1980).
Les poils diverssement répartis sur tous les téguments des Trechinae,
sont des mécanorécepteurs de petite taille, implantés sans trop de
régularité, à l'exception d'une série de très courtes soies souvent
disposées en une couronne apicale sur certains articles des antennes
(Juberthie & Massoud, 1980) et de certains poils implantés sur les
palpes et le reste du corps. Les organes scolopodaux ou scolopides ou
organes chordotonaux sont surtout des mécanorécepteurs internes dans
les pattes, non liés à des différenciations cuticulaires (tendus entre deux
points de la paroi). Clou scolopal attaché sur la partie souple de la
cuticule. On parle d'organes chordotonaux quand il y a des faisceaux de
scolopies.
On en distingue quatre types : fémoraux, tibio-distaux, prétarsaux (rôle
dans le renseignement des mouvements des articulations), subgénuaux
(ou organe subgénual distal du tibia). L’organe de Johnston de l'antenne
dans le 2ème
article antennaire (clous scolopaux insérés entre le 2ème
et
3ème
segment) est lié aux fonctions du vol chez les insectes et manque
chez les Trechinae.
Le nombre total des chimiorécepteurs antennaires, chez les Trechinae
endogés, varie environs de 300 à 600 sauf exceptions. Les différents
types d'organes sensoriels apparaissent en nombre progressif du scape
au sommet de l'antenne.
Chez les Trechinae du type aphaenopsiens (syn. aphaenopsoïdes), le
nombre total des chimiorécepteurs antennaires est voisin de 1500. Il est
légèrement supérieur chez la femelle. Ainsi, les espèces souterraines les
plus évoluées (types aphaenopsiens ou phasmoïdes), ont un équipement
sensoriel qui semble dériver de l'équipement de base des endogés.
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La spécialisation des sensilles basiconiques chimiorécepteurs,
l’augmentation de leur surface réceptrice, l'augmentation du nombre de
ces sensilles, l'augmentation du diamètre de l'ouverture, de la
profondeur et de la longueur de la tigelle réceptrice des sensilla
ampullacea, le prouve (Juberthie & Massoud, 1980).
Eléments buccaux et céphaliques.
La tête des Trechinae (comme tous les Carabiques) est insérée dans
l’axe du prothorax (prognathe). Chez ceux peu évolués, elle est robuste
et arrondie. Chez les formes aphaenopsiennes, elle s’allonge pour
arriver au stade subparallèle puis subcônique comme chez les formes
phasmoïdes (Dongodytes Deuve, Giraffaphaenops Deuve) (Fig. 12).
Figure 12 – Spécialisation et évolution de la tête chez les Trechinae. – 1., Duvalius
Delarouzée. – 2., Italaphaenops Ghidini. – 3., Minimaphaenops Deuve. – 4.,
Guizhaphaenops Vigna Taglianti. – 5., Dongodytes Deuve. – 6., Giraffaphaenops Deuve.
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Trois grands sclérites constituent le crâne : l’épicrâne, l’épistome et le
basilaire (Fig. 13). Ils sont soudés ensemble et renferment les muscles
intrinsèques de la tête et le tentorium.
L’épicrâne (disque notal du crâne) est divisé en deux régions impaires
et deux régions paires qui seront détaillés plus loin. L’épistome est
trapézoïdal. Sa base (plus grand côté) est soudée à l’aire pharyngienne
et son petit côté porte le labre. Les sclérites suivants présentent
plusieurs régions délimitées par des sillons ou sutures diverses (sillons
frontaux) qui sont les marques d’insertion des crêtes internes du
tentorium. Leur morphologie et leur chétotaxie seront utilisées dans
notre monographie pour la classification des sous-genres.
L’aire pharyngienne est une aire impaire. Elle représente l’extrémité
dorsale de la tête formée par l’épistome et, plus en arrière, l’aire
comprise entre les deux sillons frontaux, sensiblement jusqu’à une ligne
imaginaire passant par les deux soies frontales antérieures.
Figure 13 – 1., Sclérites cranniens face notale. – 2., face sternale. – 3., face sternale chez
Thaumastaphaenops plucherrimus Magrini, Vanni & Zanon1
. – c., cou. – epc., épicrâne.
– eps., épistome. – tp., trait préoculaire. – aa., aires antennaires. – am., aires
mandibulaires. – ace., aire cérébrale. – ac., aires collaires. – sfa., soie frontale antérieure.
– sfp., soie frontale postérieure. – g., gula. – pb., prébasilaire. – lb., labium. – lbr., labre.
– slbr., soies du labre.
1
Nous verrons dans les tomes concernant la révisions des Trechini, que
Thaumastaphaenops n’est pas synonyme de Sinaphaenops.
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L’aire cérébrale est immédiatement en arrière de l’aire pharyngienne,
entre les sillons frontaux. Il s’agit également d’une aire impaire.
L’aire antennaire se trouve en avant du trait préoculaire. La soie
frontale antérieure est implantée sur cette aire.
Les aires mandibulaires, au nombre de deux, sont représentées par la
région des joues jusqu’en arrière des aires antennaires, au niveau tergal,
et se rejoignent aux aires collaires au niveau sternal. La frontière est
donnée par le trait préoculaire. Cette aire forme, dans sa partie notale
postérieure, le prolongement des sillons frontaux vers le cou. Les soies
frontales postérieures sont en général, implantées à proximité de ces
sillons. Ces derniers s’effacent lorsque le régime alimentaire change ;
car la masse musculo-mandibulaire qui rempli les joues, diminue avec
les crêtes tentoriales (les sillons frontaux étant les projections de ces
crêtes) selon le cas. L’éffacement total des sillons frontaux peuvent
s’observer chez les formes aphaenopsiennes et à l’extrème, chez le
genre Giraffaphaenops Deuve, 2002 de Chine, Guangxi nord-occidental
(Fig. 12-6).
Nous allons maintenant l’étude des mandibules. Elles peuvent être de
plusieurs types chez les deux sous-familles des Trechinae et
Trechodinae que nous détaillerons ci-dessous et qui donnent des
valeurs taxonomiques importantes. Nous ne conserverons pas toute la
terminologie de Jeannel et des auteurs qui l’ont suivi car les tridentatae
et les bidentatae ne seront plus considérés ici ni de la même manière ni
au même niveau. Aujourd’hui, nous utiliserons entre autre ces
caractères afin de constituer les tribus ; mais encore faut-il correctement
les interpréter. Hélas, encore trop d’auteurs considèrent l’aspect des
mandibules différemment1
, mais comme nous pouvons le voir (Fig. 14),
il existe en réalité 3 grands types de mandibule droite. Contrairement à
ce que l’on peut constater en étudiant des unités spécifiques, la structure
de la mandibule gauche n’apparaît que peu constante dans les études de
1
Certains auteurs peuvent donner une plus grande importance à la mandibule gauche qu’à
la droite ou vice-versa ; ils peuvent interpréter leurs caractères d’après des observations
faites tantôt ventralement et tantôt dorsalement (voir leurs dessins), qui engendre bien sur
des erreurs et des confusions.
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masse. Nous préciserons enfin que toutes nos études ont été réalisées
d’après des interprétations en trois dimensions de ces appendices. Nous
avons considéré à chaque fois la vue dorsale et celle ventrale afin de
définir les types en appréciant correctement tous leurs détails.
Chez l’ensemble des Trechinae et Trechodinae, nous trouverons un
type de mandibule droite à rétinacle et prémolaire, un autre à rétinacle
seul et un troisième à deux rétinacles (Fig. 14 et tableau).
Figure 14 – Les 3 types (schématisés) de mandibule droite. I., type à 1 rétinacle (1R) et 1
dent prémolaire (1P), donc de base bidentatae (Bb). II., type à 1 rétinacle seul (1R), donc
de base monodentatae (Bm). III., type à 2 rétinacles (2R), donc de base bidentatae (Bb).
Tableau des formules dentaires de la mandibule droite
Tribus Trechinae Trechodinae
Perileptini I 1R1P (Bb) /
Aepini I 1R1P (Bb) /
Homaloderini I 1R1P (Bb) /
Trechini II 1R (Bm) /
Trechodini / III 2R (Bb)
Plocamotrechini / I 1R1P (Bb)
Cnidini / I 1R1P (Bb)
Dans le 1er
type (I), le rétinacle est assez variable et la prémolaire reste
relativement saillante, subconique ou subtriangulaire. Ce type est de
base bidentatae (Bb). Il impose le rapprochement de 5 tribus : les
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Aepini, les Perileptini et les Homaloderini, pour les Trechinae, les
Plocamotrechini et les Cnidini pour les Trechodinae.
Figure 15 – Etats et formules des mandibules droites (D). Les mandibules gauches (G)
sont représentées ici à titre indicatif. R., rétinacle. a., axe de limite d’innervation du
rétinacle.
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Les Homaloderini (Homalodéroïdes de Uéno) ont toujours été difficiles
à séparer de la tribu des Trechini. Pourtant, interprété comme tel, l’état
de leur mandibule droite ne laisse pas de doute : ils sont de base
bidentatae vraie ! (veridicus nov.).
Figure 16 – Etats et formules des mandibules droites (D). Les mandibules gauches (G)
sont représentées ici à titre indicatif. R., rétinacle. P., prémolaire. a., axe de limite
d’innervation du/des rétinacles.
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Ils différent sensiblement des Trechini qui eux, ont cette mandibule
composée d’un rétinacle seul, quelquefois bifide ou trifide (bidentatae
ductilis nov.), sans dent prémolaire, donc de base monodentatae (Bm).
Ces derniers constituants le 2ème
type (II) de mandibule droite (Fig. 14).
Le 3ème
type (III) représente les Trechodinae Trechodini, qui possèdent
deux rétinacles, toujours à la mandibule droite (Fig. 14), donc de base
bidentatae (Bb).
Ainsi, 3 types de mandibule droite regroupent toutes les tribus,
constituant les Trechinae et les Trechodinae.
Les caractères de ces types impose que ces sous-familles se soient
divisées il y a fort longtemps et leur confère des valeurs archaïques
(Fig. 15 et 16).
Outre ces constatations, il faudra souligner que les Trechini
monodentatae ductilis nov., littéralement « malléables » possèdent une
dentition sur rétinacle qui n’est pas innervée (Fig. 17) et qui de ce fait
semble génétiquement moins « solide », donc plus facilement
« adaptable » aux divers régimes alimentaires disponibles et
quelquefois même imposés dans certains biotopes (ex. hypogés).
Aucun rapprochement ne semble envisageable dans une basse et
moyenne hiérarchie. Il faudra utiliser ces 3 états essentiellement comme
critères vérificateurs concernant l’appartenance des genres aux tribus.
Comme nous l’avons précisé plus haut, les états de la mandibule gauche
semblent beaucoup plus diversifiés.
Ils ne permettent pas, à notre avis, de les utiliser correctement en
taxonomie sans qu’il y ait inévitablement confusion lors des
regroupements zoologiques établis dans ces sous-familles.
Les soies frontales.
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Figure 17 – Mandibule droite d’un Trechinae Trechini monodentatae ductilis nov., base
monodentatae (formule : II 1R (Bm)), (Duvalius brujasi Deville, du sud de la France). –
Se1, Se2, Se3. Diverses vues de l’innervation du rétinacle. Les nerfs s’arrêtent toujours
avant les dents (coloration au Nitrate d’Argent). a., axe de limite d’innervation du
rétinacle (R).
Les deux principales soies frontales nous serviront en taxonomie, pour
la classification des sous-genres, ce caractère ne pouvant être utilisé au
niveau des divisions des genres.
Le sous-genre Trechopsis, par exemple, est séparé des autres car il ne
possède pas les deux soies frontales. Il arrive également, chez le sous-
genre Paraduvalius (et quelques autres) de rencontrer ce cas et ici dans
un même genre bien établi par d’autres caractères de valeur
taxonomique forte. Il apparaît donc des variations du nombre de soies
frontales de sorte qu’il est difficile de considérer ce caractère comme
fixe. En fait, il semble que ces deux macrochètes aient évoluées
séparément. Elles appartiennent chacune à une aire crânienne bien
différente (musculaire ou viscérale) et n’ont donc probablement pas les
mêmes fonctions.
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Les aires collaires forment le cou dans sa partie tergale et sternale. Les
aires droite et gauche étant limitées dorsalement par l’axe de symétrie
de la tête et ventralement par les sutures de la gula.
L’aire gulaire est impaire. Elle est représentée par la gula elle même et
le prébasilaire qui porte les macrochètes que nous avons mentionnées
plus haut. La gula peut être quelquefois réduite à un somite très étroit et
effilé chez les espèces très évolués comme chez Thaumastaphaenops
Magrini (Fig. 13-3).
Figure 17 – Détails types des pièces labiales chez les Trechinae. – l., languette. – lb.,
labium. – el., épilobes. – dm., dent médiane. – s., suture. – pb., prébasilaire. – spb., soies
prébasilaire. – 2., détail d’une dent médiane simple. – spl., soies des palpes labiaux. –
slb., soies du labium.
Le basilaire (Fig. 18) est ventral. La partie allongée et étroite qui part
du cou est nommée : gula. Son extrémité distante, le prébasilaire (syn.
submentum), porte le labium (sy. mentum). Il peut y être soudé ou non
selon les lignées, mais ce caractère ne peut être utilisé en taxonomie
hiérarchiquement au dessus de l’espèce, c’est à dire pour la
classification des sous-genres. Nous pouvons effectivement y observer
les deux types (soudés ou non). La base distale du prébasilaire (la
soudure au labium) possède une série de soies hérissées qui définissent
les série phylétiques. Ce caractère est relativement constant et peut être
commun à plusieurs genres (Duvalius, Trichaphaenops, Anophthalmus
= 6 soies au prébasilaire), (Fig. 18).
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Le labium (Fig. 18) est une pièce oblongue impaire, échancrée dans sa
partie antérieure, formant deux lobes (épilobes) avec une dent médiane
qui peut être simple ou bifide. Leur état semble être d’une valeur
taxonomique importante au niveau du classement des genres pour le
type d’épilobes et du classement des sous-genres pour le type de dent
médiane. Le labium est tantôt soudé par sa base au prébasilaire, tantôt
libre et articulé. Son état donne un des critères de séparation des lignées
car à l’intérieur d’un sous-genre bien établi, nous pouvons rencontrer
les deux types. La languette (Fig. 19) est une petite pièce impaire très
variable selon les genres. Elle porte en général deux macrochètes et une
série de petites soies latérales. Elle peut comprendre également des
lobes latéraux évolués (paraglosses) tantôt courts, larges, grêles,
allongés, droits ou arqués. Ces variations confèrent à l’état de la
languette, une haute valeur taxonomique dans la séparation des genres.
Figure 19 – Quatre types différents de languettes. – 1., Epaphiopsis (Epaphius) secalis
(Paykull, 1790) (Trechini). – 2., Italaphaenops dimaioi Ghidini (Trechini). – 3.,
Aphaenops cerberus Dieck. – 4., Perileptus areolatus Greutzer (Perileptini). – mc.,
macrochètes. – sl., soies latérales. – pg., Paraglosses. – dm., dent médiane.
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Les tarses antérieurs des mâles.
Les Trechinae, comme l’ensemble des Caraboidae, ont leurs tarses
pentamères (Fig. 20). Le premier article du tarse est toujours plus long
que les suivants. C’est le premier article du protarse.
Le protarse est toujours plus ou moins dilaté chez les mâles, que ce soit
le premier article ou les suivants. La dilatation du protarse est souvent
indispensable dans la reproduction.
La surface des phanères adhésives étant utilisée pour un meilleur
maintient des mâles sur le dos des femelles.
De ce fait, ce caractère prend une certaine importance taxonomique
(degré de dilatation selon les genres). Ce dernier sera utilisé dans cette
monographie, pour le rapprochement des genres en séries phylétiques.
Figure 20 – 1., Extrémité d’une patte de Trechinae. prt., protibia. – ts., tarse. – 2., Tarse
antérieur mâle et femelle chez Italaphaenops dimaioi Ghidini. – pt., protarse. – ta., tarse.
– eex., éperon externe. – 1 à 5 : numérotation des articles constituant le tarse (le 1er
et le
2ème
sont ici dilatés).
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Les protibias.
Comme pour les protarses, certaines caractéristiques des protibias
seront utilisées dans cette monographie (Fig. 20), pour le groupement
des genres en séries phylétiques.
Effectivement, il apparaît selon les séries déjà bien en place, que les
protibias possèdent plusieurs stades de pubescence. Tantôt glabres et
tantôt pourvus d’une pubescence que Jeannel (1928) qualifiait de
primitive, les protibias peuvent être également sillonnés. Ces sillons
n’auront pas une grande importance en taxonomie.
Ils seront utilisés seulement comme simple indication au niveau du
classement des espèces car pour des genres déjà bien établis par
d’autres caractères, nous observons leur présence ou leur absence. En
outre, dans nos études et essais (non publiés) de phylogénie
informatique (constitution des arbres), ce caractère apparaît comme une
convergence.
Les pièces copulatrices.
Tout d’abord, nous voudrions préciser que ces organes, étant présents
hiérarchiquement au dessus des Carabidae, sous diverses formes
souvent hyperplasiques, il semble évident qu’ils soient très anciens.
Notre interrogation se portera donc plutôt sur leur origine.
De nombreuses dissections opérées sur les édéages des Trechinae et
une analyse poussée de la quasi totalité des diagnoses publiées sur le
sujet (Cf. Tome Bibliographie), nous montre que toutes les pièces
copulatrices, quand elles existent, sont noyées ou liaisonnées au
manteau du sac interne. Ce détail est de la plus haute importance car il
indique que ces parties sont toutes issues d'un même somite ancestral.
Les coupes histologiques de Dupré (1992), nous le confirment chez les
Bathyciinae dont le sac interne est pourtant constitué de pièces
complexes.
Nouvelle monographie des trechinae, V1, Christophe Avon
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  • 2. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 2 Diagnoses étrangères traduites et interprétées par : Christophe Avon (France) Directeur du L.E.F.H.E., Membre de la Société Entomologique de France. Toute reproduction d’un extrait quelconque de cette monographie, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, microfilm, ou scanner est strictement interdite pour tous les pays sans autoristation écrite des Editions du L.E.F.H.E.
  • 3. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 3 Ecrits et dessins1 : Christophe Avon (Directeur) Attachée de direction : Pascale Courtial 1 Dessins d’après spécimens ou diagnoses originales.
  • 4. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 4 En hommage au Professeur René JEANNEL (1879-1965). Le Professeur René JEANNEL (1879-1965) _________________
  • 5. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 5 EVOLUTION ET ETUDE DES TRECHINAE L'évolution des êtres vivants est définie comme l'ensemble des processus par lesquels les organismes se transforment, dans leur structure et leur comportement, au fil des générations, d'ancêtres à descendants. Elle constitue actuellement une notion centrale des sciences biologiques. Largement acceptée dans son principe en Europe, elle reste toujours fortement combattue, pour des raisons religieuses notamment, en Amérique du Nord, en dépit des nombreuses données qui la soutiennent. Outre les preuves obtenues par les expériences de sélection artificielle menées par les biologistes, bon nombre de ces données découlent des travaux paléontologiques et géologiques. Rappelons d'abord que Buffon (d'après l'épaisseur des sédiments et le principe de l'actualisme), Lamarck puis Lyell, ont établi le grand âge de la Terre, condition préalable pour concevoir les processus évolutifs, supposés lents à l'échelle humaine. Ces mêmes chercheurs se sont également intéressés à l’entomologie, qui elle, cherche, étudie et décrit les insectes. Nous expliquerons d'abord comment les données qu'elle fournit contribuent, avec l’étude des coléoptères hypogés et endogés, à l'émergence de l'idée d'évolution de ces êtres, après quoi, nous verrons comment cette discipline peut indiquer des modalités d'évolution, et proposer de nouveaux mécanismes concernant ces processus. Nous en déduirons ensuite « l’échelle des caractères pour servir aux classements » qui sera utilisée dans l’ensemble de cette monographie. Etude des Trechinae et histoire du vivant. L’étude des Trechinae permet avant tout d'établir que des insectes différents ont existé au cours des temps géologiques, donc de décrire une histoire. Cuvier avait constaté que les faunes fossiles différaient des faunes actuelles, mais attribuait cela à des extinctions et créations successives d'espèces, qui restaient ensuite immuables jusqu'à l'extinction suivante. De même, il avait montré l'existence de grands plans d'organisation chez les Vertébrés, Mollusques, Articulés, Zoophytes, qu'il supposait issus de créations séparées. Cependant, l'ordre d'apparition maintenant établi pour les différentes formes vivantes prouve que les formes les plus complexes sont aussi les plus
  • 6. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 6 récentes. Ce constat invalide l'idée d'une création divine initiale des organismes. Lamarck, lui, avait déjà noté que les faunes de mollusques fossiles différaient d'autant plus des faunes actuelles qu'elles étaient anciennes et en avait tiré l'idée de modifications au cours du temps à partir d'un état primitif simple apparu par génération spontanée. De telles créatures simples apparaîtraient continûment pour s'engager alors dans un processus de complexification progressive (la « montée dans l'échelle des êtres »). Or, on constate que l'état unicellulaire est resté la seule forme vivante pendant plusieurs milliards d'années, alors que les épisodes de grandes extinctions ont été suivi quasi aussitôt d'un renouvellement des faunes et des flores sans retour pour autant à un état de complexité inférieur, ce qui rend improbable l'hypothèse de créations successives des organismes par génération spontanée. Néanmoins, l'idée d'évolution apparaît déjà avec Lamarck, même si le mécanisme qu'il imagine, l'hérédité des caractères acquis, a été démenti par la découverte de la génétique mendélienne. Reste l'idée du lien généalogique des êtres vivants (au moins à l'intérieur des grands « types »). C’est ici que l’étude des « faunes cavernicoles » va apporter des arguments avec l’œuvre du Professeur René Jeannel. Oscillant entre lamarckisme et darwinisme, Jeannel montrera pourtant, grâce à ses nombreux travaux systématiques sur les coléoptères « spécialisés » et leurs synthèses dans la première monographie des Trechinae (1928), des filiations étonnantes pour l’époque, mais qui ne sont pas toutes justifiées et vérifiées aujourd’hui. Etude des Trechinae et notion d'homologie. L’étude des Trechinae montre, un peu comme en Paléontologie, que les organismes anciens, comme les actuels, présentent entre eux des structures ressemblantes, plus ou moins marquées, dites homologues, qui : I. Permettent, la plupart du temps, de les classer selon l'organisation hiérarchique définie par Linné. II. Ne sont pas forcément explicables par des nécessités fonctionnelles.
  • 7. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 7 III. Peuvent être altérées et moins visibles chez certaines formes, souvent spécialisées (formes aphaenopsiennes et phasmoïdes1 ), mais que l'anatomie comparée permet de retrouver, en particulier par le principe des connexions d'Etienne Geoffroy Saint-Hilaire : « sont homologues des organes ou structures qui, sur deux organismes différents, présentent les mêmes connexions avec les organes ou structures qui les entourent ». L'existence de ces homologies, s'explique facilement en admettant un ancêtre commun pour les formes qui partagent une même homologie, ancêtre d'autant plus ancien que le nombre d'organismes possédant la même homologie est grand. L'homologie prend alors sa définition darwinienne de structure identique partagée par deux organismes en raison de l'existence d'un ancêtre commun entre eux. Le fait que les organes homologues ne soient pas pour autant strictement identiques (entre autre les pièces copulatrices), implique une histoire propre pour chaque organisme descendant, depuis l'état de l'ancêtre commun, et amène donc la notion de « descendance avec modification », concept de base de la théorie de l'évolution. Dernier apport à la construction de cet édifice théorique : la découverte d'organismes qui sont probablement très proches, de ces « ancêtres communs » hypothétiques. Trechinae, passage des crises, notion et exemple d'exaptation. Les études poussées des épisodes de crises géologiques et biologiques permettent de montrer qu'au sein d'un groupe touché par l'extinction, on peut trouver une ou plusieurs espèces qui surmontent la crise, et qui peuvent être considérées, de par leur morphologie, comme les ancêtres 1 l’habitude est d’utiliser le terme « aphoenopsiennes » pour indiquer la forme de certains Trechinae dits adaptés à l’exterme au milieu cavernicole. Mais depuis peu, après la découverte du Giraffapherenops par Deuve, et étant donné un degré apparamment supérieur d’adaptation au milieu cavernicole, il nous semble bon d’utiliser un autre terme, en l’occurence celui de « phasmoïde », à notre sens assez imagé pour décrire des organismes encore plus grêles et plus allongés que les Aphaenops.
  • 8. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 8 des formes ultérieures, ou de proches parents de ces ancêtres. C'est particulièrement vrai pour les Trechinae. D'après ces données, aucune création de novo n'est à invoquer après le passage d'une crise. Il en va de même avec les « taxons Lazare », des organismes qui paraissent disparaître à la crise, mais que l'on retrouve ensuite au delà, signe qu'ils ont survécu. Ces taxons ont été sans doute conservés dans des milieux refuges ou encore à l’état d’œufs comme chez les Crustacés de l'ancienne sous-classe des Branchiopodes Phyllopodes. Le genre Triops fait partie de l'ordre des Notostracés, ces œufs peuvent se conserver plus de 200 ans. D'autre part, la découverte de nouveaux fossiles d’animaux montre parfois qu'un caractère que l'on supposait propre à un groupe d'organismes (caractère diagnostic), et qui paraissait constituer pour lui une « adaptation clé » (c'est à dire qui aurait assuré son succès dans la compétition écologique par occupation d'une niche nouvelle) se rencontre chez des organismes plus anciens, que d'autres caractères excluent du groupe précédent (cas de l’existence des pièces copulatrices dans d’autres familles). Ceci apporte une illustration supplémentaire à l'existence de liens de parenté entre des organismes qui, dans la nature actuelle, paraissent très différents, donc à l'Evolution. Il permet de concevoir plus facilement comment l'Evolution peut rendre compte de l'existence d'organes très complexes. Le cas d'école étant l'œil des Vertébrés ou des Céphalopodes, on conçoit mieux l'existence d'états plus simples pour ces organes si ceux-ci n'avaient pas forcément pour fonction de voir. Il constitue un premier exemple de mécanisme évolutif proposé par l’étude des Trechinae : une structure remplissant une fonction (= adaptée) chez certains organismes, est utilisée dans une fonction différente ou non utilisée par leurs descendants. Ce phénomène de changement de fonction au cours de l'Evolution est appelé exaptation. A notre sens, le cas des pièces copulatrices, celui de certaines soies ainsi que la physogastrie, en sont des exemples flagrants. Ce que l'étude des Trechinae montre de l’évolution.
  • 9. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 9 Il faut d'abord souligner que l'atout principal dans l’étude des Trechinae est d'examiner l'Evolution dans son déroulement sur des durées géologiques, dans des isolats et diverses niches écologiques particulières, qui n'ont rien à voir avec les durées des expériences biologiques de spéciation et de sélection artificielle menées en laboratoire. Outre l'exaptation mentionnée plus haut, nous présenterons dans les paragraphes suivants, plusieurs modalités évolutives mises à jour initialement par les Taxonomistes qui demandent désormais à être confrontés aux données ou aux propositions d'explications d'autres disciplines, comme l'Ecologie et la Biologie du développement, la Cladistique, la Génétique etc. qui n’ont presque jamais été traitées chez ces organismes, ainsi que les études géonémiques globales que nous entreprenons au laboratoire L. E. F. H. E. La spéciation et ses rythmes : les radiations adaptatives. Contrairement à la paléontologie, l’entomologie spécialisée dans l’étude des insectes hypogés et endogés peut expliquer les spéciations dans leurs mécanismes, justement parce que sa résolution temporelle est moins faible. Pourtant, l'abondance de certains groupes d’organismes fossiles dans les sédiments et au cours du temps montre d'importantes variations de diversité, avec des périodes d'extinctions de grande ampleur, attribuables grâce à d'autres données, à des événements de modifications rapides du milieu, qui impliquent des épisodes de spéciation intensive sur des durées brèves. Pour illustrer ce point, on peut prendre la radiation des Mammifères, après la crise Crétacé/Tertiaire. Ce phénomène, nommé radiation adaptative, est interprété comme suit : l'apparition de niches écologiques vacantes permet à un groupe de s'y installer et de se spécialiser dans chacune d'entre elles. Cette spécialisation s'effectue par des modifications morphologiques importantes qui apparaissent rapidement. La paléontologie propose deux explications à l'invasion de niches écologiques nouvelles : soit la libération de ces niches par leurs occupants précédents, touchés par une extinction, soit l'acquisition, par
  • 10. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 10 l'ancêtre du groupe considéré, d'une adaptation clé, qui lui ouvre la capacité d’occuper des niches nouvelles et libres. Comme elle, l’étude des faunes cavernicoles (souvent encore appelées à tort « fossiles vivants » puisque certainement agées de moins de 6 Ma) prouve que l'évolution s'effectue à des vitesses variables en fonction de l'état du milieu. Elle est aussi à même de montrer les modifications du milieu qui ont eu lieu dans le passé et de proposer des corrélations entre ces changements et ceux des organismes. Elle documente également l'évolution « de fond », c'est à dire la divergence des organismes au cours du temps en dehors des épisodes de grand bouleversement de la biosphère. Les deux modes d'évolution : anagenèse et équilibres ponctués. Le mécanisme d'anagenèse, le premier conceptualisé et documenté, consiste simplement en une modification graduelle d'une espèce, sur toute son aire de répartition. En conséquence, la notion d'espèce est malaisée à appliquer ici, puisque le passage d'une forme extrême à l'autre s'effectue par une série continue de transitions allopatriques (espèces naissantes ou sénescentes). Second mécanisme, d'illustration bien plus récente (Eldredge et Gould, 1977) est celui des équilibres ponctués. Ce mode d'évolution suppose que les phénomènes de spéciation s'effectuent quasi instantanément à l'échelle géologique et sont suivis d'une stase, autrement dit d’une durée importante pendant laquelle l'espèce ne présente pas de modifications (en tout cas concernant les aspects extérieurs, les seuls visibles sur les « vrais fossiles »). L'existence de cette modalité évolutive est bien établie. Les critiques de cette théorie portent essentiellement sur le mécanisme explicatif proposé par ses inventeurs, à savoir la spéciation allopatrique d'une petite population séparée de la population initiale, qui, après avoir acquis un avantage évolutif, va remplacer la population ancestrale. Les données paléontologiques plus récentes, et les travaux d'écologie sur les espèces actuelles, montrent que les petites populations évoluant en isolats se révèlent moins compétitives face aux populations de plus grande taille (populations homogénéisantes, Avon 1997).
  • 11. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 11 Ici, la paléontologie ne fait que montrer la modalité évolutive et proposer des explications. Elle ne peut prouver tous les mécanismes présentés. L’évolution a donc impérativement besoin des études de notre discipline. Ainsi, l'étude des Trechinae est par essence une science entomologique descriptive, dont on a cependant illustré ici la puissance et la nécessité pour argumenter la théorie de l’Evolution, dans son principe d'abord, dans ses modes d'action ensuite. Elle ne peut qu'apporter du grain à moudre aux biologistes de l’Evolution et des arguments pour ou contre les hypothèses qu'ils proposent, en particulier en leur fournissant la dimension temporelle que l’étude d’autres organismes vivant actuellement ne donnent pas. Elle pourra calibrer par exemple les hypothèses de divergence entre groupes d'organismes obtenues par les généticiens à partir de l'établissement « d'horloges moléculaires ». En fait, elle fournit une estimation de date pour une séparation donnée entre deux lignées, date à partir de laquelle le généticien établit une horloge moléculaire, qu'il va chercher à utiliser pour d'autres paires de groupes d'êtres vivants, dont la divergence est moins bien documentée. De plus, elle illustre la diversité de la vie présente et passée de ces organismes, qui se révèle parfois bien plus complexe que ce qui était auparavant perçu, ainsi que le chemin tortueux suivi par « le Code de la Nature » pour fournir l'état que nous observons aujourd’hui. Etablir des relations de parenté à partir de données morphologiques. « Rien n'a de sens en biologie si ce n'est à la lumière de l'évolution.». Cet adage célèbre de Théodosius Dobzhansky prend encore plus de valeur quand on se rend compte à quel point la notion d'évolution a été difficile à faire émerger. En effet, au XVIIIème siècle, de nombreuses idées fausses, comme le créationnisme, l'échelle des êtres, les métamorphoses et la génération spontanée, empêchaient la constitution d'une biologie cohérente.
  • 12. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 12 Pas à pas, principalement par la réfutation de ces dernières théories, un environnement propice à l'apparition du transformisme s'est constitué. Avec Charles Darwin, au milieu du XIXème siècle, un cadre théorique cohérent se met en place à partir des deux concepts clés que sont la descendance avec modification et la sélection naturelle. Mais il faudra attendre presque un demi-siècle pour que la génétique puisse asseoir une théorie que l'on baptisera « Théorie Synthétique » à l'aube de la seconde guerre mondiale. Ce nouveau cadre conceptuel va connaître diverses révolutions qui vont susciter de vastes discussions, parfois houleuses. Avec la Cladistique, la classification se trouve bouleversée ; le gradualisme est remis en cause par le concept des équilibres ponctués que nous avons vu plus haut et le renouveau du catastrophisme en paléontologie ; l'accès au génome permet de mieux comprendre ce qu'est la nouveauté génétique, en particulier au niveau des gènes du développement ; on se rend compte que la sélection ne joue pas sur tous les caractères. C'est donc une notion de l'évolution, complexe mais cohérente, qui émerge à la fin du XXème siècle. Les implications philosophiques sont importantes. Mais peut-être l'une des idées les plus fortes consiste-t-elle à comprendre que l'originalité géologique de la planète Terre est continuellement sous la dépendance du vivant, constituée par une foule d’êtres liés par des relations de parenté. Dans l’étude des données morphologiques, nous pouvons retrouver ces liaisons et donc construire l'histoire évolutive (la phylogénie) d'un groupe d'êtres vivants en rapprochant leurs homologies. A notre connaissance, peu d’études génétiques sérieuses (une ou deux), ont été réalisées sur les Trechinae. Elles restent pourtant les seules à pouvoir définir précisément l’histoire évolutive et la phylogénie de ces groupes d’insectes. Au laboratoire, nous nous dirigeons aujourd’hui essentiellement vers de telles recherches qui demandent encore un matériel lourd et coûteux. Malgré ceci, nous espérons, dans l’avenir, vous présenter de « vrais » arbres phylogéniques justes et cohérents, ainsi que de véritables ensembles phylétiques. Hormis l’utilisation de la génétique pour définir les relations de parenté, deux approches restent
  • 13. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 13 toujours possibles mais relativement houleuses dans l’étude des parentés : La Phénétique : permet de reconstruire un arbre évolutif en utilisant les ressemblances globales, les homologies et les convergences étant traitées à partir d’un maximum de données et d’états de caractères. La Cladistique : mise au point dans les années cinquante, étudie les caractères qui permettent de comparer les différents êtres vivants envisagés dans leur état primitif comme l’agrégation des fouets ombiliqués ou évolué comme leur désagrégation. L’Agrégation et la désagrégation constituant deux aspects du caractère « soies sensitives ombiliquées » l'état évolué étant apprécié par son état historique. Nous parlerons alors de notion de clade. Un clade, ou groupe monophylétique, comprend donc un ensemble d'êtres vivants et leur ancêtre commun ; tous ces organismes partagent en exclusivité une même nouveauté évolutive (nouveau caractère ou état évolué d'un caractère). Les clades peuvent alors être indépendamment, des ensembles de genres, de sous-genres, de lignées de groupes ou d’espèces. Les sous-espèces étant dans la plupart des cas traitées par les études de morphologie comparative. La méthode cladistique est ainsi basée sur une notion d'homologie. On pourra donc établir des relations de parenté, mais seulement sur la base du partage des états évolués des caractères. Lorsqu'une nouveauté évolutive apparaît chez un organisme, elle est transmise à tous ses descendants. On peut donc tenir le raisonnement suivant : lorsque plusieurs êtres vivants partagent une même nouveauté évolutive (homologie), ils l'ont héritée d'un même ancêtre, qui leur est propre (ancêtre commun), chez qui cette nouveauté est apparue. Pour appliquer correctement la méthode cladistique chez les Trechinae, il faut donc identifier les différents états d'un caractère, et distinguer l'état primitif de son état évolué.
  • 14. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 14 Nous n’avons pas voulu utiliser la cladistique et la phénétique en vu de construire des arbres phylogéniques dans cette monographie. Effectivement, les résultats de certains auteurs qui s’y sont risqués, donnent des arbres totalement incohérents à partir de comparaisons de caractères mal interprétés, souvent trop nombreux ou sans réelle valeur taxonomique (poils divers et variés, chétotaxie de la tête utilisée pour les genres et non les sous-genres, état de la mandibule droite etc.), en particulier pour les Trechinae du Caucase et de la Crimée. Nous préférons donc travailler sur la génétique qui nous donnera, nous l’espérons, de meilleurs résultats dans le futur. Note particulière sur les analogies. Les analogies sont essentiellement dues à des phénomènes de convergence de forme, liées aux adaptations au milieu physique et biologique. Les organes analogues ne sont donc pas hérités d'un même ancêtre commun. De ce fait, ils ne traduisent pas de relations de parenté. L'analogie est mise en évidence par application du principe de parcimonie : si la prise en compte d'un état d'un caractère amène à construire un arbre moins parcimonieux que celui que l'on a obtenu en prenant en compte l'ensemble des autres caractères, c'est que cet état ne constitue pas une homologie mais qu'il s'agit bien d'une analogie due à une convergence de formes (ex : aphaenopsiennes aux deux pôles de la planète), ou à un phénomène de « régression » (anophtalmie, aptérisme). Que ce soit dans les études de morphologie comparée ou en génétique, il faudra donc utiliser seulement les caractères qui semblent partagés et hérités d’un ancêtre commun. Les homoplasies, caractères partagés par hasard que sont les caractères secondaires ainsi que les régressions constitueraient un bruit qui perturberait la construction des arbres. Malgré nos interrogations sur la justesse des groupements obtenus en morphologie comparée, donc hormis d’éventuelles études génétiques, nous nous sommes efforcés de rechercher, chez l’ensemble des Trechinae, la valeur taxonomique qui nous semble la plus juste concernant leurs caractères, afin de conserver une base bien connue et classique d’étude, habituellement pratiquées chez ces groupes d’espèces. Nous en retrouverons le détail dans le chapitre suivant. Nous préciserons également que l’ensemble de nos écrits ne prendra pas tout
  • 15. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 15 de suite en compte les rapprochements en séries phylétiques. Un tome spécifique est en cours de rédaction à cet effet et sera édité avec les tomes contenant les études géonémiques. ———————
  • 16. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 16 LA VALEUR TAXONOMIQUE DES CARACTERES CHEZ LES TRECHINAE Etude du caractère « anophtalmie ». Si l’on adhère aux règles « Jeanneliennes » affirmant que le caractère « anophtalme » est le strict résultat d’une adaptation au milieu cavernicole, on se heurte à un problème : ce caractère ne paraît pas indispensable à la survie de l’espèce. Nous savons que chez ces insectes, tous les anophtalmes ont développé des organes qui compensent le sens de la vue. Ainsi, certaines soies (Fig. 8), utilisées communément dans les classements taxonomiques, peuvent compenser plusieurs autres sens. Ici se trouve une véritable adaptation. L'Adaptationnisme, a été beaucoup discuté mais le mot « adaptation » peut être compris ou interprété différemment selon les auteurs et peut être appliqué à divers niveaux non concordants. De ce fait, les discussions lui étant inhérentes s'en trouvent quelquefois remises en question. Ainsi et dans le cas qui nous intéresse, nous ne croyons pas qu’un insecte soit bien adapté au milieu hypogé parce qu’il est aveugle ou anophtalme (Fig. 1) mais simplement parce qu’il a développé des organes compensatoires. Nous expliquerons dans un premier temps le problème de l'anophtalmie engendrée dans les milieux strictement dépourvus de lumière. Comme nous allons le montrer, ces phénomènes de régression oculaire ne s'intègrent pas dans la sélection directe de ce caractère ni dans une adaptation telle que nous l’interprétons aujourd’hui. Tout commence par une question simple : pourquoi les hypogés ont-ils « perdus » leurs yeux ?. En posant cette question à notre entourage, qu'il soit scientifique ou non, nous obtenons toujours la même réponse : ils ont perdu leurs yeux parce qu'ils n'en avaient plus l'utilité en milieu obscur. Cette réponse de tendance tautologique reste bien évidemment facile et n'explique pas grand chose. Beaucoup de grands hommes ont pourtant discuté de ce problème : « Les organes rudimentaires, dit Darwin, < ... > étant inutiles, et non réglés par la sélection naturelle, < ... > se trouvent par ce fait plus sujet aux effets de retour » < ... > « Le défaut d'usage réduit certaines parties du corps. » (Variations, 1, 237). Geoffroy St Hilaire
  • 17. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 17 explique qu’ « Un organe est plutôt altéré, atrophié, anéanti que transposé » (Philosophie anatomique). Bien que certains discours évolutionnistes soient construits sur des bases Lamarckiennes permettant pour l'instant de combler quelques lacunes du Darwinisme (surtout en entomologie), il semble que ceux de Jeannel, pour expliquer l'évolution des insectes vers l'anophtalmie soient des moins probables. Il est d'autant plus surprenant qu'il n'ait pas tenu compte des nombreux articles de l'Héritier et Teissier (Cf. Bibliographie) publiés entre 1933 et 1937 dans les Comptes-rendus de l'Académie des Sciences où il écrivait aussi à cette époque. Un bon nombre de ces notes traite de la sélection des Drosophiles anophtalmes dans des études génétiques de populations. Nous montrerons ici quelques extraits de l’œuvre de Jeannel où il s'implique largement dans le Lamarckisme. Pour lui, la disparition des yeux n'est que le résultat du non-usage. « Dans le milieu souterrain, dit-il, sous l'effet de non-usage et du ralentissement du métabolisme < ... > la rudimentation du moignon d'aile s'est poursuivie très lentement... » (Les Fossiles vivants des cavernes, 1943). « Lorsque les espèces ont pénétré sous terre, poussées par les vicissitudes climatiques, alors par suite du non-usage, l'atrophie a porté d'une façon déréglée sur tout ce qui restait de l’œil amoindri dans les biotopes forestiers. < ... > C'est là, assurément un effet du principe Lamarckien de l'usage et du non-usage. L’œil qui ne fonctionne plus a disparu, celui qui fonctionne s'est développé. < ... >. L'usage des ommatidies antérieures, dans l'éclairement réduit des biotopes, entretient leur intégrité, alors que le non-usage des ommatidies postérieures précipite leur atrophie. < ... > Leurs yeux ont été maintenus et développés par l'usage. < ... > Tant que les espèces subissant une évolution souterraine ont vécu dans les biotopes éclairés, l'atrophie des yeux a été dirigée par l'usage et le non-usage ». (Anophtalmie et cécité chez les coléoptères souterrains, Notes Biosp. 1954).
  • 18. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 18 Figure 1 : Différents stades d’oblitération de l’œil chez le genre Duvalius Delarouzée, avec leurs coupes de profil. De ces auteurs, seul Darwin emploie le terme de « non-réglés par la sélection naturelle ». De ces mots, il paraît déborder dans le Lamarckisme. La sélection naturelle n'agirait pas dans le cas où les organes sont inutiles. Mais l'esprit général de son œuvre nous laisse croire qu'il parle seulement ici d’espèces délaissées, des moins optimums, des non sélectionnées. Elles s'intègrent finalement dans la sélection naturelle car cette dernière conserve l'optimum mais en même temps délaisse aussi les « inaptes ». Ainsi, quand Darwin écrit « le défaut d'usage réduit certaines parties du corps », il ne semble pas, qu'à l'instar de Jeannel, il se rapproche du Lamarckisme. Il avait constaté que si les organes « inutiles », ou plutôt non optimums n'étaient pas sélectionnés, ils disparaîtraient, mais ses observations se sont toutes déroulées dans des milieux où les valeurs sélectives sont hautes, ce qui est moins probable concernant l'anophtalmie dans les milieux strictement obscurs. Effectivement, au fur et à mesure du processus d'inféodation au milieu souterrain, un certain nombre d’évènements inhabituels vont intervenir dans l’adaptation des espèces à leur nouvelle vie.
  • 19. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 19 Dan un premier temps, nous considèrerons les mutations exercées sur le sens de la vue lors du passage en milieu endogé / hypogé. Dans un deuxième temps nous envisagerons leur mode de sélection. Causes probables de mutations. Nous connaissons aujourd’hui quatre causes qui pourraient engendrer la disparition des yeux. Elles sont différenciées essentiellement par la manière d'obtenir un bouleversement dans le génome. Tantôt en raison d'une mutation des gènes responsables de la constitution hiérarchique de l’œil et tantôt en raison d'une duplication d'une partie d'un chromosome supportant ce ou ces mêmes gènes, probablement agencées par les conditions mutagènes du milieu (baisse de l'hygrométrie, hausse brutale des températures, périodes glaciaires ou interglaciaires etc.). Ces causes, où les résultats sont presque identiques, donnent l'anophtalmie totale ou partielle chez la Drosophile et quelquefois même des co-modifications avec le développement des soies et l’atrophie des ailes (2ème cause). 1ère Cause : Nous avions déjà cité, Avon (1997), les travaux de W.J. Gehring de l'Université de Bâle en Suisse, concernant le gène responsable de la hiérarchie de l’œil. Ils indiquent que sa genèse, chez tous les animaux, est contrôlée par un gène maître. Ce gène fait partie d'une catégorie spéciale, son produit contrôle la transcription, la lecture d'autres gènes. C'est un gène régulateur. Il est situé au sommet d'un édifice génétique d'où il maîtrise un ensemble de gènes cibles d’un niveau inférieur dans la hiérarchie, Gehring (1995). Chez la Drosophile, la mutation du gène « ey » provoque l'absence des yeux ou la formation des yeux plus petits. Ce gène contrôle toute la chaîne d'événements nécessaire au développement de l’œil chez elle mais également chez la souris, gène Pax6. Les yeux réduits d'une mouche « Eyeless » ressemblent de ce fait à s'y méprendre aux yeux atrophiés des insectes cavernicoles : (Fig. 2) : œil bridé, cicatrice, auréole, résidus de cellules sensibles de l’œil normal etc. Nous mettrons également en évidence ici un fait remarquable : grâce à la forme bridée de leurs yeux résiduels, le redressement de la tête qui s'est produit dans la genèse des coléoptères carabiques, est montré. Dans la figure 2-3, la mouche a l’œil bridé
  • 20. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 20 horizontalement, l'orifice buccal est vertical (orthognathe). Dans la figure 2-4, le Duvalius a l’œil bridé verticalement l'orifice buccal est devenu horizontal (prognathe) (voir l’axe sur la figure 2-3). 2ème Cause : Elle paraît être la plus intéressante. Ce sont les duplications « Bar » (gène BH2) chez la Drosophile (Fig. 3-2). Au départ, elles furent considérées comme des mutations ponctuelles. Elles s'avèrent bien être aujourd'hui des duplications de faible amplitude et viables qui peuvent jouer un rôle certain dans l'évolution et du même coup dans l'adaptation. Ces duplications se manifestent sur le phénotype, par une forte diminution des facettes des yeux tels qu'ils apparaissent chez la mouche « Eyeless » comme chez les insectes cavernicoles aux yeux déprimés. De ce fait, la partie du chromosome intéressé (X-16 A1 chez la Drosophile) agit sur l'ensemble hiérarchique du gène et induit les mêmes modifications que « Eyeless » (gène ey) précédemment cité. Un fait intéressant se remarque également sur 3 des 6 allèles de BH2 : la manifestation sur le phénotype de la Drosophile n’est pas seulement exprimée sur les yeux (allèles B-H2 ScerUAS.CSA ) mais également sur les ailes (allèle B-H2hs.PH ) ainsi que sur les sensilles trichoïdes. 3ème Cause : C'est la mutation génique fortuite. En réalité, les molécules d’ADN subissent en permanence, même lorsque les conditions sont optimales, de nombreuses altérations (erreurs de copie de l'ADN non rectifiées). Ainsi, strictement par hasard, le gène ou les gènes responsables de la constitution des yeux et le complexe mécanisme d'induction (développement de diverses parties de l’œil coordonné par leurs interactions respectives et permanentes) qui intervient, ont pu muter. C'est ici la cause la moins probable car les changements physico-chimiques du milieu et leurs caractères mutagènes ne manquent pas pour engendrer des mutations et priment en probabilité par rapport aux changements simplement fortuits dans le cas d'un passage du milieu épigé vers un milieu hypogé. 4ème Cause : Nous l’avons trouvé dans les travaux de Suzanne Rutherford et Susan Lindquist du Howard Hughes Medical Institute (Université de Chicago, Etats-Unis, rapport publié dans la revue « Nature » daté du 26 novembre 1998 et traduit dans « Le Monde » le
  • 21. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 21 11 décembre 1998). « Elles exposent ce qui pourrait constituer la première preuve de l'intervention explicite d'un mécanisme moléculaire dans l'évolution ». Lors de crises environnementales comme les glaciations rapides ou les interglaciaires, une protéine : HSP90 (chez la Drosophile) qui appartient à la famille des « heatshock protein » ou HSP, protéines du choc thermique, peut déclencher tout un ensemble de nouvelles mutations (dont l'anophtalmie partielle ou totale) sous l'effet d'un stress (chaleur, manque d'oxygène, réactions chimiques etc.). Les espèces restent viables et fertiles chez les Drosophiles. Ainsi, plus l'étendue de ces variations est importante, plus grandissent les chances que l'une des espèces soit mieux « adaptées » dans un environnement qui change. HSP90 accompagne et protège tout un assortiment de protéines instables (impliquées dans des processus liés à la division cellulaire). Après un stress intense, HSP90 n'assure plus cette protection et libère d'emblée un ensemble de mutations qui pourraient permettre à l'évolution de travailler plus vite et plus efficacement. Ces constatations pourront certainement apporter des compléments à la « Théorie des équilibres ponctués » de Stephen Jay Gould et pourront expliquer également la préadaptation que l'on suppose chez les insectes devenus hypogés. Mode de sélection sur les caractères dits « régressifs ». Quelle que soit la cause énoncée ci-dessus, il semble que le caractère d'anophtalmie n'a pas pu être directement sélectionné car le futur hypogé, n'est pas directement favorisé ou avantagé quand il est aveugle dans un milieu obscur. Ceci soulève donc un immense problème : ce n'est donc pas important pour la survie du cavernicole que d'être aveugle ! Ainsi les principes de la sélection naturelle ne paraissent pas être appliqués directement sur ce caractère. Comment pourrait-on effectivement affirmer qu'un insecte anophtalme et de ce fait aveugle peut être plus apte à survivre que celui oculé s'il vit dans l'obscurité totale ? Rien ne semble empêcher un être oculé et le restant à demeure, de vivre dans un milieu souterrain donc strictement obscur, du moins aussi bien que s'il était anophtalme. Ainsi le caractère d'anophtalmie, qu'il soit fortuit ou non, ne semble pas être sélectionné. Nous constatons ainsi que certains organismes ne le présentant pas, sont tout autant
  • 22. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 22 capables de survivre. Plusieurs solutions sont alors susceptibles de répondre au même défi du milieu. Des « adaptations » très diverses sont ainsi possibles. Le fait que l’insecte se trouve dans un milieu obscur entraîne la création d’organes compensatoires. A partir du moment où ils developpent les organes compensatoires la selection ne se fait plus sur le sens de la vue. Ainsi dans une compétitivité intraspécifique, l'individu anophtalme compense sa cécité par de nouveaux organes pendant que celui resté oculé est « retenu » dans la limite de la clarté comme dans l’expérience sur les Drosophiles du chapitre suivant réalisé uniquement sur le caractère « aptérisme ». La compétition ne se fait donc pas directement entre les formes oculées et anophtalmes mais entre celles restées oculées et celles ayant développé des organes compensatoires. Ces derniers devenant les optimums à court ou à longs termes. L'optimum est donc l'espèce anophtalme ayant développé des organes compensatoires. L’adaptation dans son sens actif et évolutif correspond à un changement permettant à une population ou à un individu, de vivre dans un milieu où cela ne leur était pas possible auparavant. De ce fait, les espèces anophtalmes que l’on qualifiait, par ce caractère exceptionnel, d’adaptées à l’obscurité, ne répondent pas à cette définition. Ici l’anophtalmie ne permet pas à l’insecte de vivre mieux dans son milieu ; seuls ses organes compensatoires le font. Qu'elles supportent l'un ou l'autre des deux types (anophtalme ou oculé), ces espèces ne rentreront pas en compétition en absence stricte de lumière. Elles ne seront donc pas directement sélectionnées. Un équilibre se créait ainsi où la sélection naturelle n'intervient pas avant l’apparition des organes compensatoires. Le milieu strictement obscur neutralise la sélection sur le sens de la vue. L'image actuelle que l'on a de l'adaptation est donc fausse dans le cas d'un tel type de milieu. Le fait d'interpréter la régression progressive des yeux comme étant liée à une adaptation directe des individus à leur milieu obscur semble donc obsolète. Ici le contexte anophtalmie / obscurité est trompeur. Le terme : « degré avancé d'évolution souterraine », largement utilisé par Jeannel et bien d'autres auteurs pour qualifier les anophtalmes, devient de ce fait inutilisable pour ce caractère sorti du contexte anophtalmie / organes compensatoires. En résumé, nous pouvons dire que dans un environnement strictement obscur, où les individus d'une
  • 23. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 23 même espèce ne rentrent pas en compétition, bien que certains de leurs caractères passent par des « opposés » (oculés / anophtalmes), ils transmettent majoritairement la forme déprimée de leurs caractères. Car, qu'elle qu'en soit la forme, ils restent d’une valeur sélective neutre dans ce milieu. Ils sont ainsi ni sélectionnés ni adaptés jusqu'au moment où ils développent des organes compensatoires. Ainsi fait, ils augmentent leur compétitivité par rapport à ceux ne possédant pas ces organes. L'obscurité n’induit pas d'optimums pour les yeux. Anophtalmes ou oculés, peu importe, ils ont chacun une valeur sélective égale. Seulement, les oculés seront, par ce caractère, retenus dans le domaine épigé, créant ainsi une séparation en deux types de populations. Les épigés, resteront à l’extérieur (ex : Trechinae oculés des Alpes de Transylvanie ou d’Asie) ou s’éteindront. Les anophtalmes transmettront leur cécité sous terre grâce à l'apparition d'organes compensatoires qui favoriseront leur sélection. Finalement, le milieu strictement obscur, ne contribue pas seulement au résultat de non-compétition intraspécifique pour l’anophtalmie, il est le régisseur du phénomène observé. Ainsi, ces espèces ne devraient pas être considérées comme adaptées au milieu hypogé parce qu’elles sont anophtalmes, mais seulement parce qu’elles ont développé des organes compensatoires. Une sélection directe paraît de ce fait comme virtuelle. Ceci expliquera la difficulté que nous rencontrons pour utiliser ces caractères en Taxonomie. A l’opposé, nous constatons que la haute valeur de la chétotaxie dans le positionnement des Trechinae, s’explique par le fait que les fouets de la série ombiliquée sont eux, réellement sélectionnés. Ils font certainement partie des organes compensatoires. Ces études nous amènent à penser que la valeur taxonomique d’un caractère semble dépendre de la nature de sa sélection. Dans la nature, la sélection naturelle ne suit pas un sens déterminé. Elle est constamment redirigée selon les facteurs physico- chimiques du milieu, ce qui lui donne un aspect désordonné. Ainsi, son mécanisme reste toujours le même mais le hasard des circonstances agit sur les caractères dans des sens différents.
  • 24. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 24 Figure 2 – 1. Yeux de Drosophile après une duplication « Bar ». 2. Après réversion « Bar-Ultrabar ». 3. Après mutation Eyeless, le gène contrôlant toute la chaîne d'événement nécessaire au développement de l’œil (d'après photo de W. J. Gehring). 4. Régression oculaire chez le genre Duvalius Delarouzée. La ressemblance et remarquable. L'orientation de l’œil bridé nous renseigne sur le redressement de la tête au court de l'évolution (prognathe). Le schéma, dans son ensemble, montre ainsi des directions diverses et variées et bien souvent difficiles à comprendre. La pratique de la sélection artificielle, qui existait bien avant Darwin et qui l’inspira dans sa théorie, donne à l’homme le pouvoir de diriger, de sélectionner lui- même les reproducteurs les plus performants. Le mécanisme ne change guère dans notre cas. L’inféodation au milieu souterrain, pour aboutir à l’anophtalmie, semble opérer de même. Les liaisons intimes qui existent entre le sens de la vue et l’obscurité, forcent la sélection à ignorer ces caractères. Nous retrouvons donc une sélection forcée sur les organes compensatoires. Elle n’est donc pas « classiquement naturelle » et progressive sur le sens de la vue. Ainsi, si les espèces hypogées et endogées ont survécu aux bouleversements climatiques, c’est peut-être que leur inféodation n’a pas été ce qui semble une barrière infranchissable. Il semble, bien au contraire, qu’il s’agisse bien là d’une sélection forcée, accélérée et dirigée dans ce remarquable milieu.
  • 25. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 25 Figure 3 – Partie du chromosome de Drosophila melanogaster. - 1., Etat normal. - 2., duplication « Bar ». Le caractère « aptérisme ». Le schéma évolutif concernant l’aptérisme des coléoptères cavernicoles ressemble beaucoup à celui de l’anophtalmie. Comme lui, il y a « régression » du caractère par des mutations diverses. Nous retiendrons dans ce cas la 2ème cause du chapitre précédent seule entraînant une modification simultanée des deux caractères dans les mêmes circonstances et dans les mêmes limites. Ici l’environnement strictement obscur, qui neutralisait la sélection sur l’anophtalmie, est remplacé par l’environnement restreint pour l’aptérisme. Ainsi, nous pouvons dire, comme pour le caractère d’anophtalmie, que dans un environnement exceptionnellement réduit, où les individus d’une même espèce ne rentrent pas en compétition bien que certains de leurs caractères passent par des opposés (ailés / aptères), ils transmettent majoritairement la forme déprimée de leur caractère, car qu’elle qu’en soit la forme, ils restent d’une valeur sélective neutre dans ce milieu. Le changement qui a son importance, est qu’il n’y a pas ici d’organes compensatoires qui vont augmenter la compétitivité au sein de la population. Le mécanisme est plus simple, plus direct, plus rapide et
  • 26. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 26 totalement automatique, comme dans l’expérience bien connue que nous allons reprendre ci-dessous. En 1937, L'Héritier, Neefs & Teissier publient une expérience particulièrement originale et aujourd’hui très connue : il s'agit de confronter une hypothèse émise par Darwin, dans l'Origine des Espèces, à la réalité de l'expérience. Ce dernier propose comme explication possible à la présence d'insectes aptères sur les différentes îles, le fait que ces derniers, incapables de voler, ne sont pas emportés par le vent contrairement aux insectes doués pour le vol. L'expérience consiste donc à exposer une population mixte de Drosophiles à cet élément naturel. La population comprend des individus normaux (ailés) et des individus portant le caractère vestigial (qui se manifeste par une atrophie des ailes, ces individus sont alors incapables de voler). « Dans cette expérience la population dispose d'une nourriture nécessaire et suffisante pour son développement (la concurrence pour l'aliment est donc supprimée) et, seul le vent peut jouer le rôle de facteur sélectif. La proportion des mouches vestigiales progresse alors rapidement. Si l'éclosion des premiers imagos rétablit un équilibre en faveur des mouches ailés, on assiste ensuite à une évolution de la population similaire à celle constatée précédemment ; les mouches aptères deviennent progressivement majoritaires (on compte 67 % de celles-ci au 38ème jour) ». Une contre-épreuve de l'expérience principale (1937) est également présentée : la même population est alors placée dans des conditions d'élevage différente. En fait, l'influence sélective du vent est supprimée.
  • 27. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 27 Figure 4 – Types d’ailes chez les Trechinae. – 1., Type macroptère : Trechus quadristriatus Schrank. – 2., Type brachyptère réduit : Trechus obtusus Er. – 3., Type brachyptère : Trechus rufulus Dej. – 4., Vestige alaire (moignon) : Aphaenops cerberus Dieck. – 5., Type brachyptère : Paratrechus (s. str.) tepoztlanensis Bolivar ; tcr., tronc costo-radial. On assiste alors à une évolution inverse et les mouches aptères ne représentent plus que 32 % après 15 jours dans ces nouvelles conditions. Les trois auteurs peuvent ainsi terminer leur communication. « Il nous semble légitime de conclure des faits que nous venons de rapporter que l'hypothèse de Darwin est entièrement justifiée par l'expérience. La sélection naturelle n'a pas nécessairement, comme on le croit en général à l'heure actuelle, un rôle conservateur. Si le plus souvent elle se borne à supprimer les faibles et les anormaux et maintient ainsi la stabilité de l'espèce, elle peut également favoriser certaines anomalies que des circonstances particulières rendent avantageuses. L'aptérisme des insectes que leur habitat expose au vent marin est une infirmité utile et l'on conçoit que, si le hasard des mutations l'a fait apparaître dans certaines espèces, le jeu de la sélection l'y ait maintenue. » L'Héritier, Neefs & Teissier (1937). Il suffit donc que les caractères en question soient non indispensables dans leur milieu (car sinon il y aurait eu extinction de l'espèce) et majoritaires par
  • 28. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 28 suppression de la compétition intraspécifique. C'est ainsi que le remplacement d'une souche sauvage de Drosophile par une souche mutante, peut conduire à l'élimination d'une forme ailée au profit d'une autre aptère. Chez les Trechinae qui nous intéressent, un équilibre se créait dans leurs biotopes restreints où les nombreux facteurs externes ne jouent plus. Les mutations diverses sur les ailes, induisent des formes régressives à divers degrés (macroptères, brachyptères, aptères, Fig. 4), viables et reproductibles. L'équilibre se créait seulement dans ces micro-espaces en absence de compétition entre individus. Il s’agit bien ici du même mécanisme que pour l’anophtalmie ou du moins en partie. Il y a non compétition intraspécifique et l’équilibre est toujours respecté. Seulement, la sélection n’agit pas ici sur d’éventuels organes compensatoires. Elle se fait directement sur les individus comme dans l’expérience sur les Drosophiles aptères. Les ailés, macroptères ou brachyptères, sont « retenus » dans le domaine ouvert pendant que les aptères, s’inféodent, poussés par la pression sélective d’autres caractères déjà acquis. En général, nous pouvons encore observer dans la nature des espèces chez les Trechinae, ailés et à peine endogés et tous les intermédiaires comme le Trechus quadristriatus qui est macroptère et jamais cavernicole, des espèces brachyptères à ailes réduites au tronc costo- radial qui sont endogées et les espèces aptères qui vivent dans le milieu du sol superficiel, dans les entrées ou à l’intérieur des grottes. Chez les espèces anophtalmes, les variations de la taille des yeux sont peu perceptibles au sein d’une même espèce. Chez les espèces aptères, les variations du degré de disparition des ailes peuvent se rencontrer encore fréquemment, par exemple chez le Trechus obtusus, le genre Trechiotes Jeannel, exceptionnellement chez le genre Duvalius Delarouzée (Duvalius hetschkoi Reitter, 1911) et quelques autres représentants des Trechinae. Cet indice nous indique qu’il sera encore moins probable d’utiliser le caractère d’aptérisme dans les classifications, même pas au niveau des différenciations spécifiques.
  • 29. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 29 L’absence de sélection « classique » sur le caractère de l’aptérisme, nous confirme, comme nous l’avions vu plus haut pour l’anophtalmie (mais ici plus sévèrement encore), que la valeur taxonomique des caractères dépend bien de la nature de leur sélection. Tableau I – Dans ce tableau, l’absence ou la présence de certains organes n’est pas indifférente dans leurs milieux respectifs. Contrairement à nos constatations, à savoir : « qu’ils aient des yeux ou pas, ne permet pas aux Trechinae hypogées de vivre mieux dans un milieu privé de lumière », l’absence ou la présence de certains organes, n’est pas indifférente dans tous les milieux extrèmes (Cf. Tableau I.). Ces exemples non exhaustifs qui s’avèrent à première vue proches, par leur image superficielle, sont pourtant profondément éloignés de notre théorie par la différence flagrante de leur mécanisme. Nous pouvons donc dire qu’il existe, à notre connaissance, qu’un seul intervenant composé de facteurs écologiques principaux que nous avons nommé « Milieu Intimiste Inhibiteur » (Engl. Intimists Inhibitors Biotops). Il s’agit seulement de biocénoses interstitielles strictement obscures et restreintes. Elles ne doivent pas être confondues avec les milieux cavernicoles qui restent, à notre sens, des milieux essentiellement « refuges » et probablement d’occupation plus récente. Milieux Caractères Terrestre / Aquatique Poumons / Branchies Froid / Chaud Antigel des Tardigrades / Regulation de la température Humide / Sec Réduction racinaire (plantes épiphytes) / Compensation aérienne (cactus)
  • 30. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 30 Les fouets du groupe huméral : pour servir en taxonomie. Que les stries soient présentes ou oblitérées, il apparaît toujours, après avoir étudié plusieurs centaines de spécimens chez les Trechinae, que le groupe huméral de la série ombiliquée appartient bien, comme l’a dit Jeannel (1925), au 9ème interstrie. Il est accolé sur l’extérieur de la 8ème strie avec le premier fouet toujours accolé à la 7ème strie. C’est ce dernier qui migre le plus chez les espèces physogastres, toujours le long de cette 7ème strie, souvent imaginaire chez les espèces très évoluées (Fig. 5). Par contre, contrairement aux affirmations de Jeannel (1925), nous pensons que l’évolution de cet organe, n’a pas été suivi à rebours. « Ce n’est pas, dit Jeannel, la série ombiliquée régulière d’un Trechus qui est primitive, mais celle de l’Aphaenops ! Il ne s’agit pas du tout d’une désagrégation évolutive de la série ombiliquée, mais au contraire de la formation d’une série ombiliquée régulière, par agrégation marginale des soies primitives disséminées sur le disque de l’élytre » Jeannel, 1925. Figure 5 – Migration du 1er fouet sur l’élytre de diverses espèces de Trechinae. 1., Duvalius. Tous les fouets sont bien agrégés. – 2., Anophthalmus. Le 1er et le 4ème fouet commencent à s’écarter de la gouttière marginale. - 3., Aphaenops, migration de type aphaenopsienne. La physogastrie et l’effacement des épaules entraîne la migration des fouets 1 et 4 sur deux axes, le long d’une 7ème strie ou 8ème strie imaginaire. – x., côte d’éloignement de la 8ème strie.
  • 31. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 31 Il pensait que l’évolution de ces organes avait été comprise dans un sens inverse à celui de Ganglbauer (1904), car le 2ème fouet reste toujours fixe, sensiblement en bordure de la gouttière marginale (Fig. 5). Il ne migre jamais. Il devait donc avoir, pour lui, cette place dans le passé et au cours de l’agrégation. Le pore (base du fouet) ne pouvait donc aller plus loin que la gouttière marginale. A notre sens, lors de l’évolution vers la physogastrie, les déformations des stries s’articulent toujours sur ce 2ème pore, de sorte qu’il est simplement le centre de rotation des 7ème et 8ème stries (celles qui entraînent le déplacement des autres fouets), ceci empêchant sa migration. De plus, Jeannel n’avait étonnament pas pris connaissance de l’existence de certains fossiles de Trechinae (semblables à des Trechus) datant de l’Oligocène moyen (env. 35 Ma). Ils ont tous leur série ombiliquée bien agrégée. L’évolution des « formes aphaenopsiennes » est beaucoup plus récente. Ceci prouve simplement et efficacement que se sont bien ces derniers les modifiés et que les migrations se sont bien déroulées dans le sens de Ganglbauer (1904), à savoir, d’une agrégation archaïque vers une désagrégation. L’étude de l’innervation élytrale ne montre aucun élément qui pourrait contredire les faits. L’innervation du 2ème fouet est absolument identique à celle du 3ème , tous deux liaisonnés simplement au nerf médian et rien dans le cheminement de ces nerfs, laisse penser à une désagrégation archaïque. Le fait que l’on considère maintenant l’état agrégé des fouets de la série ombiliquée comme étant un caractère ancestral, nous permettra de construire des arbres totalement différents des groupements qu’auraient pu imaginer les auteurs précédents. Chez l’ensemble des insectes adéphaga, seul les espèces sténhygrobies physogastres possèdent une série ombiliquée complètement désagrégée. La migration de ces fouets vers l’intérieur de l’élytre semble donc dépendre de cette physogastrie vers laquelle évoluent certaines espèces. Tantôt flagrantes, tantôt subtiles, les positions de ces fouets paraissent être des caractères plésiomorphes quand ils sont de type agrégé. Ils peuvent définir ainsi des ancêtres communs selon leurs types d’implantations. Ces fouets et leurs types d’implantations, ont une haute valeur taxonomique au niveau de la classification des séries phylétiques, des genres et des sous-genres. Quant à l’écartement des fouets, il ne semble pas dépendre de la physogastrie mais indépendamment d’une autre nature biologique car il existe de grands écartements sur les espèces peu ou non physogastres. La combinaison
  • 32. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 32 de leur migration et de leur écartement donne tous les stades évolutifs, de l’agrégation complète primitive chez les genres Duvalius, Trechus, Apoduvalius, Thalassoduvalius, Duvaliomimus etc. à fouets espacés plus ou moins régulièrement, vers un écartement important chez les espèces aphaenopsiennes et phasmoïdes : Aphaenops, Sinaphaenops, Guizhaphaenops, Giraffaphaenops etc. surtout le 4ème fouet (Fig. 6). La désagrégation due à la physogastrie s’observe donc chez les espèces dites « évoluées » c’est à dire, dans notre cas, bien adaptées au milieu souterrain humide, et par conséquent étroitement liée au type de respiration sténhygrobie. Figure 6 – Ecartement des fouets selon le degré d’effacement des épaules. a est variable et b est généralement plus constant. 1., Aphaenops bucephalus Dieck. – 2., Aphaenops leschnaulti Bonv. ou Aphaenops jeanneli Ab. – 3., Aphaenops crypticola Lind. – 4., Aphaenops minos Lind. – 5., Aphaenops chaudoiri Bris. – 6., Pseudanophthalmus menetriesi Motsch. x., est le point de référence pour l’épaule. L’espacement des fouets est lui indépendant de cette évolution mais est seulement dû à un autre phénomène, de sorte que l’évolution générale de la série ombiliquée s’est déroulée parallèlement sur deux axes. L’effacement des épaules semble être un caractère expliquant ces dernières variations. Dans la majorité des cas et comme le montre la figure 6, la côte « a », qui donne l’effacement des épales, est variable. La côte « b » est, elle, généralement beaucoup plus constante de sorte que le point de référence « x » pour l’épaule, s’éloigne de la base de
  • 33. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 33 l’élytre lors de l’effacement de l’épaule, entraînant les quatre fouets du groupe huméral. Ils s’éloignent ensemble de la base de l’élytre avec des décalages divers qui donnent les espacements irréguliers, mais seulement entre les limites de la côte « b ». Compris de telle sorte, nous pouvons dire que l’Aphaenops a plus évolué au niveau respiratoire que le Sardaphaenops qui, lui, a une série ombiliquée beaucoup plus agrégée. Nous pouvons constater également qu’un insecte à série ombiliquée désagrégée descend d’un ancêtre à série ombiliquée plus agrégée et qu’un autre à fouet écarté descend d’un ancêtre à fouets plus rapprochés. Nous comprendrons ainsi l’intérêt de considérer ces migrations de telle sorte dans les études phylogéniques dles Trechinae. Figure 7 – Chétotaxie du disque de l’élytre. – 1., Aphaenops cabidochei Coiffait. – 2., Hydraphaenops vasconicus Jeannel. – 3., Aphaenops loubensi Jeannel. – 4., Aphaenops eskualduna Coiffait. – 5., Giraffaphaenops clarkei Deuve. – 6., Dongodytes fowleri Deuve. – 7., Duvalius leonhardi Reitt. De Jablanica, Herzégovine, avec l’implantation des soies sur la 3ème et la 5ème strie.
  • 34. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 34 Chétotaxie du disque de l’élytre : soies discales. La chétotaxie de l’élytre au niveau des soies discales, semble d’une valeur beaucoup moins importante au niveau taxonomique que celle de la série ombiliquée. Figure 8 – Chétotaxie des Trechinae. Comparaison des fouets et des soies discales d’un même individu. A gauche : premier fouet de la série ombiliquée du Duvalius brujasi Deville des Alpes Maritimes (France). Long. : 1,30 mm. A droite : première soie discale du même. Long. : 0,658 mm. Avec les détails de leur pore basal respectif. Effectivement, leur nombre et leur position (3ème et 5ème interstries, exceptionnellement d’autres) peut varier chez les espèces d’un même genre déjà considéré comme bien établi (Fig. 7). Ceci confère à ce caractère, une valeur taxonomique plus faible que ce que l’on pensait
  • 35. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 35 encore il y a quelques années. Ces macrochètes sont des soies évoluées, assimilables à la structure de simples poils plus rigides et plus longs. Jeannel disait que leur diamètre était en rapport avec leur longueur, contrairement aux fouets qui restent régulièrement fins et tubulaires. Il s’avère que ces derniers ne sont pas réguliés comme il le disait, mais simplement moins coniques, plus longs et plus fins que les soies discales ; donc certainement plus évolués que ces dernières par cette évidente démesure (Fig. 8). Ainsi les soies du disque de l’élytre, ne semblent pas être de même nature que les fouets du groupe huméral. Il ne s’agirait pas là d’organes compensatoires à valeur taxonomique importante, mais plutôt de poils un peu plus évolués. Nous utiliserons le nombre et l’emplacement des soies discales seulement pour le classement des sous-genres et des lignées, au même niveau que la chétotaxie de la tête (nombre de soies frontales) et que du degré d’oblitération des sillons frontaux que nous verrons dans les paragraphes qui suivent. Le groupe des soies apicales et strie récurrente. Le «triangle apical» est en général bien constitué chez les Trechinae. (Fig. 9). Il est formé de trois soies implantées sur le sommet de l’élytre, dont l’une (soie apicale antérieure) est accolée à la crosse apicale de la 2ème strie côté 3ème strie. La seconde est plus en dehors (soie apicale externe), dans la région fusionnée du 3ème et 5ème interstrie, accolée à une petite strie bien particulière nommée « strie récurrente ». Cette dernière peut être en prolongement de la 3ème à la 7ème strie. Elle forme la carène apicale chez tous les Trechinae. Son stade d’évolution donne une valeur taxonomique moyenne, utilisée surtout comme caractère vérificateur dans l’étude des genres1 . La 3ème soie est accolée au bord apical, près de la marge (soie apicale interne ou soie marginale), au bout de la crosse apicale formée par l’extrémité de la 2ème strie. 1 Une exception existe chez l’espèce Andinorites troglophilus Mateu & Belles, 1979, qui est la seule de son genre à avoir la strie récurrente dirigée sur la 7ème strie au lieu de la 5ème . Il s’agit là certainement d’un cas tératologique ne rentrant pas dans une interprétation valable en Taxonomie. Effectivement, le reste des caractères est tout à fait conforme au genre Andinorites.
  • 36. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 36 Figure 9 – Groupe de soies apicales (triangle apical) et strie récurrente chez diverses espèces de Trechinae. – 1., Thalassophilus longicornis St. – 2., Placomotrechus parilis Pér. – 3., Trechus fulvus Dej. – 4., Dongodytes fowleri Deuve. – saa., soie apicale antérieure. – sae., soie apicale externe. – sm., soie marginale (ou apicale interne). – ca., crosse apicale. – sr., strie récurrente. Types d'organes sensoriels chez les Trechinae. Lors d'une communication sur les traits évolutifs des coléoptères Trechinae troglobies exposée au Colloque organisé en septembre 1978 sur l'évolution des « Verhalten der Carabiden », Juberthie avait présenté les premières données sur l'évolution de l'équipement sensoriel des antennes des Trechinae. Les résultats étaient basés sur l'étude d'un certain nombre d'espèces appartenant à différents genres européens et ce travail faisait suite à la description (Juberthie & Massoud, 1977) des récepteurs sensoriels des antennes d'Aphaenops crypticola Linder, choisi en tant qu'espèce représentative du type morphologique évolué. Le trait majeur mis en évidence, est le développement de l'équipement sensoriel antennaire chimiorécepteur en fonction du degré d'adaptation à la vie souterraine des Trechinae. Ceci traduit une augmentation de la sensibilité olfactive antennaire, et entraîne une plus grande efficacité des Trechinae les plus « évolués » dans la conquête de leur nourriture. Plus tard, Juberthie & Massoud (1980) ont étendu leurs recherches à un nombre plus grand d'espèces et de groupes afin d'asseoir les conclusions
  • 37. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 37 sur des bases plus larges et surtout d'essayer de mettre en évidence, à côté des tendances évolutives majeures, la variété des solutions adoptées par les coléoptères souterrains (Juberthie & Massoud, Mém. Biosp. 7, 1980) pour s’adapter à leur milieu. Les sensilles de l'apex du dernier article antennaire dont la fonction gustative est évidente d'après leur ultrastructure (présence de pore terminal notamment) possèdent un neurone à morphologie spéciale dont le rôle reste à élucider. La comparaison des résultats sur les sensilles des Trechinae avec ceux publiés sur différents groupes d'insectes a permis à Juberthie & Massoud de discuter sur la nature mécanoréceptrice ou chimioréceptrice olfactive des sensilles. En revanche, la caractérisation des thermorécepteurs reste en suspens chez les Trechinae, de même que celle des hygrorécepteurs présumés. Figure 10 – A. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea), mécanorécepteur. De. Dendrite. S. Soie. Ep. Epicuticule. Ex. Exocuticule. En. Endocuticule. Ce. Cellules épidermiques. Ct. Cuticule. Mb. Membrane basale. Ctr. Cellule tricogène. Cto. Cellule tormogène. Oe. Oenocyte. Tr. Trachéoles. – B. Schéma de principe d’un organe sensoriel (ici, un mécanorécepteur trichoïde). Ex. Exocuticule. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. Ax. Axone. – C. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea chaetica), chimiorécepteur (plusieurs cellules sensorielles). Ex. Exocuticule. P. Pore. De. Dendrite. Ctr. Cellules tricogènes. Nb. Neurone bipolaire. Ax. Axone. – D. Différents types de sensilles trichoïdes (sensilla trichoidea), chimiorécepteurs. – E. Sensille trichoïde (sensilla trichoidea), mécanorécepteur (un seul neurone bipolaire, sans cellules tricogènes). Ex. Exocuticule. P. Pore. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. De. Dendrite. Ax. Axone. – F. Différents types de sensilles trichoïdes (sensilla trichoidea), mécanorécepteurs.
  • 38. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 38 Les organes sensoriels chez les Trechinae, peuvent être superficiels (en relation avec la cuticule) ou profonds. Ils sont de deux types. Les organes sensoriels superficiels comme les sensilles avec neurones de type I bipolaires et les organes sensoriels profonds comme les organes scolopaux ou scolopidaux avec neurones de type I ou II multipolaires. Les récepteurs sensoriels superficiels ou sensilles sont creux et en rapport avec un neurone bipolaire dont le récepteur dendritique reçoit le stimulus. Donc le fonctionnement de ces sensilles est semblable au fonctionnement des neurones sensoriels périphériques des vertébrés (sauf que ces derniers ont l'extrémité périphérique de ce dendrite spécialisée : cônes, bâtonnets, cellules ciliées). Les neurones multipolaires (type II) ont essentiellement des fonctions musculaires et conjonctives comme les mécanorécepteurs ou récepteurs de tension. On distinguera deux types fonctionnels. Ce sont d’une part, les sensilles chimiorécepteurs (= Chémorécepteurs de Juberthie & Massoud, Mem. Biosp. 7, 1980) comme le toucher, l’olfaction et le goût. Ils sont surtout abondants au niveau des antennes, pièces buccales, pattes, pièces génitales, styles (paramères) de l’édéage ; d’autre part, les sensilles mécanorécepteurs trichoïdes (Fig. 10-B) qui sont des soies articulées. Ils sont partout mais surtout sur la tête, les élytres et le pronotum (sensibles aux déplacements d’air). Les soies des cerques ou des styles (paramères) de l’édéage sont sensibles au renseignement de la position de l'abdomen pendant l'accouplement et la ponte pour les premiers et ont certainement un rôle de sélection sexuelle pour les seconds. Les soies trichoïdes du cou sont rares chez les Trechinae aptères car généralement en rapport avec le maintien de la position horizontale en vol. Les Sensilla trichoidea ou sensilles trichoïdes (Fig. 10-A) sont de deux types. Les mécanorécepteurs composés d’une seule cellule sensorielle (soies discales, fouets huméraux), donc innervant des soies assez longues et les chimiorécepteurs, plus petits, composés de plusieurs cellules sensorielles (chaetica, Fig. 10-C). Les sensilles trichoïdes de petite taille peuvent avoir une paroi épaisse avec un pore ou une paroi
  • 39. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 39 mince avec de nombreux pores (toute la surface est réceptrice ; parfois couronne de pores à la base de la soie avec un dendrite pour chaque pore). Chez les insectes, nous pouvons voir jusqu'à 2000 surfaces réceptrices sur un sensille. Ils sont donc de nombreuses variétés : sensilles poreux, non poreux, multiporeux, à parois minces ou épaisses. Chez les Trechinae, ces sensilles sont en outre implantés sur la face dorsale et ventrale des antennes, autour de la plage des sensilles basiconiques. Figure 11 – A. Sensille basiconique (sensilla basiconica), chimiorécepteur. Cs. Cône sensoriel. De. Dendrites. Nb. Neurones bipolaires. Ctr. Cellules tricogènes. Ax. Axones. Ex. Exocuticule. – B. Sensille campaniforme (sensilla campaniformia), mécanorécepteur et certainement thermorécepteur ou chimiorécepteur. Cu. Cupule. De. Dendrite. Nb. Neurone bipolaire. Cto. Cellule tormogène. Ax. Axone. Ex. Exocuticule. – C. Sensilla coeloconica (variante de basiconica), chimiorécepteur. Zone de surface. Ex. Exocuticule. De. Dendrite. – D. Sensilla placodea (variante de basiconica), chimiorécepteur. Zone de surface. Ex. Exocuticule. De. Dendrite. Les Sensilla basiconica et ses variantes Sensilla coeloconica (=dentatum, Juberthie & Massoud, 1980), placodea, styloconica et subinflata (Juberthie & Massoud, 1980) (Fig. 11) sont surtout des chimiorécepteurs. Ils sont cylindriques, procurvés, émoussés à leur extrémité, à paroi mince et percée de pores disposés en deux plages, l'une face dorsale des antennes et l'autre face ventrale. Il s'agit là du type classique de sensilles décrits chez la majorité des insectes. Les subasiconica et subinflata présentent un élargissement de leur diamètre
  • 40. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 40 à la base. Le 8ème article des antennes en porte en moyenne une vingtaine chez le genre Trechus. Sur les antennes des Trechinae, elles occupent une plage ventrale externe au sein des sensilles basiconiques typiques. Cette plage existe chez tous les Trechinae, mais elle peut porter des récepteurs un peu différents, dérivés le plus souvent du type basiconique. Les Sensilla campaniformia (Fig. 11-B) sont des sensilles campaniformes. Ils s’agit là surtout de mécanorécepteurs ou thermorécepteurs. Ils sont très fréquents chez les insectes. Ils peuvent être en forme de cupule fermée, enfoncés dans la cuticule ou avec la surface externe en petit dôme. Chez les Trechinae, ils sont très courts. Ils peuvent être situés sur la face ventrale des antennes en position subapicale, en une plage ventrale externe (sensilles procurvés à paroi mince, percée de pores) ; mais également dans le tiers basal, face dorso-interne, visible en microscopie photonique sous la forme d'une cavité circulaire, sous-cuticulaire, sur les antennes quelquefois en couronne subapicale au nombre de 5 à 10. Quelquefois, les sensilles basiconiques sont élargis en spatule. Ces derniers occupent alors le centre de la plage ventrale externe des antennes là ou sont implantés les basiconiques typiques. Les Sensilles ampullacea sont des chimiorécepteurs. Ils sont disposés le long des génératrices, à large ouverture cuticulaire et longue tigelle sensorielle implantée au fond d'une cavité cuticulaire en forme d'ampoule. Le 8ème article des antennes en porte 1 ou 2. L'ouverture externe de la cavité est très petite et la tigelle est courte. Au total, une vingtaine est présente sur l'ensemble de l'antenne d’un Trechinae. Les Sensilles dentées, sont également des chimiorécepteurs. Ils sont en forme de disque concave inséré dans une cavité circulaire dont le bord postérieur se transforme en pointe triangulaire émettant en son centre une crête longitudinale triangulaire dissymétrique et procurvée. Ils sont localisés aux endroits où sont implantés chez les Aphaenops les chimiorécepteurs olfactifs les plus modifiés.
  • 41. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 41 Ceci pourrait leur attribuer un rôle olfactif mais leur fonction n'est pas vraiment reconnue. Ils possèdent 3 neurones dont 1 neurone particulier (Tichane-Corbière, 1978). Juberthie & Massoud supposent un rôle de thermorécepteur de deux des 3 neurones. Par analogie ces organes pourraient être des organes mixtes olfactifs et thermorécepteurs (Juberthie & Massoud, 1980). Les poils diverssement répartis sur tous les téguments des Trechinae, sont des mécanorécepteurs de petite taille, implantés sans trop de régularité, à l'exception d'une série de très courtes soies souvent disposées en une couronne apicale sur certains articles des antennes (Juberthie & Massoud, 1980) et de certains poils implantés sur les palpes et le reste du corps. Les organes scolopodaux ou scolopides ou organes chordotonaux sont surtout des mécanorécepteurs internes dans les pattes, non liés à des différenciations cuticulaires (tendus entre deux points de la paroi). Clou scolopal attaché sur la partie souple de la cuticule. On parle d'organes chordotonaux quand il y a des faisceaux de scolopies. On en distingue quatre types : fémoraux, tibio-distaux, prétarsaux (rôle dans le renseignement des mouvements des articulations), subgénuaux (ou organe subgénual distal du tibia). L’organe de Johnston de l'antenne dans le 2ème article antennaire (clous scolopaux insérés entre le 2ème et 3ème segment) est lié aux fonctions du vol chez les insectes et manque chez les Trechinae. Le nombre total des chimiorécepteurs antennaires, chez les Trechinae endogés, varie environs de 300 à 600 sauf exceptions. Les différents types d'organes sensoriels apparaissent en nombre progressif du scape au sommet de l'antenne. Chez les Trechinae du type aphaenopsiens (syn. aphaenopsoïdes), le nombre total des chimiorécepteurs antennaires est voisin de 1500. Il est légèrement supérieur chez la femelle. Ainsi, les espèces souterraines les plus évoluées (types aphaenopsiens ou phasmoïdes), ont un équipement sensoriel qui semble dériver de l'équipement de base des endogés.
  • 42. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 42 La spécialisation des sensilles basiconiques chimiorécepteurs, l’augmentation de leur surface réceptrice, l'augmentation du nombre de ces sensilles, l'augmentation du diamètre de l'ouverture, de la profondeur et de la longueur de la tigelle réceptrice des sensilla ampullacea, le prouve (Juberthie & Massoud, 1980). Eléments buccaux et céphaliques. La tête des Trechinae (comme tous les Carabiques) est insérée dans l’axe du prothorax (prognathe). Chez ceux peu évolués, elle est robuste et arrondie. Chez les formes aphaenopsiennes, elle s’allonge pour arriver au stade subparallèle puis subcônique comme chez les formes phasmoïdes (Dongodytes Deuve, Giraffaphaenops Deuve) (Fig. 12). Figure 12 – Spécialisation et évolution de la tête chez les Trechinae. – 1., Duvalius Delarouzée. – 2., Italaphaenops Ghidini. – 3., Minimaphaenops Deuve. – 4., Guizhaphaenops Vigna Taglianti. – 5., Dongodytes Deuve. – 6., Giraffaphaenops Deuve.
  • 43. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 43 Trois grands sclérites constituent le crâne : l’épicrâne, l’épistome et le basilaire (Fig. 13). Ils sont soudés ensemble et renferment les muscles intrinsèques de la tête et le tentorium. L’épicrâne (disque notal du crâne) est divisé en deux régions impaires et deux régions paires qui seront détaillés plus loin. L’épistome est trapézoïdal. Sa base (plus grand côté) est soudée à l’aire pharyngienne et son petit côté porte le labre. Les sclérites suivants présentent plusieurs régions délimitées par des sillons ou sutures diverses (sillons frontaux) qui sont les marques d’insertion des crêtes internes du tentorium. Leur morphologie et leur chétotaxie seront utilisées dans notre monographie pour la classification des sous-genres. L’aire pharyngienne est une aire impaire. Elle représente l’extrémité dorsale de la tête formée par l’épistome et, plus en arrière, l’aire comprise entre les deux sillons frontaux, sensiblement jusqu’à une ligne imaginaire passant par les deux soies frontales antérieures. Figure 13 – 1., Sclérites cranniens face notale. – 2., face sternale. – 3., face sternale chez Thaumastaphaenops plucherrimus Magrini, Vanni & Zanon1 . – c., cou. – epc., épicrâne. – eps., épistome. – tp., trait préoculaire. – aa., aires antennaires. – am., aires mandibulaires. – ace., aire cérébrale. – ac., aires collaires. – sfa., soie frontale antérieure. – sfp., soie frontale postérieure. – g., gula. – pb., prébasilaire. – lb., labium. – lbr., labre. – slbr., soies du labre. 1 Nous verrons dans les tomes concernant la révisions des Trechini, que Thaumastaphaenops n’est pas synonyme de Sinaphaenops.
  • 44. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 44 L’aire cérébrale est immédiatement en arrière de l’aire pharyngienne, entre les sillons frontaux. Il s’agit également d’une aire impaire. L’aire antennaire se trouve en avant du trait préoculaire. La soie frontale antérieure est implantée sur cette aire. Les aires mandibulaires, au nombre de deux, sont représentées par la région des joues jusqu’en arrière des aires antennaires, au niveau tergal, et se rejoignent aux aires collaires au niveau sternal. La frontière est donnée par le trait préoculaire. Cette aire forme, dans sa partie notale postérieure, le prolongement des sillons frontaux vers le cou. Les soies frontales postérieures sont en général, implantées à proximité de ces sillons. Ces derniers s’effacent lorsque le régime alimentaire change ; car la masse musculo-mandibulaire qui rempli les joues, diminue avec les crêtes tentoriales (les sillons frontaux étant les projections de ces crêtes) selon le cas. L’éffacement total des sillons frontaux peuvent s’observer chez les formes aphaenopsiennes et à l’extrème, chez le genre Giraffaphaenops Deuve, 2002 de Chine, Guangxi nord-occidental (Fig. 12-6). Nous allons maintenant l’étude des mandibules. Elles peuvent être de plusieurs types chez les deux sous-familles des Trechinae et Trechodinae que nous détaillerons ci-dessous et qui donnent des valeurs taxonomiques importantes. Nous ne conserverons pas toute la terminologie de Jeannel et des auteurs qui l’ont suivi car les tridentatae et les bidentatae ne seront plus considérés ici ni de la même manière ni au même niveau. Aujourd’hui, nous utiliserons entre autre ces caractères afin de constituer les tribus ; mais encore faut-il correctement les interpréter. Hélas, encore trop d’auteurs considèrent l’aspect des mandibules différemment1 , mais comme nous pouvons le voir (Fig. 14), il existe en réalité 3 grands types de mandibule droite. Contrairement à ce que l’on peut constater en étudiant des unités spécifiques, la structure de la mandibule gauche n’apparaît que peu constante dans les études de 1 Certains auteurs peuvent donner une plus grande importance à la mandibule gauche qu’à la droite ou vice-versa ; ils peuvent interpréter leurs caractères d’après des observations faites tantôt ventralement et tantôt dorsalement (voir leurs dessins), qui engendre bien sur des erreurs et des confusions.
  • 45. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 45 masse. Nous préciserons enfin que toutes nos études ont été réalisées d’après des interprétations en trois dimensions de ces appendices. Nous avons considéré à chaque fois la vue dorsale et celle ventrale afin de définir les types en appréciant correctement tous leurs détails. Chez l’ensemble des Trechinae et Trechodinae, nous trouverons un type de mandibule droite à rétinacle et prémolaire, un autre à rétinacle seul et un troisième à deux rétinacles (Fig. 14 et tableau). Figure 14 – Les 3 types (schématisés) de mandibule droite. I., type à 1 rétinacle (1R) et 1 dent prémolaire (1P), donc de base bidentatae (Bb). II., type à 1 rétinacle seul (1R), donc de base monodentatae (Bm). III., type à 2 rétinacles (2R), donc de base bidentatae (Bb). Tableau des formules dentaires de la mandibule droite Tribus Trechinae Trechodinae Perileptini I 1R1P (Bb) / Aepini I 1R1P (Bb) / Homaloderini I 1R1P (Bb) / Trechini II 1R (Bm) / Trechodini / III 2R (Bb) Plocamotrechini / I 1R1P (Bb) Cnidini / I 1R1P (Bb) Dans le 1er type (I), le rétinacle est assez variable et la prémolaire reste relativement saillante, subconique ou subtriangulaire. Ce type est de base bidentatae (Bb). Il impose le rapprochement de 5 tribus : les
  • 46. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 46 Aepini, les Perileptini et les Homaloderini, pour les Trechinae, les Plocamotrechini et les Cnidini pour les Trechodinae. Figure 15 – Etats et formules des mandibules droites (D). Les mandibules gauches (G) sont représentées ici à titre indicatif. R., rétinacle. a., axe de limite d’innervation du rétinacle.
  • 47. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 47 Les Homaloderini (Homalodéroïdes de Uéno) ont toujours été difficiles à séparer de la tribu des Trechini. Pourtant, interprété comme tel, l’état de leur mandibule droite ne laisse pas de doute : ils sont de base bidentatae vraie ! (veridicus nov.). Figure 16 – Etats et formules des mandibules droites (D). Les mandibules gauches (G) sont représentées ici à titre indicatif. R., rétinacle. P., prémolaire. a., axe de limite d’innervation du/des rétinacles.
  • 48. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 48 Ils différent sensiblement des Trechini qui eux, ont cette mandibule composée d’un rétinacle seul, quelquefois bifide ou trifide (bidentatae ductilis nov.), sans dent prémolaire, donc de base monodentatae (Bm). Ces derniers constituants le 2ème type (II) de mandibule droite (Fig. 14). Le 3ème type (III) représente les Trechodinae Trechodini, qui possèdent deux rétinacles, toujours à la mandibule droite (Fig. 14), donc de base bidentatae (Bb). Ainsi, 3 types de mandibule droite regroupent toutes les tribus, constituant les Trechinae et les Trechodinae. Les caractères de ces types impose que ces sous-familles se soient divisées il y a fort longtemps et leur confère des valeurs archaïques (Fig. 15 et 16). Outre ces constatations, il faudra souligner que les Trechini monodentatae ductilis nov., littéralement « malléables » possèdent une dentition sur rétinacle qui n’est pas innervée (Fig. 17) et qui de ce fait semble génétiquement moins « solide », donc plus facilement « adaptable » aux divers régimes alimentaires disponibles et quelquefois même imposés dans certains biotopes (ex. hypogés). Aucun rapprochement ne semble envisageable dans une basse et moyenne hiérarchie. Il faudra utiliser ces 3 états essentiellement comme critères vérificateurs concernant l’appartenance des genres aux tribus. Comme nous l’avons précisé plus haut, les états de la mandibule gauche semblent beaucoup plus diversifiés. Ils ne permettent pas, à notre avis, de les utiliser correctement en taxonomie sans qu’il y ait inévitablement confusion lors des regroupements zoologiques établis dans ces sous-familles. Les soies frontales.
  • 49. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 49 Figure 17 – Mandibule droite d’un Trechinae Trechini monodentatae ductilis nov., base monodentatae (formule : II 1R (Bm)), (Duvalius brujasi Deville, du sud de la France). – Se1, Se2, Se3. Diverses vues de l’innervation du rétinacle. Les nerfs s’arrêtent toujours avant les dents (coloration au Nitrate d’Argent). a., axe de limite d’innervation du rétinacle (R). Les deux principales soies frontales nous serviront en taxonomie, pour la classification des sous-genres, ce caractère ne pouvant être utilisé au niveau des divisions des genres. Le sous-genre Trechopsis, par exemple, est séparé des autres car il ne possède pas les deux soies frontales. Il arrive également, chez le sous- genre Paraduvalius (et quelques autres) de rencontrer ce cas et ici dans un même genre bien établi par d’autres caractères de valeur taxonomique forte. Il apparaît donc des variations du nombre de soies frontales de sorte qu’il est difficile de considérer ce caractère comme fixe. En fait, il semble que ces deux macrochètes aient évoluées séparément. Elles appartiennent chacune à une aire crânienne bien différente (musculaire ou viscérale) et n’ont donc probablement pas les mêmes fonctions.
  • 50. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 50 Les aires collaires forment le cou dans sa partie tergale et sternale. Les aires droite et gauche étant limitées dorsalement par l’axe de symétrie de la tête et ventralement par les sutures de la gula. L’aire gulaire est impaire. Elle est représentée par la gula elle même et le prébasilaire qui porte les macrochètes que nous avons mentionnées plus haut. La gula peut être quelquefois réduite à un somite très étroit et effilé chez les espèces très évolués comme chez Thaumastaphaenops Magrini (Fig. 13-3). Figure 17 – Détails types des pièces labiales chez les Trechinae. – l., languette. – lb., labium. – el., épilobes. – dm., dent médiane. – s., suture. – pb., prébasilaire. – spb., soies prébasilaire. – 2., détail d’une dent médiane simple. – spl., soies des palpes labiaux. – slb., soies du labium. Le basilaire (Fig. 18) est ventral. La partie allongée et étroite qui part du cou est nommée : gula. Son extrémité distante, le prébasilaire (syn. submentum), porte le labium (sy. mentum). Il peut y être soudé ou non selon les lignées, mais ce caractère ne peut être utilisé en taxonomie hiérarchiquement au dessus de l’espèce, c’est à dire pour la classification des sous-genres. Nous pouvons effectivement y observer les deux types (soudés ou non). La base distale du prébasilaire (la soudure au labium) possède une série de soies hérissées qui définissent les série phylétiques. Ce caractère est relativement constant et peut être commun à plusieurs genres (Duvalius, Trichaphaenops, Anophthalmus = 6 soies au prébasilaire), (Fig. 18).
  • 51. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 51 Le labium (Fig. 18) est une pièce oblongue impaire, échancrée dans sa partie antérieure, formant deux lobes (épilobes) avec une dent médiane qui peut être simple ou bifide. Leur état semble être d’une valeur taxonomique importante au niveau du classement des genres pour le type d’épilobes et du classement des sous-genres pour le type de dent médiane. Le labium est tantôt soudé par sa base au prébasilaire, tantôt libre et articulé. Son état donne un des critères de séparation des lignées car à l’intérieur d’un sous-genre bien établi, nous pouvons rencontrer les deux types. La languette (Fig. 19) est une petite pièce impaire très variable selon les genres. Elle porte en général deux macrochètes et une série de petites soies latérales. Elle peut comprendre également des lobes latéraux évolués (paraglosses) tantôt courts, larges, grêles, allongés, droits ou arqués. Ces variations confèrent à l’état de la languette, une haute valeur taxonomique dans la séparation des genres. Figure 19 – Quatre types différents de languettes. – 1., Epaphiopsis (Epaphius) secalis (Paykull, 1790) (Trechini). – 2., Italaphaenops dimaioi Ghidini (Trechini). – 3., Aphaenops cerberus Dieck. – 4., Perileptus areolatus Greutzer (Perileptini). – mc., macrochètes. – sl., soies latérales. – pg., Paraglosses. – dm., dent médiane.
  • 52. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 52 Les tarses antérieurs des mâles. Les Trechinae, comme l’ensemble des Caraboidae, ont leurs tarses pentamères (Fig. 20). Le premier article du tarse est toujours plus long que les suivants. C’est le premier article du protarse. Le protarse est toujours plus ou moins dilaté chez les mâles, que ce soit le premier article ou les suivants. La dilatation du protarse est souvent indispensable dans la reproduction. La surface des phanères adhésives étant utilisée pour un meilleur maintient des mâles sur le dos des femelles. De ce fait, ce caractère prend une certaine importance taxonomique (degré de dilatation selon les genres). Ce dernier sera utilisé dans cette monographie, pour le rapprochement des genres en séries phylétiques. Figure 20 – 1., Extrémité d’une patte de Trechinae. prt., protibia. – ts., tarse. – 2., Tarse antérieur mâle et femelle chez Italaphaenops dimaioi Ghidini. – pt., protarse. – ta., tarse. – eex., éperon externe. – 1 à 5 : numérotation des articles constituant le tarse (le 1er et le 2ème sont ici dilatés).
  • 53. NOUVELLE MONOGRAPHIE DES TRECHINAE TOME I  LES COMPTES RENDUS DU L. E. F. H. E 53 Les protibias. Comme pour les protarses, certaines caractéristiques des protibias seront utilisées dans cette monographie (Fig. 20), pour le groupement des genres en séries phylétiques. Effectivement, il apparaît selon les séries déjà bien en place, que les protibias possèdent plusieurs stades de pubescence. Tantôt glabres et tantôt pourvus d’une pubescence que Jeannel (1928) qualifiait de primitive, les protibias peuvent être également sillonnés. Ces sillons n’auront pas une grande importance en taxonomie. Ils seront utilisés seulement comme simple indication au niveau du classement des espèces car pour des genres déjà bien établis par d’autres caractères, nous observons leur présence ou leur absence. En outre, dans nos études et essais (non publiés) de phylogénie informatique (constitution des arbres), ce caractère apparaît comme une convergence. Les pièces copulatrices. Tout d’abord, nous voudrions préciser que ces organes, étant présents hiérarchiquement au dessus des Carabidae, sous diverses formes souvent hyperplasiques, il semble évident qu’ils soient très anciens. Notre interrogation se portera donc plutôt sur leur origine. De nombreuses dissections opérées sur les édéages des Trechinae et une analyse poussée de la quasi totalité des diagnoses publiées sur le sujet (Cf. Tome Bibliographie), nous montre que toutes les pièces copulatrices, quand elles existent, sont noyées ou liaisonnées au manteau du sac interne. Ce détail est de la plus haute importance car il indique que ces parties sont toutes issues d'un même somite ancestral. Les coupes histologiques de Dupré (1992), nous le confirment chez les Bathyciinae dont le sac interne est pourtant constitué de pièces complexes.