1. THESE
PROFESSIONNELLE
Comment le paysagiste doit-il mettre le digital au service
du végétal pour relever les défis économiques et
environnementaux en France à l’horizon 2030 ?
Anne GUERARD - PT1 – 2018/19
2. REMERCIEMENTS
Merci à toutes les personnes qui m’ont permis de réaliser ce travail.
Tout d’abord, ma famille et mes amies de toujours qui m’ont
soutenue dans ce projet de reprise d’études. Merci à l’équipe du
MBADMB, Sophie Guignier, Vincent Montet et Arnault Chatel pour leur
dynamisme et leur foi en nous, pour l’état d’esprit dans lequel ils nous
conduisent à la réussite et au dépassement de soi.
Rien n’aurait été possible sans l’appui et l’aide de tous les
professionnels du paysagisme que j’ai rencontrés et sollicités tout au
long de mes travaux de recherche : Régine Bertrand pour sa
bienveillance, Luc Echilley pour son professionnalisme et sa
gentillesse, Christophe Naudier pour son ouverture d’esprit, Anne
Cabrol pour son regard féminin et son intelligence du coeur, Benoit
Brissinger pour sa vision en réalité augmentée, Arnaud Dugast pour
son engament sincère pour la filière, Vincent Trottet pour sa
pédagogie, Franck Prost pour son esprit de partage, Antony Guitton
et toute l’équipe de l’UNEP pour leur collaboration, Bertrand Billon
pour sa foi de pionnier. Une pensée affectueuse pour Caroline
Raymond ma tutrice et paire qui m’a fidèlement accompagnée mois
après mois.
Ce travail est le fruit d’une co-construction heureuse que seul le
monde et les outils digitaux d’aujourd’hui peuvent nous permettre.
Merci à tous de m’avoir permis de mener à bien ces réflexions pour
construire des préconisations qui, je l’espère, feront avancer le métier
vers l’idéal humaniste qu’il poursuit dans un monde où les défis
climatiques pourront être relevés en partie grâce aux nouvelles
technologies.
3. RESUME
Du jardin à la française d’André Le Nôtre au jardin planétaire de Gilles
Clément, le rôle du paysagiste évolue. Il exerce aujourd’hui dans un
monde d’impermanence, confronté à des défis environnementaux
énormes, sur un marché bouleversé par l’arrivée d’internet et des
outils digitaux. Ses missions sont multiples : artiste, créateur,
architecte, ingénieur, maitre d’œuvre, jardinier, chef d’entreprise, il
doit être sur tous les fronts pour relever deux défis majeurs : d’une
part pérenniser son business sur un marché digitalisé, d’autre part
changer de paradigme et adapter ses pratiques pour lutter contre le
réchauffement climatique. En 2019, la plupart des paysagistes ne
sont pas encore prêts à relever ce double challenge.
Une majorité d’entre eux se déclare « digital pratiquant » : ils
comprennent l’intérêt, mais s’arrêtent là, faute de temps, de
formation ou de moyens. Les outils du marketing digital sont souvent
utilisés de manière empirique. Les innovations descendant des agri-
technologies en amont de la filière (IA, applications, VR) sont
méconnues et restent éloignées de leur pratique quotidienne sauf
pour quelques « digitalophiles » qui entraineront les autres.
Les solutions sont là pour faire naître le e-paysagiste 2030 : outils de
conception et d’entretien augmentés du jardin, outils de gestion Saas
en cloud, objets connectés et applications de contrôle et de gestion
du jardin enrichis à l’intelligence artificielle : Le « smart-garden » est
né. C’est une opportunité que les professionnels du paysage doivent
saisir pour devenir les acteurs majeurs de la transition écologique.
Pour cela, ils doivent impérativement s’informer, se former, co-
construire, partager en s’engageant aux côtés de tous les acteurs de
leur chaine de valeur : fournisseurs, interprofession, sous-traitants.
4. ABSTRACT
The landscape designer’s role has changed from the French garden
style of André Le Nôtre to Gilles Clément’s global garden. Nowadays,
landscape designer evolves in a VUCA world with huge environmental
challenges, disrupted by digital new consumption patterns and
behaviours. A landscape designer has many different hats: he is an
artist, a designer, an architect, an engineer, a project manager, a
gardener, and even a CEO. He must be everywhere facing two main
challenges: on the one hand, he needs to sustain his business on a
digitalized market, on the other hand he’s got to change of paradigm
and adapt his best practices in order to act against global warming.
In 2019, most landscape designers are not ready to face those two
challenges. Many of them consider themselves as common « digital
users »: they understand its potential, without acting, because of a
lack of time, training or budget. Most of them use digital marketing
tools in an empirical practice. They are not familiar with innovations
coming from the agri-tech (AI, applications, VR) which are far away
from their daily operations, except some « digital lovers », early
adopters, who are evangelising those practises with their peers.
Solutions already exist to help built tomorrow future landscape
designers: augmented design and garden maintenance tools, Saas
management specialized software, applications and connected things
augmented with AI in order to control and manage gardens: the
« smart-garden » is born. The landscape designers must catch this
opportunity to become the main actors of the ecologic transition.
To get there, they must get informed, trained, they must collaborate,
share, engage with all value chain actors such as peers, suppliers,
subcontractors, official landscape market organisations.
5.
6. RECOMMANDATIONS
Pour relever les défis économiques et environnementaux à l’horizon
2030, le paysagiste doit :
1/ Se transformer en e-paysagiste acteur phare de la
sauvegarde de l’environnement :
Un paysagiste connecté qui travaille grâce au triptyque :
• Capteurs du smart-garden
• Connexion Wifi, 5G, Bluetooth qui permet la transmission des
datas
• Restitution des data sur les applications, les plateformes, les
groupes de partage sur les réseaux sociaux.
Un paysagiste « digital marketer » qui sait utiliser les outils du
marketing digital pour se faire connaître, s’engager auprès de ses
clients. Un paysagiste dont la proposition de valeur est
augmentée et la productivité améliorée grâce au « blended design »
(mêlant en réalité mixte et dessins), à la gestion des chantiers
optimisée par des logiciels SaaS et aux robots pilotables à distance.
Un paysagiste qui s’engage dans l’open data pour lutter contre
le réchauffement climatique et partager ses bonnes pratiques entre
pairs.
2/Se former pour répondre aux attentes du nouveau monde
éco-digital en pleine crise environnementale.
Faire évoluer les formations initiales et créer des formations
continues pour former dès maintenant les paysagistes. Saisir
l’opportunité de la réforme de la formation professionnelle (CPF) pour
des formations courtes qui ouvrent l’accès à la culture digitale sur des
7. thématiques concrètes. Développer et généraliser les formations
assurées par les acteurs de la filière car pour être adoptées, les
innovations doivent être accompagnées des temps de formation
nécessaires.
3/ S’engager pour co-construire la filière de demain.
Inciter les acteurs de la filière à créer des communautés d’utilisateurs
et à bifurquer vers un marketing d’engagement à l’image de
Platform.garden. Inciter les principales interprofessions à créer une
dynamique de transformation des paysagistes vers le e-paysagiste
en communiquant sur le rôle fondamental que la profession a à jouer,
en créant des groupes de travail et des sessions de formation à la
transformation digitale de la filière en partenariat avec l’UNEP par
exemple.
4/ Faire circuler les intelligences autour de la coopération et
de la multidisciplinarité1
: intelligence artificielle issue des datas
remontées des jardins, intelligence humaine relationnelle et
émotionnelle dans la création des projets, intelligence de la nature
avec laquelle tous les métiers du paysage doivent travailler en toute
humilité.
1
Merci à Caroline Loisel d’avoir formalisé ce concept que je
reprends ici car il est plus que pertinent en conclusion de mon
travail
8. TABLE DES
MATIERES
INTRODUCTION : QUAND LE PAYSAGISME FAIT
SOCIETE ..................................................................1
PARTIE 1. LE PAYSAGISME EN FRANCE : HISTOIRE,
METIER ET MARCHE.................................................4
1/L’histoire du paysage et des paysagistes..................................5
1.1 Origines et definition de la notion de paysage...................5
1.2 Du paysage au paysagiste - Paysage et jardin : deux
notions indissociables .........................................................8
1.3 L’histoire du paysagisme d’André Le Nôtre à nos jours..... 10
2/LES PROFESSIONS DU PAYSAGISME ..................................... 18
2.1 Le concepteur-paysagiste naît au XVIIIème siècle........... 18
2.2 Les missions du concepteur-paysagiste.......................... 23
2.3 Métiers du paysage au service du concepteur paysagiste . 25
3/les formations aux métiers de paysagiste............................... 28
3.1 Des formations variées du bac -3 au Bac + 5 ................. 29
3.2 La culture digitale absente des formations ..................... 30
4/le marché du paysagime en france........................................ 36
4.1 Un marché dynamique en croissance depuis 3 ans .......... 36
4.2 Les chiffres clés d’une offre hétérogène ......................... 39
4.3 Les tendances qui déterminent les enjeux de demain ...... 41
9. 4.4 L’incidence de la transformation digitale sur l’offre classique
des paysagistes ............................................................... 46
PARTIE 2. LES PAYSAGISTES ET LE DIGITAL EN
2019: ETAT DE L’ART.............................................52
1) LES PAYSAGISTES ET LE DIGITAL EN 2019 ........................... 57
1.1 Des paysagistes bien équipés, mais peu concernés par le
marketing digital.............................................................. 57
1.2 Les paysagistes et les réseaux sociaux .......................... 59
1.3 La vision des paysagistes sur les innovations digitales ..... 62
1.4 Les paysagistes ne sont pas formés aux outils digitaux .... 66
2) PAROLES DE PAYSAGISTES................................................. 69
2.1 Régine Bertrand : paysagiste “digitalophile”. .................. 69
2.2 Luc Echilley: paysagiste «digital peu pratiquant» ............ 75
2.3 Christophe Naudier : jeune paysagiste «digital pratiquant»
..................................................................................... 80
2.4 Anne Cabrol : paysagiste en bureau d’étude, 1ere femme
maître jardinier en 2017, et plutôt “digital pratiquante”......... 84
3) TYPOLOGIE DES PAYSAGISTES DIGITALISES ........................ 91
3.1 Les paysagistes “digital pratiquant”............................... 91
3.2 Les paysagistes “digitalophiles” .................................... 92
3.3 Les paysagistes “digitalophobes” .................................. 94
10. PARTIE 3. FAIRE NAITRE LE E-PAYSAGISTE 2030
QUI METTRA LE DIGITAL AU SERVICE DU VEGETAL
DE DEMAIN............................................................96
1) Le E-paysagiste : PERSONNAGE CLE DANS LA TRANSITION ECO-
NUMERIQUE DES ENTREPRISES DU PAYSAGE ......................... 100
1.1 Maîtriser les outils du marketing digital..................... 100
1.2 Maîtriser les solutions digitales de conception augmentée et
d’entretien augmenté des jardins ..................................... 108
1.3 Maîtriser les solutions digitales de gestion de chantier pour
gagner en productivité.................................................... 116
2) Le E-paysagiste : PERSONNAGE CLE DANS LA TRANSITION
ECOLOGIQUE...................................................................... 119
2.1 Utiliser les solutions digitales pour optimiser la gestion de
l’eau dans la smart-city et le smart-garden........................ 121
2.2 Utiliser les solutions digitales d’aide à l’entretien dans la
smart-city et le smart-garden .......................................... 128
2.3 Utiliser les data et l’Intelligence Artificielle pour s’engager
en réseau pour la planète sur Platform.garden ................... 134
CONCLUSION ET PRECONISATIONS ....................................... 143
11. INTRODUCTION :
QUAND LE PAYSAGISME FAIT SOCIÉTÉ
Nous avons tous une madeleine de Proust, la mienne est étroitement
liée à la terre d’un jardin : celui de mon père, la roseraie de ma grand-
mère ou le potager de mon grand-père. Semer, regarder radis et pois
de senteur pousser comme par magie, arroser, planter, tailler…toutes
ces tâches ont fait de moi un être vivant humble face à la nature.
Nos racines nous construisent et aujourd‘hui je ne peux arriver dans
un endroit sans imaginer ce que je pourrai en faire de beau
« végétalement » parlant. De même que je ne peux imaginer une vie
sans projet de voyages vers des paysages qui coupent le souffle. Car
je ne connais personne que le paysage ne touche pas au plus
profond.
C’est de cette passion qu’est né mon sujet de thèse professionnelle.
Je me suis tout simplement demandé quels ponts je pouvais
construire entre mon besoin vital de nature et toutes les
connaissances, savoirs et savoir-faire accumulés au cours de ces 13
mois d’immersion dans le monde de la transformation digitale ?
Le paysage, qu’est-il pour nous ?
Une représentation de la diversité de notre planète ? Une illustration
de la nature surprenante ? L’impression des traces laissées par
l’homme au fil de l’histoire et des multiples révolutions agricoles,
industrielles et technologiques ? Un besoin viscéral de se raccrocher
à nos origines, nous qui devenons tous un jour ou l’autre citadin ?
12. 2
Le paysage est d’abord un regard qui traduit notre rapport au
monde visible :« Dans le langage commun, la notion de paysage
exprime le regard humain porté sur une étendue visible de territoire
autant que l’expérience sensible de celui-ci 2
»
Ainsi, tout un chacun a sa propre représentation « paysagère » de
l’environnement. Ce rapport au monde visible à travers le paysage,
fait de ce dernier une source privilégiée de notre bien-être.
Le paysage peut aussi être : « compris comme une
construction sociale à finalité économique, qui dans le tourbillon
des mutations actuelles apparait comme un élément de stabilité et
de permanence alors que la mondialisation le transforme » 3
. Nous
sommes alors tous des paysagistes au sens où nous laissons tous une
empreinte visible dans notre environnement.
Le paysage est, enfin, politique quand on considère que les
pouvoirs publics peuvent légiférer et intervenir sur les modes de
production de notre cadre de vie ou la préservation d’espaces
naturels menacés.
Nous comprenons ici que le paysage est central non seulement dans
notre cadre de vie, mais également dans notre « être au monde » et
conditionne aussi une grande partie de notre survie.
Une fois posée cette notion de paysage, nous comprenons que le
paysagiste, professionnel du paysage, a un rôle central à jouer dans
notre « perception » du monde qui nous entoure, dans notre « bien-
être au monde » et dans la façon d’apprivoiser la nature au service
2
Le Paysage - M.Périgord et P.Donadieu –Armand Colin
3
13. 3
de notre survie dans les meilleures conditions possibles face aux
turbulences environnementales que nous traversons.
Cette thèse va donc nous amener à tisser des liens entre le paysagiste
et les outils et technologies digitaux lui permettant de relever les défis
économiques et environnementaux qui se présentent à nos sociétés
post-digitalisées, démocratiques ou non, à l’orée 2025-2030 dans un
contexte d’urgence climatique et de réchauffement galopant.
Pour cela, nous ferons dans un premier temps un état des lieux du
paysagisme en France : histoire du paysagisme et définition des
missions du paysagiste. Nous observerons le marché du paysagisme
mais également les formations qui permettent d’accéder à ce métier.
Dans un second temps, nous nous attacherons à produire une
image la plus fidèle possible de l’état de l’art, du métier de paysagiste
en 2019. Nous tenterons de définir, en particulier, les différents
profils de paysagiste en fonction de leur degré d’utilisation des outils
digitaux et leur niveau de pratiques digitales dans l’exercice quotidien
de leur profession.
Enfin, dans un troisième temps, nous tenterons de dresser le
portrait du paysagiste des années 2030 grâce à 5 préconisations qui
lui permettront d’intégrer les outils et pratiques digitales au cœur du
métier afin de relever les défis économico-environnementaux à
travers les notions de smart-garden et de smart-city.
15. 5
1/L’HISTOIRE DU PAYSAGE ET DES PAYSAGISTES
1.1 Origines et définition de la notion de paysage
Certains géographes repèrent l’émergence de la notion de paysage
bien avant la Renaissance. Ainsi, Augustin Berque fixe la première
apparition de la notion de paysage à l’an 440 dans la Chine ancienne
à l’époque des « trois royaumes ». Il attribue à Zong Bing (375-443)
le premier traité de paysage s’intitulant : « Introduction à la peinture
de paysage ». Augustin Berque souligne que cette première approche
est intimement liée au Taoïsme c’est-à-dire à la morale et à la
religion. Zong Bing, rappelle en effet que « les grands hommes
aiment les montagnes et les eaux. » 4
Dès la fin du VIIIème siècle apparait le mot « Landschafte » qui fait
référence à la notion de territoire. Plus tard, en Europe du Sud on
parle plutôt de « Paese » utilisé en Italie au XVème siècle et qui
désigne plutôt une représentation picturale du paysage. Deux
origines linguistiques apparaissent pour le mot paysage :
- Anglo-saxone avec les déclinaisons Landschap (Néerlandais
1481), landschaft (Allemand 1508), Landscap (Anglais 1608)
- Latine avec les déclinaisons Paysage (Français 1549),
Paesaggio (Italien 1552) puis Paisaje (Espagnol) et Paysagem
(Portugais)5
Déjà la notion de paysage prend deux visages différents : territoire
ou représentation picturale de ce territoire.
De plus, on constate dans les nombreux travaux de recherche
concernant le paysage que deux notions sont inextricables quand on
parle de paysage : l’art d’un côté et la science de l’autre.
L’art car les paysages ont d’abord été représentés dans la
peinture tout au long de l’histoire que ce soit par les peintre
4
Cinq propositions pour une théorie du paysage – A. Berque - 1994
5
Le Paysage - M.Périgord et P.Donadieu –Armand Colin
16. 6
classiques de l’école flamande (Rubens, Van Ruysdael) ou les
impressionnistes du XIXème siècle sortant de leur atelier et
descendant au contact de la nature. « Tous ont cherché à représenter
par le paysage peint ce qu’ils appelaient la nature »
Bientôt cette picturalisation du « pays » a inspiré le jardin. L’art des
jardins (Landscape gardening) s’est alors confondu avec l’art du
paysage (Landscape painting) 6
La science car la notion de territoire implique une analyse de
l’environnement qui relève plus des sciences de la vie et de la terre.
Serge Briffaud nous apprend que « le savoir minéralogique a
forcément influencé la vision du paysage ». 7
En France, le XXème siècle ayant vu les paysages malmenés par
l’industrialisation galopante et la progression des villes, ses
évolutions sont devenues des enjeux sociaux et politiques.
L’état s’est emparé du paysage à travers de nombreuses actions
publiques : création du conservatoire du littoral en 1975, loi de
protection de la nature en 1976, création de la mission du paysage
du ministère de l’environnement dans les années 80, loi paysage en
1993, contrats de paysage, plans de paysage et atlas du paysage
sont autant d’outils et de moyens mis à la disposition des collectivités
publiques pour réguler la production de paysages ruraux, urbains ou
péri-urbains. La convention européenne du paysage de Florence en
2000 achève cette période avec l’établissement d’un cadre juridique
précis.8
Pour conclure sur la notion de paysage, tentons d’en donner une
définition qui on s’en doute ne sera pas pleinement satisfaisante eu
égard à cette dichotomie entre science et art, territoire et
représentation picturale de ce dernier. Alors, dépassons ces débats.
6
Le Paysage - M.Périgord et P.Donadieu –Armand Colin
7
De l’invention du paysage – S.Briffaud – Peter Lang AG - 1998
8
Le Paysage - M.Périgord et P.Donadieu –Armand Colin
17. 7
Je retiens cette définition du paysage issue du Traité de Paysagétique
de Catherine Chomarat Ruiz qui, me semble-t-il, reflète la plus
fidèlement notre XXIème siècle : « Expression d’une identité
collective et garant de bien-être, voire de santé, le paysage
constituerait une sorte de bien commun, inaliénable, à
transmettre à nos descendants » 9
Il est vrai qu’aujourd’hui les questions d’esthétique du paysage
tendent à passer au second plan au profit de considérations
environnementales. Tandis que les écologues Odile et Henri Decamps
reformulent la question phare de notre XXIème siècle, celle de la
place de l’homme sur terre, et soutiennent qu’il nous incombe d’être
attentifs à la biodiversité que nous avons trop souvent détruite, nous
conclurons avec l’idée du paysagiste Gilles Clément, qui, partant du
constat de la finitude de nos ressources naturelles, de l’adéquation
de la Terre avec la clôture d’un « jardin planétaire » vise à créer
des jardins qui se fondent sur le respect de l’environnement
tout en célébrant le rêve et l’imagination. 10
L’art et la science sont donc réconciliés pour de bon par les
paysagistes de notre ère moderne !
9
Catherine Chomarat Ruiz – Traité de Paysagétique – Contrée et
Concepts - 2014
10
Ibid
18. 8
1.2 Du paysage au paysagiste - Paysage et jardin : deux
notions indissociables
Qu’est-ce qu’un paysagiste ? Partons de cette définition simple de
Périgord et Donadieu : « Les architectes paysagistes sont les acteurs
privilégiés de la production des paysages. Au XIXème siècle on les
appelait « architectes de jardin » ou « jardinistes ». »
Cette définition nous oblige, à cette étape de notre travail de thèse,
à faire la liaison entre l’art du paysage et l’art du jardin, entre le
paysage et le jardin.
Qu’est-ce qu’un jardin ? Le mot jardin a comme origine « hortus
gardinus » qui signifie jardin (hortus) clos (gardinus). Le jardin est
un enclos de cultures vivrières et ornementales. L’horticulture
est ainsi née en tant que culture des jardins et comprend trois
grandes disciplines : l’arboriculture (fruitière ou ornementale), la
floriculture et la culture légumière.
L’article 5 de la charte de Florence relative aux jardins historiques,
nous rappelle que le jardin est « l’expression idéalisée des
rapports étroits entre la civilisation et la nature »
Le jardin peut également être conçu comme lieu symbolique de
représentation de son propriétaire ou de son auteur.
Partant de ces définitions, l’histoire nous montre que le jardin a été
conçu comme un espace de mise en scène du pouvoir, en particulier
dans les cours royales grâce auxquelles le jardin a été érigé en art à
part entière.
Les premiers paysagistes connus sont donc des personnages qui ont
démontré leur maitrise de l’art du jardin ! Les Italiens de la
Renaissance, sont les premiers à dessine des jardins prestigieux
comme le parc Boboli de Florence où les broderies de buis sont à la
mode. La Toscane et ses jardiniers sont d’ailleurs les premières
références pour Catherine de Médicis quand elle décide de construire
19. 9
les Tuileries. Elle fait appel au Florentin Bernard de Carnessequi,
« nommé alors intendant des plantes. Trois jardiniers français
viennent alors l’assister dont un certain Pierre Le Nostre (père
d’André). Ils percent des allées bordées de sycomores, d’ormes et de
sapins. Ils plantent des fleurs et toutes sortes d’espèces vivrières, un
morceau de Toscane sous les cieux de l’île de France »11
Les jardins
des Tuileries sont nés.
André Le Nôtre (1613-1700) naît en même temps que les jardins
des Tuileries dont son père est en partie l’auteur. Passant son enfance
aux Tuileries à écouter ses leçons de jardin, il passe 6 ans à
apprendre le dessin dans l’atelier de Simon Vouet en compagnie de
son ami Lebrun. Elevé dans un Paris de ruelles minuscules et
noirâtres, sa sensibilité à la perspective, est vive. Il est aussi bien
dessinateur qu’ingénieur s’adaptant à tous les terrains de Vaux le
Vicomte à Chantilly puis à Versailles pour satisfaire les volontés de
ses riches commanditaires. « Le Nôtre grimpe un à un les degrés de
la hiérarchie, devient en 1648 dessinateur des plants et jardins du
roi, en 1656 contrôleur des bâtiments. Il étend son savoir botanique,
continue de fréquenter les ingénieurs, rencontre les plus grands
architectes dont Mansart » 12
La carrière de Le Nôtre commence à 40
ans grâce à Fouquet qui lui donne sa chance avec les jardins de Vaux
le Vicomte.
Sa rencontre avec Louis XIV en fera le premier jardinier paysagiste
connu de notre histoire, celui qui érigea le jardin comme un art à part
entière ! Grâce à André Le Nôtre le jardin est devenu jardin
d’agrément, valorisant le paysage grâce à ses énormes perspectives.
Le siècle des Lumières est le point de départ du paysagisme
en France.
11
Erik Orsenna- Portrait d’un homme heureux A. Le Nôtre - Fayard
12
Ibid
20. 10
1.3 L’histoire du paysagisme d’André Le Nôtre à nos jours
André Le Nôtre meurt en 1700 laissant derrière lui une œuvre qui
fera référence dans toutes les écoles de paysagismes par la suite.
La révolution Française et les grandes famines qui la précède,
viennent interrompre pour quelques dizaines d’années les réalisations
des paysagistes français. La France consacre la majeure partie des
terres cultivables à la production de ressources vivrières et délaisse
l’art des jardins d’agrément qui ne nourrit personne….
« Dans les années désastreuses de la révolution de 1789, il fut sinon
plus utile, du moins plus sûr, de couvrir son sol de pommes de terre
que de l’enrichir de nouvelles plantes étrangères. C’est ainsi que
presque tous les jardins d’agrément ont été détruits »13
De ce XVIIIème siècle mouvementé et divisé entre jardin
nourricier et jardin d’ornement, naît l’horticulture, qui se revendique
comme « sœur cadette » de l’agriculture et se différencie en
apportant la dimension d’agrément, agréable diversion aux
préoccupations sociales d’une société malmenée.
Au XIXème siècle, l’horticulture se structure et regroupe quatre
grandes disciplines dont le paysage, la pépinière, la fleuristerie et le
maraîchage. La Société Nationale d’horticulture voit le jour en 1855,
dix ans plus tard elle compte déjà plus de 2000 membres.
La population Française regagne de l’intérêt pour l’art du jardin.
Le préfet Haussmann contribue à remettre le jardin au centre de la
ville dans des perspectives hygiénistes. Le jardin contribue en effet à
l’abaissement de la densité de population en ville, permet de contenir
et de freiner les épidémies, et enfin offre aux citadins des espaces de
13
Société royale d’horticulture, 1848, P53. Extrait de la thèse de
Charlène Lambert
21. 11
bien être leur permettant de se promener et de faire du sport. Une
préfiguration des discours actuels des climatologues et écologistes de
tous bords qui vantent les mérites de la végétalisation des villes, mais
nous y reviendront plus tard dans cette thèse !
Les paysagistes, successeurs de Le Nôtre, tels que Gabriel Thouin
(1747-1829) et les frères Denis (1811- 1890) et Eugène Buhler
(1822- 1907) contribuent à faire évoluer l’art du jardin.
On parle alors de jardin paysagé ou jardin naturel qui préfigure ce
que l’on appelle aujourd’hui le jardin à l’anglaise, prenant le contre-
pied du style des jardins « à la française » de Le Nôtre.
Les techniques et le métier évoluent : Gabriel Thouin propose de
nouvelles manières d'insérer le végétal dans le paysage dans son
ouvrage intitulé « Plans raisonnés de toutes les espèces de jardins »
(1819-1820) ». Il y répertorie quatre types de jardins :
• Le jardin potager,
• Le verger,
• Le jardin botanique ou jardin d'apothicaire,
• Le jardin d'agrément qui se divisent en trois styles :
o Les jardins symétriques,
o Les jardins anglais ou chinois
o Les jardins paysagers.
Peu connus aujourd'hui, les frères Bulher, jouirent d’une gloire
considérable au XIX siècle et faisaient partie de l'élite de la profession.
Ils affectionnaient les paysages exotiques et le jardin paysager. On
leur doit, entre autres, le parc de la tête d’or à Lyon et le jardin du
domaine de Courson.
22. 12
A l’orée du XXème siècle, Jean Claude Nicolas Forestier (1861-
1930), continue à œuvrer pour mettre l’art des jardins à l’intérieur
des villes. Diplômé de l’école Polytechnique et de Sciences Po mais
aussi de l’école forestière de Nancy, il intègre le service autonome
des promenades et plantations de la ville de Paris qu’il ne quittera
qu’à sa retraite quarante ans plus tard. Son ouvrage
principal, Grandes Villes et Systèmes de parcs lui permet de détailler
sa vision et de légitimer son statut d’urbaniste-paysagiste.
Contemporain de Le Corbusier, en 1923, Forestier met au point une
nouvelle conception du système de parcs et de projet urbain dans
laquelle domine la volonté d’embellissement des villes.
Son « système de parcs », apparaît comme une promenade urbaine
où chaque espace naturel vient jouer un rôle de halte pour un
promeneur. Cette approche, favorisant la marche, vient corroborer
les théories hygiénistes d’Haussmann citées plus haut : la santé par
une activité physique en plein air.
Il fait entrer le jardin comme élément à part entière d’un
projet urbain. Le jardin comme le lieu de vie, de repos, de
méditation. Il affirme que « Le plan de ville est insuffisant s’il n’est
pas complété par un programme d’ensemble et un plan spécial des
espaces libres intérieurs et extérieurs, pour le présent et pour
l’avenir, par un système de parcs »
Forestier est un visionnaire à plus d’un titre, surtout sur les
problématiques d’environnement et de respect du site (topographie,
réseau hydrologique…).
« Forestier est un moderne mesuré qui revisite la tradition savante
et archaïque »14
14
Jean Pierre le Dantec- Le sauvage et le régulier : art des jardins
et paysagisme en France au XXeme siècle – Le Moniteur 2002
23. 13
L’après-guerre et les 30 glorieuses voient l’avènement du
paysagisme en France et des paysagistes qui vont créer les espaces
dans lesquels nous vivons aujourd’hui qu’il s’agisse des jardins
urbains ou des jardins privés de particuliers. Nous retiendrons deux
paysagistes contemporains qui illustrent honorablement la profession
de par leur vision moderne et réaliste du métier : Michel Cordajoud
et Gilles Clément.
Michel Corajoud est paysagiste diplômé par le Ministère de
l'Agriculture, il travaille en collaboration avec un autre paysagiste
renommé du XXème siècle, Jacques Simon de 1964 à 1966, puis, de
1966 à 1975, en association avec l'Atelier d'urbanisme et
d'architecture (AUA) où il forme, avec Henri Ciriani et Borja Huidobro,
une équipe de paysagistes urbains.
En 1975, il s’associe avec son épouse Claire, diplômée de l’École
nationale supérieure d'horticulture.
Il participe au renouveau du métier du paysage en travaillant en
étroite collaboration, avec les plus grands architectes contemporains,
se considérant comme leur alter ego et se positionnant par
conséquent contre la tendance de ses aînés paysagistes en
s’éloignant de la conception « horticole » du métier : « Jusqu'au début
des années 70, les paysagistes français étaient formés dans une
filière de l'école d'horticulture et, de ce fait, leurs savoirs sur la ville
et l'architecture étaient négligés. C'est l'idée de "nature" qui, le plus
souvent, présidait à leur travail sur les espaces urbains. J'ai alors
affirmé l'idée que le travail des paysagistes sur l'espace interstitiel
des villes devait, au contraire, être une forme introductive de
l'architecture, qu'il y avait une continuité d'intentions nécessaire
entre les bâtiments et les espaces extérieurs qu'ils déterminent. »
24. 14
Dans « 9 conduites pour le projet »15
il résume son approche d’un
projet paysager. Son travail démontre l’importance du rôle du
paysagiste dans la conception de la ville moderne.
Ces 9 conduites sont détaillées dans le schéma suivant : 16
Se mettre en état d’effervescence /Explorer les limites, les
outrepasser / Parcourir en tous sens / Quitter pour revenir
Traverser les échelles /Ouvrir son projet en cours / Anticiper
Défendre l’espace ouvert / Rester le gardien de son projet
Nous terminerons cette histoire des paysagistes français par
l’évocation de Gilles Clément. Né en 1943, dans la Creuse, Gilles
15
Texte publie en Septembre 2000 aux éditions de l'Imprimeur dans
le livre : "Le Jardinier, l'Artiste et l'Ingénieur" (sous la direction de
Jean-Luc Brisson)
16
http://corajoudmichel.nerim.net/10-textes/elements-des-9-
conduites/00neuf-cond-vignettes.html
25. 15
Clément n’est vraiment vivant que dans le jardin de son enfance à la
Grange dans la Creuse. A l’école il s’ennuie, « pour devenir paysagiste
il fait maths sup et maths spé pour préparer Agro ». Il est admis en
agro mais choisit d’entrer à l’Ecole Nationale du Paysage de
Versailles. « Nous étions deux étudiants à faire ce choix parce que
Versailles proposait une formation sur le paysage. Nos professeurs
étaient consternés, cette école était considérée comme la moins
prestigieuse. Je voulais être paysagiste et, à l’époque, jardinier et
paysagiste, pour moi c’était la même chose »17
.
Son parcours et ses convictions illustrent parfaitement le passage du
XXème au XXIème siècle et le changement de paradigme nécessaire
dans le métier de paysagiste : il faut désormais faire avec la nature
et se mettre à son service plutôt que de chercher à la mettre au
service de l’homme comme l’avaient fait ses prédécesseurs.
Dans ses nombreux ouvrages, Gilles Clément met en avant plusieurs
concepts qui nous font comprendre que le XXIème siècle, celui du
réchauffement climatique inéluctable, devra être traversé avec
humilité et respect envers la nature :
-‐ Le jardin en mouvement (Faire le plus possible avec et le
moins possible contre- 1991), un jardin où le jardinier écoute
le génie naturel et donne une place forte à la nature,
-‐ Le manifeste du tiers paysage défini comme un espace
résiduel dans les fiches au bord des routes où l’homme ne va
pas,
-‐ Thomas et le voyageur où il détaille le concept de jardin
planétaire représentant la terre en tant que jardin comme un
espace fini, les limites de la biosphère (1997)
sont les 3 ouvrages « piliers » de la réflexion de Gilles Clément. 18
17
Extrait du livre « Les 4 saisons de Gilles Clément » de Frédérique
Basset aux éditions de l’échiquier - 2014
18
video L’art des jardins avec Gilles Clément – 2012 – Stand Alone
Média https://www.youtube.com/watch?v=xM7P7MzPxFs
26. 16
Il nous éclaire avec militantisme sur la manière de mener la création
du paysage en respectant notre planète, et les ressources finies
qu’elle nous offre, et surtout en faisant confiance à la nature qu’il
observe depuis l’enfance : « Non Gilles n’est pas un théoricien hors
sol qui élabore des concepts au fond d’un obscur atelier. Ce qu’il
transmet et invente au fil de ses livres n’a rien de virtuel. C’est le
fruit des travaux et des jours, de ses expérimentations dans le jardin
de la Vallée, d’une connaissance et d’une patiente attention au vivant,
à ce « génie naturel » que les plantes et les animaux ont mis au point
au fil de l’évolution…. Le génie naturel est primordial car c’est un outil
du jardin du futur » 19
Camille Muller, paysagiste renommé, élève de Gilles Clément
confirme : « A l’époque, je ne l’ai pas pris au sérieux. A priori, je
trouve que les concepts cachent un manque d’imagination. Mais Gilles
est la seule personne que je connaisse dans ce métier qui formule
des principes qui ont du sens et correspondent à quelque chose de
profond. Tout simplement parce qu’il les vit. » 20
Pour résumer la pensée de Gilles Clément, paysagiste de notre
siècle : « Il s’agit de réconcilier l’homme et la nature et de cesser de
croire que le premier est maître de la seconde ».21
Un humanisme bien placé qui, à mon sens, devrait présider à toutes
les réflexions créatives des paysagistes en 2019 !
Et même si on imagine difficilement comment Gilles Clément intègre
le digital dans sa pratique, la leçon qu’il nous donne reste pertinente.
La technologie et les innovations doivent rester elles aussi au service
de la nature sans chercher à la maitriser à tout prix. En 2019, le
paysagisme et ses représentants les paysagistes auront cumulé 400
ans de pratiques.
19
Extrait du livre « Les 4 saisons de Gilles Clément » de Frédérique
Basset aux éditions de l’échiquier - 2014
20
Ibid
21
Ibid
27. 17
Où en sommes-nous aujourd’hui quand on parle du métier de
paysagiste ?
Le paradigme de départ est obsolète et un nouveau cadre vient
d’émerger : nous sommes passés d’une pratique faisant plier la
nature pour combler les plus futiles volontés du roi Soleil à une
pratique qui se doit de respecter la nature et le jardin planétaire de
Gilles Clément, le tout dans un monde accéléré qui chauffe et qui
évolue de plus en plus vite, sans toujours prendre le temps de
comprendre.
Le paysagiste doit être ce jardinier planétaire, quelles sont alors ses
missions ? C’est ce que nous allons voir dans la prochaine partie de
cette thèse.
28. 18
2/LES PROFESSIONS DU PAYSAGISME
2.1 Le concepteur-paysagiste naît au XVIIIème siècle
Périgord et Donadieu nous rappellent que : « Le terme paysage est
aujourd’hui en français synonyme de paysagisme, lui-même
équivalent au terme anglais landscaping, ou landscape gardening,
landscape architecture, landscape design, dans ce contexte
professionnel, il n’exprime pas le même sens que dans le champ
scientifique, géographique et écologique. »22
C’est dans ce contexte que nous allons tenter de cerner le métier de
paysagiste. Continuons avec Périgord et Donadieu qui nous
renseignent précisément sur les origines du métier de paysagistes et
sur l’évolution de ses missions du XIXème siècle à nos jours.
« Au XIXème siècle, la naissance de l’horticulture et à l’extension des
parcs et jardins publics et privés, firent de l’architecte des jardins
une figure importante, une compétence au service du bien-être
auquel il sera largement fait appel au siècle suivant »23
« C’est au XXème siècle qu’apparaissent des spécialités
professionnelles : les architectes se distingueront désormais des
jardiniers-paysagistes, des entrepreneurs paysagistes qui réalisent et
entretiennent les jardins, des planificateur paysagistes qui
s’associent aujourd’hui avec les urbanistes. »24
On voit ici se dessiner la typologie des différents métiers du secteur
du paysagisme actuel.
Même si André Le Nôtre est souvent considéré comme le premier et
le meilleur paysagiste contemporain, par sa formation
pluridisciplinaire, en France, le métier de paysagiste, dans ses
dimensions actuelles, s’est vraiment développé pendant la période
22
Le Paysage - M.Périgord et P.Donadieu –Armand Colin - 2012
23
Ibid
24
Ibid
29. 19
d’après-guerre des trente glorieuses, avec, entre autres,
l’opportunité des chantiers de grandes reconstructions.
Le diplôme de paysagistes DPLG est né en 1976 à l'école nationale
supérieure de paysage de Versailles.
Cette formation qui est désormais commune aux écoles supérieures
de paysage, Il se transforme en 2014 en diplôme d'État (paysagiste
DE)25
Le code de déontologie du paysagiste est publié la même
année. (Annexe 2).
La loi de 2016, dite « pour la reconquête de la biodiversité, de la
nature et des paysages », nous précise que « seuls peuvent se
prévaloir, dans le cadre de leur exercice professionnel du titre de
« paysagistes concepteurs », les titulaires d'un diplôme délivré par
un établissement de formation agréé et permet de dissocier le
paysagiste concepteur diplômé d'une école supérieure de paysage en
France du réalisateur des travaux de terrain communément nommé
entrepreneur paysagiste, jardinier-paysagiste ou paysagiste-
ouvrier. »26
On trouve ici l’origine des différents métiers du paysage sur lesquels
nous reviendrons dans la suite de cette partie.
Depuis octobre 2019, le titre de paysagiste concepteur est reconnu
au niveau européen.27
Afin de compléter ce cadre légal, la Fédération Française du Paysage28
nous donne une définition précise de la profession de paysagiste
concepteur :
25
Décret numéro 014-1400 du 24 novembre 2014
26
Article 174 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016
27
https://ec.europa.eu/growth/tools-
databases/regprof/index.cfm?action=profession&id_profession=648
0
28
http://www.f-f-p.org/fr
30. 20
« Le paysagiste concepteur est le maître d'œuvre des projets et des
études d'aménagement de l'espace extérieur, depuis le jardin
jusqu'au territoire. »
Particularité franco-française, le terme de « Paysagiste
concepteur » est utilisé ici à défaut d’une reconnaissance en France
du titre d’architecte-paysagiste même si depuis 1965, le terme «
Architecte paysagiste » est inscrit au registre des professions
reconnues par le Bureau International du Travail dans la version
française (« Landscape architect » en anglais) et reconnu dans tous
les autres pays francophones et par les organisations internationales.
Sa spécificité par rapport à l'architecture se situe dans son aptitude
à intégrer non seulement le végétal, mais plus généralement la
complexité, l'évolution et l'incertitude d'un milieu vivant, du jardin au
territoire, de la ville à la campagne.
Les compétences d’un paysagiste ne sont pas seulement
techniques, puisqu'il sait intégrer les dimensions subjective,
culturelle et sociale du paysage, et mettre en œuvre sa propre
créativité. Elles ne sont pas non plus seulement architecturales,
puisqu'il connaît le végétal, le sol, l'eau et aussi la complexité,
l'évolution et l'incertitude d'un milieu vivant.
Par abus de langage, on pourrait définir le concepteur –paysagiste
comme un architecte du vivant, ce qui le différencie des architectes
au sens français du terme.
D’ailleurs les paysagistes se voient souvent plus « humbles » que les
architectes, devant se plier et travailler en harmonie et en symbiose
une notion beaucoup plus grande qu’eux : la nature et le vivant !
Mais plutôt que de travailler « contre » l’architecte, le concepteur-
paysagiste est partenaire et complémentaire de nombreux autres
métiers de la conception et de la maitrise d’œuvre : les architectes
en premier lieu mais également les urbanistes ou les ingénieurs.
31. 21
Le paysagiste concepteur doit accroître l'équilibre et la diversité de
l'environnement, il contribue ainsi à la sauvegarde de la biodiversité
qu’il peut intégrer à 100% à sa démarche de création. Il est à ce
titre un acteur majeur du développement durable.
Le paysagiste concepteur est avant tout aménageur d’espace dans
le cadre de projets. A ce titre il doit mettre en œuvre de
nombreuses compétences :
• Prendre en compte les données historiques, culturelles, et
sociaux-économiques des lieux sur lesquels il travaille,
• Etre capable de réfléchir et d’établir un projet global,
• Savoir diagnostiquer et conseiller,
• Savoir coordonner des équipes et des projets.
Catherine Chomarat Ruiz nous le rappelle dans son traité de
paysagétique : « La singularité du projet de paysage réside en ce
qu’il se fonde sur la nature d’un site à aménager, a pour finalité de
donner forme et sens au vide extérieur défini par le bâti. Cette
spécificité implique par conséquent la connaissance du végétal et des
territoires, y compris les représentations imaginaires qui leurs sont
inhérentes, la prise en compte du temps propre à l’évolution des
végétaux et à l’appropriation d’un aménagement par les usagers. »29
En résumé, le paysagiste concepteur est à la fois généraliste et
spécialiste. Il se distingue de l’architecte par :
• Sa capacité à travailler sur des éléments en permanente
évolution (naturels, culturels et sociaux),
• Sa capacité à s'adapter et s'ouvrir à une grande diversité de
territoires ruraux et urbains.
29
Catherine Chomarat Ruiz – Traité de Paysagétique – Contrée et
Concepts - 2014
32. 22
En tant que maître d’ouvrage il peut travailler pour des
établissements publics (Mairies, Département, …) des entreprises
semi-publiques (bailleurs sociaux, Sociétés d’économie mixtes) ou
des entreprises privées (BtoB). Il travaille également pour les
particuliers (BtoC). Dans ce cadre, il peut être mandataire d'un
projet, travailler seul, en cotraitance ou en sous-traitance,
notamment au sein d'équipes pluridisciplinaires. Le concepteur
paysagiste peut être salarié dans un bureau d’étude mais également
travailler à son compte en créant sa propre entreprise. On peut dire
que l’adaptabilité est une compétences clé dans le métier de
paysagiste !
Il n’y a pas un profil unique mais de multiples profils de
concepteurs paysagistes : du paysagiste urbaniste qui travaille
dans un bureau d’étude au paysagiste artiste ou historien qui ne
réalise que des jardins pour les particuliers (Jean Mus qui rénove les
jardins de Picasso à Cannes par exemple), en passant par le
paysagiste chef d’entreprise et maître d’œuvre, la profession de
concepteur paysagiste est donc à géométrie variable et offre de
multiples visages. Leur point commun : ils ont tous l’habitude de
travailler plutôt en équipe projet qu’en silos, ce qui devrait être
un véritable atout de la profession pour s’adapter aux changements
que la transformation digitale impose aux différentes formes de
travail au XXIème siècle. Il faudrait néanmoins les encourager encore
à casser ces fameux silos et à travailler encore plus ensemble. La
transformation digitale des villes et du métier, on va le voir
plus tard dans cette thèse, leur facilitera la tâche.
33. 23
2.2 Les missions du concepteur-paysagiste
Le concepteur paysagiste peut réaliser 3 grands types de missions
dans le cadre de ses interventions dans un projet :
Les 2 premières missions sont l’étude et la maitrise d’œuvre :
- Études d’impact, plan de paysages à grande échelle
- Études de tracés d’infrastructures routières, ferroviaires ou
fluviales ;
- Études d’aménagements urbains : places, rues, entrées des
villes, squares, parcs et jardins publics, réhabilitation et
intégration urbaine,
- Études d’aménagements ruraux : reboisements, aménagement
de friches, de cours d’eau ou plans d’eau, valorisation du
patrimoine historique, du littoral…
- Études de réhabilitation de lieux dégradés : friches
industrielles, gravières, décharges, terrils, carrières …
- Études d’aménagements de zones industrielles, portuaires
- Études d’aménagements de jardins privés
Quelles sont les étapes de réalisation d’une étude en
paysagisme ?
- Recueil des informations nécessaires à la compréhension de
l'étude.
- Circonscription de la demande du client à partir de ses attentes
et de son cadre de vie.
- Pour une commande publique, prise de connaissance de l'appel
d'offre de la collectivité et mise en place des relevés
topographiques pour préparer sa réponse.
- Analyse paysagère du site afin de réaliser un diagnostic et de
dégager les possibilités techniques les plus adaptées.
34. 24
- Définition et réalisations des documents de présentation des
pré-projets et des projets finalisés, sous forme de plans en 2D,
d'images en 3D et de films en 3D et textes (esquisses, plans
d'aménagements, croquis en perspectives, photomontage et
images 3D, plans de coupes, planches de végétaux…).
En quoi consiste la maîtrise d’œuvre ?
La maîtrise d'œuvre ou le maître d'œuvre (MOE) est la personne
physique ou morale choisie par le maître d’ouvrage30
pour la conduite
opérationnelle des travaux d’un chantier en matière de coûts, de
délais et de choix techniques conformément à un cahier des charges.
Un maître d'œuvre ne peut pas effectuer de travaux.
Le MOE peut être chargé par le maître de l'ouvrage : de l'assister
pour la consultation des entreprises et pour la conclusion du ou des
marchés avec le ou les entrepreneurs, de diriger l'exécution du ou
des marchés de travaux, de l’assister pour la réception des ouvrages
et le règlement des comptes avec les entrepreneurs.
Quelles sont les étapes de la maitrise d’œuvre ?
- Elaboration des pièces administratives utiles au projet :
cahiers des clauses administratives particulières, règlement
particulier de l'appel d'offre
- Définition des pièces techniques nécessaires au projet : plans
techniques des terrassements, réseaux, irrigation,
infrastructures, plantations.
30
Il est nécessaire de distinguer le maître d’œuvre et le maître
d’ouvrage pour qui il travaille et qui est le propriétaire de l'ouvrage
ou commanditaire des travaux (État, collectivités, entreprises
publiques, maître d'ouvrage privé).
35. 25
- Réalisation des plans techniques et métrés (plans de
nivellement, plans de plantation…).
En tant que maître d’œuvre, le concepteur du paysage vérifie
l'adéquation entre les réalisations et le projet et, si nécessaire,
actualise les plans selon les besoins du chantier.
La 3ème mission est celle de conseil et d’expertise :
- Conseil et expertise vers les instances publiques Auprès des
maires, des maitres d’ouvrages, des élus du département ou
des représentants de l’état.
- Conseil et expertise auprès des entreprises qu’elles soient
publiques ou privées
Pour réaliser toutes ces missions, nous pouvons résumer les quatre
pôles de compétence dont le paysagiste a besoin pour exercer son
métier de manière optimale :
- Compétences créatives
- Compétences commerciales- conseils
- Compétences organisationnelles dans la maîtrise d’œuvre
- Compétences de chef d’entreprise car bien souvent le
paysagiste concepteur travaille à son compte.
2.3 Métiers du paysage au service du concepteur paysagiste
En France, les métiers du paysage peuvent être considérés comme
des métiers en tension. Le secteur du paysage, comme tous les
secteurs regroupant des métiers dits « manuels » a beaucoup de mal
à recruter. Dans ce contexte, l’UNEP (Union Nationale des Entreprises
du Paysage), en tant qu’organisation interprofessionnelle nous fournit
des outils complets qui permettent de faire l’inventaire des métiers
36. 26
du paysage et des formations qui y mènent grâce à un site internet
complet.31
Deux grandes familles de métiers permettent au concepteur
paysagiste de faire naitre les projets qu’on lui confie :
- Les métiers de l’amont des projets en lien avec les missions
d’étude et d’aménagement : conception et aménagement
- Les métiers en aval des projets : soins et entretien paysager
Les métiers en amont des projets : création et
aménagements32
Ces métiers s’articulent autour des différentes étapes du projet. En
tant que chef de projet et bien souvent chef d’entreprise il réalise
souvent lui-même certaines missions : infographiste dans les étapes
31
https://www.lesmetiersdupaysage.fr
32
Source : https://www.lesmetiersdupaysage.fr - UNEP
37. 27
de conception, technico-commercial lors de la présentation et la
vente de ses projets, jardinier lors de l’étape d’aménagement.
Dans certains cas, le concepteur paysagiste sous-traite ces savoir-
faire à des entreprises indépendantes du paysage ou des techniciens
spécialistes de l’irrigation de la maçonnerie ou de l’éclairage.
Comme nous l’avons vu précédemment, le concepteur paysagiste est
un véritable chef de projets. Les configurations de travail peuvent
être multiples en fonction de la nature des projets.
Comme les architectes en bâtiment, souvent le concepteur
paysagiste travaille avec les entreprises sous-traitantes de son
réseau sur lesquelles il s’appuie pour mener les projets à bien.
Dans les bureaux d’études paysagers, les différents métiers du
paysage sont représentés en interne. Le concepteur paysagiste est
alors dans ce même rôle de chef de projet et coordonne l’équipe et
les différents métiers en interne.
Les métiers en aval des projets : soins et entretien
Les équipes du concepteur paysagiste assurent également l’aval des
projets en termes d’entretien des jardins ou espace vert.
De même que pour certains savoir-faire amont, le concepteur
paysagiste peut confier ces missions à des entreprises sous-
traitantes.
38. 28
3/LES FORMATIONS AUX METIERS DE PAYSAGISTE
En France, les formations qui mènent aux diplômes de concepteur
paysagiste, reconnues par l’Etat et l’Europe sont nombreuses.
Le parcours de formation aux différents métiers décrits plus haut va
du CAP jusqu’au grade de master (Bac + 5).
En termes de formation, il nous faut distinguer les formations initiales
qui sont suivies par les jeunes à partir de la classe de 5ème, et les
formations continues qui permettent aux adultes de se former aux
métiers du paysages tout au long de la vie grâce en particulier au
Compte Personnel de Formation (CPF) émanant des récentes
réformes de la formation professionnelle.
Comme nous avons pu le voir précédemment le secteur du
paysagisme, émanant historiquement de l’horticulture, les formations
dont nous allons parler ici sont gérées par les établissements
d’enseignements agricoles et donc conjointement par plusieurs
ministères : le ministère de l’Education Nationale pour les diplômes
d’état tels que le Bac ou les Brevets de Techniciens Supérieurs (BTS),
le ministère de l’Agriculture et le ministère de la Transition Ecologique
pour les titres professionnels RNCP par exemple.
39. 29
3.1 Des formations variées du bac -3 au Bac + 5
Le panorama des formations (annexe 3) peut être synthétisé comme
suit :
Ce schéma nous montre que les formations initiales sont nombreuses
et permettent aux jeunes d’accéder aux métiers du paysage à partir
de la classe de 3ème avec des possibilités de parcours variés allant
du CAP au Bac +5.
Contenus des référentiels de formation
Les référentiels de certification des diplômes sont constitués par la
liste des capacités attestées par les diplôme et les modalités
d’évaluation. Les capacités sont déterminées à partir de l’analyse des
emplois et du travail, en fonction des objectifs éducatifs et d’insertion
MFR ou CFA
• CAPA jardinier paysagiste
• BP aménagements paysagers
• BPA travaux des aménagements paysagers
Lycée
gal/agri/CFA
• Bac Pro Aménagement paysagers
• Bac Pro Gestion des milieux naturels et de la faunes
• Bac général S ou STAV ou spécialisations scientifiques
Lycée
gal/agric/CFA
• BTSA Aménagements paysagers
• Classes préparatoires aux concours
Ecoles
d'ingénieurs
• Diplômes d'ingénieur en paysage (Agrocampus Ouest Angers /
Itiape)
Ecoles
spécialisées
• Diplome d'état de paysagiste (Master : ENSP Versailles, ENSNP
Blois, ESAJ, ENSAP)
40. 30
professionnelle, citoyenne et sociale visés par les certifications du
Ministère chargé de l’Agriculture.
Elles sont de 2 ordres :
- des capacités générales, identiques pour toutes les spécialités
agricoles du Ministère chargé de l’Agriculture
- des capacités professionnelles, spécifiques à la spécialité
3.2 La culture digitale absente des formations
L’étude des référentiels du CAPA au BTSA qui préparent aux
métiers du paysage, synthétisée dans l’annexe 4, nous permet de
constater que les capacités attestées par ces diplômes, du Bac -3 au
Bac + 2 concernent essentiellement les fondamentaux du métier qui
fournissent les compétences techniques et scientifiques nécessaires
mais également les compétences de communication et de gestion
rudimentaire nécessaires à la pratique du métier.
Si on recherche dans ces référentiels des enseignements ayant trait
aux différents domaines du digital et de l’emploi des outils
numériques, peu de choses sont apparemment enseignées :
Outils de recherche d’information / Outils informatiques de gestion
rudimentaires / Outils de PAO rudimentaires.
On peut faire le même constat lorsque l’on se penche sur les diplômes
de l’enseignement supérieur qui mènent au titre de paysagiste
concepteur DPLG, on constate que les seuls domaines du numérique
qui sont enseignés concernent surtout l’infographie et la conception
assistée par ordinateur.
41. 31
Exemple des enseignements du diplôme d’ingénieur
paysagiste de l’Agrocampus d’Angers :
Disciplines enseignées : sciences économiques, humaines et sociales,
sciences biophysiques, écologie des paysages, géographie sociale,
infographie, histoire de l’aménagement des territoires, outils de
création et de construction.
Si l’on va plus loin en observant les contenus de formation de l’école
de référence dans la profession de paysagiste concepteur, l’ENSP de
Versailles, on peut faire le même constat : les seuls enseignements
qui ont trait au digital et aux outils numériques actuels au service des
paysagistes se résument à l’utilisation des logiciels de dessins et de
conception.
Dans l’optique de confirmer ces constats, nous interrogeons Régis
Triollet sur la façon dont les acteurs de la formation s’approprient la
technologie dans les formations. Il est animateur national du réseau
des écoles d’horticulture et de paysage appelé Hortipaysage.
L’évolution des référentiels de formation et le digital : ce que
nous dit Régis Triollet
« Ce qui se passe c’est que tous les référentiels sont en ré-écriture
concernant les liens à la transition agro-écologique. »
L’idée est de faire le lien avec toutes les modalités technologiques et
techniques mises au service de l’agriculture, et par là des métiers du
paysagisme, pour répondre aux objectifs de la transition agro-
écologique à 3 niveaux : le climat, la biodiversité et le numérique.
Le 30 octobre 2019 a eu lieu la conférence sur l’avenir de
l’enseignement agricole réunissant toutes les parties prenantes
autour de Didier Guillaume le Ministre de l’Agriculture.
Son message à destination des acteurs de l’enseignement agricole
est clair : « L’enseignement agricole est une pépite. Ce n’est pas la
5ème roue, mais le moteur du tracteur ! »
42. 32
Il préconise une vision globale pour agir avec des outils adaptés,
avec le digital en appui.
Le besoin de transformation numérique est donc identifié. Il
reste maintenant à le mettre en œuvre. Et le temps administratif n’est
pas le même que le temps du monde digital : Régis Triollet nous
précise qu’il faudra 3 ans pour réformer les référentiels. Et ensuite
environ 4 années scolaires pour que tous les acteurs et les équipes
pédagogiques soient opérationnels et efficaces dans les écoles.
Ce que vont contenir les nouveaux référentiels :
L’idée est d’introduire le numérique et les nouvelles technologies en
les mettant en œuvre dans les exploitations agricoles d’application se
trouvant au sein des école de manière à favoriser l’appropriation des
nouvelles technologies et des méthodes.
Régis Triollet précise : « Tous les leviers techniques et technologiques
devront être mis à la disposition de l’apprenant. On formera à la
capacité d’adaptation, apprendre à désapprendre ».
L’axe majeur de cette réforme est le changement complet de
paradigme : « l’apprenant devient pièce centrale dans le processus
de formation. Il faut accompagner la diversité du public et les armer
pour qu’ils puissent faire un choix professionnel. »
Cette philosophie générale sera présentée prochainement par le
Ministre de l’agriculture dans son Plan « enseigner à produire
autrement ».
43. 33
La formation professionnelle tout au long de la vie
Régis Triollet nous explique que ce sont les CFPPA (Centre de
formation et de promotion agricole) qui assurent principalement les
formations continues.
Les CFPPA sont de véritables entreprises, et des structures proposant
des offres de formation dont elles assurent l’ingénierie et la
commercialisation. Ils sont capables de proposer un programme de
formation rapidement pour répondre à toutes les demandes
particulières.
Il y a 200 CFPPA en France, fédérés en réseaux régionaux.
Les paysagistes y interviennent très souvent. A ce titre, ils sont les
acteurs privilégiés des formations sur les nouvelles technologies.
L’exemple de Benoit Brissinger illustre bien l’engagement des
professionnels dans la formation aux nouvelles technologies.
En effet, ce dernier, paysagiste dans la région Est, passe une bonne
partie de son temps à animer des formations et des conférences sur
les nouvelles technologies : drones au service des chantiers,
robotique appliquée au jardin et réalité virtuelle sont par exemple ses
thèmes d’interventions qu’il détaille très clairement sur le site
internet de son entreprise de paysage. (Annexe 6)
De son côté Régis Triollet est lui-même Intervenant à la Faculté
d’Angers, sur la License professionnelle aménagement des espaces.
Dans ce cadre, il promeut la notion de « cobotique » auprès de ses
étudiants : collaboration entre les outils de l’humain et la robotique.
Comme les exosquelettes ou les gants assistés pour protéger le
physique. « La cobotique, c’est un domaine de recherche important
pour contrer la pénibilité des activités » nous dit-il.
Il ajoute : « Tout cela n’empêche pas les initiatives des formateurs
en individuel. »
44. 34
Comme par exemple le concours de blogs lancé en partenariat avec
la revue « Le lien Horticole » et qui a permis à des élèves de Bac Pro
de monter leurs blogs autour d’un projet de jardin qui permet « de
s’approprier la mise en vitrine et la communication vers la société ».
Pour terminer avec la formation continue, les chiffres publiés par
l’UNEP en 2016 (Union Nationale des Entreprises du Paysage) sont
plutôt encourageant quant à la tendance de fond : la proportion des
salariés du secteur bénéficiant d’une formation est de 26% avec une
durée moyenne de formation de 7,5 jours, ce qui est élevé. 20% des
entreprises du secteur ont fait des investissements en formation
supérieurs à l’obligation légale.33
La formation avance à petit pas vers l’acquisition de compétences
digitales. La volonté politique semble être au rendez-vous, ce qui
nous permet de conclure sur une note optimiste concernant la future
intégration de la transformation numérique de notre société à tous
les niveaux de formations des métiers du secteur du paysagisme.
Cependant, encore peu de paysagistes sont formés aux techniques
de gestion de l’entreprise et aux techniques marketing. Ces
compétences sont pourtant indispensables au développement de leur
business. Dans ce cadre, la maîtrise des outils du marketing digital
est impérative en 2020.
Régis Triollet résume bien la position des acteurs de la formation
concernant ce dernier point : « On part du principe que ce n’est pas
un problème. Ils ont déjà la connaissance et les liens aux réseaux
sociaux dans leurs pratiques privées. Il est vrai que ce n’est pas
seulement des outils de la vie privée, il faut en faire des atouts au
service de leur activité professionnelle. Un des points noirs de
l’enseignement agricole : le marketing et la communication restent
33
Chiffres clés UNEP 2017
45. 35
le parent pauvre. » Il conclut en rappelant que la prise de conscience
et la volonté de changer sont là. La preuve en image : « L’aventure
du vivant », le nouveau slogan de l’enseignement agricole qui a été
lancé mercredi 27 février 2019 au Salon international de l’agriculture
par de Didier Guillaume, Muriel Pénicaud, Ministre du travail et de
Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Education Nationale. Une
campagne de communication est diffusée sur le site et les réseaux
sociaux du ministère de l’Agriculture34
, et relayée sur Snapchat, avec
de nombreux clips à retrouver sur le site dédié laventureduvivant.fr
Il restera ensuite dans l’intégration de la transformation digitale dans
les contenus de formation, à gérer les freins de la part des agents et
des formateurs. Il apparait alors impératif de les former à leur tour.
Un autre débat.
En attendant, il faut surtout former les professionnels de demain qui
vont devoir relever les défis résultant des évolutions de la demande
dans un contexte de transition écologique sur un marché dynamique
comme nous allons le voir ci-après.
34
https://www.youtube.com/watch?v=B5lNslevWG8
46. 36
4/LE MARCHE DU PAYSAGIME EN FRANCE
4.1 Un marché dynamique en croissance depuis 3 ans
L’évolution de la demande en valeur sur le marché du paysagisme
nous montre une légère baisse du chiffre d’affaires global du secteur
de 2014 à 2016. En 2018, avec 5,9 milliards d’euros de CA, le
marché renoue avec la croissance. La croissance du CA est de 15%
entre 2016 et 2018.35
Les prévisions annoncées par l’UNEP pour 2019 sont encore
optimistes avec un CA en croissance mais une projection sur l’année
qui révèle un essoufflement de la tendance à seulement +3%.
Ceci dit, la croissance de la demande perdure depuis maintenant 3
ans et fait du marché du paysage un marché dynamique.
Sur le marché du paysage, la demande émane de 3 grands
segments :
35
Etude UNEP -I+C Novembre 2019
47. 37
- Les marchés publics (BtoB)
- Les marchés privés hors particuliers (BtoB)
- Les particuliers (BtoC)
En 2018, le segment des particuliers est le plus lourd, il représente
45% du marché total avec une croissance de +14% par rapport à
2016. Les marchés BtoB se partagent les 65% : 27% pour les
marchés publics comme pour les marchés privés.
Les marchés des donneurs d’ordre privés ont connu une hausse de
15 % et représentent un peu plus d’un quart du CA global (27,5 %)
; au même titre que les marchés publics (27 % du CA) qui ont
augmenté de 11% sur 2 ans. Sur 10 ans (2008-2018), le marché
des particuliers a augmenté de 32% en valeur, alors que les marchés
publics sont restés stables en valeur à 1,5 milliards d’euros.
Les 2 segments du BtoB n’enregistraient respectivement que 2,5 %
de croissance aussi bien pour le segment des marchés privés hors
particuliers :
48. 38
Que pour le segment des marchés publics :
Les prévisions 2019 montrent que les tendances de fond enregistrées
en 2018 perdurent : « Ces six premiers mois ont été marqués par de
belles performances pour les entreprises du paysage, malgré un net
ralentissement de la croissance au second trimestre, qui voit sa
tendance annuelle s’établir à + 3 %, soit un point de moins que fin
2018 », note l’Unep.
Le segment de marché le plus dynamique reste celui des particuliers,
avec +15% versus 2016.
Pour le segment des marchés publics, la hausse a été de 4,5 % au
premier trimestre mais l’activité s’est contractée de 2 % au second.
Le segment des marchés privés hors particuliers (entreprises,
promoteurs...), quant à lui, s’effondre, stagnant au premier trimestre
et perdant 2 % au second.
En 2017, la demande de création de jardin est plus importante
(55,5% du CA) que la demande d’entretien qui représente 44,5% du
chiffres d’affaires global du marché.
49. 39
On peut donc conclure qu’en 2018, les concepteurs paysagistes ont
évolué sur un marché pesant environ 2,85 milliards d’euros de chiffre
d’affaires.
4.2 Les chiffres clés d’une offre hétérogène36
Sur le marché du paysage l’offre est représentée par 29 100
entreprises regroupant 91 800 actifs.
L’offre a connu une très forte croissance entre 2006 et 2016 avec
la création de 12 400 entreprises sur cette décade.
Plusieurs facteurs expliquent cette croissance :
- L’explosion des microentreprises sans salarié permise par la
création et la promotion du statut d’entrepreneur individuel : +
10 700 sur cette période de 10 ans.
- L’explosion des services à la personnes (SAP) permise par les
avantages fiscaux proposés par les différents gouvernements
ayant entrainé la création de nombreuses structures dédiées.
Typologie de l’offre
- 64% des entreprises du paysage n’ont pas de salariés
- 25% sont des TPE qui ont entre 1 et 5 salariés
- 11% des entreprises du secteurs sont des PME/TPE qui ont plus
de 6 salariés.
36
Source : chiffres clés UNEP 2017
50. 40
En conséquence, nous pouvons dire que l’offre est très atomisée, et
que la loi des 20/80 est vérifiée quand on analyse la répartition du
chiffre d’affaires par type d’entreprise en 2017 : 11% des entreprises
réalisent 72% du CA. De même 29% des entreprises du secteur sont
des entreprises de SAP mais elles ne réalisent que 11,5% du CA.
L’offre repose sur des entreprises « jeunes » :
68% des entreprises du paysage ont été créées ou reprise depuis
2006. Les plus grosses entreprises en termes d’effectif sont quant à
elles plus anciennes : 66% ont été créées avant 2006.37
Le schéma ci-dessous38
nous indique que les type de clientèle et la
taille de l’entreprise sont fortement corrélés :
- Les entreprises individuelles et les entreprises jusqu’à 10
salariés travaillent essentiellement au service des particuliers
- Plus l’entreprise est grande et plus les clients BtoB sont
important dans leur portefeuille de clientèle.
- Les entreprises de plus de 50 salariés travaillent
essentiellement pour une clientèle BtoB.
37
Chiffres clés UNEP 2017
38
Chiffres clés UNEP 2017
51. 41
4.3 Les tendances qui déterminent les enjeux de demain
Les français et le jardin : plus que jamais une histoire
d’amour !
Culturellement, les Européens ont toujours été friands de jardin et
les Français n’échappent pas à la règle, on a pu le constater dans la
1ère
partie de notre exposé. En effet, 7 français sur 10 possèdent un
jardin attenant à leur habitation principale, même si ce chiffre stagne
depuis plus de 10 ans. Pour 90% des français, le vert est un besoin
quotidien, le jardin étant leur seconde pièce préférée dans la maison
après le salon et devant la cuisine !39
39
Enquête IPSOS-UNEP “Les Français et leur jardin » - 2013
52. 42
Les Français sont les Européens les plus fous de jardin comme le
montrent ces chiffres : 82% des Français déclarent profiter de leur
jardin quand la météo le leur permet !
Cependant, et malgré cet engouement, l’espace urbain augmente de
19% chaque décennie en France.40
En 10 ans, la France a gagné 5
millions d’habitants venant surtout grossir les agglomérations déjà
denses. En 2016, 75% des Français habitent en ville et l’accès à un
jardin privatif devient un véritable « luxe » auquel seules les
catégories socioprofessionnelles aisées ont accès.
A Paris, seulement 4 personnes sur 10 ont accès à un jardin privatif.
40
Etude INSEE 2011
53. 43
Ce chiffre passe à 6 personnes sur 10 dans les grandes
agglomérations régionales et à 8 personnes sur 10 dans les
communes de moins de 20 000 habitants.41
On pourra également noter que la hausse des prix de l’immobilier a
creusé les inégalités générationnelles en termes d’accès au jardin :
si 77% des séniors (+ de 65 ans) ont un jardin, seulement 61% des
moins de 35 ans en possèdent un ! 42
En bref, pour profiter d’un jardin en France, il vaut mieux être
retraité, habiter une zone rurale et posséder une maison individuelle !
Pour conclure, la vision française des jardins est dominée par le
réflexe environnemental :
Chez les citadins : un désir d’espaces verts de plus en plus
fort !
Pour 8 français sur 10, la proximité d’un espace vert est un critère
important dans le choix de son habitation.
Alors qu’en 2008 72% des français plaçaient idéalement leur
logement à proximité d’un espace vert, cette proportion est passée à
85% en 2016, soit une progression de 13 points en seulement 8
ans !43
En 2016, 80% des Français fréquentent régulièrement les espaces
verts : +6 points par rapport à 2008 !44
. Pour 6 Français sur 10 la
41
Observatoire Unep / Hortis des Villes vertes – janvier 2016
42
Etude Unep-Ifop 2016
43
Ibid
44
Enquête Unep-Ipsos « Les espaces verts de demain, usages et
attentes des Français » - 2008
54. 44
création d’espaces verts dans leur ville est la priorité n°1 devant les
crèches et les équipements culturels. Plus les habitants sont jeunes,
plus le besoin d’espace verts est fort : parmi les moins de 35 ans,
7sur 10 considèrent la création d’espaces verts comme prioritaire
dans leur ville.
Autant dire que les municipalités, petites ou grandes ne
peuvent ignorer cette forte demande de végétalisation des
espaces urbains.
Malgré cette tendance à la pression verte des citadins sur leurs
municipalités, ces dernières commencent seulement à se réveiller et
à augmenter la part du budget « espaces vert » dans leur budget
total. Il faut dire qu’elles reviennent de loin : en 2014,
l’investissement dans la création de parcs et jardins représentait
seulement 1,2% du budget des 50 plus grandes villes Françaises.45
Cette tendance de la demande urbaine constitue une
opportunité pour le marché du paysage en termes de demande
publique qui devrait continuer à croitre dans les prochaines années
et surement à très court termes avec l’échéance des élections
municipales de 2020.
La demande publique est dopée par la pression de l’opinion pour une
végétalisation croissante des espaces publics, la responsabilité
environnementale des acteurs et la smart city.
Dans cette optique, le digital au service de toute la filière du paysage
sera un véritable atout pour répondre à la demande dans le cadre du
développement de la smart-city auquel nous assistons et sur lequel
nous reviendrons lors de nos recommandations dans la 3ème partie
de cette thèse.
45
Palmarès des villes les plus vertes de France. Unep 2014
55. 45
Chez les particuliers possesseurs de jardin, le recours aux
service d’un paysagiste pour la création et l’entretien des jardins n’est
pas encore un réflexe en France.
Nous sommes les moins enclins en Europe à avoir recours aux
services d’un professionnel. Ceux qui ont ce réflexe sont surtout les
séniors.
Les occasions de faire appel à un paysagiste pour une création de
jardin sont la construction d’une maison ou d’une résidence
secondaire ou par exemple le « garden staging » lors de la vente
d’une maison pour laquelle le jardin a besoin d’être mis en valeur.
Les tendances actuelles en termes de demande de jardin nous
ramènent vers les urbains : la thématique du dernier salon Jardin
Jardin en juin 2019 était : « Vite, plus de jardin en ville » !
De même, le blog de la marque Gardena relatant cette dernière
édition du salon parisien grand public souligne les tendances
suivantes :
- Le jardin est un véritable lieu de vie : on assiste à l’effacement
des frontières entre intérieur et extérieur. Comme on a le
56. 46
réflexe de travailler avec un architecte pour faire construire sa
maison, on a de plus en plus tendance à avoir recours à un
paysagiste concepteur pour créer le jardin qui va avec.
- Le jardin est un espace pédagogique, la plupart du temps
nourricier, d’où l’engouement croissant pour le potager
- Le jardin permet de contribuer au développement durable :
économiser l’eau et récolter l’eau de pluie, un des gestes
primordiaux dans la lutte contre le réchauffement climatique.
4.4 L’incidence de la transformation digitale sur l’offre
classique des paysagistes
Afin de montrer quelles ont été les incidences et les éventuelles
disruptions engendrées par la transformation digitales ces 20
dernières années, nous avons étudié les changements dans la
chaine de valeur du marché du paysage. La chaine de valeur
classique du marché du paysage :
57. 47
La transformation digitale a impacté l’offre classique de services des
paysagistes à travers la naissance de différents outils de conception
devenus accessible au grand public sur internet.
-Des logiciels de conception gratuits pour certains et accessibles
au grand public pour un prix abordable. (Hortus 3D par exemple)
J’ai personnellement acheté le logiciel Architecte 3D dans les années
2010 pour réaliser moi-même les plans de ma terrasse et de sa
végétalisation. Ce logiciel était à l’époque vendu pour une centaine
d’euros et plutôt facile de prise en main pour une cible de passionnés.
Ces logiciels tout d’abord vendus pour une installation sur PC, se sont
transformés en logiciels accessibles en ligne et téléchargeables
directement.
-Des E-paysagistes en ligne, qui, grâce à leurs sites internet
proposent un service de conception du jardin en ligne en réalité
augmentée à partir de photos envoyées par les particuliers et livrant
un plan accompagné le cas échéant d’une liste de végétaux, charge
au client de réaliser lui-même son chantier. C’est le cas de l’entreprise
de paysage Paysagea qui a développé son propre logiciel de design
de jardin « Garden Designer » et qui le propose dans une offre en
58. 48
ligne à moins de 50 euros à travers le site Mon jardin Ma terrasse qui
nous propose de devenir E-paysagiste !
Cette offre est complétée par une offre de paysagisme classique que
Paysagea met à la disposition des clients qui ne souhaitent pas
réaliser eux-mêmes leur jardin.
59. 49
-Des services de E-paysagistes proposés en magasin par les
enseignes de la grande distribution spécialisée. Paysagea vend
également son logiciel de design Garden Designer en marque blanche
aux grandes enseignes spécialisées dans le jardin comme Delbard ou
Botanic proposant en conséquence à leurs clients particuliers de
réaliser les plans de leur
jardin directement en
magasin à l’image De Leroy
Merlin ou Ikéa sur le marché
des cuisines aménagées.
Nous nous interrogerons plus
loin dans cette thèse sur la
menace concurrentielle que constitue ces
nouvelles offres venant disrupter le marché de
la conception de jardins pour les particuliers.
On peut s’interroger aussi sur les limites de ces
outils qui rendu accessibles au grand public
grâce à la digitalisation : tous les particuliers
sont-ils capables de les prendre en main ? Les
plus jeunes oui, mais les plus âgés restent en
grande majorité une cible privilégiée qui se rend compte de la valeur
ajoutée des paysagistes qui ne s’improvise pas ! Peu de particuliers
sont capables d’intégrer tous les métiers du paysagisme pour faire
leur jardin ! Ils maitrisent une partie de la chaine de valeur mais pas
sa totalité : « je suis un bon jardinier mais je ne sais pas concevoir,
je suis geek et j’ai fait le plan en 3D mais je ne suis pas jardinier. J’ai
besoin d’un réseau d’arrosage automatique mais je n’y connais rien.
Je n’ai pas envie d’entretenir le jardin après… ».
Cette tendance de disruption de l’offre de création de paysage est
tout de même à surveiller. Elle fait partie des challenge que les
paysagistes doivent relever pour sauvegarder leur valeur ajoutée et
pouvoir capter une clientèle plus jeune qui est déjà fortement
60. 50
acculturée au digital et qui a le réflexe d’aller chercher informations
et outils sur internet.
Certains paysagistes l’ont bien compris et proposent des services à
valeur ajoutée, clairement expliqués sur leurs sites internet.
L’exemple de Pierre Alexandre Risser est parlant : Sur son site
internet Horticulture et Jardins46
, il détaille de manière pédagogique
ses services et ses tarifs ainsi que les différentes étapes de son
travail. Il explique à ses clients ce qu’ils achètent et pour quelle valeur
ajoutée ils paient un paysagiste.
Cette pédagogie de l’offre devient obligatoire face à la concurrence
en ligne du e-paysagiste !
Les opportunités de développement du business des
paysagistes se situent au carrefour entre un besoin fort de végétal
en ville résultant de la lame de fond de la transition écologique et la
nécessité de vendre de manière pédagogique un service de création
46
https://www.horticultureetjardins.com/portfolio/le-bureau-
detudes/
61. 51
conception à forte valeur ajoutée, concurrencé par les nouvelles
technologies digitales sur internet.
Les enjeux à prendre en compte pour le développement du marché
du paysage dans les années à venir sont doubles :
- Vers des espaces verts publics ou privés économes et
autonomes : en eau, en intrants respectant ainsi le cadre légal
de la loi « 0 phyto », en main d’œuvre qui nécessitent une
conception réfléchie et assurée par des professionnels
- Vers une végétalisation urgentes des villes pour répondre
aux défis du changement climatique en particulier à travers la
smart city !
Le digital est une des solutions privilégiées pour relever ces défis : le
« smart-garden » et la « smart city » sont LES véritables
opportunités business que les professionnels du paysage
doivent saisir d’ici 2030.
Le paysagiste deviendrait alors le véritable spécialiste du végétal, et
ainsi un des acteurs majeurs de la transition écologique.
Est-il prêt pour cela ? Pas tout à fait :
Théoriquement, oui car cela rentre complètement dans ses missions
qu’elles soient au service de la commande publiques ou privées.
Cela va nous amener, entre autres, à nous demander s’il est assez
formé et accoutumé aux outils digitaux qui sont à sa disposition ? Et
à voir ce que nous pouvons lui proposer comme solutions.
La problématique que nous retiendrons pour la suite de cette thèse
apparaît alors clairement :
Comment le paysagiste doit-il mettre le digital au service du
végétal pour relever les défis économiques et
environnementaux à l’horizon 2030 ?
63. 53
Avant de définir comment le paysagiste peut utiliser les outils digitaux
au service des défis qui lui sont posés au XXIème siècle, il est
nécessaire de faire le point sur son niveau actuel de digitalisation
dans sa pratique quotidienne.
L’objectif de cette seconde partie est donc de réaliser une
photographie, la plus réaliste possible, des pratiques du
métier de concepteur paysagiste en 2019. Une fois cette
photographie réalisée, nous analyserons comment et à quel degré le
digital est intégré dans le métier aujourd’hui.
Cela nous permettra de tenter de définir une typologie des
paysagistes en fonction de leur degré d’utilisation des outils et
techniques digitaux à la disposition du métier en 2019.
Rappel méthodologique
Afin d’obtenir une image réaliste de l’état de l’art à date, nous avons
utilisé 2 outils d’étude différents :
A/ Une étude quantitative « Les paysagistes et les outils
digitaux en 2019 »
Elle a été menée en partenariat avec l’UNEP (Union Nationale des
Entreprises du Paysage) en novembre 2019. L’objectif de cette étude
est de mesurer :
- Le taux d’équipement des paysagistes en outils digitaux,
- Leur niveau d’utilisation de ces outils
- Leur appétence à les utiliser
- Leur niveau de formation aux outils et techniques digitalux
- Leur niveau de connaissance des nouvelles technologies
Cette étude est basée sur un questionnaire développé grâce à
GoogleForm et conçu en 4 parties (Annexe 1) :
- Vous et vos équipements digitaux
- Vous et le digital dans la pratique de votre métier
- Votre profil digital aujourd’hui
64. 54
- Votre profil professionnel
Elle a été soumise aux paysagistes via la newsletter de l’UNEP le
mardi 12 novembre 2019 et relayée par Valhor (Interprofession des
professionnels du végétal) la semaine suivante. Elle est également
relayée sur le site internet de l’UNEP dans la rubrique « Actualités »
Elle est basée sur 132 retours enregistrés entre le 12 novembre et le
27 novembre 2019. Les principaux résultats et conclusions de cette
étude seront exposés dans le détail en annexe 2.
65. 55
Le profil du panel des 132 répondants :
Des entrepreneurs du paysage à 70%, complétés par 18,4% de
concepteurs paysagistes indépendants ou en bureau d’étude.
Ces professionnels du paysage travaillent essentiellement en BtoC
pour les particuliers (84%) mais également pour le BtoB (62%). Près
de la moitié d’entre eux travaillent pour les 2 cibles. (47%)
Ils sont en majorité dans des entreprises de moins de 10 salariés
(73,1%) et surtout dans des entreprises de moins de 5 salariés
(52,3%)
De formation initiale bac ou bac + 2 (56,1%) complétés par 20%
de diplômes Bac+5 d’une école supérieure de paysagisme ou
d’ingénieur.
Notre panel est plutôt sénior avec 48,1% de plus de 45 ans et
seulement 19% de moins de 30 ans ce qui est plutôt représentatif de
la population des entreprises du paysage adhérent à l’Unep.
B/ Une étude qualitative menée entre mai 2019 et décembre
2019. Cette étude est basée sur 6 entretiens en face à face ou
téléphoniques menés avec des concepteurs paysagistes
professionnels reconnus par leurs pairs. Ces paysagistes ont été
sélectionnés pour la variété de leurs profils dans le but de recueillir
leurs « best practise » et leurs différents positionnements par
rapports à l’utilisation des outils digitaux dans la pratique quotidienne
du métier. Ces entretiens ont été enregistrés à chaque fois que cela
était possible et retranscrits dans des compte-rendu. Ils ont permis
de faire des parallèles et d’approfondir les tendances observées dans
les résultats de l’étude quantitative.
66. 56
Le panel de concepteurs paysagistes interrogés :
- Christophe Naudier47
, paysagiste indépendant installé depuis 1
an à Montpellier
- Luc Echilley, maître jardinier Paysalia 2013, a créé son bureau
d’étude Cezaé Jardin48
en 2003 à Avignon.
- Régine Bertrand,49
ingénieur paysagiste, a créé son bureau
d’étude Les Pousses Vertes by HeRBes il y a 3 ans à côté de St
Rémy de Provence.
- Anne Cabrol, maître jardinier Paysalia 2017, paysagiste au sein du
bureau d’étude de Teridéal50
acteur du BTP et de l’environnement
- Benoit Brissinger, paysagiste, chef d’une entreprise du paysage
Brissinger Paysage 51
et formateur conférencier, installé depuis plus
de 20 ans à Bisel dans le Haut Rhin.
- Pierre-Alexandre Risser, jardinier paysagiste à St Prix, a créé il
y a 30 ans son entreprise de paysagisme et pépinière Horticulture
et Jardin52
, le salon Jardin-Jardin en 2003, membre du jury du
concours Carré des Jardiniers de Paysalia.
47
https://www.atelier-naudier.fr
48
http://www.cezae.fr
49
https://www.facebook.com/Regine.Bertand.
5050
https://www.terideal.fr
51
https://paysagiste.brissinger.fr
52
https://www.horticultureetjardins.com
67. 57
1) LES PAYSAGISTES ET LE DIGITAL EN 2019
1.1 Des paysagistes bien équipés, mais peu concernés par le
marketing digital.
Les paysagistes sont bien équipés en termes de «devices » : 98,5%
sont équipés d’un ordinateur et 94,7% d’un smartphone.
Le taux d’équipement est significatif également pour les tablettes :
40% et les appareils photo numériques :36%.
Les derniers objets connectés arrivent lentement jusqu’à eux. 3,8%
des professionnels interrogés sont équipés d’une paire de lunettes
de réalité virtuelle sachant que le taux d'équipement en casque de
réalité virtuelle en France tous secteurs confondus serait de l’ordre
de 4 % en 2017.53
Seuls 2,3% disposent d’un assistant vocal type Alexa.
Les logiciels sont utilisés en majorité pour la gestion de l’entreprise
(comptabilité, paie (53%) et suivi de chantier (31%)) et ensuite pour
la création surtout en 3D (Sketchup, Lumion, Nova)
On remarque, en revanche, une sous-utilisation des logiciels de
marketing digital : seulement 18% utilisent un CMS (Wordpress
essentiellement) et 11,5% un logiciel d’envoi d’e-mailings.
53
(Source Digital in 2017 : Western Europe, We are social).
68. 58
Quand on observe leur présence sur internet, on constate qu’en
2019, 75% déclarent avoir un site internet. Seuls 10,7% ont à la fois
un site et un blog.
Le point remarquable est qu’en 2019, encore 20% des répondants
sont invisibles sur internet car ils n’ont pas de site ! Parmi ces
« résistants » on retrouve 100% des « digitalophobes », et 38% se
déclarent ensuite « digitalophiles » ce qui est assez paradoxal !
Pour autant, le fait de disposer d’un site internet ou d’un blog est à
nuancer en termes d’administration de ces outils de visibilité
« business » : Dans 9% des cas personne ne s’en occupe !
Pour la majorité (54%), le site est administré en interne, soit par
le paysagiste soit par un salarié compétent pour le faire. Mais
attention : 58,5% des répondants ne mettent leur site à jour
qu’occasionnellement, ou une fois par an ! Seulement 15% le
font chaque semaine.
D’ailleurs, une proportion non négligeable d’entreprises du paysage
sous–traite la gestion du site à un prestataire extérieur : 36,5%
En résumé, on peut dire que les paysagistes, comme beaucoup de
professionnels, se sont bien emparés des outils digitaux : ils sont
bien équipés en ordinateurs et smartphones, utilisent des logiciels
69. 59
professionnels pour la gestion de l’entreprise le suivi de chantier et la
création (surtout le dessin en 3D).
Pour autant, ils donnent l’impression de ne pas avoir saisi
l’opportunité du digital pour faire croitre leur business : 20%
des entreprises demeurent invisibles sur internet en 2019, les
logiciels de marketing digital (CMS, logiciel d’envoi d’e-mailings)
demeurent sous-utilisés.
Quant aux sites internet, même s’ils existent, ils sont le plus souvent
administrés en interne et mis à jour occasionnellement !
1.2 Les paysagistes et les réseaux sociaux
Facebook est le réseau social des paysagistes : 85% des
répondants y sont présents. On peut constater que les paysagistes y
sont à l’aise et considèrent Facebook comme un outils de partage et
de connexion avec leurs pairs.
Des groupes Facebook sont constitués et actifs comme par
exemple : Paysagistes de France (1708 membres) ou Paysagistes et
jardiniers (6423
membres), paysagistes
sans frontières (2200
membres) ou Entraide
mécanique pour
arboristes et paysagistes (5300 membres) auxquels nous sommes
inscrits. Ces groupes sont essentiellement des plateformes de
discussions et d’échanges de conseils entre professionnels.
Notre étude nous montre
qu’en très grande majorité,
les paysagistes ne font pas
de publicité sur les réseaux
sociaux sauf sur Facebook pour 14% des répondants.
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Et sinon ? sur quels réseaux sociaux trouve-t-on les paysagistes ?
Le top 3 des réseaux sociaux où les paysagistes sont présents :
LinkedIn (47%), Instagram (29%), Youtube (20%)
Les paysagistes délaissent Twitter (7,6%) et Pinterest (9,5%), ce qui
parait « normal » pour Twitter qui est un réseau plutôt loin de leur
univers d’entreprise, mais qui est étonnant pour Pinterest qui est un
réseau de qualité permettant de mettre en avant en images leurs
créations paysagères.
A part sur Facebook, on peut noter que les paysagistes sont plutôt
absents des autres réseaux sociaux, en ont-ils compris l’intérêt ?
Lorsqu’ils disposent d’un ou plusieurs comptes sur les réseaux
sociaux, les paysagistes sont une majorité à les gérer eux-mêmes
(52%) ou à le déléguer en interne (29%). Plus de 10% déclarent ne
pas s’en occuper, et seuls 9,6% font appel à un prestataire extérieur.
Pourquoi les paysagistes ne sont pas présents sur les réseaux
sociaux ? Notre étude nous fournit 3 pistes de réponses
u Ils n’ont pas le temps pour 60,6% des répondants
u Ils n’en voient pas l’intérêt pour 43,7%
u Ils n’ont pas les compétences pour le faire pour 37,5%
De plus, ils restent 14% à avoir peur des commentaires
négatifs.
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De même que pour leur site internet, ils sont peu enclins à utiliser
des outils qu’ils ne connaissent pas, sur lesquels personne ne les a
formés ni ne leur a démontré l’intérêt pour leur business !
En résumé, même si les professionnels du paysage sont plutôt bien
présents sur Facebook (85%), où presque 15% des répondants font
de la publicité, ils restent timides dans l’utilisation des réseaux
sociaux pour promouvoir leur travail.
En grande majorité, ils administrent eux-mêmes leurs
comptes sur les réseaux sociaux. En conséquence, c’est en
majorité par manque de temps qu’ils déclarent ne pas y être
présents (60,6%), mais attention une proportion non négligeable
d’entre eux n’y voit pas d’intérêt, ce qui révèle une certaine
méconnaissance générale de ces outils devenus
incontournables.
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1.3 La vision des paysagistes sur les innovations digitales
Nous avons voulu, ici faire un point sur leur niveau d’adoption des
principaux outils internet et digitaux, mais également sur leur
propension à adopter les innovations digitales que nous avons
préalablement identifiées.
Les 3 outils digitaux ayant le meilleur taux d’utilisation sont :
u Les applications de reconnaissance des végétaux (46%)
u Les outils de présentation de projet en 3D ou en vidéo
(37,2%)
u Les outils d’entretien robotisés (tondeuses) (27,3%)
Les 3 innovations ayant la meilleure propension d’utilisation sont :
u Les outils de présentation des projets en réalité virtuelle
(56,5% des répondants)
u Les outils de présentation de projet en 3D ou en vidéo
(50% des répondants)
u Les outils d’entretien robotisés (47%)
Arrivent ensuite les applications smartphone : de gestion de
l’arrosage et des intrants (45% des répondants), de reconnaissance
des végétaux (42,6% des répondants)
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Pourquoi sont-ils enclins à adopter des innovations digitales ?
La principale raison est de répondre aux demandes de leurs
clients à 76,2% mais également d’augmenter la valeur ajoutée
de leurs services à 74%. Vient ensuite le gain de temps pour 57%,
et le recrutement de nouveaux clients pour 56,3%
A noter : une proportion non négligeable d’entre eux (27, 8%)
considèrent l’adoption de ces innovations comme une réponse aux
problématiques environnementales ce qui est un signe
encourageant.
Les freins majeurs à l’adoption des innovations sont :
• Le manque de formation à 59,3% d’où la nécessité
d’accompagner le développement des innovations de cycles
de formation adéquates et permettant une plus large
adoption. La majorité de ces répondants a un profil Bac -2
(CAP) à Bac + 2 (BTS).
• Le manque de temps pour 43,3% des répondants (alors que
les adoptants mettent en avant le gain de temps des
innovations pour 57% d’entre eux.)
• Le prix puisque 37,8% les considèrent trop chères.
74. 64
A noter : plus d’1/4 des répondants n’en voient pas l’intérêt
ou n’ont pas envie de changer leurs méthodes de travail signe d’une
certaine résistance au changement.
Quelles sont les principales utilisations qu’ils font d’internet
et des outils digitaux ?
Les paysagistes utilisent internet en grande majorité pour
s’informer (72,1%). Ils identifient ensuite les outils digitaux
comme des leviers qui leur permettent de se faire connaitre et de
faire de la publicité (66%) ou d’échanger avec leurs clients (55%).
Les outils digitaux sont encore peu identifiés comme des
supports qui aident au développement commercial (46,5%)
de l’entreprise ou au recrutement de collaborateurs (30,2%) alors
que le secteur rencontre de grandes difficultés à recruter.
Enfin, les paysagistes sont une minorité utiliser les outils
digitaux comme supports d’actions marketing de e-mailing par
exemple (15,5%)
La disruption créée sur le marché du paysage par les nouvelles
offres de paysagisme en ligne ou par le développement de logiciels
gratuits de paysagisme pour les particuliers ne leur fait pas peur. En
effet, ils sont loin de voir dans les nouvelles offres digitales sur
internet une concurrence directe pour eux.
La grande majorité des paysagistes interrogés (86,5%) ne
considère pas les sites internet et outils digitaux de conception de
jardins gratuits comme une menace concurrentielle.
De même, les nouvelles technologies et les outils digitaux ne
semblent pas constituer pour eux un risque (75,8%) de dénaturer la
pratique de leur métier et l’état d’esprit dans lequel ils le font !
Dans la même tendance, ils ne connaissent pas les plateformes qui
leur sont pourtant spécialement destinées que ce soient les market
place sur lesquelles ils peuvent trouver leurs fournisseurs (Place de