«Un sens à la vie», rencontre avec Nicole Andreetta, aumônière à l'Agora, au foyer pour requérants d'asile des Tattes à Genève. Photos Guillaume Perret I lundi 13
Selon le Secrétariat d'Etat aux Migrations (SEM), 2% des demandes d'asile déposées en Europe le sont en Suisse, soit environ 18 000 pour l'année 2017.
Comment vivent les requérants d'asile près de chez nous? Nicole Andreetta travaille aux Tattes, le plus grand centre d'accueil de requérants d'asile de Suisse, dans la périphérie de Genève, depuis 12 ans. Visite
«Vacances en Occitanie – entre la 3e et la 4e vague»
«Un sens à la vie», rencontre avec Nicole Andreetta, aumônière à l'Agora, au foyer pour requérants d'asile des Tattes à Genève. Photos Guillaume Perret I lundi 13
2. 02•2018 | |[[2R]]| 02•2018[[1L]]
R E A D E R ’ S D I G E S T
Le petit-déjeuner est prêt. Café, thé,
pain et confitures attendent les visi-
teurs. On ne sait jamais combien de
personnes vont venir, ni à quel mo-
ment, ni ce dont elles auront le plus
besoin ce jour-là. Chaque journée
apporte son lot de surprises.
C’est alors qu’arrive un des béné
voles, Albert, profes-
seur de français à la
retraite, débordant
d’enthousiasme. Ce
qu’il trouve ici ? « En-
seigner le français à
l’Agora, ça apporte
énormément ! Ici, les
gens sont toujours de
bonne humeur. J’ai
enseigné pendant qua-
rante-cinq ans à des
jeunes qui n’en avaient
rien à faire, mais eux,
ils en veulent ! »
Et en effet, l’Iranienne Arezoo*,
24 ans, a déjà son stylo en main.
Son compatriote Ali* aussi. Ils sont
parmi les plus assidus, et leurs pro-
grès sont notables. Après six mois de
cours pour Arezoo et dix pour Ali,
tous deux réussissent à lire des textes
d’un niveau d’école secondaire. Une
vraie satisfaction pour Albert. Non
seulement maîtriser le français est
une clé de l’intégration, mais ses
cours créent du lien.
Du lien entre les bénévoles de l’au-
mônerie et les requérants, mais aussi
du lien entre les requérants eux-
mêmes. Issus de pays et de cultures
différentes, ils se retrouvent, parfois
pour des années, dans le foyer gene-
vois des Tattes. Le plus grand centre
de ce type, d’une capacité d’environ
sept cents personnes. Compte tenu
de leur vécu, la cohabitation n’est
pas toujours évidente.
Telle est donc la mission de l’Agora :
faire se rencontrer les
personnes déplacées de
façon à créer des liens et
à changer le regard que
l’on a sur l’autre. Et ce,
dans les deux sens. Le
regard que nous portons
sur l’étranger et celui
qu’il porte sur nous. « La
transformation s’effec-
tue pour tous », com-
mente Nicole Andreetta.
L’Agora a été créée
en 1988 par les trois
Églises du canton de Genève, ca-
tholique romaine, catholique chré-
tienne et protestante. Mais pas de
prosélytisme ici. Seule une sobre
croix au mur rappelle l’origine de
cette structure d’accueil. Outre les
trois aumônières et l’aumônier, des
civilistes et des stagiaires d’écoles de
travail social ainsi qu’une trentaine
de bénévoles font vivre ce lieu.
Parmi ceux-ci, les générations se
mêlent. Kelmend, qui accomplit son
service civil à l’Agora et qui visite les
requérants dans des abris PC, n’a
que 21 ans. Nabayt, qui souhaite en-
trer à la Haute école de travail social,
26. Ce stage lui permet de vivre une
expérience enrichissante : « Quand
on obtient une réponse positive pour
un logement ou le permis, c’est le
bonheur… »
Une pièce est réservée à l’accueil
des enfants le mercredi matin. « Nous
avons voulu créer une ludothèque,
comme il en existe en Syrie ou en Pa-
lestine, afin d’apprendre aux enfants
à jouer ensemble, à partager un re-
pas », précise Nicole Andreetta.
Selon l’aumônière, les enfants
redonnent de l’énergie. Et de l’éner-
gie, il en faut lorsque l’on attend
parfois des années une réponse des
autorités pour savoir si l’on va pou-
voir rester et reconstruire sa vie.
Nicole Andreetta, elle-même fille
d’immigrés italiens, mariée à un
Italien, a toujours été sensible aux
problèmes des migrants et des exi-
lés. Elle connaît cette tension entre
l’indigène et l’étranger et elle veut en
faire quelque chose positif.
Certes, elle a bien remarqué un
afflux de bonne volonté de la part de
la société civile depuis 2015 — année
de la diffusion de cette photo d’un
enfant syrien échoué sur une plage
turque —, et c’est une bonne chose.
Cette femme déterminée s’empresse
toutefois d’ajouter que « les besoins
sont beaucoup plus humains que
matériels ».
Nicole
Andreetta, fille
d’immigrés,
a toujours été
sensible aux
problèmes
des migrants.
Sœur Élisabeth Deneufbourg,
une bénévole de l’Agora, offre
sa sagesse à une requérante d’asile.