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Une aide médicale gratuite à Nancy au XVIIIe siècle :
la consultation des pauvres des campagnes organisée
par le collège royal de médecine
Professeur (h) Pierre Labrude*
Centre régional universitaire lorrain d’histoire,
et Association des amis du musée de la faculté de médecine.
Université de Lorraine, Nancy
Le collège royal de médecine de Nancy, encore appelé « collège royal des médecins de
Nancy », est institué par le duc-roi Stanislas en 1752 à l’instigation de ses médecins Charles
Bagard et Casten Rönnow. Si Stanislas accepte le principe de cette création, qui ne peut que
faire ombrage à la faculté de médecine de Pont-à-Mousson puisqu’il empiète sur certaines de
ses prérogatives, c’est qu’il est très attentif à la santé de ses sujets. Il l’exprime avec netteté
dans le préambule des lettres patentes qui portent établissement d’une telle institution à
Nancy. Ces lettres (figure 1) sont données à Lunéville le 15 mai 1752 et elles sont
accompagnées de ses règlements et statuts1. L’exposé des motifs indique : « Nous avons
toujours eu à cœur de faire fleurir dans nos états les sciences et les arts pour procurer à nos
sujets tous les fruits qu’on peut en recueillir : la médecine étant la plus importante et la plus
nécessaire à leur conservation, nous croyons devoir porter plus particulièrement notre
attention à tout ce qui peut contribuer à ses progrès et à sa perfection (…) ».
Figure 1 : les lettres patentes de création du collège
(musée de la faculté de médecine de Nancy).
Les œuvres sanitaires et charitables de Stanislas sont nombreuses2 et il importe de les citer,
même si elles ne sont pas en relation avec ce travail : œuvres en faveur des orphelins, en
faveur des hôpitaux, missions royales des Jésuites, maison de charité des Frères de Saint-Jean
de Dieu, accord sur l’inoculation en vue d’une immunisation contre la variole – qui cependant
n’est pas acceptée et qui est interdite par la Cour souveraine3 –, création de greniers à blé et
fondations en faveur des pauvres.
Si le souverain crée un collège de médecine, à l’image de ce qui existe dans une quinzaine de
villes en France, ce n’est pas seulement pour les raisons qui sont énoncées ci-dessus. Il en
existe d’autres, qui ne sont pas toutes annoncées ou évidentes, et qu’il ne lui est pas possible
d’écrire, même en tant que souverain. L’une d’entre elles est que Stanislas souhaite accroître
le lustre de la capitale administrative de ses Etats où il vient récemment de créer une
bibliothèque publique et une société des sciences et belles-lettres. L’essor que la ville connaît
justifie aux yeux de certaines personnes importantes de la Cour le transfèrement à Nancy de
l’université qui vit modestement alors dans la petite ville qu’est Pont-à-Mousson. Mais ni les
professeurs, ni les Jésuites, sous l’obédience desquels l’université est placée, ne sont
susceptibles d’accepter ce déplacement. Or Stanislas est très attaché à ces religieux.
L’université ne bougera donc pas de Pont du vivant du duc-roi, et il faut de ce fait à ces
personnalités nancéiennes se tourner vers autre chose… Indiquons ici que Léopold avait déjà
voulu opérer ce déplacement de l’université en 1722, mais qu’il s’était heurté aux mêmes
opposants, les Jésuites, soutenus par les Mussipontains4.
C’est dans ces conditions que vont intervenir plusieurs médecins proches du souverain :
Charles Bagard5 (figure 2), écuyer et premier médecin ordinaire de Stanislas, qui désire
ardemment la création de cette institution et qui va en devenir le premier président, Casten
Rönnow6 (figure 3), écuyer et premier médecin, et George Christophe Kast, ancien premier
médecin de la reine Catherine, l’épouse de Stanislas, décédée en 1747.
Figure 2 : Charles Bagard (musée de la faculté de médecine de Nancy).
Figure 3 : Kasten Rönnow (musée de la faculté de médecine de Nancy).
Ils ont donc l’idée de faire créer à Nancy un collège de médecine qui grouperait les médecins
de la cité et s’occuperait de diverses questions touchant à l’exercice médical. Une telle
institution permettrait de réglementer ou du moins de contrôler ce qui se passe à Nancy et en
Lorraine ducale dans le domaine de la médecine et des activités qui s’y rattachent : la
chirurgie et la pharmacie7 en particulier. De nombreuses missions, officielles ou non, peuvent
aussi être confiées à un tel collège dont la présence à Nancy accroîtrait la notoriété. Il n’est
pas inutile de savoir ici que Bagard nourrit un très ancien contentieux à l’encontre de la
faculté de médecine de Pont et qu’il ne serait pas mécontent de son abaissement, ce que
confirment d’ailleurs les statuts du collège. Bagard, Rönnow, Kast, d’autres peut-être aussi,
parviennent à décider Stanislas à créer un tel établissement et à lever les réticences du
chancelier de La Galaizière qui est favorable à la faculté.
Les missions du collège
Le collège va tout à la fois constituer un ordre des médecins avant la lettre, une société
savante de médecine, une sorte de faculté puisque ses statuts lui accordent le droit d’enseigner
l’anatomie, la botanique et la chimie et de participer aux examens des apothicaires et des
chirurgiens, mais aussi un organisme administratif par le contrôle du recrutement des
médecins stipendiés de Lorraine et la délivrance de l’autorisation de pratiquer certaines
interventions comme l’ablation du cristallin dans le traitement de la cataracte, et encore un
dispensaire par ses consultations, une inspection de la pharmacie, des drogueries et des
hôpitaux, etc. On peut affirmer que, dans le domaine de la santé, sous l’autorité de son
président soutenu par le souverain, le collège autorise ou interdit et réglemente tout ou
presque…
Parmi ses missions figure l’organisation d’une consultation médicale gratuite destinée aux
pauvres des campagnes de Lorraine. Il est certain que Stanislas est parfaitement au courant de
celle-ci et que les statuts du collège ont reçu son approbation à l’issue d’une lecture attentive
de sa part. Il intervient en effet à plusieurs reprises dans ses activités. L’idée d’une telle
consultation n’est pas entièrement nouvelle. Elle avait déjà été prévue par le duc Léopold
dans l’article VIII de son ordonnance du 18 juin 1708 « portant règlement pour la Médecine et
la Pharmacie »8. Le texte intégral de cet article peut être rapporté ici car il montre une grande
similitude avec celui de 1752 : « Les Doyens et professeurs de la Faculté (de Pont-à-
Mousson), ensemble le Professeur en Chirurgie, seront tenus de se trouver à leurs Salles tous
les Semedis de chacune semaine à dix heures du matin pour y assister gratuitement les
pauvres de leurs conseils, et faire faire en leur présence les opérations de Chirurgie qu’ils
auront jugé nécessaires en faveur desdits pauvres, par quelque Chirurgien expérimenté et
capable ». Nous ignorons si cette consultation a effectivement eu lieu. Par contre, nous savons
que des consultations destinées aux pauvres sont organisées dans d’autres villes. Le collège de
médecine d’Orléans en réalise dans les mêmes moments que celui de Nancy.
Les conditions de la consultation
Trois des cinquante-trois articles des statuts du collège traitent de celle-ci. Le premier
concerné et le plus important, l’article XXXVI, indique qu’il nommera de trois ans en trois
ans, cinq membres pour « consulter gratuitement les maladies des pauvres », une fois par
semaine « pour répondre aux pauvres malades qui viendront les consulter, ou aux mémoires
qui leur seront envoyés de toute la Province, en justifiant de leur pauvreté par un certificat du
curé du lieu. » Notons donc dès à présent que les malades ne sont pas toujours présents et
qu’il existe de ce fait une médecine « à distance », on dirait aujourd’hui de la
« télémédecine ». L’article XXXVII précise « qu’un des consultants interrogera le malade ou
fera le rapport du mémoire (…) ; ils donneront ensemble leur avis sur la nature de la maladie
et sur les remèdes et le régime qui conviendront. Ce médecin dressera et signera le résultat. »
Enfin, l’article XXXVIII organise la suppléance en cas d’empêchement d’un consultant. Cette
consultation s’ajoute à celle des médecins des pauvres qui opèrent au profit des habitants de la
ville, mais elle ne leur est pas destinée. Nous verrons qu’il y a des abus, comme on pouvait
s’y attendre !
Le collège s’installe d’abord et temporairement rue Sainte-Catherine dans les bâtiments
occupés par les Frères de la Charité, encore appelés Frères de Saint-Jean de Dieu (figure 4).
Cette congrégation, établie en 1586, est présente à Paris depuis 1602 et à Metz, à l’hôpital de
la Charité Saint-Georges, depuis 1686. Les Frères sont officiellement à Nancy depuis avril
1750. Venus à la demande de Stanislas, ils ont pour mission de soigner gratuitement les
malades, de porter les secours et les remèdes aux pauvres de la ville et des campagnes, de se
rendre dans les zones d’épidémies et de visiter les prisonniers. Ils disposent d’une maison,
rebâtie à partir de 1751, et d’un hôpital construit à partir de 1750, l’une et l’autre étant édifiés
sous la direction de l’architecte Emmanuel Héré.
Figure 4 : la façade de la maison des Frères de Saint-Jean-de-Dieu,
rue Sainte-Catherine (photographie P. Labrude).
Quittant la rue Sainte-Catherine, le collège emménage définitivement place Royale, l’actuelle
place Stanislas, qui est édifiée de 1752 à 1755 sous la direction du même architecte, et où le
duc-roi l’établit dans la partie avant du pavillon de la Comédie (figure 5), l’actuel musée des
beaux-arts, où il lui offre la jouissance du premier étage, où se trouvent quatre salles destinées
aux séances, aux assemblées et à l’enseignement, et du second étage où existent un logement
et des pièces de conservation des collections. Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé à quel endroit
du pavillon les consultations avaient lieu. Nous savons seulement qu’en 1783, le collège prête
la salle des consultations à la communauté des apothicaires qui désire y tenir ses assemblées9.
Ceci confirme qu’il existe un local dévolu à la consultation, et que ce ne doit pas être le
vestibule du rez-de-chaussée ouvert sur la place.
Figure 5 : le pavillon de la Comédie, place Stanislas (photographie J.-P. Husson).
Cette installation du collège de médecine dans l’un des quatre grands pavillons de la place
Royale me semble présenter une forte signification symbolique. En dehors du fait que
Stanislas a la passion de la pierre et de la construction, la place Royale qu’il fait ériger par
Héré constitue un ensemble magnifique. C’est une place « camérale », c’est-à-dire un endroit
où s’exerce le pouvoir et un reflet de la puissance du souverain. Les places royales sont
considérées comme étant à la fois l’expression la plus achevée de la présentation de la gloire
de la monarchie et l’expression la plus parfaite du classicisme en matière d’urbanisme. Aussi
la présence du collège royal de médecine sur la place que Stanislas fait ériger à Nancy est une
marque de l’importance qu’il lui donne par rapport à la faculté de médecine sise à Pont-à-
Mousson et qui souhaite y rester, et donc aussi une marque de la valeur qu’il attribue aux
missions qu’il donne à l’institution qu’il crée.
Par lettres patentes du 13 juin 1758, Stanislas fait établir au profit du collège, un peu plus loin
dans la même rue, un jardin botanique qui sera ouvert en 1761 et qui est l’actuel « Jardin
Godron » : « Sa majesté, le Roi de Pologne, donna au Collège Royal un terrain situé hors de
la Porte Sainte-Catherine, en partie marécageux, et en partie servant de dépôts des bâtimens
voisins, pour en faire un jardin botanique ». La responsabilité en est confiée au président du
collège. Le plan est présenté figure 6. Ce jardin a divers usages et en particulier d’être destiné
à la consultation : le jardinier doit fournir gratuitement aux malades consultants les plantes qui
ont été prescrites par les médecins et qui ne se trouvent pas au jardin, au bord du chemin ou
dans les prés, pour qu’ils réalisent chez eux des formes pharmaceutiques comme des tisanes
ou des décoctions, voire des vins médicinaux.
Figure 6 : le plan du jardin (Mémoires de l’Académie de Stanislas, référence 10).
Les cinq premiers consultants : Salmon et Platel, tous deux membres du conseil du collège,
Sirejean, Cupers et Félix, sont désignés le 3 juillet 1752, et les consultations se mettent en
place dès le samedi 15 juillet. Le collège a repris la prescription de 1708 de Léopold du
samedi matin de 10 heures à 12 heures, sauf les jours de fête, l’article XXXVI de ses statuts
lui laissant la liberté du lieu, du jour et des horaires.
A partir de 1764, les apothicaires de Nancy sont associés, à leur demande, à cette œuvre de
charité, par la fourniture gratuite des remèdes prescrits par les médecins consultants11. Chacun
des six ou sept apothicaires de Nancy est de service deux mois par an, un d’hiver et un d’été
(figure 7), qui changent chaque année, et dont j’ai pu dresser la liste jusqu’à la suppression de
l’institution en 1793. Par la délibération que prend la communauté le 8 mai 1764, ses
membres acceptent : « de fournir & composer gratuitement aux Pauvres de la campagne
seulement, reconnus pour tels, par attestation de leurs Curés, (…), tous les Remèdes et
Drogues qui leur auront été prescrits par les ordonnances ou formules qui auront été faites &
enregistrées en la Chambre des consultations de Messieurs du Collège Royal de Médecine
(…) ». C’est l’apothicaire Pierson qui est le premier à intervenir dans cette nouvelle activité.
Figure 7 : le placard imprimé par la communauté des apothicaires en 1764
(musée de la faculté de médecine de Nancy).
J’ai indiqué plus haut qu’il y avait des abus, au moins des dérives, avec l’accueil de personnes
venues consulter et qui n’auraient pas dû être acceptées. Il y a là des Nancéiens, mais aussi
des personnes de la campagne qui ne sont pas des pauvres au sens où cela doit être entendu.
Si la consultation est gratuite et ne met en jeu que la compétence et le temps des médecins
délégués par le collège, la fourniture gratuite des médicaments a un coût financier en plus de
son coût scientifique. Il faut donc croire que cette situation finit par poser un problème à la
communauté des apothicaires puisque, le 6 novembre 1788, elle prend une délibération dans
le rapport duquel elle indique que les certificats sont donnés trop facilement par les curés –
qui croient, écrivent les apothicaires, que les médicaments sont payés par le roi – et qu’elle
demandera la présentation d’un certificat indiquant « qu’ils sont portés sur le rôle de la
subvention (…) ». Le texte de cette délibération paraît en 1789 dans l’Almanach de Lorraine
et Barrois12. J’évoquerai plus loin ce qu’on appelle « médicaments du Roi ».
Par ailleurs, grâce à une donation effectuée par le marquis de La Mure (encore écrit Lamure),
chacun des pauvres malades présents reçoit, depuis le 11 août 1785, une petite somme à
l’issue de la consultation : 15 sous d’abord, puis 10 en 1793. La consultation perdure sans
interruption jusqu’à ce moment. La dernière, où six patients sont reçus, a lieu le 28 décembre
1793, donc plusieurs mois après le décret du 8 août qui porte la responsabilité de la
suppression des facultés, des collèges et des académies et sociétés académiques.
Comme déjà indiqué, toutes les consultations sont l’objet d’un rapport qui est noté dans un
registre. Ceux qui nous sont parvenus, et qui représentent la presque totalité des consultations
tenues pendant ces quatre décennies, sont conservés aux Archives départementales de
Meurthe-et-Moselle13. A ma connaissance, ils n’ont jusqu’à présent que très peu été étudiés,
d’abord uniquement de manière ponctuelle par Madame Anne-Marie Eber-Roos dans sa thèse
de doctorat en médecine relative au collège, soutenue en 197114, puis plus récemment et cette
fois systématiquement par Madame Marie Meunier dans sa thèse de doctorat en pharmacie en
200815. Mais aucune publication n’a fait suite à ces travaux.
Ces registres avaient primitivement un double but : quantifier l’une des activités officielles du
collège en lui fournissant une connaissance assez précise de l’état sanitaire de la population
des campagnes, mais aussi permettre au lieutenant général de police de Nancy d’évaluer la
situation de la population. En effet, la pauvreté et la richesse figurent au nombre des
indicateurs de l’activité économique, et en particulier agricole, de l’Etat lorrain, et, tant les
épidémies que les intempéries ont des conséquences sur ces activités.
Les registres des consultations
Les registres sont au nombre de quatre, correspondant aux années 1752-1760, 1760-1774,
1774-1789 et 1789-1793, et sont dans l’ensemble d’une remarquable précision. Pour chaque
samedi avec sa date, sont successivement notés pour chaque patient avec un numéro : son
nom ou sa qualité (l’enfant de…, la femme de…, la veuve…, la fille…), la paroisse ou le
village, la pathologie ou l’état clinique, et la prescription des médecins. Pour les Nancéiens,
lorsqu’ils sont tolérés, le registre indique le nom de la paroisse ou le lieu d’habitation, par
exemple « le chemin de Bon-Secours » (vers l’extrémité actuelle de l’avenue de Strasbourg),
ou simplement « Nancy ». Par contre, et c’est regrettable, l’âge des consultants n’est que
rarement mentionné.
Pour cette étude, six années ont été choisies, séparées d’environ cinq ans : 1760, 1764, 1770,
1775, 1780 et 1789. L’année 1785 avait été également retenue mais le registre n’est pas
exploitable car il a été mal tenu. 1764 ne correspond pas à un espace de cinq années mais il
marque, comme nous l’avons vu, le début de la participation des apothicaires de la
communauté nancéienne. Les autres choix correspondent à des années de décennie ou de
demi-décennie ; en 1760, les apothicaires ne participent pas encore tandis que la consultation
est bien rodée ; l’année 1789 est la dernière encore calme. Une étude descriptive porte sur
l’année 1764 et une étude comparative porte sur l’ensemble.
Les pathologies de l’année 1764
Les 52 samedis mentionnés dans le registre ont permis 267 consultations dont le plus grand
nombre, 68, est enregistré en juin, et les moins nombreuses, 6 et 7 seulement, ont eu lieu
respectivement en avril, et en janvier et décembre. Personne ne s’est présenté les 7 et 21 avril
et il n’y a eu qu’un seul consultant le 25 février, et deux seulement les 10, 17 et 24 mars. Les
hommes sont les plus nombreux, 120, les femmes sont 93 et les enfants 52, ce qui ne
correspond pas au nombre de consultations car cette rubrique n’est pas toujours renseignée.
Tous ne viennent pas des villages et bourgs entourant Nancy, car une paroisse nancéienne est
mentionnée 32 fois, ce qui n’est pas normal, comme nous le savons, puisque les Nancéiens
disposent des hôpitaux, des maisons de charité et des médecins des pauvres.
De quoi est-il surtout fait état au cours de ces consultations ? Il est difficile de préciser
exactement le nombre des pathologies car la description est variable selon le billet présenté et
le médecin qui tient le registre, cependant que l’examen clinique n’est pas toujours rapporté
puisqu’il n’y en a pas toujours sur place, que le malade n’est pas toujours présent et que le
diagnostic est effectué alors à partir des indications inscrites sur le billet établi par le curé.
La fièvre est l’affection la plus fréquemment rencontrée, avec plus de 40 cas, de multiples
formes : « lente, continue avec exacerbation, intermittente, erratique, invétérée, putride,
vermineuse, quotidienne, double, tierce, etc. » et pas toujours à l’état isolé. La lutte contre les
fièvres est un thème récurrent dans les ouvrages de cette époque. Il est normal que nous ayons
trouvé mention du quinquina : « une demi-once dans une chopine de vin » car c’est une
drogue très amère. D’origine étrangère, bien que considéré comme coûteux, le quinquina est
maintenant classique. Les rhumatismes et les « ophtalmies » viennent en seconde position
avec une quinzaine de cas, suivis par la disparition ou l’absence de règles. Puis sont cités les
scrofules, affection prédisposant à la tuberculose – qui fait d’importants ravages dans la
population –, la sciatique, l’hydropisie et les troubles digestifs pour une dizaine de cas.
L’asthme, les vers intestinaux et les tumeurs comptent pour 4 ou 5 cas. Le goitre et le scorbut
sont cités 4 et 3 fois. Le goitre est dû à un dysfonctionnement de la thyroïde en rapport avec
des anomalies d’apport en iode, la Lorraine étant éloignée de la mer, et il se caractérise par
l’existence d’une grosseur siégeant à la base du cou. Pour sa part, le scorbut désigne
l’ensemble des affections buccales selon l’acception de ce terme à cette époque. La toux est 3
fois présente. Enfin le registre mentionne l’épilepsie, la maniaquerie, la mélancolie, les
convulsions, les vertiges, la cataracte et les teignes.
S’il apparaît difficile de décrire des thérapeutiques spécifiques, il est cependant des
traitements fréquemment prescrits par les médecins du collège qui sont aussi ceux de la ville
et qui sont donc habitués à prescrire pour les mêmes affections. Pour cette année 1764, nous
n’envisagerons pas les médicaments nombreux et divers, sauf quelques cas particuliers.
La prescription d’une purgation (79 fois) intervient dans presque 30% des consultations et
pour différentes pathologies : rhumatisme, hydropisie, ophtalmie, etc. Il s’agit d’une vraie
purgation, dans le sens actuel du mot, qui était différent antérieurement. La saignée au bras,
mais également au pied, est très pratiquée : 61 prescriptions intéressent ainsi des indications
aussi variées que l’asthme, l’épilepsie, la fièvre et la rétention urinaire ! La saignée et la
purgation sont souvent associées. Elles font partie de la célèbre triade thérapeutique des
anciens : purger, faire vomir et saigner. Elle est pratiquée sur place et est appliquée ici à
nombre de patients ! Le sang réputé corrompu est prélevé après incision d’une veine avec une
lancette et recueilli dans une palette d’une contenance de trois onces, soit environ quatre-
vingt-dix grammes… Bien qu’étant très présente en 1760 puisqu’appliquée à presque le quart
des consultants, sa fréquence diminue beaucoup ensuite : environ 13% dix ans plus tard, 3%
en 1775 et seulement environ 1% en 1790.
Viennent ensuite les médicaments destinés à faire vomir, c’est-à-dire les émétiques, 31 fois, et
l’envoi « aux eaux », 14 fois, après délivrance au patient d’un certificat daté, le plus souvent à
Plombières (seize cas dans l’année), pour une sciatique, un rhumatisme ou une paralysie,
sinon à Bains, Bains-les-Bains sans doute, ou « à Bourbonne », certainement Bourbonne-les-
Bains. L’usage d’une eau minérale comme boisson ordinaire est également conseillé. Il s’en
trouve à Nancy de différentes origines chez les apothicaires comme Virion16, mais pas en
dehors de la ville, et leur prix ne doit pas être en rapport avec les moyens de ces pauvres gens.
La rétention d’urine conduit au sondage vésical. Le bain, en particulier des pieds, le demi-
bain (?), constituent aussi des traitements. L’usage d’un pessaire, littéralement « remède
contre les déviations utérines », un mot récent, et dans la réalité, un dispositif destiné à
maintenir l’utérus, est mentionné une fois. Au XVIIIe siècle, il se présente souvent comme
une sorte de « double coquetier » troué par son centre et auquel sont attachés des fils utilisés
pour le retirer. Il serait intéressant de connaître le matériau dont il est constitué, l’ivoire étant
peu probable ici. La chirurgie est conseillée lorsqu’elle apparaît nécessaire, par exemple dans
le cas de calculs vésicaux, ce qu’on appelle « l’opération de la taille », qui n’est pas exempte
de danger. Elle n’est pas pratiquée pendant la consultation, d’autant qu’elle est réservée aux
maîtres chirurgiens. Une femme a sans doute été envoyée à l’hôpital.
Une prescription curieuse, bien que classique, est la « paire de pigeons de Mr le Curé »,
encore dite « une paire de pigeons du colombier de M. le curé ». Elle est présente cinq fois au
cours de cette année, associée à des médicaments banals, dans « l’ophtalmie scrofuleuse »
(inflammation oculaire accompagnant les scrofules, une affection chronique des ganglions
lymphatiques du cou, d’origine tuberculeuse, provoquant des fistules avec écoulement de pus,
et qui constituent les célèbres écrouelles que les rois de France étaient réputés avoir la
capacité de guérir au nom de Dieu, par attouchement) le 25 août pour une dame de Chaligny ;
l’hydropisie (épanchement de sérosité dans une cavité ou dans les tissus, d’origine cardiaque,
rénale ou hépatique) avec ascite (hydropisie abdominale avec accumulation de liquide dans le
péritoine) le 29 septembre pour un homme d’Amance ; une fièvre « lente » et une aménorrhée
pour une dame de Champigneulles le 6 octobre ; pour le « soupçon de vers », un parasitisme
très répandu, chez un homme de Marbache le 20 octobre ; et enfin sur une femme de
Bouxières-aux-Dames, le 10 novembre sans qu’on en connaisse la motivation. Cette
prescription mérite quelques explications.
Nombre d’animaux et d’organes animaux sont encore employés comme médicaments à ce
moment. Le pigeon banal, mais aussi le pigeon ramier ou palombe, ainsi que la tourterelle, la
pie, le canard, le corbeau, la cigogne, etc., sont utilisés, soit en tant qu’animal entier, soit sous
la forme de cerveau, d’intestin, de foie, de sang, d’œuf ou même de fiente ou de plumes. Dans
l’article qu’il a consacré à ce sujet17, Bouvet énumère un nombre non négligeable
d’indications, qui ne correspondent que partiellement à ce qui est indiqué dans le registre du
collège qui, de plus et c’est dommage, ne précise pas la forme d’emploi de ces oiseaux. Cet
auteur indique cependant, pris dans l’ouvrage Les secrets touchant la médecine, qu’il attribue
à Madame Fouquet, ce qui n’est pas le cas en dépit d’une concordance de date de parution18, à
propos du traitement des fièvres continues et diverses affections des yeux : « Prenez deux
pigeonneaux en vie, fendez-les par le milieu et en appliquez un sur chaque plante de pied tout
chaudement ». Peu avant Bouvet, Menetrier a rapporté l’histoire en 1758, donc dans les
mêmes moments qu’ici, d’une consultation par correspondance où cette prescription est
effectuée pour un cas probable de syphilis nerveuse19 et où le pigeon « ouvert vivant par le
dos doit être appliqué sur le crâne rasé tous les huit jours... ». Le pigeon jouit de nombreuses
propriétés : son sang est adoucissant et s’emploie en ophtalmologie ; son foie est utilisé contre
l’ictère ou jaunisse ; son cerveau est aphrodisiaque, sa fiente est utile dans l’hydropisie, la
pleurésie, l’aménorrhée, et, à l’extérieur, comme résolutif et cicatrisant ; enfin, ouvert par le
milieu et encore vivant, il est appliqué sur la tête dans plusieurs positions selon les
pathologies. L’emploi des pigeons se trouve aussi à l’époque dans d’autres ouvrages, entre
autres dans la célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Deux ouvrages de pharmacie sont cités dans le registre à l’occasion des traitements : le
« codex », très vraisemblablement celui de Paris auquel les apothicaires de Nancy sont tenus
de se référer en l’absence d'une pharmacopée locale demandée par le collège mais qui se fait
attendre..., et le « manuel », c’est-à-dire sans doute le célébrissime Manuel des Dames de
Charité cité aussi sous ce nom plus complet, qui connaît nombre d’éditions à partir de 174720.
Deux noms d’apothicaires apparaissent dans le registre, les médecins y ayant envoyé les
patients. Celui de Pierson est dû à sa « ptisane contre-vers », dont la commercialisation,
sollicitée du collège par son inventeur (figure 8), est approuvée par lui21.
Figure 8 : la supplique adressée par Pierson au collège à propos de sa tisane
(musée de la faculté de médecine de Nancy).
Pour sa part, le nom de Willemet22 apparaît à propos de sel d’Epsom (sulfate de magnésium)
et de la préparation de « poudre de cannette ». Parmi les médicaments « classiques », en dépit
de son prix élevé, de la thériaque est prescrite deux fois au cours de l’année, en association à
d’autres remèdes dont de l’ipéca, émétique, c’est-à-dire vomitif extrêmement actif et très
célèbre, pour le traitement d’un « flux (de sang) ». Nous les retrouverons plus loin. Enfin,
divers aliments constituent des remèdes : le lait, le vin blanc, le beurre, le miel et même l’eau.
Etude comparative des six années sélectionnées
Il s’agit, comme déjà indiqué, des années 1760, 1764, 1770, 1775, 1780 et 1789. La
comparaison porte sur le nombre des consultations et sur l’origine géographique des pauvres
malades. Le nombre des consultations est très variable d’une année à l’autre. Pour les années
étudiées, il varie de 75 en 1775 et 90 en 1780 jusqu’à 524 en 1789. Les chiffres de 1760 et
1770 sont très voisins : 134 et 128. La fréquentation est généralement plus importante au
printemps et pendant l’été, très vraisemblablement en raison d’un temps plus clément et donc
plus favorable aux déplacements que les périodes d’intempéries de l’automne et les hivers
rigoureux et neigeux. Selon les années, entre 60 et 70% des consultations ont lieu entre le
début du printemps, le 21 mars, et la fin de l’été, ici le 23 septembre, sauf en 1775. Mais
chaque année présente un profil particulier qui peut être attribué au climat et aux épidémies.
C’est ainsi que, parmi les années qui ont été choisies, 1775 est atypique puisque seulement
45% des consultations ont lieu au printemps et en été et 55% en automne et en hiver. D’autres
années présentent assurément un profil similaire. La répartition des malades s’établit en
moyenne à 40% d’hommes et autant de femmes et 20% d'enfants. Pour les années retenues, le
plus jeune enfant est un nourrisson de dix jours, présenté le 21 janvier 1775 et qui n’est pas
malade mais présente la particularité d’être né avec presque toutes ses dents et qui, de ce fait,
mord fortement la personne qui l’allaite…
Comme déjà indiqué, les années ne se ressemblent pas. Si 1764 a été propice aux fièvres,
1770 l’est aux maladies scrofuleuses, qui sont citées dans le registre avec cet adjectif
« scrofuleux » dans des tumeurs, des ophtalmies, des ulcères, des anchyloses – s’agirait-il
d’anchilops, une petite tumeur de l’œil –, des dartres (plaques cutanées existant dans certaines
dermatoses), voire de « simples » scrofules.
En principe, comme déjà précisé, la consultation est réservée aux pauvres des campagnes,
munis d’un certificat de pauvreté de leur curé, mais nombreux sont cependant les Nancéiens
qui se présentent. Ils ne semblent pas être refoulés, au moins au début et/ou à certains
moments. En 1760, première année étudiée, ils sont aussi nombreux que les campagnards. A
partir de 1764, la grande majorité des patients provient des campagnes. Est-ce en raison de la
délibération des apothicaires qui, en s’associant le 8 mai à la consultation, ont précisé dans le
placard (figure 7) qui a été composé à cette occasion : « (…) aux Pauvres de la campagne
seulement, reconnus pour tels, par attestation de leurs Curés (…) » ?
Lorsque le patient n’est pas un habitant de Nancy, le nom du village ou de la bourgade où il
réside est noté. Beaucoup ne viennent pas de loin, mais des villages des alentours qui existent
encore et dont les noms n’ont pas changé : Pixérécourt, Malzéville, Dommartement, Fléville,
Houdement, Lay-Saint-Christophe, etc. Saint-Nicolas-de-Port est à une douzaine de
kilomètres de Nancy, et « Dochey » signifie sans doute « d’Ochey », déjà plus loin…
Cependant les distances n’effraient pas les malades, telle cette patiente qui vient de
Contrexéville, à soixante kilomètres de Nancy à vol d’oiseau, le 5 juillet 1760, pour une
question de vers intestinaux, et à qui les médecins prescrivent une saignée et une « purgation
contre vers », ou cet homme provenant de Mirecourt, à quarante-cinq kilomètres, le 27
octobre 1764, porteur d’une tumeur scrofuleuse, et à qui il est prescrit une saignée au bras, un
bol purgatif, c’est-à-dire une grosse pilule ovoïde, généralement de consistance molle, comme
le sont les électuaires, et de « l’éthiops antimonié », à raison de vingt prises de chacune vingt
grains. La formule de cette préparation comporte de l’antimoine pulvérisé (2 parties) et du
mercure (1 partie) qui sont triturés jusqu’à l’obtention d’une poudre noire23. C’est un fondant,
c’est-à-dire un agent amollissant, utilisé dans le traitement des affections lymphatiques. Pour
sa part, le grain correspond à 53 milligrammes.
Il arrive que plusieurs habitants du même village fassent la route ensemble comme en
témoignent leurs noms qui se succèdent dans le registre du même samedi, où, comme déjà
indiqué, la profession des patients est quelquefois mentionnée. Il est intéressant de noter qu’il
s’agit le plus souvent d’artisans et de commerçants, quelquefois de soldats et de personnels de
l’administration. Rares sont par contre les paysans, au sens d’agriculteurs. Sont-ils trop
occupés pour se déplacer, trop mal en point, trop pauvres ? Ne croient-ils pas à la médecine ?
Fréquentent-ils des rebouteux, comme la célèbre famille Fleurot du Val d’Ajol qui use d’un
baume portant le nom de leur village ? Trouvent-ils dans leur village un curé qui pratique la
médecine et la pharmacie à partir de livres qui sont destinés à cet usage et qui foisonnent24, ou
à proximité une dame noble ou bourgeoise qui se consacre à ce même type de charité ? La
réponse à ces questions ne manquerait pas d’intérêt.
Des mentions sont quelquefois inscrites en marge dans les registres. C’est le cas lorsque les
patients viennent plusieurs fois en consultation pour la même cause. Dans cette situation, le
médecin se reporte à la consultation initiale et inscrit à son niveau l’appréciation de l’état du
patient et la nouvelle prescription qui lui est faite. Il en est de même en cas de troisième
consultation. Quelquefois aussi apparaît le nom de l’apothicaire de Nancy qui dispense
gratuitement les médicaments pour le mois en cours, en particulier en 1764, année du début
de cette collaboration de la communauté nancéienne à cette activité. Ainsi, en juin 1764,
Pierson est-il mentionné à plusieurs reprises, avec même le titre de docteur, ce que pourtant
les apothicaires ne sont pas à l’époque...
Les médicaments prescrits
On ne sait pas très bien comment la prescription est rédigée. Il faut cependant qu’il existe une
ordonnance décrivant ce qui est conseillé au malade et ce qui lui est prescrit : chirurgie, cure
thermale, prise d’eau minérale, prise de médicaments. L’apothicaire en a besoin pour pouvoir
préparer et dispenser les médicaments qu’il vend jusqu’à 1764 et qu’il offre ensuite. Par
ailleurs, il est vraisemblable que le curé qui a délivré le billet prend connaissance du résultat
de la consultation, et il n’est pas impossible qu’il intervienne par l’intermédiaire des
« médicaments du Roi » qu’il est susceptible de détenir25. Il faut penser que ces pauvres
malades n’ont pas bien compris ce qui a pu leur être dit et envisager qu’ils ne savent pas lire.
Même si d’ailleurs, ils en sont capables, il n’est pas certain qu’ils puissent comprendre ce qui
est écrit. Est-ce même du français ou du patois, à une époque où la langue latine est courante
en milieu médical ? C’est du français dans les registres.
Arrivons-en aux médicaments et commençons par des produits naturels, qui sont des aliments
et qui peuvent aider à la prise médicamenteuse. Le lait et le vin, généralement blanc, sont des
véhicules classiques des principes actifs, qui sont ici essentiellement d’origine végétale. Le
lait, quelquefois de chèvre, et le petit-lait, le beurre frais et la mie de pain sont aussi des
médicaments en tant que tels. On emploie les laits de vache, d’ânesse et de chèvre, et dans des
conditions différentes. Certains vins médicamenteux sont certainement fournis par
l’apothicaire dont c’est « le mois », comme le « vin scillitique » (la scille est une plante dont
on utilise le bulbe comme tonicardiaque et diurétique dans le traitement de l’hydropisie) ou le
« vin antiscorbutique du Codex ». Le mot Codex est souligné ; il s’agit du « vin de raifort
composé », antiscrofuleux et antiscorbutique. Il s’agit certainement du « Codex de Paris »
dont les éditions les plus récentes sont de 1758 et 1760. Toutefois de nombreux autres vins
sont vraisemblablement préparés à la maison à partir de plantes du jardin, de la campagne ou
de la forêt : le « vin apéritif » avec les cendres de sarment est par exemple souvent mentionné.
La combustion des sarments de vigne, très abondants à une époque où la vigne est cultivée
partout, conduit à des cendres. Celles-ci, appelées « cendres gravelées », mot qui s’emploie
pour la « cendre de la lie de vin », sont riches en carbonate de potassium, et sont réputées
jouir de propriétés antirachitiques, diurétiques et dissolvantes des calculs urinaires. Dans ce
domaine des plantes médicinales, nous savons que le « jardinier botaniste » du collège doit
fournir les plantes usuelles desséchées aux pauvres qui viennent en consultation, les
préparations auxquelles elles sont destinées étant donc réalisées à la maison. La tisane figure
très fréquemment dans la prescription, et la remarque faite ci-dessus à propos des vins
s’applique bien sûr à elle. La décoction (infusion faite avec de l’eau maintenue à ébullition),
et l’apozème (tisane concentrée, jamais employée comme boisson ordinaire des malades), qui
en sont des « dérivés », se rencontrent également.
À côté de ces remèdes familiaux et familiers, les prescriptions du collège comportent de
nombreux médicaments de la pharmacopée officielle, comme la « poudre hydragogue du
Codex » (pour l’hydropisie), la « confection d’hyacinthe » (ou « électuaire de safran
composé », se présentant comme une pâte molle, employé comme stomachique et absorbant),
les « pilules mercurielles » (ou « pilules de Belloste » à base de miel, de mercure et de
plantes, purgatives et antisyphilitiques) ou l’« emplâtre vésicatoire » (onguent de consistance
solide appliqué sur la peau et créant une plaie superficielle à l’endroit de son application, en
vue de provoquer une révulsion, c’est-à-dire d’attirer les humeurs congestives loin d’un
organe pour le soulager). Trois prescriptions de thériaque (antidote coûteux et fameux, de
composition complexe, réputé actif contre toutes les intoxications et morsures, principalement
d’origine animale, et contenant en particulier de l’opium et de la chair de vipère) ont été
faites. Si les pilules, les poudres et les collyres sont d’emploi fréquent, il est peu fait usage de
sirops, sans doute à cause du prix du sucre, et aussi, curieusement, de miel, pourtant classique
à l’époque pour édulcorer. Sauf oubli de ma part, aucun usage de vinaigre n’a été fait bien que
ce produit soit classique en pharmacie et donne lieu à nombre de formulations. Comme nous
l’avons vu, les drogues exotiques comme le quinquina et l’ipéca sont employées. Bien que
leurs alcaloïdes ne soient pas connus, c’est à eux qu’elles doivent leur importante activité.
Les prescriptions peuvent aussi comporter des produits chimiques, dont certains sont en
même temps des médicaments. La médecine dite « spagyrique » ou encore « iatrochimie »,
c’est-à-dire qui emploie des principes actifs issus de la chimie, est maintenant admise, à
l’issue d’un long combat contre la faculté de médecine de Paris. C’est en particulier le cas des
sels, très nombreux et aux noms divers et imagés : « sel d’Epsom » (sulfate de magnésium,
purgatif), « sel de Duobus » (sulfate de potassium, purgatif), « safran de Mars apéritif »
(oxyde brun de fer, notre rouille, astringent, tonique et emménagogue), « sucre de Saturne »
(acétate de plomb cristallisé, de saveur sucrée, antidiarrhéique et astringent), etc. On connaît
aussi le « sel d’Epsom de Lorraine » (sulfate de sodium) qui est également un purgatif.
Comme nous l’avons vu plus haut, la purgation est en effet très pratiquée. Tous ces sels sont
délivrés par les apothicaires et, pour les plus anodins d’entre eux, par les droguistes, ce qui
n’empêche pas les accidents, éventuellement mortels comme il s’en produit un à Nancy en
1787 par confusion de deux produits par le droguiste...26.
Il n’est pas étonnant que la « boule d’acier, de Mars » (figure 9) ou encore la boule « d’acier
vulnéraire », soit assez fréquemment employée sous ses différentes formes : eau de boule, lait
de boule, infusion de boule avec des plantes vulnéraires. Il suffit pour cela de laisser tremper
une boule dans le liquide choisi. En usage interne, c’est une médication antianémique à base
de limaille de fer et de tartre rendus solides et moulés en forme de boule, et, lorsqu’elle
comporte des plantes vulnéraires et qu’elle est employée à l’extérieur, c’est un médicament
destiné à traiter les contusions, les foulures, les blessures, et à favoriser la cicatrisation. La
préparation la plus ancienne est due à Dubé vers 1675 et le nom de boule médicamenteuse est
dû au médecin Jean-Adrien Helvétius (1661-1727), dont le nom est attaché aux
« Médicaments du Roy » dont nous reparlerons un peu plus loin, ainsi qu’à l’introduction de
l’ipéca en France. L’incorporation de plantes vulnéraires est une spécialité de Nancy où les
boules sont fabriquées par les apothicaires, mais aussi par de nombreux particuliers, autorisés
ou non, avec des formules et des modes opératoires jalousement préservés par leurs
détenteurs, et bien sûr des contrefaçons27.
Figure 9 : une boule d’acier (collection et photographie P. Labrude).
Il convient aussi de citer le cérat de Galien ou cérat blanc, composé de cire blanche, d’huile
d’amande douce et d’eau de roses, utilisé comme excipient en dermatologie ; l’alcoolat
vulnéraire ; l’eau de riz qui est un antidiarrhéique classique, des préparations qui sont encore
employées de nos jours ; et enfin le millepertuis (ou hypericum ou hypericon), plante très
utilisée actuellement, vulnéraire et antiasthmatique, l’un des constituants du baume du
commandeur, un très vieux remède à l’origine controversée et aux dénominations multiples,
qui était initialement une sorte de panacée et qui n’est plus utilisé aujourd’hui en médecine
populaire qu’en qualité de vulnéraire dans le traitement des coupures et des gerçures. C’est en
1694 qu’il apparaît en page 279 dans le célèbre ouvrage du marchand de drogues et
professeur parisien Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, traitant des plantes, des
animaux et des minéraux… La mention figurant dans la seconde édition, en 1735, indique :
« Baume de Monsieur le Commandeur de Perne, qui m’a été donné par Monsieur de
Pimodan, Lieutenant de Roy de Toul en Lorraine »28. C’est un officier royal de rang
important, généralement le gouverneur d’une ville ou d’une forteresse.
L’opothérapie, c’est-à-dire l’emploi des drogues animales, reste encore en usage, mais elle a
perdu beaucoup de son importance. En 1764, il n’a été prescrit que les cloportes pulvérisés, le
plus souvent absorbés dans du vin… Leur carapace contient du nitrate de potassium. Ils sont
vantés comme apéritifs et diurétiques..., mais aussi comme fondants, par exemple des
tumeurs. Les médecins les prescrivent aussi dans le traitement des coliques néphrétiques, les
calculs rénaux, ce qu’on appelle alors « maladie de la pierre » ou « gravelle ». On rencontre
cependant, au fil des années, l’os de seiche, la corne de cerf ou l’opiate au blanc de baleine.
Seulement deux apothicaires de Nancy sont cités dans ces registres, et nous les avons déjà
rencontrés : Pierson pour sa « ptisane contre-vers » et Willemet pour l’emplâtre « de
cannette » (Canet en réalité, dessiccatif pour le pansement des ulcères). Cette rareté est peut-
être due au fait que les prescriptions qui utilisent des plantes médicinales, mais aussi les
tisanes, les décoctions, de nombreux vins, échappent pour l’essentiel au circuit
pharmaceutique. L’usage du Manuel des Dames de Charité (figure 10), dont il a été question
précédemment, un ouvrage non officiel mais extrêmement classique à ce moment, destiné aux
personnes charitables et aux ecclésiastiques qui se consacrent au soulagement des pauvres et à
la préparation de médicaments simples et bon marché, est mentionné une fois dans la
prescription des médecins. Ceci est un témoignage remarquable de la valeur de cet ouvrage et
de confiance que les thérapeutes officiels ont pour les formules qu’il propose.
Figure 10 : la couverture du Manuel des Dames de Charité, dans son édition de 1765.
Il est ainsi, dans les villages et les bourgs, des dames et des prêtres qui peuvent être montrés
en exemple pour leur zèle et leur dévouement. Citons celui de Lucey, un village viticole riche
des côtes de Toul. A sa mort en 1734, son curé, Claude Varnerot, lègue à la « charité établie
dans son village pour le soulagement des pauvres malades », des couvertures et des draps, des
livres et des ustensiles de pharmacie, et l’argent pour faire dire des messes « pour les âmes du
Purgatoire »29.
Synthèse et conclusion
Les six années de la consultation des pauvres qui ont été choisies dans le cadre de cette étude
ont permis de balayer, grossièrement de cinq ans en cinq ans, les quatre décennies d’existence
d’une des activités du collège royal de médecine de Nancy. En dépit de son caractère limité,
nombre d’observations peuvent en être tirées, d’autant qu’à notre connaissance, aucune étude
de ces registres n’avait jusqu’à présent été faite. Cependant, des observations similaires ont
certainement été réalisées à partir d’autres sources et d’autres villes.
Le dépouillement effectué permet d’entrevoir assez correctement la morbidité chez les
pauvres gens et l’état de la thérapeutique en Lorraine, plus précisément à Nancy et aux
alentours, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est bien sûr difficile de se faire une idée
exacte et précise sur les maladies qui règnent, car les observations sont naturellement rédigées
en fonction des connaissances de l’époque, mais aussi sans toujours toute la rigueur qui aurait
été nécessaire et sans qu’un examen clinique soit toujours pratiqué, en particulier dans cette
médecine par correspondance, en l’absence quelquefois du malade et à l’aide d’un billet
rédigé par quelqu’un qui n’est pas médecin. Rappelons-nous toutefois que ces registres
n’étaient pas destinés à permettre nos études historiques du XXIe siècle !
D’une manière générale, le nombre des patients semble inférieur à ce qu’on attendrait, mais
peut-être avons-nous une vision déformée et amplifiée de la situation sanitaire et du recours
aux praticiens à la fin du XVIIIe siècle… Les cas médicaux sont bien sûr extrêmement divers.
Toutefois les années peuvent être marquées par l’abondance de telle ou telle pathologie. Bien
que la fièvre ait des origines diverses, l’année 1764 est marquée par le grand nombre des
consultations qu’elle justifie. Pour sa part, 1770 permet d’enregistrer beaucoup de maladies
scrofuleuses : tumeurs, ophtalmies, ulcères, dartres, etc. Il serait sans doute intéressant de
tenter de rapprocher ces cas des conditions climatiques, agricoles et alimentaires des années
correspondantes comme le font les topographies médicales de l’époque. Le Mémoire
médicinal sur la Lorraine, ou Essai sur les qualités du sol, de l’eau et de l’air de cette
province, avec des observations sur les maladies qui y sont les plus communes, est rédigé par
le docteur Nicolas Jadelot, professeur à la faculté de médecine de Nancy, qui l’adresse, à la
fin de 1776, à la Commission de médecine à Paris pour tenir une correspondance avec les
médecins de province pour tout ce qui peut être relatif aux maladies épidémiques et
épizootiques. Celle-ci a été établie par le roi Louis XVI le 29 avril 1776. Elle fusionnera en
1778 avec une autre commission pour constituer la Société royale de médecine. Le mémoire
de Jadelot constitue la première topographie médicale de la Lorraine et un ouvrage de
référence. Il paraît en 1779 dans le premier volume de l’Histoire et Mémoires de la Société
royale de médecine30. Félix Vicq d’Azyr, « correspondant général pour les épidémies et
premier correspondant avec les médecins du royaume », qui deviendra le secrétaire perpétuel
de la Société royale de médecine, est reçu agrégé honoraire du collège le 30 septembre
177631.
Plusieurs affections apparaissent fréquemment dans les registres : fièvres, rhumatismes,
maladies des yeux, anomalies des règles, sciatique, scrofule, troubles digestifs, vers
intestinaux. Troubles digestifs et vers sont certainement à mettre en relation avec des
conditions défectueuses de préparation et de conservation des denrées et des aliments.
D’autres affections, comme on l’a vu précédemment, sont rares, même le goitre et les
affections buccales.
Dans son très célèbre ouvrage Avis au peuple sur sa santé, ou traité des maladies les plus
fréquentes…, qui paraît à partir de 1761 et dont nombre d’éditions se succèdent en peu
d'années32, le médecin suisse Simon-André Tissot décrit les causes les plus fréquentes des
maladies du peuple : un travail fatiguant trop prolongé, le repos dans un endroit froid ou
humide quand on a très chaud, l’eau froide bue alors qu’on transpire, l’inconstance des temps,
l’exhalaison de vapeurs corrompues des courtines, c’est-à-dire des rideaux des lits, et des
fumiers placés près des fenêtres, le manque d’aération des locaux d’habitation, l’ivrognerie,
les aliments préparés avec des denrées de mauvaise qualité ou dans de mauvaises conditions,
enfin la mauvaise qualité de l’eau de boisson. Il est sûr que ces causes sont présentes
simultanément chez nombre des pauvres qui fréquentent la consultation. En Lorraine, le tas de
fumier est traditionnellement placé devant la maison sur un espace qui lui est spécialement
dévolu. L’écoulement du purin est une cause classique et constante de contamination des
eaux. Il est sûr que beaucoup d’habitants des campagnes boivent continuellement de l’eau
infectée, comme leurs animaux d’ailleurs.
En matière de thérapeutique, la prescription la plus commune est celle des purgatifs, doux,
moyens ou forts, dont j’ai dénombré plusieurs dizaines de formes médicamenteuses, car il
faut, en effet, qu’ils soient adaptés « aux circonstances relatives aux tempéraments, aux âges,
à l’état et à la nature des maladies » comme l’a écrit Jadelot. Sa Pharmacopée des pauvres…
(figures 11 et 12) en présente plus de cinquante sous les appellations de « boissons vomitives
et purgatives » et de « lavements », et plusieurs additions ont été faites à l’occasion d’un
remaniement du texte33.
Figures 11 et 12 : la couverture de la Pharmacopée des pauvres… et l’une de ses pages
(compact disc mis à la disposition de P. Labrude par la bibliothèque-médiathèque de Nancy).
Après les purgatifs viennent la saignée, les vomitifs et le thermalisme, sans omettre bien sûr
les plantes médicinales et les drogues et médicaments fournis par les apothicaires. En matière
de thermalisme, on peut s’interroger sur la capacité de ces pauvres gens à se rendre aux eaux
et à y séjourner, ainsi qu’à s’acheter de l’eau minérale chez les apothicaires…
Quoi qu’il en soit, la consultation des pauvres, mise sur pied par le collège royal dès sa
fondation, répond à un besoin, que sans doute Stanislas et ses médecins avaient correctement
apprécié, même si sa fréquentation est variable selon les samedis et les saisons. Comme nous
l’avons vu, elle avait déjà été décidée par le duc Léopold en 1708. L’éloignement et la
pauvreté, l’état physique aussi, sont sans doute en partie responsables de cette relative
désaffection. Au contraire, les Nancéiens, qui sont sur place, ne se trompent pas sur son
intérêt et viennent en nombre, bien qu’ils n’en ont théoriquement pas le droit. S’ils ne sont pas
toujours refoulés, c’est sans doute parce que les patients des campagnes sont peu nombreux ;
c’est aussi peut-être une marque de pragmatisme de la part du souverain et de ses praticiens
qui mesurent l’importance sociale de cette institution pour les sujets des duchés. En effet, sous
l’Ancien Régime, coexistent toujours des règles strictes et des solutions pragmatiques qui
restent hors du domaine de ces règles34. La possibilité pour les pauvres d’accéder aux soins
médicaux et aux médicaments se pose toujours avec acuité à la campagne où, de plus, il
n’existe ni médecin ni apothicaire. Plusieurs réponses sont apportées à ces demandes : les
« médicaments de la Cour », encore appelés « remèdes du Roi », institués par Louis XIV,
conservés par ses successeurs et où se trouvent plusieurs des médicaments prescrits par les
médecins du collège royal35, le dévouement des personnes charitables, le colportage, mais
aussi, en marge de la réglementation, la tolérance de l’Etat et donc le pragmatisme face à
certaines déviations. L’acceptation des Nancéiens à la consultation en est une forme. Elle
montre aussi bien sûr qu’il existe des « fraudes à la charité ».
Bibliographie et notes
1.Les deux documents « fondateurs » relatifs au collège, en dehors des lettres patentes de
création, sont le travail du doyen Beau et la thèse de son élève Anne-Marie Eber-Roos :
Lettres patentes du Roi, portant établissement d’un Collège Royal de Médecine, à Nancy. Du
quinze Mai mil sept cent cinquante-deux, imprimerie Charlot, Nancy, 1752, dix-huit pages et
une liste des premiers médecins agrégés, de trois pages.
Beau A., La fondation du Collège royal de médecine de Nancy (15 mai 1752), Revue
médicale de Nancy et de l’Est, 1952, vol. 77, p. 189-203.
Eber-Roos A.-M., Le Collège royal de médecine de Nancy - Une fondation du Roi Stanislas
(1752-1793), thèse de doctorat en médecine, Nancy, 1971, 272 p.
2. Stanislas et la santé de ses sujets. Nancy 2005. Association des amis du musée de la faculté
de médecine, 2006, livret d’exposition, non paginé (20 pages).
3. Cabourdin G., La Vie quotidienne en Lorraine aux XVIIe et XVIIIe siècles, Hachette
littérature, Paris, 1984, chapitre IV, p. 96-97.
4. Gegout-Kipper I., Le duc Léopold, le roi Stanislas et la santé des Lorrains, thèse de
doctorat en médecine, Nancy, 2004, 220 p., ici p. 78.
5. Mazauric S., Bagard, un médecin lorrain des Lumières, Annales de l’Est, Nancy, 2001, n°1,
p. 73-89.
6. Leroux V., Casten Rönnow, premier médecin et confident du roi Stanislas : son histoire à
partir de ses lettres, thèse de doctorat en médecine générale, Nancy, 2017, 136 p.
7. Labrude P., L’intervention du Collège royal de médecine de Nancy dans la réglementation
de l’exercice de la pharmacie en Lorraine ducale de 1752 à 1793. Quelques exemples,
Histoire des sciences médicales, 2011, n°3, p. 289-298.
8. Prevet F., Ordonnance de S.A.R. du 18 juin 1708 portant Règlement pour la Médecine & la
Pharmacie à Nancy, dans : Les Statuts et règlements des apothicaires. Textes intégraux
accompagnés de notes critiques, Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1950, vol. 11, p. 2647-
2657.
9. Eber-Roos A.-M., op. cit. (réf. 1), p. 174.
10. Godron D.A., Notice historique sur les jardins des plantes de Pont-à-Mousson et de
Nancy, Mémoires de l’Académie de Stanislas, Nancy, 1870-1871, 4e série, vol. 4, p. 26-65. Le
plan est inséré entre les pages 36 et 37.
11. Labrude P. et Meunier M., La participation de la communauté des apothicaires de Nancy à
la consultation des pauvres malades des campagnes, organisée par le Collège royal de
médecine de 1764 à 1793, Revue d’histoire de la pharmacie, 2008, n°360, p. 401-414.
12. Labrude P. et Meunier M., op. cit. (réf. 11), ici p. 409.
13. Registres des consultations du collège royal de médecine, Archives départementales de
Meurthe-et-Moselle, 15 J 8 à 15 J 12.
14. Eber-Roos A.-M., op. cit. (réf. 1), « Les consultations des pauvres », p. 139-148.
15. Meunier M., La consultation des pauvres organisée par le Collège royal de médecine de
Nancy : étude des registres des consultations de 1760 à 1789, thèse de diplôme d’Etat de
docteur en pharmacie (sous la direction de P. Labrude), Nancy, 2008, n°2369, 113 p.
16. Tetau A.J., Les apothicaires de Nancy au XVIIIe siècle, thèse de doctorat d’université en
pharmacie, Nancy, 1932, Occitania, Paris, 1932, 189 p., « Le commerce des eaux minérales à
Nancy au XVIIIe siècle », p. 84-93.
17. Bouvet M., Le pigeon en thérapeutique, Paris médical, 1923 (14 juillet), p. 34-36.
18. Lafont O., Des médicaments pour les pauvres - Ouvrages charitables et santé publique
aux XVIIe et XVIIIe siècles, Pharmathèmes, Paris, 2010, « Les secrets touchant la médecine »,
p. 178-185.
19. Hoerni B., Pierre Menetrier et l’histoire de la médecine, Histoire des sciences médicales,
2013, n°4, p. 477-484, ici p. 481-482. L’auteur évoque une communication de Menetrier à la
Société française d’histoire de la médecine en 1920 où il est question d’une consultation par
correspondance et de pigeons : en 1758, une dame consulte un médecin spécialiste des
maladies vénériennes, qui lui conseille d’appliquer des pigeons sur le crâne rasé du malade
une fois tous les huit jours.
20. Lafont O., op. cit. (réf. 18), « Les Dames de Charité, les Filles de Charité et leur manuel »,
p. 187-194.
21. Archives du collège royal de médecine déposées au musée de la faculté de médecine de
Nancy, document n°7566.
22. Labrude P., Un pharmacien et botaniste lorrain : Pierre Remy Willemet (1735-1807),
Mémoires de l’Académie de Stanislas, Nancy, 2004-2005, 8e série, vol. 19, p. 211-237.
23. Jadelot N., Pharmacopée des pauvres ou formules des médicamens les plus usuels dans le
traitement des maladies du peuple…, Haener, Nancy, 1784-1785, p. 75.
24. Lafont O., op. cit. (réf. 18), seconde partie : « Les ouvrages charitables, une réponse à des
besoins de santé publique », p. 107-132.
25. Trépardoux F., Les médicaments de la Cour, chronologie, mise en œuvre et résultats
humanitaires, Revue d’histoire de la pharmacie, 1996, n°312, p. 374-377.
26. Laflize D., Observation sur un empoisonnement causé par une trop grande dose de nitre,
avec des recherches sur l’usage interne de ce médicament, Journal littéraire de Nancy, 1787,
p. 307-313. A ce sujet, on pourra consulter : Labrude P., Hypothèses sur les causes et les
conséquences de l’inspection des pharmacies et des drogueries de Nancy, réalisée les 1er et 2
mai 1787 par la commission du Collège royal de médecine de la ville, Revue d’histoire de la
pharmacie, 2008, n°359, p. 275-286.
27. Martin J., Les Boules d’acier vulnéraires, Boules de Nancy, Boules de Molsheim, et les
Boules minérales des Chartreux, Nancy (Malzéville), chez l’auteur, 2e édition, 2007, 296 p.
28. Labrude P., Réflexions et hypothèses sur l’origine possible du baume du commandeur de
Pernes, Revue d’histoire de la pharmacie, 2002, n°334, p. 221-228. Egalement : Nouvelles
réflexions et hypothèses sur l’origine du baume du commandeur de Pernes : il dérive
certainement du baume de Jérusalem, Vesalius, 2006, vol. 12, p. 37-40.
29. Martin P., Claude Varnerot (1648-1734), dans : Henryot F., Jalabert L. et Martin P., Atlas
de la vie religieuse en Lorraine à l’époque moderne, Editions Serpenoise, Metz, 2011, 320 p.,
ici p. 54.
30. Joudrier P., Les topographies médicales vosgiennes de 1776 à 1826, Mémoires et
documents sur l’histoire des Vosges n°3, Fédération des sociétés savantes des Vosges et
Association des amis du livre et du patrimoine de Neufchâteau éditeurs, 2016, p. 107-118.
31. Eber-Roos A.-M., op. cit. (réf. 1), p. 84-85.
32. Tissot S.-A., Avis au peuple sur sa santé, ou traité des maladies les plus fréquentes, Didot
le jeune, Paris, 2e édition, 1763. Cette seconde édition en français dérive de la seconde édition
de l’ouvrage, éditée à Lausanne. Ce document est disponible sur Internet. Les éléments du
paragraphe cité se trouvent chez O. Lafont, op. cit. (réf. 18), p. 226.
33. Jadelot N., Pharmacopée des pauvres…, op. cit. (réf. 23), p. 42-49, 99-108 et additions p.
136, 146 et 151.
34. Lafont O., Médicaments des villes, médicaments des champs. Réglementation stricte
contre pragmatisme, Revue d’histoire de la pharmacie, 2002, n°334, p. 211-220.
35. Trépardoux F., op. cit. (réf. 25).
Résumé
Le collège royal de médecine de Nancy, créé par Stanislas en 1752, reçoit entre autres pour
mission celle d’organiser régulièrement chaque samedi une consultation médicale d’une durée
de deux heures destinée aux pauvres malades des campagnes lorraines munis d’un certificat
de pauvreté établi par leur curé. La consultation démarre dès juillet 1752 et se poursuit
jusqu’en décembre 1793. Ses registres, conservés aux Archives départementales à Nancy,
n’ont été que très peu étudiés jusqu’à présent. Six registres, couvrant la période 1764-1789
ont été retenus pour cette étude. Celui de 1764 fait l’objet d’une analyse descriptive cependant
qu’une étude comparative a été menée avec plusieurs des autres. Les fièvres diverses
constituent les pathologies les plus fréquentes. La purgation, la saignée, les émétiques et les
eaux thermales sont les traitements les plus habituellement prescrits. Les années ne se
ressemblent cependant pas, tant en nombre de consultations qu’en matière de pathologie
majoritairement rencontrée. A partir de 1764, les apothicaires de Nancy participent à cette
action charitable en fournissant gratuitement les médicaments et drogues prescrits par les
médecins du collège, à condition que les malades soient reconnus comme pauvres et viennent
effectivement de la campagne. Les registres sont donc aussi l’occasion de rencontrer les
médicaments que ces praticiens dispensent dans ce cadre.
Summary
A free medical help in Nancy during the 18th century:
the « consultation des pauvres » of the Royal College of Medicine
The Royal College of Medicine, created by Stanislas in 1752, was designated to organize à
medical help for the poor who lived in the country around Nancy, but not for the inhabitants
of the town. This paper is devoted to the description of some aspects of this activity between
1752 and 1793. We will successively consider the different missions of the college, the
conditions of the consultation, the study of the registers, the pathologies observed during year
1764, the comparison of six years, some particular annotations found in the registers, drugs
choosed by the physicians of the college, and, finaly, a synthesis and a conclusion. Some
pictures are joined to the text.
Mots-clés
Nancy, collège royal de médecine, Bagard, Rönnow, XVIIIe siècle, consultation des pauvres
des campagnes, pathologies, communauté des apothicaires, médicaments.
Pierre Labrude
pierre.labrude@orange.fr
téléphone : 06.30.90.85.71

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Une aide médicale gratuite à Nancy au 18°siècle: la consultation des pauvres des campagnes organisée par le collège royal de médecine

  • 1. Une aide médicale gratuite à Nancy au XVIIIe siècle : la consultation des pauvres des campagnes organisée par le collège royal de médecine Professeur (h) Pierre Labrude* Centre régional universitaire lorrain d’histoire, et Association des amis du musée de la faculté de médecine. Université de Lorraine, Nancy Le collège royal de médecine de Nancy, encore appelé « collège royal des médecins de Nancy », est institué par le duc-roi Stanislas en 1752 à l’instigation de ses médecins Charles Bagard et Casten Rönnow. Si Stanislas accepte le principe de cette création, qui ne peut que faire ombrage à la faculté de médecine de Pont-à-Mousson puisqu’il empiète sur certaines de ses prérogatives, c’est qu’il est très attentif à la santé de ses sujets. Il l’exprime avec netteté dans le préambule des lettres patentes qui portent établissement d’une telle institution à Nancy. Ces lettres (figure 1) sont données à Lunéville le 15 mai 1752 et elles sont accompagnées de ses règlements et statuts1. L’exposé des motifs indique : « Nous avons toujours eu à cœur de faire fleurir dans nos états les sciences et les arts pour procurer à nos sujets tous les fruits qu’on peut en recueillir : la médecine étant la plus importante et la plus nécessaire à leur conservation, nous croyons devoir porter plus particulièrement notre attention à tout ce qui peut contribuer à ses progrès et à sa perfection (…) ». Figure 1 : les lettres patentes de création du collège (musée de la faculté de médecine de Nancy). Les œuvres sanitaires et charitables de Stanislas sont nombreuses2 et il importe de les citer, même si elles ne sont pas en relation avec ce travail : œuvres en faveur des orphelins, en faveur des hôpitaux, missions royales des Jésuites, maison de charité des Frères de Saint-Jean de Dieu, accord sur l’inoculation en vue d’une immunisation contre la variole – qui cependant n’est pas acceptée et qui est interdite par la Cour souveraine3 –, création de greniers à blé et fondations en faveur des pauvres. Si le souverain crée un collège de médecine, à l’image de ce qui existe dans une quinzaine de villes en France, ce n’est pas seulement pour les raisons qui sont énoncées ci-dessus. Il en existe d’autres, qui ne sont pas toutes annoncées ou évidentes, et qu’il ne lui est pas possible d’écrire, même en tant que souverain. L’une d’entre elles est que Stanislas souhaite accroître
  • 2. le lustre de la capitale administrative de ses Etats où il vient récemment de créer une bibliothèque publique et une société des sciences et belles-lettres. L’essor que la ville connaît justifie aux yeux de certaines personnes importantes de la Cour le transfèrement à Nancy de l’université qui vit modestement alors dans la petite ville qu’est Pont-à-Mousson. Mais ni les professeurs, ni les Jésuites, sous l’obédience desquels l’université est placée, ne sont susceptibles d’accepter ce déplacement. Or Stanislas est très attaché à ces religieux. L’université ne bougera donc pas de Pont du vivant du duc-roi, et il faut de ce fait à ces personnalités nancéiennes se tourner vers autre chose… Indiquons ici que Léopold avait déjà voulu opérer ce déplacement de l’université en 1722, mais qu’il s’était heurté aux mêmes opposants, les Jésuites, soutenus par les Mussipontains4. C’est dans ces conditions que vont intervenir plusieurs médecins proches du souverain : Charles Bagard5 (figure 2), écuyer et premier médecin ordinaire de Stanislas, qui désire ardemment la création de cette institution et qui va en devenir le premier président, Casten Rönnow6 (figure 3), écuyer et premier médecin, et George Christophe Kast, ancien premier médecin de la reine Catherine, l’épouse de Stanislas, décédée en 1747. Figure 2 : Charles Bagard (musée de la faculté de médecine de Nancy). Figure 3 : Kasten Rönnow (musée de la faculté de médecine de Nancy). Ils ont donc l’idée de faire créer à Nancy un collège de médecine qui grouperait les médecins de la cité et s’occuperait de diverses questions touchant à l’exercice médical. Une telle institution permettrait de réglementer ou du moins de contrôler ce qui se passe à Nancy et en Lorraine ducale dans le domaine de la médecine et des activités qui s’y rattachent : la chirurgie et la pharmacie7 en particulier. De nombreuses missions, officielles ou non, peuvent aussi être confiées à un tel collège dont la présence à Nancy accroîtrait la notoriété. Il n’est pas inutile de savoir ici que Bagard nourrit un très ancien contentieux à l’encontre de la faculté de médecine de Pont et qu’il ne serait pas mécontent de son abaissement, ce que confirment d’ailleurs les statuts du collège. Bagard, Rönnow, Kast, d’autres peut-être aussi, parviennent à décider Stanislas à créer un tel établissement et à lever les réticences du chancelier de La Galaizière qui est favorable à la faculté.
  • 3. Les missions du collège Le collège va tout à la fois constituer un ordre des médecins avant la lettre, une société savante de médecine, une sorte de faculté puisque ses statuts lui accordent le droit d’enseigner l’anatomie, la botanique et la chimie et de participer aux examens des apothicaires et des chirurgiens, mais aussi un organisme administratif par le contrôle du recrutement des médecins stipendiés de Lorraine et la délivrance de l’autorisation de pratiquer certaines interventions comme l’ablation du cristallin dans le traitement de la cataracte, et encore un dispensaire par ses consultations, une inspection de la pharmacie, des drogueries et des hôpitaux, etc. On peut affirmer que, dans le domaine de la santé, sous l’autorité de son président soutenu par le souverain, le collège autorise ou interdit et réglemente tout ou presque… Parmi ses missions figure l’organisation d’une consultation médicale gratuite destinée aux pauvres des campagnes de Lorraine. Il est certain que Stanislas est parfaitement au courant de celle-ci et que les statuts du collège ont reçu son approbation à l’issue d’une lecture attentive de sa part. Il intervient en effet à plusieurs reprises dans ses activités. L’idée d’une telle consultation n’est pas entièrement nouvelle. Elle avait déjà été prévue par le duc Léopold dans l’article VIII de son ordonnance du 18 juin 1708 « portant règlement pour la Médecine et la Pharmacie »8. Le texte intégral de cet article peut être rapporté ici car il montre une grande similitude avec celui de 1752 : « Les Doyens et professeurs de la Faculté (de Pont-à- Mousson), ensemble le Professeur en Chirurgie, seront tenus de se trouver à leurs Salles tous les Semedis de chacune semaine à dix heures du matin pour y assister gratuitement les pauvres de leurs conseils, et faire faire en leur présence les opérations de Chirurgie qu’ils auront jugé nécessaires en faveur desdits pauvres, par quelque Chirurgien expérimenté et capable ». Nous ignorons si cette consultation a effectivement eu lieu. Par contre, nous savons que des consultations destinées aux pauvres sont organisées dans d’autres villes. Le collège de médecine d’Orléans en réalise dans les mêmes moments que celui de Nancy. Les conditions de la consultation Trois des cinquante-trois articles des statuts du collège traitent de celle-ci. Le premier concerné et le plus important, l’article XXXVI, indique qu’il nommera de trois ans en trois ans, cinq membres pour « consulter gratuitement les maladies des pauvres », une fois par semaine « pour répondre aux pauvres malades qui viendront les consulter, ou aux mémoires qui leur seront envoyés de toute la Province, en justifiant de leur pauvreté par un certificat du curé du lieu. » Notons donc dès à présent que les malades ne sont pas toujours présents et qu’il existe de ce fait une médecine « à distance », on dirait aujourd’hui de la « télémédecine ». L’article XXXVII précise « qu’un des consultants interrogera le malade ou fera le rapport du mémoire (…) ; ils donneront ensemble leur avis sur la nature de la maladie et sur les remèdes et le régime qui conviendront. Ce médecin dressera et signera le résultat. » Enfin, l’article XXXVIII organise la suppléance en cas d’empêchement d’un consultant. Cette consultation s’ajoute à celle des médecins des pauvres qui opèrent au profit des habitants de la ville, mais elle ne leur est pas destinée. Nous verrons qu’il y a des abus, comme on pouvait s’y attendre ! Le collège s’installe d’abord et temporairement rue Sainte-Catherine dans les bâtiments occupés par les Frères de la Charité, encore appelés Frères de Saint-Jean de Dieu (figure 4). Cette congrégation, établie en 1586, est présente à Paris depuis 1602 et à Metz, à l’hôpital de la Charité Saint-Georges, depuis 1686. Les Frères sont officiellement à Nancy depuis avril
  • 4. 1750. Venus à la demande de Stanislas, ils ont pour mission de soigner gratuitement les malades, de porter les secours et les remèdes aux pauvres de la ville et des campagnes, de se rendre dans les zones d’épidémies et de visiter les prisonniers. Ils disposent d’une maison, rebâtie à partir de 1751, et d’un hôpital construit à partir de 1750, l’une et l’autre étant édifiés sous la direction de l’architecte Emmanuel Héré. Figure 4 : la façade de la maison des Frères de Saint-Jean-de-Dieu, rue Sainte-Catherine (photographie P. Labrude). Quittant la rue Sainte-Catherine, le collège emménage définitivement place Royale, l’actuelle place Stanislas, qui est édifiée de 1752 à 1755 sous la direction du même architecte, et où le duc-roi l’établit dans la partie avant du pavillon de la Comédie (figure 5), l’actuel musée des beaux-arts, où il lui offre la jouissance du premier étage, où se trouvent quatre salles destinées aux séances, aux assemblées et à l’enseignement, et du second étage où existent un logement et des pièces de conservation des collections. Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé à quel endroit du pavillon les consultations avaient lieu. Nous savons seulement qu’en 1783, le collège prête la salle des consultations à la communauté des apothicaires qui désire y tenir ses assemblées9. Ceci confirme qu’il existe un local dévolu à la consultation, et que ce ne doit pas être le vestibule du rez-de-chaussée ouvert sur la place. Figure 5 : le pavillon de la Comédie, place Stanislas (photographie J.-P. Husson).
  • 5. Cette installation du collège de médecine dans l’un des quatre grands pavillons de la place Royale me semble présenter une forte signification symbolique. En dehors du fait que Stanislas a la passion de la pierre et de la construction, la place Royale qu’il fait ériger par Héré constitue un ensemble magnifique. C’est une place « camérale », c’est-à-dire un endroit où s’exerce le pouvoir et un reflet de la puissance du souverain. Les places royales sont considérées comme étant à la fois l’expression la plus achevée de la présentation de la gloire de la monarchie et l’expression la plus parfaite du classicisme en matière d’urbanisme. Aussi la présence du collège royal de médecine sur la place que Stanislas fait ériger à Nancy est une marque de l’importance qu’il lui donne par rapport à la faculté de médecine sise à Pont-à- Mousson et qui souhaite y rester, et donc aussi une marque de la valeur qu’il attribue aux missions qu’il donne à l’institution qu’il crée. Par lettres patentes du 13 juin 1758, Stanislas fait établir au profit du collège, un peu plus loin dans la même rue, un jardin botanique qui sera ouvert en 1761 et qui est l’actuel « Jardin Godron » : « Sa majesté, le Roi de Pologne, donna au Collège Royal un terrain situé hors de la Porte Sainte-Catherine, en partie marécageux, et en partie servant de dépôts des bâtimens voisins, pour en faire un jardin botanique ». La responsabilité en est confiée au président du collège. Le plan est présenté figure 6. Ce jardin a divers usages et en particulier d’être destiné à la consultation : le jardinier doit fournir gratuitement aux malades consultants les plantes qui ont été prescrites par les médecins et qui ne se trouvent pas au jardin, au bord du chemin ou dans les prés, pour qu’ils réalisent chez eux des formes pharmaceutiques comme des tisanes ou des décoctions, voire des vins médicinaux. Figure 6 : le plan du jardin (Mémoires de l’Académie de Stanislas, référence 10). Les cinq premiers consultants : Salmon et Platel, tous deux membres du conseil du collège, Sirejean, Cupers et Félix, sont désignés le 3 juillet 1752, et les consultations se mettent en place dès le samedi 15 juillet. Le collège a repris la prescription de 1708 de Léopold du samedi matin de 10 heures à 12 heures, sauf les jours de fête, l’article XXXVI de ses statuts lui laissant la liberté du lieu, du jour et des horaires. A partir de 1764, les apothicaires de Nancy sont associés, à leur demande, à cette œuvre de charité, par la fourniture gratuite des remèdes prescrits par les médecins consultants11. Chacun des six ou sept apothicaires de Nancy est de service deux mois par an, un d’hiver et un d’été (figure 7), qui changent chaque année, et dont j’ai pu dresser la liste jusqu’à la suppression de l’institution en 1793. Par la délibération que prend la communauté le 8 mai 1764, ses
  • 6. membres acceptent : « de fournir & composer gratuitement aux Pauvres de la campagne seulement, reconnus pour tels, par attestation de leurs Curés, (…), tous les Remèdes et Drogues qui leur auront été prescrits par les ordonnances ou formules qui auront été faites & enregistrées en la Chambre des consultations de Messieurs du Collège Royal de Médecine (…) ». C’est l’apothicaire Pierson qui est le premier à intervenir dans cette nouvelle activité. Figure 7 : le placard imprimé par la communauté des apothicaires en 1764 (musée de la faculté de médecine de Nancy). J’ai indiqué plus haut qu’il y avait des abus, au moins des dérives, avec l’accueil de personnes venues consulter et qui n’auraient pas dû être acceptées. Il y a là des Nancéiens, mais aussi des personnes de la campagne qui ne sont pas des pauvres au sens où cela doit être entendu. Si la consultation est gratuite et ne met en jeu que la compétence et le temps des médecins délégués par le collège, la fourniture gratuite des médicaments a un coût financier en plus de son coût scientifique. Il faut donc croire que cette situation finit par poser un problème à la communauté des apothicaires puisque, le 6 novembre 1788, elle prend une délibération dans le rapport duquel elle indique que les certificats sont donnés trop facilement par les curés – qui croient, écrivent les apothicaires, que les médicaments sont payés par le roi – et qu’elle demandera la présentation d’un certificat indiquant « qu’ils sont portés sur le rôle de la subvention (…) ». Le texte de cette délibération paraît en 1789 dans l’Almanach de Lorraine et Barrois12. J’évoquerai plus loin ce qu’on appelle « médicaments du Roi ». Par ailleurs, grâce à une donation effectuée par le marquis de La Mure (encore écrit Lamure), chacun des pauvres malades présents reçoit, depuis le 11 août 1785, une petite somme à l’issue de la consultation : 15 sous d’abord, puis 10 en 1793. La consultation perdure sans interruption jusqu’à ce moment. La dernière, où six patients sont reçus, a lieu le 28 décembre 1793, donc plusieurs mois après le décret du 8 août qui porte la responsabilité de la suppression des facultés, des collèges et des académies et sociétés académiques. Comme déjà indiqué, toutes les consultations sont l’objet d’un rapport qui est noté dans un registre. Ceux qui nous sont parvenus, et qui représentent la presque totalité des consultations tenues pendant ces quatre décennies, sont conservés aux Archives départementales de Meurthe-et-Moselle13. A ma connaissance, ils n’ont jusqu’à présent que très peu été étudiés, d’abord uniquement de manière ponctuelle par Madame Anne-Marie Eber-Roos dans sa thèse
  • 7. de doctorat en médecine relative au collège, soutenue en 197114, puis plus récemment et cette fois systématiquement par Madame Marie Meunier dans sa thèse de doctorat en pharmacie en 200815. Mais aucune publication n’a fait suite à ces travaux. Ces registres avaient primitivement un double but : quantifier l’une des activités officielles du collège en lui fournissant une connaissance assez précise de l’état sanitaire de la population des campagnes, mais aussi permettre au lieutenant général de police de Nancy d’évaluer la situation de la population. En effet, la pauvreté et la richesse figurent au nombre des indicateurs de l’activité économique, et en particulier agricole, de l’Etat lorrain, et, tant les épidémies que les intempéries ont des conséquences sur ces activités. Les registres des consultations Les registres sont au nombre de quatre, correspondant aux années 1752-1760, 1760-1774, 1774-1789 et 1789-1793, et sont dans l’ensemble d’une remarquable précision. Pour chaque samedi avec sa date, sont successivement notés pour chaque patient avec un numéro : son nom ou sa qualité (l’enfant de…, la femme de…, la veuve…, la fille…), la paroisse ou le village, la pathologie ou l’état clinique, et la prescription des médecins. Pour les Nancéiens, lorsqu’ils sont tolérés, le registre indique le nom de la paroisse ou le lieu d’habitation, par exemple « le chemin de Bon-Secours » (vers l’extrémité actuelle de l’avenue de Strasbourg), ou simplement « Nancy ». Par contre, et c’est regrettable, l’âge des consultants n’est que rarement mentionné. Pour cette étude, six années ont été choisies, séparées d’environ cinq ans : 1760, 1764, 1770, 1775, 1780 et 1789. L’année 1785 avait été également retenue mais le registre n’est pas exploitable car il a été mal tenu. 1764 ne correspond pas à un espace de cinq années mais il marque, comme nous l’avons vu, le début de la participation des apothicaires de la communauté nancéienne. Les autres choix correspondent à des années de décennie ou de demi-décennie ; en 1760, les apothicaires ne participent pas encore tandis que la consultation est bien rodée ; l’année 1789 est la dernière encore calme. Une étude descriptive porte sur l’année 1764 et une étude comparative porte sur l’ensemble. Les pathologies de l’année 1764 Les 52 samedis mentionnés dans le registre ont permis 267 consultations dont le plus grand nombre, 68, est enregistré en juin, et les moins nombreuses, 6 et 7 seulement, ont eu lieu respectivement en avril, et en janvier et décembre. Personne ne s’est présenté les 7 et 21 avril et il n’y a eu qu’un seul consultant le 25 février, et deux seulement les 10, 17 et 24 mars. Les hommes sont les plus nombreux, 120, les femmes sont 93 et les enfants 52, ce qui ne correspond pas au nombre de consultations car cette rubrique n’est pas toujours renseignée. Tous ne viennent pas des villages et bourgs entourant Nancy, car une paroisse nancéienne est mentionnée 32 fois, ce qui n’est pas normal, comme nous le savons, puisque les Nancéiens disposent des hôpitaux, des maisons de charité et des médecins des pauvres. De quoi est-il surtout fait état au cours de ces consultations ? Il est difficile de préciser exactement le nombre des pathologies car la description est variable selon le billet présenté et le médecin qui tient le registre, cependant que l’examen clinique n’est pas toujours rapporté puisqu’il n’y en a pas toujours sur place, que le malade n’est pas toujours présent et que le diagnostic est effectué alors à partir des indications inscrites sur le billet établi par le curé.
  • 8. La fièvre est l’affection la plus fréquemment rencontrée, avec plus de 40 cas, de multiples formes : « lente, continue avec exacerbation, intermittente, erratique, invétérée, putride, vermineuse, quotidienne, double, tierce, etc. » et pas toujours à l’état isolé. La lutte contre les fièvres est un thème récurrent dans les ouvrages de cette époque. Il est normal que nous ayons trouvé mention du quinquina : « une demi-once dans une chopine de vin » car c’est une drogue très amère. D’origine étrangère, bien que considéré comme coûteux, le quinquina est maintenant classique. Les rhumatismes et les « ophtalmies » viennent en seconde position avec une quinzaine de cas, suivis par la disparition ou l’absence de règles. Puis sont cités les scrofules, affection prédisposant à la tuberculose – qui fait d’importants ravages dans la population –, la sciatique, l’hydropisie et les troubles digestifs pour une dizaine de cas. L’asthme, les vers intestinaux et les tumeurs comptent pour 4 ou 5 cas. Le goitre et le scorbut sont cités 4 et 3 fois. Le goitre est dû à un dysfonctionnement de la thyroïde en rapport avec des anomalies d’apport en iode, la Lorraine étant éloignée de la mer, et il se caractérise par l’existence d’une grosseur siégeant à la base du cou. Pour sa part, le scorbut désigne l’ensemble des affections buccales selon l’acception de ce terme à cette époque. La toux est 3 fois présente. Enfin le registre mentionne l’épilepsie, la maniaquerie, la mélancolie, les convulsions, les vertiges, la cataracte et les teignes. S’il apparaît difficile de décrire des thérapeutiques spécifiques, il est cependant des traitements fréquemment prescrits par les médecins du collège qui sont aussi ceux de la ville et qui sont donc habitués à prescrire pour les mêmes affections. Pour cette année 1764, nous n’envisagerons pas les médicaments nombreux et divers, sauf quelques cas particuliers. La prescription d’une purgation (79 fois) intervient dans presque 30% des consultations et pour différentes pathologies : rhumatisme, hydropisie, ophtalmie, etc. Il s’agit d’une vraie purgation, dans le sens actuel du mot, qui était différent antérieurement. La saignée au bras, mais également au pied, est très pratiquée : 61 prescriptions intéressent ainsi des indications aussi variées que l’asthme, l’épilepsie, la fièvre et la rétention urinaire ! La saignée et la purgation sont souvent associées. Elles font partie de la célèbre triade thérapeutique des anciens : purger, faire vomir et saigner. Elle est pratiquée sur place et est appliquée ici à nombre de patients ! Le sang réputé corrompu est prélevé après incision d’une veine avec une lancette et recueilli dans une palette d’une contenance de trois onces, soit environ quatre- vingt-dix grammes… Bien qu’étant très présente en 1760 puisqu’appliquée à presque le quart des consultants, sa fréquence diminue beaucoup ensuite : environ 13% dix ans plus tard, 3% en 1775 et seulement environ 1% en 1790. Viennent ensuite les médicaments destinés à faire vomir, c’est-à-dire les émétiques, 31 fois, et l’envoi « aux eaux », 14 fois, après délivrance au patient d’un certificat daté, le plus souvent à Plombières (seize cas dans l’année), pour une sciatique, un rhumatisme ou une paralysie, sinon à Bains, Bains-les-Bains sans doute, ou « à Bourbonne », certainement Bourbonne-les- Bains. L’usage d’une eau minérale comme boisson ordinaire est également conseillé. Il s’en trouve à Nancy de différentes origines chez les apothicaires comme Virion16, mais pas en dehors de la ville, et leur prix ne doit pas être en rapport avec les moyens de ces pauvres gens. La rétention d’urine conduit au sondage vésical. Le bain, en particulier des pieds, le demi- bain (?), constituent aussi des traitements. L’usage d’un pessaire, littéralement « remède contre les déviations utérines », un mot récent, et dans la réalité, un dispositif destiné à maintenir l’utérus, est mentionné une fois. Au XVIIIe siècle, il se présente souvent comme une sorte de « double coquetier » troué par son centre et auquel sont attachés des fils utilisés pour le retirer. Il serait intéressant de connaître le matériau dont il est constitué, l’ivoire étant peu probable ici. La chirurgie est conseillée lorsqu’elle apparaît nécessaire, par exemple dans
  • 9. le cas de calculs vésicaux, ce qu’on appelle « l’opération de la taille », qui n’est pas exempte de danger. Elle n’est pas pratiquée pendant la consultation, d’autant qu’elle est réservée aux maîtres chirurgiens. Une femme a sans doute été envoyée à l’hôpital. Une prescription curieuse, bien que classique, est la « paire de pigeons de Mr le Curé », encore dite « une paire de pigeons du colombier de M. le curé ». Elle est présente cinq fois au cours de cette année, associée à des médicaments banals, dans « l’ophtalmie scrofuleuse » (inflammation oculaire accompagnant les scrofules, une affection chronique des ganglions lymphatiques du cou, d’origine tuberculeuse, provoquant des fistules avec écoulement de pus, et qui constituent les célèbres écrouelles que les rois de France étaient réputés avoir la capacité de guérir au nom de Dieu, par attouchement) le 25 août pour une dame de Chaligny ; l’hydropisie (épanchement de sérosité dans une cavité ou dans les tissus, d’origine cardiaque, rénale ou hépatique) avec ascite (hydropisie abdominale avec accumulation de liquide dans le péritoine) le 29 septembre pour un homme d’Amance ; une fièvre « lente » et une aménorrhée pour une dame de Champigneulles le 6 octobre ; pour le « soupçon de vers », un parasitisme très répandu, chez un homme de Marbache le 20 octobre ; et enfin sur une femme de Bouxières-aux-Dames, le 10 novembre sans qu’on en connaisse la motivation. Cette prescription mérite quelques explications. Nombre d’animaux et d’organes animaux sont encore employés comme médicaments à ce moment. Le pigeon banal, mais aussi le pigeon ramier ou palombe, ainsi que la tourterelle, la pie, le canard, le corbeau, la cigogne, etc., sont utilisés, soit en tant qu’animal entier, soit sous la forme de cerveau, d’intestin, de foie, de sang, d’œuf ou même de fiente ou de plumes. Dans l’article qu’il a consacré à ce sujet17, Bouvet énumère un nombre non négligeable d’indications, qui ne correspondent que partiellement à ce qui est indiqué dans le registre du collège qui, de plus et c’est dommage, ne précise pas la forme d’emploi de ces oiseaux. Cet auteur indique cependant, pris dans l’ouvrage Les secrets touchant la médecine, qu’il attribue à Madame Fouquet, ce qui n’est pas le cas en dépit d’une concordance de date de parution18, à propos du traitement des fièvres continues et diverses affections des yeux : « Prenez deux pigeonneaux en vie, fendez-les par le milieu et en appliquez un sur chaque plante de pied tout chaudement ». Peu avant Bouvet, Menetrier a rapporté l’histoire en 1758, donc dans les mêmes moments qu’ici, d’une consultation par correspondance où cette prescription est effectuée pour un cas probable de syphilis nerveuse19 et où le pigeon « ouvert vivant par le dos doit être appliqué sur le crâne rasé tous les huit jours... ». Le pigeon jouit de nombreuses propriétés : son sang est adoucissant et s’emploie en ophtalmologie ; son foie est utilisé contre l’ictère ou jaunisse ; son cerveau est aphrodisiaque, sa fiente est utile dans l’hydropisie, la pleurésie, l’aménorrhée, et, à l’extérieur, comme résolutif et cicatrisant ; enfin, ouvert par le milieu et encore vivant, il est appliqué sur la tête dans plusieurs positions selon les pathologies. L’emploi des pigeons se trouve aussi à l’époque dans d’autres ouvrages, entre autres dans la célèbre Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Deux ouvrages de pharmacie sont cités dans le registre à l’occasion des traitements : le « codex », très vraisemblablement celui de Paris auquel les apothicaires de Nancy sont tenus de se référer en l’absence d'une pharmacopée locale demandée par le collège mais qui se fait attendre..., et le « manuel », c’est-à-dire sans doute le célébrissime Manuel des Dames de Charité cité aussi sous ce nom plus complet, qui connaît nombre d’éditions à partir de 174720. Deux noms d’apothicaires apparaissent dans le registre, les médecins y ayant envoyé les patients. Celui de Pierson est dû à sa « ptisane contre-vers », dont la commercialisation, sollicitée du collège par son inventeur (figure 8), est approuvée par lui21.
  • 10. Figure 8 : la supplique adressée par Pierson au collège à propos de sa tisane (musée de la faculté de médecine de Nancy). Pour sa part, le nom de Willemet22 apparaît à propos de sel d’Epsom (sulfate de magnésium) et de la préparation de « poudre de cannette ». Parmi les médicaments « classiques », en dépit de son prix élevé, de la thériaque est prescrite deux fois au cours de l’année, en association à d’autres remèdes dont de l’ipéca, émétique, c’est-à-dire vomitif extrêmement actif et très célèbre, pour le traitement d’un « flux (de sang) ». Nous les retrouverons plus loin. Enfin, divers aliments constituent des remèdes : le lait, le vin blanc, le beurre, le miel et même l’eau. Etude comparative des six années sélectionnées Il s’agit, comme déjà indiqué, des années 1760, 1764, 1770, 1775, 1780 et 1789. La comparaison porte sur le nombre des consultations et sur l’origine géographique des pauvres malades. Le nombre des consultations est très variable d’une année à l’autre. Pour les années étudiées, il varie de 75 en 1775 et 90 en 1780 jusqu’à 524 en 1789. Les chiffres de 1760 et 1770 sont très voisins : 134 et 128. La fréquentation est généralement plus importante au printemps et pendant l’été, très vraisemblablement en raison d’un temps plus clément et donc plus favorable aux déplacements que les périodes d’intempéries de l’automne et les hivers rigoureux et neigeux. Selon les années, entre 60 et 70% des consultations ont lieu entre le début du printemps, le 21 mars, et la fin de l’été, ici le 23 septembre, sauf en 1775. Mais chaque année présente un profil particulier qui peut être attribué au climat et aux épidémies. C’est ainsi que, parmi les années qui ont été choisies, 1775 est atypique puisque seulement 45% des consultations ont lieu au printemps et en été et 55% en automne et en hiver. D’autres années présentent assurément un profil similaire. La répartition des malades s’établit en moyenne à 40% d’hommes et autant de femmes et 20% d'enfants. Pour les années retenues, le plus jeune enfant est un nourrisson de dix jours, présenté le 21 janvier 1775 et qui n’est pas malade mais présente la particularité d’être né avec presque toutes ses dents et qui, de ce fait, mord fortement la personne qui l’allaite… Comme déjà indiqué, les années ne se ressemblent pas. Si 1764 a été propice aux fièvres, 1770 l’est aux maladies scrofuleuses, qui sont citées dans le registre avec cet adjectif « scrofuleux » dans des tumeurs, des ophtalmies, des ulcères, des anchyloses – s’agirait-il d’anchilops, une petite tumeur de l’œil –, des dartres (plaques cutanées existant dans certaines dermatoses), voire de « simples » scrofules.
  • 11. En principe, comme déjà précisé, la consultation est réservée aux pauvres des campagnes, munis d’un certificat de pauvreté de leur curé, mais nombreux sont cependant les Nancéiens qui se présentent. Ils ne semblent pas être refoulés, au moins au début et/ou à certains moments. En 1760, première année étudiée, ils sont aussi nombreux que les campagnards. A partir de 1764, la grande majorité des patients provient des campagnes. Est-ce en raison de la délibération des apothicaires qui, en s’associant le 8 mai à la consultation, ont précisé dans le placard (figure 7) qui a été composé à cette occasion : « (…) aux Pauvres de la campagne seulement, reconnus pour tels, par attestation de leurs Curés (…) » ? Lorsque le patient n’est pas un habitant de Nancy, le nom du village ou de la bourgade où il réside est noté. Beaucoup ne viennent pas de loin, mais des villages des alentours qui existent encore et dont les noms n’ont pas changé : Pixérécourt, Malzéville, Dommartement, Fléville, Houdement, Lay-Saint-Christophe, etc. Saint-Nicolas-de-Port est à une douzaine de kilomètres de Nancy, et « Dochey » signifie sans doute « d’Ochey », déjà plus loin… Cependant les distances n’effraient pas les malades, telle cette patiente qui vient de Contrexéville, à soixante kilomètres de Nancy à vol d’oiseau, le 5 juillet 1760, pour une question de vers intestinaux, et à qui les médecins prescrivent une saignée et une « purgation contre vers », ou cet homme provenant de Mirecourt, à quarante-cinq kilomètres, le 27 octobre 1764, porteur d’une tumeur scrofuleuse, et à qui il est prescrit une saignée au bras, un bol purgatif, c’est-à-dire une grosse pilule ovoïde, généralement de consistance molle, comme le sont les électuaires, et de « l’éthiops antimonié », à raison de vingt prises de chacune vingt grains. La formule de cette préparation comporte de l’antimoine pulvérisé (2 parties) et du mercure (1 partie) qui sont triturés jusqu’à l’obtention d’une poudre noire23. C’est un fondant, c’est-à-dire un agent amollissant, utilisé dans le traitement des affections lymphatiques. Pour sa part, le grain correspond à 53 milligrammes. Il arrive que plusieurs habitants du même village fassent la route ensemble comme en témoignent leurs noms qui se succèdent dans le registre du même samedi, où, comme déjà indiqué, la profession des patients est quelquefois mentionnée. Il est intéressant de noter qu’il s’agit le plus souvent d’artisans et de commerçants, quelquefois de soldats et de personnels de l’administration. Rares sont par contre les paysans, au sens d’agriculteurs. Sont-ils trop occupés pour se déplacer, trop mal en point, trop pauvres ? Ne croient-ils pas à la médecine ? Fréquentent-ils des rebouteux, comme la célèbre famille Fleurot du Val d’Ajol qui use d’un baume portant le nom de leur village ? Trouvent-ils dans leur village un curé qui pratique la médecine et la pharmacie à partir de livres qui sont destinés à cet usage et qui foisonnent24, ou à proximité une dame noble ou bourgeoise qui se consacre à ce même type de charité ? La réponse à ces questions ne manquerait pas d’intérêt. Des mentions sont quelquefois inscrites en marge dans les registres. C’est le cas lorsque les patients viennent plusieurs fois en consultation pour la même cause. Dans cette situation, le médecin se reporte à la consultation initiale et inscrit à son niveau l’appréciation de l’état du patient et la nouvelle prescription qui lui est faite. Il en est de même en cas de troisième consultation. Quelquefois aussi apparaît le nom de l’apothicaire de Nancy qui dispense gratuitement les médicaments pour le mois en cours, en particulier en 1764, année du début de cette collaboration de la communauté nancéienne à cette activité. Ainsi, en juin 1764, Pierson est-il mentionné à plusieurs reprises, avec même le titre de docteur, ce que pourtant les apothicaires ne sont pas à l’époque... Les médicaments prescrits
  • 12. On ne sait pas très bien comment la prescription est rédigée. Il faut cependant qu’il existe une ordonnance décrivant ce qui est conseillé au malade et ce qui lui est prescrit : chirurgie, cure thermale, prise d’eau minérale, prise de médicaments. L’apothicaire en a besoin pour pouvoir préparer et dispenser les médicaments qu’il vend jusqu’à 1764 et qu’il offre ensuite. Par ailleurs, il est vraisemblable que le curé qui a délivré le billet prend connaissance du résultat de la consultation, et il n’est pas impossible qu’il intervienne par l’intermédiaire des « médicaments du Roi » qu’il est susceptible de détenir25. Il faut penser que ces pauvres malades n’ont pas bien compris ce qui a pu leur être dit et envisager qu’ils ne savent pas lire. Même si d’ailleurs, ils en sont capables, il n’est pas certain qu’ils puissent comprendre ce qui est écrit. Est-ce même du français ou du patois, à une époque où la langue latine est courante en milieu médical ? C’est du français dans les registres. Arrivons-en aux médicaments et commençons par des produits naturels, qui sont des aliments et qui peuvent aider à la prise médicamenteuse. Le lait et le vin, généralement blanc, sont des véhicules classiques des principes actifs, qui sont ici essentiellement d’origine végétale. Le lait, quelquefois de chèvre, et le petit-lait, le beurre frais et la mie de pain sont aussi des médicaments en tant que tels. On emploie les laits de vache, d’ânesse et de chèvre, et dans des conditions différentes. Certains vins médicamenteux sont certainement fournis par l’apothicaire dont c’est « le mois », comme le « vin scillitique » (la scille est une plante dont on utilise le bulbe comme tonicardiaque et diurétique dans le traitement de l’hydropisie) ou le « vin antiscorbutique du Codex ». Le mot Codex est souligné ; il s’agit du « vin de raifort composé », antiscrofuleux et antiscorbutique. Il s’agit certainement du « Codex de Paris » dont les éditions les plus récentes sont de 1758 et 1760. Toutefois de nombreux autres vins sont vraisemblablement préparés à la maison à partir de plantes du jardin, de la campagne ou de la forêt : le « vin apéritif » avec les cendres de sarment est par exemple souvent mentionné. La combustion des sarments de vigne, très abondants à une époque où la vigne est cultivée partout, conduit à des cendres. Celles-ci, appelées « cendres gravelées », mot qui s’emploie pour la « cendre de la lie de vin », sont riches en carbonate de potassium, et sont réputées jouir de propriétés antirachitiques, diurétiques et dissolvantes des calculs urinaires. Dans ce domaine des plantes médicinales, nous savons que le « jardinier botaniste » du collège doit fournir les plantes usuelles desséchées aux pauvres qui viennent en consultation, les préparations auxquelles elles sont destinées étant donc réalisées à la maison. La tisane figure très fréquemment dans la prescription, et la remarque faite ci-dessus à propos des vins s’applique bien sûr à elle. La décoction (infusion faite avec de l’eau maintenue à ébullition), et l’apozème (tisane concentrée, jamais employée comme boisson ordinaire des malades), qui en sont des « dérivés », se rencontrent également. À côté de ces remèdes familiaux et familiers, les prescriptions du collège comportent de nombreux médicaments de la pharmacopée officielle, comme la « poudre hydragogue du Codex » (pour l’hydropisie), la « confection d’hyacinthe » (ou « électuaire de safran composé », se présentant comme une pâte molle, employé comme stomachique et absorbant), les « pilules mercurielles » (ou « pilules de Belloste » à base de miel, de mercure et de plantes, purgatives et antisyphilitiques) ou l’« emplâtre vésicatoire » (onguent de consistance solide appliqué sur la peau et créant une plaie superficielle à l’endroit de son application, en vue de provoquer une révulsion, c’est-à-dire d’attirer les humeurs congestives loin d’un organe pour le soulager). Trois prescriptions de thériaque (antidote coûteux et fameux, de composition complexe, réputé actif contre toutes les intoxications et morsures, principalement d’origine animale, et contenant en particulier de l’opium et de la chair de vipère) ont été faites. Si les pilules, les poudres et les collyres sont d’emploi fréquent, il est peu fait usage de
  • 13. sirops, sans doute à cause du prix du sucre, et aussi, curieusement, de miel, pourtant classique à l’époque pour édulcorer. Sauf oubli de ma part, aucun usage de vinaigre n’a été fait bien que ce produit soit classique en pharmacie et donne lieu à nombre de formulations. Comme nous l’avons vu, les drogues exotiques comme le quinquina et l’ipéca sont employées. Bien que leurs alcaloïdes ne soient pas connus, c’est à eux qu’elles doivent leur importante activité. Les prescriptions peuvent aussi comporter des produits chimiques, dont certains sont en même temps des médicaments. La médecine dite « spagyrique » ou encore « iatrochimie », c’est-à-dire qui emploie des principes actifs issus de la chimie, est maintenant admise, à l’issue d’un long combat contre la faculté de médecine de Paris. C’est en particulier le cas des sels, très nombreux et aux noms divers et imagés : « sel d’Epsom » (sulfate de magnésium, purgatif), « sel de Duobus » (sulfate de potassium, purgatif), « safran de Mars apéritif » (oxyde brun de fer, notre rouille, astringent, tonique et emménagogue), « sucre de Saturne » (acétate de plomb cristallisé, de saveur sucrée, antidiarrhéique et astringent), etc. On connaît aussi le « sel d’Epsom de Lorraine » (sulfate de sodium) qui est également un purgatif. Comme nous l’avons vu plus haut, la purgation est en effet très pratiquée. Tous ces sels sont délivrés par les apothicaires et, pour les plus anodins d’entre eux, par les droguistes, ce qui n’empêche pas les accidents, éventuellement mortels comme il s’en produit un à Nancy en 1787 par confusion de deux produits par le droguiste...26. Il n’est pas étonnant que la « boule d’acier, de Mars » (figure 9) ou encore la boule « d’acier vulnéraire », soit assez fréquemment employée sous ses différentes formes : eau de boule, lait de boule, infusion de boule avec des plantes vulnéraires. Il suffit pour cela de laisser tremper une boule dans le liquide choisi. En usage interne, c’est une médication antianémique à base de limaille de fer et de tartre rendus solides et moulés en forme de boule, et, lorsqu’elle comporte des plantes vulnéraires et qu’elle est employée à l’extérieur, c’est un médicament destiné à traiter les contusions, les foulures, les blessures, et à favoriser la cicatrisation. La préparation la plus ancienne est due à Dubé vers 1675 et le nom de boule médicamenteuse est dû au médecin Jean-Adrien Helvétius (1661-1727), dont le nom est attaché aux « Médicaments du Roy » dont nous reparlerons un peu plus loin, ainsi qu’à l’introduction de l’ipéca en France. L’incorporation de plantes vulnéraires est une spécialité de Nancy où les boules sont fabriquées par les apothicaires, mais aussi par de nombreux particuliers, autorisés ou non, avec des formules et des modes opératoires jalousement préservés par leurs détenteurs, et bien sûr des contrefaçons27. Figure 9 : une boule d’acier (collection et photographie P. Labrude). Il convient aussi de citer le cérat de Galien ou cérat blanc, composé de cire blanche, d’huile d’amande douce et d’eau de roses, utilisé comme excipient en dermatologie ; l’alcoolat vulnéraire ; l’eau de riz qui est un antidiarrhéique classique, des préparations qui sont encore employées de nos jours ; et enfin le millepertuis (ou hypericum ou hypericon), plante très
  • 14. utilisée actuellement, vulnéraire et antiasthmatique, l’un des constituants du baume du commandeur, un très vieux remède à l’origine controversée et aux dénominations multiples, qui était initialement une sorte de panacée et qui n’est plus utilisé aujourd’hui en médecine populaire qu’en qualité de vulnéraire dans le traitement des coupures et des gerçures. C’est en 1694 qu’il apparaît en page 279 dans le célèbre ouvrage du marchand de drogues et professeur parisien Pierre Pomet, Histoire générale des drogues, traitant des plantes, des animaux et des minéraux… La mention figurant dans la seconde édition, en 1735, indique : « Baume de Monsieur le Commandeur de Perne, qui m’a été donné par Monsieur de Pimodan, Lieutenant de Roy de Toul en Lorraine »28. C’est un officier royal de rang important, généralement le gouverneur d’une ville ou d’une forteresse. L’opothérapie, c’est-à-dire l’emploi des drogues animales, reste encore en usage, mais elle a perdu beaucoup de son importance. En 1764, il n’a été prescrit que les cloportes pulvérisés, le plus souvent absorbés dans du vin… Leur carapace contient du nitrate de potassium. Ils sont vantés comme apéritifs et diurétiques..., mais aussi comme fondants, par exemple des tumeurs. Les médecins les prescrivent aussi dans le traitement des coliques néphrétiques, les calculs rénaux, ce qu’on appelle alors « maladie de la pierre » ou « gravelle ». On rencontre cependant, au fil des années, l’os de seiche, la corne de cerf ou l’opiate au blanc de baleine. Seulement deux apothicaires de Nancy sont cités dans ces registres, et nous les avons déjà rencontrés : Pierson pour sa « ptisane contre-vers » et Willemet pour l’emplâtre « de cannette » (Canet en réalité, dessiccatif pour le pansement des ulcères). Cette rareté est peut- être due au fait que les prescriptions qui utilisent des plantes médicinales, mais aussi les tisanes, les décoctions, de nombreux vins, échappent pour l’essentiel au circuit pharmaceutique. L’usage du Manuel des Dames de Charité (figure 10), dont il a été question précédemment, un ouvrage non officiel mais extrêmement classique à ce moment, destiné aux personnes charitables et aux ecclésiastiques qui se consacrent au soulagement des pauvres et à la préparation de médicaments simples et bon marché, est mentionné une fois dans la prescription des médecins. Ceci est un témoignage remarquable de la valeur de cet ouvrage et de confiance que les thérapeutes officiels ont pour les formules qu’il propose. Figure 10 : la couverture du Manuel des Dames de Charité, dans son édition de 1765. Il est ainsi, dans les villages et les bourgs, des dames et des prêtres qui peuvent être montrés en exemple pour leur zèle et leur dévouement. Citons celui de Lucey, un village viticole riche des côtes de Toul. A sa mort en 1734, son curé, Claude Varnerot, lègue à la « charité établie dans son village pour le soulagement des pauvres malades », des couvertures et des draps, des
  • 15. livres et des ustensiles de pharmacie, et l’argent pour faire dire des messes « pour les âmes du Purgatoire »29. Synthèse et conclusion Les six années de la consultation des pauvres qui ont été choisies dans le cadre de cette étude ont permis de balayer, grossièrement de cinq ans en cinq ans, les quatre décennies d’existence d’une des activités du collège royal de médecine de Nancy. En dépit de son caractère limité, nombre d’observations peuvent en être tirées, d’autant qu’à notre connaissance, aucune étude de ces registres n’avait jusqu’à présent été faite. Cependant, des observations similaires ont certainement été réalisées à partir d’autres sources et d’autres villes. Le dépouillement effectué permet d’entrevoir assez correctement la morbidité chez les pauvres gens et l’état de la thérapeutique en Lorraine, plus précisément à Nancy et aux alentours, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il est bien sûr difficile de se faire une idée exacte et précise sur les maladies qui règnent, car les observations sont naturellement rédigées en fonction des connaissances de l’époque, mais aussi sans toujours toute la rigueur qui aurait été nécessaire et sans qu’un examen clinique soit toujours pratiqué, en particulier dans cette médecine par correspondance, en l’absence quelquefois du malade et à l’aide d’un billet rédigé par quelqu’un qui n’est pas médecin. Rappelons-nous toutefois que ces registres n’étaient pas destinés à permettre nos études historiques du XXIe siècle ! D’une manière générale, le nombre des patients semble inférieur à ce qu’on attendrait, mais peut-être avons-nous une vision déformée et amplifiée de la situation sanitaire et du recours aux praticiens à la fin du XVIIIe siècle… Les cas médicaux sont bien sûr extrêmement divers. Toutefois les années peuvent être marquées par l’abondance de telle ou telle pathologie. Bien que la fièvre ait des origines diverses, l’année 1764 est marquée par le grand nombre des consultations qu’elle justifie. Pour sa part, 1770 permet d’enregistrer beaucoup de maladies scrofuleuses : tumeurs, ophtalmies, ulcères, dartres, etc. Il serait sans doute intéressant de tenter de rapprocher ces cas des conditions climatiques, agricoles et alimentaires des années correspondantes comme le font les topographies médicales de l’époque. Le Mémoire médicinal sur la Lorraine, ou Essai sur les qualités du sol, de l’eau et de l’air de cette province, avec des observations sur les maladies qui y sont les plus communes, est rédigé par le docteur Nicolas Jadelot, professeur à la faculté de médecine de Nancy, qui l’adresse, à la fin de 1776, à la Commission de médecine à Paris pour tenir une correspondance avec les médecins de province pour tout ce qui peut être relatif aux maladies épidémiques et épizootiques. Celle-ci a été établie par le roi Louis XVI le 29 avril 1776. Elle fusionnera en 1778 avec une autre commission pour constituer la Société royale de médecine. Le mémoire de Jadelot constitue la première topographie médicale de la Lorraine et un ouvrage de référence. Il paraît en 1779 dans le premier volume de l’Histoire et Mémoires de la Société royale de médecine30. Félix Vicq d’Azyr, « correspondant général pour les épidémies et premier correspondant avec les médecins du royaume », qui deviendra le secrétaire perpétuel de la Société royale de médecine, est reçu agrégé honoraire du collège le 30 septembre 177631. Plusieurs affections apparaissent fréquemment dans les registres : fièvres, rhumatismes, maladies des yeux, anomalies des règles, sciatique, scrofule, troubles digestifs, vers intestinaux. Troubles digestifs et vers sont certainement à mettre en relation avec des conditions défectueuses de préparation et de conservation des denrées et des aliments.
  • 16. D’autres affections, comme on l’a vu précédemment, sont rares, même le goitre et les affections buccales. Dans son très célèbre ouvrage Avis au peuple sur sa santé, ou traité des maladies les plus fréquentes…, qui paraît à partir de 1761 et dont nombre d’éditions se succèdent en peu d'années32, le médecin suisse Simon-André Tissot décrit les causes les plus fréquentes des maladies du peuple : un travail fatiguant trop prolongé, le repos dans un endroit froid ou humide quand on a très chaud, l’eau froide bue alors qu’on transpire, l’inconstance des temps, l’exhalaison de vapeurs corrompues des courtines, c’est-à-dire des rideaux des lits, et des fumiers placés près des fenêtres, le manque d’aération des locaux d’habitation, l’ivrognerie, les aliments préparés avec des denrées de mauvaise qualité ou dans de mauvaises conditions, enfin la mauvaise qualité de l’eau de boisson. Il est sûr que ces causes sont présentes simultanément chez nombre des pauvres qui fréquentent la consultation. En Lorraine, le tas de fumier est traditionnellement placé devant la maison sur un espace qui lui est spécialement dévolu. L’écoulement du purin est une cause classique et constante de contamination des eaux. Il est sûr que beaucoup d’habitants des campagnes boivent continuellement de l’eau infectée, comme leurs animaux d’ailleurs. En matière de thérapeutique, la prescription la plus commune est celle des purgatifs, doux, moyens ou forts, dont j’ai dénombré plusieurs dizaines de formes médicamenteuses, car il faut, en effet, qu’ils soient adaptés « aux circonstances relatives aux tempéraments, aux âges, à l’état et à la nature des maladies » comme l’a écrit Jadelot. Sa Pharmacopée des pauvres… (figures 11 et 12) en présente plus de cinquante sous les appellations de « boissons vomitives et purgatives » et de « lavements », et plusieurs additions ont été faites à l’occasion d’un remaniement du texte33. Figures 11 et 12 : la couverture de la Pharmacopée des pauvres… et l’une de ses pages (compact disc mis à la disposition de P. Labrude par la bibliothèque-médiathèque de Nancy). Après les purgatifs viennent la saignée, les vomitifs et le thermalisme, sans omettre bien sûr les plantes médicinales et les drogues et médicaments fournis par les apothicaires. En matière de thermalisme, on peut s’interroger sur la capacité de ces pauvres gens à se rendre aux eaux et à y séjourner, ainsi qu’à s’acheter de l’eau minérale chez les apothicaires…
  • 17. Quoi qu’il en soit, la consultation des pauvres, mise sur pied par le collège royal dès sa fondation, répond à un besoin, que sans doute Stanislas et ses médecins avaient correctement apprécié, même si sa fréquentation est variable selon les samedis et les saisons. Comme nous l’avons vu, elle avait déjà été décidée par le duc Léopold en 1708. L’éloignement et la pauvreté, l’état physique aussi, sont sans doute en partie responsables de cette relative désaffection. Au contraire, les Nancéiens, qui sont sur place, ne se trompent pas sur son intérêt et viennent en nombre, bien qu’ils n’en ont théoriquement pas le droit. S’ils ne sont pas toujours refoulés, c’est sans doute parce que les patients des campagnes sont peu nombreux ; c’est aussi peut-être une marque de pragmatisme de la part du souverain et de ses praticiens qui mesurent l’importance sociale de cette institution pour les sujets des duchés. En effet, sous l’Ancien Régime, coexistent toujours des règles strictes et des solutions pragmatiques qui restent hors du domaine de ces règles34. La possibilité pour les pauvres d’accéder aux soins médicaux et aux médicaments se pose toujours avec acuité à la campagne où, de plus, il n’existe ni médecin ni apothicaire. Plusieurs réponses sont apportées à ces demandes : les « médicaments de la Cour », encore appelés « remèdes du Roi », institués par Louis XIV, conservés par ses successeurs et où se trouvent plusieurs des médicaments prescrits par les médecins du collège royal35, le dévouement des personnes charitables, le colportage, mais aussi, en marge de la réglementation, la tolérance de l’Etat et donc le pragmatisme face à certaines déviations. L’acceptation des Nancéiens à la consultation en est une forme. Elle montre aussi bien sûr qu’il existe des « fraudes à la charité ». Bibliographie et notes 1.Les deux documents « fondateurs » relatifs au collège, en dehors des lettres patentes de création, sont le travail du doyen Beau et la thèse de son élève Anne-Marie Eber-Roos : Lettres patentes du Roi, portant établissement d’un Collège Royal de Médecine, à Nancy. Du quinze Mai mil sept cent cinquante-deux, imprimerie Charlot, Nancy, 1752, dix-huit pages et une liste des premiers médecins agrégés, de trois pages. Beau A., La fondation du Collège royal de médecine de Nancy (15 mai 1752), Revue médicale de Nancy et de l’Est, 1952, vol. 77, p. 189-203. Eber-Roos A.-M., Le Collège royal de médecine de Nancy - Une fondation du Roi Stanislas (1752-1793), thèse de doctorat en médecine, Nancy, 1971, 272 p. 2. Stanislas et la santé de ses sujets. Nancy 2005. Association des amis du musée de la faculté de médecine, 2006, livret d’exposition, non paginé (20 pages). 3. Cabourdin G., La Vie quotidienne en Lorraine aux XVIIe et XVIIIe siècles, Hachette littérature, Paris, 1984, chapitre IV, p. 96-97. 4. Gegout-Kipper I., Le duc Léopold, le roi Stanislas et la santé des Lorrains, thèse de doctorat en médecine, Nancy, 2004, 220 p., ici p. 78. 5. Mazauric S., Bagard, un médecin lorrain des Lumières, Annales de l’Est, Nancy, 2001, n°1, p. 73-89. 6. Leroux V., Casten Rönnow, premier médecin et confident du roi Stanislas : son histoire à partir de ses lettres, thèse de doctorat en médecine générale, Nancy, 2017, 136 p. 7. Labrude P., L’intervention du Collège royal de médecine de Nancy dans la réglementation de l’exercice de la pharmacie en Lorraine ducale de 1752 à 1793. Quelques exemples, Histoire des sciences médicales, 2011, n°3, p. 289-298. 8. Prevet F., Ordonnance de S.A.R. du 18 juin 1708 portant Règlement pour la Médecine & la Pharmacie à Nancy, dans : Les Statuts et règlements des apothicaires. Textes intégraux accompagnés de notes critiques, Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1950, vol. 11, p. 2647- 2657. 9. Eber-Roos A.-M., op. cit. (réf. 1), p. 174.
  • 18. 10. Godron D.A., Notice historique sur les jardins des plantes de Pont-à-Mousson et de Nancy, Mémoires de l’Académie de Stanislas, Nancy, 1870-1871, 4e série, vol. 4, p. 26-65. Le plan est inséré entre les pages 36 et 37. 11. Labrude P. et Meunier M., La participation de la communauté des apothicaires de Nancy à la consultation des pauvres malades des campagnes, organisée par le Collège royal de médecine de 1764 à 1793, Revue d’histoire de la pharmacie, 2008, n°360, p. 401-414. 12. Labrude P. et Meunier M., op. cit. (réf. 11), ici p. 409. 13. Registres des consultations du collège royal de médecine, Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, 15 J 8 à 15 J 12. 14. Eber-Roos A.-M., op. cit. (réf. 1), « Les consultations des pauvres », p. 139-148. 15. Meunier M., La consultation des pauvres organisée par le Collège royal de médecine de Nancy : étude des registres des consultations de 1760 à 1789, thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie (sous la direction de P. Labrude), Nancy, 2008, n°2369, 113 p. 16. Tetau A.J., Les apothicaires de Nancy au XVIIIe siècle, thèse de doctorat d’université en pharmacie, Nancy, 1932, Occitania, Paris, 1932, 189 p., « Le commerce des eaux minérales à Nancy au XVIIIe siècle », p. 84-93. 17. Bouvet M., Le pigeon en thérapeutique, Paris médical, 1923 (14 juillet), p. 34-36. 18. Lafont O., Des médicaments pour les pauvres - Ouvrages charitables et santé publique aux XVIIe et XVIIIe siècles, Pharmathèmes, Paris, 2010, « Les secrets touchant la médecine », p. 178-185. 19. Hoerni B., Pierre Menetrier et l’histoire de la médecine, Histoire des sciences médicales, 2013, n°4, p. 477-484, ici p. 481-482. L’auteur évoque une communication de Menetrier à la Société française d’histoire de la médecine en 1920 où il est question d’une consultation par correspondance et de pigeons : en 1758, une dame consulte un médecin spécialiste des maladies vénériennes, qui lui conseille d’appliquer des pigeons sur le crâne rasé du malade une fois tous les huit jours. 20. Lafont O., op. cit. (réf. 18), « Les Dames de Charité, les Filles de Charité et leur manuel », p. 187-194. 21. Archives du collège royal de médecine déposées au musée de la faculté de médecine de Nancy, document n°7566. 22. Labrude P., Un pharmacien et botaniste lorrain : Pierre Remy Willemet (1735-1807), Mémoires de l’Académie de Stanislas, Nancy, 2004-2005, 8e série, vol. 19, p. 211-237. 23. Jadelot N., Pharmacopée des pauvres ou formules des médicamens les plus usuels dans le traitement des maladies du peuple…, Haener, Nancy, 1784-1785, p. 75. 24. Lafont O., op. cit. (réf. 18), seconde partie : « Les ouvrages charitables, une réponse à des besoins de santé publique », p. 107-132. 25. Trépardoux F., Les médicaments de la Cour, chronologie, mise en œuvre et résultats humanitaires, Revue d’histoire de la pharmacie, 1996, n°312, p. 374-377. 26. Laflize D., Observation sur un empoisonnement causé par une trop grande dose de nitre, avec des recherches sur l’usage interne de ce médicament, Journal littéraire de Nancy, 1787, p. 307-313. A ce sujet, on pourra consulter : Labrude P., Hypothèses sur les causes et les conséquences de l’inspection des pharmacies et des drogueries de Nancy, réalisée les 1er et 2 mai 1787 par la commission du Collège royal de médecine de la ville, Revue d’histoire de la pharmacie, 2008, n°359, p. 275-286. 27. Martin J., Les Boules d’acier vulnéraires, Boules de Nancy, Boules de Molsheim, et les Boules minérales des Chartreux, Nancy (Malzéville), chez l’auteur, 2e édition, 2007, 296 p. 28. Labrude P., Réflexions et hypothèses sur l’origine possible du baume du commandeur de Pernes, Revue d’histoire de la pharmacie, 2002, n°334, p. 221-228. Egalement : Nouvelles réflexions et hypothèses sur l’origine du baume du commandeur de Pernes : il dérive certainement du baume de Jérusalem, Vesalius, 2006, vol. 12, p. 37-40.
  • 19. 29. Martin P., Claude Varnerot (1648-1734), dans : Henryot F., Jalabert L. et Martin P., Atlas de la vie religieuse en Lorraine à l’époque moderne, Editions Serpenoise, Metz, 2011, 320 p., ici p. 54. 30. Joudrier P., Les topographies médicales vosgiennes de 1776 à 1826, Mémoires et documents sur l’histoire des Vosges n°3, Fédération des sociétés savantes des Vosges et Association des amis du livre et du patrimoine de Neufchâteau éditeurs, 2016, p. 107-118. 31. Eber-Roos A.-M., op. cit. (réf. 1), p. 84-85. 32. Tissot S.-A., Avis au peuple sur sa santé, ou traité des maladies les plus fréquentes, Didot le jeune, Paris, 2e édition, 1763. Cette seconde édition en français dérive de la seconde édition de l’ouvrage, éditée à Lausanne. Ce document est disponible sur Internet. Les éléments du paragraphe cité se trouvent chez O. Lafont, op. cit. (réf. 18), p. 226. 33. Jadelot N., Pharmacopée des pauvres…, op. cit. (réf. 23), p. 42-49, 99-108 et additions p. 136, 146 et 151. 34. Lafont O., Médicaments des villes, médicaments des champs. Réglementation stricte contre pragmatisme, Revue d’histoire de la pharmacie, 2002, n°334, p. 211-220. 35. Trépardoux F., op. cit. (réf. 25). Résumé Le collège royal de médecine de Nancy, créé par Stanislas en 1752, reçoit entre autres pour mission celle d’organiser régulièrement chaque samedi une consultation médicale d’une durée de deux heures destinée aux pauvres malades des campagnes lorraines munis d’un certificat de pauvreté établi par leur curé. La consultation démarre dès juillet 1752 et se poursuit jusqu’en décembre 1793. Ses registres, conservés aux Archives départementales à Nancy, n’ont été que très peu étudiés jusqu’à présent. Six registres, couvrant la période 1764-1789 ont été retenus pour cette étude. Celui de 1764 fait l’objet d’une analyse descriptive cependant qu’une étude comparative a été menée avec plusieurs des autres. Les fièvres diverses constituent les pathologies les plus fréquentes. La purgation, la saignée, les émétiques et les eaux thermales sont les traitements les plus habituellement prescrits. Les années ne se ressemblent cependant pas, tant en nombre de consultations qu’en matière de pathologie majoritairement rencontrée. A partir de 1764, les apothicaires de Nancy participent à cette action charitable en fournissant gratuitement les médicaments et drogues prescrits par les médecins du collège, à condition que les malades soient reconnus comme pauvres et viennent effectivement de la campagne. Les registres sont donc aussi l’occasion de rencontrer les médicaments que ces praticiens dispensent dans ce cadre. Summary A free medical help in Nancy during the 18th century: the « consultation des pauvres » of the Royal College of Medicine The Royal College of Medicine, created by Stanislas in 1752, was designated to organize à medical help for the poor who lived in the country around Nancy, but not for the inhabitants of the town. This paper is devoted to the description of some aspects of this activity between 1752 and 1793. We will successively consider the different missions of the college, the conditions of the consultation, the study of the registers, the pathologies observed during year 1764, the comparison of six years, some particular annotations found in the registers, drugs choosed by the physicians of the college, and, finaly, a synthesis and a conclusion. Some pictures are joined to the text.
  • 20. Mots-clés Nancy, collège royal de médecine, Bagard, Rönnow, XVIIIe siècle, consultation des pauvres des campagnes, pathologies, communauté des apothicaires, médicaments. Pierre Labrude pierre.labrude@orange.fr téléphone : 06.30.90.85.71