Une chronique sur mon quotidien en période de confinement. Pas pressée de reprendre ma vie d'avant comme avant.

1. ©Freepik
Lockdown Attitude
Des mesures salvatrices, mais la peur de l’inconnu, de la
maladie et la perspective d’une effroyable récession. Nous
passons le plus clair de notre temps entre quatre murs.
Scènes d’un autre quotidien devenu normalité.
Méduses et cosmonautes
Lavez-vous les mains, respectez la distanciation sociale, restez à la maison. Des
injonctions qui ponctuent notre quotidien. Encore mieux, portez un masque. À
condition de ne le saisir que par les élastiques.
Aller faire ses courses, c’est OK. Du désinfectant et des gants en plastique
transparent comme des méduses échouées sont disponibles à l’entrée du
supermarché. L’autre jour, il y avait une cliente habillée en cosmonaute. Je me
suis dit qu’elle avait peut-être une «comorbidité». Quel vilain mot, lui aussi
récurrent dans les messages qui nous sont adressés H24.
Et voici qu’entre les bacs réfrigérés et les caisses de fruits dégarnies, l’oreille
gauche se met à me gratter. Le virus peut s’immiscer par la bouche, le nez ou
les oreilles. Ne pas toucher son visage avant de s’être savonné les mains. Et
ensuite de les avoir désinfectées dans mon cas, car on ne sait jamais.

2. Mais ça gratte trop. Je ne résiste pas. Je glisse le bout de l’index dans mon
oreille. Une fois rentrée, j’ajoute au rituel du lavage-désinfection un coton-tige
dans le pavillon de l’oreille gauche.
Incursion en terrain contaminé
La dernière fois que je me suis hasardée au-delà des limites de ma petite
commune, c’était pour aller faire un reportage en plein «cluster» du Grand-Est.
Le samedi précédant la fermeture des écoles. Avant de rentrer, passage au
supermarché. Un gymkhana dans un océan de caddies débordant de produits
d’hygiène et de plats tout prêts. Puis une coquette auberge alsacienne à la
façade colorée et fleurie. Déserte. Une patronne avec qui j’échange quelques
mots à distance. Elle vient de rendre visite à son fils, ingénieur à Wuhan. Des
rideaux à carreaux dont elle va vérifier la fermeture plusieurs fois pendant que
je déjeune à la table du fond. Une ambiance à la Simenon.
J’ai l’impression d’avoir fait une incursion en terrain ennemi.
Temps long
Ma fille rapatriée en urgence du bout du monde s’ennuie parfois. Elle trouve le
temps long. Moi, ça va. J’aime ça, le temps long. Ce sentiment délicieux,
souvenir d’enfance, des heures qui s’égrènent tout doucement dans le jardin
au bord de la Dordogne. Les grands-mères qui papotent à l’ombre d’un noyer
après la cueillette des haricots. La fraîcheur attendue, que l’on sent arriver petit
à petit.
Ces dernières semaines, j’ai relu une dizaine de livres, écouté «La peste» et «Le
hussard sur le toit», des histoires d’épidémies, tout en fabriquant des masques
avec des chutes de tissu. Cousus main, petits points.
Alors me précipiter pour reprendre ma vie d’avant comme avant… Je crois que
je vais déguster encore un peu mon confinement.
1er
mai 2020
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