1. CONSEIL D’ETAT, SECTION D’ADMINISTRATION.
A R R E T
no
48.008 du 15 juin 1994
A.42.536/VI-9760
A.42.548/VI-9761
A.42.549/VI-9762
En cause : 1. STAUMONT Pierre Victor,
rue de l’Eglise 104
5030 Gembloux,
2. l’association sans but lucratif
PRO VITA,
rue du Trône 89
1050 Bruxelles,
3. DAVID Patrick,
Vliertjeslaan 13
1900 Overijse,
contre :
le Conseil des Ministres, représenté par :
1. le Premier Ministre,
2. le Vice-Premier Ministre et
Ministre des Communications et
des Entreprises publiques,
3. le Vice-Premier Ministre et
Ministre des Affaires étrangères,
4. le Vice-Premier Ministre et
Ministre de la Justice et
des Affaires économiques,
5. le Ministre des Finances,
6. le Ministre des Affaires sociales,
7. le Ministre de la Politique
scientifique,
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2. 8. le Ministre du Commerce extérieur et
Ministre des Affaires européennes,
9. le Ministre des Pensions,
10. le Ministre de l’Intérieur et de la
Fonction publique,
11. le Ministre de l’Emploi et du travail
chargé de la Politique d’égalité des
chances entre hommes et femmes,
12. le Ministre des Petites et Moyennes
Entreprises et de l’Agriculture,
13. le Ministre de la Défense nationale,
14. le Ministre de l’Intégration sociale,
de la Santé publique et de
l’Environnement,
15. le Ministre du Budget,
16. le Secrétaire d’Etat à la Coopération
au développement.
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LE CONSEIL D’ETAT, VIe
CHAMBRE,
Vu la requête introduite le 31 mai 1990 par Pierre
Victor STAUMONT qui demande «de dire quant à la loi du
3 avril 1990 qu’elle fut anticonstitutionnellement promul-
guée et illégalement publiée au Moniteur et dès lors
qu’elle n’est pas encore entrée en vigueur»;
Vu la requête introduite le 5 juin 1990 par
l’association sans but lucratif PRO VITA et Patrick DAVID
qui demandent «de déclarer nul l’acte des Ministres réunis
en Conseil, dénommé abusivement «loi du 3 avril 1990
relative à l’interruption de grossesse, modifiant les
articles 348, 350, 351 et 352 du Code pénal et abrogeant
l’article 353 du même Code»»;
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3. Vu la requête introduite le 5 juin 1990 par
l’association sans but lucratif PRO VITA et Patrick DAVID
qui demandent :
« 1. de déclarer nul l’arrêté des Ministres réunis en
Conseil du 3 avril 1990 (...) qui constatait erro-
nément que «le Roi se trouve dans l’impossibilité de
régner»;
2. de déclarer nul l’acte des Ministres réunis en
Conseil, dénommé abusivement «loi du 3 avril 1990
relative à l’interruption de grossesse, modifiant
les articles 348, 350, 351 et 352 du Code pénal et
abrogeant l’article 353 du même Code»»;
Vu les mémoires en réponse et en réplique régu-
lièrement échangés;
Vu l’ordonnance du 27 février 1991 joignant les
causes;
Vu le rapport de M. FALMAGNE, premier auditeur au
Conseil d’Etat;
Vu l’ordonnance du 2 avril 1992 ordonnant le dépôt
au greffe du dossier et du rapport;
Vu la notification du rapport aux parties et les
derniers mémoires;
Vu l’ordonnance du 27 avril 1994, notifiée aux
parties, fixant l’affaire à l’audience du 1er
juin 1994;
Entendu, en son rapport, M. le président FINCOEUR;
Entendu, en leurs observations, le premier requé-
rant, Mes H. WYNANTS et J.-M. LETIER, avocats, compa-
raissant pour les deuxième et troisième requérants, et
Me M. MAHIEU, avocat, comparaissant pour la partie adver-
se;
Entendu, en son avis conforme, M. SAINT-VITEUX,
auditeur au Conseil d’Etat;
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4. Vu le titre VI, chapitre II, des lois sur le
Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973;
Considérant que les faits sont les suivants :
1. Une proposition de loi relative à l’interrup-
tion de grossesse, modifiant les articles 348, 350, 351 et
352 du Code pénal et abrogeant l’article 353 du même Code,
a été adoptée par le Sénat le 6 novembre 1989.
2. Le projet transmis par le Sénat a été adopté
par la Chambre des représentants le 29 mars 1990.
3. Le 30 mars 1990, le Chef de l’Etat transmet au
Premier Ministre la lettre suivante :
« Monsieur le Premier Ministre,
Ces derniers mois, j’ai pu dire à de nombreux
responsables politiques, ma grande préoccupation concer-
nant le projet de loi relatif à l’interruption de
grossesse.
Ce texte vient maintenant d’être voté à la Chambre
après l’avoir été au Sénat. Je regrette qu’un consensus
n’ait pu être dégagé entre les principales formations
politiques sur un sujet aussi fondamental.
Ce projet de loi soulève en moi un grave problème
de conscience. Je crains en effet qu’il ne soit compris
par une grande partie de la population, comme une
autorisation d’avorter durant les douze premières
semaines après la conception.
J’ai de sérieuses appréhensions aussi concernant
la disposition qui prévoit que l’avortement pourra être
pratiqué au-delà des douze semaines si l’enfant à naître
est atteint «d’une affection d’une particulière gravité
et reconnue comme incurable au moment du diagnostic».
A-t-on songé comment un tel message serait perçu par les
handicapés et leurs familles ?
En résumé, je crains que ce projet n’entraîne une
diminution sensible du respect de la vie de ceux qui
sont les plus faibles. Vous comprendrez donc pourquoi,
je ne veux pas être associé à cette loi.
En signant ce projet de loi et en marquant en ma
qualité de troisième branche du Pouvoir législatif, mon
accord avec ce projet, j’estime que j’assumerais inévi-
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5. tablement une certaine co-responsabilité. Cela, je ne
puis le faire pour les motifs exprimés ci-dessus.
Je sais qu’en agissant de la sorte, je ne choisis
pas une voie facile et que je risque de ne pas être
compris par bon nombre de concitoyens. Mais c’est la
seule voie qu’en conscience je puis suivre. A ceux qui
s’étonneraient de ma décision, je demande : «Serait-il
normal que je sois le seul citoyen belge à être forcé
d’agir contre sa conscience dans un domaine essentiel ?
La liberté de conscience vaut-elle pour tous sauf pour
le Roi ?»
Par contre, je comprends très bien qu’il ne serait
pas acceptable que par ma décision, je bloque le fonc-
tionnement de nos institutions démocratiques. C’est
pourquoi j’invite le Gouvernement et le Parlement à
trouver une solution juridique qui concilie le droit du
Roi de ne pas être forcé d’agir contre sa conscience et
la nécessité du bon fonctionnement de la démocratie
parlementaire.
Je voudrais terminer cette lettre en soulignant
deux points importants sur le plan humain. Mon objection
de conscience n’implique de ma part aucun jugement des
personnes qui sont en faveur du projet de loi. D’autre
part, mon attitude ne signifie pas que je sois insensi-
ble à la situation très difficile et parfois dramatique,
à laquelle certaines femmes sont confrontées.
Monsieur le Premier Ministre, puis-je nous deman-
der de faire part de cette lettre, à votre meilleure
convenance, au Gouvernement et au Parlement».
4. Le 3 avril 1990, le Premier Ministre écrit au
Roi dans les termes suivants :
« Sire,
J’ai l’honneur d’accuser réception de la lettre
que le Roi m’a adressée le 30 mars 1990 concernant le
projet de loi relatif à l’interruption de grossesse.
J’en ai fait part aux Vice-Premiers Ministres.
Nous avons pris acte, d’une part, du fait que la con-
science du Roi ne Lui permet pas de signer ce projet de
loi et, d’autre part, que le Roi souligne «qu’il ne
serait pas acceptable que par ma décision, je bloque le
fonctionnement de nos institutions démocratiques».
Partant de ces deux affirmations, le Roi invite le
Gouvernement et le Parlement à «trouver une solution
juridique qui concilie le droit du Roi de ne pas être
forcé d’agir contre sa conscience et la nécessité du bon
fonctionnement de la démocratie parlementaire».
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6. Après avoir constaté que le Roi maintenait Sa
conviction, j’ai cherché conjointement avec les Vice-
Premiers Ministres une solution qui n’empêche pas le bon
fonctionnement des institutions, ce qui signifie qu’un
projet de loi adopté par les deux Chambres doit être
sanctionné, promulgué, publié et entrer en vigueur.
C’est pourquoi, je propose la solution suivante :
qu’avec l’accord du Roi, l’on utilise l’article 82 de la
Constitution relatif à l’impossibilité de régner.
Conformément à l’article 82 de la Constitution, les
Ministres, après avoir fait constater cette impossibili-
té, convoquent immédiatement les Chambres.
Cette impossibilité de régner reposerait sur le
fait que le Roi estime qu’il Lui est impossible de
signer ce projet de loi et donc d’agir en Sa qualité de
troisième branche du Pouvoir législatif.
Pendant la période d’impossibilité de régner,
conformément à l’article 79 de la Constitution, les
pouvoirs constitutionnels du Roi sont exercés, par les
Ministres réunis en Conseil, et sous leur responsabili-
té.
Je leur proposerai de sanctionner et de promulguer
le projet de loi sur l’interruption de grossesse.
Après cette décision, en vertu de la loi du 19
juillet 1945 tendant à pourvoir à l’exécution de l’arti-
cle 82 de la Constitution, le Conseil des Ministres
proposera au Parlement que le Roi reprenne l’exercice de
Ses pouvoirs constitutionnels après une délibération des
Chambres réunies constatant que l’impossibilité de
régner a pris fin.
Par ailleurs, afin d’éviter que de tels problèmes
ne puissent se poser à l’avenir, le Gouvernement a
l’intention de proposer une solution structurelle.
Voilà, Sire, les réponses que je porte à la
connaissance du Roi suite à Sa lettre du 30 mars 1990.
Si le Roi peut marquer Son accord sur le recours
à l’article 82 de la Constitution, je convoquerai le
Conseil des Ministres en vue d’appliquer la procédure
décrite ci-dessus. Je communiquerai également au Parle-
ment, suivant les voeux du Roi, le texte de Sa lettre du
30 mars 1990, et j’y joindrai la réponse du Gouverne-
ment.
Je prie le Roi de bien vouloir agréer l’expression
de mon profond respect».
5. Dans une deuxième lettre datée du 3 avril 1990,
le Roi écrit au Premier Ministre comme suit :
« Monsieur le Premier Ministre,
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7. En réponse à votre lettre du 3 avril 1990, je vous
fais part de mon accord sur le recours à l’article 82 de
la Constitution pour répondre à la situation créée par
mon objection de conscience à signer le projet de loi
sur l’interruption de grossesse».
6. Le 3 avril 1990, les Ministres réunis en
Conseil prennent l’arrêté suivant qui sera publié au
Moniteur belge du 4 avril 1990, deuxième édition :
« 3 avril 1990
Arrêté des Ministres réunis en Conseil
_____
Au nom du Peuple belge;
Vu l’article 82 de la Constitution;
Ayant pris connaissance de l’échange de lettres
entre le Roi et le Premier Ministre;
Considérant qu’il ressort de cet échange de
lettres que le Roi se trouve dans l’impossibilité de
régner;
Les Ministres, réunis en Conseil,
constatent que le Roi se trouve dans l’impossibilité de
régner.
Ainsi fait à Bruxelles, le 3 avril 1990.
Le Premier Ministre,
W. MARTENS.
(...)».
Cet arrêté constitue le premier acte attaqué dans
le troisième recours.
7. Le 3 avril 1990, la loi relative à l’interrup-
tion de grossesse est sanctionnée et promulguée, au nom du
Peuple belge, par les Ministres réunis en Conseil. Cette
loi est publiée au Moniteur belge du 5 avril 1990.
Cette loi constitue l’acte attaqué par les premier
et deuxième recours et le second acte attaqué par le
troisième recours.
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8. 8. Le 4 avril 1990, le Chef de l’Etat adresse au
Premier Ministre la lettre suivante :
« Monsieur le Premier Ministre,
J’ai pris acte de votre communication selon
laquelle les Ministres réunis en Conseil et sous leur
responsabilité, ont sanctionné et promulgué le projet de
loi sur l’interruption de grossesse.
En conséquence, la raison de mon impossibilité de
régner a cessé d’exister. Je vous demande de bien
vouloir en informer le Gouvernement et les Chambres
législatives».
9. Un arrêté du 4 avril 1990 des Ministres réunis
en Conseil convoque la Chambre des représentants et le
Sénat, Chambres réunies, le jeudi 5 avril 1990 à 15 heu-
res, afin de constater que l’impossibilité de régner du
Roi a pris fin.
Cette convocation est publiée au Moniteur belge du
5 avril 1990, deuxième édition.
10. Les Chambres réunies le 5 avril 1990 adoptent
par 254 oui et 94 abstentions la décision suivante :
« - 1/2 - 89/90
CHAMBRES REUNIES
5 avril 1990
DECISION
ADOPTEE PAR
LES CHAMBRES REUNIES
_____________
La Chambre des Représentants et le Sénat réunis en
une seule assemblée le 5 avril 1990 en exécution de
l’arrêté du 4 avril 1990 des Ministres réunis en
Conseil,
Après en avoir délibéré conformément à la loi du
19 juillet 1945 tendant à pourvoir à l’exécution de
l’article 82 de la Constitution,
Constatent :
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9. L’impossibilité de régner de Sa Majesté le Roi
BAUDOUIN, constatée par arrêté des Ministres réunis en
Conseil du 3 avril dernier, a pris fin».
11. Cette décision est publiée de la manière
suivante dans le Moniteur belge du 6 avril 1990, deuxième
édition :
« CHAMBRES REUNIES
_______
DECISION
_____
La Chambre des Représentants,
et
le Sénat,
réunis en une seule assemblée le 5 avril 1990 en exécu-
tion de l’arrêté du 4 avril 1990 des Ministres réunis en
Conseil,
Après en avoir délibéré conformément à la loi du
19 juillet 1945 tendant à pourvoir à l’exécution de
l’article 82 de la Constitution,
Constatent :
L’impossibilité de régner de Sa Majesté le Roi
BAUDOUIN, constatée par arrêté des Ministres réunis en
Conseil du 3 avril dernier, a pris fin.
Bruxelles, au Palais de la Nation, le 5 avril
1990.
Les Présidents, Les Secrétaires,
F. SWAELEN. N. MAES.
C.-F. NOTHOMB. Y. HARMEGNIES.»;
Quant au premier recours :
Considérant que le requérant Pierre STAUMONT
demande de «dire quant à la loi du 3 avril 1990 qu’elle
fut anticonstitutionnellement promulguée et illégalement
publiée au Moniteur et, dès lors, qu’elle n’est pas encore
entrée en vigueur»;
Considérant que la partie adverse soulève une
exception d’irrecevabilité du recours en ce que le requé-
rant «ne justifie pas de l’intérêt à agir requis par
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10. l’article 19 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat;
plus particulièrement, le requérant ne peut faire valoir
un intérêt personnel et direct, condition de recevabilité
de sa requête»;
Considérant que le requérant expose ce qui suit
dans son recours :
« (...) Cette loi n’est donc pas légalement entrée
en vigueur; pourtant, sa parution au Moniteur peut faire
croire à une dépénalisation actuelle des actes médicaux
qui impliquent des soins de santé, dont les coûts
pourraient désormais être imputés en charge de l’Assu-
rance maladie invalidité (INAMI) à laquelle nous coti-
sons (...), d’où notre intérêt, le moindre, en la matiè-
re.
Comme citoyen belge nous ne pouvons consentir à
l’intervention illégale et dès lors factice d’une
dépénalisation rendant possible la mort d’êtres vivants
humains qui dans quelques mois pourraient recevoir la
citoyenneté, ...»;
Considérant que le requérant fait ainsi valoir son
intérêt à agir, d’une part par sa qualité de cotisant à
une caisse d’assurances sociales pour professions indépen-
dantes, et d’autre part par sa qualité de citoyen belge ne
pouvant consentir à une «intervention illégale (...) d’une
dépénalisation rendant possible la mort d’êtres vivants
humains»;
Considérant que le lien que le requérant voit
entre sa cotisation obligatoire à une caisse d’assurances
sociales et des interruptions de grossesses est trop ténu
pour constituer l’intérêt requis par l’article 19 des lois
coordonnées sur le Conseil d’Etat;
Considérant que la qualité de citoyen désapprou-
vant une loi de nature à susciter un débat éthique ne peut
être retenue comme la justification d’un intérêt suffi-
samment personnalisé;
Considérant que l’exception est fondée et que le
recours est irrecevable;
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11. Quant aux deuxième et troisième recours :
Considérant que l’A.S.B.L. PRO VITA et Patrick
DAVID demandent :
« 1. de déclarer nul l’arrêté des Ministres réunis en
Conseil du 3 avril 1990 (...) qui constatait erro-
nément que «le Roi se trouve dans l’impossibilité de
régner»;
2. de déclarer nul l’acte des Ministres réunis en
Conseil, dénommé abusivement «loi du 3 avril 1990
relative à l’interruption de grossesse, modifiant
les articles 348, 350, 351 et 352 du Code pénal et
abrogeant l’article 353 du même Code»»;
Considérant que la partie adverse conteste la
capacité de l’A.S.B.L. PRO VITA et l’intérêt de celle-ci
et de Patrick DAVID;
I. Quant à la capacité de l’A.S.B.L. PRO VITA :
Considérant que la partie adverse soutient que le
procès-verbal de la réunion ordinaire du conseil d’admi-
nistration du 25 avril 1990 de l’A.S.B.L. PRO VITA n’ap-
porte pas une preuve suffisante de sa détermination
d’introduire devant le Conseil d’Etat la requête en
annulation présentement examinée;
Considérant que le procès-verbal précité porte
notamment les éléments suivants :
« M. Ghislain VAN HOUTTE insiste sur la nécessité de
continuer et (d’)intensifier la lutte en vue de l’aboli-
tion de la «loi» du 3 avril 1990 et sur l’opportunité
d’intenter une action auprès des instances judiciaires
nationales et supranationales en nullité de ladite loi
contraire à la Convention des Droits de l’Enfant.
MM. CALMEYN et Le FEVERE font remarquer que la
Belgique n’a pas encore ratifié cette Convention mais
qu’elle pourrait le faire sur proposition d’un seul
Parlementaire. Ils espèrent plus de succès d’un recours
auprès du Conseil d’Etat et de la Cour d’Arbitrage
belges susceptibles de décréter l’illégalité de la «loi»
puisque non entérinée dans les formes. Me Le FEVERE
s’informera et contactera Me Henry WYNANTS afin d’en-
treprendre une telle démarche»;
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12. Considérant que l’intention d’introduire le
présent recours a été exprimée par le conseil d’adminis-
tration de manière non ambiguë; que la première exception
d’irrecevabilité ne peut être accueillie;
II. Quant à l’intérêt de l’A.S.B.L. PRO VITA :
Considérant que la partie adverse soutient que
l’A.S.B.L. PRO VITA ne justifie pas d’un intérêt spécifi-
que à agir et n’est pas suffisamment représentative pour
justifier sa qualité et son intérêt à poursuivre l’annula-
tion des actes attaqués;
Considérant que l’objet social de l’A.S.B.L. PRO
VITA est, notamment, de défendre la vie humaine à quelque
stade de développement que ce soit, entre autres conformé-
ment aux droits de la personne proclamés par la Convention
des droits de l’homme du 4 novembre 1950;
Considérant qu’une association sans but lucratif,
qui se prévaut d’un intérêt moral collectif, doit avoir un
objet social qui soit d’une nature particulière et, dès
lors, distinct de l’intérêt général; qu’il faut que cet
objet social soit aussi réellement poursuivi, ce que
doivent faire apparaître les activités concrètes de
l’association, que l’association fasse montre d’une
activité durable, aussi bien dans le passé que dans le
présent et que l’intérêt collectif ne soit pas limité aux
intérêts individuels des membres;
Considérant que l’association requérante répond
aux conditions précitées, notamment en ce qu’elle a entre
autres pour objet de défendre la vie humaine à quelque
stade de développement que ce soit, et plus particulière-
ment avant la naissance, et par le fait qu’elle fournit la
preuve d’une activité concrète et durable;
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13. Considérant qu’elle justifie donc de l’intérêt
requis et que l’exception ne peut être accueillie;
III. Quant à l’intérêt du requérant Patrick DAVID :
Considérant que le requérant Patrick DAVID déclare
agir «en sa qualité de membre du peuple belge au nom
duquel les actes querellés ont été pris»;
Considérant que, pas plus que Pierre STAUMONT,
Patrick DAVID n’a d’intérêt suffisamment personnalisé à
son recours; que celui-ci n’est pas recevable;
IV. Quant au fond :
Considérant qu’il convient d’examiner en premier
lieu le troisième recours en tant qu’il est dirigé contre
l’arrêté des Ministres réunis en Conseil du 3 avril 1990
constatant que le Roi se trouve dans l’impossibilité de
régner;
Considérant que les deuxième et troisième recours
se donnent comme fondement unique l’inconstitutionnalité
prétendue de l’arrêté du 3 avril 1990 par lequel les
Ministres réunis en Conseil ont constaté que le Roi se
trouvait dans l’impossibilité de régner; que de cette
prémisse sur laquelle repose le troisième recours en son
premier objet, l’association requérante déduit dans le
deuxième recours et dans le troisième en son second objet
la nullité de «l’acte des Ministres réunis en Conseil,
dénommé abusivement «loi du 3 avril 1990 relative à
l’interruption de grossesse, modifiant les articles 348,
350, 351 et 352 du Code pénal et abrogeant l’article 353
du même Code»»;
Considérant que la Chambre des représentants et le
Sénat réunis ont constaté, le 5 avril 1990, que «l’impos-
sibilité de régner de Sa Majesté le Roi BAUDOUIN, consta-
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14. tée par arrêté des Ministres réunis en Conseil du 3 avril
dernier, (avait) pris fin»; que, par cette constatation,
les Chambres législatives ont, de manière implicite mais
certaine, reconnu que le Roi s’était trouvé dans l’impos-
sibilité de régner; qu’une telle décision n’émane pas
d’une autorité administrative et comme telle échappe à la
compétence du Conseil d’Etat; que ce serait, pour celui-
ci, la censurer indirectement que de faire droit aux
recours en tant qu’ils visent l’arrêté du 3 avril 1990;
que l’incompétence du Conseil d’Etat doit être relevée
d’office,
D E C I D E :
Article 1er
.
Les requêtes sont rejetées.
Article 2.
Les dépens, liquidés à la somme de 20.000 francs,
sont mis à charge de Pierre Victor STAUMONT à concurrence
de 4.000 francs, de l’A.S.B.L. PRO VITA à concurrence de
8.000 francs, et de Patrick DAVID à concurrence de
8.000 francs.
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15. Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique
de la VIe
chambre, le quinze juin 1900 nonante-quatre par :
MM. FINCOEUR, président de chambre,
HANOTIAU, conseiller d’Etat,
HANSE, conseiller d’Etat,
Mme
MALCORPS, greffier.
Le Greffier, Le Président,
M.-Chr. MALCORPS. P. FINCOEUR.
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