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« Emergence d’un mécénat populaire
                     pour sauver le patrimoine en péril »


I   - La Fondation du Patrimoine, une institution originale qui s’inscrit dans une tradition

      Si l’on considère les efforts réalisés à travers l’Europe pour sauvegarder et mettre en valeur le
      patrimoine, on peut distinguer trois courants qui se rattachent à trois grandes cultures :

      -    Le courant régalien, auquel se rattache bien sûr la tradition française : il s’inscrit dans
           la suite logique des grands mécénats royaux, prolongés au XIXe siècle par l’intervention
           de l’Etat, sous l’impulsion d’un certain nombre de grands acteurs au premier rang
           desquels il faut citer Prosper Mérimée. Le principe selon lequel il incombe à la
           puissance publique de protéger le patrimoine national se développe dès le milieu du
           XIXe siècle pour aboutir à la grande loi de 1913, instituant l’inventaire et la protection
           du patrimoine détenu, tant par les particuliers que par la puissance publique. Ce
           dispositif institue non seulement un régime d’inventaire mais règlemente les obligations
           des propriétaires et leurs contreparties en termes d’avantages fiscaux et de subventions.
           En outre, dans la tradition de l’administration française, il institue un corps de
           fonctionnaires spécialisés, recrutés sur concours, qui se répartissent les différentes tâches
           de l’acte de conservation, au nom de la puissance publique : les conservateurs, les
           architectes des Bâtiments de France (ABF), les architectes en chef des Monuments
           Historiques (ACMH). Au fil des années, des moyens financiers substantiels sont mis en
           place, dans le cadre du budget du Ministère des Affaires Culturelles. Le déploiement de
           ces moyens financiers, sous forme de subventions, subit bien sûr l’aléa des contraintes
           budgétaires, alors même que le coût d’entretien et de restauration du patrimoine
           historique va croissant.

           A cette tradition régalienne, il faut rattacher le rôle qu’exerce la puissance publique en
           qualité de propriétaire d’une partie non négligeable du patrimoine historique français,
           par suite d’une part, de la dévolution à l’Etat du patrimoine de la couronne et d’autre
           part, par le transfert à la puissance publique de la quasi intégralité du patrimoine de
           l’Eglise dans la suite de la loi de 1905. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à cette
           occasion, l’Etat s’est réservé la propriété directe de l’ensemble des cathédrales de
           France, ce qui n’a d’autre justification que le respect d’une tradition régalienne
           solidement ancrée.


BF/1.06.2012                                                                                          1
-    Le courant mécénal : ce courant se rattache bien sûr à la grande tradition des
           « protecteurs des Arts et des Lettres », qui trouve sa racine essentiellement dans la
           péninsule italique. Les Médicis, les Sforza, les Colonna ont consacré, à travers les
           siècles, une part significative de leurs moyens financiers à construire, passer des
           commandes, décorer palais et églises, gagnant en retour prestige et reconnaissance. Cette
           tradition italienne s’est perpétuée avec l’intervention des grands groupes industriels et
           financiers dont on a vu, bien avant que cela ne soit autorisé en France, les noms et les
           logos fleurir sur les bâches abritant les chantiers de restauration. Cette tradition est
           puissante et éclairée ; elle a permis de sauvegarder et de mettre en valeur
           l’exceptionnelle richesse du patrimoine italien qui concentre, à lui seul, près de la moitié
           des œuvres d’art du patrimoine mondial.

      -    Le courant patrimonial et familial : c’est au pragmatisme de nos amis anglo-saxons
           que l’on doit l’invention des trusties, permettant aux grandes familles britanniques de
           maintenir un succédané du droit d’ainesse, en opérant un transfert des grandes propriétés
           dans ces structures juridiques originales qui autorisent la pérennité des grands
           patrimoines, dont les propriétaires se trouvent dépossédés mais dont ils conservent la
           jouissance. Cette forme d’appropriation, qui fait fi du temps et de la succession des
           générations, a également trouvé une forme, au niveau de la nation, dans la constitution
           du National Trust, qui a vocation à détenir et à entretenir un certain nombre d’édifices
           majeurs.

      Ces trois traditions, qui ont chacune leur génie propre, ont en commun de s’intéresser
      prioritairement aux éléments majeurs du patrimoine. Mais que faire pour le patrimoine
      vernaculaire, porteur de la tradition populaire, des métiers, des styles de vie et bien
      évidemment des religions, et qui est d’autant plus exposé à l’abandon ou à la destruction qu’il
      est souvent isolé, en déshérence et sans utilité immédiate ?

      C’est pour tenter d’apporter une réponse à cette situation qu’a été créée, en 1996 en France,
      la Fondation du Patrimoine.


II - La naissance d’un mécénat populaire, une référence pour le patrimoine européen

      L’objet premier de la Fondation du Patrimoine est de veiller à la sauvegarde de cette
      multitude de petits édifices pour lesquels aucune protection systématique n’avait été
      organisée au titre des monuments historiques. En effet, si le dispositif de protection mis en
      place au fil des années, dans le cadre de la loi de 1913, avait abouti à la protection de près de
      50.000 édifices en France (soit de 1 à 2 pour chacune des 36.000 communes de France), le
      patrimoine vernaculaire se trouvait totalement exposé à la dégradation du temps et aux
      mécanismes inexorables de l’expansion urbaine : qui pouvait sauvegarder les moulins, les
      lavoirs, les granges, les calvaires, les innombrables chapelles dont beaucoup ont des origines
      druidiques, sans oublier le patrimoine industriel de proximité, réduit rapidement à l’état de
      friche. Aucun inventaire n’a été fait mais on peut estimer qu’il représente un ensemble d’au
      moins 300.000 éléments, d’intérêt inégal, mais tous porteurs d’une parcelle d’histoire locale.

      En cette fin du XXe siècle, marquée par un déracinement généralisé des populations,
      aboutissant rapidement à une perte de la mémoire collective et à la grande difficulté de
      reconstruire concomitamment un nouveau savoir-vivre ensemble, il est apparu essentiel à la
      puissance publique de trouver un moyen, de sauvegarder ce petit patrimoine et de proposer
      une forme de réappropriation à une population de proximité désireuse de retrouver des
      racines, non par goût du passé mais simplement pour permettre aux générations nouvelles de
      venir s’abreuver à la sève des générations qui les ont portées.

BF/1.06.2012                                                                                         2
Ce travail, éminemment salutaire pour la santé du corps social, présentait une difficulté
      singulière en raison de la dispersion et parfois de sa déshérence du patrimoine concerné. La
      machine mise en place par la loi de 1913 était à la fois trop lourde et trop large pour
      s’engager dans les venelles de ce patrimoine de proximité ; il fallait inventer un outil
      nouveau, confié au secteur privé et chargé d’une mission d’intérêt général. Le paradoxe est
      que la Fondation du Patrimoine est née d’une initiative régalienne aboutissant à se dessaisir
      d’une tâche d’intérêt général, confiée à une structure sui generis et autonome, alimentée
      concomitamment par des fonds publics et par des fonds privés.

      C’est dans l’acceptation de ce paradoxe, dans l’ouverture d’esprit et grâce à l’audace de ceux
      qui ont mis en œuvre ces dispositions légales que se trouvait l’embryon des synergies
      nouvelles qui font aujourd’hui le succès de la Fondation du Patrimoine.

      Les difficultés de démarrage, au cours des premières années d’existence de la Fondation du
      Patrimoine, ont contraint ses dirigeants à inventer et à mettre en place une formule très
      originale de convergence des fonds privés et des fonds publics, aboutissant à l’émergence
      d’un véritable mécénat populaire pour la sauvegarde, la mise en valeur et l’animation du
      patrimoine de proximité.


      Ce dispositif a nécessité la mise en place des grandes étapes suivantes :

      1)   Création d’un véritable maillage territorial, structuré au niveau des régions, des
           départements et même des pays, composé très majoritairement de bénévoles ancrés dans
           la vie économique et sociale locale et à même d’avoir une connaissance fine des
           éléments de patrimoine à protéger, ainsi que de la qualité technique et humaine de ceux
           qui acceptent d’en prendre la charge.
           Au 1er janvier de cette année 2012, 465 bénévoles répartis dans les 24 régions et dans
           les 104 départements de France métropolitaine et d’Outre Mer, constituent les forces
           vives de notre dispositif.

      2)   Création de deux filières distinctes s’appliquant l’une au patrimoine des propriétaires
           privés et l’autre au patrimoine des collectivités locales ou des associations.

           -     En ce qui concerne le patrimoine des propriétaires privés, un dispositif de
                 labellisation, sous le contrôle des architectes des Bâtiments de France, permet de
                 faire bénéficier lesdits propriétaires d’un dispositif de subventions et surtout de
                 déductions fiscales, très proche de celui qui s’applique aux édifices classés ou
                 inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques ; sur ce premier
                 champ, on voit se mettre en place une collaboration très originale et nouvelle entre
                 l’Etat et les particuliers, par le truchement de la Fondation du Patrimoine : c’est en
                 effet cette dernière qui organise, au bénéfice des particuliers, les interventions des
                 fonctionnaires d’Etat que sont les architectes des Bâtiments de France, et le
                 contrôle des déductions fiscales à raison du montant des travaux engagés par les
                 propriétaires privés. Il s’agit d’un exemple unique en France d’un démembrement
                 de la puissance régalienne sur le plan fiscal par délégation à une structure de droit
                 privé.

                 Au 1er janvier de cette année 2012 plus de 9900 labels ont été attribués dont 1100
                 pour la seule année 2011.




BF/1.06.2012                                                                                         3
-        En ce qui concerne le patrimoine des collectivités locales ou des associations, le
                    dispositif est encore plus novateur : la Fondation du Patrimoine a, en effet, à la
                    suite de différentes expérimentations positives, posé l’exigence que toute
                    opération qui lui serait présentée, en vue d’obtenir son soutien, soit elle-même
                    portée par une souscription locale à laquelle sont invités à participer les habitants
                    de la commune ou les membres de l’association. Bien que ce dispositif ne soit pas
                    prévu dans ses statuts, il s’impose aujourd’hui comme une règle absolue et connaît
                    un succès de proximité considérable. Il peut arriver que plus de 50 % de la
                    population d’une petite commune accepte librement de verser un don à la
                    Fondation du Patrimoine pour participer à la restauration d’un élément qui leur
                    tient à cœur et, notamment, de leur église. La seule dernière année a vu se mettre
                    en place près de 800 opérations de souscriptions populaires réunissant plus de
                    33 000 donateurs ce qui porte à plus de 3900 le nombre cumulé des souscriptions
                    lancées par la Fondation du Patrimoine depuis l’origine de ce dispositif.

                    La Fondation du Patrimoine abonde cette collecte populaire par des subventions
                    représentant de 5 à 30 % du montant des travaux. Elle finance elle-même ses
                    subventions par prélèvement sur ses ressources propres, essentiellement
                    constituées par l’attribution par l’Etat français, d’une partie du produit des
                    successions en déshérence.

                    Ce dispositif est particulièrement original et intéressant : en droit français, les
                    successions des particuliers, qui n’ont aucun héritier, sont reversées, au terme d’un
                    délai fixé par la loi, au domaine public. La Fondation du Patrimoine a obtenu du
                    Ministère des Finances le reversement à son bénéfice de 50 % des successions en
                    déshérence chaque année. Outre son impact financier essentiel, ce dispositif
                    présente une forte valeur symbolique : le patrimoine des Français sans héritier se
                    trouve de fait, par le truchement de l’Etat puis de la Fondation du Patrimoine,
                    réinvesti directement pour la sauvegarde de ce qui constitue une partie essentielle
                    de la mémoire collective : le patrimoine de proximité.


Conclusion

               En 12 ans de fonctionnement « en régime », l’ensemble de nos dispositifs a permis de
               soutenir plus de 16 000 projets ce qui correspond à un montant de travaux de près de
               1, 2 milliard d’euros. Ces travaux ont permis à des entreprises du bâtiment, des travaux
               publics et des métiers d’art d’exercer et de transmettre leurs savoirs et leur savoir-faire.
               Elles ont ainsi créé ou maintenu plus de 35 500 emplois sur cette période de 12 ans.

               La sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti de proximité est non seulement
               l’exercice du devoir de mémoire mais aussi un acte majeur de contribution à la vie
               sociale et économique des territoires.




BF/1.06.2012                                                                                             4

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Les facteurs socio-culturels de la dégradation du patrimoine
 

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  • 1. « Emergence d’un mécénat populaire pour sauver le patrimoine en péril » I - La Fondation du Patrimoine, une institution originale qui s’inscrit dans une tradition Si l’on considère les efforts réalisés à travers l’Europe pour sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine, on peut distinguer trois courants qui se rattachent à trois grandes cultures : - Le courant régalien, auquel se rattache bien sûr la tradition française : il s’inscrit dans la suite logique des grands mécénats royaux, prolongés au XIXe siècle par l’intervention de l’Etat, sous l’impulsion d’un certain nombre de grands acteurs au premier rang desquels il faut citer Prosper Mérimée. Le principe selon lequel il incombe à la puissance publique de protéger le patrimoine national se développe dès le milieu du XIXe siècle pour aboutir à la grande loi de 1913, instituant l’inventaire et la protection du patrimoine détenu, tant par les particuliers que par la puissance publique. Ce dispositif institue non seulement un régime d’inventaire mais règlemente les obligations des propriétaires et leurs contreparties en termes d’avantages fiscaux et de subventions. En outre, dans la tradition de l’administration française, il institue un corps de fonctionnaires spécialisés, recrutés sur concours, qui se répartissent les différentes tâches de l’acte de conservation, au nom de la puissance publique : les conservateurs, les architectes des Bâtiments de France (ABF), les architectes en chef des Monuments Historiques (ACMH). Au fil des années, des moyens financiers substantiels sont mis en place, dans le cadre du budget du Ministère des Affaires Culturelles. Le déploiement de ces moyens financiers, sous forme de subventions, subit bien sûr l’aléa des contraintes budgétaires, alors même que le coût d’entretien et de restauration du patrimoine historique va croissant. A cette tradition régalienne, il faut rattacher le rôle qu’exerce la puissance publique en qualité de propriétaire d’une partie non négligeable du patrimoine historique français, par suite d’une part, de la dévolution à l’Etat du patrimoine de la couronne et d’autre part, par le transfert à la puissance publique de la quasi intégralité du patrimoine de l’Eglise dans la suite de la loi de 1905. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à cette occasion, l’Etat s’est réservé la propriété directe de l’ensemble des cathédrales de France, ce qui n’a d’autre justification que le respect d’une tradition régalienne solidement ancrée. BF/1.06.2012 1
  • 2. - Le courant mécénal : ce courant se rattache bien sûr à la grande tradition des « protecteurs des Arts et des Lettres », qui trouve sa racine essentiellement dans la péninsule italique. Les Médicis, les Sforza, les Colonna ont consacré, à travers les siècles, une part significative de leurs moyens financiers à construire, passer des commandes, décorer palais et églises, gagnant en retour prestige et reconnaissance. Cette tradition italienne s’est perpétuée avec l’intervention des grands groupes industriels et financiers dont on a vu, bien avant que cela ne soit autorisé en France, les noms et les logos fleurir sur les bâches abritant les chantiers de restauration. Cette tradition est puissante et éclairée ; elle a permis de sauvegarder et de mettre en valeur l’exceptionnelle richesse du patrimoine italien qui concentre, à lui seul, près de la moitié des œuvres d’art du patrimoine mondial. - Le courant patrimonial et familial : c’est au pragmatisme de nos amis anglo-saxons que l’on doit l’invention des trusties, permettant aux grandes familles britanniques de maintenir un succédané du droit d’ainesse, en opérant un transfert des grandes propriétés dans ces structures juridiques originales qui autorisent la pérennité des grands patrimoines, dont les propriétaires se trouvent dépossédés mais dont ils conservent la jouissance. Cette forme d’appropriation, qui fait fi du temps et de la succession des générations, a également trouvé une forme, au niveau de la nation, dans la constitution du National Trust, qui a vocation à détenir et à entretenir un certain nombre d’édifices majeurs. Ces trois traditions, qui ont chacune leur génie propre, ont en commun de s’intéresser prioritairement aux éléments majeurs du patrimoine. Mais que faire pour le patrimoine vernaculaire, porteur de la tradition populaire, des métiers, des styles de vie et bien évidemment des religions, et qui est d’autant plus exposé à l’abandon ou à la destruction qu’il est souvent isolé, en déshérence et sans utilité immédiate ? C’est pour tenter d’apporter une réponse à cette situation qu’a été créée, en 1996 en France, la Fondation du Patrimoine. II - La naissance d’un mécénat populaire, une référence pour le patrimoine européen L’objet premier de la Fondation du Patrimoine est de veiller à la sauvegarde de cette multitude de petits édifices pour lesquels aucune protection systématique n’avait été organisée au titre des monuments historiques. En effet, si le dispositif de protection mis en place au fil des années, dans le cadre de la loi de 1913, avait abouti à la protection de près de 50.000 édifices en France (soit de 1 à 2 pour chacune des 36.000 communes de France), le patrimoine vernaculaire se trouvait totalement exposé à la dégradation du temps et aux mécanismes inexorables de l’expansion urbaine : qui pouvait sauvegarder les moulins, les lavoirs, les granges, les calvaires, les innombrables chapelles dont beaucoup ont des origines druidiques, sans oublier le patrimoine industriel de proximité, réduit rapidement à l’état de friche. Aucun inventaire n’a été fait mais on peut estimer qu’il représente un ensemble d’au moins 300.000 éléments, d’intérêt inégal, mais tous porteurs d’une parcelle d’histoire locale. En cette fin du XXe siècle, marquée par un déracinement généralisé des populations, aboutissant rapidement à une perte de la mémoire collective et à la grande difficulté de reconstruire concomitamment un nouveau savoir-vivre ensemble, il est apparu essentiel à la puissance publique de trouver un moyen, de sauvegarder ce petit patrimoine et de proposer une forme de réappropriation à une population de proximité désireuse de retrouver des racines, non par goût du passé mais simplement pour permettre aux générations nouvelles de venir s’abreuver à la sève des générations qui les ont portées. BF/1.06.2012 2
  • 3. Ce travail, éminemment salutaire pour la santé du corps social, présentait une difficulté singulière en raison de la dispersion et parfois de sa déshérence du patrimoine concerné. La machine mise en place par la loi de 1913 était à la fois trop lourde et trop large pour s’engager dans les venelles de ce patrimoine de proximité ; il fallait inventer un outil nouveau, confié au secteur privé et chargé d’une mission d’intérêt général. Le paradoxe est que la Fondation du Patrimoine est née d’une initiative régalienne aboutissant à se dessaisir d’une tâche d’intérêt général, confiée à une structure sui generis et autonome, alimentée concomitamment par des fonds publics et par des fonds privés. C’est dans l’acceptation de ce paradoxe, dans l’ouverture d’esprit et grâce à l’audace de ceux qui ont mis en œuvre ces dispositions légales que se trouvait l’embryon des synergies nouvelles qui font aujourd’hui le succès de la Fondation du Patrimoine. Les difficultés de démarrage, au cours des premières années d’existence de la Fondation du Patrimoine, ont contraint ses dirigeants à inventer et à mettre en place une formule très originale de convergence des fonds privés et des fonds publics, aboutissant à l’émergence d’un véritable mécénat populaire pour la sauvegarde, la mise en valeur et l’animation du patrimoine de proximité. Ce dispositif a nécessité la mise en place des grandes étapes suivantes : 1) Création d’un véritable maillage territorial, structuré au niveau des régions, des départements et même des pays, composé très majoritairement de bénévoles ancrés dans la vie économique et sociale locale et à même d’avoir une connaissance fine des éléments de patrimoine à protéger, ainsi que de la qualité technique et humaine de ceux qui acceptent d’en prendre la charge. Au 1er janvier de cette année 2012, 465 bénévoles répartis dans les 24 régions et dans les 104 départements de France métropolitaine et d’Outre Mer, constituent les forces vives de notre dispositif. 2) Création de deux filières distinctes s’appliquant l’une au patrimoine des propriétaires privés et l’autre au patrimoine des collectivités locales ou des associations. - En ce qui concerne le patrimoine des propriétaires privés, un dispositif de labellisation, sous le contrôle des architectes des Bâtiments de France, permet de faire bénéficier lesdits propriétaires d’un dispositif de subventions et surtout de déductions fiscales, très proche de celui qui s’applique aux édifices classés ou inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques ; sur ce premier champ, on voit se mettre en place une collaboration très originale et nouvelle entre l’Etat et les particuliers, par le truchement de la Fondation du Patrimoine : c’est en effet cette dernière qui organise, au bénéfice des particuliers, les interventions des fonctionnaires d’Etat que sont les architectes des Bâtiments de France, et le contrôle des déductions fiscales à raison du montant des travaux engagés par les propriétaires privés. Il s’agit d’un exemple unique en France d’un démembrement de la puissance régalienne sur le plan fiscal par délégation à une structure de droit privé. Au 1er janvier de cette année 2012 plus de 9900 labels ont été attribués dont 1100 pour la seule année 2011. BF/1.06.2012 3
  • 4. - En ce qui concerne le patrimoine des collectivités locales ou des associations, le dispositif est encore plus novateur : la Fondation du Patrimoine a, en effet, à la suite de différentes expérimentations positives, posé l’exigence que toute opération qui lui serait présentée, en vue d’obtenir son soutien, soit elle-même portée par une souscription locale à laquelle sont invités à participer les habitants de la commune ou les membres de l’association. Bien que ce dispositif ne soit pas prévu dans ses statuts, il s’impose aujourd’hui comme une règle absolue et connaît un succès de proximité considérable. Il peut arriver que plus de 50 % de la population d’une petite commune accepte librement de verser un don à la Fondation du Patrimoine pour participer à la restauration d’un élément qui leur tient à cœur et, notamment, de leur église. La seule dernière année a vu se mettre en place près de 800 opérations de souscriptions populaires réunissant plus de 33 000 donateurs ce qui porte à plus de 3900 le nombre cumulé des souscriptions lancées par la Fondation du Patrimoine depuis l’origine de ce dispositif. La Fondation du Patrimoine abonde cette collecte populaire par des subventions représentant de 5 à 30 % du montant des travaux. Elle finance elle-même ses subventions par prélèvement sur ses ressources propres, essentiellement constituées par l’attribution par l’Etat français, d’une partie du produit des successions en déshérence. Ce dispositif est particulièrement original et intéressant : en droit français, les successions des particuliers, qui n’ont aucun héritier, sont reversées, au terme d’un délai fixé par la loi, au domaine public. La Fondation du Patrimoine a obtenu du Ministère des Finances le reversement à son bénéfice de 50 % des successions en déshérence chaque année. Outre son impact financier essentiel, ce dispositif présente une forte valeur symbolique : le patrimoine des Français sans héritier se trouve de fait, par le truchement de l’Etat puis de la Fondation du Patrimoine, réinvesti directement pour la sauvegarde de ce qui constitue une partie essentielle de la mémoire collective : le patrimoine de proximité. Conclusion En 12 ans de fonctionnement « en régime », l’ensemble de nos dispositifs a permis de soutenir plus de 16 000 projets ce qui correspond à un montant de travaux de près de 1, 2 milliard d’euros. Ces travaux ont permis à des entreprises du bâtiment, des travaux publics et des métiers d’art d’exercer et de transmettre leurs savoirs et leur savoir-faire. Elles ont ainsi créé ou maintenu plus de 35 500 emplois sur cette période de 12 ans. La sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti de proximité est non seulement l’exercice du devoir de mémoire mais aussi un acte majeur de contribution à la vie sociale et économique des territoires. BF/1.06.2012 4