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UNIVERSITE PARIS 7 - DIDEROT

                          UFR Linguistique




Thèse de Doctorat en Linguistique Théorique, Descriptive et Automatique




                            Présentée par

                       Nor elhouda ARBAOUI



          LES DIX FORMES DE L’ARABE CLASSIQUE
          A L’INTERFACE SYNTAXE / PNONOLOGIE

             -POUR UNE DECONSTRUCTION DU GABARIT-




                   Dirigée par Jean LOWENSTAMM

                     Soutenue le 07 décembre 2010




Membres du jury

Sabrina BENDJABALLAH       Université Paris 7_CNRS
Ali IDRISSI                Université Emirats Arabes Unis (pré-rapporteur)
Alain KIHM                 Université Paris 7_CNRS
Jean LOWENSTAMM            Université Paris 7-CNRS (directeur)
Jamal OUHALLA              Université Dublin (pré-rapporteur)
A la mémoire de mon père


              A ma mère




                       2
J’ai un mot à dire…

     On dit chez moi (au Maroc) : « lli 3ellm-ek melk-ek » (à celui qui t’as enseigné
quelque chose, tu seras redevable toute la vie). Il me faudra au moins sept vies
pour m’acquitter de ma dette envers mon directeur de recherche.

     Jean Lowenstamm m’a initiée à la recherche et m’a transmis la passion
d’interroger les données et d’observer les mots sans relâche, jusqu’à ce qu’ils
révèlent leur secrets. Quand vous travaillez avec quelqu’un qui a l’esprit ouvert et
qui est toujours en quête de nouvelles découvertes, vous apprenez à
débroussailler votre propre chemin et à ne pas toujours suivre les sentiers battus.
Certes l’aventure est périlleuse car on ne sait jamais ce qu’on va trouver, et surtout,
si on va trouver quelques chose, mais la joie de voir à la fin ce qu’on a pu accomplir,
nous fait oublier les tourments du voyage.

     Rien de ce que je pourrais dire, ne saurait exprimer combien je suis redevable
à Jean Lowenstamm pour m’avoir accompagné tout au long de cette aventure, qui a
été interminable, parce que j’avais commencé par travailler sur la morpho-
phonologie du berbère, puis sur le pluriel de l’arabe classique et après sur les
participes de l’arabe classique. J’ai mis du temps avant de trouver ma voie, et
aujourd’hui, je suis enchantée de voir que le travail que j’ai achevé, porte sur les
formes verbales de l’arabe classique. A vrai dire, la première fois que j’ai assisté au
séminaire de Jean Lowenstamm, où il parlait de sa théorie élaborée avec Guerssel
sur le gabarit, j’ai été tout de suite fascinée. Ma joie est immense d’avoir pu
accomplir un travail qui complète cette théorie, mais surtout, de l’avoir fait en
collaboration avec l’un de ses fondateurs même.

     Je voudrais remercier jean Lowenstamm, aussi, pour ces qualités humaines,
car non seulement il s’est occupé de ma formation scientifique, mais il m’a
beaucoup soutenue dans les démarches administratives qui encombrent l’étudiant
étranger en France. Pour tout cela, je lui dis un grand MERCI et je réserve la
première page de cette thèse pour lui exprimer ma plus grande reconnaissance et
mon plus grand respect.


                                                                                     3
Notations
q : occlusive uvulaire.
? : occlusive glottale.
T : occlusive dentale emphatique sourde.
D : occlusive dentale emphatique sonore.
θ : fricative dentale sourde.
S : fricative alvéolaire emphatique.
š : fricative post-alvéolaire sourde.
j : fricative post-alvéolaire sonore.
x : fricative vélaire sourde
H : fricative pharyngale sourde.
3 : fricative pharyngale sonore.




                                           4
Table des matières
J’ai un mot à dire… .......................................................................................................... 3
Notations ........................................................................................................................... 4

INTRODUCTION ............................................................................................................. 9
1. Les dix formes verbales : En quoi consistent-elles ? ................................................. 10
2. Les dix formes verbales : comment sont-elles formées ? .......................................... 13
3. La déconstruction du gabarit ...................................................................................... 16
4. La forme verbale : une affaire de syntaxe .................................................................. 18
5. La Racine : pour un rôle prépondérant ...................................................................... 20
6. Une organisation commandée non recommandée ..................................................... 24
7. Un lecteur avisé en vaut dix ....................................................................................... 27
8. Le label des formes verbales examinées .................................................................... 29
9. Un peu de théorie pour faciliter la lecture ................................................................. 30
   9.1. Quelques notions de phonologie ......................................................................... 31
      9.1.1. L’hypothèse « CVCV » ............................................................................... 31
      9.1.2. Principe du Gouvernement Propre............................................................... 32
      9.1.3. Principe du Contour Obligatoire .................................................................. 33
      9.1.4. L’apophonie ................................................................................................. 33
      9.1.5. Système vocalique de l’arabe classique ....................................................... 34
   9.2. Quelques notions de syntaxe............................................................................... 34
      9.2.1. La Théorie X-barre ...................................................................................... 34
      9.2.2. La Thêta-Théorie ......................................................................................... 35
      9.2.3. La Théorie du Liage ..................................................................................... 35
      9.2.4. Une syntaxe simple pour une morphologie complexe ................................. 36

CHAPITRE 1
ANALYSE DE LA FORME I « fa3al » ........................................................................... 38
1. Introduction ................................................................................................................ 38
2. Que peut-on dire sur la voyelle lexicale ? .................................................................. 39
3. Que représente réellement la racine ? ........................................................................ 41
4. Que contient le domaine VP ? ................................................................................... 45
5. À propos de la voix active ......................................................................................... 48
6. À propos de la voix passive ....................................................................................... 49
7. Comment obtient-on une forme I ? ............................................................................ 53
8. Conclusion ................................................................................................................. 58

CHAPITRE 2
ANALYSE DE LA FORME VIII « fta3al » .................................................................... 60
1. Introduction ................................................................................................................ 60
2. Quel gabarit pour la forme VIII ? .............................................................................. 61
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme VIII ....................................... 62
   3.1. Le réflexif, point de départ de l’analyse de la forme VIII .................................. 63
      3.1.1. Le morphème « t », quel statut et quelle place ?.......................................... 65
      3.1.2. Comment le morphème « t » s’est-il retrouvé en position infixale ? ........... 72

                                                                                                                                     5
3.2. Un morphème du réflexif et des formes non-réflexives ..................................... 75
      3.2.1. Le réciproque, un réflexif avec un plus ....................................................... 76
      3.2.2. Le passif, un réflexif avec un moins ............................................................ 79
4. Conclusion ................................................................................................................. 83

CHAPITRE 3
ANALYSE DE LA FORME II « fa33al » ....................................................................... 84
1. Introduction ................................................................................................................ 84
2. Quel gabarit pour la forme II ? .................................................................................. 86
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme II ........................................... 86
   3.1. Le causatif, point de départ pour l’analyse de la forme II .................................. 87
      3.1.1. L’entrée en scène d’une nouvelle projection : vP ........................................ 88
      3.1.2. Comment produire une forme qui gémine la deuxième consonne de la
      racine ? .................................................................................................................... 94
   3.2. Intensif et causatif, deux réalités grammaticales distinctes sous le même habit
   prosodique................................................................................................................... 99
      3.2.1. L’intensif, une dégénérescence de la structure du causatif ........................ 100
      3.2.2. Une même structure, une même forme, un même processus..................... 105
   3.3. Structure du causatif sans causatif .................................................................... 107
      3.3.1. Quand ‘faire’ devient ‘estimer’.................................................................. 108
      3.3.2. Du nom au verbe ........................................................................................ 110
4. Conclusion ............................................................................................................... 116

CHAPITRE 4
ANALYSE DE LA FORME V « ta-fa33al » ................................................................ 117
1. Introduction .............................................................................................................. 117
2. Quel gabarit pour la forme V ? ................................................................................ 118
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme V ......................................... 120
   3.1. Une forme à double face : causatif et réflexif ................................................... 120
      3.1.1. Une structure pour abriter deux emplois.................................................... 121
      3.1.2. Comment obtient-on une forme V ............................................................. 125
   3.2. Une structure de causatif et des emplois non-causatifs .................................... 129
      3.2.1. D’où vient l’intensif et où est passé le réflexif ? ...................................... 130
      3.2.2. Un faux causatif combiné à un réflexif...................................................... 133
      3.2.3. Du nom au verbe ........................................................................................ 135
4. Conclusion ............................................................................................................... 137

CHAPITRE 5
ANALYSE DE LA FORME IV « ?af3al » .................................................................. 138
1. Introduction .............................................................................................................. 138
2. Quel gabarit pour la forme IV ? ............................................................................... 140
3. A la recherche de la structure syntaxique d’une forme IV ...................................... 141
   3.1. Le causatif : point de départ pour l’analyse d’une forme IV ............................ 141
      3.1.1. Quelle structure pour la forme IV causative ? ........................................... 143
      3.1.2. Comment générer une forme IV, à partir d’une structure qui produit une
      forme II ................................................................................................................. 146

                                                                                                                                    6
3.2. Une structure du causatif qui n’engendre pas un causatif................................. 151
      3.2.1. Quand « faire » laisse place à « estimer ».................................................. 152
      3.2.2. Un verbe à partir d’un nom ........................................................................ 154
      3.2.3. Une racine qui dénote un état et une forme IV qui indique une action ..... 156
      3.2.4. Une racine qui dénote une action et une forme IV qui indique l’état : ...... 161
4. Conclusion ............................................................................................................... 164

CHAPITRE 6
ANALYSE DE LA FORME X « staf3al » ..................................................................... 166
1. Introduction .............................................................................................................. 166
2. Quel gabarit pour la forme X ? ................................................................................ 167
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme X ......................................... 168
   3.1. Une forme à double face ................................................................................... 169
      3.1.1. Une structure où coexistent causatif et réflexif ......................................... 170
      3.1.2. Comment obtient-on la forme X ? ............................................................. 172
   3.2. Une structure du causatif, un morphème du réflexif et des formes qui ne
   véhiculent ni l’un ni l’autre....................................................................................... 176
      3.2.1. Quand « faire »+« se » donne « estimer » ................................................ 177
      3.2.2. Quand « faire »+« se » permet de « s’approprier un état »........................ 182
      3.2.3. Quand « faire »+« se » permet d’exprimer « une requête » ...................... 184
      3.2.4. Du nom au verbe ........................................................................................ 187
4. Conclusion ............................................................................................................... 188

CHAPITRE 7
ANALYSE DE LA FORME III « faa3al » .................................................................... 190
1. Introduction .............................................................................................................. 190
2. Quel gabarit pour la forme III ? ............................................................................... 191
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme III ....................................... 192
   3.1. Le réciproque, point de départ pour l’analyse d’une forme III ......................... 193
      3.1.1. Comment faire participer l’Objet à l’action du verbe ? ............................. 195
      3.1.2. Comment obtient-on une forme III ? ......................................................... 206
   3.2. Emplois non-réciproques de la forme III .......................................................... 210
      3.2.1. De l’état à l’action...................................................................................... 211
      3.2.2. Du nom au verbe ...................................................................................... 214
4. Conclusion ............................................................................................................... 218

CHAPITRE 8
ANALYSE DE LA FORME VI « ta-faa3al »................................................................ 219
1. Introduction .............................................................................................................. 219
2. Quel gabarit pour la forme VI ? ............................................................................... 220
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme VI ........................................ 222
   3.1. Le réciproque, point de départ pour l’analyse de la forme VI .......................... 222
      3.1.1. Une structure où coexistent réciproque et réflexif ..................................... 224
      3.1.2. Comment produit-on une forme doublement composée ? ......................... 230
   3.2. Pourquoi une structure du réciproque ne produit-elle pas un réciproque ? ...... 233
      3.2.1. De la coexistence à l’exclusion .................................................................. 233

                                                                                                                                7
3.2.2. Quand un événement est entre soi et soi-même ......................................... 236
4. Conclusion ............................................................................................................... 240

CHAPITRE 9
ANALYSE DE LA FORME VII « nfa3al » ................................................................... 242
1. Introduction .............................................................................................................. 242
2. Quel gabarit pour la forme VII ?.............................................................................. 244
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme VII ...................................... 246
   3.1. Une forme VII, pourquoi faire ? ....................................................................... 247
   3.2. Comment réalise-t-on une forme VII ? ............................................................. 258
   3.3. Cas particuliers de la forme VII ........................................................................ 261
      3.3.1. La forme VII peut-elle apporter un verbe supplémentaire ? ...................... 262
      3.3.2. Peut-il y avoir une relation entre une forme VII et une forme IV ? .......... 264
4. Conclusion ............................................................................................................... 274

CHAPITRE 10
ANALYSE DE LA FORME IX « f3all »........................................................................ 275
1. Introduction .............................................................................................................. 275
2. Quel gabarit pour la forme IX ? ............................................................................... 276
3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme IX ........................................ 277
   3.1. La forme IX et la racine indiquant une couleur ................................................ 278
      3.1.1. De quelle nature est la relation entre la forme IX et l’adjectif ? ................ 279
      3.1.2. Comment obtient-on une forme IX ? ......................................................... 282
   3.2. La forme IX et la racine indiquant un défaut .................................................... 285
4. Conclusion ............................................................................................................... 288

CONCLUSION .............................................................................................................. 289

BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………….296




                                                                                                                                8
INTRODUCTION


                                                               INTRODUCTION




      L’objectif essentiel de cette thèse est de comprendre les mécanismes qui
régissent la structuration des dix formes verbales de l’arabe classique. Une étude
morphophonologique complète de ces formes verbales a déjà été établie par
Guerssel et Lowenstamm (1991). Ce que nous proposons -et c’est ce qui fait la
particularité de ce travail -c’est d’aller au-delà des frontières de la
morphophonologie et de faire usage de la Syntaxe. Il sera question, ici, d’une étude
syntaxique des formes verbales de l’arabe classique. Cette étude apportera des
réponses d’ordre technique et d’autres d’ordre théorique.

      Pour ce qui est du premier volet, il s’agira de répondre à certaines questions
classiques comme :

                                                                                  9
a. le nombre de ces formes verbales, à savoir pourquoi 10 formes (ou quinze si
        on compte les formes tombées en désuétude) au lieu de trois ou vingt cinq
        par exemple ;

     b. l’existence de certaines incohérences apparentes pour une même forme, à
        savoir qu’une même forme peut dénoter plusieurs significations disparates.

        Pour ce qui est du volet théorique, il sera question de :

     c. explorer l’idée que les mots sont analysables en syntaxe ;

     d. voir si le modèle syntaxique permet d’expliquer certains problèmes que le
        modèle morphophonologique ne permettait pas de résoudre ;

     e. comprendre ce qu’est réellement un gabarit et en quoi il consiste ;

     f. contribuer à l’identification de l’objet « racine ».

        Commençons, d’abord, par expliquer au lecteur non-initié à la grammaire de
 l’arabe classique, ce que sont ces dix formes verbales.



1.   Les dix formes verbales : En quoi consiste-t-elles ?


        Les verbes de l’arabe classique ont la particularité de marquer des notions
 telles que le causatif, l’intensif, le réciproque…etc. Cette spécificité fait en sorte que
 le verbe apparaît sous différentes formes suivant qu’il indique telle ou telle notion.
 En effet, au moment où des langues comme le français, font appel à des verbes dits
 « légers » ou créent de nouvelles entrées lexicales pour rendre compte d’un sens
 proche, l’arabe classique rend compte de ces faits en apportant des modifications à
 l’intérieur de la forme verbale elle-même. Par conséquent, le verbe, en arabe
 classique apparaît sous une forme simple qui dénote le sens de la racine et sous
 plusieurs formes complexes qui, elles, renferment des notions supplémentaires.




                                                                                        10
Pour mieux cerner cette caractéristique qui différencie les verbes de l’arabe
classique des verbes d’une langue comme le français, nous proposons de donner
quelques exemples et voir comment sont formés, entre autres, le causatif, le
réflexif et le réciproque dans chacune de ces deux langues.

       Pour rendre compte du sens causatif, le français met un verbe dit léger
devant le verbe principal (2). Ce verbe n’est autre que le verbe « faire ». Pour avoir
le causatif du verbe « écrire », il suffit d’ajouter le verbe « faire » devant : « faire
écrire ». Ce changement est accompagné par un changement de la structure
syntaxique. En français, on ajoute un argument dans la structure causative :

(1)    Pierre écrit une lettre.

(2)    Pierre fait écrire à Marie une lettre.

       L’arabe classique rend compte du causatif, non pas en ajoutant un verbe au
verbe principal, mais en modifiant la forme du verbe principal lui-même. En effet,
pour faire le causatif du verbe « katab » (écrire), il suffit de géminer la deuxième
consonne : « kattab » (faire écrire). Pareillement que le français, les arguments du
verbe de l’arabe classique sont modifiés quand la forme verbale est causative (4) :

(3)    kataba aHmad-un risaalat-an
       a écrit Ahmed-nominatif une lettre-accusatif
       ‘‘Ahmed a écrit une lettre.’’


(4)    kattaba kariim-un aHmad-an risaalat-an
       a fait écrire Karim-nominatif Ahmed-accusatif une lettre-accusatif
       ‘‘Karim a fait écrire Ahmed une lettre.’’

       Regardons maintenant l’exemple du réflexif. En français, pour rendre
compte du sens réflexif, on emploi le pronom « se ». Pour avoir le réflexif du verbe
« laver », on met le pronom « se » devant : « se laver » (6). L’insertion de ce pronom
est accompagnée de la suppression d’un des arguments :

(5)    Pierre lave la voiture

(6)    Pierre se lave.

                                                                                     11
En arabe classique, le réflexif est rendu par l’infixation d’un morphème « t ».
Pour avoir le réflexif du verbe « Rasal » (laver), on insère le morphème « t » après
la première consonne : « Rtasal » (se laver) ; on obtient ainsi la forme VIII.
Pareillement qu’en français, l’insertion de ce morphème est accompagnée par la
suppression d’un argument (8) :

(7)    Rasala aHmad-un as-sayyaarat-a
       a lavé Ahmed-nominatif la voiture-accusatif
       ‘‘Ahmed a lavé la voiture.’’

(8)    Rtasal aHmad-un
       s’est lavé Ahmed-nominatif
       ‘‘Ahmed s’est lavé.’’

      Une fois encore, ce qui est rendu en français par un élément qui se met à
côté du verbe principal est rendu en arabe par un élément qui se met à l’intérieur
du verbe principal. Il est vrai que l’arabe utilise un morphème du réflexif de la
même manière que le français mais c’est le fait qu’il soit réalisé à l’intérieur de la
forme verbale qui est à retenir. C’est la capacité qu’a le verbe de l’arabe classique à
contenir un maximum d’informations et de traits qui fait sa particularité et le
différencie du verbe français.

      Prenons un dernier exemple où le français crée entièrement un nouveau
verbe au moment où l’arabe classique se contente de ce qu’on peut appeler la
modification interne de la forme verbale. Il s’agit du sens réciproque. En arabe
classique, il suffit d’allonger la voyelle « a », première voyelle de la forme verbale,
pour obtenir un sens réciproque. En effet, pour faire le réciproque du verbe
« katab »   (écrire), on   allonge    la   voyelle   « a » et   on   obtient   « kaatab »
(correspondre) ; ce qui correspond à la forme III.

      Le français rend compte du sens réciproque en créant une nouvelle unité
lexicale. En effet, pour avoir le réciproque du verbe « écrire » (s’écrire les uns les
autres), on utilise le verbe « correspondre » ; qui ne partage pas le même radical
que « écrire » ; de même pour avoir le réciproque de « parler » (se parler les uns

                                                                                      12
les autres), on emploie le verbe « discuter ». Toutefois, on trouve quelques verbes
 impliquant une action réciproque, et qui partagent le même radical que le verbe,
 par exemple : « battre » et « combattre ».

        Par ailleurs, le français peut avoir recours à un autre procédé pour signifier
 le réciproque et ce en préfixant l’élément « s’entre », composé de la préposition
 « entre » et du pronom réflexif « se » ; exemple : « s’entretuer » pour signifier « se
 tuer les uns les autres ». Dans ce cas, le sujet est obligatoirement pluriel : « Pierre
 et Jean se sont entretués ». Ce procédé englobe à la fois le sens réflexif et le sens
 réciproque ; chose que l’arabe classique exprime avec une autre forme qui contient
 à la fois le morphème « t » -que l’on retrouve dans toutes les formes réflexives- et
 allonge la voyelle « a » (il s’agit de la forme VI « ta-faa3al).

        De la sorte, la possibilité qu’a le verbe de l’arabe classique de changer de
 forme à chaque fois qu’un sens supplémentaire lui est attribué fait en sorte qu’on
 ait autant de formes que de sens possibles. Cependant, signalons que ce système
 est plein d’incohérences apparentes dans la mesure où dans une même forme
 peuvent coexister diverses significations qui semblent former des champs
 sémantiques distincts et n’être régies par aucune logique. Seule une étude
 approfondie -que nous avons menée- permet de trouver le lien entre tous ces
 emplois et de comprendre comment ils ont été générés et la relation qu’ils
 entretiennent avec la forme qui leur correspond.



2.   Les dix formes verbales : comment sont-elles formées ?


        En général, on compte dix formes verbales. La première forme est dite la
 forme simple parce qu’elle indique uniquement le sens de la racine et parce qu’elle
 est réalisé avec le gabarit le plus basique, CVCVCV. Les neufs autres formes sont
 des formes qui apportent un changement au sens de la racine et à la taille du
 gabarit du verbe, ce qui se traduit par une ou deux positions CV en plus.

                                                                                     13
Le tableau1 suivant récapitule les dix formes verbales de l’arabe classique : 2

(9)          Forme I :             fa3al
              Forme II :           fa33al
              Forme III :          faa3al
              Forme IV :           ?a-f3al
              Forme V :            ta-fa33al
              Forme VI :           ta-faa3al
              Forme VII :          in-fa3al
              Forme VIII :         ifta3al
              Forme IX :           if3all
              Forme X :            sta-f3al

        Il existe d’autres formes et elles sont au nombre de cinq (XI-XV), mais elles
sont rarement utilisées et non productives ; seuls quelques verbes de forme I
peuvent avoir une des cinq formes suivantes :

(10)         Forme XI:             if3aall
              Forme XII:           if3aw3al
              Forme XIII:          if3awwal
              Forme XIV:           if3anlal
              Forme XV :           if3anlaa




1 Ce tableau, selon Silvestre De Sacy (1831) aurait été établi pour des raisons pédagogiques en
prenant en considération le nombre d’augments : un seul augment pour les formes II, III et IV, deux
augments pour les formes V, VI mais aussi VII, VIII et IX si l’on compte le segment épenthétique « i »
inséré pour empêcher une suite de deux consonnes en début de mot et finalement, trois augments
pour la forme X. La liste telle qu’elle est conçue ne nous apprend rien quand aux liens qui puissent
exister entre les neufs formes. Ce que l’on sait c’est que ces formes sont en relation avec la forme I.
Cependant, on voit bien que la forme II et la forme V sont liées (la forme V n’est autre que la forme
II plus un morphème « t ») de même pour la forme III et la forme VI (la forme IV n’est autre que la
forme III plus un morphème « t »). Aussi, d’un point de vue sémantique, la forme II et la forme IV
sont à rapprocher ; puisque toutes les deux sont causatives.
2 Dans la tradition de la grammaire arabe, on représente les schèmes avec une racine √f3l, dont le

sens est « faire » et qui sert aussi pour désigner le mot verbe : « fi3l ». Ainsi, au lieu de parler de C1,
C2 et C3, nous préférons utiliser la racine √f3l et il suffit donc de considérer « f » comme C1, « 3 »,
comme C2 et « l » comme C3. Le recours à cette racine permettra de voir quelle allure aura le verbe
en passant par tel ou tel schème. De ce fait au lieu de dire C1aC2 aC3, on dira « fa3al ». Il suffira
après de remplacer ces consonnes par les consonnes de la racine qui nous intéresse.

                                                                                                       14
Nous n’examinerons que les formes les plus usuelles voire les formes de I à
X. Les formes de X à XV (tombées en désuétude) ne seront pas traitées ici.

       La variation de forme dont fait l’objet le verbe de l’arabe classique a suscité
l’intérêt des phonologues et morphologues. L’analyse morphophonologique la plus
complète et la plus intéressante est celle qui a été proposée par Guerssel et
Lowenstamm (1991). Cette théorie établit l’existence d’un gabarit CV-CV(CV)CVCV
qui permet d’engendrer les dix formes verbales. Ce gabarit contient une position
CV- préfixale qui peut être activée par le préfixe « n », ou « t » ou par la première
consonne de la racine et une position (CV) dérivationnelle qui peut être associée à
une consonne de la racine ou à la voyelle « a ».

       Selon cette analyse, chacune des dix formes verbales fait appel à un procédé
distinct pour se réaliser. Cette différence peut se situer au niveau des positions du
gabarit : la forme II « fa33al » fait appel à la position dérivationnelle (CV) pour
propager la deuxième consonne de la racine :

(11)    f        3       l
              
        CV (CV)CVCV
          
          a

       Tandis que la forme VII « n-fa3al » utilise la position (CV) préfixale pour
associer le préfixe « n » :

(12)    n    f       3       l
           
        CV- CV CV CV
              
             a

       Autrement, cette différence peut se situer au niveau de l’élément associé à
ces positions : la forme III « faa3al » utilise, pareillement que la forme II, la position
dérivationnelle (CV) pour se réaliser, mais contrairement à celle-ci, elle utilise la
position V de ce CV et allonge la première voyelle « a » :

                                                                                       15
(13)    f      3 l
                
         CV(CV)CVCV
            
            a

        Ainsi, ce qui fait la différence entre les formes verbales c’est le fait qu’elles
 représentent une utilisation particulière des ressources du gabarit. La différence
 entre la forme I « fa3al », la forme II « fa33al » et la forme VII « nfa3al » réside dans
 le fait que la première forme utilise un gabarit de base : CVCVCV, la deuxième
 forme utilise un gabarit avec une position CV dérivationnelle : CV(CV) CVCV et la
 troisième forme utilise un gabarit avec le CV préfixal CV-CVCVCV. Néanmoins, ce
 critère nécessaire n’est pas suffisant car il faut générer dix formes alors qu’avec ce
 système on en obtient que trois. Effectivement, en plus du nombre des positions CV
 du gabarit, il faut prendre en considération la nature de l’élément qui s’associe à
 chacune de ces positions. De la sorte, ce qui fait, par exemple, la différence entre la
 forme II et la forme III, sachant que toutes les deux utilisent un même gabarit
 CV(CV) CVCV, c’est que la forme II identifie la position C du (CV) dérivationnel pour
 propager la deuxième consonne de la racine alors que la forme III identifie la
 position V de ce même (CV) pour allonger la voyelle « a ».



3.   La déconstruction du gabarit


        L’analyse morphophonologique permet de connaître le gabarit de chacune
 des dix formes verbales ainsi que le mode d’association entre les éléments d’une
 forme verbale et le gabarit. Toutefois, si cette analyse renseigne sur le nombre de
 positions CV, elle ne dit rien sur l’origine des ces positions et si elle explique le
 mode d’association dont résulte la forme verbale, elle ne dit rien sur ce qui justifie
 ces associations. En effet, si l’on sait qu’avec un gabarit du type CV(CV)CVCV et une
 racine √f3l, on peut avoir soit une forme II « fa33al », ou une forme III « faa3al » ou
 encore une forme IV « ?af3al » et ce, suivant trois différents processus


                                                                                       16
d’association des éléments à un même gabarit, on ignore la raison pour laquelle un
tel ou tel mode d’association a été adopté pour une telle ou une autre forme
verbale. Tout ce que l’on sait, ce sont les possibilités d’association que l’on peut
avoir avec un gabarit de quatre positions CV et une racine trilitère puis le
mécanisme dont résulte chacune de ces formes. De surcroit, rien dans cette théorie
ne prédit que telle forme indiquera le causatif ou l’intensif et que telle autre
indiquera le réciproque, plutôt que l’inverse.

      En vue de toutes ces questions, il devient primordial de comprendre ce qui
régit le processus d’association des éléments aux positions du gabarit et
préalablement découvrir d’où proviennent les différentes positions CV qui
constituent le gabarit.

      Etant donné que chacune de ces formes rend compte d’une réalité
grammaticale donnée : causatif pour la forme II, réciproque pour la forme III, …etc.,
et que ces formes modifient la structure de la phrase : à la forme II, un argument
est ajouté alors qu’à la forme VIII un argument est ôté, il nous est apparu évident
que les dix formes que revêt le verbe en arabe classique sont tributaires de la
structure syntaxique de celles-ci. Nous présumons, donc, que derrière chacune de
ces dix formes verbales, il y a une structure syntaxique différente. Dorénavant, ce
qui fera la différence entre les dix formes verbales sera la présence de projections
maximales distinctes, de positions têtes syntaxiques diverses et de mouvements
différents. Le gabarit tel que proposé par l’analyse morphophonologique de
Guerssel et Lowenstamm sera perçu comme étant le résultat d’opérations diverses
et non pas comme étant le lieu même de ces opérations.

      Nous proposerons que chacune des positions CV, telles que nous les
retrouvons dans le gabarit conçu par Guerssel et Lowenstamm, est générée dans
une position syntaxique donnée. Ceci ne concerne pas seulement la position CV-
préfixale et la position CV dérivationnelle considérées comme étant des positions
« tête » du gabarit mais ça englobe aussi les trois positions CV restantes qui

                                                                                  17
constituent ce qu’on appelle le petit gabarit ou le gabarit de base et que l’on
 retrouve dans la forme I. De la sorte, le gabarit CV-CV(CV)CVCV reflète une
 structure qui engloberait autant de positions syntaxiques « tête » que de positions
 CV ; hypothèse qui sera démontrée dans ce travail.



4.   La forme verbale : une affaire de syntaxe


        L’étude des dix formes verbales de l’arabe classique ne restera pas limitée à
 une analyse morphophonologique mais fera l’objet d’une analyse syntaxique.
 L’analyse syntaxique que nous entreprenons est différente de celles effectuées
 jusqu’ici et qui s’intéressent à des problèmes tels que l’aspect, l’accord, la négation
 …etc. Ce qui nous intéresse dans une forme comme « yu-kattib-uuna » (ils font
 écrire), ce n’est pas la marque de l’imperfectif ou de la troisième personne ou du
 masculin ou du pluriel mais c’est la partie « -kattab- ». Ce que nous voulons
 montrer c’est que cette partie du verbe à laquelle les syntacticiens ne se sont pas
 ou peu intéressés est elle aussi formée en syntaxe.

        Certes, pendant longtemps les syntacticiens ne regardaient dans les mots
 que les marques de la flexion, la dérivation étant le domaine des morphologues.
 Cependant, avec d’une part, l’évolution de l’hypothèse lexicaliste3 où l’on
 établissait des représentations et des règles lexicales4 pour former des mots qui,
 désormais peuvent exister dans le lexique sous leurs différentes facettes, et d’autre
 part, les partisans de la morphologie distribuée, pour qui les mots sont formés en
 syntaxe, la séparation des domaines de la linguistique est remise en cause et les
 frontières entre la morphologie et la syntaxe sont beaucoup moins claires qu’il y a
 seulement dix ans.



 3 Cf. Halle (1973), Bresnan (1982), Freidin (1975), Jackendoff (1975), Wasow (1977),Grimshaw
 (1990).
 4 Cf. Jackendoff (1975), Wasow(1977), Williams (1981), DiSciullo and Williams (1987), Jackendoff

 (1990), Grimshaw(1990), Levin and Rappaport-Hovav (1986, 1992, 1995)

                                                                                              18
Effectivement, avec la théorie de la morphologie distribuée5 et les analyses
qui s’en sont inspirées6, ce qui faisait l’objet d’étude de la morphologie est perçu
dorénavant comme faisant partie du domaine de la syntaxe. Les éléments
considérés auparavant par la syntaxe comme des terminaux et dont l’analyse était
attribuée à la morphologie sont dors et déjà pris en charge par la syntaxe. Tout est
géré par la syntaxe :
            « There is only one mechanism in grammar for combining
            atomic units of structure and meaning, i.e the syntax». 7

       De la sorte, la structure d’un seul mot est, désormais, à analyser de la même
manière, avec les mêmes traits et avec la même organisation hiérarchique qu’une
phrase :
            « All composition is syntactic; the internal structure of words
            is created by the same mechanisms of construction as the
            internal structure of sentences». 8

       Les formes verbales de l’arabe classique sont la preuve explicite que des
entités considérées comme étant du domaine de la morphologie trouvent leur
explication en syntaxe. Le fait que des éléments soient combinés à l’intérieur d’un
seul mot n’exclue pas que ces combinaisons soient d’ordre syntaxique. D’ailleurs,
les exemples que nous avons cités pour illustrer la capacité des verbes de l’arabe
classique à contenir des informations à l’intérieur même de la forme verbale tandis
que les verbes du français font appel à des structures syntaxiques bien explicites,
confirment cette hypothèse.

       Ceci étant, nous ne nous inscrivons exactement pas dans le cadre théorique
de la Morphologie Distribuée. Nous nous inspirons de ce qui en fait l’essence


5 Initié par Halle and Marantz (1993) et élaboré dans Marantz (1997).
6 Cf. Borer (1994, 2005), Travis (1994, 2000), Ramchand (2006) Noyer (1997, 1998, 1999), Harley
(1994, 1995, 1998), Embick (1995, 1996, 1997, 1998), Calabrese (1979a,b),Mcginnis
(1995,1996,1998),
7 Marantz (2001 : 9)
8 ibidem


                                                                                            19
même, à savoir que les mots sont analysables en syntaxe. A partir de ce moment,
 nous soumettons le mot à la même analyse que la phrase et nous suivrons, dans
 cette perspective, les principes de la syntaxe générative. Néanmoins, nous ne nous
 inscrirons pas, non plus, le cadre strict de cette théorie puisque, comme nous le
 verrons par la suite, nous faisons intervenir des éléments morpho-phonologiques
 dans des arbres syntaxiques et nous modifions, par exemple, le contenu de la
 projection VP (dans le sens où il sera vidé de son contenu lequel sera attribué à
 une nouvelle projection que nous proposerons, celle de la racine : √P).



5.   La Racine : pour un rôle prépondérant


         La notion de Racine joue un rôle primordial dans l’étude que nous
 proposons pour les formes verbales de l’arabe classique. En effet, si l’on
 fonctionnait avec la notion du radical, on aurait du mal à analyser toutes les
 modifications internes de la forme verbale ; excepté la forme VII « n-fa3al » qu’on
 peut décomposer en un préfixe « n » + forme verbale de base « fa3al ». La racine9 a
 toujours eu un grand intérêt dans l’étude des langues sémitiques et a prouvé sa
 pertinence. L’étude des dix formes verbales de l’arabe classique prouve que la
 considération de la racine est indispensable et lance un défi à ceux qui renient
 l’intérêt de la racine dans l’analyse des langues sémitiques.

         Souvent, pour illustrer l’existence de la racine on apportait des exemples de
 différentes catégories ayant toutes un sens en commun et réalisant les mêmes
 consonnes et on montre que ces mots sont construits à partir d’une même racine.
 Prenons l’exemple de la liste suivante :



 9 En arabe classique, la racine est strictement consonantique et globalement trilitère. Toutes les
 combinaisons de trois consonnes ne sont pas utilisées et la langue évite la contiguïté de consonnes
 d'articulation proche. Le plus souvent, les consonnes d'une racine sont différentes par leur point et
 leur mode articulatoires. Cette suite consonantique reste apparente dans tous les mots formés sur
 une même racine et exprimant, plus au moins un même concept.


                                                                                                   20
(14)    katab            kitaab             kaatib
        (Écrire)         (Livre)            (Écrivain)

         maktab          maktuub            maktaba
        (Bureau)         (Écrit)            (Bibliothèque)

       Comme on peut le voir dans les traductions proposées (écrire, livre, bureau,
bibliothèque), le français crée plusieurs unités lexicales au moment où l’arabe classique
discerne un sens commun entre tous ces mots et les construit tous à partir d’une même
racine : √ktb. Cette racine aura pour Signifié « ECRIRE ». Dans chacun des mots de
cette liste ce Signifié est présent. Une traduction plus exacte du mot « maktab » serait
« lieu où l’on écrit » de même, une traduction exacte de « kitaab » serait « un écrit », le
mot « maktaba » se traduira par « lieu contenant des écrits » et pour le mot « kaatib »,
une traduction plus exacte serait « écrivant ».

       Désormais, on peut établir l’existence de la racine en restant dans le même
paradigme « Verbe » et en examinant les différentes formes verbales que l’on peut
obtenir avec une même racine (Cf. (14)). Les dix formes verbales de l’arabe classique
ont toutes un sens commun : celui dénoté par la racine, et réalisent de façon interne les
éléments qui leur permettent de rendre compte de différentes réalités grammaticales. Le
fait que ces éléments ne soient pas réalisés à la périphérie d’une forme de base, écarte
toute possibilité de traiter ces verbes sans avoir recours à la racine.

       De ce fait, l’étude des dix formes verbales de l’arabe classique consolide et
confirme l’existence de la racine en tant que notion abstraite mais va bien au-delà
de cette considération et dévoile d’autres propriétés de la racine à savoir un
domaine et des arguments.

       Il est communément admis qu’une racine désigne un concept et constitue un
élément exclusivement lexical qui ne comporte aucune information syntaxique. Ce
n’est que lorsque la racine est sélectionnée par un N qu’elle devient nominale, ou
par un V qu’elle devient verbale. Toutefois, on peut avancer que la matrice



                                                                                        21
sémantique de la racine prédit, en quelque sorte, la catégorie syntaxique qui va la
sélectionner.

        En effet, si l’on observe les définitions les plus simples que l’on donne à chacune
des catégories du discours, on voit que la définition de chaque catégorie se base sur une
distribution syntaxique mais aussi sur une désignation sémantique. S’il est vrai qu’on
peut définir une catégorie telle que Verbe ou Nom en ne se basant que sur leur syntaxe,
il reste vrai qu’on peut le faire aussi en n’en indiquant que la sémantique. En définissant
un Verbe, on dira qu’il exprime l'action accomplie par le sujet, l’action subie par le sujet
ainsi que l’état du sujet. Quant au Nom, on dira qu’il sert à désigner un objet dans le
monde, et qu’il a le pouvoir d’être associé à un référent, c’est-à-dire à un objet de la
réalité extralinguistique.

        Si l’on accepte que la racine possède ce genre d’informations sémantiques à
savoir « action », « état », « objet »…etc., il devient évident qu’une racine dont le
sens indique un objet du monde sera sélectionnée par un Nom et qu’une racine
dont le sens indique une action sera sélectionnée par un Verbe. De ce fait, même si
on considère qu’une racine n’a pas de propriétés syntaxiques en elle-même, les
propriétés sémantiques qu’elle renferme peuvent, à elles seules, indiquer la
catégorie.10



10 En principe, il devrait y avoir une correspondance entre ce qu’on pourrait appeler une catégorie
sémantique et sa contrepartie syntaxique. Toutefois, ce n’est pas toujours le cas et cela est
perceptible, souvent, dans la forme elle-même. En effet, la forme de certains noms diffère selon que
la racine est « sémantiquement » verbale ou nominale. Des racines telles que √bHr, √klb dont le
sens indique des objets du monde se contentent de mettre la racine dans un schème nominal
(CaCC) et produisent les noms : « baHr » (mer), et « kalb » (chien) alors qu’une racine telle que
√ktb dont le sens renvoie à une action produit le nom « kitaab » (livre) ou « maktab » (bureau). Le
fait que certaines racines, lorsqu’elles sont sélectionnées par NP, ne subissent aucune modification
alors que d’autres réalisent des modifications internes ou réalisent des préfixes confirme la
dissimilitude entre les racines. En outre, le fait qu’un groupe de mots partagent la même racine ne
signifie pas forcément qu’ils sont tous construits directement à partir de la racine. En dehors des
verbes et des noms qui sélectionnent directement la racine, il y a des mots qui sélectionnent une
catégorie intermédiaire. En effet, il existe des noms qui renferment des propriétés verbales, ce qui
laisse penser qu’ils ne sélectionnent pas directement une racine mais une forme verbale. C’est le cas
des participes actifs et qui correspondent, chacun, à une des dix formes verbales de l’arabe
classique : « katab vs kaatib », « kattab vs mukattib », « kaatab vs mukaatib », « ta-kattab vs
mutakattib », « nkatab vs munkatib », …etc.

                                                                                                  22
Les informations sémantiques dont dispose la racine peuvent être soit confirmées
et agencées par la projection sélectionnante soit alors estompées. Une racine comme
√ktb comporte des traits tels que : [action], [mettre sur papier (ou autre support)],
[alphabet (ou autre système d’écriture)]. Lorsque cette racine est sélectionnée par un
VP, il en résulte la forme verbale « katab » qui signifie « action de mettre sur papier (ou
autre support) un alphabet (ou autre système d’écriture) ». Lorsque cette même racine
est sélectionnée par un NP, deux cas se présentent. Dans le premier cas, une voyelle
longue est réalisée en V2 formant ainsi le nom « kitaab ». Ce nom ne garde de la racine
que les deux derniers traits « support où l’on met un alphabet » et ne prend pas en
compte le trait [action]. Dans le deuxième cas, un morphème est ajouté, ici « m »,
formant le nom « maktab ». Dans ce nom, tous les traits de la racine sont conservés, à
savoir [action], [mettre sur papier (ou autre support)], [alphabet (ou autre système
d’écriture)], auxquels s’ajoute le sens apporté par le morphème « m » : [lieu]. Le nom
« maktab » englobe les traits : [lieu], [action], [mettre sur papier (ou autre support)],
[alphabet (ou autre système d’écriture)] : « lieu où l’on écrit ».

       Le fait qu’une racine puisse s’adapter à la projection qui la sélectionne, quand
besoin il y a, révèle que la racine n’est pas un élément primitif ou terminal, comme on
le pense ordinairement, et qu’elle a son propre domaine et constitue un ensemble de
traits qu’on peut modifier, diminuer ou augmenter.

       Maintenant que l’on admet que les propriétés sémantiques que l’on attribuait aux
verbes sont en réalité contenues dans la racine, il faudra se prononcer sur ce qu’on
appelle la grille thématique du verbe : le fait qu’un verbe ait un agent, un agent et un
patient, ou encore un agent, un patient et un bénéficiaire est-il tributaire du verbe ou de
la racine ?

       Certes, le domaine VP prévoit des positions pour disposer les différents
arguments du verbe, mais il s’agit là de positions syntaxiques que doivent occuper des
NP. Il s’agit seulement de la réalisation syntaxique de la grille thématique. Ce qui est
lexical dans un verbe c’est la racine. Par conséquent, les informations lexicales -


                                                                                        23
responsables de la détermination du thêta rôle- du verbe sont contenues dans cette
 dernière. Chaque racine dénote une action/événement qui, selon les cas, nécessite un ou
 plusieurs participants. De ce fait, en plus des traits sémantiques, une racine qui indique
 une action/événement détermine les participants à cette action/événement. Des termes
 comme Agent, Patient, Thème, Bénéficiaire, Source seront considérés comme étant du
 domaine de la racine et les termes comme Transitif, Ditransitif, Inergatif, Inaccusatif
 seront attribués au verbe. La racine propose les informations lexicales et le verbe les
 dispose :   Transitif   (Agent,   Patient/Thème) ;   Ditransitif   /   Bitransitif   (Agent,
 Patient/Thème, Bénéficiaire/ Source) ; Inergatif (Argument externe = Agent) ;
 Inaccusatif (Argument externe = Thème).

        Ainsi, à la place d’une arborescence qui instaure les arguments du verbe
 directement dans VP, l’arborescence que nous utiliserons tout au long de ce travail
 dispose les arguments dans le domaine de la racine puisqu’ils appartiennent à
 celle-ci. La racine sera présentée comme une projection √P agençant ses propres
 arguments.



6.   Une organisation commandée non recommandée


        L’organisation de cette thèse est dictée par la nature même du sujet. Nous
 avons consacré un chapitre pour chaque forme verbale et chaque chapitre s’ouvre
 sur un rappel de l’analyse morphophonologique donnée par Guerssel et
 Lowenstamm, puisque l’analyse syntaxique que nous proposons vient la compléter
 et apporter des réponses aux questions que cette dernière a posées. L’inconvénient
 d’une telle disposition, est qu’elle donne un caractère répétitif à l’analyse, dans la
 mesure où la même démarche est adoptée pour chaque forme et que, de surcroit,
 chacune des dix formes possède au moins trois emplois.

        Une organisation alternative à celle pour laquelle nous avons opté, ici, serait
 d’établir des chapitres selon les notions linguistiques, à savoir un chapitre pour le


                                                                                          24
causatif, un autre pour l’intensif, un autre pour le réflexif et un quatrième pour le
réciproque. Cela aurait donné à cette thèse un caractère moins scolaire et moins
technique que ce que donne l’organisation actuelle qui laisse penser à une
démarche de grammaire et non pas de linguistique moderne. Cependant, une telle
organisation aurait apporté des chevauchements dans la mesure où certaines
formes verbales vont appartenir à deux classes différentes. Par exemple, la forme V
qui indique à la fois le réflexif et le causatif va apparaître dans le chapitre ‘causatif’
et dans le chapitre ‘réflexif’, de même, la forme VI qui indique conjointement le
réflexif et le réciproque va figurer dans le chapitre ‘réflexif’ et dans le chapitre
‘réciproque’. Sans oublier qu’une même forme II apparaîtra dans le chapitre sur
l’intensif et dans celui sur le causatif.

       Conscient que des notions telles que forme I, forme II, forme III…etc. font
partie d’une organisation qui a été proposée par la grammaire, une autre
possibilité recommandée aurait été, tout en gardant les dix chapitres, de ne pas
parler de formes mais des notions qu’elles véhiculent. Par exemple, au lieu de
nommer un chapitre ‘forme II’ on aurait pu le nommer ‘forme causative’ et à la
place de ‘forme III’, on aurait pu mettre ‘forme réciproque’…etc. Cependant, comme
vous allez le voir par la suite, l’intensif et le causatif sont indiqués par une même
forme. Par ailleurs, le causatif est indiqué par deux formes différentes. Ajouté à
cela que chaque forme a plusieurs emplois qui ne correspondent pas à des notions
linguistiques claires (intensif, estimatif, etc.) et qui, comme on va le montrer
découle de la structure elle-même. En conséquence, ces emplois n’auraient pas
trouvé leur place dans ce type d’organisation.

       Cette thèse n’a pas pour objectif de montrer comment l’arabe classique
procède pour indiquer telle ou telle notion (comme le causatif ou le réciproque ou
autre), mais de montrer comment une forme verbale, qui est connue pour indiquer
une notion donnée, est formée. Incontestablement, forme et notion sont liées et
c’est en se basant sur la notion qu’indique une forme que l’on va déterminer sa


                                                                                       25
structure syntaxique. Toutefois, tout dépend de l’angle sous lequel on envisage
d’aborder la question. Le point de départ de cette thèse est l’analyse
morphophonologique des dix formes verbales établies par Guerssel et
Lowenstamm, que nous avons voulu motiver par une analyse syntaxique. Notre
objectif est d’étudier chacune de ces formes verbales et montrer que le gabarit qui
la sous-tend est construit en syntaxe.

       Une réorganisation est certes possible mais elle ne l’est qu’une fois que
l’analyse de chaque forme soit établie, l’une indépendamment de l’autre. Pour cette
raison, nous avons été contraints de commencer par faire ce travail de base.

       L’énumération des chapitres ne suivra pas l’ordre de la numérotation :
forme I, forme II, forme III, forme IV...etc. Nous commencerons par la forme I car
c’est la forme simple qui n’a subi aucune dérivation et car sa structure sera
partagée par toutes les autres formes, comme nous allons l’établir. Ensuite, nous
traiterons la forme VIII car elle est tout simplement la version réflexive de la forme
I. D’autres formes entretiennent ce type de rapport. En effet, la forme V est la
forme réflexive de la forme II, la forme VI est la forme réflexive de la forme III et la
forme X est la forme réflexive de la forme IV. Chaque forme sera suivie de sa
version réflexive. Les formes II et IV indiquent toutes les deux le causatif, par
conséquent, elles seront étudiées successivement afin de permettre au lecteur de
se repérer dans l’analyse. L’organisation qui sera adoptée dans cette thèse est la
suivante :
   - Chapitre 1 : Forme I ;
   - Chapitre 2 : Forme VIII ;
   - Chapitre 3 : Forme II ;
   - Chapitre 4 : Forme V ;
   - Chapitre 5 : Forme IV ;
   - Chapitre 6 : Forme X ;
   - Chapitre 7 : Forme III ;
   - Chapitre 8 : Forme VI ;

                                                                                     26
- Chapitre 9 : Forme VII ;
      - Chapitre 10 : Forme IX.

         La forme IX est étudiée en dernier lieu car, comme on le verra par la suite,
 sa structure est assez distincte de celle des neufs autres formes verbales.



7.    Un lecteur avisé en vaut dix


         Nous proposons, ici, d’expliquer la démarche que nous suivrons tout au long
 de cette thèse, afin que le lecteur sache d’emblée comment sera agencé le contenu
 de chaque chapitre.

         Nous avons déjà annoncé qu’un même procédé d’analyse sera suivi dans
 chacun des dix chapitres. Voyons, à présent, en quoi il consiste. Ce qu’il faut savoir
 c’est que chaque forme présente diverses significations. Il y a toujours une
 signification qui correspond au sens pour lequel la forme est la plus connue et qui
 rend compte d’une notion linguistique et, à côté, subsistent d’autres significations
 qu’on appellera « emplois annexes », qui sont de simples tours stylistiques voire
 des effets de sens qui découlent de la structure elle-même ou du sens de la racine.

         Nous commencerons, régulièrement, par examiner l’emploi principal que
 l’on va appeler 'forme canonique’. C’est en se basant sur cet emploi que l’on va
 établir la structure syntaxique de la forme en question.11 Ensuite, nous
 examinerons chacun des emplois annexes pour :

      a. vérifier que cette structure syntaxique couvre tous les emplois de cette
         forme et, de la sorte, montrer que la divergence sémantique ne provient pas
         d’une divergence de structures syntaxiques.



 11Il faut dire qu’avant d’opérer cette ségrégation, nous avons examiné l’ensemble des emplois, pour
 une forme donnée, et avons fait ressortir une structure syntaxique dont la forme canonique s’est
 révélée être le prototype.

                                                                                                 27
b. discerner, justement, la source de ces interprétations sémantiques
       différentes.

       Nous saurons, ainsi, comment des formes qui partagent une même
morphologie et une même structure syntaxique puisse rendre compte de
significations diverses.

       Lors de l’analyse d’une forme canonique complexe (ce sera le cas également
pour les emplois annexes), nous commencerons par présenter quelques exemples.
Aussitôt, et afin de faire surgir la particularité sémantique de la forme examinée,
nous donnerons des exemples avec la forme I correspondante ; la forme I étant la
forme simple. Dans certains cas, et précisément dans les formes verbales qui
manifestent deux variations morphologiques, la comparaison se fera avec une
autre forme complexe qui partage une de ces deux variations, exemple : « ta-
fa33al » qui, à la fois gémine la deuxième consonne et préfixe un morphème « t »
sera comparée à la forme II « fa33al » qui gémine la deuxième consonne de la
racine. Signalons que dans les cas où une forme verbale a un emploi dénominatif,
elle sera comparée à une forme nominale.

       Ensuite, nous procéderons à une analyse des propriétés sémantiques et
syntaxiques de la forme verbale. Cette analyse prend en compte deux aspects : le
nombre des arguments que manifeste le verbe -comparé à ceux de la racine- et
l’apport sémantique. En effet, hormis la forme I qui n’apporte aucun changement
au sens de la racine (ce qui lui a valu le statut de ‘base de dérivation’), chacune des
formes verbales contient, en plus du sens de la racine, un sens qui lui est attribuée
par sa structure. Saisir l’apport sémantique reste le moyen incontournable pour
déterminer les projections qui sélectionnent la racine et découvrir, ainsi, la
structure qui engendre la forme examinée.

       Une fois la structure syntaxique dévoilée, sous forme d’une représentation
arborescente qui révèle la structure de la racine et les projections qui la


                                                                                    28
sélectionnent, nous exposerons les différentes étapes que franchit une forme
 verbale pour son exécution. Il s’agira des mouvements syntaxiques qui se
 succèdent pour générer la forme en question ; ce qu’on va appeler « procédure de
 formation » ou « exécution ».

        Pour clore chacun des chapitres, nous terminerons par montrer la manière
 dont la structure syntaxique et les mouvements opérés vont, respectivement,
 déterminer le nombre de positions CV et le mode d’association des éléments au
 gabarit.



8.   Le label des formes verbales examinées


        Afin d’avoir un aperçu des études faites jusqu’ici par les grammairiens
 arabes et arabisants, nous avons choisi un représentant de chaque partie :
 Sibawayh (8es [1938]), l’un des premiers fondateurs de la grammaire arabe et
 Wright (1896), l’un des grammairiens arabisants les plus cités et des plus
 consultés. Les différentes significations que dénotent chacune de ces formes
 verbales ont été discutées par ces deux auteurs. À signaler qu’ils ne donnent pas
 toujours les mêmes significations, d’où l’intérêt de comparer les données de
 chacun d’eux.

        Dans cette thèse, ne sera pas procédé à une étude du corpus suite à laquelle
 seront découverts les différents emplois et significations de chacune des dix
 formes verbales. Cette tâche a déjà été effectuée par les grammairiens. En effet, les
 différentes significations de chaque forme verbale sont déjà répertoriées et une
 simple lecture d’une grammaire de l’arabe permet de les identifier. Notre travail
 consistera à trouver la structure syntaxique de ces formes et à outrepasser cette
 floraison sémantique pour trouver, pour chaque forme, une certaine régularité.

        Ainsi, les exemples des formes verbales qui sont cités dans cette thèse sont
 pris soit chez Sibawayh ou chez Wright. Etant arabophone, nous avons pris le soin
                                                                                   29
de les mettre dans des phrases, aussi simples que possible. Ce que nous
 considérerons comme l’emploi canonique d’une forme verbale c’est l’emploi que
 nous avons trouvé en tête de liste chez ces deux grammairiens. C’est également
 celui que l’on retrouve, en général, dans les écrits qui mentionnent les dix formes
 verbales de l’arabe classique et qui ne font pas toujours allusion aux emplois
 annexes.

        Nous avons tenu à prendre en considération tous les emplois répertoriés
 pour chacune de ces formes chez les deux grammairiens cités précédemment, car
 c’est le seul moyen de garantir nos résultats. Certes, cela rend le travail plus
 compliqué car devant une diversité d’emplois pour une forme donnée, il n’est pas
 aisé, de prime abord, de discerner la structure syntaxique qui pourrait en rendre
 compte. Néanmoins, l’hypothèse que nous avons émise concernant le statut de la
 racine, à savoir qu’elle constitue un domaine et qu’elle peut avoir trois structures
 différentes selon le nombre d’arguments qu’elle projette et leur position, nous a
 permis d’entreprendre cette tâche. En effet, nous n’avions pas seulement le sens de
 la racine pour justifier la diversité sémantique d’une forme donnée, nous
 disposions également de la structure de la racine. Sans cette hypothèse, notre
 travail n’aurait pas abouti.



9.   Un peu de théorie pour faciliter la lecture


        Afin de permettre au lecteur de suivre notre analyse, nous proposons de faire un
 rappel de quelques principes d’ordre théorique. Le travail que nous entreprenons, se
 situant à l’interaction de plusieurs domaines de la linguistique, enchevêtre des éléments
 morphophonologiques à d’autres d’ordre syntaxique. Il s’ensuit une modification de la
 considération de chacun de ces domaines quoiqu’en principe chacun garde ses
 spécificités. Nous présenterons, ici, d’une manière sommaire, quelques principes de la
 théorie morphophonologique ainsi que de la théorie syntaxique dont sera fait usage dans
 ce travail.

                                                                                       30
9.1. Quelques notions de phonologie


9.1.1. L’hypothèse « CVCV »

         Le cadre de la phonologie du gouvernement adopte l’hypothèse CVCV.12 Le
niveau squelettal consiste en une alternance systématique de positions C et de
positions V. Dans ce cadre théorique la seule syllabe possible est CV ou C est une
attaque et V est le noyau. Ce type de syllabe ne possède pas de coda.

         Les types de syllabes traditionnellement reconnues se récriront alors de la
manière suivante :

(15)     a. Syllabe ouverte               b . Syllabe fermée
                C V                            C V C V
                | |                            | | |
                l a                             l a n

         Dans ce cadre, proposé par Lowenstamm (1996), la représentation d’une
voyelle longue est la suivante :

(16)     CVCV
             /
             a

         La représentation d’une géminée est la suivante :

(17)     CVCV
           /
           t

         Et enfin la représentation d’une voyelle courte est la suivante :

(18)     CV
           
           a




12   Lowenstamm (1996)

                                                                                 31
L’hypothèse CVCV permet, entre autres, d’unifier la représentation des
verbes appartenant à un même paradigme. Soit les quatre verbes suivant au
perfectif :

(19)        kataba         jaraa      maala           madda
            cvcvcv         cvcvv      cvvcv           cvccv

       Avec l’hypothèse CVCV, ces quatre verbes auront exactement le même
gabarit :

(20)        k t b        j r          m       l       m    d
             |   | |    | |           |       |        |   /
            CVCVCV      CVCVCV        CVCVCV          CVCVCV
             | | |       | /           / |           |   |
             a a a       a a            a  a           a   a

       La présence de positions vides devra toujours répondre aux critères du
Principe des Catégories Vides. Selon ce principe, une position V peut rester vide,
c’est-à-dire non interprétée phonétiquement, si et seulement si elle est
proprement gouvernée.


9.1.2. Principe du Gouvernement Propre

       Une position V1 gouverne proprement une position V2 si et seulement si V1
n’est pas vide, V1 et V2 sont adjacentes (séparées par une seule position C) et V2
est à gauche de V1 (le gouvernement agit uniquement de droite à gauche). Par
exemple, la géminée dans « madda » peut se réaliser uniquement si le noyau vide
entre les deux parties de la géminée est proprement gouverné par la voyelle qui
suit, comme indiquée dans le schéma ci-dessous en (21)a. La structure en (21)b est
exclue par l’absence de Gouvernement Propre :




                                                                               32
(21)       a.    CVCVCV                 b. * C V C V C V
                | |  / |                   | |  /
                ma d a                      ma d ø


9.1.3. Principe du Contour Obligatoire

          Le Principe du Contour Obligatoire (PCO) a été développé initialement par
Leben (1973) pour la phonologie tonale et repris ensuite par Goldsmith (1976). Ce
principe interdit l’adjacence de deux éléments identiques sur un même niveau
autosegmental. Une telle suite est remplacée par un segment simple doublement
lié.


9.1.4. L’apophonie

          L’apophonie est « un phénomène de modification du timbre d’une voyelle,
indépendant de toute forme de conditionnement et exploité à des fins
grammaticales ».13 Le chemin apophonique présenté dans le système verbal de
l’arabe (Guerssel &Lowenstamm 1993), dans les pluriels brisés du Geez (Ségéral
1995) ou dans les langues germaniques (Scheer et Ségéral 1995) est :

                            ∅ ⇒ i ⇒ a ⇒ u ⇒ u.

          Ainsi :
          -     « i » est le correspondant apophonique de « ∅ »
          -     « a » est le correspondant apophonique de « i »
          -     « u » est le correspondant apophonique de « a »
          -     « u » est le correspondant apophonique de « u »




13   Ségéral (1995)


                                                                                33
9.1.5. Système vocalique de l’arabe classique

       Le système vocalique de l’arabe classique est constitué de trois voyelles
périphériques : « i », « a » et « u » :


                          i                   u




                                          a


9.2. Quelques notions de syntaxe

       Passons maintenant à la théorie syntaxique. L’analyse syntaxique à laquelle
nous procédons s’inscrit de manière très large dans le cadre de la Grammaire
Générative. Nous proposons de faire, ici, un rappel de quelques préceptes dont
nous avons fait usage dans cette analyse.


9.2.1. La Théorie X-barre

       La théorie X-barre donne un formalisme qui permet de dégager de façon
claire et simple les relations de dépendance structurale qui existent entre des
éléments à l’intérieur du syntagme. Ce module de la Grammaire Générative rend
compte de l’architecture interne des syntagmes. Selon cette théorie, tout syntagme
est la projection maximale d’une tête. On désigne cette projection maximale par XP
(x étant une variable pouvant prendre la valeur N(om), V(erbe), Adj(ectif),
Adv(erbe), P(réposition), etc.

       Soit la variable x, un constituant de niveau zéro ; en lui associant un
Complément, ce constituant se projette au niveau intermédiaire (ou niveau 1)
appelé X’ ou X-barre ; ce constituant de niveau 1 associé à un Spécifieur éventuel
atteint le niveau de la projection maximale appelée XP. Soit le schéma :


                                                                               34
XP
(22)
                                  X’
                Spécifieur

                             X         Complément


       Il existe une relation structurale précise entre le Spécifieur et les autres
éléments dans la projection : le Spécifieur a une sorte de ‘portée’ sur tous les
autres éléments de la projection ; même chose entre la tête et le Complément.


9.2.2. La Thêta-Théorie

       La Thêta-Théorie explique les relations sémantiques qui s’établissent entre
les constituants arguments et leur tête. La tête assigne un rôle sémantique appelé
ɵ-rôle à son ou ses arguments. Les rôles assignés par une tête font partie des
informations données dans le lexique en rapport avec l’item lexical. Cette théorie
repose sur une condition de bi-univocité entre NP et rôles sémantiques, le ɵ-critère
qui stipule que Tout NP argument doit porter un et un seul rôle sémantique et que
chaque rôle sémantique doit être assigné à un et un seul NP argument.


9.2.3. La Théorie du Liage

       Ce module régit les relations structurales entre les Anaphores (Réfléchis et
Réciproques), les Pronoms (les Pronominaux) et leurs antécédents dans la phrase.
Les principes de la théorie du Liage ont été formulés par Chomsky comme suit :

       Principe A :    Les anaphores doivent être liées dans leur domaine de liage

       Principe B :    Les pronoms doivent être libres dans leur domaine de liage

       Principe C :    Les expressions-R doivent être libres




                                                                                 35
Ainsi, les Anaphores sont soumises à une coréférence obligatoire dans un
domaine syntaxique défini appelé Catégorie gouvernante. Les Pronoms sont libres
de toute coréférence dans leur Catégorie gouvernante. Les Expressions
Référentielles (constituées de mots sémantiquement autonomes) sont libres
partout. Chomsky propose plusieurs définitions du domaine local pertinent pour A
et B ; on peut donner la suivante :

      « La Catégorie Gouvernante [CG] d’une Anaphore ou d’un Pronom α est la
plus petite catégorie syntaxique β contenant α, son gouverneur et un SUJET. »

      La notion de Gouvernement peut être comprise comme la relation
qu’entretient une tête avec son complément :

      « α gouverne β ssi α m-commande β et qu’aucune barrière n’intervient entre α et
        β»

      Le Liage se définit lui-même comme une relation de coindexation entre deux
constituants dont l’un c-commande l’autre :

      « α c-commande β ssi le premier nœud branchant ϒ dominant α domine
        aussi (directement ou non) β »


9.2.4. Une syntaxe simple pour une morphologie complexe

      L’analyse syntaxique des dix formes verbales de l’arabe Classique, n’a pas
nécessité un mécanisme complexe. Nous avons utilisé les projections de base
qu’offre la syntaxe, à savoir VP, vP, AspectP et AgreementP. A part, proposer une
projection P, nous n’avons pas eu besoin de modi ier les projections existantes ou
d’user d’autres plus complexes. Toutes ces formes verbales on été générées par
une opération simple, il s’agit du mouvement de tête à tête. Ce mouvement
consiste tout simplement à déplacer la tête d’une projection maximale XP dans la
tête d’une autre projection maximale YP, ce qui aura comme conséquence de

                                                                                  36
placer la première tête X à gauche de la deuxième tête Y ; dans la position initiale
de X reste une trace de ce dernier, notée (t X) mais que nous avons noté tout au
long de la thèse en grisant l’élément déplacé :

(23)                         YP

                Spécifieur            Y’

                         X Y                   XP

                                  Spécifieur        X’


                                               tX        Complément


       Pour certaines formes, nous ferons appel à une deuxième opération, il s’agit
de la fusion. La fusion permet de combiner deux objets différents de façon à en
créer un seul. Elle s’opère entre une tête et son Complément [X-Complément] ou
entre une tête et son Spécifieur [Spécifieur-X]. Dans une proposition comme : [Le
garçon [a mangé][une pomme]]. La fusion [Tête-Complément] associe le verbe
[manger] à son Complément [une pomme] de façon à avoir : [manger une pomme].
La fusion [Spécifieur-Tête] associe le sujet [le garçon] au verbe [manger] de façon à
avoir [le garçon mange la pomme]. C’est l’opération qui permet de créer des
syntagmes et pare la suite, des propositions.

       Dans   l’étude   de    certaines        formes    verbales,    cette   opération   est
morphologiquement visible et ce, dans les cas où les arguments en position
Spécifieur ou Complément se réalisent sous forme d’un pronom faible qui ne peut
pas exister à l’état libre. En effet, dans ces cas-là, le morphème en question se
réalise attaché au verbe qui est la tête de la projection maximale qui l’inclut. Selon
que ce morphème est en position Spécifieur ou Complément, sa position dans la
forme verbale sera différente.




                                                                                          37
CHAPITRE 1


                                             ANALYSE DE LA FORME I « fa3al »




1.    Introduction


         La forme I est la forme verbale simple qui ne contient aucun augment. Elle
 se contente de réaliser les trois consonnes de la racine et de les inclure dans une
 structure verbale. On l’a souvent considérée comme étant la forme de base des
 autres dérivations et on a toujours étudié les autres formes par rapport à elle.14 La
 forme I, n’ajoute aucun trait sémantique à la racine, elle garde le même sens que


 14On considère que toutes les formes verbales sont dérivées de la forme I et ce en ajoutant un
 préfixe ou un infixe. De la sorte, la forme I était considérée comme base de la dérivation
 morphologique.

                                                                                            38
celle-ci et ne fait que donner une projection verbale, lui permettant ainsi de se
 réaliser comme verbe et de répartir ses arguments.15

         La forme I a une particularité qui la distingue des autres formes verbales ;
 en dehors du fait qu’elle est simple et qu’elle ne contient aucun augment la
 conduisant à changer les traits sémantiques ou les propriétés syntaxiques de la
 racine. Il s’agit de la voyelle qu’elle réalise en position V2, dite voyelle lexicale.



2.    Que peut-on dire sur la voyelle lexicale ?


         La voyelle lexicale apparaît exclusivement dans la forme I de l’actif. En effet,
 ni les neufs formes verbales restantes, ni la forme I du passif ne réalisent cette
 voyelle. La voyelle lexicale, en V2, peut être soit un « i » ou un « a » ou enfin un
 « u » ; ce sont là les seules voyelles que possède le système vocalique de l’arabe
 classique. On considère que la voyelle lexicale se trouve dans la racine et on la
 représente entre parenthèses : √ktb(a), √lbs(i), √kbr(u).

         Néanmoins, si l’on place la voyelle lexicale dans la racine, il faudra expliquer
 la raison pour laquelle la forme I du passif et les neufs autres formes verbales de
 l’arabe classique, qui utilisent soit le CV dérivationnel soit le CV préfixal soit les
 deux à la fois, ne contiennent pas cette voyelle.

         En effet, sachant que le passif est dérivé par apophonie de l’actif, on
 s’attendrait à avoir la forme « *kutub », partant de la forme de l’actif « katab », avec
 un simple changement du timbre de la mélodie vocalique : « a → u ». Pourtant, ce
 n’est pas la forme attestée dans l’arabe classique : la forme du passif est « kutib ».
 Vu la mélodie vocalique de la forme du passif « u__i », on en déduit que la mélodie




 15Contrairement à ce que fait la forme II en ajoutant un sens « intensif » ou la forme IV en ajoutant
 un sens « causatif » ou encore la forme III « en ajoutant un sens « réciproque »…etc.

                                                                                                   39
du départ de la dérivation est « a__ø» (katøb) et non pas « a_a » (katab). La chose a
été établie par Guerssel et Lowenstamm (1993,1996).

       Le fait que la voyelle lexicale ne se maintient pas dans la forme I au passif
est la preuve que cette voyelle ne se trouve pas dans le domaine de la racine. De
même, le fait que cette voyelle ne se réalise pas non plus dans les autres neufs
formes de l’actif indique que la voyelle lexicale ne fait pas partie de la structure
syntaxique de l’actif.

       Qui plus est, il existe des formes verbales, et elles sont nombreuses, qui ne
réalisent pas la voyelle lexicale à la forme I de l’actif, ce qui signifie que cette
dernière ne fait pas partie de la syntaxe d’une forme I. Ces formes verbales se
contentent de mettre une voyelle « a » copie de la voyelle en V1 à la position V2. On
le sait car les formes de l’imperfectif laissent apparaître une voyelle « i », comme
on peut le voir dans la liste suivante :

(24)   Perfectif             Imperfectif
        - Darab              ya-Drib       (frapper)
        - Hamal              ya-Hmil       (porter)
        - saraq              ya-sriq       (voler)

       Si l’on peut avoir un nombre de verbes à la forme I sans voyelle lexicale, cela
n’empêche pas que d’autres verbes, quant à eux, réalisent cette voyelle sous ces
trois timbres : « i », « a » et « u ». La structure argumentale d’un verbe contenant
une voyelle « i » peut être identique à celle d’un verbe contenant la voyelle «a »
comme elle peut être identique à celle d’un verbe contenant la voyelle « u ». En
effet, un verbe en « i » peut avoir deux arguments pareillement qu’un verbe en « a »
de même, il peut avoir un seul argument pareillement qu’un verbe en « u ».

       De ce fait, le choix du timbre de la voyelle lexicale ne dépend pas de la
structure syntaxique. La différence entre les verbes réalisant la voyelle lexicale « i »
et les verbes réalisant la voyelle « a » ou la voyelle « u » est d’ordre sémantique. Les
verbes en « a » affectent l’objet alors que les verbes en « i » et en « u » affectent le

                                                                                     40
sujet ; la différence entre les verbes en « i » et les verbes en « u » est que les
 premiers affectent le sujet temporairement alors que les seconds affectent le sujet
 d’une manière permanente. De la sorte, lorsqu’un verbe a une structure simple, il a
 la possibilité d’insérer une voyelle lexicale en V2. Selon que le verbe affecte son
 objet ou selon qu’il affecte son sujet, d’une manière contingente ou permanente, la
 voyelle lexicale insérée sera « i » ou « a » ou « u ».

        La voyelle lexicale est entièrement différente des morphèmes du passif et du
 causatif, entre autres, vu que ces derniers modifient les arguments du verbe alors
 que la voyelle lexicale n’apporte aucun changement quant aux arguments ni même
 au sens du verbe. La voyelle lexicale est l’élément qui reflète la structure du verbe
 simple à l’actif : verbe simple par rapport au verbe contenant une position CV en
 plus et verbe à l’actif par opposition au verbe au passif.

        Etant donné que l’étude que nous proposons s’intéresse à la structure
 syntaxique des dix formes verbales et qu’il sévère que la voyelle lexicale n’en fait
 pas partie, nous ne proposons pas ici de résoudre le problème de savoir à quel
 niveau elle intervient. Nous nous sommes contentés de donner quelques
 arguments établissant qu’elle ne fait pas partie de la structure syntaxique de la
 forme I et qu’elle est insérée bien tardivement.



3.   Que représente réellement la racine ?


        La racine contient un nombre de traits sémantiques incluant des éléments
 tels que « objet », « qualité », « action », « état »…etc. Vu que notre étude porte
 uniquement sur les formes verbales, nous ne nous intéressons qu’aux racines dont
 la composition sémantique est celle d’un verbe. Les racines sémantiquement
 verbales contiennent des traits tels que « action », « état » ainsi que les participants
 à l’événement dénoté par la racine.



                                                                                      41
Ce contenu sémantique se reflète dans la structure de la racine voire de √P.
En effet, selon le nombre des arguments que renferme une racine et selon le rôle
thématique de chacun d’eux, l’architecture de √P sera différente. Trois structures
sont à dénombrer.

       Une racine telle que √ktb dont la matrice se présente de la façon suivante :

(25)            √ktb
                Ecrire
                Action
                 Agent (+humain)
                 Thème (-humain)

       Aura la structure suivante :

                          √P
(26)

             Argument 1          √’
               (Agent)
                                      Argument 2
                          √ktb         (Thème)

       L’argument « Agent » prend la position Spécifieur et l’argument « But »
prend la position Complément. Les racines qui ont deux arguments auront toutes
cette même structure. La position Spécifieur sera remplie par l’argument qui fait
l’action ou qui est la source de l’action que ce soit un « Agent » ou un « Thème » et
la position Complément sera remplie par l’argument qui subit l’action ou qui est
directement affectée par l’action que ce soit un « Patient » ou un « But ».

       Ce même ordre sera conservé lorsque √P est sélectionnée par un VP qui
permettra de donner à l’argument en position Spécifieur la fonction Syntaxique
Sujet et à l’argument en position Complément la fonction Complément d’objet
respectant ainsi la relation entre fonction syntaxique et rôle thématique.




                                                                                      42
Une racine telle que √xrj dont la matrice est :

(27)             √xrj
                 Sortir
                  Action
                  Thème (+animé/-animé)

       Aura la structure suivante :

(28)                         √P

                  Argument          √xrj
                   (Thème)

       Le seul argument que comporte la racine a le rôle thématique « Thème » et il
occupe donc la position Spécifieur de √P. Ce sera le cas pour toutes les racines qui
ont un seul argument dont le rôle thématique est « Agent » ou « Thème ». Ce genre
de racine donne à la forme I, une fois sélectionnée par VP, des verbes intransitifs
ou inaccusatifs tels que « sortir » mais aussi « tomber ». L’argument « Agent » ou
« Thème » occupera, une fois √P sélectionné par VP, la position Spécifieur de VP et
aura, par la suite, la fonction Sujet.

       Une racine telle que √ksr dont la matrice est :

(29)              √ksr
                  Casser
                  Expérience
                  Patient (-humain)

       Aura la structure suivante :

                               √P

(30)
                                    Argument
                      √ksr           (Patient)




                                                                                 43
Le seul argument que détient cette racine a le rôle thématique « Patient » et
il occupe donc la position Complément de √P. Ce sera le cas pour toutes les racines
dont le seul argument a le rôle thématique « Patient ». Cet argument, une fois √P
sélectionnée par VP, gardera sa position de Complément et aura la fonction
Complément d’objet. Il ne prendra pas la position Spécifieur de VP et ne sera pas le
Sujet dans une forme I « kasar » : « *kasar al-ka?s ». Il est intéressant de signaler
que ce genre de racines est le seul qui peut avoir une forme VII « n-fa3al » ; ce qui
permet de les distinguer des racines à un seul argument du type « √xrj ». De
surcroit, ces racines lorsqu’elles font une forme II, celle-ci dénote toujours
l’intensif et jamais le causatif comme c’est le cas pour les autres formes II.

       Ainsi, lorsqu’une racine détient un seul argument, ce qui détermine si cet
argument prend la position Spécifieur ou Complément c’est son rôle thématique.
La différence entre la structure en (28) et en (30) provient de la différence entre
l’argument que détient une racine telle que √xrj et celui que détient une racine telle
que √ksr. Dans le premier cas, l’argument est celui qui fait l’action et a le rôle
thématique « Thème » alors que dans le deuxième cas l’argument est celui qui subit
l’action et a le rôle thématique « Patient ». De ce fait, dans (28) l’argument prend la
position Spécifieur (cet argument aura par la suite la fonction Sujet du verbe de la
forme I) alors que dans (30) l’argument prend la position Complément (cet
argument aura par la suite la fonction Complément d’objet du verbe de la forme I).

       Si l’on admet aisément qu’une racine puisse avoir un seul argument quand
ce dernier a le rôle thématique « Agent » ou « Thème » dans la mesure où une
action ne nécessite pas obligatoirement la participation d’un autre argument, le cas
d’une racine dont le seul argument a le rôle thématique « Patient » nécessite une
explication. En effet, ce qui dit « Patient » dit un argument qui subit une action faite
par un autre argument. D’ailleurs à la forme I, le verbe « kasar » laisse apparaître
un sujet « Agent » : « 3ali kasar al-ka?s » (3ali a cassé le verre).



                                                                                     44
Considérer que la racine √ksr ne contient dans sa grille thématique que
 l’argument « Patient » et que l’argument « Agent » est ajouté par une autre
 projection est dicté par la relation qu’entretient ce dernier avec l’événement
 dénoté par la racine. L’argument « Agent » qui apparaît dans une proposition telle
 que: « 3ali kasar al-ka?s » (3ali a cassé le verre) et qui assure la fonction Sujet, ici
 « 3ali », fait une action autre que « casser ». En effet, ce que fait le sujet est une
 action du type « jeter », « laisser tomber », « taper »…etc., dont résulte l’événement
 « casser ». C’est l’argument qui prend la position Complément, ici « ka?s », qui est
 concerné par cet événement ; le français permet de rendre compte de ce sens et
 admet une proposition du type : « le verre casse ».

         Par ceci, la racine √ksr se distingue d’une racine telle que √ktb qui, elle,
 détient dans sa grille thématique et l’argument « Agent » et l’argument « Patient ».
 En effet, dans la proposition avec le verbe à la forme I « katab » : « 3ali kataba
 risaalat-an » (3ali a écrit une lettre), l’argument « 3ali » fait l’action « écrire » et est
 donc concerné par l’événement dénoté par la racine.



4.    Que contient le domaine VP ?


         En dehors de la voyelle lexicale qui est insérée tardivement, la forme I
 « fa3al » contient uniquement la racine et la projection VP qui permet de réaliser
 un verbe.16

         On considère communément que la projection VP est constituée d’une tête V
 qui renferme un verbe, d’un Spécifieur qui renferme un argument dont le rôle
 thématique est « Agent » ou « Thème » et dont la fonction syntaxique est Sujet puis
 d’un Complément qui renferme un argument dont le rôle thématique est
 « Patient » et dont la fonction syntaxique est Objet. La tête V de VP comporte un


 16 Bien entendu la forme I aura des projections d’Aspect et d’Accord mais ici nous parlons
 seulement du niveau le plus bas de la structure syntaxique.

                                                                                          45
verbe sous forme de radical pour les langues romanes et sous forme de racine pour
les langues sémitiques.

       Avec l’hypothèse qui stipule qu’une racine vient avec ses arguments, la grille
thématique qu’on attribuait au verbe devient l’affaire de la racine et la projection
VP se voit ôter ses constituants. En effet, la racine ainsi que les arguments
prennent place non pas dans la projection VP mais dans la projection √P :

(31)                         √P

                                    √’
                Argument 1

                             √f3l        Argument 2


       Le domaine √P contient la racine et ses arguments. La racine occupe la
position tête et les arguments, selon leurs traits sémantiques et le rôle thématique
qu’ils peuvent revêtir, occupent soit la position Spécifieur ou la position
Complément de √P. De la sorte, ce qui constitue la partie lexicale d’un verbe est
dorénavant accordé à √P et non plus à VP. Par conséquent, la notion de tête lexicale
qu’on attribuait à V n’est plus valable et c’est la tête √ qui assume à présent ce rôle.

       Privé de sa propriété d’être une tête lexicale, V ne peut que devenir une tête
fonctionnelle. A vrai dire, malgré le fait qu’on considérait la tête V comme étant
une tête lexicale, elle n’en était pas moins un élément qui assumait quelques
fonctions syntaxiques telles qu’assigner l’accusatif. De ce fait, VP joignait à la fois
des propriétés syntaxiques et des propriétés lexicales du verbe.

       Avec l’hypothèse d’une racine qui projette ses propres arguments, celle-ci
prend en charge le côté lexical du verbe et laisse à VP le côté fonctionnel. Ainsi, la
tête de VP devient fonctionnelle et se doit de contenir un élément qui constitue une
marque verbale et qui peut structurer les arguments de la racine.




                                                                                      46
Certes, la racine organise ses propres arguments et en place un dans la
position Spécifieur de √P et l’autre dans la position Complément de √P mais cette
répartition est basée sur le rôle thématique de chacun. Ce n’est que lorsque la
racine est sélectionnée par VP qu’elle reçoit ainsi que ces arguments une fonction
syntaxique. En montant dans la position V, la racine acquiert le trait syntaxique
[+verbe]. L’argument de la racine qui occupe la position Spécifieur de √P se
déplace dans la position Spécifieur de VP puis se déplacera dans la position
Spécifieur de IP, ce qui lui donnera le cas nominatif et la fonction Sujet. L’argument
qui occupe la position Complément de √P reste dans sa position de Complément
par rapport à V, ce qui lui attribue le cas accusatif et la fonction Complément
d’objet :
                          VP
(32)
            Argument 1              V’
                            V
                         [CV]            √P
                           a
                                Argument 1      √’


                                         √f3l        Argument 2


        En tant que tête fonctionnelle, V disposera d’une position CV et si l’on
observe les formes verbales, on voit qu’elles réalisent toutes une voyelle « a » en
V1.17 Cette voyelle a été considérée tantôt comme une voyelle du perfectif tantôt
comme une voyelle de l’actif et ce, parce qu’elle servait de voyelle de départ pour la
dérivation de l’imperfectif et du passif. En effet, chacun du passif et de l’imperfectif
contenait une voyelle obtenue par apophonie à partir de la voyelle « a ». A signaler
que certaines formes de l’imperfectif ne répondaient pas à cette généralisation et



17 Rucart (2006), dans son étude de la flexion verbale en afar, avait proposé que toute tête
fonctionnelle corresponde à une seule unité [CV]. Pour V, il considère que c’est une tête lexicale qui
inclut une position [CV] plus le gabarit de base [CVCVCV]. Dans notre analyse, la racine n’est pas un
nœud terminal de V, elle a sa propre projection. De ce fait, V fonctionne comme une tête
fonctionnelle et disposera d’une seule unité [CV]. Par ailleurs, la racine est une tête lexicale qui ne
dispose pas de positions CV. Ces dernières ne sont générées que dans des têtes syntaxiques et
apportent le gabarit auquel s’associent les éléments lexicaux.

                                                                                                    47
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Les 10 formes du verbe

  • 1. UNIVERSITE PARIS 7 - DIDEROT UFR Linguistique Thèse de Doctorat en Linguistique Théorique, Descriptive et Automatique Présentée par Nor elhouda ARBAOUI LES DIX FORMES DE L’ARABE CLASSIQUE A L’INTERFACE SYNTAXE / PNONOLOGIE -POUR UNE DECONSTRUCTION DU GABARIT- Dirigée par Jean LOWENSTAMM Soutenue le 07 décembre 2010 Membres du jury Sabrina BENDJABALLAH Université Paris 7_CNRS Ali IDRISSI Université Emirats Arabes Unis (pré-rapporteur) Alain KIHM Université Paris 7_CNRS Jean LOWENSTAMM Université Paris 7-CNRS (directeur) Jamal OUHALLA Université Dublin (pré-rapporteur)
  • 2. A la mémoire de mon père A ma mère 2
  • 3. J’ai un mot à dire… On dit chez moi (au Maroc) : « lli 3ellm-ek melk-ek » (à celui qui t’as enseigné quelque chose, tu seras redevable toute la vie). Il me faudra au moins sept vies pour m’acquitter de ma dette envers mon directeur de recherche. Jean Lowenstamm m’a initiée à la recherche et m’a transmis la passion d’interroger les données et d’observer les mots sans relâche, jusqu’à ce qu’ils révèlent leur secrets. Quand vous travaillez avec quelqu’un qui a l’esprit ouvert et qui est toujours en quête de nouvelles découvertes, vous apprenez à débroussailler votre propre chemin et à ne pas toujours suivre les sentiers battus. Certes l’aventure est périlleuse car on ne sait jamais ce qu’on va trouver, et surtout, si on va trouver quelques chose, mais la joie de voir à la fin ce qu’on a pu accomplir, nous fait oublier les tourments du voyage. Rien de ce que je pourrais dire, ne saurait exprimer combien je suis redevable à Jean Lowenstamm pour m’avoir accompagné tout au long de cette aventure, qui a été interminable, parce que j’avais commencé par travailler sur la morpho- phonologie du berbère, puis sur le pluriel de l’arabe classique et après sur les participes de l’arabe classique. J’ai mis du temps avant de trouver ma voie, et aujourd’hui, je suis enchantée de voir que le travail que j’ai achevé, porte sur les formes verbales de l’arabe classique. A vrai dire, la première fois que j’ai assisté au séminaire de Jean Lowenstamm, où il parlait de sa théorie élaborée avec Guerssel sur le gabarit, j’ai été tout de suite fascinée. Ma joie est immense d’avoir pu accomplir un travail qui complète cette théorie, mais surtout, de l’avoir fait en collaboration avec l’un de ses fondateurs même. Je voudrais remercier jean Lowenstamm, aussi, pour ces qualités humaines, car non seulement il s’est occupé de ma formation scientifique, mais il m’a beaucoup soutenue dans les démarches administratives qui encombrent l’étudiant étranger en France. Pour tout cela, je lui dis un grand MERCI et je réserve la première page de cette thèse pour lui exprimer ma plus grande reconnaissance et mon plus grand respect. 3
  • 4. Notations q : occlusive uvulaire. ? : occlusive glottale. T : occlusive dentale emphatique sourde. D : occlusive dentale emphatique sonore. θ : fricative dentale sourde. S : fricative alvéolaire emphatique. š : fricative post-alvéolaire sourde. j : fricative post-alvéolaire sonore. x : fricative vélaire sourde H : fricative pharyngale sourde. 3 : fricative pharyngale sonore. 4
  • 5. Table des matières J’ai un mot à dire… .......................................................................................................... 3 Notations ........................................................................................................................... 4 INTRODUCTION ............................................................................................................. 9 1. Les dix formes verbales : En quoi consistent-elles ? ................................................. 10 2. Les dix formes verbales : comment sont-elles formées ? .......................................... 13 3. La déconstruction du gabarit ...................................................................................... 16 4. La forme verbale : une affaire de syntaxe .................................................................. 18 5. La Racine : pour un rôle prépondérant ...................................................................... 20 6. Une organisation commandée non recommandée ..................................................... 24 7. Un lecteur avisé en vaut dix ....................................................................................... 27 8. Le label des formes verbales examinées .................................................................... 29 9. Un peu de théorie pour faciliter la lecture ................................................................. 30 9.1. Quelques notions de phonologie ......................................................................... 31 9.1.1. L’hypothèse « CVCV » ............................................................................... 31 9.1.2. Principe du Gouvernement Propre............................................................... 32 9.1.3. Principe du Contour Obligatoire .................................................................. 33 9.1.4. L’apophonie ................................................................................................. 33 9.1.5. Système vocalique de l’arabe classique ....................................................... 34 9.2. Quelques notions de syntaxe............................................................................... 34 9.2.1. La Théorie X-barre ...................................................................................... 34 9.2.2. La Thêta-Théorie ......................................................................................... 35 9.2.3. La Théorie du Liage ..................................................................................... 35 9.2.4. Une syntaxe simple pour une morphologie complexe ................................. 36 CHAPITRE 1 ANALYSE DE LA FORME I « fa3al » ........................................................................... 38 1. Introduction ................................................................................................................ 38 2. Que peut-on dire sur la voyelle lexicale ? .................................................................. 39 3. Que représente réellement la racine ? ........................................................................ 41 4. Que contient le domaine VP ? ................................................................................... 45 5. À propos de la voix active ......................................................................................... 48 6. À propos de la voix passive ....................................................................................... 49 7. Comment obtient-on une forme I ? ............................................................................ 53 8. Conclusion ................................................................................................................. 58 CHAPITRE 2 ANALYSE DE LA FORME VIII « fta3al » .................................................................... 60 1. Introduction ................................................................................................................ 60 2. Quel gabarit pour la forme VIII ? .............................................................................. 61 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme VIII ....................................... 62 3.1. Le réflexif, point de départ de l’analyse de la forme VIII .................................. 63 3.1.1. Le morphème « t », quel statut et quelle place ?.......................................... 65 3.1.2. Comment le morphème « t » s’est-il retrouvé en position infixale ? ........... 72 5
  • 6. 3.2. Un morphème du réflexif et des formes non-réflexives ..................................... 75 3.2.1. Le réciproque, un réflexif avec un plus ....................................................... 76 3.2.2. Le passif, un réflexif avec un moins ............................................................ 79 4. Conclusion ................................................................................................................. 83 CHAPITRE 3 ANALYSE DE LA FORME II « fa33al » ....................................................................... 84 1. Introduction ................................................................................................................ 84 2. Quel gabarit pour la forme II ? .................................................................................. 86 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme II ........................................... 86 3.1. Le causatif, point de départ pour l’analyse de la forme II .................................. 87 3.1.1. L’entrée en scène d’une nouvelle projection : vP ........................................ 88 3.1.2. Comment produire une forme qui gémine la deuxième consonne de la racine ? .................................................................................................................... 94 3.2. Intensif et causatif, deux réalités grammaticales distinctes sous le même habit prosodique................................................................................................................... 99 3.2.1. L’intensif, une dégénérescence de la structure du causatif ........................ 100 3.2.2. Une même structure, une même forme, un même processus..................... 105 3.3. Structure du causatif sans causatif .................................................................... 107 3.3.1. Quand ‘faire’ devient ‘estimer’.................................................................. 108 3.3.2. Du nom au verbe ........................................................................................ 110 4. Conclusion ............................................................................................................... 116 CHAPITRE 4 ANALYSE DE LA FORME V « ta-fa33al » ................................................................ 117 1. Introduction .............................................................................................................. 117 2. Quel gabarit pour la forme V ? ................................................................................ 118 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme V ......................................... 120 3.1. Une forme à double face : causatif et réflexif ................................................... 120 3.1.1. Une structure pour abriter deux emplois.................................................... 121 3.1.2. Comment obtient-on une forme V ............................................................. 125 3.2. Une structure de causatif et des emplois non-causatifs .................................... 129 3.2.1. D’où vient l’intensif et où est passé le réflexif ? ...................................... 130 3.2.2. Un faux causatif combiné à un réflexif...................................................... 133 3.2.3. Du nom au verbe ........................................................................................ 135 4. Conclusion ............................................................................................................... 137 CHAPITRE 5 ANALYSE DE LA FORME IV « ?af3al » .................................................................. 138 1. Introduction .............................................................................................................. 138 2. Quel gabarit pour la forme IV ? ............................................................................... 140 3. A la recherche de la structure syntaxique d’une forme IV ...................................... 141 3.1. Le causatif : point de départ pour l’analyse d’une forme IV ............................ 141 3.1.1. Quelle structure pour la forme IV causative ? ........................................... 143 3.1.2. Comment générer une forme IV, à partir d’une structure qui produit une forme II ................................................................................................................. 146 6
  • 7. 3.2. Une structure du causatif qui n’engendre pas un causatif................................. 151 3.2.1. Quand « faire » laisse place à « estimer ».................................................. 152 3.2.2. Un verbe à partir d’un nom ........................................................................ 154 3.2.3. Une racine qui dénote un état et une forme IV qui indique une action ..... 156 3.2.4. Une racine qui dénote une action et une forme IV qui indique l’état : ...... 161 4. Conclusion ............................................................................................................... 164 CHAPITRE 6 ANALYSE DE LA FORME X « staf3al » ..................................................................... 166 1. Introduction .............................................................................................................. 166 2. Quel gabarit pour la forme X ? ................................................................................ 167 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme X ......................................... 168 3.1. Une forme à double face ................................................................................... 169 3.1.1. Une structure où coexistent causatif et réflexif ......................................... 170 3.1.2. Comment obtient-on la forme X ? ............................................................. 172 3.2. Une structure du causatif, un morphème du réflexif et des formes qui ne véhiculent ni l’un ni l’autre....................................................................................... 176 3.2.1. Quand « faire »+« se » donne « estimer » ................................................ 177 3.2.2. Quand « faire »+« se » permet de « s’approprier un état »........................ 182 3.2.3. Quand « faire »+« se » permet d’exprimer « une requête » ...................... 184 3.2.4. Du nom au verbe ........................................................................................ 187 4. Conclusion ............................................................................................................... 188 CHAPITRE 7 ANALYSE DE LA FORME III « faa3al » .................................................................... 190 1. Introduction .............................................................................................................. 190 2. Quel gabarit pour la forme III ? ............................................................................... 191 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme III ....................................... 192 3.1. Le réciproque, point de départ pour l’analyse d’une forme III ......................... 193 3.1.1. Comment faire participer l’Objet à l’action du verbe ? ............................. 195 3.1.2. Comment obtient-on une forme III ? ......................................................... 206 3.2. Emplois non-réciproques de la forme III .......................................................... 210 3.2.1. De l’état à l’action...................................................................................... 211 3.2.2. Du nom au verbe ...................................................................................... 214 4. Conclusion ............................................................................................................... 218 CHAPITRE 8 ANALYSE DE LA FORME VI « ta-faa3al »................................................................ 219 1. Introduction .............................................................................................................. 219 2. Quel gabarit pour la forme VI ? ............................................................................... 220 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme VI ........................................ 222 3.1. Le réciproque, point de départ pour l’analyse de la forme VI .......................... 222 3.1.1. Une structure où coexistent réciproque et réflexif ..................................... 224 3.1.2. Comment produit-on une forme doublement composée ? ......................... 230 3.2. Pourquoi une structure du réciproque ne produit-elle pas un réciproque ? ...... 233 3.2.1. De la coexistence à l’exclusion .................................................................. 233 7
  • 8. 3.2.2. Quand un événement est entre soi et soi-même ......................................... 236 4. Conclusion ............................................................................................................... 240 CHAPITRE 9 ANALYSE DE LA FORME VII « nfa3al » ................................................................... 242 1. Introduction .............................................................................................................. 242 2. Quel gabarit pour la forme VII ?.............................................................................. 244 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme VII ...................................... 246 3.1. Une forme VII, pourquoi faire ? ....................................................................... 247 3.2. Comment réalise-t-on une forme VII ? ............................................................. 258 3.3. Cas particuliers de la forme VII ........................................................................ 261 3.3.1. La forme VII peut-elle apporter un verbe supplémentaire ? ...................... 262 3.3.2. Peut-il y avoir une relation entre une forme VII et une forme IV ? .......... 264 4. Conclusion ............................................................................................................... 274 CHAPITRE 10 ANALYSE DE LA FORME IX « f3all »........................................................................ 275 1. Introduction .............................................................................................................. 275 2. Quel gabarit pour la forme IX ? ............................................................................... 276 3. À la recherche de la structure syntaxique de la forme IX ........................................ 277 3.1. La forme IX et la racine indiquant une couleur ................................................ 278 3.1.1. De quelle nature est la relation entre la forme IX et l’adjectif ? ................ 279 3.1.2. Comment obtient-on une forme IX ? ......................................................... 282 3.2. La forme IX et la racine indiquant un défaut .................................................... 285 4. Conclusion ............................................................................................................... 288 CONCLUSION .............................................................................................................. 289 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………….296 8
  • 9. INTRODUCTION INTRODUCTION L’objectif essentiel de cette thèse est de comprendre les mécanismes qui régissent la structuration des dix formes verbales de l’arabe classique. Une étude morphophonologique complète de ces formes verbales a déjà été établie par Guerssel et Lowenstamm (1991). Ce que nous proposons -et c’est ce qui fait la particularité de ce travail -c’est d’aller au-delà des frontières de la morphophonologie et de faire usage de la Syntaxe. Il sera question, ici, d’une étude syntaxique des formes verbales de l’arabe classique. Cette étude apportera des réponses d’ordre technique et d’autres d’ordre théorique. Pour ce qui est du premier volet, il s’agira de répondre à certaines questions classiques comme : 9
  • 10. a. le nombre de ces formes verbales, à savoir pourquoi 10 formes (ou quinze si on compte les formes tombées en désuétude) au lieu de trois ou vingt cinq par exemple ; b. l’existence de certaines incohérences apparentes pour une même forme, à savoir qu’une même forme peut dénoter plusieurs significations disparates. Pour ce qui est du volet théorique, il sera question de : c. explorer l’idée que les mots sont analysables en syntaxe ; d. voir si le modèle syntaxique permet d’expliquer certains problèmes que le modèle morphophonologique ne permettait pas de résoudre ; e. comprendre ce qu’est réellement un gabarit et en quoi il consiste ; f. contribuer à l’identification de l’objet « racine ». Commençons, d’abord, par expliquer au lecteur non-initié à la grammaire de l’arabe classique, ce que sont ces dix formes verbales. 1. Les dix formes verbales : En quoi consiste-t-elles ? Les verbes de l’arabe classique ont la particularité de marquer des notions telles que le causatif, l’intensif, le réciproque…etc. Cette spécificité fait en sorte que le verbe apparaît sous différentes formes suivant qu’il indique telle ou telle notion. En effet, au moment où des langues comme le français, font appel à des verbes dits « légers » ou créent de nouvelles entrées lexicales pour rendre compte d’un sens proche, l’arabe classique rend compte de ces faits en apportant des modifications à l’intérieur de la forme verbale elle-même. Par conséquent, le verbe, en arabe classique apparaît sous une forme simple qui dénote le sens de la racine et sous plusieurs formes complexes qui, elles, renferment des notions supplémentaires. 10
  • 11. Pour mieux cerner cette caractéristique qui différencie les verbes de l’arabe classique des verbes d’une langue comme le français, nous proposons de donner quelques exemples et voir comment sont formés, entre autres, le causatif, le réflexif et le réciproque dans chacune de ces deux langues. Pour rendre compte du sens causatif, le français met un verbe dit léger devant le verbe principal (2). Ce verbe n’est autre que le verbe « faire ». Pour avoir le causatif du verbe « écrire », il suffit d’ajouter le verbe « faire » devant : « faire écrire ». Ce changement est accompagné par un changement de la structure syntaxique. En français, on ajoute un argument dans la structure causative : (1) Pierre écrit une lettre. (2) Pierre fait écrire à Marie une lettre. L’arabe classique rend compte du causatif, non pas en ajoutant un verbe au verbe principal, mais en modifiant la forme du verbe principal lui-même. En effet, pour faire le causatif du verbe « katab » (écrire), il suffit de géminer la deuxième consonne : « kattab » (faire écrire). Pareillement que le français, les arguments du verbe de l’arabe classique sont modifiés quand la forme verbale est causative (4) : (3) kataba aHmad-un risaalat-an a écrit Ahmed-nominatif une lettre-accusatif ‘‘Ahmed a écrit une lettre.’’ (4) kattaba kariim-un aHmad-an risaalat-an a fait écrire Karim-nominatif Ahmed-accusatif une lettre-accusatif ‘‘Karim a fait écrire Ahmed une lettre.’’ Regardons maintenant l’exemple du réflexif. En français, pour rendre compte du sens réflexif, on emploi le pronom « se ». Pour avoir le réflexif du verbe « laver », on met le pronom « se » devant : « se laver » (6). L’insertion de ce pronom est accompagnée de la suppression d’un des arguments : (5) Pierre lave la voiture (6) Pierre se lave. 11
  • 12. En arabe classique, le réflexif est rendu par l’infixation d’un morphème « t ». Pour avoir le réflexif du verbe « Rasal » (laver), on insère le morphème « t » après la première consonne : « Rtasal » (se laver) ; on obtient ainsi la forme VIII. Pareillement qu’en français, l’insertion de ce morphème est accompagnée par la suppression d’un argument (8) : (7) Rasala aHmad-un as-sayyaarat-a a lavé Ahmed-nominatif la voiture-accusatif ‘‘Ahmed a lavé la voiture.’’ (8) Rtasal aHmad-un s’est lavé Ahmed-nominatif ‘‘Ahmed s’est lavé.’’ Une fois encore, ce qui est rendu en français par un élément qui se met à côté du verbe principal est rendu en arabe par un élément qui se met à l’intérieur du verbe principal. Il est vrai que l’arabe utilise un morphème du réflexif de la même manière que le français mais c’est le fait qu’il soit réalisé à l’intérieur de la forme verbale qui est à retenir. C’est la capacité qu’a le verbe de l’arabe classique à contenir un maximum d’informations et de traits qui fait sa particularité et le différencie du verbe français. Prenons un dernier exemple où le français crée entièrement un nouveau verbe au moment où l’arabe classique se contente de ce qu’on peut appeler la modification interne de la forme verbale. Il s’agit du sens réciproque. En arabe classique, il suffit d’allonger la voyelle « a », première voyelle de la forme verbale, pour obtenir un sens réciproque. En effet, pour faire le réciproque du verbe « katab » (écrire), on allonge la voyelle « a » et on obtient « kaatab » (correspondre) ; ce qui correspond à la forme III. Le français rend compte du sens réciproque en créant une nouvelle unité lexicale. En effet, pour avoir le réciproque du verbe « écrire » (s’écrire les uns les autres), on utilise le verbe « correspondre » ; qui ne partage pas le même radical que « écrire » ; de même pour avoir le réciproque de « parler » (se parler les uns 12
  • 13. les autres), on emploie le verbe « discuter ». Toutefois, on trouve quelques verbes impliquant une action réciproque, et qui partagent le même radical que le verbe, par exemple : « battre » et « combattre ». Par ailleurs, le français peut avoir recours à un autre procédé pour signifier le réciproque et ce en préfixant l’élément « s’entre », composé de la préposition « entre » et du pronom réflexif « se » ; exemple : « s’entretuer » pour signifier « se tuer les uns les autres ». Dans ce cas, le sujet est obligatoirement pluriel : « Pierre et Jean se sont entretués ». Ce procédé englobe à la fois le sens réflexif et le sens réciproque ; chose que l’arabe classique exprime avec une autre forme qui contient à la fois le morphème « t » -que l’on retrouve dans toutes les formes réflexives- et allonge la voyelle « a » (il s’agit de la forme VI « ta-faa3al). De la sorte, la possibilité qu’a le verbe de l’arabe classique de changer de forme à chaque fois qu’un sens supplémentaire lui est attribué fait en sorte qu’on ait autant de formes que de sens possibles. Cependant, signalons que ce système est plein d’incohérences apparentes dans la mesure où dans une même forme peuvent coexister diverses significations qui semblent former des champs sémantiques distincts et n’être régies par aucune logique. Seule une étude approfondie -que nous avons menée- permet de trouver le lien entre tous ces emplois et de comprendre comment ils ont été générés et la relation qu’ils entretiennent avec la forme qui leur correspond. 2. Les dix formes verbales : comment sont-elles formées ? En général, on compte dix formes verbales. La première forme est dite la forme simple parce qu’elle indique uniquement le sens de la racine et parce qu’elle est réalisé avec le gabarit le plus basique, CVCVCV. Les neufs autres formes sont des formes qui apportent un changement au sens de la racine et à la taille du gabarit du verbe, ce qui se traduit par une ou deux positions CV en plus. 13
  • 14. Le tableau1 suivant récapitule les dix formes verbales de l’arabe classique : 2 (9) Forme I : fa3al Forme II : fa33al Forme III : faa3al Forme IV : ?a-f3al Forme V : ta-fa33al Forme VI : ta-faa3al Forme VII : in-fa3al Forme VIII : ifta3al Forme IX : if3all Forme X : sta-f3al Il existe d’autres formes et elles sont au nombre de cinq (XI-XV), mais elles sont rarement utilisées et non productives ; seuls quelques verbes de forme I peuvent avoir une des cinq formes suivantes : (10) Forme XI: if3aall Forme XII: if3aw3al Forme XIII: if3awwal Forme XIV: if3anlal Forme XV : if3anlaa 1 Ce tableau, selon Silvestre De Sacy (1831) aurait été établi pour des raisons pédagogiques en prenant en considération le nombre d’augments : un seul augment pour les formes II, III et IV, deux augments pour les formes V, VI mais aussi VII, VIII et IX si l’on compte le segment épenthétique « i » inséré pour empêcher une suite de deux consonnes en début de mot et finalement, trois augments pour la forme X. La liste telle qu’elle est conçue ne nous apprend rien quand aux liens qui puissent exister entre les neufs formes. Ce que l’on sait c’est que ces formes sont en relation avec la forme I. Cependant, on voit bien que la forme II et la forme V sont liées (la forme V n’est autre que la forme II plus un morphème « t ») de même pour la forme III et la forme VI (la forme IV n’est autre que la forme III plus un morphème « t »). Aussi, d’un point de vue sémantique, la forme II et la forme IV sont à rapprocher ; puisque toutes les deux sont causatives. 2 Dans la tradition de la grammaire arabe, on représente les schèmes avec une racine √f3l, dont le sens est « faire » et qui sert aussi pour désigner le mot verbe : « fi3l ». Ainsi, au lieu de parler de C1, C2 et C3, nous préférons utiliser la racine √f3l et il suffit donc de considérer « f » comme C1, « 3 », comme C2 et « l » comme C3. Le recours à cette racine permettra de voir quelle allure aura le verbe en passant par tel ou tel schème. De ce fait au lieu de dire C1aC2 aC3, on dira « fa3al ». Il suffira après de remplacer ces consonnes par les consonnes de la racine qui nous intéresse. 14
  • 15. Nous n’examinerons que les formes les plus usuelles voire les formes de I à X. Les formes de X à XV (tombées en désuétude) ne seront pas traitées ici. La variation de forme dont fait l’objet le verbe de l’arabe classique a suscité l’intérêt des phonologues et morphologues. L’analyse morphophonologique la plus complète et la plus intéressante est celle qui a été proposée par Guerssel et Lowenstamm (1991). Cette théorie établit l’existence d’un gabarit CV-CV(CV)CVCV qui permet d’engendrer les dix formes verbales. Ce gabarit contient une position CV- préfixale qui peut être activée par le préfixe « n », ou « t » ou par la première consonne de la racine et une position (CV) dérivationnelle qui peut être associée à une consonne de la racine ou à la voyelle « a ». Selon cette analyse, chacune des dix formes verbales fait appel à un procédé distinct pour se réaliser. Cette différence peut se situer au niveau des positions du gabarit : la forme II « fa33al » fait appel à la position dérivationnelle (CV) pour propager la deuxième consonne de la racine : (11) f 3 l     CV (CV)CVCV  a Tandis que la forme VII « n-fa3al » utilise la position (CV) préfixale pour associer le préfixe « n » : (12) n f 3 l     CV- CV CV CV  a Autrement, cette différence peut se situer au niveau de l’élément associé à ces positions : la forme III « faa3al » utilise, pareillement que la forme II, la position dérivationnelle (CV) pour se réaliser, mais contrairement à celle-ci, elle utilise la position V de ce CV et allonge la première voyelle « a » : 15
  • 16. (13) f 3 l    CV(CV)CVCV   a Ainsi, ce qui fait la différence entre les formes verbales c’est le fait qu’elles représentent une utilisation particulière des ressources du gabarit. La différence entre la forme I « fa3al », la forme II « fa33al » et la forme VII « nfa3al » réside dans le fait que la première forme utilise un gabarit de base : CVCVCV, la deuxième forme utilise un gabarit avec une position CV dérivationnelle : CV(CV) CVCV et la troisième forme utilise un gabarit avec le CV préfixal CV-CVCVCV. Néanmoins, ce critère nécessaire n’est pas suffisant car il faut générer dix formes alors qu’avec ce système on en obtient que trois. Effectivement, en plus du nombre des positions CV du gabarit, il faut prendre en considération la nature de l’élément qui s’associe à chacune de ces positions. De la sorte, ce qui fait, par exemple, la différence entre la forme II et la forme III, sachant que toutes les deux utilisent un même gabarit CV(CV) CVCV, c’est que la forme II identifie la position C du (CV) dérivationnel pour propager la deuxième consonne de la racine alors que la forme III identifie la position V de ce même (CV) pour allonger la voyelle « a ». 3. La déconstruction du gabarit L’analyse morphophonologique permet de connaître le gabarit de chacune des dix formes verbales ainsi que le mode d’association entre les éléments d’une forme verbale et le gabarit. Toutefois, si cette analyse renseigne sur le nombre de positions CV, elle ne dit rien sur l’origine des ces positions et si elle explique le mode d’association dont résulte la forme verbale, elle ne dit rien sur ce qui justifie ces associations. En effet, si l’on sait qu’avec un gabarit du type CV(CV)CVCV et une racine √f3l, on peut avoir soit une forme II « fa33al », ou une forme III « faa3al » ou encore une forme IV « ?af3al » et ce, suivant trois différents processus 16
  • 17. d’association des éléments à un même gabarit, on ignore la raison pour laquelle un tel ou tel mode d’association a été adopté pour une telle ou une autre forme verbale. Tout ce que l’on sait, ce sont les possibilités d’association que l’on peut avoir avec un gabarit de quatre positions CV et une racine trilitère puis le mécanisme dont résulte chacune de ces formes. De surcroit, rien dans cette théorie ne prédit que telle forme indiquera le causatif ou l’intensif et que telle autre indiquera le réciproque, plutôt que l’inverse. En vue de toutes ces questions, il devient primordial de comprendre ce qui régit le processus d’association des éléments aux positions du gabarit et préalablement découvrir d’où proviennent les différentes positions CV qui constituent le gabarit. Etant donné que chacune de ces formes rend compte d’une réalité grammaticale donnée : causatif pour la forme II, réciproque pour la forme III, …etc., et que ces formes modifient la structure de la phrase : à la forme II, un argument est ajouté alors qu’à la forme VIII un argument est ôté, il nous est apparu évident que les dix formes que revêt le verbe en arabe classique sont tributaires de la structure syntaxique de celles-ci. Nous présumons, donc, que derrière chacune de ces dix formes verbales, il y a une structure syntaxique différente. Dorénavant, ce qui fera la différence entre les dix formes verbales sera la présence de projections maximales distinctes, de positions têtes syntaxiques diverses et de mouvements différents. Le gabarit tel que proposé par l’analyse morphophonologique de Guerssel et Lowenstamm sera perçu comme étant le résultat d’opérations diverses et non pas comme étant le lieu même de ces opérations. Nous proposerons que chacune des positions CV, telles que nous les retrouvons dans le gabarit conçu par Guerssel et Lowenstamm, est générée dans une position syntaxique donnée. Ceci ne concerne pas seulement la position CV- préfixale et la position CV dérivationnelle considérées comme étant des positions « tête » du gabarit mais ça englobe aussi les trois positions CV restantes qui 17
  • 18. constituent ce qu’on appelle le petit gabarit ou le gabarit de base et que l’on retrouve dans la forme I. De la sorte, le gabarit CV-CV(CV)CVCV reflète une structure qui engloberait autant de positions syntaxiques « tête » que de positions CV ; hypothèse qui sera démontrée dans ce travail. 4. La forme verbale : une affaire de syntaxe L’étude des dix formes verbales de l’arabe classique ne restera pas limitée à une analyse morphophonologique mais fera l’objet d’une analyse syntaxique. L’analyse syntaxique que nous entreprenons est différente de celles effectuées jusqu’ici et qui s’intéressent à des problèmes tels que l’aspect, l’accord, la négation …etc. Ce qui nous intéresse dans une forme comme « yu-kattib-uuna » (ils font écrire), ce n’est pas la marque de l’imperfectif ou de la troisième personne ou du masculin ou du pluriel mais c’est la partie « -kattab- ». Ce que nous voulons montrer c’est que cette partie du verbe à laquelle les syntacticiens ne se sont pas ou peu intéressés est elle aussi formée en syntaxe. Certes, pendant longtemps les syntacticiens ne regardaient dans les mots que les marques de la flexion, la dérivation étant le domaine des morphologues. Cependant, avec d’une part, l’évolution de l’hypothèse lexicaliste3 où l’on établissait des représentations et des règles lexicales4 pour former des mots qui, désormais peuvent exister dans le lexique sous leurs différentes facettes, et d’autre part, les partisans de la morphologie distribuée, pour qui les mots sont formés en syntaxe, la séparation des domaines de la linguistique est remise en cause et les frontières entre la morphologie et la syntaxe sont beaucoup moins claires qu’il y a seulement dix ans. 3 Cf. Halle (1973), Bresnan (1982), Freidin (1975), Jackendoff (1975), Wasow (1977),Grimshaw (1990). 4 Cf. Jackendoff (1975), Wasow(1977), Williams (1981), DiSciullo and Williams (1987), Jackendoff (1990), Grimshaw(1990), Levin and Rappaport-Hovav (1986, 1992, 1995) 18
  • 19. Effectivement, avec la théorie de la morphologie distribuée5 et les analyses qui s’en sont inspirées6, ce qui faisait l’objet d’étude de la morphologie est perçu dorénavant comme faisant partie du domaine de la syntaxe. Les éléments considérés auparavant par la syntaxe comme des terminaux et dont l’analyse était attribuée à la morphologie sont dors et déjà pris en charge par la syntaxe. Tout est géré par la syntaxe : « There is only one mechanism in grammar for combining atomic units of structure and meaning, i.e the syntax». 7 De la sorte, la structure d’un seul mot est, désormais, à analyser de la même manière, avec les mêmes traits et avec la même organisation hiérarchique qu’une phrase : « All composition is syntactic; the internal structure of words is created by the same mechanisms of construction as the internal structure of sentences». 8 Les formes verbales de l’arabe classique sont la preuve explicite que des entités considérées comme étant du domaine de la morphologie trouvent leur explication en syntaxe. Le fait que des éléments soient combinés à l’intérieur d’un seul mot n’exclue pas que ces combinaisons soient d’ordre syntaxique. D’ailleurs, les exemples que nous avons cités pour illustrer la capacité des verbes de l’arabe classique à contenir des informations à l’intérieur même de la forme verbale tandis que les verbes du français font appel à des structures syntaxiques bien explicites, confirment cette hypothèse. Ceci étant, nous ne nous inscrivons exactement pas dans le cadre théorique de la Morphologie Distribuée. Nous nous inspirons de ce qui en fait l’essence 5 Initié par Halle and Marantz (1993) et élaboré dans Marantz (1997). 6 Cf. Borer (1994, 2005), Travis (1994, 2000), Ramchand (2006) Noyer (1997, 1998, 1999), Harley (1994, 1995, 1998), Embick (1995, 1996, 1997, 1998), Calabrese (1979a,b),Mcginnis (1995,1996,1998), 7 Marantz (2001 : 9) 8 ibidem 19
  • 20. même, à savoir que les mots sont analysables en syntaxe. A partir de ce moment, nous soumettons le mot à la même analyse que la phrase et nous suivrons, dans cette perspective, les principes de la syntaxe générative. Néanmoins, nous ne nous inscrirons pas, non plus, le cadre strict de cette théorie puisque, comme nous le verrons par la suite, nous faisons intervenir des éléments morpho-phonologiques dans des arbres syntaxiques et nous modifions, par exemple, le contenu de la projection VP (dans le sens où il sera vidé de son contenu lequel sera attribué à une nouvelle projection que nous proposerons, celle de la racine : √P). 5. La Racine : pour un rôle prépondérant La notion de Racine joue un rôle primordial dans l’étude que nous proposons pour les formes verbales de l’arabe classique. En effet, si l’on fonctionnait avec la notion du radical, on aurait du mal à analyser toutes les modifications internes de la forme verbale ; excepté la forme VII « n-fa3al » qu’on peut décomposer en un préfixe « n » + forme verbale de base « fa3al ». La racine9 a toujours eu un grand intérêt dans l’étude des langues sémitiques et a prouvé sa pertinence. L’étude des dix formes verbales de l’arabe classique prouve que la considération de la racine est indispensable et lance un défi à ceux qui renient l’intérêt de la racine dans l’analyse des langues sémitiques. Souvent, pour illustrer l’existence de la racine on apportait des exemples de différentes catégories ayant toutes un sens en commun et réalisant les mêmes consonnes et on montre que ces mots sont construits à partir d’une même racine. Prenons l’exemple de la liste suivante : 9 En arabe classique, la racine est strictement consonantique et globalement trilitère. Toutes les combinaisons de trois consonnes ne sont pas utilisées et la langue évite la contiguïté de consonnes d'articulation proche. Le plus souvent, les consonnes d'une racine sont différentes par leur point et leur mode articulatoires. Cette suite consonantique reste apparente dans tous les mots formés sur une même racine et exprimant, plus au moins un même concept. 20
  • 21. (14) katab kitaab kaatib (Écrire) (Livre) (Écrivain) maktab maktuub maktaba (Bureau) (Écrit) (Bibliothèque) Comme on peut le voir dans les traductions proposées (écrire, livre, bureau, bibliothèque), le français crée plusieurs unités lexicales au moment où l’arabe classique discerne un sens commun entre tous ces mots et les construit tous à partir d’une même racine : √ktb. Cette racine aura pour Signifié « ECRIRE ». Dans chacun des mots de cette liste ce Signifié est présent. Une traduction plus exacte du mot « maktab » serait « lieu où l’on écrit » de même, une traduction exacte de « kitaab » serait « un écrit », le mot « maktaba » se traduira par « lieu contenant des écrits » et pour le mot « kaatib », une traduction plus exacte serait « écrivant ». Désormais, on peut établir l’existence de la racine en restant dans le même paradigme « Verbe » et en examinant les différentes formes verbales que l’on peut obtenir avec une même racine (Cf. (14)). Les dix formes verbales de l’arabe classique ont toutes un sens commun : celui dénoté par la racine, et réalisent de façon interne les éléments qui leur permettent de rendre compte de différentes réalités grammaticales. Le fait que ces éléments ne soient pas réalisés à la périphérie d’une forme de base, écarte toute possibilité de traiter ces verbes sans avoir recours à la racine. De ce fait, l’étude des dix formes verbales de l’arabe classique consolide et confirme l’existence de la racine en tant que notion abstraite mais va bien au-delà de cette considération et dévoile d’autres propriétés de la racine à savoir un domaine et des arguments. Il est communément admis qu’une racine désigne un concept et constitue un élément exclusivement lexical qui ne comporte aucune information syntaxique. Ce n’est que lorsque la racine est sélectionnée par un N qu’elle devient nominale, ou par un V qu’elle devient verbale. Toutefois, on peut avancer que la matrice 21
  • 22. sémantique de la racine prédit, en quelque sorte, la catégorie syntaxique qui va la sélectionner. En effet, si l’on observe les définitions les plus simples que l’on donne à chacune des catégories du discours, on voit que la définition de chaque catégorie se base sur une distribution syntaxique mais aussi sur une désignation sémantique. S’il est vrai qu’on peut définir une catégorie telle que Verbe ou Nom en ne se basant que sur leur syntaxe, il reste vrai qu’on peut le faire aussi en n’en indiquant que la sémantique. En définissant un Verbe, on dira qu’il exprime l'action accomplie par le sujet, l’action subie par le sujet ainsi que l’état du sujet. Quant au Nom, on dira qu’il sert à désigner un objet dans le monde, et qu’il a le pouvoir d’être associé à un référent, c’est-à-dire à un objet de la réalité extralinguistique. Si l’on accepte que la racine possède ce genre d’informations sémantiques à savoir « action », « état », « objet »…etc., il devient évident qu’une racine dont le sens indique un objet du monde sera sélectionnée par un Nom et qu’une racine dont le sens indique une action sera sélectionnée par un Verbe. De ce fait, même si on considère qu’une racine n’a pas de propriétés syntaxiques en elle-même, les propriétés sémantiques qu’elle renferme peuvent, à elles seules, indiquer la catégorie.10 10 En principe, il devrait y avoir une correspondance entre ce qu’on pourrait appeler une catégorie sémantique et sa contrepartie syntaxique. Toutefois, ce n’est pas toujours le cas et cela est perceptible, souvent, dans la forme elle-même. En effet, la forme de certains noms diffère selon que la racine est « sémantiquement » verbale ou nominale. Des racines telles que √bHr, √klb dont le sens indique des objets du monde se contentent de mettre la racine dans un schème nominal (CaCC) et produisent les noms : « baHr » (mer), et « kalb » (chien) alors qu’une racine telle que √ktb dont le sens renvoie à une action produit le nom « kitaab » (livre) ou « maktab » (bureau). Le fait que certaines racines, lorsqu’elles sont sélectionnées par NP, ne subissent aucune modification alors que d’autres réalisent des modifications internes ou réalisent des préfixes confirme la dissimilitude entre les racines. En outre, le fait qu’un groupe de mots partagent la même racine ne signifie pas forcément qu’ils sont tous construits directement à partir de la racine. En dehors des verbes et des noms qui sélectionnent directement la racine, il y a des mots qui sélectionnent une catégorie intermédiaire. En effet, il existe des noms qui renferment des propriétés verbales, ce qui laisse penser qu’ils ne sélectionnent pas directement une racine mais une forme verbale. C’est le cas des participes actifs et qui correspondent, chacun, à une des dix formes verbales de l’arabe classique : « katab vs kaatib », « kattab vs mukattib », « kaatab vs mukaatib », « ta-kattab vs mutakattib », « nkatab vs munkatib », …etc. 22
  • 23. Les informations sémantiques dont dispose la racine peuvent être soit confirmées et agencées par la projection sélectionnante soit alors estompées. Une racine comme √ktb comporte des traits tels que : [action], [mettre sur papier (ou autre support)], [alphabet (ou autre système d’écriture)]. Lorsque cette racine est sélectionnée par un VP, il en résulte la forme verbale « katab » qui signifie « action de mettre sur papier (ou autre support) un alphabet (ou autre système d’écriture) ». Lorsque cette même racine est sélectionnée par un NP, deux cas se présentent. Dans le premier cas, une voyelle longue est réalisée en V2 formant ainsi le nom « kitaab ». Ce nom ne garde de la racine que les deux derniers traits « support où l’on met un alphabet » et ne prend pas en compte le trait [action]. Dans le deuxième cas, un morphème est ajouté, ici « m », formant le nom « maktab ». Dans ce nom, tous les traits de la racine sont conservés, à savoir [action], [mettre sur papier (ou autre support)], [alphabet (ou autre système d’écriture)], auxquels s’ajoute le sens apporté par le morphème « m » : [lieu]. Le nom « maktab » englobe les traits : [lieu], [action], [mettre sur papier (ou autre support)], [alphabet (ou autre système d’écriture)] : « lieu où l’on écrit ». Le fait qu’une racine puisse s’adapter à la projection qui la sélectionne, quand besoin il y a, révèle que la racine n’est pas un élément primitif ou terminal, comme on le pense ordinairement, et qu’elle a son propre domaine et constitue un ensemble de traits qu’on peut modifier, diminuer ou augmenter. Maintenant que l’on admet que les propriétés sémantiques que l’on attribuait aux verbes sont en réalité contenues dans la racine, il faudra se prononcer sur ce qu’on appelle la grille thématique du verbe : le fait qu’un verbe ait un agent, un agent et un patient, ou encore un agent, un patient et un bénéficiaire est-il tributaire du verbe ou de la racine ? Certes, le domaine VP prévoit des positions pour disposer les différents arguments du verbe, mais il s’agit là de positions syntaxiques que doivent occuper des NP. Il s’agit seulement de la réalisation syntaxique de la grille thématique. Ce qui est lexical dans un verbe c’est la racine. Par conséquent, les informations lexicales - 23
  • 24. responsables de la détermination du thêta rôle- du verbe sont contenues dans cette dernière. Chaque racine dénote une action/événement qui, selon les cas, nécessite un ou plusieurs participants. De ce fait, en plus des traits sémantiques, une racine qui indique une action/événement détermine les participants à cette action/événement. Des termes comme Agent, Patient, Thème, Bénéficiaire, Source seront considérés comme étant du domaine de la racine et les termes comme Transitif, Ditransitif, Inergatif, Inaccusatif seront attribués au verbe. La racine propose les informations lexicales et le verbe les dispose : Transitif (Agent, Patient/Thème) ; Ditransitif / Bitransitif (Agent, Patient/Thème, Bénéficiaire/ Source) ; Inergatif (Argument externe = Agent) ; Inaccusatif (Argument externe = Thème). Ainsi, à la place d’une arborescence qui instaure les arguments du verbe directement dans VP, l’arborescence que nous utiliserons tout au long de ce travail dispose les arguments dans le domaine de la racine puisqu’ils appartiennent à celle-ci. La racine sera présentée comme une projection √P agençant ses propres arguments. 6. Une organisation commandée non recommandée L’organisation de cette thèse est dictée par la nature même du sujet. Nous avons consacré un chapitre pour chaque forme verbale et chaque chapitre s’ouvre sur un rappel de l’analyse morphophonologique donnée par Guerssel et Lowenstamm, puisque l’analyse syntaxique que nous proposons vient la compléter et apporter des réponses aux questions que cette dernière a posées. L’inconvénient d’une telle disposition, est qu’elle donne un caractère répétitif à l’analyse, dans la mesure où la même démarche est adoptée pour chaque forme et que, de surcroit, chacune des dix formes possède au moins trois emplois. Une organisation alternative à celle pour laquelle nous avons opté, ici, serait d’établir des chapitres selon les notions linguistiques, à savoir un chapitre pour le 24
  • 25. causatif, un autre pour l’intensif, un autre pour le réflexif et un quatrième pour le réciproque. Cela aurait donné à cette thèse un caractère moins scolaire et moins technique que ce que donne l’organisation actuelle qui laisse penser à une démarche de grammaire et non pas de linguistique moderne. Cependant, une telle organisation aurait apporté des chevauchements dans la mesure où certaines formes verbales vont appartenir à deux classes différentes. Par exemple, la forme V qui indique à la fois le réflexif et le causatif va apparaître dans le chapitre ‘causatif’ et dans le chapitre ‘réflexif’, de même, la forme VI qui indique conjointement le réflexif et le réciproque va figurer dans le chapitre ‘réflexif’ et dans le chapitre ‘réciproque’. Sans oublier qu’une même forme II apparaîtra dans le chapitre sur l’intensif et dans celui sur le causatif. Conscient que des notions telles que forme I, forme II, forme III…etc. font partie d’une organisation qui a été proposée par la grammaire, une autre possibilité recommandée aurait été, tout en gardant les dix chapitres, de ne pas parler de formes mais des notions qu’elles véhiculent. Par exemple, au lieu de nommer un chapitre ‘forme II’ on aurait pu le nommer ‘forme causative’ et à la place de ‘forme III’, on aurait pu mettre ‘forme réciproque’…etc. Cependant, comme vous allez le voir par la suite, l’intensif et le causatif sont indiqués par une même forme. Par ailleurs, le causatif est indiqué par deux formes différentes. Ajouté à cela que chaque forme a plusieurs emplois qui ne correspondent pas à des notions linguistiques claires (intensif, estimatif, etc.) et qui, comme on va le montrer découle de la structure elle-même. En conséquence, ces emplois n’auraient pas trouvé leur place dans ce type d’organisation. Cette thèse n’a pas pour objectif de montrer comment l’arabe classique procède pour indiquer telle ou telle notion (comme le causatif ou le réciproque ou autre), mais de montrer comment une forme verbale, qui est connue pour indiquer une notion donnée, est formée. Incontestablement, forme et notion sont liées et c’est en se basant sur la notion qu’indique une forme que l’on va déterminer sa 25
  • 26. structure syntaxique. Toutefois, tout dépend de l’angle sous lequel on envisage d’aborder la question. Le point de départ de cette thèse est l’analyse morphophonologique des dix formes verbales établies par Guerssel et Lowenstamm, que nous avons voulu motiver par une analyse syntaxique. Notre objectif est d’étudier chacune de ces formes verbales et montrer que le gabarit qui la sous-tend est construit en syntaxe. Une réorganisation est certes possible mais elle ne l’est qu’une fois que l’analyse de chaque forme soit établie, l’une indépendamment de l’autre. Pour cette raison, nous avons été contraints de commencer par faire ce travail de base. L’énumération des chapitres ne suivra pas l’ordre de la numérotation : forme I, forme II, forme III, forme IV...etc. Nous commencerons par la forme I car c’est la forme simple qui n’a subi aucune dérivation et car sa structure sera partagée par toutes les autres formes, comme nous allons l’établir. Ensuite, nous traiterons la forme VIII car elle est tout simplement la version réflexive de la forme I. D’autres formes entretiennent ce type de rapport. En effet, la forme V est la forme réflexive de la forme II, la forme VI est la forme réflexive de la forme III et la forme X est la forme réflexive de la forme IV. Chaque forme sera suivie de sa version réflexive. Les formes II et IV indiquent toutes les deux le causatif, par conséquent, elles seront étudiées successivement afin de permettre au lecteur de se repérer dans l’analyse. L’organisation qui sera adoptée dans cette thèse est la suivante : - Chapitre 1 : Forme I ; - Chapitre 2 : Forme VIII ; - Chapitre 3 : Forme II ; - Chapitre 4 : Forme V ; - Chapitre 5 : Forme IV ; - Chapitre 6 : Forme X ; - Chapitre 7 : Forme III ; - Chapitre 8 : Forme VI ; 26
  • 27. - Chapitre 9 : Forme VII ; - Chapitre 10 : Forme IX. La forme IX est étudiée en dernier lieu car, comme on le verra par la suite, sa structure est assez distincte de celle des neufs autres formes verbales. 7. Un lecteur avisé en vaut dix Nous proposons, ici, d’expliquer la démarche que nous suivrons tout au long de cette thèse, afin que le lecteur sache d’emblée comment sera agencé le contenu de chaque chapitre. Nous avons déjà annoncé qu’un même procédé d’analyse sera suivi dans chacun des dix chapitres. Voyons, à présent, en quoi il consiste. Ce qu’il faut savoir c’est que chaque forme présente diverses significations. Il y a toujours une signification qui correspond au sens pour lequel la forme est la plus connue et qui rend compte d’une notion linguistique et, à côté, subsistent d’autres significations qu’on appellera « emplois annexes », qui sont de simples tours stylistiques voire des effets de sens qui découlent de la structure elle-même ou du sens de la racine. Nous commencerons, régulièrement, par examiner l’emploi principal que l’on va appeler 'forme canonique’. C’est en se basant sur cet emploi que l’on va établir la structure syntaxique de la forme en question.11 Ensuite, nous examinerons chacun des emplois annexes pour : a. vérifier que cette structure syntaxique couvre tous les emplois de cette forme et, de la sorte, montrer que la divergence sémantique ne provient pas d’une divergence de structures syntaxiques. 11Il faut dire qu’avant d’opérer cette ségrégation, nous avons examiné l’ensemble des emplois, pour une forme donnée, et avons fait ressortir une structure syntaxique dont la forme canonique s’est révélée être le prototype. 27
  • 28. b. discerner, justement, la source de ces interprétations sémantiques différentes. Nous saurons, ainsi, comment des formes qui partagent une même morphologie et une même structure syntaxique puisse rendre compte de significations diverses. Lors de l’analyse d’une forme canonique complexe (ce sera le cas également pour les emplois annexes), nous commencerons par présenter quelques exemples. Aussitôt, et afin de faire surgir la particularité sémantique de la forme examinée, nous donnerons des exemples avec la forme I correspondante ; la forme I étant la forme simple. Dans certains cas, et précisément dans les formes verbales qui manifestent deux variations morphologiques, la comparaison se fera avec une autre forme complexe qui partage une de ces deux variations, exemple : « ta- fa33al » qui, à la fois gémine la deuxième consonne et préfixe un morphème « t » sera comparée à la forme II « fa33al » qui gémine la deuxième consonne de la racine. Signalons que dans les cas où une forme verbale a un emploi dénominatif, elle sera comparée à une forme nominale. Ensuite, nous procéderons à une analyse des propriétés sémantiques et syntaxiques de la forme verbale. Cette analyse prend en compte deux aspects : le nombre des arguments que manifeste le verbe -comparé à ceux de la racine- et l’apport sémantique. En effet, hormis la forme I qui n’apporte aucun changement au sens de la racine (ce qui lui a valu le statut de ‘base de dérivation’), chacune des formes verbales contient, en plus du sens de la racine, un sens qui lui est attribuée par sa structure. Saisir l’apport sémantique reste le moyen incontournable pour déterminer les projections qui sélectionnent la racine et découvrir, ainsi, la structure qui engendre la forme examinée. Une fois la structure syntaxique dévoilée, sous forme d’une représentation arborescente qui révèle la structure de la racine et les projections qui la 28
  • 29. sélectionnent, nous exposerons les différentes étapes que franchit une forme verbale pour son exécution. Il s’agira des mouvements syntaxiques qui se succèdent pour générer la forme en question ; ce qu’on va appeler « procédure de formation » ou « exécution ». Pour clore chacun des chapitres, nous terminerons par montrer la manière dont la structure syntaxique et les mouvements opérés vont, respectivement, déterminer le nombre de positions CV et le mode d’association des éléments au gabarit. 8. Le label des formes verbales examinées Afin d’avoir un aperçu des études faites jusqu’ici par les grammairiens arabes et arabisants, nous avons choisi un représentant de chaque partie : Sibawayh (8es [1938]), l’un des premiers fondateurs de la grammaire arabe et Wright (1896), l’un des grammairiens arabisants les plus cités et des plus consultés. Les différentes significations que dénotent chacune de ces formes verbales ont été discutées par ces deux auteurs. À signaler qu’ils ne donnent pas toujours les mêmes significations, d’où l’intérêt de comparer les données de chacun d’eux. Dans cette thèse, ne sera pas procédé à une étude du corpus suite à laquelle seront découverts les différents emplois et significations de chacune des dix formes verbales. Cette tâche a déjà été effectuée par les grammairiens. En effet, les différentes significations de chaque forme verbale sont déjà répertoriées et une simple lecture d’une grammaire de l’arabe permet de les identifier. Notre travail consistera à trouver la structure syntaxique de ces formes et à outrepasser cette floraison sémantique pour trouver, pour chaque forme, une certaine régularité. Ainsi, les exemples des formes verbales qui sont cités dans cette thèse sont pris soit chez Sibawayh ou chez Wright. Etant arabophone, nous avons pris le soin 29
  • 30. de les mettre dans des phrases, aussi simples que possible. Ce que nous considérerons comme l’emploi canonique d’une forme verbale c’est l’emploi que nous avons trouvé en tête de liste chez ces deux grammairiens. C’est également celui que l’on retrouve, en général, dans les écrits qui mentionnent les dix formes verbales de l’arabe classique et qui ne font pas toujours allusion aux emplois annexes. Nous avons tenu à prendre en considération tous les emplois répertoriés pour chacune de ces formes chez les deux grammairiens cités précédemment, car c’est le seul moyen de garantir nos résultats. Certes, cela rend le travail plus compliqué car devant une diversité d’emplois pour une forme donnée, il n’est pas aisé, de prime abord, de discerner la structure syntaxique qui pourrait en rendre compte. Néanmoins, l’hypothèse que nous avons émise concernant le statut de la racine, à savoir qu’elle constitue un domaine et qu’elle peut avoir trois structures différentes selon le nombre d’arguments qu’elle projette et leur position, nous a permis d’entreprendre cette tâche. En effet, nous n’avions pas seulement le sens de la racine pour justifier la diversité sémantique d’une forme donnée, nous disposions également de la structure de la racine. Sans cette hypothèse, notre travail n’aurait pas abouti. 9. Un peu de théorie pour faciliter la lecture Afin de permettre au lecteur de suivre notre analyse, nous proposons de faire un rappel de quelques principes d’ordre théorique. Le travail que nous entreprenons, se situant à l’interaction de plusieurs domaines de la linguistique, enchevêtre des éléments morphophonologiques à d’autres d’ordre syntaxique. Il s’ensuit une modification de la considération de chacun de ces domaines quoiqu’en principe chacun garde ses spécificités. Nous présenterons, ici, d’une manière sommaire, quelques principes de la théorie morphophonologique ainsi que de la théorie syntaxique dont sera fait usage dans ce travail. 30
  • 31. 9.1. Quelques notions de phonologie 9.1.1. L’hypothèse « CVCV » Le cadre de la phonologie du gouvernement adopte l’hypothèse CVCV.12 Le niveau squelettal consiste en une alternance systématique de positions C et de positions V. Dans ce cadre théorique la seule syllabe possible est CV ou C est une attaque et V est le noyau. Ce type de syllabe ne possède pas de coda. Les types de syllabes traditionnellement reconnues se récriront alors de la manière suivante : (15) a. Syllabe ouverte b . Syllabe fermée C V C V C V | | | | | l a l a n Dans ce cadre, proposé par Lowenstamm (1996), la représentation d’une voyelle longue est la suivante : (16) CVCV / a La représentation d’une géminée est la suivante : (17) CVCV / t Et enfin la représentation d’une voyelle courte est la suivante : (18) CV  a 12 Lowenstamm (1996) 31
  • 32. L’hypothèse CVCV permet, entre autres, d’unifier la représentation des verbes appartenant à un même paradigme. Soit les quatre verbes suivant au perfectif : (19) kataba jaraa maala madda cvcvcv cvcvv cvvcv cvccv Avec l’hypothèse CVCV, ces quatre verbes auront exactement le même gabarit : (20) k t b j r m l m d | | | | | | | | / CVCVCV CVCVCV CVCVCV CVCVCV | | | | / / | | | a a a a a a a a a La présence de positions vides devra toujours répondre aux critères du Principe des Catégories Vides. Selon ce principe, une position V peut rester vide, c’est-à-dire non interprétée phonétiquement, si et seulement si elle est proprement gouvernée. 9.1.2. Principe du Gouvernement Propre Une position V1 gouverne proprement une position V2 si et seulement si V1 n’est pas vide, V1 et V2 sont adjacentes (séparées par une seule position C) et V2 est à gauche de V1 (le gouvernement agit uniquement de droite à gauche). Par exemple, la géminée dans « madda » peut se réaliser uniquement si le noyau vide entre les deux parties de la géminée est proprement gouverné par la voyelle qui suit, comme indiquée dans le schéma ci-dessous en (21)a. La structure en (21)b est exclue par l’absence de Gouvernement Propre : 32
  • 33. (21) a. CVCVCV b. * C V C V C V | | / | | | / ma d a ma d ø 9.1.3. Principe du Contour Obligatoire Le Principe du Contour Obligatoire (PCO) a été développé initialement par Leben (1973) pour la phonologie tonale et repris ensuite par Goldsmith (1976). Ce principe interdit l’adjacence de deux éléments identiques sur un même niveau autosegmental. Une telle suite est remplacée par un segment simple doublement lié. 9.1.4. L’apophonie L’apophonie est « un phénomène de modification du timbre d’une voyelle, indépendant de toute forme de conditionnement et exploité à des fins grammaticales ».13 Le chemin apophonique présenté dans le système verbal de l’arabe (Guerssel &Lowenstamm 1993), dans les pluriels brisés du Geez (Ségéral 1995) ou dans les langues germaniques (Scheer et Ségéral 1995) est : ∅ ⇒ i ⇒ a ⇒ u ⇒ u. Ainsi : - « i » est le correspondant apophonique de « ∅ » - « a » est le correspondant apophonique de « i » - « u » est le correspondant apophonique de « a » - « u » est le correspondant apophonique de « u » 13 Ségéral (1995) 33
  • 34. 9.1.5. Système vocalique de l’arabe classique Le système vocalique de l’arabe classique est constitué de trois voyelles périphériques : « i », « a » et « u » : i u a 9.2. Quelques notions de syntaxe Passons maintenant à la théorie syntaxique. L’analyse syntaxique à laquelle nous procédons s’inscrit de manière très large dans le cadre de la Grammaire Générative. Nous proposons de faire, ici, un rappel de quelques préceptes dont nous avons fait usage dans cette analyse. 9.2.1. La Théorie X-barre La théorie X-barre donne un formalisme qui permet de dégager de façon claire et simple les relations de dépendance structurale qui existent entre des éléments à l’intérieur du syntagme. Ce module de la Grammaire Générative rend compte de l’architecture interne des syntagmes. Selon cette théorie, tout syntagme est la projection maximale d’une tête. On désigne cette projection maximale par XP (x étant une variable pouvant prendre la valeur N(om), V(erbe), Adj(ectif), Adv(erbe), P(réposition), etc. Soit la variable x, un constituant de niveau zéro ; en lui associant un Complément, ce constituant se projette au niveau intermédiaire (ou niveau 1) appelé X’ ou X-barre ; ce constituant de niveau 1 associé à un Spécifieur éventuel atteint le niveau de la projection maximale appelée XP. Soit le schéma : 34
  • 35. XP (22) X’ Spécifieur X Complément Il existe une relation structurale précise entre le Spécifieur et les autres éléments dans la projection : le Spécifieur a une sorte de ‘portée’ sur tous les autres éléments de la projection ; même chose entre la tête et le Complément. 9.2.2. La Thêta-Théorie La Thêta-Théorie explique les relations sémantiques qui s’établissent entre les constituants arguments et leur tête. La tête assigne un rôle sémantique appelé ɵ-rôle à son ou ses arguments. Les rôles assignés par une tête font partie des informations données dans le lexique en rapport avec l’item lexical. Cette théorie repose sur une condition de bi-univocité entre NP et rôles sémantiques, le ɵ-critère qui stipule que Tout NP argument doit porter un et un seul rôle sémantique et que chaque rôle sémantique doit être assigné à un et un seul NP argument. 9.2.3. La Théorie du Liage Ce module régit les relations structurales entre les Anaphores (Réfléchis et Réciproques), les Pronoms (les Pronominaux) et leurs antécédents dans la phrase. Les principes de la théorie du Liage ont été formulés par Chomsky comme suit : Principe A : Les anaphores doivent être liées dans leur domaine de liage Principe B : Les pronoms doivent être libres dans leur domaine de liage Principe C : Les expressions-R doivent être libres 35
  • 36. Ainsi, les Anaphores sont soumises à une coréférence obligatoire dans un domaine syntaxique défini appelé Catégorie gouvernante. Les Pronoms sont libres de toute coréférence dans leur Catégorie gouvernante. Les Expressions Référentielles (constituées de mots sémantiquement autonomes) sont libres partout. Chomsky propose plusieurs définitions du domaine local pertinent pour A et B ; on peut donner la suivante : « La Catégorie Gouvernante [CG] d’une Anaphore ou d’un Pronom α est la plus petite catégorie syntaxique β contenant α, son gouverneur et un SUJET. » La notion de Gouvernement peut être comprise comme la relation qu’entretient une tête avec son complément : « α gouverne β ssi α m-commande β et qu’aucune barrière n’intervient entre α et β» Le Liage se définit lui-même comme une relation de coindexation entre deux constituants dont l’un c-commande l’autre : « α c-commande β ssi le premier nœud branchant ϒ dominant α domine aussi (directement ou non) β » 9.2.4. Une syntaxe simple pour une morphologie complexe L’analyse syntaxique des dix formes verbales de l’arabe Classique, n’a pas nécessité un mécanisme complexe. Nous avons utilisé les projections de base qu’offre la syntaxe, à savoir VP, vP, AspectP et AgreementP. A part, proposer une projection P, nous n’avons pas eu besoin de modi ier les projections existantes ou d’user d’autres plus complexes. Toutes ces formes verbales on été générées par une opération simple, il s’agit du mouvement de tête à tête. Ce mouvement consiste tout simplement à déplacer la tête d’une projection maximale XP dans la tête d’une autre projection maximale YP, ce qui aura comme conséquence de 36
  • 37. placer la première tête X à gauche de la deuxième tête Y ; dans la position initiale de X reste une trace de ce dernier, notée (t X) mais que nous avons noté tout au long de la thèse en grisant l’élément déplacé : (23) YP Spécifieur Y’ X Y XP Spécifieur X’ tX Complément Pour certaines formes, nous ferons appel à une deuxième opération, il s’agit de la fusion. La fusion permet de combiner deux objets différents de façon à en créer un seul. Elle s’opère entre une tête et son Complément [X-Complément] ou entre une tête et son Spécifieur [Spécifieur-X]. Dans une proposition comme : [Le garçon [a mangé][une pomme]]. La fusion [Tête-Complément] associe le verbe [manger] à son Complément [une pomme] de façon à avoir : [manger une pomme]. La fusion [Spécifieur-Tête] associe le sujet [le garçon] au verbe [manger] de façon à avoir [le garçon mange la pomme]. C’est l’opération qui permet de créer des syntagmes et pare la suite, des propositions. Dans l’étude de certaines formes verbales, cette opération est morphologiquement visible et ce, dans les cas où les arguments en position Spécifieur ou Complément se réalisent sous forme d’un pronom faible qui ne peut pas exister à l’état libre. En effet, dans ces cas-là, le morphème en question se réalise attaché au verbe qui est la tête de la projection maximale qui l’inclut. Selon que ce morphème est en position Spécifieur ou Complément, sa position dans la forme verbale sera différente. 37
  • 38. CHAPITRE 1 ANALYSE DE LA FORME I « fa3al » 1. Introduction La forme I est la forme verbale simple qui ne contient aucun augment. Elle se contente de réaliser les trois consonnes de la racine et de les inclure dans une structure verbale. On l’a souvent considérée comme étant la forme de base des autres dérivations et on a toujours étudié les autres formes par rapport à elle.14 La forme I, n’ajoute aucun trait sémantique à la racine, elle garde le même sens que 14On considère que toutes les formes verbales sont dérivées de la forme I et ce en ajoutant un préfixe ou un infixe. De la sorte, la forme I était considérée comme base de la dérivation morphologique. 38
  • 39. celle-ci et ne fait que donner une projection verbale, lui permettant ainsi de se réaliser comme verbe et de répartir ses arguments.15 La forme I a une particularité qui la distingue des autres formes verbales ; en dehors du fait qu’elle est simple et qu’elle ne contient aucun augment la conduisant à changer les traits sémantiques ou les propriétés syntaxiques de la racine. Il s’agit de la voyelle qu’elle réalise en position V2, dite voyelle lexicale. 2. Que peut-on dire sur la voyelle lexicale ? La voyelle lexicale apparaît exclusivement dans la forme I de l’actif. En effet, ni les neufs formes verbales restantes, ni la forme I du passif ne réalisent cette voyelle. La voyelle lexicale, en V2, peut être soit un « i » ou un « a » ou enfin un « u » ; ce sont là les seules voyelles que possède le système vocalique de l’arabe classique. On considère que la voyelle lexicale se trouve dans la racine et on la représente entre parenthèses : √ktb(a), √lbs(i), √kbr(u). Néanmoins, si l’on place la voyelle lexicale dans la racine, il faudra expliquer la raison pour laquelle la forme I du passif et les neufs autres formes verbales de l’arabe classique, qui utilisent soit le CV dérivationnel soit le CV préfixal soit les deux à la fois, ne contiennent pas cette voyelle. En effet, sachant que le passif est dérivé par apophonie de l’actif, on s’attendrait à avoir la forme « *kutub », partant de la forme de l’actif « katab », avec un simple changement du timbre de la mélodie vocalique : « a → u ». Pourtant, ce n’est pas la forme attestée dans l’arabe classique : la forme du passif est « kutib ». Vu la mélodie vocalique de la forme du passif « u__i », on en déduit que la mélodie 15Contrairement à ce que fait la forme II en ajoutant un sens « intensif » ou la forme IV en ajoutant un sens « causatif » ou encore la forme III « en ajoutant un sens « réciproque »…etc. 39
  • 40. du départ de la dérivation est « a__ø» (katøb) et non pas « a_a » (katab). La chose a été établie par Guerssel et Lowenstamm (1993,1996). Le fait que la voyelle lexicale ne se maintient pas dans la forme I au passif est la preuve que cette voyelle ne se trouve pas dans le domaine de la racine. De même, le fait que cette voyelle ne se réalise pas non plus dans les autres neufs formes de l’actif indique que la voyelle lexicale ne fait pas partie de la structure syntaxique de l’actif. Qui plus est, il existe des formes verbales, et elles sont nombreuses, qui ne réalisent pas la voyelle lexicale à la forme I de l’actif, ce qui signifie que cette dernière ne fait pas partie de la syntaxe d’une forme I. Ces formes verbales se contentent de mettre une voyelle « a » copie de la voyelle en V1 à la position V2. On le sait car les formes de l’imperfectif laissent apparaître une voyelle « i », comme on peut le voir dans la liste suivante : (24) Perfectif Imperfectif - Darab ya-Drib (frapper) - Hamal ya-Hmil (porter) - saraq ya-sriq (voler) Si l’on peut avoir un nombre de verbes à la forme I sans voyelle lexicale, cela n’empêche pas que d’autres verbes, quant à eux, réalisent cette voyelle sous ces trois timbres : « i », « a » et « u ». La structure argumentale d’un verbe contenant une voyelle « i » peut être identique à celle d’un verbe contenant la voyelle «a » comme elle peut être identique à celle d’un verbe contenant la voyelle « u ». En effet, un verbe en « i » peut avoir deux arguments pareillement qu’un verbe en « a » de même, il peut avoir un seul argument pareillement qu’un verbe en « u ». De ce fait, le choix du timbre de la voyelle lexicale ne dépend pas de la structure syntaxique. La différence entre les verbes réalisant la voyelle lexicale « i » et les verbes réalisant la voyelle « a » ou la voyelle « u » est d’ordre sémantique. Les verbes en « a » affectent l’objet alors que les verbes en « i » et en « u » affectent le 40
  • 41. sujet ; la différence entre les verbes en « i » et les verbes en « u » est que les premiers affectent le sujet temporairement alors que les seconds affectent le sujet d’une manière permanente. De la sorte, lorsqu’un verbe a une structure simple, il a la possibilité d’insérer une voyelle lexicale en V2. Selon que le verbe affecte son objet ou selon qu’il affecte son sujet, d’une manière contingente ou permanente, la voyelle lexicale insérée sera « i » ou « a » ou « u ». La voyelle lexicale est entièrement différente des morphèmes du passif et du causatif, entre autres, vu que ces derniers modifient les arguments du verbe alors que la voyelle lexicale n’apporte aucun changement quant aux arguments ni même au sens du verbe. La voyelle lexicale est l’élément qui reflète la structure du verbe simple à l’actif : verbe simple par rapport au verbe contenant une position CV en plus et verbe à l’actif par opposition au verbe au passif. Etant donné que l’étude que nous proposons s’intéresse à la structure syntaxique des dix formes verbales et qu’il sévère que la voyelle lexicale n’en fait pas partie, nous ne proposons pas ici de résoudre le problème de savoir à quel niveau elle intervient. Nous nous sommes contentés de donner quelques arguments établissant qu’elle ne fait pas partie de la structure syntaxique de la forme I et qu’elle est insérée bien tardivement. 3. Que représente réellement la racine ? La racine contient un nombre de traits sémantiques incluant des éléments tels que « objet », « qualité », « action », « état »…etc. Vu que notre étude porte uniquement sur les formes verbales, nous ne nous intéressons qu’aux racines dont la composition sémantique est celle d’un verbe. Les racines sémantiquement verbales contiennent des traits tels que « action », « état » ainsi que les participants à l’événement dénoté par la racine. 41
  • 42. Ce contenu sémantique se reflète dans la structure de la racine voire de √P. En effet, selon le nombre des arguments que renferme une racine et selon le rôle thématique de chacun d’eux, l’architecture de √P sera différente. Trois structures sont à dénombrer. Une racine telle que √ktb dont la matrice se présente de la façon suivante : (25) √ktb Ecrire Action Agent (+humain) Thème (-humain) Aura la structure suivante : √P (26) Argument 1 √’ (Agent) Argument 2 √ktb (Thème) L’argument « Agent » prend la position Spécifieur et l’argument « But » prend la position Complément. Les racines qui ont deux arguments auront toutes cette même structure. La position Spécifieur sera remplie par l’argument qui fait l’action ou qui est la source de l’action que ce soit un « Agent » ou un « Thème » et la position Complément sera remplie par l’argument qui subit l’action ou qui est directement affectée par l’action que ce soit un « Patient » ou un « But ». Ce même ordre sera conservé lorsque √P est sélectionnée par un VP qui permettra de donner à l’argument en position Spécifieur la fonction Syntaxique Sujet et à l’argument en position Complément la fonction Complément d’objet respectant ainsi la relation entre fonction syntaxique et rôle thématique. 42
  • 43. Une racine telle que √xrj dont la matrice est : (27) √xrj Sortir Action Thème (+animé/-animé) Aura la structure suivante : (28) √P Argument √xrj (Thème) Le seul argument que comporte la racine a le rôle thématique « Thème » et il occupe donc la position Spécifieur de √P. Ce sera le cas pour toutes les racines qui ont un seul argument dont le rôle thématique est « Agent » ou « Thème ». Ce genre de racine donne à la forme I, une fois sélectionnée par VP, des verbes intransitifs ou inaccusatifs tels que « sortir » mais aussi « tomber ». L’argument « Agent » ou « Thème » occupera, une fois √P sélectionné par VP, la position Spécifieur de VP et aura, par la suite, la fonction Sujet. Une racine telle que √ksr dont la matrice est : (29) √ksr Casser Expérience Patient (-humain) Aura la structure suivante : √P (30) Argument √ksr (Patient) 43
  • 44. Le seul argument que détient cette racine a le rôle thématique « Patient » et il occupe donc la position Complément de √P. Ce sera le cas pour toutes les racines dont le seul argument a le rôle thématique « Patient ». Cet argument, une fois √P sélectionnée par VP, gardera sa position de Complément et aura la fonction Complément d’objet. Il ne prendra pas la position Spécifieur de VP et ne sera pas le Sujet dans une forme I « kasar » : « *kasar al-ka?s ». Il est intéressant de signaler que ce genre de racines est le seul qui peut avoir une forme VII « n-fa3al » ; ce qui permet de les distinguer des racines à un seul argument du type « √xrj ». De surcroit, ces racines lorsqu’elles font une forme II, celle-ci dénote toujours l’intensif et jamais le causatif comme c’est le cas pour les autres formes II. Ainsi, lorsqu’une racine détient un seul argument, ce qui détermine si cet argument prend la position Spécifieur ou Complément c’est son rôle thématique. La différence entre la structure en (28) et en (30) provient de la différence entre l’argument que détient une racine telle que √xrj et celui que détient une racine telle que √ksr. Dans le premier cas, l’argument est celui qui fait l’action et a le rôle thématique « Thème » alors que dans le deuxième cas l’argument est celui qui subit l’action et a le rôle thématique « Patient ». De ce fait, dans (28) l’argument prend la position Spécifieur (cet argument aura par la suite la fonction Sujet du verbe de la forme I) alors que dans (30) l’argument prend la position Complément (cet argument aura par la suite la fonction Complément d’objet du verbe de la forme I). Si l’on admet aisément qu’une racine puisse avoir un seul argument quand ce dernier a le rôle thématique « Agent » ou « Thème » dans la mesure où une action ne nécessite pas obligatoirement la participation d’un autre argument, le cas d’une racine dont le seul argument a le rôle thématique « Patient » nécessite une explication. En effet, ce qui dit « Patient » dit un argument qui subit une action faite par un autre argument. D’ailleurs à la forme I, le verbe « kasar » laisse apparaître un sujet « Agent » : « 3ali kasar al-ka?s » (3ali a cassé le verre). 44
  • 45. Considérer que la racine √ksr ne contient dans sa grille thématique que l’argument « Patient » et que l’argument « Agent » est ajouté par une autre projection est dicté par la relation qu’entretient ce dernier avec l’événement dénoté par la racine. L’argument « Agent » qui apparaît dans une proposition telle que: « 3ali kasar al-ka?s » (3ali a cassé le verre) et qui assure la fonction Sujet, ici « 3ali », fait une action autre que « casser ». En effet, ce que fait le sujet est une action du type « jeter », « laisser tomber », « taper »…etc., dont résulte l’événement « casser ». C’est l’argument qui prend la position Complément, ici « ka?s », qui est concerné par cet événement ; le français permet de rendre compte de ce sens et admet une proposition du type : « le verre casse ». Par ceci, la racine √ksr se distingue d’une racine telle que √ktb qui, elle, détient dans sa grille thématique et l’argument « Agent » et l’argument « Patient ». En effet, dans la proposition avec le verbe à la forme I « katab » : « 3ali kataba risaalat-an » (3ali a écrit une lettre), l’argument « 3ali » fait l’action « écrire » et est donc concerné par l’événement dénoté par la racine. 4. Que contient le domaine VP ? En dehors de la voyelle lexicale qui est insérée tardivement, la forme I « fa3al » contient uniquement la racine et la projection VP qui permet de réaliser un verbe.16 On considère communément que la projection VP est constituée d’une tête V qui renferme un verbe, d’un Spécifieur qui renferme un argument dont le rôle thématique est « Agent » ou « Thème » et dont la fonction syntaxique est Sujet puis d’un Complément qui renferme un argument dont le rôle thématique est « Patient » et dont la fonction syntaxique est Objet. La tête V de VP comporte un 16 Bien entendu la forme I aura des projections d’Aspect et d’Accord mais ici nous parlons seulement du niveau le plus bas de la structure syntaxique. 45
  • 46. verbe sous forme de radical pour les langues romanes et sous forme de racine pour les langues sémitiques. Avec l’hypothèse qui stipule qu’une racine vient avec ses arguments, la grille thématique qu’on attribuait au verbe devient l’affaire de la racine et la projection VP se voit ôter ses constituants. En effet, la racine ainsi que les arguments prennent place non pas dans la projection VP mais dans la projection √P : (31) √P √’ Argument 1 √f3l Argument 2 Le domaine √P contient la racine et ses arguments. La racine occupe la position tête et les arguments, selon leurs traits sémantiques et le rôle thématique qu’ils peuvent revêtir, occupent soit la position Spécifieur ou la position Complément de √P. De la sorte, ce qui constitue la partie lexicale d’un verbe est dorénavant accordé à √P et non plus à VP. Par conséquent, la notion de tête lexicale qu’on attribuait à V n’est plus valable et c’est la tête √ qui assume à présent ce rôle. Privé de sa propriété d’être une tête lexicale, V ne peut que devenir une tête fonctionnelle. A vrai dire, malgré le fait qu’on considérait la tête V comme étant une tête lexicale, elle n’en était pas moins un élément qui assumait quelques fonctions syntaxiques telles qu’assigner l’accusatif. De ce fait, VP joignait à la fois des propriétés syntaxiques et des propriétés lexicales du verbe. Avec l’hypothèse d’une racine qui projette ses propres arguments, celle-ci prend en charge le côté lexical du verbe et laisse à VP le côté fonctionnel. Ainsi, la tête de VP devient fonctionnelle et se doit de contenir un élément qui constitue une marque verbale et qui peut structurer les arguments de la racine. 46
  • 47. Certes, la racine organise ses propres arguments et en place un dans la position Spécifieur de √P et l’autre dans la position Complément de √P mais cette répartition est basée sur le rôle thématique de chacun. Ce n’est que lorsque la racine est sélectionnée par VP qu’elle reçoit ainsi que ces arguments une fonction syntaxique. En montant dans la position V, la racine acquiert le trait syntaxique [+verbe]. L’argument de la racine qui occupe la position Spécifieur de √P se déplace dans la position Spécifieur de VP puis se déplacera dans la position Spécifieur de IP, ce qui lui donnera le cas nominatif et la fonction Sujet. L’argument qui occupe la position Complément de √P reste dans sa position de Complément par rapport à V, ce qui lui attribue le cas accusatif et la fonction Complément d’objet : VP (32) Argument 1 V’ V [CV] √P a Argument 1 √’ √f3l Argument 2 En tant que tête fonctionnelle, V disposera d’une position CV et si l’on observe les formes verbales, on voit qu’elles réalisent toutes une voyelle « a » en V1.17 Cette voyelle a été considérée tantôt comme une voyelle du perfectif tantôt comme une voyelle de l’actif et ce, parce qu’elle servait de voyelle de départ pour la dérivation de l’imperfectif et du passif. En effet, chacun du passif et de l’imperfectif contenait une voyelle obtenue par apophonie à partir de la voyelle « a ». A signaler que certaines formes de l’imperfectif ne répondaient pas à cette généralisation et 17 Rucart (2006), dans son étude de la flexion verbale en afar, avait proposé que toute tête fonctionnelle corresponde à une seule unité [CV]. Pour V, il considère que c’est une tête lexicale qui inclut une position [CV] plus le gabarit de base [CVCVCV]. Dans notre analyse, la racine n’est pas un nœud terminal de V, elle a sa propre projection. De ce fait, V fonctionne comme une tête fonctionnelle et disposera d’une seule unité [CV]. Par ailleurs, la racine est une tête lexicale qui ne dispose pas de positions CV. Ces dernières ne sont générées que dans des têtes syntaxiques et apportent le gabarit auquel s’associent les éléments lexicaux. 47