1. CONCERTO DU FLEUVE JAUNE
Mes Amis du magazine « Chine Actuelle » m’ont parlé du célèbre concerto du Fleuve Jaune
avec beaucoup d’admiration. Et voici que je songe à faire une sorte de fantaisie – paraphrase
pour le piano de cette œuvre conséquente, magistrale. La tâche s’avère laborieuse. Ainsi je
décide d’agir, selon ma propre méthode d’apprentissage, étape par étape, allant au sens de la
matière, en examinant tous ses éléments.
J’entame mon parcours par Le fleuve Jaune ou Huang He: (黃河), cela s'écrit également
en hanyu pinyin Huánghé. Cour d’eau gigantesque, par sa longueur troisième en Asie et
sixième au monde. On l’appelle « Berceau de la civilisation Chinoise » car son bassin fluvial
porta naissance jadis à l’ancienne nation Chinoise Han et fut sa région la plus prospère. Le
fleuve est réputé par ses crues désastreuses… Je passe alors à la Cantate du Fleuve Jaune, qui
a donné naissance au Concerto. La surprise m’attendait : le compositeur Xian Xinghai (ou
Hsien Hsing – Hai) décéda à Moscou en octobre 1945 ! C’était suffisant pour m’inspirer : le
compositeur, né en 1905 à Funyu, province de Canton, près de Macao, a fait les études de
musique solides, d’abord à Shanghai, ensuite à Paris avec d’Indy et Paul Dukas. De nature
romantique et naïve, il participe à la guerre sino-japonaise au cours de laquelle il découvre la
Rivière Jaune, série de poèmes de Guang Weiran. Inspiré, enthousiasmé, il les met en
musique dans sa cantate (« La Cantate du Fleuve jaune, 1939). Sa frénésie fut telle qu’il
termine son ouvrage en six jours, qui devint très populaire ! Ensuite sa recherche du monde
meilleure l’avait emmené à Moscou (il ne faut pas négliger le fait que la Chine n’était pas
encore communiste). Il y meurt le 30 octobre 1945, la Deuxième Guerre Mondiale a peine
terminée. On avait, au temps l’U.R.S.S., un nombre considérable des rêveurs-idéalistes
comme camarade Xian Xinghai, aspirés de trouver le paradis sur terre pour tout le monde,
l’égalité et la fraternité entre les gens ; ils étaient bienvenus dans le premier pays du régime
socialiste. J’ai découvert la Cantate et j’ai salué ce romantisme indélébile, sa fraicheur dans
l’innocence authentique.
Mon étape suivant est un arrêt devant la partition du « Concerto pour le Fleuve Jaune » :
adaptation de ladite Cantate pour le piano & orchestre symphonique. Je n’éviterai pas le
contexte historique de la création collective de cette œuvre : on méditerait alors sur le rôle de
Chiang Ching, épouse de Mao Ze-Dong, en parallèle responsable des affaires culturelles ;
initiatrice, promotrice & marraine spirituelle du Concerto. Je ne voudrais nullement rentrer
dans les considérations, prises de positions… étant convaincue que chaque période historique
possède ses justifications, voire exonérations. Donc, l’épouse du Grand Timonier jugea le
poème trop conservateur et par conséquence chargea La Société Philharmonique Centrale de
Chine, composée de Yin Chengzong, Liu Zhang, Chu Wanghua, Sheng Lihong, Shi
Shusheng et Xu Feisheung, de l’adapter en fonction du moment dans l’histoire de la
République Populaire de Chine. Rappelons que la Cantate prenait pour sujet la guerre sino-
japonaise, alors que le Concerto devait célébrer de façon plus générale le peuple chinois, son
esprit combatif.
Affectée (dans un bon sens) par la grandeur, virtuosité à la perfection, force et dynamisme,
j’ai écouté et visualisé plusieurs interprétations du Concerto. Il n’y avait pas de surprises : la
version de Lang Lang était championne absolu de la matière ! Comment pourrais-je rivaliser
avec un tel triomphateur ? Ma réponse fut explicite : éviter la confrontation en comparaison,
créer une Fantaisie originale pour piano seul, en évitant les panaches des passages fougueux.
2. J’allais me concentrer sur le côté imagé, expressif de l’œuvre. De ce fait j’ai complètement
abandonné une tentative d’adapter le 4ème mouvement – « Défense du Fleuve Jaune ». Je me
suis focalisée sur le principe de la visualisation du Fleuve Jaune en combinée avec le principe
des mouvements perçus. Je fus inspirée par le début du 3ème Mouvement – « Le Fleuve Jaune
Indigné », c’est le timbre d’une introduction exécutée à la flûte de bambou, imitant le style de
Chensi du Nord ; suivi du solo de piano, qui, en mimant des instruments traditionnels, produit
une mélodie claire et joyeuse. J’ai eu le départ ! J’ai enchainé naturellement avec le 2ème
mouvement – « Ode au Fleuve Jaune ». Dans mon esprit l’introduction solennelle et lente par
les violoncelles combiné avec une mélodie somptueuse au piano, incarne la longue histoire de
la nation chinoise. Ce fut alors ma seconde partie. J’ai fait une transition tonale logique en me
dirigeant vers le 1er mouvement – « Chant des Bateliers du Fleuve Jaune ». Les arpèges au
piano devinrent mon inspiration faisant allusion aux vagues dans leurs périlleuses envolées.
Indiscutablement le Fleuve Jaune est tumultueux, imprévisible ; le motif du chant des
bateliers devint la partie principale de ma création. C’est le combat et résistance, force de la
nation indéfectible qui défie le courant impétueux et contourne les hauts fonds du fleuve.
Ceci aurait pu être la finale. Toutefois je suis revenue au 2ème mouvement et j’ai terminé par
l’Hymne au Fleuve Jaune.
Ma journée des investigations et découvertes de ce que le Concerto du fleuve Jaune s’achève.
Ma Fantaisie pour le piano sur ses thèmes accomplie je perçois que j’avais travaillé dans la
tradition de l’école russe de piano de la fin du XIXème siècle et pourtant ça s’est associé
organiquement avec de la musique chinoise. Et j’ai décelé un personnage hors paires : Xian
Xinghai, dont le destin et l’héritage musicale abrite suffisamment d’énigmes pour passionner
nos lecteurs !