SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  72
Télécharger pour lire hors ligne
POUR ACCÉLÉRER LA
CONVERGENCE FISCALE
EUROPÉENNE
EUROPE
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION
DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Septembre 2016
3
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
Premier conseil de proximité des chefs d’entreprise, l’expert-comptable est devenu
largement, dans les faits et de par sa formation, le premier « expert-fiscal  » des
entreprises. L’étroite connexion qui existe en droit français et dans la plupart des
Etats de droit romano-germanique, entre comptabilité et fiscalité, justifie pleinement
ce positionnement.
Forte sa connaissance fine des entreprises, de son expertise, de sa déontologie, et
soucieuse de l’intérêt général, notre profession contribue régulièrement à formuler
des propositions d’amélioration et de simplification des dispositifs fiscaux nationaux.
Réunie à Bruxelles, capitale européenne, du 28 au 30 septembre 2016, à l’occasion du
71e Congrès de l’Ordre des experts-comptables, sur le thème « Expert-comptable,
expert-fiscal », la profession comptable française a souhaité, formuler des
propositions de réforme et d’adaptation de la fiscalité européenne, afin d’accélérer
la convergence fiscale des Etats membres de l’Union européenne, convergence utile
au bon fonctionnement de notre marché commun.
L’absence d’harmonisation fiscale européenne est trop souvent source d’insécurité,
tant pour les entreprises et que pour les États, et favorise une concurrence fiscale
déloyale qui se nourrit de l’absence de transparence des pratiques fiscales au sein de
l’Union européenne. Dans ce contexte, il apparaît urgent d’établir des règles fiscales
communes claires, précises et simples, permettant d’assurer le développement
économique de l’Union européenne dans un contexte de concurrence internationale
intense.
Il ne s’agit pas ici d’énumérer des propositions de réforme « clé en main » mais de
suggérer des pistes de réflexion, qui doivent certainement être affinées, afin d’engager
un processus de convergence fiscale européenne dans de bonnes conditions, quitte
à s’éloigner parfois de certains principes bien établis.
Ces propositions témoignent de la volonté des experts-comptables d’apporter
utilement leur pierre à la construction de l’édifice fiscal européen.
Philippe Arraou
Président du Conseil supérieur
de l’Ordre des experts-comptables
5
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS 7
1.	 RECHERCHER DE PLUS GRANDES CONVERGENCES POUR
L’IMPOSITION DES ENTREPRISES 11
A.	 De nouvelles règles de territorialité prenant en compte la réalité des
échanges économiques 13
B.	 Des règles d’assiette convergentes pour tous les Etats 18
a.	 La prise en compte du résultat comptable  19
b.	 L’application de retraitements purement fiscaux 22
c.	 La prise en compte de dispositifs incitatifs 23
C.	 Un encadrement communautaire des dispositifs fiscaux incitatifs 25
a.	 Cadre réglementaire actuel 25
b.	 Vers une harmonisation des aides étatiques 26
c.	 Un régime de gestion des déficits dans les entités soumises à l’impôt
sur les sociétés identique au plan européen 32
D.	 Un encadrement des taux d’imposition des résultats afin de
progresser vers une véritable convergence 34
2.	 RECHERCHER DES RÈGLES EUROPÉENNES COMMUNES EN MATIÈRE
D’IMPOSITION DES GROUPES 37
A.	 Vers une imposition des groupes conforme à la réalité économique 		
et à la jurisprudence communautaire  38
B.	 Deux régimes distincts pour les groupes économiques fortement 		
intégrés 41
a.	 Un régime de compensation simple 41
b.	 Un régime de compensation avec neutralisations 42
C.	 Un régime permettant la compensation partielle des résultats 			
pour les groupes économiques moins intégrés 45
6
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
3.	 SIMPLIFIER L’APPLICATION DE LA TVA 47
A.	 Extension du mécanisme d’autoliquidation dans les relations entre
assujettis (B to B) 47
B.	 Une plus grande liberté dans la fixation des taux réduits de TVA 50
ANNEXES 51
ANNEXE 1 : AUTOLIQUIDATION DE LA TVA DANS LES RELATIONS B TO B –
IMPACT SUR LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES 53
1.	 Pour les livraisons de biens 53
2.	 Pour les prestations de services 56
3.	 Conclusion 58
ANNEXE 2 : TAUX RÉDUITS DE TVA – SYNTHÈSE DES TAUX RÉDUITS
APPLICABLES DANS LES ETATS MEMBRES 59
1.	 Présentation du contexte 59
2.	 Constat de la situation en France 61
3.	 Constat dans les autres pays européens 62
SYNTHESE DES PROPOSITIONS 65
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
7
AVANT-PROPOS
La mise en place du grand marché européen aurait dû s’accompagner, dès que
possible, d’une harmonisation forte, tant au plan fiscal que social, afin que les règles
de libre concurrence sur lesquelles il repose puissent trouver une réelle application,
sans distorsion ou anomalie entre les Etats membres.
Force est de constater que ces impératifs d’harmonisation n’ont pour l’instant pas
pu aboutir, en raison des règles d’unanimité dans la décision communautaire relative
à la définition des règles fiscales communes, et des divergences d’appréciation des
Etats membres dans ce domaine sensible puisque touchant aux ressources et aux
dépenses publiques.
Or, pour l’essentiel, l’harmonisation fiscale européenne ne concerne en réalité à ce
jour que la TVA, dans la mesure où elle était indispensable à la construction du grand
marché unique et à la libre circulation des marchandises au sein de l’Union. Cet
impératif est aujourd’hui consacré par l’article 112 du Traité sur le fonctionnement de
l’Union européenne.
Bien que commencée de longue date, cette harmonisation a dû franchir plusieurs
étapes, depuis le texte fondateur de la 6ème
directive 77/388 du 17 mai 1977. L’étape
suivante la plus importante a été la directive 91/680 du 16 décembre 1991 instituant un
système commun de TVA connu sous l’appellation de « TVA intracommunautaire »,
conçu au départ comme un régime transitoire qui aurait dû conduire à un régime
définitif plus intégré. Enfin, par la suite, la directive 2006/112 du 28 novembre 2006
a procédé à une refonte générale des règles d’assujettissement, complétée par la
directive 2008/8 du 12 février 2008 consacrée aux règles de territorialité applicables
aux prestations de services.
En dépit de ces nombreuses avancées réglementaires, l’harmonisation des règles de
TVA demeure encore largement perfectible. Sans doute peut-on affirmer aujourd’hui
que la TVA est l'impôt européen par excellence. Toutefois, le grand rêve initial,
reposant sur le principe de la perception de la TVA par le fournisseur auprès de
son client situé dans un autre Etat membre et sur la compensation entre Etats de la
TVA ainsi collectée, n’a pas encore été réalisé à ce jour puisque le régime transitoire
demeure encore applicable.
8
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Des avancées peuvent et doivent encore être faites, notamment par une réflexion
approfondie sur l’harmonisation des taux applicables dans les différents pays, sans
que celle-ci obère le développement économique et social de chacun d’eux.
Mais c’est en matière d’imposition directe que l’harmonisation fiscale fait cruellement
défaut, et particulièrement en ce qui concerne les règles de détermination et
d’imposition des résultats des entreprises. Cette absence d’harmonisation de
la fiscalité des entreprises est particulièrement prégnante dans un contexte de
développement des échanges commerciaux mondiaux, certaines entreprises
cherchant à profiter des différences de règlementation entre les Etats pour payer
le moins d’impôts possible. Il en résulte une concurrence fiscale dommageable
entre les Etats membres qui peut se trouver aggravée par des aides consenties à
ces entreprises. Moins de deux années après l’affaire LuxLeaks, c’est aujourd’hui le
cas d’Apple, qui a enregistré la totalité de ses bénéfices en Irlande, qui est mis en
lumière. La Commission européenne a estimé que l’Irlande avait accordé à Apple
des avantages fiscaux indus pour un montant de 13 milliards d’euros, en bénéficiant
de taux d’imposition exceptionnellement bas à la suite d’un accord négocié avec les
autorités constituant une aide d’Etat incompatible avec les règles de fonctionnement
de l’Union européenne. Cette situation témoigne d’un besoin urgent d’harmonisation
des règles d’imposition des entreprises qui permettra de mettre un terme à la fois
à la concurrence fiscale dommageable entre les Etats et à l’insécurité fiscale qu’elle
génère tant pour les différents Etats membres que pour les entreprises qui y sont
implantées.
Certes, il existe bien en matière d’impôts directs un certain nombre de dispositifs
communautaires d’encadrement qui limitent la liberté législative des Etats, adoptés
sous forme de directives particulières. Ces grandes et anciennes directives, qui
remontent à 1990, concernent principalement les groupes importants, généralement
implantés dans plusieurs Etats membres de l’Union. Il s’agit d’abord de la directive
relative aux sociétés mères et filiales (90/435/CEE), plusieurs fois modifiée depuis lors
(et le plus récemment par la directive 2014/86/UE), dont les conditions d’application
ont d’ailleurs été précisées par une abondante - et quelquefois surprenante -
jurisprudence tant interne que communautaire. Il s’agit ensuite de la directive relative
aux opérations de fusions et d’apports (directive 90/434/CEE devenue directive
2009/133/CE), qui elle aussi a fait l’objet de précisions jurisprudentielles.
On peut encore mentionner la convention multilatérale du 23 juillet 1990 relative à
l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises
associées.
Dans le même esprit, on ajoutera la directive 2003/49/CE du 3 juin 2003 relative
aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre sociétés associées d’Etats
membres différents, qui a conduit à la suppression des retenues à la source sur ces
flux intragroupes.
9
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
Ces textes constituent, sans aucun doute, le cadre le plus ancien et le plus abouti
des règles communautaires spécifiques à l’imposition directe des bénéfices des
entreprises, mais ne couvrent, comme on le voit, que certains domaines particuliers
de la fiscalité.
Cette situation se caractérise donc par la rareté des dispositions communes, alors
que des grands principes existent dans le Traité fondateur de 1957. Il s’agit des
grandes libertés fondamentales, à savoir tout d’abord la liberté d’établissement des
personnes et des entreprises au sein de l’Union européenne, mais également des
autres libertés de circulation (des personnes, des biens, des services, et plus tard
des capitaux). C’est pourquoi, la jurisprudence communautaire, étendant au do-
maine fiscal ces grands principes du Traité, a joué, joue et continuera de jouer un
rôle d’encadrement et d’harmonisation des législations nationales. En effet, comme
les juges de la Cour de justice de l’Union européenne ont eu maintes fois l’occasion
de l’affirmer dans chacune de leurs décisions, «  si la fiscalité directe relève de la
compétence des Etats membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent
exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire et, par conséquent, s'abstenir
de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité ».
C’est ainsi que, depuis la première décision marquante concernant la France, qui
remonte à présent à trois décennies1
, les juges de Luxembourg ont eu l’occasion de
traiter maints sujets fiscaux importants touchant à la fiscalité directe des entreprises.
On peut citer les régimes de distributions2
, la question de l’imputation des pertes3
,
l’application des régimes de groupes4
ou encore la question de la sous-capitalisation
des sociétés5
. En outre, les juridictions nationales interprètent désormais largement
les textes fiscaux à la lumière des principes ou des directives communautaires,
comme l’ont montré par exemple les dernières décisions du Conseil d’Etat français
au sujet du régime mère-filiale.
Le fait d’obliger les juges communautaires et nationaux à mener « par défaut » cette
tâche d’harmonisation n’est pas satisfaisant. Cela crée une grande insécurité fiscale,
d’abord pour les entreprises qui éprouvent des difficultés à appliquer correctement
la règle fiscale, même si dans de nombreux cas certaines ont pu y trouver avantage,
ensuite pour les administrations fiscales qui peuvent se montrer hésitantes dans
la mise en œuvre de réformes dont la conformité pourrait être contestée après
plusieurs années d’application, et enfin pour les Etats qui peuvent être amenés à
supporter les conséquences budgétaires quelquefois très lourdes de ces remises en
cause.
1
CJCE, 28 janvier 1986, C-270-83 Commission contre France, concernant l’utilisation de l’avoir fiscal par les
établissements stables de sociétés étrangères
2
CJCE, 8 mars 2001, C-397/98 et C-410/98 Metallgesellschaft/Hoeschst
3
CJCE, 16 juillet 1998, C-264/96 Imperial Chemical Industries
4
CJCE, 13 décembre 2005, C-446/03 Marks  Spencer Plc ; CJCE, 27 novembre 2008, C-418/07 Société
Papillon
5
CJCE, 12 décembre 2002, C-324/00 Lankhorst Hohorst Gmbh
10
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Cette insécurité fiscale s’est encore aggravée dans la période récente, à la suite
de la multiplication des dispositifs anti-abus, rendue nécessaire par la révélation
de l’existence de nombreuses pratiques d’optimisation fiscale préjudiciables au
bon fonctionnement du marché intérieur. En effet, les dispositifs mis en place ont
nécessairement un caractère général, et nombre de mécanismes visant à lutter
contre la fraude, l’évasion et la concurrence fiscale dommageable sont de nature à
inquiéter les entreprises, et surtout celles qui ne se livrent pas à de telles pratiques.
Les entreprises, tout comme les Etats, ont besoin de règles fiscales claires, stables et
précises. En un mot, il existe de la part des acteurs économiques et plus largement
de la société toute entière une réelle demande d’harmonisation des législations et
des pratiques fiscales européennes.
Forts de leur pratique, de leur expertise et de leur déontologie, mais aussi de leur
engagement au service de l’intérêt général, et confortés par leurs connaissances
des entreprises et de leurs contraintes, les experts-comptables souhaitent participer
activement et à leur niveau à cette œuvre d’harmonisation. Réunis en Congrès, ils
ont élaboré des propositions qui se veulent constructives pour aller vers une plus
grande harmonisation, ou du moins vers de plus grandes convergences fiscales au
plan européen.
11
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
1.	RECHERCHER DE PLUS GRANDES CONVERGENCES
POUR L’IMPOSITION DES ENTREPRISES
L’harmonisation européenne de la fiscalité directe des entreprises n’a pas encore à
l’heure actuelle de réalité forte, et les tentatives pour la mettre en œuvre, sans cesse
renouvelées, ont le plus souvent avorté.
On peut en comprendre les raisons, qui sont de trois ordres.
D’abord bien évidemment, celle liée à la contrainte budgétaire pour les Etats, en
cette période de réduction impérative des déficits publics. Encore faut-il relever
que cette contrainte pourrait se trouver relativisée en raison de la diminution du
poids relatif des impositions directes, et notamment celles des entreprises, dans les
prélèvements obligatoires.
Ensuite, il existe une autre raison, plus complexe à appréhender, consistant à
rechercher l’équilibre des mécanismes d’imposition entre les différentes formes
d’entreprises existantes dans chaque Etat de l’Union. Ainsi, par exemple, il existe
un plus grand nombre de sociétés en France qu’en Allemagne, et à l’inverse moins
d’entreprises individuelles en France qu’en Allemagne.
Enfin, on ne peut passer sous silence la contrainte liée aux «  histoires  » fiscales
et juridiques respectives de chacun des Etats membres, auxquelles tant les
administrations fiscales locales que les contribuables concernés sont profondément
attachés. En effet, les modalités d’assiette et de recouvrement des impositions sont
souvent étroitement liées aux structures juridiques et aux institutions spécifiques de
chacun des pays.
On comprend mieux que dans un tel environnement, il soit difficile, si ce n’est
impossible, d’obtenir des décisions unanimes pourtant nécessaires à toute
modification de la législation de l’Union européenne.
Malgré ces difficultés, il apparait indispensable de progresser vers une convergence
forte en matière d’imposition des entreprises qui puisse assurer tout à la fois :
•	 le fonctionnement harmonieux du marché unique par la suppression des
pratiques fiscales de nature à causer des distorsions de concurrence ;
•	 l’indispensable sécurité juridique et fiscale des entreprises, qui doit favoriser
leurs perspectives de développement ;
•	 le développement économique et social des pays de l’Union à travers une
fiscalité incitative favorisant l’investissement et l’emploi, et assurant donc la
croissance.
12
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Cette convergence devrait impérativement respecter la localisation des ressources
fiscales entre les Etats membres, lesquels doivent pouvoir conserver l’essentiel de
leur souveraineté fiscale.
Cette convergence fiscale, que les experts-comptables estiment hautement
souhaitable, implique qu’ils proposent des mesures touchant aux trois aspects
essentiels de l’imposition des entreprises :
•	 le premier concerne les règles de territorialité, puisque ces règles doivent sans
aucun doute être adaptées aux évolutions des activités internationales dont
la localisation devient de plus en plus difficile à appréhender notamment dans
certains secteurs d’activité ;
•	 le deuxième concerne la détermination de l’assiette des impositions du
résultat. Cette détermination relève de règles différentes, ce qui implique
qu’une réflexion approfondie soit menée dans l’urgence, sans attendre la mise
en place d’une assiette commune (ACIS) qui serait pourtant souhaitable. Il est
par ailleurs nécessaire que cette réflexion intègre la question du traitement
des déficits fiscaux par les Etats membres ;
•	 le troisième concerne la mise en place de règles de convergences des taux
d’imposition des bénéfices, afin d’atténuer les risques de concurrence fiscale
entre Etats.
Ces trois aspects sont bien évidemment liés et leur mise en œuvre devrait être
menée de front, puisqu’il est difficile d’imaginer des taux d’imposition convergents si
les assiettes auxquelles ces taux s’appliquent n’ont pas été harmonisées.
La plus grande convergence de la fiscalité directe des entreprises ne peut donc
naître que de ce triptyque : territorialité adaptée ; assiette d’imposition maîtrisée ;
encadrement des taux amélioré.
13
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
A.	De nouvelles règles de territorialité
prenant en compte la réalité des échanges
économiques
Pendant de nombreuses années, les règles de territorialité permettant l’imposition
des bénéfices sont apparues satisfaisantes, même si certaines interrogations avaient
pu naître sur tel ou tel de leurs aspects.
Ces règles de territorialité, élaborées sous l’égide de l’OCDE, sont fondées
pour l’essentiel sur la notion d’établissement stable, défini par l’existence d’une
implantation physique, ou par la réalisation d’un cycle complet de production dans
un pays déterminé.
Cette définition de l’établissement stable, proche de la réalité économique, permet
ainsi de rattacher la matière imposable au pays dans lequel la valeur se crée. Elle
s’avère donc pertinente et logique dans un environnement économique « classique ».
Cependant, les règles de territorialité ainsi décrites deviennent largement obsolètes
et inappropriées à partir du moment où l’on prétend les appliquer à des activités
immatérielles, dont les résultats ne sont pas liés à la localisation physique d’une
production.
Désormais,leconceptd’établissementstablenepermetpasd’éviterlesdélocalisations
de certaines opérations imposables, principalement en raison du développement du
commerce électronique et de la dématérialisation de bon nombre de prestations de
services.
Cette notion d’établissement stable n’est donc plus pertinente dans de nombreuses
situations, et surtout, elle ne permet pas d’appréhender certaines opérations
économiques nées de la dématérialisation des échanges et du commerce en ligne.
Aujourd’hui, une entreprise peut facilement réaliser des opérations dans un Etat sans
y être physiquement implantée, et ainsi ne pas remplir les critères caractéristiques
d’un établissement stable.
Aussi, l’imposition des résultats des entreprises dans une économie mondialisée doit-
elle se rapprocher du lieu d’utilisation et être réalisée dans l’Etat de consommation.
Le développement du commerce en ligne a permis à des entreprises de développer
uneactivitééconomiquedansunEtatsansyêtreimplantée.L’absenced’établissement
stable dans le pays de consommation permet à l’entreprise d’éviter toute imposition
dans cet Etat. Les profits correspondants vont être localisés dans l’Etat offrant la
fiscalité la plus attractive.
Ce phénomène de commerce en ligne, qui à l’origine visait essentiellement les
14
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
livraisons de biens, a connu un essor particulier du fait de la dématérialisation des
produits commercialisés. Désormais, la vente en ligne d’ouvrages et de musique
s’effectue sans support physique par voie de téléchargement.
En parallèle, de nouveaux marchés sont apparus notamment dans le domaine de
l’intermédiation. Des prestations de services sont désormais proposées via Internet
sans présence ni intervention physique du prestataire.
Face à une telle évolution de notre économie, les règles fiscales doivent être repensées
afin d’assurer une corrélation entre la richesse produite et l’Etat d’imposition.
Il conviendrait donc, pour certaines catégories d’opérations pour lesquelles la notion
d’établissement stable n’est manifestement plus adaptée, de privilégier un critère
d’imposition tiré du lieu de consommation, en s’inspirant des règles mises en place
pour la TVA.
Notons que, d’ores et déjà, les conventions fiscales internationales relatives aux
doubles impositions déterminent le lieu d’imposition de certains profits en fonction
de la nature de l’activité et des revenus générés. Ainsi, les revenus tels que les intérêts,
redevances et droits d’auteur supportent un impôt dans l’Etat du débiteur, c’est-à-
dire du « consommateur ». Le principe d’imposition dans l’Etat de de consommation
est donc déjà reconnu en fiscalité internationale.
Il convient aujourd’hui de revoir les règles de territorialité applicables à certaines
activités en ligne (échanges dématérialisés, activités d’intermédiation ou de
prestations dématérialisées) pour lesquelles la notion d’établissement stable n’est
plus adaptée.
L’existence d’une activité économique générerait un impôt dans l’Etat de
consommation, correspondant à un prélèvement sur le chiffre d'affaires réalisé
dans cet Etat. Cette imposition pourrait être appréciée différemment en fonction
du volume d’activité des opérations réalisées. L’objectif est de définir les modalités
selon lesquelles la répartition de l’imposition entre l’Etat de production et l’Etat de
consommation sera réalisée.
En fonction de la nature de l’activité (vente ou prestation de services) et du volume
des échanges opérés, trois situations pourraient être rencontrées :
•	 une imposition exclusive dans l’Etat de production ;
•	 une imposition exclusive dans l’Etat de consommation ;
•	 un partage d’imposition entre les deux Etats.
Le maintien de l’imposition exclusive dans l’Etat de production (en l’absence
d’établissement stable dans l’Etat de consommation) doit être privilégié pour toutes
15
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
les activités de production industrielle nécessitant des investissements lourds. Il
s’agit dans cette situation de maintenir les règles d’imposition existantes.
L’imposition exclusive dans l’Etat de consommation trouverait à s’appliquer lorsque
les moyens de commercialisation déployés et le volume des transactions réalisées
sont conséquents au regard d’un certain nombre de critères (voir ci-après).
Enfin, le partage d’imposition devrait s’appliquer aux opérations dont la nature et le
volume ne permettent pas de privilégier l’un ou l’autre des deux Etats.
A titre d’exemple, il conviendrait de distinguer les prestations de services des
livraisons de biens. Pour les prestations de services (y compris les activités de
téléchargement), les critères pouvant conduire à une imposition dans l’Etat de
consommation pourraient être les suivants :
•	 le volume de données collectées auprès d’utilisateurs situés dans l’Etat de
consommation ;
•	 le volume de mégaoctets transmis ;
•	 le volume de mégaoctets téléchargés ;
•	 le nombre de transactions réalisées avec des clients situés dans l’Etat de
consommation ;
•	 le montant des transactions ;
•	 le nombre de clics sur des liens réalisés par des utilisateurs situés dans l’Etat
de consommation…
En effet, à l’instar de ce qui existe pour les ventes à distance de biens (seuil de
35 000 € pour celles d’Etat membre vers la France), il pourrait être institué un seuil
de mégaoctets téléchargés permettant de retenir la notion d’activité économique
dans l’Etat de consommation.
Pour les activités de livraison de biens, qui nécessitent peu de mégaoctets téléchargés,
l’existence d’une activité économique dans l’Etat de consommation pourrait être
révélée par un faisceau d’indices comprenant les critères suivants :
•	 le volume de données collectées auprès d’utilisateurs situés dans l’Etat de
consommation ;
•	 l’existence d’un site dans la langue de l’Etat de consommation ;
•	 l’achat de bandeaux publicitaires visant une clientèle de l’Etat de consommation ;
•	 l’existence d’un lieu de stockage dans l’Etat de consommation ;
•	 le montant de chiffre d’affaires réalisé auprès d’une clientèle située dans l’Etat
de consommation.
16
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Ces nouvelles règles de territorialité une fois définies, se pose alors la question
des modalités de perception de l’impôt. Là encore, il convient de s’inspirer des
mécanismes mis en place par les conventions fiscales internationales. Afin de
s’assurer du paiement de l’impôt dans l’Etat de consommation, le prélèvement sur le
chiffre d'affaires réalisé prendrait la forme d'une retenue à la source s’appliquant lors
du paiement des transactions réalisées via Internet.
Les opérateurs intermédiaires et organismes financiers (par exemple, Paypal)
seraient tenus de prélever cette retenue à la source lors de chaque transaction, et
de verser son produit aux autorités fiscales de l’Etat de consommation. L’opérateur
économique pourrait être déclaré solidairement responsable de ce prélèvement
avec les établissements financiers par lesquels transitent les règlements.
Cette retenue à la source s’appliquerait quel que soit l’Etat de résidence de l’entreprise
réalisant le chiffre d’affaires, et pas seulement aux entreprises non résidentes. La mise
en œuvre de ce prélèvement pourrait s'inscrire dans le projet de généralisation du
prélèvement fiscal à la source qui devrait s’appliquer à compter de 2018 en France.
Le traitement de la retenue à la source pratiquée dans l’Etat de consommation
diffèrerait en fonction de la nature de l’activité et du volume des opérations réalisées.
Deux hypothèses seraient à distinguer :
•	 lorsque les règles de territorialité nouvellement définies conduisent à un
partage d’imposition entre l’Etat de production et l’Etat de consommation, la
retenue à la source serait libératoire de l’impôt dû dans l’Etat de consommation
et constituerait un crédit d’impôt dans l’Etat d’établissement. Il conviendra de
préciser si cette retenue à la source est restituable dans l’Etat d’établissement
lorsqu’elle excède l’impôt dû ;
Remarque :
Si l’entreprise réalisant le chiffre d’affaires dispose d’un établissement stable (ancienne
définition) dans l’Etat de consommation auquel les revenus peuvent être rattachés, la
retenue à la source constituerait un crédit d’impôt dans cet Etat.
•	 lorsque les nouvelles règles de territorialité conduisent à une imposition
exclusive dans l’Etat de consommation, la retenue à la source constituerait un
acompte d’impôt. Il appartiendrait à l’entreprise de déposer une déclaration
de résultat au titre de cette activité dans l’Etat de consommation.
Remarque :
Le montant du prélèvement opéré devrait inciter l’entreprise à produire une déclaration
fiscale afin d’en obtenir la restitution éventuelle en cas d’excédent.
17
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
En résumé, la proposition de la profession comptable consiste à introduire une
nouvelle règle de territorialité pour les opérations issues du commerce électronique
venant compléter le dispositif de l’établissement stable. Désormais, en fonction
de l’activité exercée et de la nature des produits ou prestations commercialisés,
l’imposition des profits correspondants pourrait être réalisée soit dans l’Etat de
résidence (établissement stable), soit dans l’Etat de consommation. En présence
d’opérations taxables dans l’Etat de consommation, le volume de l’activité
économique déployée pourrait conduire à un partage d’imposition ou à l’imposition
exclusive dans l’Etat de consommation. L’application d’une retenue à la source sur
le chiffre d’affaires réalisé, libératoire et/ou restituable en fonction des circonstances
économiques, permettrait une meilleure répartition de l’imposition entre l’Etat de
consommation et l’Etat de résidence.
PROPOSITIONS
Créer une nouvelle règle de territorialité pour les opérations issues du commerce
électronique venant compléter le dispositif de l’établissement stable. L’existence
d’une activité économique génèrerait une imposition dans l’Etat de consommation,
correspondant à un prélèvement sur le chiffre d'affaires réalisé dans cet Etat, en
fonction du volume d’activité des opérations réalisées.
Instaurer un mécanisme d'imposition dans l’Etat de consommation du bien ou du
service sous la forme d’une retenue à la source appliquée sur le chiffre d'affaires
réalisé qui, selon le volume d’activité, serait libératoire ou constituerait un acompte.
Cette retenue à la source pourrait ouvrir droit à un crédit d’impôt dans l’Etat
d’établissement de l’entreprise ayant commercialisé ces biens et services, et ce dans
le respect de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et des
conventions fiscales internationales.
18
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
B.	Des règles d’assiette convergentes pour
tous les Etats
Parallèlement aux réflexions ci-dessus concernant les règles de territorialité, il
est souhaitable de rechercher des règles d’assiette convergentes dans les Etats
membres.
Afin de déterminer des règles d’assiette convergentes qui puissent être acceptées
par tous, il convient de privilégier des règles :
•	 simples s’inspirant de mécanismes existants ;
•	 respectant les spécificités et la finalité du résultat fiscal ;
•	 respectant l’autonomie des Etats dans leurs choix budgétaires et économiques.
La solution préconisée par la profession comptable consisterait à distinguer trois
étapes dans la détermination de la l’assiette fiscale :
•	 1ère
étape  : prise en compte du résultat comptable  : le résultat fiscal est
déterminé à partir du résultat comptable de l’entreprise ;
•	 2ème
étape : application de retraitements purement fiscaux : afin de prendre
en compte les spécificités du résultat fiscal par rapport au résultat comptable,
des retraitements s’appliqueraient de plein droit ;
•	 3ème
étape : prise en compte de dispositifs incitatifs : chaque Etat conserverait
la possibilité d’introduire dans le processus de détermination du résultat fiscal
la prise en compte de dispositifs incitatifs faisant l’objet d’un encadrement
communautaire.
La mise en œuvre de ces règles d’assiette convergentes pourrait intervenir
rapidement.
Elles ne pourraient que partir de règles comptables harmonisées auxquelles
pourraient s’ajouter des retraitements obligatoires et, le cas échéant, des dispositifs
fiscaux incitatifs.
Ces dispositifs incitatifs devraient être définis, encadrés et élaborés au plan européen
et les Etats membres demeureraient libres de les retenir ou non dans leur législation
nationale.
19
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
a.	 La prise en compte du résultat comptable
Les règles de détermination du résultat comptable des entreprises sont d’ores et
déjà largement harmonisées. Le résultat comptable doit donc constituer le socle du
bénéfice imposable.
Ce lien de connexion entre la comptabilité et la fiscalité a toujours été défendu par
les experts-comptables et est désormais renforcé par la jurisprudence du Conseil
d’Etat, alors qu’il n’avait pas toujours fait l’objet d’un consensus général dans le
passé. Il apparaît désormais très largement partagé au sein des Etats membres, du
moins en ce qui concerne les sociétés d’une certaine taille. La question des très
petites entreprises (TPE), qui demeure débattue et encore incertaine, ne devrait pas
échapper au principe général selon lequel le bénéfice fiscal imposable doit être issu
du résultat comptable.
La prise en compte du résultat comptable est justifiée par :
•	 la nécessité de préserver la cohérence de l’assiette fiscale (connexion, dans le
droit français, entre comptabilité, fiscalité et cotisations sociales) ;
•	 la prévention de la fraude fiscale et sociale et la nécessité de garantir l’efficacité
des contrôles fiscaux et sociaux (rendues possibles par la sécurisation de
l’assiette fiscale et sociale des entreprises) ;
•	 la fiabilité de l’information financière (sur laquelle reposent la protection des
créanciers et la bonne réputation du secteur financier) ;
•	 la protection des consommateurs et destinataires des services.
Contrairement aux Etats de droit anglo-saxon, en France, Etat de droit latin, la fiscalité
et la parafiscalité (cotisations sociales) sont directement liées à la comptabilité.
Il existe en effet un lien étroit entre résultat comptable et résultat fiscal et social,
en raison du principe de connexion entre les règles comptables et fiscales posées
par l’article 38 quater de l’annexe III du code général des impôts : « les entreprises
doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve
que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette
de l’impôt ».
20
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
En d’autres termes, le code général des impôts prévoit que, pour la détermination
de leur résultat fiscal, les entreprises doivent, sauf exception, respecter les règles du
plan comptable général. Cette règle se traduit notamment par le fait que le résultat
imposable est déterminé à partir du résultat comptable. Ce dernier fait l’objet de
certains retraitements (réintégrations/déductions) sur le tableau 2058A de la liasse
afin de tenir compte des spécificités fiscales et sociales.
Cette connexion importante entre les règles comptables, fiscales et sociales existe
depuis 1945. Afin de s’assurer de la sécurité de cette assiette fiscale et parafiscale,
les pouvoirs publics ont en effet créé la profession réglementée d’expert-comptable,
jouissant d’une prérogative d’exercice et soumise à des exigences qui permettent de
sécuriser l'assiette fiscale et parafiscale.
L’administration française et les pouvoirs publics ont constamment réaffirmé le
maintien de la connexion entre comptabilité, fiscalité et parafiscalité.
Ce principe a été réaffirmé en 2005 à l’occasion de la convergence du plan comptable
français avec les normes comptables IFRS. Celles-ci sont basées sur un cadre
conceptuel d’inspiration anglo-saxonne, qui n’accorde aucune place à la fiscalité ni
aux règles de calcul de l’assiette fiscale et sociale.
Le bulletin officiel des impôts (BOI) n°213 du 30 décembre 2005 précise que
l’administration a décidé de faire évoluer les règles fiscales et sociales, mais de
maintenir la connexion de la comptabilité et de la fiscalité. Cette décision fut liée, en
partie, au fait que la fiscalité française s’appuyait sur une comptabilité dont la qualité
était garantie par une profession réglementée.
Cette connexion entre comptabilité et fiscalité a été réaffirmée récemment par un
arrêt du Conseil d’Etat du 23 décembre 2013 n° 346018 min. c/SAS Foncière du
Rond-Point, qui précise qu’il n’existe pas dans le code général des impôts de prise
pour introduire une distorsion entre le droit fiscal et le droit comptable.
Par ailleurs, en France, l’assiette sociale des entrepreneurs individuels est identique
à l’assiette fiscale et comptable. Lors de ses contrôles, l’URSSAF s’appuie donc
également sur la comptabilité.
S’agissant des divergences comptables qui peuvent encore exister, celles-ci devraient
sans doute être plus faciles à résorber rapidement, dès lors qu’elles ne comportent
pas d’incidences budgétaires significatives pour les Etats membres. En tout état
de cause, si une harmonisation comptable à la marge devait être effectuée, celle-ci
renforcerait encore la connexion entre le résultat comptable et le résultat fiscal.
21
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
C’est la raison pour laquelle nous pensons que l’harmonisation comptable pourrait
constituer le préalable le plus accessible pour aboutir à une convergence fiscale
qui prendrait en compte les retraitements fiscaux obligatoires et dérogatoires qui
relèvent de la fiscalité incitative.
PROPOSITION
Dans tous les Etats membres, le résultat fiscal doit être déterminé à partir du résultat
comptable des entreprises, établi sur la base de règles comptables harmonisées.
22
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
b.	 L’application de retraitements purement fiscaux
Dans tous les Etats européens, le résultat fiscal ne correspond pas strictement au
résultat comptable.
En effet, la finalité du résultat comptable n’est pas celle du résultat fiscal. Les normes
comptables ont pour objectif de fournir une image fidèle de l’entreprise à destination
de ses actionnaires et de ses partenaires économiques. Elles permettent d’évaluer
la situation financière de l’entreprise, sa rentabilité et ses perspectives d’évolution.
À l’inverse, le résultat fiscal permet de déterminer l’assiette imposable de l’entreprise
à partir des opérations réalisées au cours de l’exercice. Il contribue à la détermination
de la capacité contributive de l’entreprise.
Le normalisateur comptable et le législateur fiscal doivent pouvoir conserver leur
autonomie, poursuivant l’un et l’autre des objectifs différents.
Tout en réaffirmant la nécessité de maintenir une connexion entre le résultat fiscal
et le résultat comptable pour les raisons précédemment décrites, l’autonomie du
résultat fiscal doit être maintenue.
Certaines règles comptables, justifiées pour des raisons de présentation des états
financiers, ne doivent pas venir impacter le montant de l’impôt. Des retraitements
fiscaux sont donc inévitables lorsque certains principes comptables ne justifient pas
une modification de l’assiette fiscale.
Ces retraitements, qui doivent rester limités, devront être identifiés et s’imposeront à
tous les Etats membres dans un souci de convergence des assiettes fiscales.
Il en va ainsi, d’ores et déjà, de l’application des règles de territorialité propres à
chaque Etat ou de l’application des directives européennes, notamment celles
relatives aux relations mères-filles ou aux fusions.
Ces divergences doivent de ce fait être prises en compte de manière obligatoire par
des retraitements opérés entre le résultat comptable et le résultat fiscal.
PROPOSITION
Pour déterminer le résultat fiscal des entreprises, certains retraitements fiscaux doivent
être appliqués au résultat comptable. Ils devraient être limités, clairement identifiés, et
identiques pour tous les Etats membres.
23
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
c.	 La prise en compte de dispositifs incitatifs
Aujourd’hui, la fiscalité n’est plus seulement un outil de perception de recettes
budgétaires, elle est devenue un outil de politique économique.
De nombreux dispositifs incitatifs à caractère fiscal ont vu le jour, les buts poursuivis
par les Etats membres étant variés :
•	 permettre une meilleure répartition de l’activité économique sur le territoire ;
•	 soutenir certains secteurs d’activité ;
•	 promouvoir l’innovation et la recherche ;
•	 accélérer la transition énergétique ;
•	 favoriser le développement des TPE/PME…
Cette marge de manœuvre octroyée aux entreprises ne doit pas être remise en
cause.
Actuellement, ces dispositifs incitatifs ne font l’objet d’aucune convergence au
niveau européen. Néanmoins, l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne (TFUE) dispose que, sauf dérogations, sont incompatibles avec le marché
intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, « les
aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme
que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant
certaines entreprises ou certaines productions ».
L’applicationdecetarticleaconduitlaCommissioneuropéenneàprendredesmesures
d’encadrement des aides étatiques sans pour autant en assurer la convergence. En
effet, l’encadrement communautaire s’applique au niveau de l’entreprise (limitation
du montant des aides de toute nature octroyées) et non au niveau du dispositif lui-
même.
Parallèlement à cela, la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à remettre
en cause certains dispositifs jugés contraires aux principes communautaires.
Cette situation vient limiter, souvent a posteriori, l’autonomie fiscale des Etats
membres, se traduisant par une insécurité fiscale au détriment des entreprises qui
voient remis en cause des dispositifs nationaux.
Afin de remédier à cette situation, il est proposé de définir, pour chacun des objectifs
poursuivis par les Etats (aménagement du territoire, soutien à l’innovation, …), les
différentes mesures pouvant être mises en place par les législations nationales.
24
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Si les mécanismes fiscaux à mettre en œuvre devraient être décrits de manière précise,
avec une définition stricte des règles applicables, le montant de l’avantage fiscal
octroyé serait fixé par chaque Etat membre dans la limite de seuils communautaires
propres à chaque dispositif.
L’introduction de ces mécanismes d’aide dans les différentes législations nationales
serait laissée à la libre appréciation des Etats membres, qui pourraient donc décider
de les retenir ou non dans leur droit fiscal interne.
L’absence de caractère obligatoire pourrait être de nature à faciliter la prise de
décision au niveau communautaire.
Il s’agirait alors d’une harmonisation indirecte des règles fiscales dérogatoires,
conduisant à terme à des législations de plus en plus communes.
Une telle mesure permettrait également une meilleure compréhension des règles
applicables en matière d’aides d’Etat par les entreprises concernées.
Cette dernière proposition visant à assurer la convergence des assiettes fiscales doit
être étudiée à la lumière des mécanismes communautaires existants.
Par ailleurs, la mise en place au niveau communautaire de nouveaux dispositifs
incitatifs doit être réalisée en procédant à la transposition de mécanismes existants
dans des Etats membres.
Il en est de même s’agissant de la question du traitement des déficits fiscaux pour
laquelle certains Etats membres ont pu adopter des dispositifs plus attractifs que
d’autres ; l’adoption de règles communes en la matière étant nécessaire pour assurer
pleinement la convergence des assiettes fiscales.
PROPOSITION
Les dispositifs fiscaux incitatifs devraient être définis au niveau européen. Les Etats
membres resteraient libres de les adopter et de fixer le montant de l’avantage fiscal
dans la limite de seuils communautaires.
25
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
C.	Un encadrement communautaire des
dispositifs fiscaux incitatifs
a.	 Cadre réglementaire actuel
En matière fiscale et sociale, la notion d’aide d’Etat est encore complexe à cerner :
les véritables « aides d’Etat » sont des mesures ciblées sur des objectifs déterminés,
et non des mesures générales de nature à alléger les charges des entreprises sous
différentes formes (réduction de l’assiette imposable pour toutes les entreprises).
Ces aides d’Etat sont encadrées par des règles contraignantes qui résultent de
règlements communautaires dont le plus récent est le règlement général de la
Commission n° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides
compatibles avec le marché intérieur. Ces aides s’inscrivent dans des plafonds
déterminés dans le règlement lui-même, dont l’interprétation peut se révéler parfois
complexe.
Le dispositif des aides d’Etat ne constitue pas une recherche de convergence
d’assiette mais un simple encadrement de mesures de toute nature s’inscrivant dans
les objectifs poursuivis par le règlement communautaire.
Ainsi, les règlements communautaires définissent les objectifs à atteindre et les
plafonds à ne pas dépasser, sans réellement donner de définition des mesures
concernées et sans préciser celles pouvant entrer dans le dispositif. Ces incertitudes
ont été en partie levées par la jurisprudence européenne, mais restent soumises à
de nombreuses interrogations. Paradoxalement, les règlements concernant les aides
d’Etat sont source de divergences fiscales entre les Etats alors qu’ils pourraient
devenir des éléments de convergence si les différentes mesures fiscales permettant
d’atteindre les objectifs recherchés étaient précisées dans le règlement.
Les différents règlements communautaires devraient être plus précis et proposer les
possibilités et modalités fiscales pouvant être retenues par les Etats
La réglementation des aides d’Etat a pour objectif de répondre aux principaux
problèmes économiques et sociaux rencontrés par les Etats membres. Tel est le
cas de l’aménagement du territoire (aides à l’investissement à finalité régionale,
aides au fonctionnement à finalité régionale), des aides en faveur des PME (aides à
l’investissement en faveur des PME ; aides au financement du risque en faveur des
PME), des aides à la recherche, au développement et à l’innovation, et même des
aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine.
26
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Dans chacun de ces règlements sont définis les objectifs et les modalités de
détermination des plafonds d’aides à ne pas dépasser. Les mesures fiscales
susceptibles d’être appliquées ne sont pas évoquées, ce qui laisse une totale
liberté aux Etats membres, mais ne constitue pas l’embryon d’une harmonisation
des assiettes fiscales et s’accompagne au contraire d’une insécurité fiscale pour les
Etats, ainsi que pour les entreprises, auxquelles des remboursements peuvent être
réclamés au terme de plusieurs années.
Le règlement « de minimis » est sans doute trop complexe et d’application trop large. Il
ne constitue pas en tout cas un facteur d’harmonisation des assiettes
Les aides « de minimis » sont définies comme les aides d’un montant trop peu élevé
pour avoir un impact sensible sur les échanges et la concurrence entre les Etats
membres. A ce titre, elles font l’objet d’un plafonnement général de 200 000 € sur
une période de trois exercices fiscaux successifs, et permettent aux Etats d’instaurer
des mesures d’aides fiscales de toute nature sans avoir besoin d’en informer la
Commission.
Comme dans le cas des autres aides déjà citées, le règlement « de minimis » est
particulièrement complexe à mettre en oeuvre parce que trop imprécis dans son
champ d’application. Les mécanismes d’aide susceptibles d’être pris en compte ne
sont pas suffisamment définis et sont sans doute trop nombreux.
Loin de favoriser une quelconque convergence fiscale, le règlement « de minimis »,
tel qu’il s’applique actuellement, favorise donc au contraire la mise en œuvre de
très nombreux mécanismes de fiscalité dérogatoire, et se traduit donc par des
divergences accrues entre les pays de l’Union, tout spécialement en ce qui concerne
les petites et moyennes entreprises.
b.	 Vers une harmonisation des aides étatiques
La fiscalité joue et doit jouer incontestablement un rôle essentiel dans la mise en
œuvre des politiques publiques définies par les Etats membres. Dans divers domaines,
les incitations fiscales sont nombreuses et présentent de multiples particularités
selon les Etats concernés, lesquels ont tous mis en œuvre leurs propres dispositifs
dérogatoires.
A l’évidence, cette situation n’est pas satisfaisante car elle manque d’un minimum de
cohérence communautaire. En effet, les politiques publiques aidées par des mesures
fiscales appropriées devraient être conduites à travers des mesures convergentes
et/ou harmonisées.
Il est souhaitable que les mesures européennes s’inspirent des législations déjà
existantes dans certains Etats. Il s’agirait de rechercher les meilleures pratiques
27
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
appliquées dans chacun des Etats, après que celles-ci aient été évaluées au regard
de leurs conditions d’application et de leur efficacité économique.
A l’issue de ce travail d’évaluation, les mesures fiscales reconnues comme les
meilleures pourraient être proposées à l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Ainsi, les Etats membres pourraient sélectionner les mesures fiscales qui leur
paraîtraient les mieux adaptées à leur besoin.
Comme indiqué précédemment, ils conserveraient la liberté de retenir ou non dans
leur droit interne les mesures définies et proposées au plan européen.
Bien qu’élaboré de manière non contraignante et dans le respect de la souveraineté
fiscale de chacun des Etats, le cadre d’une fiscalité incitative européenne serait ainsi
institué. Les trois principaux domaines de mise en œuvre de cette démarche devraient
être, en raison de leur importance, la recherche et développement, l’investissement
industriel et l’aménagement du territoire.
Les bonnes pratiques européennes en matière de recherche et développement
pourraient constituer l’axe essentiel des mesures d’harmonisation
Les pays de l’Union européenne ont tous pris la mesure de l’importance de l’effort à
accomplir en matière de recherche et développement pour assurer la croissance et
la compétitivité internationale de notre continent.
Certains Etats membres ont privilégié la recherche privée alors que d’autres ont mis
en place des aides publiques plus importantes qui ont pu prendre la forme d’aides
fiscales. Généralement, les Etats ont choisi de combiner à des degrés divers ces
différentes modalités d’intervention.
Cette ardente obligation de développer la recherche et l’innovation est largement
reconnue par les instances européennes qui accordent une grande liberté aux Etats
membres pour atteindre cet objectif.
La Commission européenne indique elle-même dans le dernier règlement n° 651/2014
du 17 juin 2014 que «  les aides à la recherche et au développement et les aides
à l’innovation peuvent contribuer à une croissance économique durable, renforcer
la compétitivité et stimuler l’emploi. L’expérience acquise dans l’application du
règlement CE n° 800/2008 et de l’encadrement communautaire des aides d’Etat à
la recherche, au développement et à l’innovation a fait apparaître que les défaillances
du marché peuvent empêcher celui-ci d’atteindre le volume de production optimal
et générer des pertes d’efficience liées aux effets externes à la diffusion des biens
publics, des connaissances, au caractère imparfait et asymétrique de l’information et
aux problèmes de coordination et de réseau ».
28
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
La politique d’incitation fiscale à la recherche et au développement devrait s’inscrire
dans un cadre réglementaire européen plus précis.
Parmi les mesures sélectionnées dans ce cadre, les Etats membres pourraient retenir
ou non certaines d’entre elles. Comme indiqué précédemment, les Etats membres
qui s’abstiendraient de retenir l’une des mesures communautaires proposées ne
pourraient plus mettre en place un dispositif fiscal autonome.
Cette proposition, comme les précédentes, tout en respectant le principe de
souveraineté fiscale des Etats membres, constituerait une source d’harmonisation
forte. En effet, en cas de transposition du dispositif dans leur législation nationale,
les Etats membres auraient l’obligation d’en respecter la lettre.
En outre, le caractère communautaire des dispositifs dérogatoires supprimerait les
risques d’insécurité fiscale déjà relevés, dès lors qu’ils ne pourraient plus être remis
en cause pour non-conformité à la réglementation européenne. Cela simplifierait
les obligations des entreprises, rendrait plus compréhensible la réglementation et
allégerait en conséquence les contraintes de contrôle des administrations nationales
et européennes.
En ce qui concerne la France, des efforts importants ont été consentis pour inciter
fiscalement les entreprises à investir dans la recherche et le développement. Aussi
existe-t-il depuis 1984 le crédit d’impôt recherche, régulièrement amélioré depuis
lors, qui apporte une aide très importante à recherche tant privée que publique. Ce
dispositif a d’ailleurs été complété plus récemment par la mise en place pour les
petites et moyennes entreprises d’un crédit d’impôt innovation.
Ces dispositifs, dont l’efficacité n’a jamais été remise en cause, pourraient constituer
un élément de référence à partir duquel pourrait être bâtie et coordonnée une
fiscalité européenne d’aide à la recherche.
Au-delà de l’aide à la recherche fondamentale et à l’innovation, des incitations fiscales
devraient être mises en place pour que les produits provenant de la recherche aidée
soient localisés dans le pays qui a consenti l’effort en amont, ou à tout le moins dans
un pays de l’Union, sous réserve que ce dernier n’ait pas mis en place des incitations
fortes à la délocalisation non conformes à l’esprit européen.
Cela correspondrait d’ailleurs à l’un des objectifs énoncé par la Commission
européenne dans une proposition de directive du 28 janvier 2016, en lien avec
l’OCDE, de lutte contre l’évasion fiscale et la concurrence fiscale dommageable.
Cette proposition envisage la mise en place généralisée de «  l’imposition à la
sortie des actifs transférés hors de leur territoire pour empêcher les entreprises de
délocaliser leurs actifs, et notamment les actifs incorporels issus de la recherche
(propriété intellectuelle et brevets) dans le seul but de délocaliser l’impôt ». Dans ce
cadre, les entreprises seraient tenues de communiquer aux administrations fiscales
29
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
des documents afin que celles-ci puissent s’assurer qu’aucun actif « intellectuel »
n’ait disparu.
Par ailleurs, il conviendrait de maintenir et de renforcer les régimes incitatifs à
l’exploitation sur le sol européen des actifs immatériels issus de la recherche. Ces
dispositifs pourraient s’inspirer des règles dérogatoires déjà existantes en matière de
brevets dans bon nombre de pays européens et notamment en France.
A cet égard, il serait souhaitable d’aller plus loin que les dispositifs incitatifs actuels,
lesquels consistent pour l’essentiel à appliquer un taux réduit d’imposition à la
seule exploitation « indirecte » des actifs concernés, c’est-à-dire sous la forme de
concession de brevets ou de savoir-faire, et cela sous conditions restrictives.
Les dispositifs actuels de taux réduits d’imposition pourraient être étendus aux
produits provenant de l’exploitation directe des brevets, et, le cas échéant, pour une
période limitée dans le temps.
Cette proposition n’aurait de chance de prospérer que si elle était fortement soutenue
au plan européen en vue de faire l’objet d’un nouveau dispositif d’harmonisation.
Ces incitations fiscales ayant principalement pour objet de localiser ou de maintenir
en Europe les activités résultant de la recherche et de l’innovation, les aides à la
recherche et à l’innovation, les incitations fiscales à la localisation des activités de
production issues de la recherche en Europe et les dispositifs anti-abus d’imposition
à la sortie des actifs immatériels devraient constituer un ensemble indissociable.
Les bonnes pratiques en matière d’aide à l’investissement industriel pourraient être
préconisées au plan européen et proposées aux Etats
Bon nombre de pays européens souffrent d’une insuffisance chronique
d’investissements industriels pourtant essentiels à une croissance pérenne et au
développement de l’emploi.
A l’heure actuelle, la réglementation européenne ne permet pas aux Etats membres
de retenir, sans risques, des mesures incitatives ciblées sur cet objectif. Il en résulte
la mise en place de mesures générales propres à éviter toute critique au plan
communautaire ou à l’inverse la mise en place de mesures trop limitées dans leur
champ d’application, lesquelles de ce fait n’atteignent que très partiellement le but
recherché.
Cette situation n’est pas non plus satisfaisante au regard de l’affectation de la
ressource publique, qui perd grandement de son efficacité.
Néanmoins bon nombre de pays ont instauré des mesures fiscales d’incitation à
l’investissement industriel.
30
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
En France, dans la période récente, l’instauration d’une déduction complémentaire
temporaire sur les investissements amortissables selon le régime dégressif a voulu
répondre à cette préoccupation. Cela n’a pas été sans soulever un certain nombre
de critiques, principalement en raison de son caractère trop limité dans le temps qui
ne permettrait pas d’influencer durablement les comportements d’investissement
des entreprises.
En Allemagne, il existe de longue date un mécanisme de provision pour investissement
(investitionabzugsbetrag) qui permet aux petites et moyennes entreprises de
déduire de leurs résultats imposables une provision destinée à couvrir l’acquisition
future d’un actif immobilisé. Cette provision peut représenter jusqu’à 40  % du
montant prévisionnel de l’investissement dans la limite de 200 000 €. Elle est reprise
dans le résultat de l’exercice d’acquisition du bien, lequel bien fait alors l’objet d’un
amortissement normal ou exceptionnel.
Cette disposition qui semble avoir produit des effets favorables sur l’investissement
des PME en Allemagne pourrait servir de modèle à un mécanisme européen
d’aide à l’investissement industriel sans caractère d’application obligatoire par les
Etats membres, mais dont le cadre s’imposerait par contre aux Etats membres qui
souhaiteraient le retenir.
D’autres dispositions pourraient être préconisées et proposées par la réglementation
européenne dans le but de pouvoir orienter les incitations en direction des seules
entreprises industrielles.
Ces diverses mesures communautaires, toujours non obligatoires, pourraient revêtir
les formes suivantes :
•	 déduction complémentaire à l’occasion de l’acquisition de matériels
d’investissement (comme actuellement en France) ;
•	 crédits ou réductions d’impôt assis sur le prix d’acquisition des immobilisations
industrielles ;
•	 amortissements accélérés…
Ces propositions ne sont pas limitatives et pourraient être utilement complétées par
les instances européennes compétentes des meilleures pratiques recensées dans
les divers pays de l’Union afin de proposer une diversité suffisante de dispositifs
mis à disposition des Etats membres, lesquels pourraient ou non s’en emparer pour
effectuer une transposition à l’identique dans leur droit interne dans des conditions
de totale sécurité juridique.
31
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
Lesbonnespratiqueseuropéennesenmatièred’aménagementdesterritoirespourraient
également être préconisées au plan européen et proposées aux Etats membres
De nombreux pays sont confrontés à des obligations d’aménagement harmonieux
de leurs territoires, mais à des degrés divers et à des conditions de développement
et historiques souvent différentes.
Dans tous les pays concernés, l’aménagement des territoires repose sur le maintien
et l’apport d’activités économiques, tant dans les secteurs urbains que dans les
secteurs ruraux.
La Commission européenne en fait le constat et indique qu’ «  en remédiant aux
handicaps des régions défavorisées, les aides à finalité régionale améliorent la
cohésion économiques, sociale et territoriale des Etats membres et de l’Union
dans son ensemble », elles « visent à soutenir le développement des zones les plus
défavorisées en encourageant l’investissement et la création d’emplois dans un
contexte durable ».
Le règlement 651/2004 du 17 juin 2014 prévoit la possibilité d’aides publiques, donc
fiscales, à finalité régionale et en détermine des conditions et plafonds.
Toutefois, la frontière entre les conditions de rattachement des diverses mesures
fiscales entrant dans les différents dispositifs de limitation des aides prévus par
les règlements est particulièrement délicate à déterminer en ce qui concerne
l’aménagement du territoire. Ainsi, certaines aides fiscales aux entreprises peuvent
relever à la fois d’un règlement visant les aides à finalité régionale, les aides aux
petites et moyennes entreprises, ou encore les aides « de minimis ».
Devant une telle complexité, génératrice pour les entreprises d’incertitudes
pouvant nuire à leurs projets d’implantation, il serait utile que ces mesures visant
l’aménagement du territoire soient définies et proposées globalement au plan
européen.
Ces mesures, s’inspirant de celles déjà existantes, et appliquées dans des conditions
satisfaisantes dans les pays de l’Union, pourraient par exemple, au plan fiscal,
prendre la forme d’une exonération provisoire d’impôt sur les bénéfices ou encore
de l’application de taux réduit d’imposition.
Elles ne seraient proposées au plan européen qu’après expertise de leur efficacité.
32
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
PROPOSITION
Rendre plus précis les règlements communautaires relatifs aux aides aux entreprises
en proposant des modalités fiscales pouvant être retenues par les Etats membres et
en examinant les meilleures pratiques des Etats membres en matière de dispositifs
fiscaux incitatifs, notamment dans le domaine de la recherche, de l’investissement
industriel et de l’aménagement du territoire.
c.	 Un régime de gestion des déficits dans les entités soumises
à l’impôt sur les sociétés identique au plan européen
La gestion des déficits fiscaux dans les entités relevant de l’impôt sur les sociétés a
toujours comporté des difficultés particulières.
Ces difficultés sont de plusieurs ordres :
•	 l’existence de possibilités de report en arrière et de report en avant des
déficits  ;
•	 la volonté des législateurs de mettre en œuvre des dispositifs limitant leur
utilisation soit dans le temps, soit en montant, soit encore en exigeant des
conditions de maintien d’une activité identique ;
•	 la question de la territorialité de l’impôt et d’une éventuelle utilisation des
déficits de filiales étrangères et notamment européennes.
Ces grandes questions se retrouvent dans la quasi-totalité des pays de l’Union
européenne mais ne sont pas traitées de manière identique par les législations
nationales. Ainsi, la mise en place de régimes attractifs de report des déficits par
certains Etats est de nature à inciter certaines entreprises à s’implanter sur leur
territoire.
Ainsi, dans un souci de convergence fiscale avec l’Allemagne, le régime applicable en
France a été adapté. Les déficits fiscaux sont reportables en avant sans limitation de
durée, mais leur imputation sur les bénéfices est plafonnée à 1 M€, majoré de 50 % de
la fraction du bénéfice excédant ce seuil. Par ailleurs, les déficits peuvent également
être reportés en arrière, mais le déficit constaté au titre d’un exercice ne peut, dans
ce cas, être reporté en arrière que dans la limite du montant le plus faible entre le
bénéfice de l’exercice précédent et un montant de 1 M€.
Malgré ce premier rapprochement, chaque Etat continue aujourd’hui de disposer de
règles propres en matière de gestion des déficits.
33
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
Dès lors, pour éviter que certains Etats membres n’adoptent des dispositifs
pouvant être jugés comme trop favorables de nature à engendrer des distorsions
de concurrence trop marquées, il parait nécessaire de rechercher un encadrement
communautaire des règles de report en avant et en arrière des déficits.
Pour la définition de ce régime communautaire qui pourrait s’inspirer du modèle
français, il est proposé d’établir des règles communes en matière de report en avant
et en arrière des déficits prévoyant :
•	 d’accorder une franchise de 1 M€ de déficits qui ne tombent pas en non-valeur
en cas de changement d’activité ;
•	 d’autoriser les Etats membres à adopter un régime de report en arrière sans
plafond d’imputation des déficits pour les PME.
Les Etats membres qui souhaiteraient adopter une fiscalité attractive en matière
d’utilisation des déficits devraient respecter ces règles communes. Par voie de
conséquence, l’adoption de ces règles ne pourrait pas être qualifiée d’abusive et
ne pourrait donc pas être sanctionnée au niveau européen. Chaque Etat membre
resterait bien entendu libre d’adopter ou non de telles mesures.
 
PROPOSITION
Instaurer un régime commun de règles considérées comme attractives en matière de
report en avant et en arrière des déficits prévoyant :
•	 d’accorder une franchise de 1 M€ de déficits qui ne tombent pas en non-valeur
en cas de changement d’activité ;
•	 d’autoriser les Etats membres à adopter un régime de report en arrière sans
plafond d’imputation des déficits pour les PME.
Chaque Etat membre resterait libre d’adopter ou non de telles mesures.
34
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
D.	Un encadrement des taux d’imposition
des résultats afin de progresser vers une
véritable convergence
Comme on vient de le constater, il apparaît que l’harmonisation européenne des
assiettes de détermination des résultats des entreprises, ainsi que des groupes,
constitue un exercice difficile et délicat qui nécessite le détour par un certain nombre
d’étapes, respectueuses de la souveraineté fiscale des Etats membres.
Au surplus, les différents Etats membres de l’Union européenne ont mis en place, de
plus ou moins longue date, des mécanismes fiscaux qui ont tous fait leur preuve et
qui constituent le corpus historique de leur fiscalité directe des entreprises. Il apparait
donc très délicat d’y prévoir telle ou telle modification sans affecter l’équilibre de
l’ensemble de l’édifice législatif patiemment édifié.
Pour autant, il est permis de se demander quelle pourrait être l’utilité réelle d’une
harmonisation des assiettes d’imposition des entreprises dans les différents Etats
membres si, par ailleurs, ces derniers peuvent à loisir appliquer à ces assiettes
convergentes des taux d’imposition trop fortement différents.
Ces deux questions, celle des assiettes imposables et celle des taux d’imposition,
sont donc très intimement liées. Leur évolution devrait, dans une approche idéale,
aller de pair puisqu’il s’agit bien en réalité de mettre en place une fiscalité européenne
des entreprises favorable à la compétitivité économique des Etats de l’Union.
Dans un environnement budgétaire contraint, il convient naturellement de laisser
aux Etats membres la responsabilité de décider des taux d’imposition applicables en
fonction de leurs règles propres d’assiette, de leurs choix économiques et sociaux, et
en fonction de leur situation budgétaire propre. La liberté des Etats membres dans la
détermination de l’assiette et des taux d’imposition, fondement de leur souveraineté
fiscale, ne saurait être remise en cause au cours de cette période.
Toutefois, cette liberté dans la détermination des taux d’imposition devrait être
encadrée davantage : les taux applicables, notamment en matière d’impôt sur les
sociétés, s’ils restent déterminés librement par les Etats membres, devraient être
fixés à l’intérieur de « fourchettes » européennes plus précises, et qui devraient être
si possible les plus étroites possibles.
En contrepartie de cette contrainte nouvelle, les Etats membres seraient libres de
retenir des taux différenciés mais à l’intérieur de fourchettes spécifiques selon les
catégories d’entreprises auxquelles ils s’appliqueraient, notamment un taux plus
réduit et mieux encadré pour les PME.
La souplesse ainsi laissée aux règles de fixation des taux d’imposition permettrait,
35
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
si les Etats membres le décidaient, d’appliquer des taux plus faibles, par exemple
pour les petites et moyennes entreprises, ou encore pour les entreprises exerçant
une activité industrielle, sans tomber sous le coup des limitations prévues par la
réglementation relative aux aides d’Etat.
Ces taux d’imposition des résultats des entreprises, dérogatoires au droit commun,
devraient eux aussi, pour assurer la cohérence du dispositif, respecter des
« fourchettes » de taux déterminées à l’échelle européenne.
En formulant ces propositions, certes d’ampleur modeste, portant sur la convergence
des taux d’imposition des entreprises, les experts-comptables, qui ne mésestiment
évidemment pas la difficulté de la tâche, considèrent que ces suggestions sont
équilibrées. En tout état de cause, elles s’inscrivent dans le sens d’une plus grande
convergence des politiques fiscales des Etats membres de l’Union européenne.
PROPOSITION
Instaurer un encadrement communautaire des taux d’imposition des résultats des
sociétés qui devraient être fixés à l’intérieur de fourchettes européennes, à l'instar de
ce qui existe en matière de TVA.
37
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
2.	RECHERCHER DES RÈGLES EUROPÉENNES
COMMUNES EN MATIÈRE D’IMPOSITION DES
GROUPES
Les régimes fiscaux de groupe ont été mis en place de longue date dans les différents
pays industrialisés. Ces régimes expriment une volonté des pouvoirs publics de tenir
compte de la réalité économique dans la mise en œuvre des politiques fiscales.
L’idée fondatrice repose en effet sur le souhait de déterminer une charge fiscale
« globale », conforme à la réalité économique du groupe.
Malgré cette logique générale, les régimes adoptés ne sont pas, loin s’en faut,
homogènes dans les différents pays de l’Union européenne. Ils revêtent tous une
grande complexité et, pour certains d’entre eux, comportent des dispositions non
conformes à la réglementation européenne. A cet égard, on peut relever trois
critères d’identification : seuil de détention des sociétés, existence de retraitements
intragroupes, règles d’appréhension des résultats. Ainsi, il existe des groupes
fortement intégrés avec une détention du capital proche de 100 % qui déterminent
un résultat en reprenant l’intégralité des déficits avec ou sans retraitement. Il existe
par ailleurs des groupes moins intégrés (à plus de 50 % du capital) qui ne font
remonter qu’une quotité des résultats en proportion des droits détenus et sans
retraitement.
Les régimes d’intégration fiscale pourraient donc être améliorés et simplifiés, tant en
France que dans d’autres pays de l’Union. Ces modifications apparaissent aujourd’hui
d’autant plus indispensables que la jurisprudence communautaire récente a donné
un signe fort de sa volonté « d’harmonisation indirecte » ou du moins de sa volonté
d’examiner ces différents régimes à l’aune du respect du principe de la liberté
d’établissement des entreprises.
La Cour de justice de l’Union européenne a mis en évidence, à l’occasion des
contentieux qui lui ont été soumis, que des aspects particuliers de certains régimes
fiscaux des groupes, notamment les régimes français6
et autrichien7
, ne respectaient
pas le principe de liberté d’établissement des entreprises tel que prévu par les Traités.
Aussi, la Cour, et pour l’heure sur les seules questions qui lui ont été soumises, a-t-
elle remis en cause l’existence de certaines des dispositions des différents régimes
d’intégration fiscale nationaux en obligeant les Etats membres concernés à revoir
leur législation.
6
CJUE 2 septembre 2015, C-386/14 Groupe Steria SCA
7
CJUE 6 octobre 2015, C-66/14 Finanzamt Linz
38
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Ceux-ci vont être contraints soit de supprimer les mesures qui ne respectent pas
les principes communautaires, soit au contraire de les étendre à toutes les filiales
européennes des groupes concernés qui ne peuvent être membres du groupe
intégré dans un pays pour la seule raison de leur implantation territoriale, alors que
les autres conditions d’application du régime de groupe sont réunies.
L’heure est donc venue de mettre en place un régime adapté aux groupes qui
puisse être proposé à tous les pays de l’Union et qui soit pleinement conforme aux
principes édictés par la jurisprudence communautaire. En effet, il faut sans doute
profiter de ces circonstances pour proposer un régime fiscal de groupe le mieux
adapté possible aux diverses situations rencontrées.
A.	Vers une imposition des groupes
conforme à la réalité économique et à la
jurisprudence communautaire
Aujourd’hui, les régimes de fiscalité de groupe existant dans les pays de l’Union
s’appliquent généralement selon les mêmes règles aux très grands groupes
nationaux et internationaux qui sont constitués de nombreuses filiales implantées
dans divers pays européens, aux groupes nationaux importants ne détenant aucune
participation dans des sociétés implantées hors du pays d’immatriculation de la
société mère, et aussi aux très petits groupes qui peuvent même n’être composés
que de deux sociétés établies dans le même Etat.
Chacun peut comprendre que, dans des situations de fait aussi diverses, les
conséquences de l’application du régime fiscal de groupe de l’Etat membre, souvent
complexe, ne sont pas identiques pour les différents acteurs économiques.
Les grands groupes peuvent gérer, sans grande difficulté et sans coût excessif, la
complexité des dispositions fiscales applicables, et ainsi tirer le meilleur parti possible
de ces régimes, donc obtenir les avantages substantiels que ceux-ci peuvent offrir.
En revanche, les petits et très petits groupes ne bénéficient dans les faits que d’un
seul avantage fiscal, mais néanmoins essentiel. Il s’agit de l’avantage consistant à
pouvoir compenser les résultats bénéficiaires de certaines sociétés avec les résultats
déficitaires d’autres sociétés membres pour déterminer l’assiette de l’impôt sur les
bénéfices du groupe dans des conditions de grande sécurité fiscale. En contrepartie
du choix de ce régime fiscal favorable, ces petits groupes sont comme les autres
soumis à des obligations fiscales lourdes et complexes. Ces obligations peuvent
d’ailleurs se révéler, de fait, sans réelle portée, ni pour la détermination du résultat
imposable, ni pour le contrôle de l’impôt, en raison de l’absence totale d’opérations
entre sociétés du groupe susceptibles de donner lieu à des retraitements fiscaux.
39
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
Ainsi, quels que soient les régimes de groupes applicables dans les différents pays
de l’Union européenne, le même constat peut être fait, à savoir que l’adéquation
des contraintes fiscales mises en œuvre, notamment en termes de conditions
d’application des régimes, par rapport à la dimension réelle des groupes concernés,
n’a pas été prise en compte.
Par ailleurs, les différents régimes de groupes existant dans l’Union européenne ne
reposent pas sur le même modèle. Ils répondent en effet à des conceptions qui
peuvent être très différentes selon ce qu’ont souhaité les Etats membres concernés :
•	 le régime peut être réservé aux groupes économiques très fortement intégrés,
ce qui implique qu’il exige des conditions très contraignantes de détention du
capital de l’entité intégrante dans les entités intégrées, à savoir une détention
en quasi-totalité (groupes à l’intérieur lesquels les pourcentages de détention
minoritaire sont négligeables). En France par exemple, il est impératif que
le pourcentage de détention directe et indirecte de l’entité intégrante dans
chacune des entités intégrées soit d’au moins 95 % ;
•	 le régime peut être en revanche applicable à des groupes économiques
beaucoup moins « intégrés », en prévoyant que le pourcentage de détention de
capital de l’entité intégrante dans le capital de chacune des entités intégrées
se limite au seul pourcentage permettant le «  contrôle  » (régimes tolérant
un pourcentage élevé d’associés minoritaires), c’est-à-dire généralement une
participation de 50 %.
Les diverses conceptions du «  groupe fiscal  » retenues par les Etats membres
expliquent largement les conditions d’application très différentes des régimes au
regard de l’obligation de détention d’une quotité minimale de capital. Cette diversité
explique également celle des mécanismes de détermination des résultats de groupes
et d’utilisation des déficits, qui, eux aussi, sont assez sensiblement différents d’un
pays à l’autre.
Néanmoins, on rencontre dans tous les régimes une seule et même préoccupation
principale, d’ailleurs reconnue par la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir
celle du traitement fiscal des déficits de certaines entités membres du groupe
économique, dont il s’agit de permettre l’imputation sur le résultat des entités
bénéficiaires.
Face à de telles différences dans les situations juridiques et économiques rencontrées,
on peut se demander s’il est concevable qu’un seul régime fiscal de groupes,
défini et applicable au plan européen, puisse être susceptible de répondre, dans
les meilleures conditions économiques pour les entreprises, et tout en respectant
certains impératifs budgétaires, à l’ensemble des attentes des groupes, mais aussi
aux attentes des différentes autorités fiscales nationales. C’est pourquoi il paraît
40
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
pertinent que les pays de l’Union européenne puissent disposer de régimes de
groupes distincts correspondant aux intérêts économiques et fiscaux des entreprises,
ce qui implique des conditions d’application différenciées en fonction du critère de
détention du capital.
De même, il semble tout aussi pertinent de prévoir au sein de chaque Etat membre,
lorsque sa législation exige des conditions de très forte intégration économique et
juridique pour faire partie du groupe fiscal, la mise en place de deux régimes fiscaux
parallèles. Le premier serait applicable en principe aux grands groupes, alors que le
second serait réservé aux petits groupes, regroupant des entités ayant le statut de
petites et moyennes entreprises.
Ces régimes seraient naturellement conformes au droit de l’Union européenne dans
les conditions exprimées récemment par la jurisprudence de la Cour de justice
de l’Union européenne. Ils pourraient ainsi apporter une première réponse aux
incertitudes et à l’insécurité fiscale qui caractérisent la période actuelle en matière
de fiscalité des groupes de sociétés.
41
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
B.	Deux régimes distincts pour les groupes
économiques fortement intégrés
Dans les situations dans lesquelles les conditions d’application du régime fiscal
de groupe exigent une très forte détention du capital des entités intégrées par
l’entité intégrante, il est proposé de retenir deux régimes possibles, afin de mieux
correspondre à la réalité du tissu juridique et économique des Etats.
Il s’agirait, par exemple, des groupes dont la société mère intégrante doit posséder
plus de 95 % du capital des entités intégrées et pour lesquels il serait proposé de
choisir entre un régime simple dans sa conception et son application, ou bien un
régime plus compliqué dans ses mécanismes, mais prenant davantage en compte
les incidences fiscales des opérations réalisées entre les diverses entités du groupe.
Ces deux propositions seraient bien entendu conformes à la réglementation
communautaire.
a.	 Un régime de compensation simple
La première proposition consisterait à mettre en place un régime de simple
compensation des résultats bénéficiaires et déficitaires entre les entités du groupe
déterminés dans les conditions de droit commun.
Dans ce cas, les groupes ne seraient soumis à aucune opération de rectification ou
de neutralisation particulière des opérations intragroupes. Il s’agirait de pratiquer
tout simplement une somme algébrique des résultats fiscaux individuels de toutes
les entités du groupe pour déterminer le résultat imposable du groupe.
Cette proposition repose sur une conception qui assimilerait, au plan fiscal, les
entités intégrées à de simples « établissements » de l’entité tête de groupe.
Pour appliquer de manière simple et pratique cette proposition, il pourrait être
envisagé de permettre que la compensation fiscale des résultats de toutes les
entités du groupe se réalise en assimilant fiscalement les entités intégrées à des
entités relevant du régime de la translucidité fiscale, c‘est-à-dire à des sociétés
traitées fiscalement comme des sociétés de personnes. En effet, un tel mécanisme
permettrait de supprimer toutes formes de neutralisation et serait source de grandes
simplifications. Il pourrait être très facilement utilisé par les groupes de sociétés
relevant du régime des petites et moyennes entreprises.
Ce régime de groupe pourrait être mis en œuvre très simplement en permettant aux
entités filiales détenues à plus de 95 % par une entité mère tête de groupe d’exercer
une option pour le régime des sociétés de personnes.
42
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
Cette compensation de résultats se limiterait d’ailleurs aux seules entités établies
dans un même pays, limitation qui au demeurant paraît admise par la Cour de justice,
compte tenu du souci de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition
aux Etats8
.
Pour les pays qui disposent aujourd’hui, comme la France, d’un régime fiscal de
groupe exigeant une forte détention des filiales par la société mère, la mise en place
de cette proposition pourrait être rapide et ne nécessiterait qu’une simple mesure
législative d’extension des possibilités actuellement existantes en matière d’option
des sociétés de capitaux pour le régime fiscal des sociétés de personnes.
Ce régime de simple compensation des résultats pourrait constituer le cadre du
régime européen de groupes pour les petits groupes nationaux fortement intégrés.
La proposition consistant à mettre en place un tel régime de groupe, par l’assimilation
des sociétés intégrées à des sociétés de personnes, ne devrait pas susciter
d’oppositions significatives  : ni du côté des entreprises, puisqu’elle n’élargit pas
l’assiette fiscale de l’impôt sur les bénéfices du groupe, ni du côté des administrations
fiscales, puisqu’elle ne comporte pas de réels inconvénients en ce qui concerne le
contrôle fiscal portant sur les conditions de réalisation des opérations susceptibles
d’avoir été réalisées entre les diverses entités formant le groupe.
PROPOSITION
Mettre en place un régime de compensation (sans aucun retraitement des opérations
intragroupes), entre les résultats (bénéficiaires et déficitaires) des entités fortement
intégrées (détenues à au moins 95 %, par exemple par l’entité mère) d’un groupe et
celui de l’entité mère de ce groupe composé de PME toutes situées dans un même Etat
membre.
b.	 Un régime de compensation avec neutralisations
La seconde proposition consisterait à proposer un régime de groupe plus complexe.
Il s’agirait, à partir des résultats fiscaux propres à chacune des entités du groupe, de
pouvoir modifier ces résultats pour la détermination du résultat d’ensemble imposable
en effectuant certaines neutralisations fiscales d’opérations intragroupes.
Un tel régime serait plus compliqué dans sa gestion mais pourrait faire apparaître des
avantages particuliers pour l’imposition des groupes. Il en résulterait que le résultat
imposable du groupe pourrait être différent de la somme algébrique des résultats
propres de chacune des entités du groupe.
8
CJUE 25 février 2010, C-337/08 X Holding BV
43
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
Les neutralisations d’opérations intragroupe, ainsi que les autres atténuations
d’assiette éventuelles susceptibles d’être retenues dans un tel régime de groupe
«  étendu  », ne pourraient pas, bien entendu, aller jusqu’à faire apparaître des
avantages trop importants, qui dans ce cas pourraient être considérés comme de
nature à ne pas respecter le principe de liberté d’établissement prévu dans le Traité.
A supposer que des éléments des régimes de groupe applicables par certains pays
de l’Union européenne soient constitutifs d’avantages fiscaux estimés contraires
au principe de liberté d’établissement, il serait nécessaire que les régimes en cause
comportent une extension possible aux entités européennes, non intégrées au
groupe fiscal national pour l’unique raison de leur localisation en dehors de l’Etat
membre d’implantation de l’entité tête de groupe.
Ceci devrait conduire à une analyse approfondie de chacune des mesures nationales
de neutralisation (ou autres révisions des bases d’imposition) au regard du principe
de liberté d’établissement, puisqu’il est impératif que les législations nationales
respectent ledit principe. Cette étude devrait être menée à partir des dispositions
fiscales existantes dans ceux des Etats membres de l’Union pays qui appliquent
d’ores et déjà cette conception « étendue » de l’intégration ou de la consolidation
fiscale.
En cas d’extension des avantages aux entités européennes éligibles, il conviendrait
également de prendre en compte les rectifications qui comportent des conséquences
défavorables pour l’imposition du groupe.
Dans cette perspective d’extension des avantages et des inconvénients liés aux
législations nationales aux entités du groupe qui sont localisées dans un pays de
l’Union autre que celui de l’entité mère, on pourrait légitimement s’interroger sur
l’apport du projet d’A.C.I.S. pour contourner les difficultés des retraitements fiscaux.
En effet, bien que focalisé sur la détermination des résultats individuels, et non sur
le résultat du groupe, le projet d’A.C.I.S. pourrait malgré tout se substituer à certains
retraitements favorables autorisés par le régime de l’intégration fiscale.
En effet, le projet d’intégration fiscale «  étendu  » prévoirait la non-imposition de
certains produits, ou de certaines charges, découlant d’opérations purement internes
au groupe. Il en irait ainsi par exemple des distributions intragroupes, ainsi que des
résultats provenant d’opérations de cession d’immobilisations à l’intérieur du groupe.
Ces rectifications, retenues dans le projet d’A.C.I.S., correspondent en général à des
dispositifs de neutralisation déjà existants dans les régimes d’intégration fiscale des
différents pays membres de l’Union européenne.
Mais les neutralisations et tous les retraitements susceptibles de figurer dans les
régimes d’intégration fiscale des différents pays de l’Union ne sont pas envisagés
dans le projet d’A.C.I.S., ce qui est le cas en particulier des aides intragroupes.
Le projet d’A.C.I.S. ne pourrait donc apporter que des réponses nécessairement
partielles aux multiples questions que soulèvent les régimes fiscaux de groupe
appliqués à l’heure actuelle en Europe. De surcroît, les dispositions en question
n’existent pour l’instant que sous la forme d’un projet, alors que les solutions à
apporter apparaissent de plus en plus urgentes.
Il serait par conséquent très utile que les régimes de détermination des résultats
imposables de groupes, qui sont très complexes en raison des nombreuses
possibilités de retraitements qu’ils comportent, puissent être dûment validés à
l’échelle européenne. Cette validation pourrait par exemple s’effectuer en faisant
en sorte que les retraitements et autres mesures dérogatoires qu’il s’agit de rendre
«  communs  », fassent l’objet d’une décision européenne, que les Etats membres
pourraient par la suite, à leur choix, reprendre ou non dans leur législation nationale.
Ces rectifications, ainsi reconnues comme non contraires à la liberté d’établissement,
pourraient ainsi constituer l’amorce de la mise en place d’un régime d’intégration
fiscale communautaire. Elles auraient ainsi vocation à constituer une avancée
incontestable dans l’harmonisation fiscale européenne, tout au moins en ce qui
concerne les grands groupes.
PROPOSITION
Mettre en place un régime de compensation entre les résultats des entités fortement
intégrées d’un groupe et celui de l’entité mère de ce groupe, après application de
retraitements destinés à neutraliser des opérations intragroupes telles, par exemple,
les distributions ou les cessions d’immobilisations intragroupes qui sont susceptibles
d’entraîner des doubles impositions entre les sociétés concernées.
44
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
C.	Un régime permettant la compensation
partielle des résultats pour les groupes
économiques moins intégrés
Pour les groupes économiques moins fortement intégrés, à savoir ceux dans lesquels
la société mère tête de groupe ne détient pas la quasi-totalité du capital de ses
filiales, il existe dans certains pays de l’Union des régimes spécifiques. Ces régimes
permettent l’application d’un régime fiscal dérogatoire qui consiste pour l’essentiel
à transférer les résultats des entités déficitaires aux autres sociétés composant le
groupe, et ce dans des conditions particulières.
Cette conception « étroite » du régime de groupe, que retiennent bon nombre de
pays européens, ne devrait pas être supprimée car elle présente, par certains de
ses aspects, une souplesse que n’offre pas le régime de l’intégration fiscale au sens
classique.
Un tel régime pourrait s’appliquer aux groupes dont les entités membres seraient
détenues par l’entité mère directement ou indirectement à plus de 50 %, mais à
moins de 95 %.
L’objectif d’un tel régime étant seulement la recherche d’un meilleur traitement fiscal
des déficits constatés par les différentes entités du groupe, il est préconisé que
l’entité mère ne reprenne dans son résultat imposable que la quote-part des résultats
positifs ou négatifs qui lui reviennent, sans pratiquer le moindre retraitement fiscal
afférent aux opérations intragroupes. Au demeurant, de tels retraitements fiscaux ne
peuvent d’ailleurs se justifier qu’en présence de taux de détention élevés des entités
filiales, sans participations minoritaires significatives.
Compte tenu de ses ambitions somme toute réduites, puisque limitées à la seule
prise en compte partielle des résultats des entités du groupe, ce régime pourrait
tout simplement prendre la forme d’une assimilation fiscale des entités intégrées
membres à des sociétés de personnes fiscalement translucides. En effet, les résultats
de ces dernières sont, au plan fiscal, réputés remonter automatiquement dans celui
des entités actionnaires.
Il est proposé de retenir cette approche dans les législations nationales des Etats
membres dans lesquels une telle conception du régime de groupe n’existe pas pour
l’instant. Il en va ainsi, par exemple, dans le cas d’Etats comme la France, qui ont
retenu jusqu’à présent des solutions différentes.
Les propositions formulées par les experts-comptables en matière de fiscalité
des groupes, telles qu’elles figurent ci-dessus, sont à la fois simples et pratiques.
En tout état de cause, elles ne remettent pas en cause les avantages fiscaux dont
45
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
46
PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
bénéficient les groupes à travers une intégration fiscale « étendue », à savoir assortie
de mécanismes de rectifications et de retraitements complexes visant certaines
opérations intragroupes. Cependant, elles appellent à une validation « en amont »
pour assurer la meilleure sécurité fiscale possible à un moment où des réformes
doivent impérativement être mises en œuvre.
Ces propositions instaurent également des possibilités nouvelles en matière de
régimes de groupe, qui seraient « allégés », c’est-à-dire rendus moins contraignants
et plus adaptés à chacune des situations susceptibles d’être rencontrées dans les
groupes d’entreprises et dans les divers pays de l’Union.
Ces propositions paraissent de nature à pouvoir être acceptées par tous les pays
de l’Union qui ont instauré ou qui souhaitent instaurer un régime de groupe efficace
au plan économique, mais aussi moins complexe à gérer pour les entreprises.
L’acceptation par les Etats membres serait d’autant plus facile que ceux-ci pourraient
retenir à leur choix l’un ou l’autre des mécanismes préconisés, et même l’ensemble
de ceux-ci.
Ces propositions permettraient d’avancer vers un embryon de régime de groupe,
qui continuerait de respecter le principe de territorialité de l’impôt sur les bénéfices,
mais avec des règles plus précises au plan européen.
Lesdites propositions permettraient pour le moins d’attendre les conséquences que
pourrait apporter le projet A.C.I.S., lequel pourrait simplifier l’approche de certaines
questions sans les résoudre toutes.
PROPOSITION
Mettre en place un régime de compensation entre les résultats bénéficiaires et
déficitaires des entités membres d’un groupe détenues par l’entité mère directement ou
indirectement à plus de 50 %, mais à moins de 95 % ; la compensation ne s’effectuant
qu’à hauteur du taux de détention par l’entité mère.
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE
Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE

Contenu connexe

En vedette

The repayment of direct taxes paid contrary to comunity law
The repayment of direct taxes paid contrary to comunity lawThe repayment of direct taxes paid contrary to comunity law
The repayment of direct taxes paid contrary to comunity lawKaterina Perrou, PhD
 
Lecture meeting on Recent Developments in Direct Taxation
Lecture meeting on Recent Developments in Direct TaxationLecture meeting on Recent Developments in Direct Taxation
Lecture meeting on Recent Developments in Direct Taxationbcasglobal
 
Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...
Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...
Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...Katerina Perrou, PhD
 
Lightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika Aldaba
Lightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika AldabaLightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika Aldaba
Lightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika Aldabaux singapore
 

En vedette (6)

The repayment of direct taxes paid contrary to comunity law
The repayment of direct taxes paid contrary to comunity lawThe repayment of direct taxes paid contrary to comunity law
The repayment of direct taxes paid contrary to comunity law
 
Lecture meeting on Recent Developments in Direct Taxation
Lecture meeting on Recent Developments in Direct TaxationLecture meeting on Recent Developments in Direct Taxation
Lecture meeting on Recent Developments in Direct Taxation
 
Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...
Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...
Direct Taxation: Eliminating the Obstacles to the mobility of SMEs wihin the ...
 
Taxation by vivienne cemine
Taxation by vivienne cemineTaxation by vivienne cemine
Taxation by vivienne cemine
 
Lightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika Aldaba
Lightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika AldabaLightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika Aldaba
Lightning Talk #9: How UX and Data Storytelling Can Shape Policy by Mika Aldaba
 
Succession “Losers”: What Happens to Executives Passed Over for the CEO Job?
Succession “Losers”: What Happens to Executives Passed Over for the CEO Job? Succession “Losers”: What Happens to Executives Passed Over for the CEO Job?
Succession “Losers”: What Happens to Executives Passed Over for the CEO Job?
 

Similaire à Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE

9789264225183-5-fr.pdf
9789264225183-5-fr.pdf9789264225183-5-fr.pdf
9789264225183-5-fr.pdfIncUnb
 
Lettre d\'information fiscale - Avril 09
Lettre d\'information fiscale - Avril 09Lettre d\'information fiscale - Avril 09
Lettre d\'information fiscale - Avril 09Valluis
 
Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...
Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...
Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...MAATINASRAOUI1
 
Audit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit Fiscal
Audit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit FiscalAudit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit Fiscal
Audit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit Fiscalbouchra elabbadi
 
Réforme fiscale.pdf
Réforme fiscale.pdfRéforme fiscale.pdf
Réforme fiscale.pdfAnaseFaress1
 
Caterpillar les actes d'ecolo
Caterpillar les actes d'ecoloCaterpillar les actes d'ecolo
Caterpillar les actes d'ecoloEcoloMons
 
3154 note circulaire_717_tome1
3154 note circulaire_717_tome13154 note circulaire_717_tome1
3154 note circulaire_717_tome1Noura Ouqazzamar
 
Taux taxe transactions financières 2012
Taux taxe transactions financières 2012Taux taxe transactions financières 2012
Taux taxe transactions financières 2012Teemster
 
Les scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demain
Les scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demainLes scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demain
Les scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demainForums financiers de Wallonie
 
Présentation Loi de Finances 2011
Présentation Loi de Finances 2011Présentation Loi de Finances 2011
Présentation Loi de Finances 2011Aliantis
 
Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...
Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...
Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...Deloitte Société d'Avocats
 
Circulaire is et ir
Circulaire is et irCirculaire is et ir
Circulaire is et irABDELMLM
 
Présentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-Etienne
Présentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-EtiennePrésentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-Etienne
Présentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-EtienneAliantis
 

Similaire à Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE (20)

9789264225183-5-fr.pdf
9789264225183-5-fr.pdf9789264225183-5-fr.pdf
9789264225183-5-fr.pdf
 
Lettre d\'information fiscale - Avril 09
Lettre d\'information fiscale - Avril 09Lettre d\'information fiscale - Avril 09
Lettre d\'information fiscale - Avril 09
 
Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...
Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...
Rapport-Le-système-fiscal-marocain-développement-économique-et-cohésion-socia...
 
Audit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit Fiscal
Audit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit FiscalAudit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit Fiscal
Audit fiscal cours/1er Chapitre: Démarche de l'Audit Fiscal
 
Réforme fiscale.pdf
Réforme fiscale.pdfRéforme fiscale.pdf
Réforme fiscale.pdf
 
Renforcer l'union économique et monétaire
Renforcer l'union économique et monétaireRenforcer l'union économique et monétaire
Renforcer l'union économique et monétaire
 
Conférence insolvency - 16 mai 2017
Conférence insolvency - 16 mai 2017Conférence insolvency - 16 mai 2017
Conférence insolvency - 16 mai 2017
 
Conférence ACE
Conférence ACEConférence ACE
Conférence ACE
 
Déclaration OCDE
Déclaration OCDE Déclaration OCDE
Déclaration OCDE
 
Caterpillar les actes d'ecolo
Caterpillar les actes d'ecoloCaterpillar les actes d'ecolo
Caterpillar les actes d'ecolo
 
Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1
Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1
Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1
 
Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1
Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1
Passage du bilan comptable au bilan fiscal.1
 
3154 note circulaire_717_tome1
3154 note circulaire_717_tome13154 note circulaire_717_tome1
3154 note circulaire_717_tome1
 
Taux taxe transactions financières 2012
Taux taxe transactions financières 2012Taux taxe transactions financières 2012
Taux taxe transactions financières 2012
 
Les scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demain
Les scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demainLes scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demain
Les scénarios possibles pour l'Europe fiscale de demain
 
Présentation Loi de Finances 2011
Présentation Loi de Finances 2011Présentation Loi de Finances 2011
Présentation Loi de Finances 2011
 
Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...
Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...
Actualité fiscale et Lois de Finances 2016 pour le secteur financier : la fin...
 
Déclaration de résultat
Déclaration de résultatDéclaration de résultat
Déclaration de résultat
 
Circulaire is et ir
Circulaire is et irCirculaire is et ir
Circulaire is et ir
 
Présentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-Etienne
Présentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-EtiennePrésentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-Etienne
Présentation loi de finances 2011 du 26 janvier 2011 à l'ESC Saint-Etienne
 

Plus de Société Tripalio

Documents officiels du dossier Epstein, délivrés par la Justice
Documents officiels du dossier Epstein, délivrés par la JusticeDocuments officiels du dossier Epstein, délivrés par la Justice
Documents officiels du dossier Epstein, délivrés par la JusticeSociété Tripalio
 
Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024
Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024
Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024Société Tripalio
 
Prenons-nous en main 2024 : le programme !
Prenons-nous en main 2024 : le programme !Prenons-nous en main 2024 : le programme !
Prenons-nous en main 2024 : le programme !Société Tripalio
 
Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023
Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023
Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023Société Tripalio
 
l16t0197_texte-adopte-seance.pdf
l16t0197_texte-adopte-seance.pdfl16t0197_texte-adopte-seance.pdf
l16t0197_texte-adopte-seance.pdfSociété Tripalio
 
ecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdf
ecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdfecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdf
ecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdfSociété Tripalio
 
2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf
2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf
2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdfSociété Tripalio
 
RCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdf
RCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdfRCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdf
RCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdfSociété Tripalio
 
Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...
Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...
Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...Société Tripalio
 
Dr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdf
Dr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdfDr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdf
Dr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdfSociété Tripalio
 
dffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdf
dffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdfdffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdf
dffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdfSociété Tripalio
 
2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf
2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf
2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdfSociété Tripalio
 

Plus de Société Tripalio (20)

Documents officiels du dossier Epstein, délivrés par la Justice
Documents officiels du dossier Epstein, délivrés par la JusticeDocuments officiels du dossier Epstein, délivrés par la Justice
Documents officiels du dossier Epstein, délivrés par la Justice
 
Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024
Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024
Charte du candidat Prenons-nous en main pour 2024
 
Prenons-nous en main 2024 : le programme !
Prenons-nous en main 2024 : le programme !Prenons-nous en main 2024 : le programme !
Prenons-nous en main 2024 : le programme !
 
Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023
Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023
Conclusions de la COP 28 de Dubai, décembre 2023
 
Rapport AME 04122023_vf.pdf
Rapport AME 04122023_vf.pdfRapport AME 04122023_vf.pdf
Rapport AME 04122023_vf.pdf
 
l16t0197_texte-adopte-seance.pdf
l16t0197_texte-adopte-seance.pdfl16t0197_texte-adopte-seance.pdf
l16t0197_texte-adopte-seance.pdf
 
ecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdf
ecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdfecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdf
ecb.sp231121_1~8df317dc17.en.pdf
 
ST-15732-2023-INIT_fr.pdf
ST-15732-2023-INIT_fr.pdfST-15732-2023-INIT_fr.pdf
ST-15732-2023-INIT_fr.pdf
 
ST-15631-2023-INIT_en.pdf
ST-15631-2023-INIT_en.pdfST-15631-2023-INIT_en.pdf
ST-15631-2023-INIT_en.pdf
 
2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf
2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf
2023-11-14-allocution-laurent-fabius (1).pdf
 
RCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdf
RCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdfRCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdf
RCP pfizer octobre 2023 anx_160809_fr.pdf
 
Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...
Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...
Circulaire_relative_à_la_lutte_contre_les_infractions_susceptibles_d'être_c...
 
pjl22-434.pdf
pjl22-434.pdfpjl22-434.pdf
pjl22-434.pdf
 
Guide AMF prospectus.pdf
Guide AMF prospectus.pdfGuide AMF prospectus.pdf
Guide AMF prospectus.pdf
 
Budget de la Présidence
Budget de la PrésidenceBudget de la Présidence
Budget de la Présidence
 
PLAN DE GOBIERNO - JM.pdf
PLAN DE GOBIERNO - JM.pdfPLAN DE GOBIERNO - JM.pdf
PLAN DE GOBIERNO - JM.pdf
 
Dr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdf
Dr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdfDr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdf
Dr Broussalian réponse pour Olivier Soulier.pdf
 
dffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdf
dffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdfdffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdf
dffe1cf9ec241b5152a8688602d58ff1e640e4c1.pdf
 
2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf
2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf
2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf
 
COM_2023_610_1_FR.PDF
COM_2023_610_1_FR.PDFCOM_2023_610_1_FR.PDF
COM_2023_610_1_FR.PDF
 

Ordre des experts-comptables: livre blanc sur la fiscalité de l'UE

  • 1. POUR ACCÉLÉRER LA CONVERGENCE FISCALE EUROPÉENNE EUROPE PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Septembre 2016
  • 2.
  • 3. 3 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES Premier conseil de proximité des chefs d’entreprise, l’expert-comptable est devenu largement, dans les faits et de par sa formation, le premier « expert-fiscal  » des entreprises. L’étroite connexion qui existe en droit français et dans la plupart des Etats de droit romano-germanique, entre comptabilité et fiscalité, justifie pleinement ce positionnement. Forte sa connaissance fine des entreprises, de son expertise, de sa déontologie, et soucieuse de l’intérêt général, notre profession contribue régulièrement à formuler des propositions d’amélioration et de simplification des dispositifs fiscaux nationaux. Réunie à Bruxelles, capitale européenne, du 28 au 30 septembre 2016, à l’occasion du 71e Congrès de l’Ordre des experts-comptables, sur le thème « Expert-comptable, expert-fiscal », la profession comptable française a souhaité, formuler des propositions de réforme et d’adaptation de la fiscalité européenne, afin d’accélérer la convergence fiscale des Etats membres de l’Union européenne, convergence utile au bon fonctionnement de notre marché commun. L’absence d’harmonisation fiscale européenne est trop souvent source d’insécurité, tant pour les entreprises et que pour les États, et favorise une concurrence fiscale déloyale qui se nourrit de l’absence de transparence des pratiques fiscales au sein de l’Union européenne. Dans ce contexte, il apparaît urgent d’établir des règles fiscales communes claires, précises et simples, permettant d’assurer le développement économique de l’Union européenne dans un contexte de concurrence internationale intense. Il ne s’agit pas ici d’énumérer des propositions de réforme « clé en main » mais de suggérer des pistes de réflexion, qui doivent certainement être affinées, afin d’engager un processus de convergence fiscale européenne dans de bonnes conditions, quitte à s’éloigner parfois de certains principes bien établis. Ces propositions témoignent de la volonté des experts-comptables d’apporter utilement leur pierre à la construction de l’édifice fiscal européen. Philippe Arraou Président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables
  • 4.
  • 5. 5 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES SOMMAIRE AVANT-PROPOS 7 1. RECHERCHER DE PLUS GRANDES CONVERGENCES POUR L’IMPOSITION DES ENTREPRISES 11 A. De nouvelles règles de territorialité prenant en compte la réalité des échanges économiques 13 B. Des règles d’assiette convergentes pour tous les Etats 18 a. La prise en compte du résultat comptable 19 b. L’application de retraitements purement fiscaux 22 c. La prise en compte de dispositifs incitatifs 23 C. Un encadrement communautaire des dispositifs fiscaux incitatifs 25 a. Cadre réglementaire actuel 25 b. Vers une harmonisation des aides étatiques 26 c. Un régime de gestion des déficits dans les entités soumises à l’impôt sur les sociétés identique au plan européen 32 D. Un encadrement des taux d’imposition des résultats afin de progresser vers une véritable convergence 34 2. RECHERCHER DES RÈGLES EUROPÉENNES COMMUNES EN MATIÈRE D’IMPOSITION DES GROUPES 37 A. Vers une imposition des groupes conforme à la réalité économique et à la jurisprudence communautaire 38 B. Deux régimes distincts pour les groupes économiques fortement intégrés 41 a. Un régime de compensation simple 41 b. Un régime de compensation avec neutralisations 42 C. Un régime permettant la compensation partielle des résultats pour les groupes économiques moins intégrés 45
  • 6. 6 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE 3. SIMPLIFIER L’APPLICATION DE LA TVA 47 A. Extension du mécanisme d’autoliquidation dans les relations entre assujettis (B to B) 47 B. Une plus grande liberté dans la fixation des taux réduits de TVA 50 ANNEXES 51 ANNEXE 1 : AUTOLIQUIDATION DE LA TVA DANS LES RELATIONS B TO B – IMPACT SUR LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES 53 1. Pour les livraisons de biens 53 2. Pour les prestations de services 56 3. Conclusion 58 ANNEXE 2 : TAUX RÉDUITS DE TVA – SYNTHÈSE DES TAUX RÉDUITS APPLICABLES DANS LES ETATS MEMBRES 59 1. Présentation du contexte 59 2. Constat de la situation en France 61 3. Constat dans les autres pays européens 62 SYNTHESE DES PROPOSITIONS 65
  • 7. CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES 7 AVANT-PROPOS La mise en place du grand marché européen aurait dû s’accompagner, dès que possible, d’une harmonisation forte, tant au plan fiscal que social, afin que les règles de libre concurrence sur lesquelles il repose puissent trouver une réelle application, sans distorsion ou anomalie entre les Etats membres. Force est de constater que ces impératifs d’harmonisation n’ont pour l’instant pas pu aboutir, en raison des règles d’unanimité dans la décision communautaire relative à la définition des règles fiscales communes, et des divergences d’appréciation des Etats membres dans ce domaine sensible puisque touchant aux ressources et aux dépenses publiques. Or, pour l’essentiel, l’harmonisation fiscale européenne ne concerne en réalité à ce jour que la TVA, dans la mesure où elle était indispensable à la construction du grand marché unique et à la libre circulation des marchandises au sein de l’Union. Cet impératif est aujourd’hui consacré par l’article 112 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Bien que commencée de longue date, cette harmonisation a dû franchir plusieurs étapes, depuis le texte fondateur de la 6ème directive 77/388 du 17 mai 1977. L’étape suivante la plus importante a été la directive 91/680 du 16 décembre 1991 instituant un système commun de TVA connu sous l’appellation de « TVA intracommunautaire », conçu au départ comme un régime transitoire qui aurait dû conduire à un régime définitif plus intégré. Enfin, par la suite, la directive 2006/112 du 28 novembre 2006 a procédé à une refonte générale des règles d’assujettissement, complétée par la directive 2008/8 du 12 février 2008 consacrée aux règles de territorialité applicables aux prestations de services. En dépit de ces nombreuses avancées réglementaires, l’harmonisation des règles de TVA demeure encore largement perfectible. Sans doute peut-on affirmer aujourd’hui que la TVA est l'impôt européen par excellence. Toutefois, le grand rêve initial, reposant sur le principe de la perception de la TVA par le fournisseur auprès de son client situé dans un autre Etat membre et sur la compensation entre Etats de la TVA ainsi collectée, n’a pas encore été réalisé à ce jour puisque le régime transitoire demeure encore applicable.
  • 8. 8 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Des avancées peuvent et doivent encore être faites, notamment par une réflexion approfondie sur l’harmonisation des taux applicables dans les différents pays, sans que celle-ci obère le développement économique et social de chacun d’eux. Mais c’est en matière d’imposition directe que l’harmonisation fiscale fait cruellement défaut, et particulièrement en ce qui concerne les règles de détermination et d’imposition des résultats des entreprises. Cette absence d’harmonisation de la fiscalité des entreprises est particulièrement prégnante dans un contexte de développement des échanges commerciaux mondiaux, certaines entreprises cherchant à profiter des différences de règlementation entre les Etats pour payer le moins d’impôts possible. Il en résulte une concurrence fiscale dommageable entre les Etats membres qui peut se trouver aggravée par des aides consenties à ces entreprises. Moins de deux années après l’affaire LuxLeaks, c’est aujourd’hui le cas d’Apple, qui a enregistré la totalité de ses bénéfices en Irlande, qui est mis en lumière. La Commission européenne a estimé que l’Irlande avait accordé à Apple des avantages fiscaux indus pour un montant de 13 milliards d’euros, en bénéficiant de taux d’imposition exceptionnellement bas à la suite d’un accord négocié avec les autorités constituant une aide d’Etat incompatible avec les règles de fonctionnement de l’Union européenne. Cette situation témoigne d’un besoin urgent d’harmonisation des règles d’imposition des entreprises qui permettra de mettre un terme à la fois à la concurrence fiscale dommageable entre les Etats et à l’insécurité fiscale qu’elle génère tant pour les différents Etats membres que pour les entreprises qui y sont implantées. Certes, il existe bien en matière d’impôts directs un certain nombre de dispositifs communautaires d’encadrement qui limitent la liberté législative des Etats, adoptés sous forme de directives particulières. Ces grandes et anciennes directives, qui remontent à 1990, concernent principalement les groupes importants, généralement implantés dans plusieurs Etats membres de l’Union. Il s’agit d’abord de la directive relative aux sociétés mères et filiales (90/435/CEE), plusieurs fois modifiée depuis lors (et le plus récemment par la directive 2014/86/UE), dont les conditions d’application ont d’ailleurs été précisées par une abondante - et quelquefois surprenante - jurisprudence tant interne que communautaire. Il s’agit ensuite de la directive relative aux opérations de fusions et d’apports (directive 90/434/CEE devenue directive 2009/133/CE), qui elle aussi a fait l’objet de précisions jurisprudentielles. On peut encore mentionner la convention multilatérale du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées. Dans le même esprit, on ajoutera la directive 2003/49/CE du 3 juin 2003 relative aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre sociétés associées d’Etats membres différents, qui a conduit à la suppression des retenues à la source sur ces flux intragroupes.
  • 9. 9 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES Ces textes constituent, sans aucun doute, le cadre le plus ancien et le plus abouti des règles communautaires spécifiques à l’imposition directe des bénéfices des entreprises, mais ne couvrent, comme on le voit, que certains domaines particuliers de la fiscalité. Cette situation se caractérise donc par la rareté des dispositions communes, alors que des grands principes existent dans le Traité fondateur de 1957. Il s’agit des grandes libertés fondamentales, à savoir tout d’abord la liberté d’établissement des personnes et des entreprises au sein de l’Union européenne, mais également des autres libertés de circulation (des personnes, des biens, des services, et plus tard des capitaux). C’est pourquoi, la jurisprudence communautaire, étendant au do- maine fiscal ces grands principes du Traité, a joué, joue et continuera de jouer un rôle d’encadrement et d’harmonisation des législations nationales. En effet, comme les juges de la Cour de justice de l’Union européenne ont eu maintes fois l’occasion de l’affirmer dans chacune de leurs décisions, «  si la fiscalité directe relève de la compétence des Etats membres, il n'en reste pas moins que ces derniers doivent exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire et, par conséquent, s'abstenir de toute discrimination ostensible ou déguisée fondée sur la nationalité ». C’est ainsi que, depuis la première décision marquante concernant la France, qui remonte à présent à trois décennies1 , les juges de Luxembourg ont eu l’occasion de traiter maints sujets fiscaux importants touchant à la fiscalité directe des entreprises. On peut citer les régimes de distributions2 , la question de l’imputation des pertes3 , l’application des régimes de groupes4 ou encore la question de la sous-capitalisation des sociétés5 . En outre, les juridictions nationales interprètent désormais largement les textes fiscaux à la lumière des principes ou des directives communautaires, comme l’ont montré par exemple les dernières décisions du Conseil d’Etat français au sujet du régime mère-filiale. Le fait d’obliger les juges communautaires et nationaux à mener « par défaut » cette tâche d’harmonisation n’est pas satisfaisant. Cela crée une grande insécurité fiscale, d’abord pour les entreprises qui éprouvent des difficultés à appliquer correctement la règle fiscale, même si dans de nombreux cas certaines ont pu y trouver avantage, ensuite pour les administrations fiscales qui peuvent se montrer hésitantes dans la mise en œuvre de réformes dont la conformité pourrait être contestée après plusieurs années d’application, et enfin pour les Etats qui peuvent être amenés à supporter les conséquences budgétaires quelquefois très lourdes de ces remises en cause. 1 CJCE, 28 janvier 1986, C-270-83 Commission contre France, concernant l’utilisation de l’avoir fiscal par les établissements stables de sociétés étrangères 2 CJCE, 8 mars 2001, C-397/98 et C-410/98 Metallgesellschaft/Hoeschst 3 CJCE, 16 juillet 1998, C-264/96 Imperial Chemical Industries 4 CJCE, 13 décembre 2005, C-446/03 Marks Spencer Plc ; CJCE, 27 novembre 2008, C-418/07 Société Papillon 5 CJCE, 12 décembre 2002, C-324/00 Lankhorst Hohorst Gmbh
  • 10. 10 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Cette insécurité fiscale s’est encore aggravée dans la période récente, à la suite de la multiplication des dispositifs anti-abus, rendue nécessaire par la révélation de l’existence de nombreuses pratiques d’optimisation fiscale préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur. En effet, les dispositifs mis en place ont nécessairement un caractère général, et nombre de mécanismes visant à lutter contre la fraude, l’évasion et la concurrence fiscale dommageable sont de nature à inquiéter les entreprises, et surtout celles qui ne se livrent pas à de telles pratiques. Les entreprises, tout comme les Etats, ont besoin de règles fiscales claires, stables et précises. En un mot, il existe de la part des acteurs économiques et plus largement de la société toute entière une réelle demande d’harmonisation des législations et des pratiques fiscales européennes. Forts de leur pratique, de leur expertise et de leur déontologie, mais aussi de leur engagement au service de l’intérêt général, et confortés par leurs connaissances des entreprises et de leurs contraintes, les experts-comptables souhaitent participer activement et à leur niveau à cette œuvre d’harmonisation. Réunis en Congrès, ils ont élaboré des propositions qui se veulent constructives pour aller vers une plus grande harmonisation, ou du moins vers de plus grandes convergences fiscales au plan européen.
  • 11. 11 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES 1. RECHERCHER DE PLUS GRANDES CONVERGENCES POUR L’IMPOSITION DES ENTREPRISES L’harmonisation européenne de la fiscalité directe des entreprises n’a pas encore à l’heure actuelle de réalité forte, et les tentatives pour la mettre en œuvre, sans cesse renouvelées, ont le plus souvent avorté. On peut en comprendre les raisons, qui sont de trois ordres. D’abord bien évidemment, celle liée à la contrainte budgétaire pour les Etats, en cette période de réduction impérative des déficits publics. Encore faut-il relever que cette contrainte pourrait se trouver relativisée en raison de la diminution du poids relatif des impositions directes, et notamment celles des entreprises, dans les prélèvements obligatoires. Ensuite, il existe une autre raison, plus complexe à appréhender, consistant à rechercher l’équilibre des mécanismes d’imposition entre les différentes formes d’entreprises existantes dans chaque Etat de l’Union. Ainsi, par exemple, il existe un plus grand nombre de sociétés en France qu’en Allemagne, et à l’inverse moins d’entreprises individuelles en France qu’en Allemagne. Enfin, on ne peut passer sous silence la contrainte liée aux «  histoires  » fiscales et juridiques respectives de chacun des Etats membres, auxquelles tant les administrations fiscales locales que les contribuables concernés sont profondément attachés. En effet, les modalités d’assiette et de recouvrement des impositions sont souvent étroitement liées aux structures juridiques et aux institutions spécifiques de chacun des pays. On comprend mieux que dans un tel environnement, il soit difficile, si ce n’est impossible, d’obtenir des décisions unanimes pourtant nécessaires à toute modification de la législation de l’Union européenne. Malgré ces difficultés, il apparait indispensable de progresser vers une convergence forte en matière d’imposition des entreprises qui puisse assurer tout à la fois : • le fonctionnement harmonieux du marché unique par la suppression des pratiques fiscales de nature à causer des distorsions de concurrence ; • l’indispensable sécurité juridique et fiscale des entreprises, qui doit favoriser leurs perspectives de développement ; • le développement économique et social des pays de l’Union à travers une fiscalité incitative favorisant l’investissement et l’emploi, et assurant donc la croissance.
  • 12. 12 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Cette convergence devrait impérativement respecter la localisation des ressources fiscales entre les Etats membres, lesquels doivent pouvoir conserver l’essentiel de leur souveraineté fiscale. Cette convergence fiscale, que les experts-comptables estiment hautement souhaitable, implique qu’ils proposent des mesures touchant aux trois aspects essentiels de l’imposition des entreprises : • le premier concerne les règles de territorialité, puisque ces règles doivent sans aucun doute être adaptées aux évolutions des activités internationales dont la localisation devient de plus en plus difficile à appréhender notamment dans certains secteurs d’activité ; • le deuxième concerne la détermination de l’assiette des impositions du résultat. Cette détermination relève de règles différentes, ce qui implique qu’une réflexion approfondie soit menée dans l’urgence, sans attendre la mise en place d’une assiette commune (ACIS) qui serait pourtant souhaitable. Il est par ailleurs nécessaire que cette réflexion intègre la question du traitement des déficits fiscaux par les Etats membres ; • le troisième concerne la mise en place de règles de convergences des taux d’imposition des bénéfices, afin d’atténuer les risques de concurrence fiscale entre Etats. Ces trois aspects sont bien évidemment liés et leur mise en œuvre devrait être menée de front, puisqu’il est difficile d’imaginer des taux d’imposition convergents si les assiettes auxquelles ces taux s’appliquent n’ont pas été harmonisées. La plus grande convergence de la fiscalité directe des entreprises ne peut donc naître que de ce triptyque : territorialité adaptée ; assiette d’imposition maîtrisée ; encadrement des taux amélioré.
  • 13. 13 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES A. De nouvelles règles de territorialité prenant en compte la réalité des échanges économiques Pendant de nombreuses années, les règles de territorialité permettant l’imposition des bénéfices sont apparues satisfaisantes, même si certaines interrogations avaient pu naître sur tel ou tel de leurs aspects. Ces règles de territorialité, élaborées sous l’égide de l’OCDE, sont fondées pour l’essentiel sur la notion d’établissement stable, défini par l’existence d’une implantation physique, ou par la réalisation d’un cycle complet de production dans un pays déterminé. Cette définition de l’établissement stable, proche de la réalité économique, permet ainsi de rattacher la matière imposable au pays dans lequel la valeur se crée. Elle s’avère donc pertinente et logique dans un environnement économique « classique ». Cependant, les règles de territorialité ainsi décrites deviennent largement obsolètes et inappropriées à partir du moment où l’on prétend les appliquer à des activités immatérielles, dont les résultats ne sont pas liés à la localisation physique d’une production. Désormais,leconceptd’établissementstablenepermetpasd’éviterlesdélocalisations de certaines opérations imposables, principalement en raison du développement du commerce électronique et de la dématérialisation de bon nombre de prestations de services. Cette notion d’établissement stable n’est donc plus pertinente dans de nombreuses situations, et surtout, elle ne permet pas d’appréhender certaines opérations économiques nées de la dématérialisation des échanges et du commerce en ligne. Aujourd’hui, une entreprise peut facilement réaliser des opérations dans un Etat sans y être physiquement implantée, et ainsi ne pas remplir les critères caractéristiques d’un établissement stable. Aussi, l’imposition des résultats des entreprises dans une économie mondialisée doit- elle se rapprocher du lieu d’utilisation et être réalisée dans l’Etat de consommation. Le développement du commerce en ligne a permis à des entreprises de développer uneactivitééconomiquedansunEtatsansyêtreimplantée.L’absenced’établissement stable dans le pays de consommation permet à l’entreprise d’éviter toute imposition dans cet Etat. Les profits correspondants vont être localisés dans l’Etat offrant la fiscalité la plus attractive. Ce phénomène de commerce en ligne, qui à l’origine visait essentiellement les
  • 14. 14 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE livraisons de biens, a connu un essor particulier du fait de la dématérialisation des produits commercialisés. Désormais, la vente en ligne d’ouvrages et de musique s’effectue sans support physique par voie de téléchargement. En parallèle, de nouveaux marchés sont apparus notamment dans le domaine de l’intermédiation. Des prestations de services sont désormais proposées via Internet sans présence ni intervention physique du prestataire. Face à une telle évolution de notre économie, les règles fiscales doivent être repensées afin d’assurer une corrélation entre la richesse produite et l’Etat d’imposition. Il conviendrait donc, pour certaines catégories d’opérations pour lesquelles la notion d’établissement stable n’est manifestement plus adaptée, de privilégier un critère d’imposition tiré du lieu de consommation, en s’inspirant des règles mises en place pour la TVA. Notons que, d’ores et déjà, les conventions fiscales internationales relatives aux doubles impositions déterminent le lieu d’imposition de certains profits en fonction de la nature de l’activité et des revenus générés. Ainsi, les revenus tels que les intérêts, redevances et droits d’auteur supportent un impôt dans l’Etat du débiteur, c’est-à- dire du « consommateur ». Le principe d’imposition dans l’Etat de de consommation est donc déjà reconnu en fiscalité internationale. Il convient aujourd’hui de revoir les règles de territorialité applicables à certaines activités en ligne (échanges dématérialisés, activités d’intermédiation ou de prestations dématérialisées) pour lesquelles la notion d’établissement stable n’est plus adaptée. L’existence d’une activité économique générerait un impôt dans l’Etat de consommation, correspondant à un prélèvement sur le chiffre d'affaires réalisé dans cet Etat. Cette imposition pourrait être appréciée différemment en fonction du volume d’activité des opérations réalisées. L’objectif est de définir les modalités selon lesquelles la répartition de l’imposition entre l’Etat de production et l’Etat de consommation sera réalisée. En fonction de la nature de l’activité (vente ou prestation de services) et du volume des échanges opérés, trois situations pourraient être rencontrées : • une imposition exclusive dans l’Etat de production ; • une imposition exclusive dans l’Etat de consommation ; • un partage d’imposition entre les deux Etats. Le maintien de l’imposition exclusive dans l’Etat de production (en l’absence d’établissement stable dans l’Etat de consommation) doit être privilégié pour toutes
  • 15. 15 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES les activités de production industrielle nécessitant des investissements lourds. Il s’agit dans cette situation de maintenir les règles d’imposition existantes. L’imposition exclusive dans l’Etat de consommation trouverait à s’appliquer lorsque les moyens de commercialisation déployés et le volume des transactions réalisées sont conséquents au regard d’un certain nombre de critères (voir ci-après). Enfin, le partage d’imposition devrait s’appliquer aux opérations dont la nature et le volume ne permettent pas de privilégier l’un ou l’autre des deux Etats. A titre d’exemple, il conviendrait de distinguer les prestations de services des livraisons de biens. Pour les prestations de services (y compris les activités de téléchargement), les critères pouvant conduire à une imposition dans l’Etat de consommation pourraient être les suivants : • le volume de données collectées auprès d’utilisateurs situés dans l’Etat de consommation ; • le volume de mégaoctets transmis ; • le volume de mégaoctets téléchargés ; • le nombre de transactions réalisées avec des clients situés dans l’Etat de consommation ; • le montant des transactions ; • le nombre de clics sur des liens réalisés par des utilisateurs situés dans l’Etat de consommation… En effet, à l’instar de ce qui existe pour les ventes à distance de biens (seuil de 35 000 € pour celles d’Etat membre vers la France), il pourrait être institué un seuil de mégaoctets téléchargés permettant de retenir la notion d’activité économique dans l’Etat de consommation. Pour les activités de livraison de biens, qui nécessitent peu de mégaoctets téléchargés, l’existence d’une activité économique dans l’Etat de consommation pourrait être révélée par un faisceau d’indices comprenant les critères suivants : • le volume de données collectées auprès d’utilisateurs situés dans l’Etat de consommation ; • l’existence d’un site dans la langue de l’Etat de consommation ; • l’achat de bandeaux publicitaires visant une clientèle de l’Etat de consommation ; • l’existence d’un lieu de stockage dans l’Etat de consommation ; • le montant de chiffre d’affaires réalisé auprès d’une clientèle située dans l’Etat de consommation.
  • 16. 16 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Ces nouvelles règles de territorialité une fois définies, se pose alors la question des modalités de perception de l’impôt. Là encore, il convient de s’inspirer des mécanismes mis en place par les conventions fiscales internationales. Afin de s’assurer du paiement de l’impôt dans l’Etat de consommation, le prélèvement sur le chiffre d'affaires réalisé prendrait la forme d'une retenue à la source s’appliquant lors du paiement des transactions réalisées via Internet. Les opérateurs intermédiaires et organismes financiers (par exemple, Paypal) seraient tenus de prélever cette retenue à la source lors de chaque transaction, et de verser son produit aux autorités fiscales de l’Etat de consommation. L’opérateur économique pourrait être déclaré solidairement responsable de ce prélèvement avec les établissements financiers par lesquels transitent les règlements. Cette retenue à la source s’appliquerait quel que soit l’Etat de résidence de l’entreprise réalisant le chiffre d’affaires, et pas seulement aux entreprises non résidentes. La mise en œuvre de ce prélèvement pourrait s'inscrire dans le projet de généralisation du prélèvement fiscal à la source qui devrait s’appliquer à compter de 2018 en France. Le traitement de la retenue à la source pratiquée dans l’Etat de consommation diffèrerait en fonction de la nature de l’activité et du volume des opérations réalisées. Deux hypothèses seraient à distinguer : • lorsque les règles de territorialité nouvellement définies conduisent à un partage d’imposition entre l’Etat de production et l’Etat de consommation, la retenue à la source serait libératoire de l’impôt dû dans l’Etat de consommation et constituerait un crédit d’impôt dans l’Etat d’établissement. Il conviendra de préciser si cette retenue à la source est restituable dans l’Etat d’établissement lorsqu’elle excède l’impôt dû ; Remarque : Si l’entreprise réalisant le chiffre d’affaires dispose d’un établissement stable (ancienne définition) dans l’Etat de consommation auquel les revenus peuvent être rattachés, la retenue à la source constituerait un crédit d’impôt dans cet Etat. • lorsque les nouvelles règles de territorialité conduisent à une imposition exclusive dans l’Etat de consommation, la retenue à la source constituerait un acompte d’impôt. Il appartiendrait à l’entreprise de déposer une déclaration de résultat au titre de cette activité dans l’Etat de consommation. Remarque : Le montant du prélèvement opéré devrait inciter l’entreprise à produire une déclaration fiscale afin d’en obtenir la restitution éventuelle en cas d’excédent.
  • 17. 17 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES En résumé, la proposition de la profession comptable consiste à introduire une nouvelle règle de territorialité pour les opérations issues du commerce électronique venant compléter le dispositif de l’établissement stable. Désormais, en fonction de l’activité exercée et de la nature des produits ou prestations commercialisés, l’imposition des profits correspondants pourrait être réalisée soit dans l’Etat de résidence (établissement stable), soit dans l’Etat de consommation. En présence d’opérations taxables dans l’Etat de consommation, le volume de l’activité économique déployée pourrait conduire à un partage d’imposition ou à l’imposition exclusive dans l’Etat de consommation. L’application d’une retenue à la source sur le chiffre d’affaires réalisé, libératoire et/ou restituable en fonction des circonstances économiques, permettrait une meilleure répartition de l’imposition entre l’Etat de consommation et l’Etat de résidence. PROPOSITIONS Créer une nouvelle règle de territorialité pour les opérations issues du commerce électronique venant compléter le dispositif de l’établissement stable. L’existence d’une activité économique génèrerait une imposition dans l’Etat de consommation, correspondant à un prélèvement sur le chiffre d'affaires réalisé dans cet Etat, en fonction du volume d’activité des opérations réalisées. Instaurer un mécanisme d'imposition dans l’Etat de consommation du bien ou du service sous la forme d’une retenue à la source appliquée sur le chiffre d'affaires réalisé qui, selon le volume d’activité, serait libératoire ou constituerait un acompte. Cette retenue à la source pourrait ouvrir droit à un crédit d’impôt dans l’Etat d’établissement de l’entreprise ayant commercialisé ces biens et services, et ce dans le respect de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et des conventions fiscales internationales.
  • 18. 18 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE B. Des règles d’assiette convergentes pour tous les Etats Parallèlement aux réflexions ci-dessus concernant les règles de territorialité, il est souhaitable de rechercher des règles d’assiette convergentes dans les Etats membres. Afin de déterminer des règles d’assiette convergentes qui puissent être acceptées par tous, il convient de privilégier des règles : • simples s’inspirant de mécanismes existants ; • respectant les spécificités et la finalité du résultat fiscal ; • respectant l’autonomie des Etats dans leurs choix budgétaires et économiques. La solution préconisée par la profession comptable consisterait à distinguer trois étapes dans la détermination de la l’assiette fiscale : • 1ère étape  : prise en compte du résultat comptable  : le résultat fiscal est déterminé à partir du résultat comptable de l’entreprise ; • 2ème étape : application de retraitements purement fiscaux : afin de prendre en compte les spécificités du résultat fiscal par rapport au résultat comptable, des retraitements s’appliqueraient de plein droit ; • 3ème étape : prise en compte de dispositifs incitatifs : chaque Etat conserverait la possibilité d’introduire dans le processus de détermination du résultat fiscal la prise en compte de dispositifs incitatifs faisant l’objet d’un encadrement communautaire. La mise en œuvre de ces règles d’assiette convergentes pourrait intervenir rapidement. Elles ne pourraient que partir de règles comptables harmonisées auxquelles pourraient s’ajouter des retraitements obligatoires et, le cas échéant, des dispositifs fiscaux incitatifs. Ces dispositifs incitatifs devraient être définis, encadrés et élaborés au plan européen et les Etats membres demeureraient libres de les retenir ou non dans leur législation nationale.
  • 19. 19 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES a. La prise en compte du résultat comptable Les règles de détermination du résultat comptable des entreprises sont d’ores et déjà largement harmonisées. Le résultat comptable doit donc constituer le socle du bénéfice imposable. Ce lien de connexion entre la comptabilité et la fiscalité a toujours été défendu par les experts-comptables et est désormais renforcé par la jurisprudence du Conseil d’Etat, alors qu’il n’avait pas toujours fait l’objet d’un consensus général dans le passé. Il apparaît désormais très largement partagé au sein des Etats membres, du moins en ce qui concerne les sociétés d’une certaine taille. La question des très petites entreprises (TPE), qui demeure débattue et encore incertaine, ne devrait pas échapper au principe général selon lequel le bénéfice fiscal imposable doit être issu du résultat comptable. La prise en compte du résultat comptable est justifiée par : • la nécessité de préserver la cohérence de l’assiette fiscale (connexion, dans le droit français, entre comptabilité, fiscalité et cotisations sociales) ; • la prévention de la fraude fiscale et sociale et la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux et sociaux (rendues possibles par la sécurisation de l’assiette fiscale et sociale des entreprises) ; • la fiabilité de l’information financière (sur laquelle reposent la protection des créanciers et la bonne réputation du secteur financier) ; • la protection des consommateurs et destinataires des services. Contrairement aux Etats de droit anglo-saxon, en France, Etat de droit latin, la fiscalité et la parafiscalité (cotisations sociales) sont directement liées à la comptabilité. Il existe en effet un lien étroit entre résultat comptable et résultat fiscal et social, en raison du principe de connexion entre les règles comptables et fiscales posées par l’article 38 quater de l’annexe III du code général des impôts : « les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt ».
  • 20. 20 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE En d’autres termes, le code général des impôts prévoit que, pour la détermination de leur résultat fiscal, les entreprises doivent, sauf exception, respecter les règles du plan comptable général. Cette règle se traduit notamment par le fait que le résultat imposable est déterminé à partir du résultat comptable. Ce dernier fait l’objet de certains retraitements (réintégrations/déductions) sur le tableau 2058A de la liasse afin de tenir compte des spécificités fiscales et sociales. Cette connexion importante entre les règles comptables, fiscales et sociales existe depuis 1945. Afin de s’assurer de la sécurité de cette assiette fiscale et parafiscale, les pouvoirs publics ont en effet créé la profession réglementée d’expert-comptable, jouissant d’une prérogative d’exercice et soumise à des exigences qui permettent de sécuriser l'assiette fiscale et parafiscale. L’administration française et les pouvoirs publics ont constamment réaffirmé le maintien de la connexion entre comptabilité, fiscalité et parafiscalité. Ce principe a été réaffirmé en 2005 à l’occasion de la convergence du plan comptable français avec les normes comptables IFRS. Celles-ci sont basées sur un cadre conceptuel d’inspiration anglo-saxonne, qui n’accorde aucune place à la fiscalité ni aux règles de calcul de l’assiette fiscale et sociale. Le bulletin officiel des impôts (BOI) n°213 du 30 décembre 2005 précise que l’administration a décidé de faire évoluer les règles fiscales et sociales, mais de maintenir la connexion de la comptabilité et de la fiscalité. Cette décision fut liée, en partie, au fait que la fiscalité française s’appuyait sur une comptabilité dont la qualité était garantie par une profession réglementée. Cette connexion entre comptabilité et fiscalité a été réaffirmée récemment par un arrêt du Conseil d’Etat du 23 décembre 2013 n° 346018 min. c/SAS Foncière du Rond-Point, qui précise qu’il n’existe pas dans le code général des impôts de prise pour introduire une distorsion entre le droit fiscal et le droit comptable. Par ailleurs, en France, l’assiette sociale des entrepreneurs individuels est identique à l’assiette fiscale et comptable. Lors de ses contrôles, l’URSSAF s’appuie donc également sur la comptabilité. S’agissant des divergences comptables qui peuvent encore exister, celles-ci devraient sans doute être plus faciles à résorber rapidement, dès lors qu’elles ne comportent pas d’incidences budgétaires significatives pour les Etats membres. En tout état de cause, si une harmonisation comptable à la marge devait être effectuée, celle-ci renforcerait encore la connexion entre le résultat comptable et le résultat fiscal.
  • 21. 21 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES C’est la raison pour laquelle nous pensons que l’harmonisation comptable pourrait constituer le préalable le plus accessible pour aboutir à une convergence fiscale qui prendrait en compte les retraitements fiscaux obligatoires et dérogatoires qui relèvent de la fiscalité incitative. PROPOSITION Dans tous les Etats membres, le résultat fiscal doit être déterminé à partir du résultat comptable des entreprises, établi sur la base de règles comptables harmonisées.
  • 22. 22 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE b. L’application de retraitements purement fiscaux Dans tous les Etats européens, le résultat fiscal ne correspond pas strictement au résultat comptable. En effet, la finalité du résultat comptable n’est pas celle du résultat fiscal. Les normes comptables ont pour objectif de fournir une image fidèle de l’entreprise à destination de ses actionnaires et de ses partenaires économiques. Elles permettent d’évaluer la situation financière de l’entreprise, sa rentabilité et ses perspectives d’évolution. À l’inverse, le résultat fiscal permet de déterminer l’assiette imposable de l’entreprise à partir des opérations réalisées au cours de l’exercice. Il contribue à la détermination de la capacité contributive de l’entreprise. Le normalisateur comptable et le législateur fiscal doivent pouvoir conserver leur autonomie, poursuivant l’un et l’autre des objectifs différents. Tout en réaffirmant la nécessité de maintenir une connexion entre le résultat fiscal et le résultat comptable pour les raisons précédemment décrites, l’autonomie du résultat fiscal doit être maintenue. Certaines règles comptables, justifiées pour des raisons de présentation des états financiers, ne doivent pas venir impacter le montant de l’impôt. Des retraitements fiscaux sont donc inévitables lorsque certains principes comptables ne justifient pas une modification de l’assiette fiscale. Ces retraitements, qui doivent rester limités, devront être identifiés et s’imposeront à tous les Etats membres dans un souci de convergence des assiettes fiscales. Il en va ainsi, d’ores et déjà, de l’application des règles de territorialité propres à chaque Etat ou de l’application des directives européennes, notamment celles relatives aux relations mères-filles ou aux fusions. Ces divergences doivent de ce fait être prises en compte de manière obligatoire par des retraitements opérés entre le résultat comptable et le résultat fiscal. PROPOSITION Pour déterminer le résultat fiscal des entreprises, certains retraitements fiscaux doivent être appliqués au résultat comptable. Ils devraient être limités, clairement identifiés, et identiques pour tous les Etats membres.
  • 23. 23 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES c. La prise en compte de dispositifs incitatifs Aujourd’hui, la fiscalité n’est plus seulement un outil de perception de recettes budgétaires, elle est devenue un outil de politique économique. De nombreux dispositifs incitatifs à caractère fiscal ont vu le jour, les buts poursuivis par les Etats membres étant variés : • permettre une meilleure répartition de l’activité économique sur le territoire ; • soutenir certains secteurs d’activité ; • promouvoir l’innovation et la recherche ; • accélérer la transition énergétique ; • favoriser le développement des TPE/PME… Cette marge de manœuvre octroyée aux entreprises ne doit pas être remise en cause. Actuellement, ces dispositifs incitatifs ne font l’objet d’aucune convergence au niveau européen. Néanmoins, l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que, sauf dérogations, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, « les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ». L’applicationdecetarticleaconduitlaCommissioneuropéenneàprendredesmesures d’encadrement des aides étatiques sans pour autant en assurer la convergence. En effet, l’encadrement communautaire s’applique au niveau de l’entreprise (limitation du montant des aides de toute nature octroyées) et non au niveau du dispositif lui- même. Parallèlement à cela, la Cour de justice de l’Union européenne a été amenée à remettre en cause certains dispositifs jugés contraires aux principes communautaires. Cette situation vient limiter, souvent a posteriori, l’autonomie fiscale des Etats membres, se traduisant par une insécurité fiscale au détriment des entreprises qui voient remis en cause des dispositifs nationaux. Afin de remédier à cette situation, il est proposé de définir, pour chacun des objectifs poursuivis par les Etats (aménagement du territoire, soutien à l’innovation, …), les différentes mesures pouvant être mises en place par les législations nationales.
  • 24. 24 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Si les mécanismes fiscaux à mettre en œuvre devraient être décrits de manière précise, avec une définition stricte des règles applicables, le montant de l’avantage fiscal octroyé serait fixé par chaque Etat membre dans la limite de seuils communautaires propres à chaque dispositif. L’introduction de ces mécanismes d’aide dans les différentes législations nationales serait laissée à la libre appréciation des Etats membres, qui pourraient donc décider de les retenir ou non dans leur droit fiscal interne. L’absence de caractère obligatoire pourrait être de nature à faciliter la prise de décision au niveau communautaire. Il s’agirait alors d’une harmonisation indirecte des règles fiscales dérogatoires, conduisant à terme à des législations de plus en plus communes. Une telle mesure permettrait également une meilleure compréhension des règles applicables en matière d’aides d’Etat par les entreprises concernées. Cette dernière proposition visant à assurer la convergence des assiettes fiscales doit être étudiée à la lumière des mécanismes communautaires existants. Par ailleurs, la mise en place au niveau communautaire de nouveaux dispositifs incitatifs doit être réalisée en procédant à la transposition de mécanismes existants dans des Etats membres. Il en est de même s’agissant de la question du traitement des déficits fiscaux pour laquelle certains Etats membres ont pu adopter des dispositifs plus attractifs que d’autres ; l’adoption de règles communes en la matière étant nécessaire pour assurer pleinement la convergence des assiettes fiscales. PROPOSITION Les dispositifs fiscaux incitatifs devraient être définis au niveau européen. Les Etats membres resteraient libres de les adopter et de fixer le montant de l’avantage fiscal dans la limite de seuils communautaires.
  • 25. 25 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES C. Un encadrement communautaire des dispositifs fiscaux incitatifs a. Cadre réglementaire actuel En matière fiscale et sociale, la notion d’aide d’Etat est encore complexe à cerner : les véritables « aides d’Etat » sont des mesures ciblées sur des objectifs déterminés, et non des mesures générales de nature à alléger les charges des entreprises sous différentes formes (réduction de l’assiette imposable pour toutes les entreprises). Ces aides d’Etat sont encadrées par des règles contraignantes qui résultent de règlements communautaires dont le plus récent est le règlement général de la Commission n° 651/2014 du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur. Ces aides s’inscrivent dans des plafonds déterminés dans le règlement lui-même, dont l’interprétation peut se révéler parfois complexe. Le dispositif des aides d’Etat ne constitue pas une recherche de convergence d’assiette mais un simple encadrement de mesures de toute nature s’inscrivant dans les objectifs poursuivis par le règlement communautaire. Ainsi, les règlements communautaires définissent les objectifs à atteindre et les plafonds à ne pas dépasser, sans réellement donner de définition des mesures concernées et sans préciser celles pouvant entrer dans le dispositif. Ces incertitudes ont été en partie levées par la jurisprudence européenne, mais restent soumises à de nombreuses interrogations. Paradoxalement, les règlements concernant les aides d’Etat sont source de divergences fiscales entre les Etats alors qu’ils pourraient devenir des éléments de convergence si les différentes mesures fiscales permettant d’atteindre les objectifs recherchés étaient précisées dans le règlement. Les différents règlements communautaires devraient être plus précis et proposer les possibilités et modalités fiscales pouvant être retenues par les Etats La réglementation des aides d’Etat a pour objectif de répondre aux principaux problèmes économiques et sociaux rencontrés par les Etats membres. Tel est le cas de l’aménagement du territoire (aides à l’investissement à finalité régionale, aides au fonctionnement à finalité régionale), des aides en faveur des PME (aides à l’investissement en faveur des PME ; aides au financement du risque en faveur des PME), des aides à la recherche, au développement et à l’innovation, et même des aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine.
  • 26. 26 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Dans chacun de ces règlements sont définis les objectifs et les modalités de détermination des plafonds d’aides à ne pas dépasser. Les mesures fiscales susceptibles d’être appliquées ne sont pas évoquées, ce qui laisse une totale liberté aux Etats membres, mais ne constitue pas l’embryon d’une harmonisation des assiettes fiscales et s’accompagne au contraire d’une insécurité fiscale pour les Etats, ainsi que pour les entreprises, auxquelles des remboursements peuvent être réclamés au terme de plusieurs années. Le règlement « de minimis » est sans doute trop complexe et d’application trop large. Il ne constitue pas en tout cas un facteur d’harmonisation des assiettes Les aides « de minimis » sont définies comme les aides d’un montant trop peu élevé pour avoir un impact sensible sur les échanges et la concurrence entre les Etats membres. A ce titre, elles font l’objet d’un plafonnement général de 200 000 € sur une période de trois exercices fiscaux successifs, et permettent aux Etats d’instaurer des mesures d’aides fiscales de toute nature sans avoir besoin d’en informer la Commission. Comme dans le cas des autres aides déjà citées, le règlement « de minimis » est particulièrement complexe à mettre en oeuvre parce que trop imprécis dans son champ d’application. Les mécanismes d’aide susceptibles d’être pris en compte ne sont pas suffisamment définis et sont sans doute trop nombreux. Loin de favoriser une quelconque convergence fiscale, le règlement « de minimis », tel qu’il s’applique actuellement, favorise donc au contraire la mise en œuvre de très nombreux mécanismes de fiscalité dérogatoire, et se traduit donc par des divergences accrues entre les pays de l’Union, tout spécialement en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises. b. Vers une harmonisation des aides étatiques La fiscalité joue et doit jouer incontestablement un rôle essentiel dans la mise en œuvre des politiques publiques définies par les Etats membres. Dans divers domaines, les incitations fiscales sont nombreuses et présentent de multiples particularités selon les Etats concernés, lesquels ont tous mis en œuvre leurs propres dispositifs dérogatoires. A l’évidence, cette situation n’est pas satisfaisante car elle manque d’un minimum de cohérence communautaire. En effet, les politiques publiques aidées par des mesures fiscales appropriées devraient être conduites à travers des mesures convergentes et/ou harmonisées. Il est souhaitable que les mesures européennes s’inspirent des législations déjà existantes dans certains Etats. Il s’agirait de rechercher les meilleures pratiques
  • 27. 27 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES appliquées dans chacun des Etats, après que celles-ci aient été évaluées au regard de leurs conditions d’application et de leur efficacité économique. A l’issue de ce travail d’évaluation, les mesures fiscales reconnues comme les meilleures pourraient être proposées à l’ensemble des pays de l’Union européenne. Ainsi, les Etats membres pourraient sélectionner les mesures fiscales qui leur paraîtraient les mieux adaptées à leur besoin. Comme indiqué précédemment, ils conserveraient la liberté de retenir ou non dans leur droit interne les mesures définies et proposées au plan européen. Bien qu’élaboré de manière non contraignante et dans le respect de la souveraineté fiscale de chacun des Etats, le cadre d’une fiscalité incitative européenne serait ainsi institué. Les trois principaux domaines de mise en œuvre de cette démarche devraient être, en raison de leur importance, la recherche et développement, l’investissement industriel et l’aménagement du territoire. Les bonnes pratiques européennes en matière de recherche et développement pourraient constituer l’axe essentiel des mesures d’harmonisation Les pays de l’Union européenne ont tous pris la mesure de l’importance de l’effort à accomplir en matière de recherche et développement pour assurer la croissance et la compétitivité internationale de notre continent. Certains Etats membres ont privilégié la recherche privée alors que d’autres ont mis en place des aides publiques plus importantes qui ont pu prendre la forme d’aides fiscales. Généralement, les Etats ont choisi de combiner à des degrés divers ces différentes modalités d’intervention. Cette ardente obligation de développer la recherche et l’innovation est largement reconnue par les instances européennes qui accordent une grande liberté aux Etats membres pour atteindre cet objectif. La Commission européenne indique elle-même dans le dernier règlement n° 651/2014 du 17 juin 2014 que «  les aides à la recherche et au développement et les aides à l’innovation peuvent contribuer à une croissance économique durable, renforcer la compétitivité et stimuler l’emploi. L’expérience acquise dans l’application du règlement CE n° 800/2008 et de l’encadrement communautaire des aides d’Etat à la recherche, au développement et à l’innovation a fait apparaître que les défaillances du marché peuvent empêcher celui-ci d’atteindre le volume de production optimal et générer des pertes d’efficience liées aux effets externes à la diffusion des biens publics, des connaissances, au caractère imparfait et asymétrique de l’information et aux problèmes de coordination et de réseau ».
  • 28. 28 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE La politique d’incitation fiscale à la recherche et au développement devrait s’inscrire dans un cadre réglementaire européen plus précis. Parmi les mesures sélectionnées dans ce cadre, les Etats membres pourraient retenir ou non certaines d’entre elles. Comme indiqué précédemment, les Etats membres qui s’abstiendraient de retenir l’une des mesures communautaires proposées ne pourraient plus mettre en place un dispositif fiscal autonome. Cette proposition, comme les précédentes, tout en respectant le principe de souveraineté fiscale des Etats membres, constituerait une source d’harmonisation forte. En effet, en cas de transposition du dispositif dans leur législation nationale, les Etats membres auraient l’obligation d’en respecter la lettre. En outre, le caractère communautaire des dispositifs dérogatoires supprimerait les risques d’insécurité fiscale déjà relevés, dès lors qu’ils ne pourraient plus être remis en cause pour non-conformité à la réglementation européenne. Cela simplifierait les obligations des entreprises, rendrait plus compréhensible la réglementation et allégerait en conséquence les contraintes de contrôle des administrations nationales et européennes. En ce qui concerne la France, des efforts importants ont été consentis pour inciter fiscalement les entreprises à investir dans la recherche et le développement. Aussi existe-t-il depuis 1984 le crédit d’impôt recherche, régulièrement amélioré depuis lors, qui apporte une aide très importante à recherche tant privée que publique. Ce dispositif a d’ailleurs été complété plus récemment par la mise en place pour les petites et moyennes entreprises d’un crédit d’impôt innovation. Ces dispositifs, dont l’efficacité n’a jamais été remise en cause, pourraient constituer un élément de référence à partir duquel pourrait être bâtie et coordonnée une fiscalité européenne d’aide à la recherche. Au-delà de l’aide à la recherche fondamentale et à l’innovation, des incitations fiscales devraient être mises en place pour que les produits provenant de la recherche aidée soient localisés dans le pays qui a consenti l’effort en amont, ou à tout le moins dans un pays de l’Union, sous réserve que ce dernier n’ait pas mis en place des incitations fortes à la délocalisation non conformes à l’esprit européen. Cela correspondrait d’ailleurs à l’un des objectifs énoncé par la Commission européenne dans une proposition de directive du 28 janvier 2016, en lien avec l’OCDE, de lutte contre l’évasion fiscale et la concurrence fiscale dommageable. Cette proposition envisage la mise en place généralisée de «  l’imposition à la sortie des actifs transférés hors de leur territoire pour empêcher les entreprises de délocaliser leurs actifs, et notamment les actifs incorporels issus de la recherche (propriété intellectuelle et brevets) dans le seul but de délocaliser l’impôt ». Dans ce cadre, les entreprises seraient tenues de communiquer aux administrations fiscales
  • 29. 29 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES des documents afin que celles-ci puissent s’assurer qu’aucun actif « intellectuel » n’ait disparu. Par ailleurs, il conviendrait de maintenir et de renforcer les régimes incitatifs à l’exploitation sur le sol européen des actifs immatériels issus de la recherche. Ces dispositifs pourraient s’inspirer des règles dérogatoires déjà existantes en matière de brevets dans bon nombre de pays européens et notamment en France. A cet égard, il serait souhaitable d’aller plus loin que les dispositifs incitatifs actuels, lesquels consistent pour l’essentiel à appliquer un taux réduit d’imposition à la seule exploitation « indirecte » des actifs concernés, c’est-à-dire sous la forme de concession de brevets ou de savoir-faire, et cela sous conditions restrictives. Les dispositifs actuels de taux réduits d’imposition pourraient être étendus aux produits provenant de l’exploitation directe des brevets, et, le cas échéant, pour une période limitée dans le temps. Cette proposition n’aurait de chance de prospérer que si elle était fortement soutenue au plan européen en vue de faire l’objet d’un nouveau dispositif d’harmonisation. Ces incitations fiscales ayant principalement pour objet de localiser ou de maintenir en Europe les activités résultant de la recherche et de l’innovation, les aides à la recherche et à l’innovation, les incitations fiscales à la localisation des activités de production issues de la recherche en Europe et les dispositifs anti-abus d’imposition à la sortie des actifs immatériels devraient constituer un ensemble indissociable. Les bonnes pratiques en matière d’aide à l’investissement industriel pourraient être préconisées au plan européen et proposées aux Etats Bon nombre de pays européens souffrent d’une insuffisance chronique d’investissements industriels pourtant essentiels à une croissance pérenne et au développement de l’emploi. A l’heure actuelle, la réglementation européenne ne permet pas aux Etats membres de retenir, sans risques, des mesures incitatives ciblées sur cet objectif. Il en résulte la mise en place de mesures générales propres à éviter toute critique au plan communautaire ou à l’inverse la mise en place de mesures trop limitées dans leur champ d’application, lesquelles de ce fait n’atteignent que très partiellement le but recherché. Cette situation n’est pas non plus satisfaisante au regard de l’affectation de la ressource publique, qui perd grandement de son efficacité. Néanmoins bon nombre de pays ont instauré des mesures fiscales d’incitation à l’investissement industriel.
  • 30. 30 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE En France, dans la période récente, l’instauration d’une déduction complémentaire temporaire sur les investissements amortissables selon le régime dégressif a voulu répondre à cette préoccupation. Cela n’a pas été sans soulever un certain nombre de critiques, principalement en raison de son caractère trop limité dans le temps qui ne permettrait pas d’influencer durablement les comportements d’investissement des entreprises. En Allemagne, il existe de longue date un mécanisme de provision pour investissement (investitionabzugsbetrag) qui permet aux petites et moyennes entreprises de déduire de leurs résultats imposables une provision destinée à couvrir l’acquisition future d’un actif immobilisé. Cette provision peut représenter jusqu’à 40  % du montant prévisionnel de l’investissement dans la limite de 200 000 €. Elle est reprise dans le résultat de l’exercice d’acquisition du bien, lequel bien fait alors l’objet d’un amortissement normal ou exceptionnel. Cette disposition qui semble avoir produit des effets favorables sur l’investissement des PME en Allemagne pourrait servir de modèle à un mécanisme européen d’aide à l’investissement industriel sans caractère d’application obligatoire par les Etats membres, mais dont le cadre s’imposerait par contre aux Etats membres qui souhaiteraient le retenir. D’autres dispositions pourraient être préconisées et proposées par la réglementation européenne dans le but de pouvoir orienter les incitations en direction des seules entreprises industrielles. Ces diverses mesures communautaires, toujours non obligatoires, pourraient revêtir les formes suivantes : • déduction complémentaire à l’occasion de l’acquisition de matériels d’investissement (comme actuellement en France) ; • crédits ou réductions d’impôt assis sur le prix d’acquisition des immobilisations industrielles ; • amortissements accélérés… Ces propositions ne sont pas limitatives et pourraient être utilement complétées par les instances européennes compétentes des meilleures pratiques recensées dans les divers pays de l’Union afin de proposer une diversité suffisante de dispositifs mis à disposition des Etats membres, lesquels pourraient ou non s’en emparer pour effectuer une transposition à l’identique dans leur droit interne dans des conditions de totale sécurité juridique.
  • 31. 31 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES Lesbonnespratiqueseuropéennesenmatièred’aménagementdesterritoirespourraient également être préconisées au plan européen et proposées aux Etats membres De nombreux pays sont confrontés à des obligations d’aménagement harmonieux de leurs territoires, mais à des degrés divers et à des conditions de développement et historiques souvent différentes. Dans tous les pays concernés, l’aménagement des territoires repose sur le maintien et l’apport d’activités économiques, tant dans les secteurs urbains que dans les secteurs ruraux. La Commission européenne en fait le constat et indique qu’ «  en remédiant aux handicaps des régions défavorisées, les aides à finalité régionale améliorent la cohésion économiques, sociale et territoriale des Etats membres et de l’Union dans son ensemble », elles « visent à soutenir le développement des zones les plus défavorisées en encourageant l’investissement et la création d’emplois dans un contexte durable ». Le règlement 651/2004 du 17 juin 2014 prévoit la possibilité d’aides publiques, donc fiscales, à finalité régionale et en détermine des conditions et plafonds. Toutefois, la frontière entre les conditions de rattachement des diverses mesures fiscales entrant dans les différents dispositifs de limitation des aides prévus par les règlements est particulièrement délicate à déterminer en ce qui concerne l’aménagement du territoire. Ainsi, certaines aides fiscales aux entreprises peuvent relever à la fois d’un règlement visant les aides à finalité régionale, les aides aux petites et moyennes entreprises, ou encore les aides « de minimis ». Devant une telle complexité, génératrice pour les entreprises d’incertitudes pouvant nuire à leurs projets d’implantation, il serait utile que ces mesures visant l’aménagement du territoire soient définies et proposées globalement au plan européen. Ces mesures, s’inspirant de celles déjà existantes, et appliquées dans des conditions satisfaisantes dans les pays de l’Union, pourraient par exemple, au plan fiscal, prendre la forme d’une exonération provisoire d’impôt sur les bénéfices ou encore de l’application de taux réduit d’imposition. Elles ne seraient proposées au plan européen qu’après expertise de leur efficacité.
  • 32. 32 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE PROPOSITION Rendre plus précis les règlements communautaires relatifs aux aides aux entreprises en proposant des modalités fiscales pouvant être retenues par les Etats membres et en examinant les meilleures pratiques des Etats membres en matière de dispositifs fiscaux incitatifs, notamment dans le domaine de la recherche, de l’investissement industriel et de l’aménagement du territoire. c. Un régime de gestion des déficits dans les entités soumises à l’impôt sur les sociétés identique au plan européen La gestion des déficits fiscaux dans les entités relevant de l’impôt sur les sociétés a toujours comporté des difficultés particulières. Ces difficultés sont de plusieurs ordres : • l’existence de possibilités de report en arrière et de report en avant des déficits  ; • la volonté des législateurs de mettre en œuvre des dispositifs limitant leur utilisation soit dans le temps, soit en montant, soit encore en exigeant des conditions de maintien d’une activité identique ; • la question de la territorialité de l’impôt et d’une éventuelle utilisation des déficits de filiales étrangères et notamment européennes. Ces grandes questions se retrouvent dans la quasi-totalité des pays de l’Union européenne mais ne sont pas traitées de manière identique par les législations nationales. Ainsi, la mise en place de régimes attractifs de report des déficits par certains Etats est de nature à inciter certaines entreprises à s’implanter sur leur territoire. Ainsi, dans un souci de convergence fiscale avec l’Allemagne, le régime applicable en France a été adapté. Les déficits fiscaux sont reportables en avant sans limitation de durée, mais leur imputation sur les bénéfices est plafonnée à 1 M€, majoré de 50 % de la fraction du bénéfice excédant ce seuil. Par ailleurs, les déficits peuvent également être reportés en arrière, mais le déficit constaté au titre d’un exercice ne peut, dans ce cas, être reporté en arrière que dans la limite du montant le plus faible entre le bénéfice de l’exercice précédent et un montant de 1 M€. Malgré ce premier rapprochement, chaque Etat continue aujourd’hui de disposer de règles propres en matière de gestion des déficits.
  • 33. 33 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES Dès lors, pour éviter que certains Etats membres n’adoptent des dispositifs pouvant être jugés comme trop favorables de nature à engendrer des distorsions de concurrence trop marquées, il parait nécessaire de rechercher un encadrement communautaire des règles de report en avant et en arrière des déficits. Pour la définition de ce régime communautaire qui pourrait s’inspirer du modèle français, il est proposé d’établir des règles communes en matière de report en avant et en arrière des déficits prévoyant : • d’accorder une franchise de 1 M€ de déficits qui ne tombent pas en non-valeur en cas de changement d’activité ; • d’autoriser les Etats membres à adopter un régime de report en arrière sans plafond d’imputation des déficits pour les PME. Les Etats membres qui souhaiteraient adopter une fiscalité attractive en matière d’utilisation des déficits devraient respecter ces règles communes. Par voie de conséquence, l’adoption de ces règles ne pourrait pas être qualifiée d’abusive et ne pourrait donc pas être sanctionnée au niveau européen. Chaque Etat membre resterait bien entendu libre d’adopter ou non de telles mesures.   PROPOSITION Instaurer un régime commun de règles considérées comme attractives en matière de report en avant et en arrière des déficits prévoyant : • d’accorder une franchise de 1 M€ de déficits qui ne tombent pas en non-valeur en cas de changement d’activité ; • d’autoriser les Etats membres à adopter un régime de report en arrière sans plafond d’imputation des déficits pour les PME. Chaque Etat membre resterait libre d’adopter ou non de telles mesures.
  • 34. 34 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE D. Un encadrement des taux d’imposition des résultats afin de progresser vers une véritable convergence Comme on vient de le constater, il apparaît que l’harmonisation européenne des assiettes de détermination des résultats des entreprises, ainsi que des groupes, constitue un exercice difficile et délicat qui nécessite le détour par un certain nombre d’étapes, respectueuses de la souveraineté fiscale des Etats membres. Au surplus, les différents Etats membres de l’Union européenne ont mis en place, de plus ou moins longue date, des mécanismes fiscaux qui ont tous fait leur preuve et qui constituent le corpus historique de leur fiscalité directe des entreprises. Il apparait donc très délicat d’y prévoir telle ou telle modification sans affecter l’équilibre de l’ensemble de l’édifice législatif patiemment édifié. Pour autant, il est permis de se demander quelle pourrait être l’utilité réelle d’une harmonisation des assiettes d’imposition des entreprises dans les différents Etats membres si, par ailleurs, ces derniers peuvent à loisir appliquer à ces assiettes convergentes des taux d’imposition trop fortement différents. Ces deux questions, celle des assiettes imposables et celle des taux d’imposition, sont donc très intimement liées. Leur évolution devrait, dans une approche idéale, aller de pair puisqu’il s’agit bien en réalité de mettre en place une fiscalité européenne des entreprises favorable à la compétitivité économique des Etats de l’Union. Dans un environnement budgétaire contraint, il convient naturellement de laisser aux Etats membres la responsabilité de décider des taux d’imposition applicables en fonction de leurs règles propres d’assiette, de leurs choix économiques et sociaux, et en fonction de leur situation budgétaire propre. La liberté des Etats membres dans la détermination de l’assiette et des taux d’imposition, fondement de leur souveraineté fiscale, ne saurait être remise en cause au cours de cette période. Toutefois, cette liberté dans la détermination des taux d’imposition devrait être encadrée davantage : les taux applicables, notamment en matière d’impôt sur les sociétés, s’ils restent déterminés librement par les Etats membres, devraient être fixés à l’intérieur de « fourchettes » européennes plus précises, et qui devraient être si possible les plus étroites possibles. En contrepartie de cette contrainte nouvelle, les Etats membres seraient libres de retenir des taux différenciés mais à l’intérieur de fourchettes spécifiques selon les catégories d’entreprises auxquelles ils s’appliqueraient, notamment un taux plus réduit et mieux encadré pour les PME. La souplesse ainsi laissée aux règles de fixation des taux d’imposition permettrait,
  • 35. 35 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES si les Etats membres le décidaient, d’appliquer des taux plus faibles, par exemple pour les petites et moyennes entreprises, ou encore pour les entreprises exerçant une activité industrielle, sans tomber sous le coup des limitations prévues par la réglementation relative aux aides d’Etat. Ces taux d’imposition des résultats des entreprises, dérogatoires au droit commun, devraient eux aussi, pour assurer la cohérence du dispositif, respecter des « fourchettes » de taux déterminées à l’échelle européenne. En formulant ces propositions, certes d’ampleur modeste, portant sur la convergence des taux d’imposition des entreprises, les experts-comptables, qui ne mésestiment évidemment pas la difficulté de la tâche, considèrent que ces suggestions sont équilibrées. En tout état de cause, elles s’inscrivent dans le sens d’une plus grande convergence des politiques fiscales des Etats membres de l’Union européenne. PROPOSITION Instaurer un encadrement communautaire des taux d’imposition des résultats des sociétés qui devraient être fixés à l’intérieur de fourchettes européennes, à l'instar de ce qui existe en matière de TVA.
  • 36.
  • 37. 37 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES 2. RECHERCHER DES RÈGLES EUROPÉENNES COMMUNES EN MATIÈRE D’IMPOSITION DES GROUPES Les régimes fiscaux de groupe ont été mis en place de longue date dans les différents pays industrialisés. Ces régimes expriment une volonté des pouvoirs publics de tenir compte de la réalité économique dans la mise en œuvre des politiques fiscales. L’idée fondatrice repose en effet sur le souhait de déterminer une charge fiscale « globale », conforme à la réalité économique du groupe. Malgré cette logique générale, les régimes adoptés ne sont pas, loin s’en faut, homogènes dans les différents pays de l’Union européenne. Ils revêtent tous une grande complexité et, pour certains d’entre eux, comportent des dispositions non conformes à la réglementation européenne. A cet égard, on peut relever trois critères d’identification : seuil de détention des sociétés, existence de retraitements intragroupes, règles d’appréhension des résultats. Ainsi, il existe des groupes fortement intégrés avec une détention du capital proche de 100 % qui déterminent un résultat en reprenant l’intégralité des déficits avec ou sans retraitement. Il existe par ailleurs des groupes moins intégrés (à plus de 50 % du capital) qui ne font remonter qu’une quotité des résultats en proportion des droits détenus et sans retraitement. Les régimes d’intégration fiscale pourraient donc être améliorés et simplifiés, tant en France que dans d’autres pays de l’Union. Ces modifications apparaissent aujourd’hui d’autant plus indispensables que la jurisprudence communautaire récente a donné un signe fort de sa volonté « d’harmonisation indirecte » ou du moins de sa volonté d’examiner ces différents régimes à l’aune du respect du principe de la liberté d’établissement des entreprises. La Cour de justice de l’Union européenne a mis en évidence, à l’occasion des contentieux qui lui ont été soumis, que des aspects particuliers de certains régimes fiscaux des groupes, notamment les régimes français6 et autrichien7 , ne respectaient pas le principe de liberté d’établissement des entreprises tel que prévu par les Traités. Aussi, la Cour, et pour l’heure sur les seules questions qui lui ont été soumises, a-t- elle remis en cause l’existence de certaines des dispositions des différents régimes d’intégration fiscale nationaux en obligeant les Etats membres concernés à revoir leur législation. 6 CJUE 2 septembre 2015, C-386/14 Groupe Steria SCA 7 CJUE 6 octobre 2015, C-66/14 Finanzamt Linz
  • 38. 38 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Ceux-ci vont être contraints soit de supprimer les mesures qui ne respectent pas les principes communautaires, soit au contraire de les étendre à toutes les filiales européennes des groupes concernés qui ne peuvent être membres du groupe intégré dans un pays pour la seule raison de leur implantation territoriale, alors que les autres conditions d’application du régime de groupe sont réunies. L’heure est donc venue de mettre en place un régime adapté aux groupes qui puisse être proposé à tous les pays de l’Union et qui soit pleinement conforme aux principes édictés par la jurisprudence communautaire. En effet, il faut sans doute profiter de ces circonstances pour proposer un régime fiscal de groupe le mieux adapté possible aux diverses situations rencontrées. A. Vers une imposition des groupes conforme à la réalité économique et à la jurisprudence communautaire Aujourd’hui, les régimes de fiscalité de groupe existant dans les pays de l’Union s’appliquent généralement selon les mêmes règles aux très grands groupes nationaux et internationaux qui sont constitués de nombreuses filiales implantées dans divers pays européens, aux groupes nationaux importants ne détenant aucune participation dans des sociétés implantées hors du pays d’immatriculation de la société mère, et aussi aux très petits groupes qui peuvent même n’être composés que de deux sociétés établies dans le même Etat. Chacun peut comprendre que, dans des situations de fait aussi diverses, les conséquences de l’application du régime fiscal de groupe de l’Etat membre, souvent complexe, ne sont pas identiques pour les différents acteurs économiques. Les grands groupes peuvent gérer, sans grande difficulté et sans coût excessif, la complexité des dispositions fiscales applicables, et ainsi tirer le meilleur parti possible de ces régimes, donc obtenir les avantages substantiels que ceux-ci peuvent offrir. En revanche, les petits et très petits groupes ne bénéficient dans les faits que d’un seul avantage fiscal, mais néanmoins essentiel. Il s’agit de l’avantage consistant à pouvoir compenser les résultats bénéficiaires de certaines sociétés avec les résultats déficitaires d’autres sociétés membres pour déterminer l’assiette de l’impôt sur les bénéfices du groupe dans des conditions de grande sécurité fiscale. En contrepartie du choix de ce régime fiscal favorable, ces petits groupes sont comme les autres soumis à des obligations fiscales lourdes et complexes. Ces obligations peuvent d’ailleurs se révéler, de fait, sans réelle portée, ni pour la détermination du résultat imposable, ni pour le contrôle de l’impôt, en raison de l’absence totale d’opérations entre sociétés du groupe susceptibles de donner lieu à des retraitements fiscaux.
  • 39. 39 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES Ainsi, quels que soient les régimes de groupes applicables dans les différents pays de l’Union européenne, le même constat peut être fait, à savoir que l’adéquation des contraintes fiscales mises en œuvre, notamment en termes de conditions d’application des régimes, par rapport à la dimension réelle des groupes concernés, n’a pas été prise en compte. Par ailleurs, les différents régimes de groupes existant dans l’Union européenne ne reposent pas sur le même modèle. Ils répondent en effet à des conceptions qui peuvent être très différentes selon ce qu’ont souhaité les Etats membres concernés : • le régime peut être réservé aux groupes économiques très fortement intégrés, ce qui implique qu’il exige des conditions très contraignantes de détention du capital de l’entité intégrante dans les entités intégrées, à savoir une détention en quasi-totalité (groupes à l’intérieur lesquels les pourcentages de détention minoritaire sont négligeables). En France par exemple, il est impératif que le pourcentage de détention directe et indirecte de l’entité intégrante dans chacune des entités intégrées soit d’au moins 95 % ; • le régime peut être en revanche applicable à des groupes économiques beaucoup moins « intégrés », en prévoyant que le pourcentage de détention de capital de l’entité intégrante dans le capital de chacune des entités intégrées se limite au seul pourcentage permettant le «  contrôle  » (régimes tolérant un pourcentage élevé d’associés minoritaires), c’est-à-dire généralement une participation de 50 %. Les diverses conceptions du «  groupe fiscal  » retenues par les Etats membres expliquent largement les conditions d’application très différentes des régimes au regard de l’obligation de détention d’une quotité minimale de capital. Cette diversité explique également celle des mécanismes de détermination des résultats de groupes et d’utilisation des déficits, qui, eux aussi, sont assez sensiblement différents d’un pays à l’autre. Néanmoins, on rencontre dans tous les régimes une seule et même préoccupation principale, d’ailleurs reconnue par la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir celle du traitement fiscal des déficits de certaines entités membres du groupe économique, dont il s’agit de permettre l’imputation sur le résultat des entités bénéficiaires. Face à de telles différences dans les situations juridiques et économiques rencontrées, on peut se demander s’il est concevable qu’un seul régime fiscal de groupes, défini et applicable au plan européen, puisse être susceptible de répondre, dans les meilleures conditions économiques pour les entreprises, et tout en respectant certains impératifs budgétaires, à l’ensemble des attentes des groupes, mais aussi aux attentes des différentes autorités fiscales nationales. C’est pourquoi il paraît
  • 40. 40 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE pertinent que les pays de l’Union européenne puissent disposer de régimes de groupes distincts correspondant aux intérêts économiques et fiscaux des entreprises, ce qui implique des conditions d’application différenciées en fonction du critère de détention du capital. De même, il semble tout aussi pertinent de prévoir au sein de chaque Etat membre, lorsque sa législation exige des conditions de très forte intégration économique et juridique pour faire partie du groupe fiscal, la mise en place de deux régimes fiscaux parallèles. Le premier serait applicable en principe aux grands groupes, alors que le second serait réservé aux petits groupes, regroupant des entités ayant le statut de petites et moyennes entreprises. Ces régimes seraient naturellement conformes au droit de l’Union européenne dans les conditions exprimées récemment par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Ils pourraient ainsi apporter une première réponse aux incertitudes et à l’insécurité fiscale qui caractérisent la période actuelle en matière de fiscalité des groupes de sociétés.
  • 41. 41 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES B. Deux régimes distincts pour les groupes économiques fortement intégrés Dans les situations dans lesquelles les conditions d’application du régime fiscal de groupe exigent une très forte détention du capital des entités intégrées par l’entité intégrante, il est proposé de retenir deux régimes possibles, afin de mieux correspondre à la réalité du tissu juridique et économique des Etats. Il s’agirait, par exemple, des groupes dont la société mère intégrante doit posséder plus de 95 % du capital des entités intégrées et pour lesquels il serait proposé de choisir entre un régime simple dans sa conception et son application, ou bien un régime plus compliqué dans ses mécanismes, mais prenant davantage en compte les incidences fiscales des opérations réalisées entre les diverses entités du groupe. Ces deux propositions seraient bien entendu conformes à la réglementation communautaire. a. Un régime de compensation simple La première proposition consisterait à mettre en place un régime de simple compensation des résultats bénéficiaires et déficitaires entre les entités du groupe déterminés dans les conditions de droit commun. Dans ce cas, les groupes ne seraient soumis à aucune opération de rectification ou de neutralisation particulière des opérations intragroupes. Il s’agirait de pratiquer tout simplement une somme algébrique des résultats fiscaux individuels de toutes les entités du groupe pour déterminer le résultat imposable du groupe. Cette proposition repose sur une conception qui assimilerait, au plan fiscal, les entités intégrées à de simples « établissements » de l’entité tête de groupe. Pour appliquer de manière simple et pratique cette proposition, il pourrait être envisagé de permettre que la compensation fiscale des résultats de toutes les entités du groupe se réalise en assimilant fiscalement les entités intégrées à des entités relevant du régime de la translucidité fiscale, c‘est-à-dire à des sociétés traitées fiscalement comme des sociétés de personnes. En effet, un tel mécanisme permettrait de supprimer toutes formes de neutralisation et serait source de grandes simplifications. Il pourrait être très facilement utilisé par les groupes de sociétés relevant du régime des petites et moyennes entreprises. Ce régime de groupe pourrait être mis en œuvre très simplement en permettant aux entités filiales détenues à plus de 95 % par une entité mère tête de groupe d’exercer une option pour le régime des sociétés de personnes.
  • 42. 42 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE Cette compensation de résultats se limiterait d’ailleurs aux seules entités établies dans un même pays, limitation qui au demeurant paraît admise par la Cour de justice, compte tenu du souci de préserver une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition aux Etats8 . Pour les pays qui disposent aujourd’hui, comme la France, d’un régime fiscal de groupe exigeant une forte détention des filiales par la société mère, la mise en place de cette proposition pourrait être rapide et ne nécessiterait qu’une simple mesure législative d’extension des possibilités actuellement existantes en matière d’option des sociétés de capitaux pour le régime fiscal des sociétés de personnes. Ce régime de simple compensation des résultats pourrait constituer le cadre du régime européen de groupes pour les petits groupes nationaux fortement intégrés. La proposition consistant à mettre en place un tel régime de groupe, par l’assimilation des sociétés intégrées à des sociétés de personnes, ne devrait pas susciter d’oppositions significatives  : ni du côté des entreprises, puisqu’elle n’élargit pas l’assiette fiscale de l’impôt sur les bénéfices du groupe, ni du côté des administrations fiscales, puisqu’elle ne comporte pas de réels inconvénients en ce qui concerne le contrôle fiscal portant sur les conditions de réalisation des opérations susceptibles d’avoir été réalisées entre les diverses entités formant le groupe. PROPOSITION Mettre en place un régime de compensation (sans aucun retraitement des opérations intragroupes), entre les résultats (bénéficiaires et déficitaires) des entités fortement intégrées (détenues à au moins 95 %, par exemple par l’entité mère) d’un groupe et celui de l’entité mère de ce groupe composé de PME toutes situées dans un même Etat membre. b. Un régime de compensation avec neutralisations La seconde proposition consisterait à proposer un régime de groupe plus complexe. Il s’agirait, à partir des résultats fiscaux propres à chacune des entités du groupe, de pouvoir modifier ces résultats pour la détermination du résultat d’ensemble imposable en effectuant certaines neutralisations fiscales d’opérations intragroupes. Un tel régime serait plus compliqué dans sa gestion mais pourrait faire apparaître des avantages particuliers pour l’imposition des groupes. Il en résulterait que le résultat imposable du groupe pourrait être différent de la somme algébrique des résultats propres de chacune des entités du groupe. 8 CJUE 25 février 2010, C-337/08 X Holding BV
  • 43. 43 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES Les neutralisations d’opérations intragroupe, ainsi que les autres atténuations d’assiette éventuelles susceptibles d’être retenues dans un tel régime de groupe «  étendu  », ne pourraient pas, bien entendu, aller jusqu’à faire apparaître des avantages trop importants, qui dans ce cas pourraient être considérés comme de nature à ne pas respecter le principe de liberté d’établissement prévu dans le Traité. A supposer que des éléments des régimes de groupe applicables par certains pays de l’Union européenne soient constitutifs d’avantages fiscaux estimés contraires au principe de liberté d’établissement, il serait nécessaire que les régimes en cause comportent une extension possible aux entités européennes, non intégrées au groupe fiscal national pour l’unique raison de leur localisation en dehors de l’Etat membre d’implantation de l’entité tête de groupe. Ceci devrait conduire à une analyse approfondie de chacune des mesures nationales de neutralisation (ou autres révisions des bases d’imposition) au regard du principe de liberté d’établissement, puisqu’il est impératif que les législations nationales respectent ledit principe. Cette étude devrait être menée à partir des dispositions fiscales existantes dans ceux des Etats membres de l’Union pays qui appliquent d’ores et déjà cette conception « étendue » de l’intégration ou de la consolidation fiscale. En cas d’extension des avantages aux entités européennes éligibles, il conviendrait également de prendre en compte les rectifications qui comportent des conséquences défavorables pour l’imposition du groupe. Dans cette perspective d’extension des avantages et des inconvénients liés aux législations nationales aux entités du groupe qui sont localisées dans un pays de l’Union autre que celui de l’entité mère, on pourrait légitimement s’interroger sur l’apport du projet d’A.C.I.S. pour contourner les difficultés des retraitements fiscaux. En effet, bien que focalisé sur la détermination des résultats individuels, et non sur le résultat du groupe, le projet d’A.C.I.S. pourrait malgré tout se substituer à certains retraitements favorables autorisés par le régime de l’intégration fiscale. En effet, le projet d’intégration fiscale «  étendu  » prévoirait la non-imposition de certains produits, ou de certaines charges, découlant d’opérations purement internes au groupe. Il en irait ainsi par exemple des distributions intragroupes, ainsi que des résultats provenant d’opérations de cession d’immobilisations à l’intérieur du groupe. Ces rectifications, retenues dans le projet d’A.C.I.S., correspondent en général à des dispositifs de neutralisation déjà existants dans les régimes d’intégration fiscale des différents pays membres de l’Union européenne. Mais les neutralisations et tous les retraitements susceptibles de figurer dans les régimes d’intégration fiscale des différents pays de l’Union ne sont pas envisagés dans le projet d’A.C.I.S., ce qui est le cas en particulier des aides intragroupes.
  • 44. Le projet d’A.C.I.S. ne pourrait donc apporter que des réponses nécessairement partielles aux multiples questions que soulèvent les régimes fiscaux de groupe appliqués à l’heure actuelle en Europe. De surcroît, les dispositions en question n’existent pour l’instant que sous la forme d’un projet, alors que les solutions à apporter apparaissent de plus en plus urgentes. Il serait par conséquent très utile que les régimes de détermination des résultats imposables de groupes, qui sont très complexes en raison des nombreuses possibilités de retraitements qu’ils comportent, puissent être dûment validés à l’échelle européenne. Cette validation pourrait par exemple s’effectuer en faisant en sorte que les retraitements et autres mesures dérogatoires qu’il s’agit de rendre «  communs  », fassent l’objet d’une décision européenne, que les Etats membres pourraient par la suite, à leur choix, reprendre ou non dans leur législation nationale. Ces rectifications, ainsi reconnues comme non contraires à la liberté d’établissement, pourraient ainsi constituer l’amorce de la mise en place d’un régime d’intégration fiscale communautaire. Elles auraient ainsi vocation à constituer une avancée incontestable dans l’harmonisation fiscale européenne, tout au moins en ce qui concerne les grands groupes. PROPOSITION Mettre en place un régime de compensation entre les résultats des entités fortement intégrées d’un groupe et celui de l’entité mère de ce groupe, après application de retraitements destinés à neutraliser des opérations intragroupes telles, par exemple, les distributions ou les cessions d’immobilisations intragroupes qui sont susceptibles d’entraîner des doubles impositions entre les sociétés concernées. 44 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE
  • 45. C. Un régime permettant la compensation partielle des résultats pour les groupes économiques moins intégrés Pour les groupes économiques moins fortement intégrés, à savoir ceux dans lesquels la société mère tête de groupe ne détient pas la quasi-totalité du capital de ses filiales, il existe dans certains pays de l’Union des régimes spécifiques. Ces régimes permettent l’application d’un régime fiscal dérogatoire qui consiste pour l’essentiel à transférer les résultats des entités déficitaires aux autres sociétés composant le groupe, et ce dans des conditions particulières. Cette conception « étroite » du régime de groupe, que retiennent bon nombre de pays européens, ne devrait pas être supprimée car elle présente, par certains de ses aspects, une souplesse que n’offre pas le régime de l’intégration fiscale au sens classique. Un tel régime pourrait s’appliquer aux groupes dont les entités membres seraient détenues par l’entité mère directement ou indirectement à plus de 50 %, mais à moins de 95 %. L’objectif d’un tel régime étant seulement la recherche d’un meilleur traitement fiscal des déficits constatés par les différentes entités du groupe, il est préconisé que l’entité mère ne reprenne dans son résultat imposable que la quote-part des résultats positifs ou négatifs qui lui reviennent, sans pratiquer le moindre retraitement fiscal afférent aux opérations intragroupes. Au demeurant, de tels retraitements fiscaux ne peuvent d’ailleurs se justifier qu’en présence de taux de détention élevés des entités filiales, sans participations minoritaires significatives. Compte tenu de ses ambitions somme toute réduites, puisque limitées à la seule prise en compte partielle des résultats des entités du groupe, ce régime pourrait tout simplement prendre la forme d’une assimilation fiscale des entités intégrées membres à des sociétés de personnes fiscalement translucides. En effet, les résultats de ces dernières sont, au plan fiscal, réputés remonter automatiquement dans celui des entités actionnaires. Il est proposé de retenir cette approche dans les législations nationales des Etats membres dans lesquels une telle conception du régime de groupe n’existe pas pour l’instant. Il en va ainsi, par exemple, dans le cas d’Etats comme la France, qui ont retenu jusqu’à présent des solutions différentes. Les propositions formulées par les experts-comptables en matière de fiscalité des groupes, telles qu’elles figurent ci-dessus, sont à la fois simples et pratiques. En tout état de cause, elles ne remettent pas en cause les avantages fiscaux dont 45 CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES
  • 46. 46 PROPOSITIONS DE RÉFORME ET D’ADAPTATION DE LA FISCALITÉ EUROPÉENNE bénéficient les groupes à travers une intégration fiscale « étendue », à savoir assortie de mécanismes de rectifications et de retraitements complexes visant certaines opérations intragroupes. Cependant, elles appellent à une validation « en amont » pour assurer la meilleure sécurité fiscale possible à un moment où des réformes doivent impérativement être mises en œuvre. Ces propositions instaurent également des possibilités nouvelles en matière de régimes de groupe, qui seraient « allégés », c’est-à-dire rendus moins contraignants et plus adaptés à chacune des situations susceptibles d’être rencontrées dans les groupes d’entreprises et dans les divers pays de l’Union. Ces propositions paraissent de nature à pouvoir être acceptées par tous les pays de l’Union qui ont instauré ou qui souhaitent instaurer un régime de groupe efficace au plan économique, mais aussi moins complexe à gérer pour les entreprises. L’acceptation par les Etats membres serait d’autant plus facile que ceux-ci pourraient retenir à leur choix l’un ou l’autre des mécanismes préconisés, et même l’ensemble de ceux-ci. Ces propositions permettraient d’avancer vers un embryon de régime de groupe, qui continuerait de respecter le principe de territorialité de l’impôt sur les bénéfices, mais avec des règles plus précises au plan européen. Lesdites propositions permettraient pour le moins d’attendre les conséquences que pourrait apporter le projet A.C.I.S., lequel pourrait simplifier l’approche de certaines questions sans les résoudre toutes. PROPOSITION Mettre en place un régime de compensation entre les résultats bénéficiaires et déficitaires des entités membres d’un groupe détenues par l’entité mère directement ou indirectement à plus de 50 %, mais à moins de 95 % ; la compensation ne s’effectuant qu’à hauteur du taux de détention par l’entité mère.