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FÉVR.
2016
N°43
Modèles macroéconomiques
et transition énergétique
LANOTED’ANALYSE
2015, année charnière dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Dans le cadre de l’ONU, la COP21
se conclut le 12 décembre par l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat ; en France, le Parlement avait
adopté le 17 août la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Peu à peu se dessine
un cadre juridique où les États prennent des engagements, créent de nouvelles obligations.
Pour autant, le chemin qui conduira à la baisse des émissions de CO2 via un changement dans les compor-
tements est loin d’être tracé. Comment articuler les dispositifs requis par la réduction des émissions de CO2
avec le redressement économique et la croissance ? Le débat est vif et France Stratégie a choisi d’y parti-
ciper en réunissant en 2015 un groupe de travail qui, à l’aide des modèles macroéconomiques, a évalué
quel serait, dans le cas de la France, l’impact de certaines mesures requises par la transition énergétique —
par exemple d’une taxe carbone — sur le système économique pris dans sa globalité.
Quelles conclusions tirer de cet exercice ? Premièrement, les modèles convergent pour indiquer qu'une
taxation du carbone est efficace pour réduire les émissions mais que, même à long terme, elle a un coût en
termes de PIB et d'emploi : une taxe carbone d'un montant de 1% du PIB réduit le PIB de 1% environ. Il
conviendra de recycler les recettes correspondantes pour soutenir l'activité, notamment l’innovation et le
marché́ du travail. Deuxièmement, les mécanismes conduisant à la réduction des émissions divergent for-
tement entre les modèles : certains projettent une baisse de l'intensité énergétique, d'autres des substi-
tutions entre énergies. Les raisons de ces différences doivent être tirées au clair, car les conséquences des
deux types d'effets pour les politiques publiques ne sont pas du tout les mêmes. Troisièmement, l’ampleur
de l’effet récessif de court terme que pourrait induire la transition énergétique diffère selon les modèles.
La question des politiques conjoncturelles d'accompagnement reste donc ouverte.
Impact d’une taxe carbone équivalente à 1 % du PIB sur les émissions de CO2
Écarts par rapport au compte central
1. Cette note a fait l’objet d’une publication abrégée dans Revue de l’Énergie, n° 628, novembre-décembre 2015.
Lecture : le premier modèle évalue que l’instauration d’une « taxe carbone » pour un montant de recettes de 1% du PIB aboutirait à moyen terme à une réduction
des émissions de CO2 de près de 12 % du fait principalement d’une baisse de l’intensité énergétique (effet intensité énergétique), et dans une moindre mesure
d’une substitution vers des énergies émettant moins de carbone (effet contenu carbone de l’énergie), la réduction d’activité (effet PIB) ne jouant qu’un rôle très
faible dans la réduction des émissions.
N.B. : La version de Mésange qui a été utilisée ici ne permettant pas d’intégrer les possibilités de substitution entre énergies, les résultats du modèle ne sont pas
présentés sur ce graphique.
Source : à partir des simulations de Boitier et al. (2015).
La Note d’analyse
est publiée sous la
responsabilité éditoriale
du commissaire général
de France Stratégie.
Les opinions exprimées
engagent leurs auteurs
et n’ont pas vocation
à refléter la position
du gouvernement.
Pierre Douillard
France Stratégie
Anne Épaulard
Université Paris-Dauphine
et France Stratégie
Boris Le Hir
France Stratégie
FRANCE STRATÉGIE
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2
LA NOTE D’ANALYSE
FÉVRIER 2016 - N°43
INTRODUCTION
La lutte contre le réchauffement climatique, qui passe
principalement par la réduction des émissions de CO2,
nécessite à la fois de baisser la consommation d’énergie et
de substituer des énergies propres aux sources énergé-
tiques les plus carbonées. Pour réussir cette transition
énergétique, plusieurs voies sont techniquement possi-
bles mais, quelle que soit celle envisagée, les change-
ments requis ne se feront pas de façon spontanée. Il est
ainsi nécessaire de définir les politiques qui déclencheront
ces changements.
Les questions suivantes se posent : quelle est la meilleure
façon de réduire les émissions de CO2 ? Quelles sont les
politiques qui permettent cette réduction, quels en sont
les coûts associés et les opportunités ouvertes ? Existe-t-
il des politiques d’accompagnement pour maîtriser ces
coûts et s’assurer que ces opportunités sont saisies ?
Pour y répondre, il est nécessaire de prendre en compte
l’ensemble de l’économie et d’aller au-delà d’une analyse
partielle centrée sur le seul secteur de l’énergie. Pour cela,
les modèles macroéconomiques constituent des outils
essentiels.
Cette note d’analyse précise leur apport dans la définition
des politiques qui déclenchent des changements de com-
portement et de celles qui accompagnent la transition
énergétique. Elle présente dans un premier temps les
enjeux de l’évaluation de la transition énergétique. Une
seconde partie décrit les modèles macroéconomiques uti-
lisables pour cette évaluation puis donne quelques résul-
tats de simulations réalisées pour la France, avec quatre
de ces modèles, par un groupe de travail réuni par France
Stratégie en 20152
. La conclusion présente les enseigne-
ments tirés quant à la façon d’utiliser les modèles et d’in-
terpréter leurs résultats dans le cadre de la transition
énergétique.
LES ENJEUX DE L’ÉVALUATION
DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
La lutte pour éviter un réchauffement climatique supé-
rieur à 2°C, voire à 1,5°C, implique de réduire drastique-
ment et rapidement les émissions mondiales de gaz à effet
de serre. Deux éléments avancés par les experts du climat
suffisent à convaincre de la nécessité d’agir : (i) au-delà du
seuil de 2°C les dérèglements sont imprévisibles et certai-
nement irréversibles ; (ii) quelle que soit l’intensité du
réchauffement que l’on ne veut pas dépasser, le niveau
d’émission des gaz à effet de serre doit être nul à long
terme : seul le délai pour y parvenir détermine le degré de
la hausse de température.
Dans ce contexte, la transition énergétique envisagée en
France a pour objet de faire diminuer l’empreinte carbone
de l’économie d’un facteur quatre (c’est-à-dire une division
par 4) à l’horizon 2050 sans exporter les émissions via des
délocalisations des activités polluantes.
Cet objectif, pour être atteint, nécessite d’accélérer la
baisse des émissions engagée depuis 20053
. Pour cela,
des changements majeurs dans les modes de production
et de consommation doivent être mis en œuvre et
s’accompagner d’investissements massifs.
Dans son application, la transition énergétique doit s’ap-
puyer sur des actions qui touchent aussi bien la demande
que la production d’énergie.
Du côté de la demande, les secteurs « énergivores », en
particulier les transports et le bâtiment, qui représentent
respectivement 27 % et 20 % des émissions de gaz à effet
de serre nationales, sont ceux où les réductions poten-
tielles d’émissions de CO2 et les impacts économiques sont
les plus importants. L’action dans ces secteurs doit viser à
la fois une augmentation de l’efficacité énergétique (isola-
tion des bâtiments, performance des véhicules) et des
substitutions énergétiques (passage du fuel au gaz dans
les bâtiments, changements de mode de transport ou de
motorisation). L’effort dans les secteurs industriels, qui
représentent 18 % des émissions de gaz à effet de serre,
devra aussi être significatif. La stratégie nationale bas-
carbone prévoit une baisse de 24 % à l’horizon 2028 des
émissions des secteurs industriels et de 75 % en 2050 par
rapport à 2013. Ces réductions passeront non seulement
par des gains d’efficacité énergétique et des substitutions
mais aussi par le développement de l’économie circulaire
(recyclage, réutilisation) et le déploiement de la capture et
du stockage du carbone.
2. Boitier B., Callonnec G., Douillard P., Épaulard A., Ghersi F., Masson E. et Mathy S. (2015), « La transition énergétique vue par les modèles macroéconomiques »,
Document de travail n°2015-05, France Stratégie.
3. La baisse observée des émissions de CO2 dans le cas de la France est toutefois à relativiser puisqu’elle a été compensée par une augmentation des émissions
associées aux importations. L’empreinte carbone est en fait restée constante.
3FRANCE STRATÉGIE
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Du côté de l’offre, la production d’énergie est appelée à
jouer un rôle majeur dans la transition énergétique car,
même si elle ne représente que 12 % des émissions natio-
nales, cette filière pourra être fortement « décarbonée »
grâce à la réduction de la part de la consommation énergé-
tique primaire en énergies fossiles (- 30 % en 2030 par
rapport à 2012) et à l’augmentation (+ 32 %) de la part des
énergies renouvelables dans la consommation finale brute
d'énergie. À l’horizon 2050, le comité « Trajectoires 2020-
2050 »4
envisage une division par vingt des émissions de
CO2 par rapport au niveau de 1990 dans ce secteur de la
production d’énergie, soit une décarbonation quasi totale.
Cela pourrait être rendu possible par une baisse de l’inten-
sité énergétique du PIB d’un facteur deux ainsi que par
une décarbonation radicale du mix énergétique réduisant
les émissions d’un facteur dix.
Les investissements nécessaires à ces changements peu-
vent être quantifiés : le document de la Stratégie nationale
bas-carbone5
évalue les investissements annuels moyens
supplémentaires à réaliser pour atteindre les objectifs
fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la
croissance verte6
à environ 15 milliards d’euros dans la
rénovation du bâtiment, 2,2 milliards d’euros dans le
domaine des transports et 1,9 milliard d’euros dans les
secteurs industriels sur la période 2015-2030.
Outre ces coûts directs, la transition énergétique, par son
impact sur les coûts de production sectoriels et sur le pou-
voir d’achat des ménages, induit de nombreux effets indi-
rects. Par exemple, les secteurs intensifs en énergie pour-
ront voir la demande de leur produit baisser du fait
d’augmentations des prix et l’emploi dans ces secteurs
risque de diminuer. À l’inverse, les investissements et les
nouvelles activités liées à la transition énergétique sont
susceptibles de créer des emplois. L’ensemble des effets,
directs et indirects doit donc être pris en compte dans
l’évaluation macroéconomique de la transition énergé-
tique.
Les politiques publiques ont plusieurs rôles à jouer dans
cette transition énergétique. D’une part, elles sont indis-
pensables pour déclencher les changements de comporte-
ment nécessaires. Elles peuvent alors prendre diverses
formes : établissement de normes (par exemple en termes
d’efficacité énergétique des bâtiments ou d’émissions des
véhicules neufs), mise en place de subventions (aide à
l’achat de véhicules propres, à l’innovation environnemen-
tale) et de taxes (fiscalité de l’énergie), ainsi que d’autres
instruments économiques comme l’instauration de marché
de quota ou l’émission de certificats d’économie d’énergie.
La réorientation de certains investissements publics peut
aussi être envisagée en prenant notamment en compte
l’empreinte carbone de ces investissements. D’autre part,
au vu des impacts négatifs potentiels d’une politique
contraignante, des mesures additionnelles ayant pour but
de compenser ou de réduire ces effets néfastes doivent
être considérées. En particulier, dans le cas d’une taxe, la
redistribution des recettes supplémentaires fait l’objet de
réflexions. Dans le cadre de la Stratégie nationale bas-car-
bone, il est par exemple prévu d’« augmenter progressive-
ment la part carbone, assise sur le contenu en carbone fos-
sile, dans les taxes intérieures de consommation sur les
énergies […]. Cette augmentation [devant être] compen-
sée par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres
produits, travaux ou revenus7
. »
C’est donc l’efficacité de l’ensemble des politiques
publiques visant à déclencher la transition énergétique et
à l’accompagner qui doit être évaluée, non seulement au
regard de leur efficacité à réussir la transition énergétique
mais aussi au titre de leurs effets macroéconomiques,
notamment sur la croissance, l’emploi et la distribution des
revenus. Les enjeux de l’évaluation de la transition éner-
gétique sont de déterminer si les moyens envisagés per-
mettent d’une part de réduire l’empreinte carbone — par
une baisse de l’intensité des émissions, une réduction de
la dépendance aux énergies fossiles importés, une aug-
mentation des économies d’énergie et un développement
de l’économie circulaire — et d’autre part de soutenir la
croissance et l’emploi. Par ailleurs, une telle évaluation
doit être capable d’intégrer les spécificités sectorielles
ainsi que l’environnement international.
L’évaluation est ainsi multidimensionnelle et complexe.
L’hétérogénéité de l’impact du prix de l’énergie entre les
secteurs, l’interconnexion de ces derniers ainsi que les
retours macroéconomiques sont autant d’arguments pour
recourir aux modèles macroéconomiques pour l’évaluation
de la transition énergétique.
4. Rapport du comité présidé par Christian de Perthuis (2011), Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone.
5. Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (2015), Stratégie nationale bas-carbone – La France en action, p. 136 et 137.
6. Loi n°2015-992 du 17 août 2015.
7. Voir note 3.
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4
LES MODÈLES COMME OUTILS
D’ÉVALUATION
Plusieurs types de modèles sont mobilisables pour une
telle évaluation. En premier lieu, les modèles technico-éco-
nomiques qui reposent sur une représentation détaillée du
système énergétique et identifient le choix optimal des
technologies pour atteindre une cible énergétique. En
France, POLES, MED-PRO et PRIMES sont adaptés à des
analyses technologiques de la transition énergétique.
Cependant, ces modèles décrivent principalement le sec-
teur énergétique et n’intègrent pas ou très peu le bou-
clage macroéconomique, notamment, l’impact des chocs
énergétiques sur les grandeurs macroéconomiques telles
que la consommation des ménages, l’emploi, les salaires
ou la balance commerciale. En deuxième lieu, les modèles
macroéconomiques, qui intègrent davantage ces derniers
effets, peuvent soit compléter les modèles techno-écono-
miques, soit être utilisés de façon autonome dans le cas
où ils intègrent un niveau de détail élevé dans la désagré-
gation des secteurs et des facteurs de production leur per-
mettant d’appréhender les principaux effets de la transi-
tion énergétique.
Les modèles macroéconomiques diffèrent aussi entre eux
sur plusieurs points8
, notamment sur la façon dont l’équili-
bre macroéconomique est obtenu et sur le rôle plus ou
moins important donné aux comportements optimisateurs
des agents et à la nature des anticipations. On distingue
ainsi la famille des modèles macroéconomiques d’équilibre
général calculable (EGC) et leurs versions dynamiques
(modèles à générations imbriquées, modèles DSGE9
), et
celle des modèles macroéconométriques. Indépendam-
ment de ces caractéristiques, ces modèles se différencient
aussi par la couverture géographique (nationale, euro-
péenne, mondiale) ainsi que par le niveau de désagréga-
tion (régional, pays, ensemble de pays, décomposition sec-
torielle, catégories de population, détail de la
consommation, etc.) qu’ils décrivent.
La pertinence d’un modèle pour étudier une question don-
née repose sur les mécanismes qu’il intègre et sur sa capa-
cité à décrire l’impact de la variation de variables exogènes
sur les variables endogènes10
appropriées. Dans le cadre
de l’évaluation de la transition énergétique, les variables
exogènes pertinentes sont celles reflétant les possibilités
d’action des pouvoirs publics : politique fiscale, dépenses
du gouvernement, subventions, normes, etc. Du côté des
variables endogènes, les modèles macroéconomiques
fournissent au moins cinq catégories d’indicateurs utiles à
l’évaluation de la transition énergétique : (i) des indica-
teurs macroéconomiques tels que le PIB et ses compo-
santes (consommation finale, investissement, exporta-
tions, importations), le taux de chômage, l’inflation ; (ii)
des indicateurs sectoriels concernant notamment l’acti-
vité, les prix et l’emploi par secteur ; (iii) des indicateurs
reliés aux comptes financiers des agents dont l’État, les
sociétés financières et non financières et les ménages ; (v)
des variables liées à l’énergie telles que la consommation
en énergie des ménages et des secteurs de production par
source d’énergie ainsi que les émissions de polluants asso-
ciées.
Comme cela a été évoqué plus haut, l’étude de la transition
énergétique dans son ensemble implique la mise en
œuvre de politiques multiples et les effets peuvent alors
s’enchevêtrer de sorte que la lecture et l’interprétation
des résultats des modèles en deviennent difficiles. Afin de
rendre le bilan final intelligible, il peut être nécessaire de
décomposer les scénarios en isolant ces différentes poli-
tiques. Dans cette optique, France Stratégie a réalisé une
série d’exercices à partir de quatre modèles macroécono-
miques pour la France (voir encadré). La partie suivante
résume les résultats de ces exercices qui ont pour but à la
fois d’isoler des mécanismes et de comparer les effets res-
pectifs des différents modèles. Ces simulations portent
sur des chocs simples sur les prix de l’énergie. Elles ne
constituent pas une analyse de la transition énergétique
dans son ensemble et ne prétendent pas représenter des
scénarios réalistes. Elles ont pour but de réaliser une ana-
lyse comparative de la sensibilité de différents modèles à
certains chocs associés à la transition énergétique. Les
chocs analysés ici ne sont pas exhaustifs. Des travaux
futurs pourraient être entrepris afin de construire une
table permettant à la fois de comparer la sensibilité des
différents modèles aux chocs associés à la transition éner-
gétique et d’isoler la contribution de chacun de ces chocs
dans l’impact global de cette transition. Ces simulations
pourront par ailleurs être enrichies par une analyse secto-
rielle et par l’intégration de différentes hypothèses sur
l’environnement international.
8. Épaulard A., Laffargue J.-P. et Malgrange P. (2008), « La nouvelle modélisation macroéconomique appliquée à l’analyse de la conjoncture et à l’évaluation des
politiques économiques », Économie et Prévision n°183-184.
9. Dynamic Stochastic General Equilibrium.
10. Les variables exogènes sont celles imposées au modèle et les variables endogènes sont celles calculées par le modèle.
LA NOTE D’ANALYSE
FÉVRIER 2016 - N°43
5FRANCE STRATÉGIE
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MODÈLES UTILISÉS DANS LE CAS DE LA FRANCE
Mésange est un modèle économétrique à trois secteurs
développé par la direction générale du Trésor et l’Insee. Ce
modèle n’isole pas la branche énergie mais distingue les
consommations d’énergie des ménages et des entreprises ainsi
que les importations énergétiques. Les équations de
consommation et d’importation prennent donc explicitement en
compte les prix de l’énergie relativement aux autres prix. Un
modèle sectoriel peut être utilisé en parallèle pour intégrer les
possibilités de substitution entre énergie.
Némésis11
est un modèle économétrique en trente secteurs
développé par SEURECO. Chaque secteur productif est modélisé
de telle sorte qu’il décrive les possibilités de substitution entre
facteurs de production au sens large (consommations
intermédiaires, travail qualifié, travail peu qualifié, capital,
énergie). Némésis contient par ailleurs une modélisation
spécifique du secteur de la production énergétique qui décrit
des possibilités de substitution entre, d’une part, l’électricité et,
d’autre part, cinq sources d’énergie primaire (le pétrole, le gaz, le
charbon, les énergies renouvelables hors électricité et les autres
énergies). La demande d’énergie des ménages résulte aussi de
divers arbitrages qui dépendent en partie du prix de l’énergie.
Par exemple, toutes choses égales par ailleurs, une
augmentation du prix de l’énergie réduira la demande de voitures
et d’essence au profit des transports en commun.
ThreeME12
est un modèle économétrique développé par
l’Ademe13
et l’OFCE14
qui comprend vingt-quatre secteurs de
production. Le secteur de l’énergie est lui-même divisé en dix-
sept sous-secteurs et celui des transports en cinq sous-secteurs.
La demande d’énergie des ménages est modélisée par des
équations spécifiques qui tiennent compte d’un arbitrage entre
différents types de logements et de voitures en fonction de leur
efficacité énergétique. Deux versions ont été utilisées ici : une
version où la dynamique des salaires dépend du niveau de
chômage (« courbe de Philips »), cette version est appelée
ThreeME Ph, et une version où le modèle théorique sous-jacent
à la formation des prix et des salaires est un modèle « WS – PS15
»,
cette version est nommée ThreeME WS.
Imaclim-R France est un modèle d’équilibre général calculable
développé par le CIRED16
et par le PACTE-EDDEN17
. L’économie
est désagrégée en treize secteurs incluant cinq secteurs
énergétiques et quatre secteurs de transports. Le secteur
résidentiel, le secteur des transports, les différents secteurs de
production et les trois secteurs énergétiques (électricité, gaz,
11. New Econometric Model of Evaluation by Sectoral Interdependency and Supply.
12. Modèle macroéconomique multisectoriel d’évaluation des politiques énergétiques et environnementales.
13. Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
14. Observatoire français des conjonctures économiques.
15. « Wage-setting, price-setting ».
16. Centre international de recherche sur l’environnement et le développement.
17. Politiques publiques, Action politique, Territoires (université de Grenoble) – Économie du développement durable et de l’énergie.
18. Boitier et al., op. cit.
combustible liquide) sont modélisés en tenant compte de la
composition technologique disponible et de la rentabilité relative
de chaque solution. Le modèle décrit une dynamique qui est
donnée par une succession d’équilibres statiques qui tiennent
compte de multiples imperfections de marché : inertie des
équipements, allocation imparfaite des investissements, routine
de comportement des agents économiques.
SIMULATION DE MESURES
POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
DANS LE CAS DE LA FRANCE
Quatre équipes de modélisation ont participé à ces exer-
cices dans le cadre d’un groupe de travail animé par France
Stratégie pendant l’année 2015 : la direction générale du
Trésor (modèle Mésange développé avec l’Insee), l’ADEME
(modèle ThreeME développé avec l’OFCE), SEURECO
(modèle Némésis), le CIRED et EDDEN (modèle Imaclim-R
France). Parmi les modèles utilisés, trois sont de type éco-
nométrique et un est en équilibre général comme indiqué
dans l’encadré.
L’analyse présentée ici est fondée sur les résultats de
simulations de chocs simples et non de simulations des
politiques économiques susceptibles d’être mises en
place. Les chocs suivants ont été envisagés successive-
ment : (i) une hausse du prix des énergies fossiles, (ii) l’in-
troduction d’une taxe carbone et (iii) d’une taxe sur l’élec-
tricité. L’idée générale est d’augmenter le prix de l’énergie
et de laisser libre les modèles sur l’arbitrage entre les
baisses de consommation et les substitutions. Deux caté-
gories de résultats ont retenu l’attention : les effets sur
l’équilibre macroéconomique (PIB, emploi, salaires, prix) et
ceux sur les grandeurs énergétiques (consommation
d’énergie, intensité énergétique, émissions de CO2). Les
principaux résultats obtenus sont exposés ci-dessous
(graphique 1) et leur analyse est détaillée dans le docu-
ment de travail de Boitier et al.18
.
Du point de vue de la réduction des émissions de CO2,
les résultats sont remarquablement proches d'un modèle à
l'autre. On trouve, en particulier, qu’une taxe carbone d’un
montant de l’ordre de 1 % du PIB en valeur ex ante se tra-
duit à long terme par une diminution des émissions de CO2
FRANCE STRATÉGIE
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6
de l’ordre de 15 % par rapport à la trajectoire de référence
dans les différents modèles (graphique 1). Le rythme de
baisse des émissions diffère d’un modèle à l’autre mais,
dans tous les cas, au moins 50 % de cette réduction est
atteinte au bout de trois ans.
Graphique 1 - Impact d'une taxe carbone équivalente
à 1 % du PIB sur les émissions de CO2
Écarts par rapport au compte central
Lecture : le premier modèle évalue que l’instauration d’une « taxe carbone » pour un montant
de recettes de 1% du PIB aboutirait à moyen terme à une réduction des émissions de CO2 de
près de 12 % du fait principalement d’une baisse de l’intensité énergétique (effet intensité
énergétique), et dans une moindre mesure d’une substitution vers des énergies émettant
moins de carbone (effet contenu carbone de l’énergie), la réduction d’activité (effet PIB) ne
jouant qu’un rôle très faible dans la réduction des émissions.
N.B. : La version de Mésange qui a été utilisée ici ne permettant pas d’intégrer les possibilités
de substitution entre énergies, les résultats du modèle ne sont pas présentés sur ce graphique.
Source : à partir des simulations de Boitier et al. (2015).
En revanche, la nature de ces réductions n’est pas la même
ente les modèles. Pour certains modèles, la réduction des
émissions de CO2 est principalement liée à celle de l'inten-
sité énergétique qui diminue d’environ 10 % à long terme,
pour d'autres la réduction des émissions de CO2 provient
essentiellement d'une substitution entre énergies plus ou
moins polluantes (l’intensité énergétique ne diminue que
de 3 % à long terme dans le modèle Némésis).
Ces résultats contrastés révèlent des hypothèses techno-
logiques différentes selon les modèles et peuvent aboutir
à des recommandations autres de politiques économiques.
En particulier, les politiques susceptibles de déclencher la
transition énergétique devraient se centrer sur le dévelop-
pement ou l’adoption de technologies visant la sobriété
énergétique dans le cas où la baisse de l’intensité énergé-
tique est le facteur principal qui déclenche celle des émis-
sions. Au contraire, ces politiques devraient se centrer sur
des technologies de production alternatives non pol-
luantes dans le cas où la substitution entre énergies est le
facteur déterminant de la réduction des émissions de CO2.
Concernant les effets des hausses du prix de l’énergie
sur l’activité économique, les évaluations des différents
modèles paraissent converger à moyen terme. Conformé-
ment aux résultats de la littérature empirique19
, les
modèles supposent des possibilités coûteuses de change-
ment vers des modes de production moins intensifs en
énergie. Cette rigidité induit un report direct de l’augmen-
tation des prix de l’énergie sur les coûts de production et,
par conséquent, sur les prix et la demande. La faible subs-
tituabilité de la consommation énergétique se retrouve
aussi dans la consommation des ménages de telle sorte
que les hausses de prix de l’énergie grèvent directement
leur pouvoir d’achat. Globalement, le multiplicateur à
10 ans est proche de 1 dans le sens où une hausse du coût
de l’énergie équivalente à 1 % du PIB se traduit par une
activité économique inférieure de 1 % par rapport au scé-
nario de référence (entre 0,7 et 1,3 selon le graphique 2a).
L’effet récessif d’une fiscalité sur l’énergie sur l’activité
économique peut être compensé par la redistribution des
sommes prélevées. La littérature empirique20
conclut
usuellement qu’une redistribution devrait favoriser l’offre
de biens et services et/ou de travail (allègements de
charges, d’impôts, aides à l’investissement en efficacité
énergétique ou soutien à la R & D) plutôt que la demande
si l’on veut compenser les effets durablement négatifs de
la hausse de la taxation sur l’énergie. Cela n’est pas incom-
patible avec une compensation de la perte de pouvoir
d’achat liée au renchérissement de l’énergie que subiraient
les ménages pauvres et/ou en précarité énergétique.
D’un point de vue dynamique, les modèles ne montrent
pas des trajectoires identiques. Le modèle Imaclim-R met
en évidence de fortes tensions à court terme qui pénali-
sent l’activité économique mais, au contraire, plus de pos-
sibilités de substitution à long terme qui annulent in fine
les effets récessifs. Pour les autres modèles, les effets sur
l’activité économique sont plus modérés à court terme
mais ne s’atténuent pas dans le temps (graphique 2a). Ces
19. Hassler J., Kruselly P. et Olovsson C. (2012), « Energy-Saving Technical Change » NBER Working Paper n° 18456.
20. Voir les communications et présentations faites lors du Mercator Research Institute « Global Commons and Climate Change’s », Public Finance Workshop, en mai
2013. http://www.mcc-berlin.net/events/events/article/public-finance-workshop.html
LA NOTE D’ANALYSE
FÉVRIER 2016 - N°43
7FRANCE STRATÉGIE
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différences ont des conséquences sur les recommanda-
tions de politiques économiques d’accompagnement
puisque dans le premier cas des politiques de soutien
conjoncturel peuvent être pertinentes, tandis que dans les
autres cas, les résultats appellent clairement à des poli-
tiques structurelles pour soutenir l’activité.
Les effets sur l’emploi, le chômage et les salaires varient
d’un modèle à l’autre (graphique 2b). En particulier, la spé-
cification du marché du travail et sa fluidité semblent jouer
un rôle important dans la capacité de l’économie à absor-
ber des hausses de prix de l’énergie. En effet, dans les cas
de modélisation du marché du travail où les salaires s’ajus-
tent au niveau de chômage, la modération salariale limite
à long terme les effets négatifs des hausses de prix de
l’énergie sur le chômage (voir la différence à long terme
entre ThreeME WS et ThreeME Ph sur le graphique 2b). Au
contraire, sans cette modération salariale, les hausses de
prix de l’énergie génèrent à la fois celle du chômage et
celle du niveau général des prix. En termes de politique
économique cela suggère que la transition énergétique
sera d’autant plus aisée que le marché du travail sera flexi-
ble. L‘enjeu est donc de favoriser les réallocations de
main-d’œuvre vers les secteurs qui bénéficient de la tran-
sition énergétique, notamment par un accroissement de la
mobilité des travailleurs et par une attention spécifique à
la formation initiale et à la formation continue afin de faci-
liter les reconversions et d’éviter les pénuries de travail
dans certains secteurs.
Concernant les échanges extérieurs, une économie
bénéficiant d’une compétitivité « hors prix » importante
par la qualité de ses produits ou une économie spécialisée
dans certaines niches peu concurrentielles devrait être
moins sensible à des augmentations du prix de l’énergie,
indépendamment des mesures prises par les pays parte-
naires. Ces observations soutiennent donc l’idée de poli-
tiques structurelles d’aide à la R & D dans tous les secteurs
et pas seulement dans ceux au cœur de la transition éner-
gétique.
Graphique 2 - Comparaison des modèles à différents horizons. Cas d’une taxe carbone non compensée d’un
montant équivalent à 1 % du PIB
* LT (Long terme) : résultats observés à 35 ans pour ThreeME et Imaclim-R, les résultats à cet horizon pour les modèles Mésange et Némésis ne sont pas disponibles.
Lecture : la figure 1a montre que selon le modèle Mésange, une taxe carbone d’un montant équivalent à 1 % du PIB diminuerait le PIB de 0,6 % à un horizon de 3 ans, de 0,7 % à 5 ans et à 10 ans
par rapport au scénario de référence. Selon le modèle Imaclim-R cette baisse serait de 2 % à 3 ans de 1,8% à 5 ans, de 1,2 % à 10 ans et de seulement 0,1 % à long terme.
La figure 2b montre qu’une telle taxe génèrerait, selon le modèle Mésange, une perte de 150 000 emplois à 3 ans, de 140 000 à 5 ans et de 110 000 à 10 ans.
Source : Calcul France Stratégie à partir des simulations de Boitier et al. (2015).
Graphique 2b - Impact sur l’emploi (en milliers)Graphique 2a - Impact sur le PIB (en %)
France Stratégie a pour mission d’éclairer les choix collectifs. Son action repose sur quatre métiers : évaluer les politiques publiques ;
anticiper les mutations à venir dans les domaines économiques, sociétaux ou techniques ; débattre avec les experts et les acteurs français
et internationaux ; proposer des recommandations aux pouvoirs publics nationaux, territoriaux et européens. Pour enrichir ses analyses
et affiner ses propositions France Stratégie s’attache à dialoguer avec les partenaires sociaux et la société civile. France Stratégie mise
sur la transversalité en animant un réseau de huit organismes aux compétences spécialisées.
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FRANCE STRATÉGIE
CONCLUSION
L’analyse de la transition énergétique est complexe de par
la multiplicité des objectifs, des instruments à mettre en
œuvre et des interactions avec le système économique.
Dans ce contexte, les modèles macroéconomiques secto-
riels constituent des outils précieux pour éclairer cette
analyse en complément d’autres approches centrées
davantage sur la technologie.
Bien entendu, les résultats issus de ces modèles doivent
être interprétés avec précaution car ils sont sujets à de
nombreuses incertitudes, notamment en ce qui concerne
les possibilités de progrès technique et de substitution
entre sources d’énergie. De ce point du vue, d’une part
l’utilisation de plusieurs modèles macroéconomiques per-
met de définir un champ des possibles et une évaluation
de l’incertitude. D’autre part, la réalisation d’une série de
tests simples permet d’isoler les différents mécanismes en
œuvre dans la politique étudiée et de guider les recom-
mandations potentielles.
Les modèles utilisés dans cette note d’analyse montrent
notamment l’importance à accorder aux politiques d’ac-
compagnement, notamment celles de redistribution des
montants levés par la fiscalité sur l’énergie, ainsi qu’au
rôle clé du fonctionnement du marché du travail. La plu-
part des résultats tend à recommander des politiques de
soutien structurel mais certaines dynamiques peuvent
aussi appeler à mettre en œuvre des politiques conjonctu-
relles pour amortir un trop fort effet récessif à court terme.
Mots clés : modélisation macroéconomique, transition
énergétique, étude d’impact, climat, énergie.
Directeur de la publication : Jean Pisani-Ferry, commissaire général ; impression : France Stratégie ; dépôt légal : février 2016 - N° ISSN 1760-5733 ;
contact presse : Jean-Michel Roullé, directeur du service Édition-Communication 01 42 75 61 37 jean-michel.roulle@strategie.gouv.fr

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Modeles macroeconomiques et transition énergétique

  • 1. www.strategie.gouv.fr FÉVR. 2016 N°43 Modèles macroéconomiques et transition énergétique LANOTED’ANALYSE 2015, année charnière dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Dans le cadre de l’ONU, la COP21 se conclut le 12 décembre par l’adoption de l’Accord de Paris sur le climat ; en France, le Parlement avait adopté le 17 août la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Peu à peu se dessine un cadre juridique où les États prennent des engagements, créent de nouvelles obligations. Pour autant, le chemin qui conduira à la baisse des émissions de CO2 via un changement dans les compor- tements est loin d’être tracé. Comment articuler les dispositifs requis par la réduction des émissions de CO2 avec le redressement économique et la croissance ? Le débat est vif et France Stratégie a choisi d’y parti- ciper en réunissant en 2015 un groupe de travail qui, à l’aide des modèles macroéconomiques, a évalué quel serait, dans le cas de la France, l’impact de certaines mesures requises par la transition énergétique — par exemple d’une taxe carbone — sur le système économique pris dans sa globalité. Quelles conclusions tirer de cet exercice ? Premièrement, les modèles convergent pour indiquer qu'une taxation du carbone est efficace pour réduire les émissions mais que, même à long terme, elle a un coût en termes de PIB et d'emploi : une taxe carbone d'un montant de 1% du PIB réduit le PIB de 1% environ. Il conviendra de recycler les recettes correspondantes pour soutenir l'activité, notamment l’innovation et le marché́ du travail. Deuxièmement, les mécanismes conduisant à la réduction des émissions divergent for- tement entre les modèles : certains projettent une baisse de l'intensité énergétique, d'autres des substi- tutions entre énergies. Les raisons de ces différences doivent être tirées au clair, car les conséquences des deux types d'effets pour les politiques publiques ne sont pas du tout les mêmes. Troisièmement, l’ampleur de l’effet récessif de court terme que pourrait induire la transition énergétique diffère selon les modèles. La question des politiques conjoncturelles d'accompagnement reste donc ouverte. Impact d’une taxe carbone équivalente à 1 % du PIB sur les émissions de CO2 Écarts par rapport au compte central 1. Cette note a fait l’objet d’une publication abrégée dans Revue de l’Énergie, n° 628, novembre-décembre 2015. Lecture : le premier modèle évalue que l’instauration d’une « taxe carbone » pour un montant de recettes de 1% du PIB aboutirait à moyen terme à une réduction des émissions de CO2 de près de 12 % du fait principalement d’une baisse de l’intensité énergétique (effet intensité énergétique), et dans une moindre mesure d’une substitution vers des énergies émettant moins de carbone (effet contenu carbone de l’énergie), la réduction d’activité (effet PIB) ne jouant qu’un rôle très faible dans la réduction des émissions. N.B. : La version de Mésange qui a été utilisée ici ne permettant pas d’intégrer les possibilités de substitution entre énergies, les résultats du modèle ne sont pas présentés sur ce graphique. Source : à partir des simulations de Boitier et al. (2015). La Note d’analyse est publiée sous la responsabilité éditoriale du commissaire général de France Stratégie. Les opinions exprimées engagent leurs auteurs et n’ont pas vocation à refléter la position du gouvernement. Pierre Douillard France Stratégie Anne Épaulard Université Paris-Dauphine et France Stratégie Boris Le Hir France Stratégie
  • 2. FRANCE STRATÉGIE www.strategie.gouv.fr 2 LA NOTE D’ANALYSE FÉVRIER 2016 - N°43 INTRODUCTION La lutte contre le réchauffement climatique, qui passe principalement par la réduction des émissions de CO2, nécessite à la fois de baisser la consommation d’énergie et de substituer des énergies propres aux sources énergé- tiques les plus carbonées. Pour réussir cette transition énergétique, plusieurs voies sont techniquement possi- bles mais, quelle que soit celle envisagée, les change- ments requis ne se feront pas de façon spontanée. Il est ainsi nécessaire de définir les politiques qui déclencheront ces changements. Les questions suivantes se posent : quelle est la meilleure façon de réduire les émissions de CO2 ? Quelles sont les politiques qui permettent cette réduction, quels en sont les coûts associés et les opportunités ouvertes ? Existe-t- il des politiques d’accompagnement pour maîtriser ces coûts et s’assurer que ces opportunités sont saisies ? Pour y répondre, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble de l’économie et d’aller au-delà d’une analyse partielle centrée sur le seul secteur de l’énergie. Pour cela, les modèles macroéconomiques constituent des outils essentiels. Cette note d’analyse précise leur apport dans la définition des politiques qui déclenchent des changements de com- portement et de celles qui accompagnent la transition énergétique. Elle présente dans un premier temps les enjeux de l’évaluation de la transition énergétique. Une seconde partie décrit les modèles macroéconomiques uti- lisables pour cette évaluation puis donne quelques résul- tats de simulations réalisées pour la France, avec quatre de ces modèles, par un groupe de travail réuni par France Stratégie en 20152 . La conclusion présente les enseigne- ments tirés quant à la façon d’utiliser les modèles et d’in- terpréter leurs résultats dans le cadre de la transition énergétique. LES ENJEUX DE L’ÉVALUATION DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE La lutte pour éviter un réchauffement climatique supé- rieur à 2°C, voire à 1,5°C, implique de réduire drastique- ment et rapidement les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Deux éléments avancés par les experts du climat suffisent à convaincre de la nécessité d’agir : (i) au-delà du seuil de 2°C les dérèglements sont imprévisibles et certai- nement irréversibles ; (ii) quelle que soit l’intensité du réchauffement que l’on ne veut pas dépasser, le niveau d’émission des gaz à effet de serre doit être nul à long terme : seul le délai pour y parvenir détermine le degré de la hausse de température. Dans ce contexte, la transition énergétique envisagée en France a pour objet de faire diminuer l’empreinte carbone de l’économie d’un facteur quatre (c’est-à-dire une division par 4) à l’horizon 2050 sans exporter les émissions via des délocalisations des activités polluantes. Cet objectif, pour être atteint, nécessite d’accélérer la baisse des émissions engagée depuis 20053 . Pour cela, des changements majeurs dans les modes de production et de consommation doivent être mis en œuvre et s’accompagner d’investissements massifs. Dans son application, la transition énergétique doit s’ap- puyer sur des actions qui touchent aussi bien la demande que la production d’énergie. Du côté de la demande, les secteurs « énergivores », en particulier les transports et le bâtiment, qui représentent respectivement 27 % et 20 % des émissions de gaz à effet de serre nationales, sont ceux où les réductions poten- tielles d’émissions de CO2 et les impacts économiques sont les plus importants. L’action dans ces secteurs doit viser à la fois une augmentation de l’efficacité énergétique (isola- tion des bâtiments, performance des véhicules) et des substitutions énergétiques (passage du fuel au gaz dans les bâtiments, changements de mode de transport ou de motorisation). L’effort dans les secteurs industriels, qui représentent 18 % des émissions de gaz à effet de serre, devra aussi être significatif. La stratégie nationale bas- carbone prévoit une baisse de 24 % à l’horizon 2028 des émissions des secteurs industriels et de 75 % en 2050 par rapport à 2013. Ces réductions passeront non seulement par des gains d’efficacité énergétique et des substitutions mais aussi par le développement de l’économie circulaire (recyclage, réutilisation) et le déploiement de la capture et du stockage du carbone. 2. Boitier B., Callonnec G., Douillard P., Épaulard A., Ghersi F., Masson E. et Mathy S. (2015), « La transition énergétique vue par les modèles macroéconomiques », Document de travail n°2015-05, France Stratégie. 3. La baisse observée des émissions de CO2 dans le cas de la France est toutefois à relativiser puisqu’elle a été compensée par une augmentation des émissions associées aux importations. L’empreinte carbone est en fait restée constante.
  • 3. 3FRANCE STRATÉGIE www.strategie.gouv.fr Du côté de l’offre, la production d’énergie est appelée à jouer un rôle majeur dans la transition énergétique car, même si elle ne représente que 12 % des émissions natio- nales, cette filière pourra être fortement « décarbonée » grâce à la réduction de la part de la consommation énergé- tique primaire en énergies fossiles (- 30 % en 2030 par rapport à 2012) et à l’augmentation (+ 32 %) de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d'énergie. À l’horizon 2050, le comité « Trajectoires 2020- 2050 »4 envisage une division par vingt des émissions de CO2 par rapport au niveau de 1990 dans ce secteur de la production d’énergie, soit une décarbonation quasi totale. Cela pourrait être rendu possible par une baisse de l’inten- sité énergétique du PIB d’un facteur deux ainsi que par une décarbonation radicale du mix énergétique réduisant les émissions d’un facteur dix. Les investissements nécessaires à ces changements peu- vent être quantifiés : le document de la Stratégie nationale bas-carbone5 évalue les investissements annuels moyens supplémentaires à réaliser pour atteindre les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte6 à environ 15 milliards d’euros dans la rénovation du bâtiment, 2,2 milliards d’euros dans le domaine des transports et 1,9 milliard d’euros dans les secteurs industriels sur la période 2015-2030. Outre ces coûts directs, la transition énergétique, par son impact sur les coûts de production sectoriels et sur le pou- voir d’achat des ménages, induit de nombreux effets indi- rects. Par exemple, les secteurs intensifs en énergie pour- ront voir la demande de leur produit baisser du fait d’augmentations des prix et l’emploi dans ces secteurs risque de diminuer. À l’inverse, les investissements et les nouvelles activités liées à la transition énergétique sont susceptibles de créer des emplois. L’ensemble des effets, directs et indirects doit donc être pris en compte dans l’évaluation macroéconomique de la transition énergé- tique. Les politiques publiques ont plusieurs rôles à jouer dans cette transition énergétique. D’une part, elles sont indis- pensables pour déclencher les changements de comporte- ment nécessaires. Elles peuvent alors prendre diverses formes : établissement de normes (par exemple en termes d’efficacité énergétique des bâtiments ou d’émissions des véhicules neufs), mise en place de subventions (aide à l’achat de véhicules propres, à l’innovation environnemen- tale) et de taxes (fiscalité de l’énergie), ainsi que d’autres instruments économiques comme l’instauration de marché de quota ou l’émission de certificats d’économie d’énergie. La réorientation de certains investissements publics peut aussi être envisagée en prenant notamment en compte l’empreinte carbone de ces investissements. D’autre part, au vu des impacts négatifs potentiels d’une politique contraignante, des mesures additionnelles ayant pour but de compenser ou de réduire ces effets néfastes doivent être considérées. En particulier, dans le cas d’une taxe, la redistribution des recettes supplémentaires fait l’objet de réflexions. Dans le cadre de la Stratégie nationale bas-car- bone, il est par exemple prévu d’« augmenter progressive- ment la part carbone, assise sur le contenu en carbone fos- sile, dans les taxes intérieures de consommation sur les énergies […]. Cette augmentation [devant être] compen- sée par un allègement de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus7 . » C’est donc l’efficacité de l’ensemble des politiques publiques visant à déclencher la transition énergétique et à l’accompagner qui doit être évaluée, non seulement au regard de leur efficacité à réussir la transition énergétique mais aussi au titre de leurs effets macroéconomiques, notamment sur la croissance, l’emploi et la distribution des revenus. Les enjeux de l’évaluation de la transition éner- gétique sont de déterminer si les moyens envisagés per- mettent d’une part de réduire l’empreinte carbone — par une baisse de l’intensité des émissions, une réduction de la dépendance aux énergies fossiles importés, une aug- mentation des économies d’énergie et un développement de l’économie circulaire — et d’autre part de soutenir la croissance et l’emploi. Par ailleurs, une telle évaluation doit être capable d’intégrer les spécificités sectorielles ainsi que l’environnement international. L’évaluation est ainsi multidimensionnelle et complexe. L’hétérogénéité de l’impact du prix de l’énergie entre les secteurs, l’interconnexion de ces derniers ainsi que les retours macroéconomiques sont autant d’arguments pour recourir aux modèles macroéconomiques pour l’évaluation de la transition énergétique. 4. Rapport du comité présidé par Christian de Perthuis (2011), Trajectoires 2020-2050 vers une économie sobre en carbone. 5. Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (2015), Stratégie nationale bas-carbone – La France en action, p. 136 et 137. 6. Loi n°2015-992 du 17 août 2015. 7. Voir note 3.
  • 4. FRANCE STRATÉGIE www.strategie.gouv.fr 4 LES MODÈLES COMME OUTILS D’ÉVALUATION Plusieurs types de modèles sont mobilisables pour une telle évaluation. En premier lieu, les modèles technico-éco- nomiques qui reposent sur une représentation détaillée du système énergétique et identifient le choix optimal des technologies pour atteindre une cible énergétique. En France, POLES, MED-PRO et PRIMES sont adaptés à des analyses technologiques de la transition énergétique. Cependant, ces modèles décrivent principalement le sec- teur énergétique et n’intègrent pas ou très peu le bou- clage macroéconomique, notamment, l’impact des chocs énergétiques sur les grandeurs macroéconomiques telles que la consommation des ménages, l’emploi, les salaires ou la balance commerciale. En deuxième lieu, les modèles macroéconomiques, qui intègrent davantage ces derniers effets, peuvent soit compléter les modèles techno-écono- miques, soit être utilisés de façon autonome dans le cas où ils intègrent un niveau de détail élevé dans la désagré- gation des secteurs et des facteurs de production leur per- mettant d’appréhender les principaux effets de la transi- tion énergétique. Les modèles macroéconomiques diffèrent aussi entre eux sur plusieurs points8 , notamment sur la façon dont l’équili- bre macroéconomique est obtenu et sur le rôle plus ou moins important donné aux comportements optimisateurs des agents et à la nature des anticipations. On distingue ainsi la famille des modèles macroéconomiques d’équilibre général calculable (EGC) et leurs versions dynamiques (modèles à générations imbriquées, modèles DSGE9 ), et celle des modèles macroéconométriques. Indépendam- ment de ces caractéristiques, ces modèles se différencient aussi par la couverture géographique (nationale, euro- péenne, mondiale) ainsi que par le niveau de désagréga- tion (régional, pays, ensemble de pays, décomposition sec- torielle, catégories de population, détail de la consommation, etc.) qu’ils décrivent. La pertinence d’un modèle pour étudier une question don- née repose sur les mécanismes qu’il intègre et sur sa capa- cité à décrire l’impact de la variation de variables exogènes sur les variables endogènes10 appropriées. Dans le cadre de l’évaluation de la transition énergétique, les variables exogènes pertinentes sont celles reflétant les possibilités d’action des pouvoirs publics : politique fiscale, dépenses du gouvernement, subventions, normes, etc. Du côté des variables endogènes, les modèles macroéconomiques fournissent au moins cinq catégories d’indicateurs utiles à l’évaluation de la transition énergétique : (i) des indica- teurs macroéconomiques tels que le PIB et ses compo- santes (consommation finale, investissement, exporta- tions, importations), le taux de chômage, l’inflation ; (ii) des indicateurs sectoriels concernant notamment l’acti- vité, les prix et l’emploi par secteur ; (iii) des indicateurs reliés aux comptes financiers des agents dont l’État, les sociétés financières et non financières et les ménages ; (v) des variables liées à l’énergie telles que la consommation en énergie des ménages et des secteurs de production par source d’énergie ainsi que les émissions de polluants asso- ciées. Comme cela a été évoqué plus haut, l’étude de la transition énergétique dans son ensemble implique la mise en œuvre de politiques multiples et les effets peuvent alors s’enchevêtrer de sorte que la lecture et l’interprétation des résultats des modèles en deviennent difficiles. Afin de rendre le bilan final intelligible, il peut être nécessaire de décomposer les scénarios en isolant ces différentes poli- tiques. Dans cette optique, France Stratégie a réalisé une série d’exercices à partir de quatre modèles macroécono- miques pour la France (voir encadré). La partie suivante résume les résultats de ces exercices qui ont pour but à la fois d’isoler des mécanismes et de comparer les effets res- pectifs des différents modèles. Ces simulations portent sur des chocs simples sur les prix de l’énergie. Elles ne constituent pas une analyse de la transition énergétique dans son ensemble et ne prétendent pas représenter des scénarios réalistes. Elles ont pour but de réaliser une ana- lyse comparative de la sensibilité de différents modèles à certains chocs associés à la transition énergétique. Les chocs analysés ici ne sont pas exhaustifs. Des travaux futurs pourraient être entrepris afin de construire une table permettant à la fois de comparer la sensibilité des différents modèles aux chocs associés à la transition éner- gétique et d’isoler la contribution de chacun de ces chocs dans l’impact global de cette transition. Ces simulations pourront par ailleurs être enrichies par une analyse secto- rielle et par l’intégration de différentes hypothèses sur l’environnement international. 8. Épaulard A., Laffargue J.-P. et Malgrange P. (2008), « La nouvelle modélisation macroéconomique appliquée à l’analyse de la conjoncture et à l’évaluation des politiques économiques », Économie et Prévision n°183-184. 9. Dynamic Stochastic General Equilibrium. 10. Les variables exogènes sont celles imposées au modèle et les variables endogènes sont celles calculées par le modèle. LA NOTE D’ANALYSE FÉVRIER 2016 - N°43
  • 5. 5FRANCE STRATÉGIE www.strategie.gouv.fr MODÈLES UTILISÉS DANS LE CAS DE LA FRANCE Mésange est un modèle économétrique à trois secteurs développé par la direction générale du Trésor et l’Insee. Ce modèle n’isole pas la branche énergie mais distingue les consommations d’énergie des ménages et des entreprises ainsi que les importations énergétiques. Les équations de consommation et d’importation prennent donc explicitement en compte les prix de l’énergie relativement aux autres prix. Un modèle sectoriel peut être utilisé en parallèle pour intégrer les possibilités de substitution entre énergie. Némésis11 est un modèle économétrique en trente secteurs développé par SEURECO. Chaque secteur productif est modélisé de telle sorte qu’il décrive les possibilités de substitution entre facteurs de production au sens large (consommations intermédiaires, travail qualifié, travail peu qualifié, capital, énergie). Némésis contient par ailleurs une modélisation spécifique du secteur de la production énergétique qui décrit des possibilités de substitution entre, d’une part, l’électricité et, d’autre part, cinq sources d’énergie primaire (le pétrole, le gaz, le charbon, les énergies renouvelables hors électricité et les autres énergies). La demande d’énergie des ménages résulte aussi de divers arbitrages qui dépendent en partie du prix de l’énergie. Par exemple, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation du prix de l’énergie réduira la demande de voitures et d’essence au profit des transports en commun. ThreeME12 est un modèle économétrique développé par l’Ademe13 et l’OFCE14 qui comprend vingt-quatre secteurs de production. Le secteur de l’énergie est lui-même divisé en dix- sept sous-secteurs et celui des transports en cinq sous-secteurs. La demande d’énergie des ménages est modélisée par des équations spécifiques qui tiennent compte d’un arbitrage entre différents types de logements et de voitures en fonction de leur efficacité énergétique. Deux versions ont été utilisées ici : une version où la dynamique des salaires dépend du niveau de chômage (« courbe de Philips »), cette version est appelée ThreeME Ph, et une version où le modèle théorique sous-jacent à la formation des prix et des salaires est un modèle « WS – PS15 », cette version est nommée ThreeME WS. Imaclim-R France est un modèle d’équilibre général calculable développé par le CIRED16 et par le PACTE-EDDEN17 . L’économie est désagrégée en treize secteurs incluant cinq secteurs énergétiques et quatre secteurs de transports. Le secteur résidentiel, le secteur des transports, les différents secteurs de production et les trois secteurs énergétiques (électricité, gaz, 11. New Econometric Model of Evaluation by Sectoral Interdependency and Supply. 12. Modèle macroéconomique multisectoriel d’évaluation des politiques énergétiques et environnementales. 13. Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. 14. Observatoire français des conjonctures économiques. 15. « Wage-setting, price-setting ». 16. Centre international de recherche sur l’environnement et le développement. 17. Politiques publiques, Action politique, Territoires (université de Grenoble) – Économie du développement durable et de l’énergie. 18. Boitier et al., op. cit. combustible liquide) sont modélisés en tenant compte de la composition technologique disponible et de la rentabilité relative de chaque solution. Le modèle décrit une dynamique qui est donnée par une succession d’équilibres statiques qui tiennent compte de multiples imperfections de marché : inertie des équipements, allocation imparfaite des investissements, routine de comportement des agents économiques. SIMULATION DE MESURES POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DANS LE CAS DE LA FRANCE Quatre équipes de modélisation ont participé à ces exer- cices dans le cadre d’un groupe de travail animé par France Stratégie pendant l’année 2015 : la direction générale du Trésor (modèle Mésange développé avec l’Insee), l’ADEME (modèle ThreeME développé avec l’OFCE), SEURECO (modèle Némésis), le CIRED et EDDEN (modèle Imaclim-R France). Parmi les modèles utilisés, trois sont de type éco- nométrique et un est en équilibre général comme indiqué dans l’encadré. L’analyse présentée ici est fondée sur les résultats de simulations de chocs simples et non de simulations des politiques économiques susceptibles d’être mises en place. Les chocs suivants ont été envisagés successive- ment : (i) une hausse du prix des énergies fossiles, (ii) l’in- troduction d’une taxe carbone et (iii) d’une taxe sur l’élec- tricité. L’idée générale est d’augmenter le prix de l’énergie et de laisser libre les modèles sur l’arbitrage entre les baisses de consommation et les substitutions. Deux caté- gories de résultats ont retenu l’attention : les effets sur l’équilibre macroéconomique (PIB, emploi, salaires, prix) et ceux sur les grandeurs énergétiques (consommation d’énergie, intensité énergétique, émissions de CO2). Les principaux résultats obtenus sont exposés ci-dessous (graphique 1) et leur analyse est détaillée dans le docu- ment de travail de Boitier et al.18 . Du point de vue de la réduction des émissions de CO2, les résultats sont remarquablement proches d'un modèle à l'autre. On trouve, en particulier, qu’une taxe carbone d’un montant de l’ordre de 1 % du PIB en valeur ex ante se tra- duit à long terme par une diminution des émissions de CO2
  • 6. FRANCE STRATÉGIE www.strategie.gouv.fr 6 de l’ordre de 15 % par rapport à la trajectoire de référence dans les différents modèles (graphique 1). Le rythme de baisse des émissions diffère d’un modèle à l’autre mais, dans tous les cas, au moins 50 % de cette réduction est atteinte au bout de trois ans. Graphique 1 - Impact d'une taxe carbone équivalente à 1 % du PIB sur les émissions de CO2 Écarts par rapport au compte central Lecture : le premier modèle évalue que l’instauration d’une « taxe carbone » pour un montant de recettes de 1% du PIB aboutirait à moyen terme à une réduction des émissions de CO2 de près de 12 % du fait principalement d’une baisse de l’intensité énergétique (effet intensité énergétique), et dans une moindre mesure d’une substitution vers des énergies émettant moins de carbone (effet contenu carbone de l’énergie), la réduction d’activité (effet PIB) ne jouant qu’un rôle très faible dans la réduction des émissions. N.B. : La version de Mésange qui a été utilisée ici ne permettant pas d’intégrer les possibilités de substitution entre énergies, les résultats du modèle ne sont pas présentés sur ce graphique. Source : à partir des simulations de Boitier et al. (2015). En revanche, la nature de ces réductions n’est pas la même ente les modèles. Pour certains modèles, la réduction des émissions de CO2 est principalement liée à celle de l'inten- sité énergétique qui diminue d’environ 10 % à long terme, pour d'autres la réduction des émissions de CO2 provient essentiellement d'une substitution entre énergies plus ou moins polluantes (l’intensité énergétique ne diminue que de 3 % à long terme dans le modèle Némésis). Ces résultats contrastés révèlent des hypothèses techno- logiques différentes selon les modèles et peuvent aboutir à des recommandations autres de politiques économiques. En particulier, les politiques susceptibles de déclencher la transition énergétique devraient se centrer sur le dévelop- pement ou l’adoption de technologies visant la sobriété énergétique dans le cas où la baisse de l’intensité énergé- tique est le facteur principal qui déclenche celle des émis- sions. Au contraire, ces politiques devraient se centrer sur des technologies de production alternatives non pol- luantes dans le cas où la substitution entre énergies est le facteur déterminant de la réduction des émissions de CO2. Concernant les effets des hausses du prix de l’énergie sur l’activité économique, les évaluations des différents modèles paraissent converger à moyen terme. Conformé- ment aux résultats de la littérature empirique19 , les modèles supposent des possibilités coûteuses de change- ment vers des modes de production moins intensifs en énergie. Cette rigidité induit un report direct de l’augmen- tation des prix de l’énergie sur les coûts de production et, par conséquent, sur les prix et la demande. La faible subs- tituabilité de la consommation énergétique se retrouve aussi dans la consommation des ménages de telle sorte que les hausses de prix de l’énergie grèvent directement leur pouvoir d’achat. Globalement, le multiplicateur à 10 ans est proche de 1 dans le sens où une hausse du coût de l’énergie équivalente à 1 % du PIB se traduit par une activité économique inférieure de 1 % par rapport au scé- nario de référence (entre 0,7 et 1,3 selon le graphique 2a). L’effet récessif d’une fiscalité sur l’énergie sur l’activité économique peut être compensé par la redistribution des sommes prélevées. La littérature empirique20 conclut usuellement qu’une redistribution devrait favoriser l’offre de biens et services et/ou de travail (allègements de charges, d’impôts, aides à l’investissement en efficacité énergétique ou soutien à la R & D) plutôt que la demande si l’on veut compenser les effets durablement négatifs de la hausse de la taxation sur l’énergie. Cela n’est pas incom- patible avec une compensation de la perte de pouvoir d’achat liée au renchérissement de l’énergie que subiraient les ménages pauvres et/ou en précarité énergétique. D’un point de vue dynamique, les modèles ne montrent pas des trajectoires identiques. Le modèle Imaclim-R met en évidence de fortes tensions à court terme qui pénali- sent l’activité économique mais, au contraire, plus de pos- sibilités de substitution à long terme qui annulent in fine les effets récessifs. Pour les autres modèles, les effets sur l’activité économique sont plus modérés à court terme mais ne s’atténuent pas dans le temps (graphique 2a). Ces 19. Hassler J., Kruselly P. et Olovsson C. (2012), « Energy-Saving Technical Change » NBER Working Paper n° 18456. 20. Voir les communications et présentations faites lors du Mercator Research Institute « Global Commons and Climate Change’s », Public Finance Workshop, en mai 2013. http://www.mcc-berlin.net/events/events/article/public-finance-workshop.html LA NOTE D’ANALYSE FÉVRIER 2016 - N°43
  • 7. 7FRANCE STRATÉGIE www.strategie.gouv.fr différences ont des conséquences sur les recommanda- tions de politiques économiques d’accompagnement puisque dans le premier cas des politiques de soutien conjoncturel peuvent être pertinentes, tandis que dans les autres cas, les résultats appellent clairement à des poli- tiques structurelles pour soutenir l’activité. Les effets sur l’emploi, le chômage et les salaires varient d’un modèle à l’autre (graphique 2b). En particulier, la spé- cification du marché du travail et sa fluidité semblent jouer un rôle important dans la capacité de l’économie à absor- ber des hausses de prix de l’énergie. En effet, dans les cas de modélisation du marché du travail où les salaires s’ajus- tent au niveau de chômage, la modération salariale limite à long terme les effets négatifs des hausses de prix de l’énergie sur le chômage (voir la différence à long terme entre ThreeME WS et ThreeME Ph sur le graphique 2b). Au contraire, sans cette modération salariale, les hausses de prix de l’énergie génèrent à la fois celle du chômage et celle du niveau général des prix. En termes de politique économique cela suggère que la transition énergétique sera d’autant plus aisée que le marché du travail sera flexi- ble. L‘enjeu est donc de favoriser les réallocations de main-d’œuvre vers les secteurs qui bénéficient de la tran- sition énergétique, notamment par un accroissement de la mobilité des travailleurs et par une attention spécifique à la formation initiale et à la formation continue afin de faci- liter les reconversions et d’éviter les pénuries de travail dans certains secteurs. Concernant les échanges extérieurs, une économie bénéficiant d’une compétitivité « hors prix » importante par la qualité de ses produits ou une économie spécialisée dans certaines niches peu concurrentielles devrait être moins sensible à des augmentations du prix de l’énergie, indépendamment des mesures prises par les pays parte- naires. Ces observations soutiennent donc l’idée de poli- tiques structurelles d’aide à la R & D dans tous les secteurs et pas seulement dans ceux au cœur de la transition éner- gétique. Graphique 2 - Comparaison des modèles à différents horizons. Cas d’une taxe carbone non compensée d’un montant équivalent à 1 % du PIB * LT (Long terme) : résultats observés à 35 ans pour ThreeME et Imaclim-R, les résultats à cet horizon pour les modèles Mésange et Némésis ne sont pas disponibles. Lecture : la figure 1a montre que selon le modèle Mésange, une taxe carbone d’un montant équivalent à 1 % du PIB diminuerait le PIB de 0,6 % à un horizon de 3 ans, de 0,7 % à 5 ans et à 10 ans par rapport au scénario de référence. Selon le modèle Imaclim-R cette baisse serait de 2 % à 3 ans de 1,8% à 5 ans, de 1,2 % à 10 ans et de seulement 0,1 % à long terme. La figure 2b montre qu’une telle taxe génèrerait, selon le modèle Mésange, une perte de 150 000 emplois à 3 ans, de 140 000 à 5 ans et de 110 000 à 10 ans. Source : Calcul France Stratégie à partir des simulations de Boitier et al. (2015). Graphique 2b - Impact sur l’emploi (en milliers)Graphique 2a - Impact sur le PIB (en %)
  • 8. France Stratégie a pour mission d’éclairer les choix collectifs. Son action repose sur quatre métiers : évaluer les politiques publiques ; anticiper les mutations à venir dans les domaines économiques, sociétaux ou techniques ; débattre avec les experts et les acteurs français et internationaux ; proposer des recommandations aux pouvoirs publics nationaux, territoriaux et européens. Pour enrichir ses analyses et affiner ses propositions France Stratégie s’attache à dialoguer avec les partenaires sociaux et la société civile. France Stratégie mise sur la transversalité en animant un réseau de huit organismes aux compétences spécialisées. FRANCE STRATÉGIE - 18, RUE DE MARTIGNAC - 75700 PARIS SP 07 - TÉL. 01 42 75 60 00 www.strategie.gouv.fr francestrategie @Strategie_Gouv RETROUVEZ LES DERNIÈRES ACTUALITÉS FRANCE STRATÉGIE CONCLUSION L’analyse de la transition énergétique est complexe de par la multiplicité des objectifs, des instruments à mettre en œuvre et des interactions avec le système économique. Dans ce contexte, les modèles macroéconomiques secto- riels constituent des outils précieux pour éclairer cette analyse en complément d’autres approches centrées davantage sur la technologie. Bien entendu, les résultats issus de ces modèles doivent être interprétés avec précaution car ils sont sujets à de nombreuses incertitudes, notamment en ce qui concerne les possibilités de progrès technique et de substitution entre sources d’énergie. De ce point du vue, d’une part l’utilisation de plusieurs modèles macroéconomiques per- met de définir un champ des possibles et une évaluation de l’incertitude. D’autre part, la réalisation d’une série de tests simples permet d’isoler les différents mécanismes en œuvre dans la politique étudiée et de guider les recom- mandations potentielles. Les modèles utilisés dans cette note d’analyse montrent notamment l’importance à accorder aux politiques d’ac- compagnement, notamment celles de redistribution des montants levés par la fiscalité sur l’énergie, ainsi qu’au rôle clé du fonctionnement du marché du travail. La plu- part des résultats tend à recommander des politiques de soutien structurel mais certaines dynamiques peuvent aussi appeler à mettre en œuvre des politiques conjonctu- relles pour amortir un trop fort effet récessif à court terme. Mots clés : modélisation macroéconomique, transition énergétique, étude d’impact, climat, énergie. Directeur de la publication : Jean Pisani-Ferry, commissaire général ; impression : France Stratégie ; dépôt légal : février 2016 - N° ISSN 1760-5733 ; contact presse : Jean-Michel Roullé, directeur du service Édition-Communication 01 42 75 61 37 jean-michel.roulle@strategie.gouv.fr