Bonnes feuilles de Tribulations financières au pays des entrepreneurs, un livre de Christophe Bavière et Benoist Grossmann, aux Editions du Cherche Midi
2. 123MEETIC STORY
MEETIC STORY
E
n 2001, le site de rencontres venait d’être lancé et
commençait déjà à être connu. Il y a une anecdote
amusante sur ses débuts : à l’époque, Terry Semel, le
patron de Yahoo, était en visite en France. Il faisait la tournée des
grands groupes du CAC 40. Et partout où il passait, les hôtesses
d’accueil surfaient sur le même site Internet. Ça a piqué sa curiosité.
Il a fini par demander:
– Quel est ce site que vous consultez?
– Meetic, un site de rencontres.
Au retour de Terry Semel aux États-Unis, Yahoo est entré en
contact avec Marc Simoncini et plusieurs fonds d’investissement
américains ont commencé à le solliciter. Certains investisseurs
étaient prêts à faire le voyage depuis la Silicon Valley ou New York
pour discuter avec lui. Marc Simoncini a finalement décidé d’orga-
niser un « beauty contest »: une rencontre avec des investisseurs
potentiels. Dans la liste ne figuraient que des Américains et un seul
Français: AGF Private Equity, le futur Idinvest.
Marc Simoncini ne nous était pas inconnu. Nous avions déjà
financé iFrance, le portail Internet qu’il avait revendu à Vivendi
quelques semaines avant l’éclatement de la bulle Internet. En fait,
nous voulions travailler ensemble. Il y a une réciprocité dans cette
relation particulière entre un entrepreneur et ses investisseurs. Ils
se choisissent, décident si, oui ou non, ils veulent partager une
aventure entrepreneuriale. Avec Marc Simoncini, nous savions que
nous formerions une bonne équipe et que notre tandem pourrait
faire des étincelles.
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3. 124 LES SUCCESS STORIES D’IDINVEST
C’est cette intuition qui l’a emporté sur les propositions des fonds
d’investissement américains qui étaient pourtant plus généreuses
que la nôtre. D’autres arguments jouaient en notre faveur : les
Américains avaient finalisé des pactes d’actionnaires épais comme
des annuaires. Le nôtre tenait en quelques pages. «L’offre d’AGF
Private Equity n’était pas la meilleure, mais la plus simple. Si j’avais
signé avec les Américains, j’aurais dû supporter leur formalisme
épouvantable, leur caractère procédurier, les contraintes… Avec
AGF Private Equity, je savais que tout se passerait avec souplesse»,
nous a confié Marc Simoncini. Par ailleurs, AGF Private Equity
était un gage de sérieux pour une entreprise qui avait encore une
réputation sulfureuse. À l’époque, Marc Simoncini ambitionnait déjà
d’introduire Meetic en Bourse. Pour cela, il lui fallait une caution
morale. Qui mieux que le fonds d’investissement d’un des plus
grands assureurs français pouvait la lui fournir?
En quarante-huit heures, notre décision était prise. Et le pacte
signé, dans l’urgence, presque sur un coin de table. Cette entreprise
était tellement prometteuse, il fallait agir vite, prendre les fonds
américains de vitesse et tant pis s’il demeurait quelques zones floues
dans le «business plan» de Marc Simoncini. Nous avions fait notre
petite enquête, rencontré des utilisateurs pour bien comprendre le
concept. Nous étions convaincus. Des gens nous avaient dit: «Meetic
a changé ma vie!»
Quelques heures après la publication d’un communiqué de
presse annonçant qu’AGF Private Equity allait financer Meetic, nous
étions convoqués par un des directeurs généraux d’AGF: «Vous avez
foutu en l’air l’image du groupe! Un assureur vend de la sécurité, du
sérieux. Et vous, qu’est-ce que vous faites? Vous financez le Minitel
rose, le libertinage… la prostitution!!!» Nous avons essayé d’apaiser
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