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Le métissage de l’anthropologie et du design au service de l’innovation pour et par l’usage
Zoé Grange, Dominique Desjeux, Christophe Rebours
Le renouveau du design contemporain prend Chaire à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Reims
L’inauguration d’une Chaire Industrie, Design et Innovation Sociale (IDIS), au sein de l’Ecole Supérieure
d’Art et de Design de Reims, est un événement important pour la communauté des designers et pour
l’économie locale de la région champardennaise. Elle semble en effet constituer une réponse concrète aux
réflexions actuelles des designers sur leur discipline (Vial, 2015). Les acteurs de la Chaire IDIS participent
ainsi pleinement au renouveau du design contemporain en se rapprochant des acteurs de l’économie locale et
en leur proposant un savoir-faire et des compétences plus larges que celles du design industriel classique. Ils
s’émancipent ainsi d’un design focalisé seulement sur l’esthétique des objets pour adopter un design appor-
tant des solutions aux problèmes existants. Un design au service des hommes et de la société. Un design
conscient des problématiques sociales, économiques et écologiques actuelles.
Pour cela, ils proposent de tisser des liens entre les artisans, les PME, les industriels, les chercheurs, les
écoles, les universités, les associations, et les designers de la région champardennaise et de participer au dé-
veloppement d’une économie locale responsable. Leur initiative s’inscrit donc aussi dans un cadre politique.
Ils deviennent non seulement moteurs dans le processus de production des innovations de l’économie locale,
mais également engagés dans un monde en crise qui voit ses matières premières diminuer et se raréfier dan-
gereusement, ce qui demande de développer une innovation complexe à base d’économie circulaire et de
recyclage (Grange, 2013).
Dans cet article, nous aimerions interroger le dispositif de la Chaire IDIS à la lumière de notre expérience de
designer et d’anthropologue dans une agence d’innovation, et de notre intérêt pour les questions portant sur
l’innovation, la consommation et les organisations, dans le cadre d’une thèse CIFRE au sein de l’agence
InProcess.
Le design contemporain s’intéresse aux sciences humaines et notamment à l’anthropologie
Revenons d’abord sur les différents usages de l’anthropologie depuis ses origines jusqu’à nos jours. En
réalité, l’anthropologie est une discipline qui s’est d’abord intéressée aux populations dites « exotiques » par
curiosité. Cela a donné naissance à des comptes rendus d’explorateurs pour des sociétés savantes qui ont
suscité des débats sur les races et la supposée supériorité des unes sur les autres, notamment en termes phy-
siques. Elle s’est ensuite développée avec la colonisation et les missionnaires. La compréhension des popula-
tions locales devait ainsi faciliter le processus de colonisation et visait à justifier la conquête coloniale et la
recherche de la conversion des « païens », ce qui représente déjà un processus de diffusion des innovations.
Par la suite, elle a notamment été utilisée pour mieux comprendre les chances de réussite ou d’échec des
projets de développement.
Aujourd’hui, une partie de l’anthropologie continue de travailler sur les communautés culturelles en France
et à l’international, et une autre opère dans les entreprises pour faciliter et la compréhension des cultures
entre elles (management interculturel) et les processus de décision, d’innovation et de consommation. Une
partie de ces approches ont un point commun : comprendre la logique matérielle, sociale et culturelle des
groupes sociaux étudiés, voire les logiques du changement et des innovations qui émergent d’une société ou
qui s’imposent à elle. C’est ce qui peut expliquer l’intérêt des designers pour l’anthropologie.
En réalité, quel que soit son objet d’étude, l’anthropologie s’appuie sur l’enquête de terrain pour observer et
analyser des usages sur les lieux de leurs pratiques. Or une partie du design contemporain, dans son évolu-
tion paradigmatique, s’intéresse aujourd’hui autant aux utilisateurs qu’aux objets en usage.
L’ouverture d’une agence comme InProcess aux métiers des Sciences humaines, et notamment à une disci-
pline telle que l’anthropologie, fait donc écho au souhait des acteurs de la Chaire IDIS de rompre avec
l’image tenace du designer qui prédomine encore aujourd’hui communément et qui le considère uniquement
comme un cosméticien de formes industrielles. Les projets de l’agence InProcess conçoivent d’ailleurs des
produits ou services parfois entièrement dématérialisés. On est donc loin de l’image du designer travaillant
sur l’esthétique d’un produit. À travers chaque projet, l’agence entend ainsi répondre aux attentes des diffé-
rents acteurs qui la sollicitent en focalisant son attention d’abord sur les usagers en situation et sur les con-
traintes et tensions à résoudre en situation d’usage plutôt que sur les seuls objets ou services en question. Or
cette approche est rendue possible grâce au travail des sciences humaines, et notamment de l’anthropologie,
en amont.
Le design contemporain alimente fortement le champ de l’innovation
En mobilisant les Sciences humaines en amont de leur travail de créativité, les designers de l’agence embras-
sent également un concept majeur dans l’évolution du design, celui de projet. Ils inscrivent ainsi leur disci-
pline dans une perspective plus large : l’innovation. Le métissage du design et de l’anthropologie favorise
ainsi l’émergence de nouveaux métiers au service de l’innovation. On retrouve aussi le choix de cette pluri-
disciplinarité au service de l’innovation et de l’économie locale dans un dispositif comme celui de la Chaire
IDIS, à travers notamment un partenariat avec le Living Lab de l’Université de Technologies de Troyes.
À travers le concept de projet, le travail d’une agence comme InProcess s’applique à résoudre des problèmes
micro-sociaux, liés aux contraintes et tensions non résolues des usagers finaux ; des problèmes méso-
sociaux, liés aux attentes socio-économiques des entreprises ; et des problèmes macro-sociaux, liés aux réali-
tés socio-économiques et écologiques de notre monde (cf. sur les échelles d’observation, Desjeux, 2004). Les
métiers du design et des sciences humaines au service des projets d’innovation de l’agence InProcess partici-
pent ainsi à la construction de business models innovants pour les industries concernées, la société et les
hommes qui la composent. Ils s’emploient à créer de la valeur pour chacune des échelles d’observations que
nous venons de mentionner.
Aujourd’hui, l’innovation ne peut en effet plus se limiter à l’invention de nouveaux produits et de nouveaux
services. Elle doit résoudre des problèmes récurrents de la vie quotidienne, tenir compte des économies
d’énergies et de matières premières, et porter des business models plus économes dont on n’a pas forcément
encore tous les tenants et aboutissants.
Le business model basé uniquement sur l’obsolescence programmée des produits n’est plus la seule option
possible aujourd’hui. De fait, les pratiques d’innovation classiques, centrées sur la marque, la communica-
tion publicitaire et l’esthétisation, ne suffisent plus. La compréhension des usages et des pratiques sociales
des consommateurs pour concevoir les produits, services et expériences de demain semble ainsi devenue
essentielle. C’est ce que le monde industriel réalise aujourd’hui. Le contexte actuel a ainsi obligé de nom-
breuses entreprises à repenser leurs modes de fonctionnement et à déplacer leur regard pour innover et rester
compétitives. C’est dans ce contexte que les sociologues et ethnologues spécialistes de la consommation et
des innovations sont amenés à intervenir. L’anthropologie est en effet utile quand il faut innover alors que
les régularités, les standards ou les routines qui fondent l’activité et la rentabilité d’une entreprise ou d’un
secteur ne suffisent plus à donner de réponse face au monde qui change (Desjeux, 2011).
L’agence InProcess partage ainsi avec les acteurs de la Chaire IDIS le souhait de s’émanciper d’une ap-
proche classique du design industriel, mais également l’ambition de donner aux innovations industrielles une
dimension plus sociale. Ce que fait l’agence InProcess en adoptant une approche centrée sur l’utilisateur, par
le biais des Sciences humaines, et notamment de l’anthropologie. La clé de l’innovation réside dans la capa-
cité des entreprises et des acteurs concernés à résoudre des problèmes de la vie quotidienne. Dans cette ac-
ceptation, l’innovation relève plus d’un changement qui mobilise les différents départements de
l’organisation (logistique, processus de fabrication, financements, identités professionnelles, etc.) que d’une
idée nouvelle qui se déploierait de façon fluide entre les acteurs sociaux. Mais elle suppose aussi une adop-
tion, une rencontre entre un artefact et un milieu social donné (Gaglio, 2011). Innover c’est traverser un
champ de forces.
Le design contemporain reste ancré dans des systèmes d’actions complexes
L’agence InProcess s’emploie ainsi à développer une « innovation par l’expérience », selon les mots de son
fondateur Christophe Rebours, en construisant un design de l’expérience qui s’appuie non seulement sur
l’observation des usagers en situation, mais également sur la scénarisation d’expériences idéales et de busi-
ness models innovants. Ce dernier point mobilise la capacité des designers de l’agence InProcess à travailler
sur une matière vivante, alimentée par les observations ethnographiques, les attentes des clients, les connais-
sances acquises au fil des différents projets, leurs intuitions, les problèmes de sociétés, les solutions existant
déjà dans d’autres secteurs, etc.
En fin de projet, plusieurs scénarios sont proposés aux acteurs sollicitant les services de l’agence. Mais le
choix des scénarios et le développement des idées n’est pas fait par l’agence InProcess et les métiers du de-
sign et des Sciences humaines. Ils ne détiennent pas le pouvoir de la décision finale. Le travail des acteurs de
l’agence se situe ainsi très en amont dans le processus de production des innovations. Ce n’est donc pas for-
cément la meilleure idée qui sera développée, mais potentiellement la moins coûteuse, ou bien celle qui sé-
duira le plus le décisionnaire final, ou encore celle qui sera la plus simple à produire ou même celle qui sera
estimée comme la plus acceptable par les différents départements de l’entreprise sans provoquer trop de ré-
sistances.
L’agence a ainsi travaillé sur le nouveau chariot des grandes surfaces de la marque Carrefour. À travers les
observations de terrain des anthropologues, les designers ont ainsi imaginé un chariot faisant écho aux pra-
tiques des usagers en situation en répondant aux attentes et aux contraintes auxquelles ils sont soumis. Des
enseignements de la phase ethnographique, comme la présence des enfants au moment de faire les courses
ou encore la question des sacs plastiques qui ne sont plus fournis gratuitement en caisse et que les usagers
doivent penser à apporter, sont autant de signaux faibles ayant servi de base à l’invention d’un prototype de
chariot pour Carrefour. Cependant le sociologue Norbert Alter rappelle que pour qu’il y ait innovation il ne
suffit pas d’inventer, il faut que l’invention se traduise en nouvelles pratiques sociales (2000). Or du fait de
son coût de fabrication trop élevé, le produit final imaginé par les designers de l’agence et retenu par les
acteurs du projet chez Carrefour a été abandonné. Il en est resté au stade de l’invention et ne représente donc
pas une innovation, comme cela est bien souvent le cas dans la vie réelle.
Cet exemple illustre bien toute la complexité du processus de production des innovations sur lequel nous
allons à présent nous arrêter pour interroger les forces qui favorisent ou non l’innovation sociale à partir de
l’analyse de dispositifs mis en place au sein d’une agence d’innovation comme InProcess ou dans un disposi-
tif tel que la Chaire IDIS.
L’innovation est un processus social long et rugueux
Selon l’anthropologue Dominique Desjeux, on distingue trois moments dans l’innovation qui ne sont pas
linéaires : l’invention, le processus social de diffusion de l’invention, et la réception. L’invention est le mo-
ment de la création d’une idée nouvelle, d’un produit ou d’un service nouveau. L’idée nouvelle peut venir de
l’interne de l’entreprise ou d’une Start up ou d’une agence extérieure, aussi bien de la R&D ou de la C&I
(connexion et innovation) que du marketing, et du bas ou du haut de l’organigramme. L’invention est un
déclencheur plus ou moins inattendu de changement dans l’organisation, et donc du processus social de dif-
fusion de la nouveauté. C’est un mouvement souvent sans ordre apparent et fait d’allers et retours entre ac-
teurs. C’est le moment de la transformation de l’invention en innovation qui fait que le changement va opérer
ou pas. Au cours du processus de diffusion, l’invention se transforme. Elle est réinterprétée par les différents
acteurs en fonction de leurs contraintes, de leurs intérêts ou de leur vision du monde. Paradoxalement la réin-
terprétation de l’invention par les différentes parties prenantes de l’invention représente une des conditions
de sa réappropriation sociale et donc de sa diffusion. Le processus social de diffusion de l’invention consti-
tue un moment fort de l’innovation. C’est à ce moment-là que tout se joue, car l’invention peut tout aussi
bien être acceptée, intégrée, mise en attente ou rejetée. Le troisième moment de l’innovation est celui de la
réception. Il concerne directement les usagers finaux, que ceux-ci soient des professionnels ou des consom-
mateurs dans leur espace domestique. C’est lui qui permet finalement à l’invention de devenir une innova-
tion. L’innovation est donc un processus dans le temps qui relève de jeux d’acteurs, comme le montre depuis
les années soixante l’analyse stratégique de Michel Crozier en sociologie, d’acteurs en réseaux, comme le
montrent Bruno Latour, Michel Callon, et Madeleine Akrich (2006), ou d’un jeu entre du matériel, du social
et du symbolique comme le montre l’anthropologie (Desjeux, 2011).
C’est cet enchevêtrement entre de la culture matérielle, des relations de pouvoir et de coopération, du symbo-
lique et des valeurs, qui explique que quand on regarde le processus de production des innovations à une
échelle macro-sociale, le processus a l’air fluide, mais quand on le regarde à une échelle micro-sociale ou
méso-sociale, on voit bien que c’est un processus rugueux qui est empreint de nombreuses relations de pou-
voir qui impliquent des négociations importantes notamment au cours de la phase de diffusion. Qu’il en-
gendre des conflits ou de la coopération, le processus de production des innovations est un processus impré-
visible qui relève d’une série d’agrégations de micro-décisions entre acteurs. On ne peut pas dire à l’avance
ce qui va passer ou ne pas passer (Desjeux, 2004).
L’innovation suppose des négociations importantes entre les acteurs d’un même réseau
C’est ce à quoi va se trouver confrontée la Chaire IDIS à l’échelle du territoire champardennais. Ce qui est
normal. La coopération de différents acteurs au sein d’un même réseau n’est pas un processus fluide que l’on
peut anticiper à l’avance. Le dispositif de partenariat entre des acteurs locaux, avec des compétences com-
plémentaires, est un moyen de gérer au mieux la compétition éventuelle entre acteurs. Et c’est justement
dans le creuset des négociations entre les différents acteurs de ce même réseau que va se construire petit à
petit l’innovation. On est bien dans ce que Norbert Alter (2000) appelle des « processus collectifs créateurs »
et qu’il oppose à des « inventions dogmatiques » où il n’y a pas de phase d’appropriation. Cela implique que
les designers de la Chaire IDIS, se fixant pour objectifs la création d’objets industriels ou artisanaux nou-
veaux, et à terme, la diversification de l’activité de production industrielle en région champardennaise, se
trouveront confrontés à des acteurs locaux qui n’accepteront pas leurs inventions à l’état brut. Pour que ces
inventions deviennent des innovations sociales, les acteurs de l’économie locale devront se l’approprier, tout
comme les usagers finaux pour lesquels ces mêmes inventions sont imaginées, développées et produites.
Dans chaque processus de production des innovations, on observe que des éléments sont gardés, d’autres
supprimés ou réinterprétés. C’est ce qui fait que l’innovation ne ressemble jamais véritablement à ce qui
avait été imaginé au départ.
A l’occasion de l’inauguration, nous avons noté l’engagement des acteurs de la Chaire IDIS à répondre aux
enjeux de la société grâce à la mobilisation d’utopies pour nourrir les expériences de demain. A la lumière de
notre expérience professionnelle chez InProcess et d’un regard sociologique sur le processus de production
des innovations, nous rappelons dans ce papier que les « imaginaires messianiques » qui nourrissent la pro-
duction des innovations, s’ils sont nécessaires, notamment pour alimenter la force créative de la phase
d’invention, deviennent moins opérationnels au moment des choix stratégiques sous contraintes qui condui-
sent soit à l’abandon du projet soit à des solutions plus réalistes socialement.
Il n’en reste pas moins que la démarche des acteurs de la Chaire IDIS s’inscrit dans une nouvelle manière de
travailler ensemble, à l’échelle locale, et qu’elle est en ce sens porteuse de nouveaux possibles, notamment
dans la manière de coopérer et de négocier des pratiques sociales innovantes, par le biais des nouveaux ob-
jets industriels et business models associés dont elle sera à l’origine, en partenariat avec les acteurs concernés
du réseau.
InProcess mise sur une innovation collaborative avec des clusters à thèmes
InProcess s’est aussi lancé depuis quelques années dans des projets engageant des acteurs industriels non
concurrents sur des thématiques de société aussi diversifiées que la mobilité, l’habitat, ou la santé, en paral-
lèle des projets d’innovations qu’elle mène sous commandes auprès de Grands Comptes. Nous aimerions
revenir sur le programme d’innovation mené sur l’habitat pour illustrer l’intérêt d’un travail pluridiscipli-
naire et en réseau, et la complexité du processus de production des innovations.
Le dispositif de gestion de l’innovation associé à ces programmes d’innovation chez InProcess comprend
une dizaine d’industries non concurrentes, représentant différents secteurs de l’habitat. L’usager final est
présenté aux entreprises comme le véritable client du projet qui est, à peu de chose près, le même pour cha-
cune des entreprises représentées. Ce programme vise l’émergence de scénarios d’expériences innovants
nécessitant la collaboration de plusieurs secteurs d’activité. Un tel programme suggère ainsi que des entre-
prises différentes « s’apprivoisent » et que la réponse aux problèmes ou attentes non résolus des usagers
finaux vienne de l’association de plusieurs d’entre elles. Au final, le fait de multiplier les partenaires autour
de la table oblige les industries concernées à prendre du recul par rapport aux questions qu’elles se posent,
mais aussi à focaliser leur attention sur les usagers en bout de course.
Pour mener à bien ce projet, nous avons observé de manière ethnographique, c’est-à-dire dans les cuisines,
les livings ou les salles de bain, les pratiques et les problèmes non résolus des habitants d’une vingtaine de
foyers. Un montage vidéo portant sur les pratiques et les interactions au sein de la famille et du couple a
permis aux partenaires du programme d’innovation de se familiariser avec les façons de vivre et les usages
parfois surprenants de leurs produits. Nous avons ainsi créé une rencontre inédite entre la vie quotidienne des
habitants en question et les représentants des secteurs marketing, innovation et design, d’une dizaine
d’industries. En connectant les usagers finaux et les industries par le biais de la vidéo, en poussant les clients
à réfléchir aux enjeux d’innovation associés aux tensions émergentes, nous avons ainsi créé les conditions
sociales de négociations favorisant la transformation des problèmes en leviers d’actions. A partir de là, nous
avons identifié des territoires d’opportunités, des espaces de nouveaux possibles, à travailler en phase de
créativité, avec les métiers des sciences humaines et sociales et du design, mais également avec les industries
partenaires.
L’abolition des frontières et des limites du possible par les designers lors des workshops de créativité, favo-
rise la transgression des normes par les clients, notamment parce que l’innovation de rupture est justement
un processus qui engage de la déviance. Norbert Alter (2000) nous rappelle ainsi que tout processus
d’innovation suppose une inversion des normes, la disparition d’un jugement prédominant. L’innovation
suppose de la transgression, mais la transgression a un coût humain et comporte un risque, celui d’être rejeté.
Ceci explique à la fois l’importance de l’imaginaire pour essayer d’échapper aux contraintes de la réalité, et
la difficulté de s’éloigner de la facilité pour résoudre un besoin ou une attente non résolue.
Les designers ont ensuite utilisé les données collectées sur le terrain par les ethnologues pour balayer la di-
versité des contraintes rencontrées par les usagers en situation, afin de garantir la pertinence des scénarios
d’expériences idéales et de les transformer en potentialités. En effet, ces scénarios doivent répondre aux pro-
blèmes non résolus du quotidien observés à partir des usages et qui sont traduits en termes de besoins et
d’attentes des usagers. Une idée intéressante peut alors se décliner en une diversité d’expériences poten-
tielles. Mais la décision finale, le choix du scénario, de l’idée, n’est plus du seul ressort du designer, de
l’ethnologue, ou plus généralement de l’agence, et ce n’est pas toujours la meilleure idée qui est développée,
mais celle qui séduit toutes les parties prenantes, ou bien qui est la moins coûteuse, comme nous l’avons déjà
souligné plus haut.
L’appropriation de la matière produite dans ces clusters varie en fonction des acteurs et des situations
Dans le cadre de ce programme, une fois le projet terminé et les scénarios d’expériences et de business mo-
dels illustrés par les designers, tous les partenaires n’ont pas réussi à s’approprier la matière et à faire passer
l’invention au stade de l’innovation. Certains par manque de temps, de conviction ou d’énergie, face à
l’immensité de la tâche à accomplir. D’autres parce qu’ils ont échoué à convaincre les décisionnaires de leur
entreprise. Mais chez la plupart des partenaires concernés, des bribes d’idées ont fait leur bout de chemin.
Parfois la manière de travailler a suscité autant d’intérêt que la matière produite en réseau. Au final, certaines
industries, après avoir retravaillé la matière en interne dans leur entreprise, sont allés jusqu’au prototype de
certaines intuitions. D’autres ont revu le processus de management de leur projet d’innovation.
La participation à un tel programme d’innovation est une belle leçon d’humilité. Elle nous engage non pas à
souhaiter la disparition des aspirations utopistes de nos entreprises d’innovations, car elles favorisent la créa-
tivité nécessaire au champ de l’innovation, mais à rester lucide et pragmatique quant à une adoption fidèle de
nos inventions, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Bibliographie
AKRICH Madeleine, CALLON Michel et LATOUR Bruno (dir.), 2006, Sociologie de la traduction : textes
fondateurs, Paris : Mines ParisTech, les Presses, coll. Sciences sociales.
ALTER, Norbert, 2000. L’innovation ordinaire. Paris : PUF.
DESJEUX Dominique, 2004, Les sciences sociales, Paris : PUF, coll. Que sais-je ?
DESJEUX, Dominique, 2011, « Les chemins inattendus de l'innovation. De la création en entreprise à la
réception dans l'espace domestique », in Bloch A. & S. Morin Delerm (dir.), Innovation et création d'entre-
prise. De l'idée à l'organisation. Paris : Eska.
GAGLIO, Gerald, 2012, Sociologie de l’innovation, Paris : PUF.
GRANGE Zoé, 2013, « Les biffins et les temps des c(e)rises : production et négociation d’un espace pour la
consommation maline », in CLOCHARD Fabrice, DESJEUX Dominique (dir.), Le consommateur malin
face à la crise, tome 1 : le cadrage du client et les marges de manœuvre du consommateur, p. 145-162.
VIAL, Stéphane, 2015, Le design. Paris : PUF.
Biographie
Zoé Grange est titulaire d’un master recherche en anthropologie à l’université Lyon 2 et d’un docto-
rat professionnel en Sciences Humaines et Sociales à l’université Paris Descartes.
Elle a beaucoup travaillé sur la question des déchets en France et en Amérique Latine et plus particu-
lièrement sur la gestion sociale et alternative de ces derniers ainsi que sur les dispositifs d’innovations
sociales associés.
Dans le cadre d’une thèse en contrat CIFRE chez InProcess, sous la direction du professeur Domi-
nique Desjeux, elle s’intéresse depuis 2011, aux conditions sociales de production, de diffusion et de
réception de l’anthropologie dans le processus de production des innovations en milieu professionnel.
Ses travaux de recherches s’appuient sur son expérience au sein de l’agence InProcess et sur un pro-
gramme d’innovation collaboratif mené en 2012 et 2013 sur l’habitat avec une dizaine de partenaires
industriels, au sein duquel elle repose le problème de la production des innovations dans l’espace do-
mestique à partir d’une approche résolument anthropologique.

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Le métissage de l’anthropologie et du design au service de l’innovation pour et par l’usage

  • 1. Le métissage de l’anthropologie et du design au service de l’innovation pour et par l’usage Zoé Grange, Dominique Desjeux, Christophe Rebours Le renouveau du design contemporain prend Chaire à l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Reims L’inauguration d’une Chaire Industrie, Design et Innovation Sociale (IDIS), au sein de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de Reims, est un événement important pour la communauté des designers et pour l’économie locale de la région champardennaise. Elle semble en effet constituer une réponse concrète aux réflexions actuelles des designers sur leur discipline (Vial, 2015). Les acteurs de la Chaire IDIS participent ainsi pleinement au renouveau du design contemporain en se rapprochant des acteurs de l’économie locale et en leur proposant un savoir-faire et des compétences plus larges que celles du design industriel classique. Ils s’émancipent ainsi d’un design focalisé seulement sur l’esthétique des objets pour adopter un design appor- tant des solutions aux problèmes existants. Un design au service des hommes et de la société. Un design conscient des problématiques sociales, économiques et écologiques actuelles. Pour cela, ils proposent de tisser des liens entre les artisans, les PME, les industriels, les chercheurs, les écoles, les universités, les associations, et les designers de la région champardennaise et de participer au dé- veloppement d’une économie locale responsable. Leur initiative s’inscrit donc aussi dans un cadre politique. Ils deviennent non seulement moteurs dans le processus de production des innovations de l’économie locale, mais également engagés dans un monde en crise qui voit ses matières premières diminuer et se raréfier dan- gereusement, ce qui demande de développer une innovation complexe à base d’économie circulaire et de recyclage (Grange, 2013). Dans cet article, nous aimerions interroger le dispositif de la Chaire IDIS à la lumière de notre expérience de designer et d’anthropologue dans une agence d’innovation, et de notre intérêt pour les questions portant sur l’innovation, la consommation et les organisations, dans le cadre d’une thèse CIFRE au sein de l’agence InProcess. Le design contemporain s’intéresse aux sciences humaines et notamment à l’anthropologie Revenons d’abord sur les différents usages de l’anthropologie depuis ses origines jusqu’à nos jours. En réalité, l’anthropologie est une discipline qui s’est d’abord intéressée aux populations dites « exotiques » par curiosité. Cela a donné naissance à des comptes rendus d’explorateurs pour des sociétés savantes qui ont suscité des débats sur les races et la supposée supériorité des unes sur les autres, notamment en termes phy- siques. Elle s’est ensuite développée avec la colonisation et les missionnaires. La compréhension des popula- tions locales devait ainsi faciliter le processus de colonisation et visait à justifier la conquête coloniale et la recherche de la conversion des « païens », ce qui représente déjà un processus de diffusion des innovations. Par la suite, elle a notamment été utilisée pour mieux comprendre les chances de réussite ou d’échec des projets de développement. Aujourd’hui, une partie de l’anthropologie continue de travailler sur les communautés culturelles en France et à l’international, et une autre opère dans les entreprises pour faciliter et la compréhension des cultures entre elles (management interculturel) et les processus de décision, d’innovation et de consommation. Une partie de ces approches ont un point commun : comprendre la logique matérielle, sociale et culturelle des groupes sociaux étudiés, voire les logiques du changement et des innovations qui émergent d’une société ou qui s’imposent à elle. C’est ce qui peut expliquer l’intérêt des designers pour l’anthropologie. En réalité, quel que soit son objet d’étude, l’anthropologie s’appuie sur l’enquête de terrain pour observer et analyser des usages sur les lieux de leurs pratiques. Or une partie du design contemporain, dans son évolu- tion paradigmatique, s’intéresse aujourd’hui autant aux utilisateurs qu’aux objets en usage. L’ouverture d’une agence comme InProcess aux métiers des Sciences humaines, et notamment à une disci- pline telle que l’anthropologie, fait donc écho au souhait des acteurs de la Chaire IDIS de rompre avec l’image tenace du designer qui prédomine encore aujourd’hui communément et qui le considère uniquement
  • 2. comme un cosméticien de formes industrielles. Les projets de l’agence InProcess conçoivent d’ailleurs des produits ou services parfois entièrement dématérialisés. On est donc loin de l’image du designer travaillant sur l’esthétique d’un produit. À travers chaque projet, l’agence entend ainsi répondre aux attentes des diffé- rents acteurs qui la sollicitent en focalisant son attention d’abord sur les usagers en situation et sur les con- traintes et tensions à résoudre en situation d’usage plutôt que sur les seuls objets ou services en question. Or cette approche est rendue possible grâce au travail des sciences humaines, et notamment de l’anthropologie, en amont. Le design contemporain alimente fortement le champ de l’innovation En mobilisant les Sciences humaines en amont de leur travail de créativité, les designers de l’agence embras- sent également un concept majeur dans l’évolution du design, celui de projet. Ils inscrivent ainsi leur disci- pline dans une perspective plus large : l’innovation. Le métissage du design et de l’anthropologie favorise ainsi l’émergence de nouveaux métiers au service de l’innovation. On retrouve aussi le choix de cette pluri- disciplinarité au service de l’innovation et de l’économie locale dans un dispositif comme celui de la Chaire IDIS, à travers notamment un partenariat avec le Living Lab de l’Université de Technologies de Troyes. À travers le concept de projet, le travail d’une agence comme InProcess s’applique à résoudre des problèmes micro-sociaux, liés aux contraintes et tensions non résolues des usagers finaux ; des problèmes méso- sociaux, liés aux attentes socio-économiques des entreprises ; et des problèmes macro-sociaux, liés aux réali- tés socio-économiques et écologiques de notre monde (cf. sur les échelles d’observation, Desjeux, 2004). Les métiers du design et des sciences humaines au service des projets d’innovation de l’agence InProcess partici- pent ainsi à la construction de business models innovants pour les industries concernées, la société et les hommes qui la composent. Ils s’emploient à créer de la valeur pour chacune des échelles d’observations que nous venons de mentionner. Aujourd’hui, l’innovation ne peut en effet plus se limiter à l’invention de nouveaux produits et de nouveaux services. Elle doit résoudre des problèmes récurrents de la vie quotidienne, tenir compte des économies d’énergies et de matières premières, et porter des business models plus économes dont on n’a pas forcément encore tous les tenants et aboutissants. Le business model basé uniquement sur l’obsolescence programmée des produits n’est plus la seule option possible aujourd’hui. De fait, les pratiques d’innovation classiques, centrées sur la marque, la communica- tion publicitaire et l’esthétisation, ne suffisent plus. La compréhension des usages et des pratiques sociales des consommateurs pour concevoir les produits, services et expériences de demain semble ainsi devenue essentielle. C’est ce que le monde industriel réalise aujourd’hui. Le contexte actuel a ainsi obligé de nom- breuses entreprises à repenser leurs modes de fonctionnement et à déplacer leur regard pour innover et rester compétitives. C’est dans ce contexte que les sociologues et ethnologues spécialistes de la consommation et des innovations sont amenés à intervenir. L’anthropologie est en effet utile quand il faut innover alors que les régularités, les standards ou les routines qui fondent l’activité et la rentabilité d’une entreprise ou d’un secteur ne suffisent plus à donner de réponse face au monde qui change (Desjeux, 2011). L’agence InProcess partage ainsi avec les acteurs de la Chaire IDIS le souhait de s’émanciper d’une ap- proche classique du design industriel, mais également l’ambition de donner aux innovations industrielles une dimension plus sociale. Ce que fait l’agence InProcess en adoptant une approche centrée sur l’utilisateur, par le biais des Sciences humaines, et notamment de l’anthropologie. La clé de l’innovation réside dans la capa- cité des entreprises et des acteurs concernés à résoudre des problèmes de la vie quotidienne. Dans cette ac- ceptation, l’innovation relève plus d’un changement qui mobilise les différents départements de l’organisation (logistique, processus de fabrication, financements, identités professionnelles, etc.) que d’une idée nouvelle qui se déploierait de façon fluide entre les acteurs sociaux. Mais elle suppose aussi une adop- tion, une rencontre entre un artefact et un milieu social donné (Gaglio, 2011). Innover c’est traverser un champ de forces.
  • 3. Le design contemporain reste ancré dans des systèmes d’actions complexes L’agence InProcess s’emploie ainsi à développer une « innovation par l’expérience », selon les mots de son fondateur Christophe Rebours, en construisant un design de l’expérience qui s’appuie non seulement sur l’observation des usagers en situation, mais également sur la scénarisation d’expériences idéales et de busi- ness models innovants. Ce dernier point mobilise la capacité des designers de l’agence InProcess à travailler sur une matière vivante, alimentée par les observations ethnographiques, les attentes des clients, les connais- sances acquises au fil des différents projets, leurs intuitions, les problèmes de sociétés, les solutions existant déjà dans d’autres secteurs, etc. En fin de projet, plusieurs scénarios sont proposés aux acteurs sollicitant les services de l’agence. Mais le choix des scénarios et le développement des idées n’est pas fait par l’agence InProcess et les métiers du de- sign et des Sciences humaines. Ils ne détiennent pas le pouvoir de la décision finale. Le travail des acteurs de l’agence se situe ainsi très en amont dans le processus de production des innovations. Ce n’est donc pas for- cément la meilleure idée qui sera développée, mais potentiellement la moins coûteuse, ou bien celle qui sé- duira le plus le décisionnaire final, ou encore celle qui sera la plus simple à produire ou même celle qui sera estimée comme la plus acceptable par les différents départements de l’entreprise sans provoquer trop de ré- sistances. L’agence a ainsi travaillé sur le nouveau chariot des grandes surfaces de la marque Carrefour. À travers les observations de terrain des anthropologues, les designers ont ainsi imaginé un chariot faisant écho aux pra- tiques des usagers en situation en répondant aux attentes et aux contraintes auxquelles ils sont soumis. Des enseignements de la phase ethnographique, comme la présence des enfants au moment de faire les courses ou encore la question des sacs plastiques qui ne sont plus fournis gratuitement en caisse et que les usagers doivent penser à apporter, sont autant de signaux faibles ayant servi de base à l’invention d’un prototype de chariot pour Carrefour. Cependant le sociologue Norbert Alter rappelle que pour qu’il y ait innovation il ne suffit pas d’inventer, il faut que l’invention se traduise en nouvelles pratiques sociales (2000). Or du fait de son coût de fabrication trop élevé, le produit final imaginé par les designers de l’agence et retenu par les acteurs du projet chez Carrefour a été abandonné. Il en est resté au stade de l’invention et ne représente donc pas une innovation, comme cela est bien souvent le cas dans la vie réelle. Cet exemple illustre bien toute la complexité du processus de production des innovations sur lequel nous allons à présent nous arrêter pour interroger les forces qui favorisent ou non l’innovation sociale à partir de l’analyse de dispositifs mis en place au sein d’une agence d’innovation comme InProcess ou dans un disposi- tif tel que la Chaire IDIS. L’innovation est un processus social long et rugueux Selon l’anthropologue Dominique Desjeux, on distingue trois moments dans l’innovation qui ne sont pas linéaires : l’invention, le processus social de diffusion de l’invention, et la réception. L’invention est le mo- ment de la création d’une idée nouvelle, d’un produit ou d’un service nouveau. L’idée nouvelle peut venir de l’interne de l’entreprise ou d’une Start up ou d’une agence extérieure, aussi bien de la R&D ou de la C&I (connexion et innovation) que du marketing, et du bas ou du haut de l’organigramme. L’invention est un déclencheur plus ou moins inattendu de changement dans l’organisation, et donc du processus social de dif- fusion de la nouveauté. C’est un mouvement souvent sans ordre apparent et fait d’allers et retours entre ac- teurs. C’est le moment de la transformation de l’invention en innovation qui fait que le changement va opérer ou pas. Au cours du processus de diffusion, l’invention se transforme. Elle est réinterprétée par les différents acteurs en fonction de leurs contraintes, de leurs intérêts ou de leur vision du monde. Paradoxalement la réin- terprétation de l’invention par les différentes parties prenantes de l’invention représente une des conditions de sa réappropriation sociale et donc de sa diffusion. Le processus social de diffusion de l’invention consti- tue un moment fort de l’innovation. C’est à ce moment-là que tout se joue, car l’invention peut tout aussi bien être acceptée, intégrée, mise en attente ou rejetée. Le troisième moment de l’innovation est celui de la réception. Il concerne directement les usagers finaux, que ceux-ci soient des professionnels ou des consom- mateurs dans leur espace domestique. C’est lui qui permet finalement à l’invention de devenir une innova- tion. L’innovation est donc un processus dans le temps qui relève de jeux d’acteurs, comme le montre depuis les années soixante l’analyse stratégique de Michel Crozier en sociologie, d’acteurs en réseaux, comme le
  • 4. montrent Bruno Latour, Michel Callon, et Madeleine Akrich (2006), ou d’un jeu entre du matériel, du social et du symbolique comme le montre l’anthropologie (Desjeux, 2011). C’est cet enchevêtrement entre de la culture matérielle, des relations de pouvoir et de coopération, du symbo- lique et des valeurs, qui explique que quand on regarde le processus de production des innovations à une échelle macro-sociale, le processus a l’air fluide, mais quand on le regarde à une échelle micro-sociale ou méso-sociale, on voit bien que c’est un processus rugueux qui est empreint de nombreuses relations de pou- voir qui impliquent des négociations importantes notamment au cours de la phase de diffusion. Qu’il en- gendre des conflits ou de la coopération, le processus de production des innovations est un processus impré- visible qui relève d’une série d’agrégations de micro-décisions entre acteurs. On ne peut pas dire à l’avance ce qui va passer ou ne pas passer (Desjeux, 2004). L’innovation suppose des négociations importantes entre les acteurs d’un même réseau C’est ce à quoi va se trouver confrontée la Chaire IDIS à l’échelle du territoire champardennais. Ce qui est normal. La coopération de différents acteurs au sein d’un même réseau n’est pas un processus fluide que l’on peut anticiper à l’avance. Le dispositif de partenariat entre des acteurs locaux, avec des compétences com- plémentaires, est un moyen de gérer au mieux la compétition éventuelle entre acteurs. Et c’est justement dans le creuset des négociations entre les différents acteurs de ce même réseau que va se construire petit à petit l’innovation. On est bien dans ce que Norbert Alter (2000) appelle des « processus collectifs créateurs » et qu’il oppose à des « inventions dogmatiques » où il n’y a pas de phase d’appropriation. Cela implique que les designers de la Chaire IDIS, se fixant pour objectifs la création d’objets industriels ou artisanaux nou- veaux, et à terme, la diversification de l’activité de production industrielle en région champardennaise, se trouveront confrontés à des acteurs locaux qui n’accepteront pas leurs inventions à l’état brut. Pour que ces inventions deviennent des innovations sociales, les acteurs de l’économie locale devront se l’approprier, tout comme les usagers finaux pour lesquels ces mêmes inventions sont imaginées, développées et produites. Dans chaque processus de production des innovations, on observe que des éléments sont gardés, d’autres supprimés ou réinterprétés. C’est ce qui fait que l’innovation ne ressemble jamais véritablement à ce qui avait été imaginé au départ. A l’occasion de l’inauguration, nous avons noté l’engagement des acteurs de la Chaire IDIS à répondre aux enjeux de la société grâce à la mobilisation d’utopies pour nourrir les expériences de demain. A la lumière de notre expérience professionnelle chez InProcess et d’un regard sociologique sur le processus de production des innovations, nous rappelons dans ce papier que les « imaginaires messianiques » qui nourrissent la pro- duction des innovations, s’ils sont nécessaires, notamment pour alimenter la force créative de la phase d’invention, deviennent moins opérationnels au moment des choix stratégiques sous contraintes qui condui- sent soit à l’abandon du projet soit à des solutions plus réalistes socialement. Il n’en reste pas moins que la démarche des acteurs de la Chaire IDIS s’inscrit dans une nouvelle manière de travailler ensemble, à l’échelle locale, et qu’elle est en ce sens porteuse de nouveaux possibles, notamment dans la manière de coopérer et de négocier des pratiques sociales innovantes, par le biais des nouveaux ob- jets industriels et business models associés dont elle sera à l’origine, en partenariat avec les acteurs concernés du réseau. InProcess mise sur une innovation collaborative avec des clusters à thèmes InProcess s’est aussi lancé depuis quelques années dans des projets engageant des acteurs industriels non concurrents sur des thématiques de société aussi diversifiées que la mobilité, l’habitat, ou la santé, en paral- lèle des projets d’innovations qu’elle mène sous commandes auprès de Grands Comptes. Nous aimerions revenir sur le programme d’innovation mené sur l’habitat pour illustrer l’intérêt d’un travail pluridiscipli- naire et en réseau, et la complexité du processus de production des innovations. Le dispositif de gestion de l’innovation associé à ces programmes d’innovation chez InProcess comprend une dizaine d’industries non concurrentes, représentant différents secteurs de l’habitat. L’usager final est présenté aux entreprises comme le véritable client du projet qui est, à peu de chose près, le même pour cha-
  • 5. cune des entreprises représentées. Ce programme vise l’émergence de scénarios d’expériences innovants nécessitant la collaboration de plusieurs secteurs d’activité. Un tel programme suggère ainsi que des entre- prises différentes « s’apprivoisent » et que la réponse aux problèmes ou attentes non résolus des usagers finaux vienne de l’association de plusieurs d’entre elles. Au final, le fait de multiplier les partenaires autour de la table oblige les industries concernées à prendre du recul par rapport aux questions qu’elles se posent, mais aussi à focaliser leur attention sur les usagers en bout de course. Pour mener à bien ce projet, nous avons observé de manière ethnographique, c’est-à-dire dans les cuisines, les livings ou les salles de bain, les pratiques et les problèmes non résolus des habitants d’une vingtaine de foyers. Un montage vidéo portant sur les pratiques et les interactions au sein de la famille et du couple a permis aux partenaires du programme d’innovation de se familiariser avec les façons de vivre et les usages parfois surprenants de leurs produits. Nous avons ainsi créé une rencontre inédite entre la vie quotidienne des habitants en question et les représentants des secteurs marketing, innovation et design, d’une dizaine d’industries. En connectant les usagers finaux et les industries par le biais de la vidéo, en poussant les clients à réfléchir aux enjeux d’innovation associés aux tensions émergentes, nous avons ainsi créé les conditions sociales de négociations favorisant la transformation des problèmes en leviers d’actions. A partir de là, nous avons identifié des territoires d’opportunités, des espaces de nouveaux possibles, à travailler en phase de créativité, avec les métiers des sciences humaines et sociales et du design, mais également avec les industries partenaires. L’abolition des frontières et des limites du possible par les designers lors des workshops de créativité, favo- rise la transgression des normes par les clients, notamment parce que l’innovation de rupture est justement un processus qui engage de la déviance. Norbert Alter (2000) nous rappelle ainsi que tout processus d’innovation suppose une inversion des normes, la disparition d’un jugement prédominant. L’innovation suppose de la transgression, mais la transgression a un coût humain et comporte un risque, celui d’être rejeté. Ceci explique à la fois l’importance de l’imaginaire pour essayer d’échapper aux contraintes de la réalité, et la difficulté de s’éloigner de la facilité pour résoudre un besoin ou une attente non résolue. Les designers ont ensuite utilisé les données collectées sur le terrain par les ethnologues pour balayer la di- versité des contraintes rencontrées par les usagers en situation, afin de garantir la pertinence des scénarios d’expériences idéales et de les transformer en potentialités. En effet, ces scénarios doivent répondre aux pro- blèmes non résolus du quotidien observés à partir des usages et qui sont traduits en termes de besoins et d’attentes des usagers. Une idée intéressante peut alors se décliner en une diversité d’expériences poten- tielles. Mais la décision finale, le choix du scénario, de l’idée, n’est plus du seul ressort du designer, de l’ethnologue, ou plus généralement de l’agence, et ce n’est pas toujours la meilleure idée qui est développée, mais celle qui séduit toutes les parties prenantes, ou bien qui est la moins coûteuse, comme nous l’avons déjà souligné plus haut. L’appropriation de la matière produite dans ces clusters varie en fonction des acteurs et des situations Dans le cadre de ce programme, une fois le projet terminé et les scénarios d’expériences et de business mo- dels illustrés par les designers, tous les partenaires n’ont pas réussi à s’approprier la matière et à faire passer l’invention au stade de l’innovation. Certains par manque de temps, de conviction ou d’énergie, face à l’immensité de la tâche à accomplir. D’autres parce qu’ils ont échoué à convaincre les décisionnaires de leur entreprise. Mais chez la plupart des partenaires concernés, des bribes d’idées ont fait leur bout de chemin. Parfois la manière de travailler a suscité autant d’intérêt que la matière produite en réseau. Au final, certaines industries, après avoir retravaillé la matière en interne dans leur entreprise, sont allés jusqu’au prototype de certaines intuitions. D’autres ont revu le processus de management de leur projet d’innovation. La participation à un tel programme d’innovation est une belle leçon d’humilité. Elle nous engage non pas à souhaiter la disparition des aspirations utopistes de nos entreprises d’innovations, car elles favorisent la créa- tivité nécessaire au champ de l’innovation, mais à rester lucide et pragmatique quant à une adoption fidèle de nos inventions, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
  • 6. Bibliographie AKRICH Madeleine, CALLON Michel et LATOUR Bruno (dir.), 2006, Sociologie de la traduction : textes fondateurs, Paris : Mines ParisTech, les Presses, coll. Sciences sociales. ALTER, Norbert, 2000. L’innovation ordinaire. Paris : PUF. DESJEUX Dominique, 2004, Les sciences sociales, Paris : PUF, coll. Que sais-je ? DESJEUX, Dominique, 2011, « Les chemins inattendus de l'innovation. De la création en entreprise à la réception dans l'espace domestique », in Bloch A. & S. Morin Delerm (dir.), Innovation et création d'entre- prise. De l'idée à l'organisation. Paris : Eska. GAGLIO, Gerald, 2012, Sociologie de l’innovation, Paris : PUF. GRANGE Zoé, 2013, « Les biffins et les temps des c(e)rises : production et négociation d’un espace pour la consommation maline », in CLOCHARD Fabrice, DESJEUX Dominique (dir.), Le consommateur malin face à la crise, tome 1 : le cadrage du client et les marges de manœuvre du consommateur, p. 145-162. VIAL, Stéphane, 2015, Le design. Paris : PUF. Biographie Zoé Grange est titulaire d’un master recherche en anthropologie à l’université Lyon 2 et d’un docto- rat professionnel en Sciences Humaines et Sociales à l’université Paris Descartes. Elle a beaucoup travaillé sur la question des déchets en France et en Amérique Latine et plus particu- lièrement sur la gestion sociale et alternative de ces derniers ainsi que sur les dispositifs d’innovations sociales associés. Dans le cadre d’une thèse en contrat CIFRE chez InProcess, sous la direction du professeur Domi- nique Desjeux, elle s’intéresse depuis 2011, aux conditions sociales de production, de diffusion et de réception de l’anthropologie dans le processus de production des innovations en milieu professionnel. Ses travaux de recherches s’appuient sur son expérience au sein de l’agence InProcess et sur un pro- gramme d’innovation collaboratif mené en 2012 et 2013 sur l’habitat avec une dizaine de partenaires industriels, au sein duquel elle repose le problème de la production des innovations dans l’espace do- mestique à partir d’une approche résolument anthropologique.