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Harapan*
         Le soleil venait de se coucher. Immobile à la proue de son navire, le jeune garçon
contemplait une dernière fois les lueurs du port de Makassar. Il avait l’intime conviction que
ce voyage allait définitivement changer sa vie.
         Il ne savait pas quels sentiments il devait avoir : tristesse, mélancolie, bonheur,
exaltation, espoir, peur ? Tout se mélangeait dans sa tête. Cependant, il le sentait : il avait
peur. Peur de l’inconnu.
         Sa vie passée ressemblait étrangement à cette mer qui peut être à la fois douce et
tranquille et soudainement, coléreuse et dangereuse. Cette mer ressemblait vraiment à sa
vie… Au départ, une vie douce et agréable auprès d’un père et d’une mère aimante, des
parents humbles et pauvres mais tellement rassurants. Il avait grandi dans un petit village
proche de Makassar. Maman tissait. C’était la meilleure ouvrière, disait-on au village. Et Papa
travaillait au champ avec Waka, le buffle d’eau. Puis la guerre était arrivée et comme une
tempête en pleine mer, soudaine et mortelle, tout était allé très vite : l’orage japonais s’était
abattu un jour sur la terre et Papa et Waka étaient morts. Presque en même temps. Liés pour
toujours dans le travail et dans la mort.
         Sa vie, comme la mer, s’était transformée : après le calme, la tempête s’était abattue
sur lui. Les Japonais étaient entrés dans le village de Wayan. Maman avait juste eu le temps
de le cacher puis plus rien. Maman avait disparu, emportée avec d’autres villageois par les
militaires. Wayan avait dû se débrouiller presque tout seul, aidé cependant par quelques
villageois qui avaient réussi comme lui à se cacher. Quelques années étaient passées.
Combien? Wayan ne s’en souvenait pas exactement, vivant au jour le jour, une journée
poussant une nuit puis une année en poussant une autre. La faim, la peur, la misère, les
soldats, quelquefois l’espoir, rarement le bonheur…Il ne savait même plus si il ne savait pas,
ou si il ne voulait pas savoir combien de temps s’était écoulé depuis la mort de son père et la
disparition de sa mère. Mais il vivait, survivait et c’était ça le plus important pour lui. Il vivait
dans le seul espoir qu’un jour, il retrouverait sa maman.
         Puis tout s’était enchainé : son oncle était arrivé un jour pour le chercher. Cet oncle,
Maman en avait souvent parlé. Les seules choses dont Wayan se souvenait sur cet oncle
étaient qu’il habitait très, très loin et que c’était “un grand homme”. La première fois qu’il
aperçut son oncle, Wayan le trouva plutôt petit mais très gentil et rassurant. Sentiment qu’il
n’avait plus ressenti depuis très longtemps. Après, les deux étaient partis vers la grande ville
de Makassar, si pleine de couleurs, de gens et de bruits. Et ils avaient pris le navire. Son oncle
savait donc où était partie Maman, Wayan en avait la conviction. Ils allaient la rejoindre, il en
était sûr.
         Cette peur de l’inconnu, il la chassa de sa tête dès qu’il se retourna une dernière fois
sur les lueurs de cette ville.
         Dos à la proue, il repartit vers sa cabine afin d’aller jouer une partie de Surakarta avec
son oncle : après quelques parties, Wayan regarda autour de lui, examina un par un les
quelques individus qui partageaient sa cabine. Wayan ignorait leurs noms et encore plus leurs
origines. Avant de s’assoupir il prit une grande bouchée d’air, émit un énorme soupir et
repensa une dernière fois à sa mère puis il éteignit les lumières après l’accord de ses voisins et
s’endormit.
         Sa première nuit en mer fut pleine de rêves. Des rêves merveilleux. Il revoyait son
père qui lui faisait de grands signes. Mais il n’arrivait pas à savoir si c’étaient des signes


* Harapan signifie « attente » ou « espoir » en indonésien
d’adieux. Puis il y avait Maman : son beau sourire, ses yeux pleins de tendresse et ses longs
cheveux noirs. Elle l’attendait, c’était sûr.

        Le navire voguait sur la mer des Célèbes. Son oncle expliquait à Wayan que les côtes,
au loin, très loin, étaient celles des Philippines.
        « Tu vois, Wayan, là-bas très loin, ce sont les Philippines, lui dit son oncle. C’est un
autre pays différent du tien. »
        « C’est quoi un pays ? » demanda Wayan
        Que répondre ? Son oncle était étonné et complètement déconcerté par la question de
Wayan. Depuis qu’il avait récupéré cet enfant, il ne s’était jamais rendu compte que Wayan
ne connaissait que l’instinct de survie. Que pouvait-il répondre à ce jeune garçon qui n’avait
connu, depuis trois ans, que les champs, la misère et la peur du lendemain ?
        Wayan était un inconnu pour lui. C’était le fils de sa sœur bien-aimée qu’il avait
quittée très tôt.
        Il prenait soudainement conscience que Wayan n’était jamais allé a l’école, qu’il ne
savait ni lire ni écrire. Wayan n’avait aucune instruction.
        Par cette question, son oncle se promit une chose. Le voyage en bateau allait être long.
Il en profiterait pour lui apprendre le plus simplement possible, la vie, le monde. Il tenterait
de lui donner un minimum d’instruction jusqu’à leur arrivée. Après, il savait quoi faire de
Wayan. Il allait changer sa vie.

        Le navire continuait sa route. La mer était plutôt belle. Wayan et son oncle avaient de
la chance. L’instruction commença. L’oncle était jour après jour surpris. Wayan avait une
telle soif de savoir. Il posait des questions incroyables. Tellement enfantines quelquefois mais
si souvent intelligentes. Toutes les nuits, l’oncle entendait Wayan parler tout seul, se répétant
en boucle ce qu’il avait appris la journée.

        Le navire passait près des Philippines et naviguait maintenant en mer de Chine. Le
voyage était long. La mer commençait à se former au large. Une énorme tempête éclata. Tout
le monde sur le bateau fut malade. Une énorme houle secouait le bateau. La mer était
déchainée et d’énormes vagues passaient par-dessus bord. Wayan et son oncle étaient dans la
cabine. Une odeur de vomi flottait à l’intérieur. Dormir pour passer le temps était difficile.
Sortir de la cabine ? Cela était impossible. Le ventre était trop noueux, le cœur trop serré.
Combien de temps durerait encore cet orage ? Ce calvaire dura plusieurs jours et plusieurs
nuits. Puis en pleine nuit, soudain, la tempête cessa, le navire s’équilibra. Le calme était
revenu.
        L’oncle et Wayan sortirent sur le pont. Que la mer était belle : calme, reposée, plate.
La pleine lune s’étendait sur les vaguelettes, au loin.
        Le lendemain, l’instruction reprit encore plus vite.
        Les jours passèrent. Un matin, l’oncle réveilla Wayan.
        « Réveille-toi, Wayan, je vais te montrer quelque chose. »
        Wayan suivit son oncle. L’oncle pointa du doigt vers l’horizon et dit à Wayan :
        « C’est là-bas ! Nous sommes bientôt arrivés… »
        Très loin, Wayan distingua des côtes. Son oncle lui expliqua que sa vie était là-bas,
dans ce pays : l’Indochine.

       Le bateau accosta sur le port de Saigon une semaine plus tard. Wayan n’en revenait
pas. Quelle effervescence ! Il y avait du monde partout sur le quai. Des petites carrioles tirées
par des hommes attendaient les passagers du bateau. Ce qui surprenait Wayan aussi, c’était
tous ces animaux : des poulets dans des cages en bois, des canards attachés les uns les autres
par terre. Des gens, des gens, des gens ! Wayan cherchait partout sa mère. Il était sûr qu’elle
l’attendait sur le quai. Il cherchait, cherchait mais ne la voyait pas.
        « Mon oncle, où est Maman ? Je ne la vois pas ? »
        « Viens par ici, mon garçon, quelqu’un nous attend de ce côté. »
        Wayan était très déçu. La personne qui les attendait n’était pas sa maman. C’était une
femme, très belle, mais pas sa mère, accompagnée par un jeune garçon de son âge. Plus grand
en taille avec un teint plus blanc.
        « Je te présente Khué, ma femme, et Minh, mon fils. Voici Wayan, mon neveu. »
        Ils montèrent dans une voiture. Wayan n’avait jamais vu une voiture. Cela avançait
tout seul, sans buffle devant et était très bruyant.
        « Nous allons à la maison. »
        Wayan n’en croyait pas ses yeux. Saigon était une ville magnifique. Des arbres
majestueux bordaient les routes du centre-ville. Ils arrivèrent devant une maison immense
avec un grand portail.
        « Te voici arrivé chez toi. Minh ? Montre-lui sa chambre ! »
         Wayan et Minh montèrent à l’étage. Minh ouvrit une porte.
        « Voilà ta chambre ! Je suis juste la porte à côté ! J’ai mis dans l’armoire les chemises
et les pantalons qui ne me vont plus. Ça tombe bien ! Tu es plus petit que moi ! Mes anciens
vêtements t’iront parfaitement. J’ai mis des chaussures dans ce petit placard. Tu redescends
souper dès que tu es changé ! »
        Et il referma la porte. Heureusement, Wayan avait appris ce qu’étaient des
chaussures ! Il se lava rapidement. Puis il se changea et descendit au premier.
        Son oncle, sa femme et Minh l’attendaient déjà dans le petit salon. Quelle
métamorphose ! Wayan était magnifique habillé de sa chemise blanche et de son short bleu.
        La soirée fut longue et délicieuse. Accompagné de temps en temps par les petits cris
des margouillats accrochés aux murs, l’oncle raconta son histoire : il avait quitté son pays
jeune, quitté sa famille, sa sœur. Il avait accosté en Indochine, des années auparavant. Il avait
beaucoup travaillé pour pouvoir se payer des études. Mais il y était arrivé. Il avait passé le
baccalauréat puis de grands diplômes. Il avait rencontré Khué, issue d’une grande et riche
famille de Hué. Puis il y avait eu Minh.
        Ensuite, les Japonais étaient venus en Indochine. Mais lui et sa famille ne risquaient
rien en Indochine car il avait des relations. Avec l’invasion japonaise, il avait tout de suite
compris que sa sœur, restée si loin, était en danger. Il était parti dès qu’il avait pu mais peut-
être trop tard. Et il avait retrouvé Wayan.
        Wayan écoutait son histoire. Des larmes coulaient le long de ses joues.
        « Et Maman alors ? Où est Maman ? Tu ne sais pas où est Maman ? »
        « Non, Wayan. Je ne sais pas. J’ai demandé à des amis de Hanoi. Ils peuvent peut-être
me renseigner pour savoir ce qui est arrivé à ta maman. Mais pour l’instant, je n’ai aucune
nouvelle. Wayan, je ne veux pas te laisser avec des illusions. Si je sais quoi que ce soit, je te
le dirai. Mais pour l’instant, j’attends des réponses. Espère toujours Wayan. L’espoir m’a
donné tout ce que je possède aujourd’hui. J’ai décidé de t’élever comme mon fils. Tu auras
une nouvelle vie à nos côtés. Nous sommes ta nouvelle famille. »
        Wayan alla se coucher. C’était la première fois qu’il dormait dans un vrai lit, avec des
draps. Il se mit à pleurer. Il aimait cet oncle, cette nouvelle famille, cette nouvelle vie, ce
nouveau pays. Mais ce n’était rien par rapport à l’amour qu’il avait pour sa mère. Il était sûr
qu’un jour il la retrouverait.
        Le temps passa.
        Wayan allait dans la meilleure école de Saigon et avait un précepteur pour lui faire
réviser les leçons du jour et l’avancer sur les leçons du lendemain. Il était très doué pour les
études.
Un jour qu’il rentrait de l’école, son oncle et Khué l’attendaient sous le porche. Ils
avaient une expression de visage que jamais Wayan n’avait connue. Il ne savait pas si la
nouvelle qu’ils avaient à annoncer était bonne ou mauvaise.
        « Wayan, un ami très haut placé m’a contacté cet après-midi. Les Japonais ont fait une
liste des prisonniers enfermés dans des camps et libérés depuis. Ma sœur bien aimée, ta
maman, arrive dans une semaine par le bateau. »
        Wayan, plein de larmes, sut alors que sa vie avait définitivement changé.


                                                                           François Rostaing

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Harapan de françois rostaing

  • 1. Harapan* Le soleil venait de se coucher. Immobile à la proue de son navire, le jeune garçon contemplait une dernière fois les lueurs du port de Makassar. Il avait l’intime conviction que ce voyage allait définitivement changer sa vie. Il ne savait pas quels sentiments il devait avoir : tristesse, mélancolie, bonheur, exaltation, espoir, peur ? Tout se mélangeait dans sa tête. Cependant, il le sentait : il avait peur. Peur de l’inconnu. Sa vie passée ressemblait étrangement à cette mer qui peut être à la fois douce et tranquille et soudainement, coléreuse et dangereuse. Cette mer ressemblait vraiment à sa vie… Au départ, une vie douce et agréable auprès d’un père et d’une mère aimante, des parents humbles et pauvres mais tellement rassurants. Il avait grandi dans un petit village proche de Makassar. Maman tissait. C’était la meilleure ouvrière, disait-on au village. Et Papa travaillait au champ avec Waka, le buffle d’eau. Puis la guerre était arrivée et comme une tempête en pleine mer, soudaine et mortelle, tout était allé très vite : l’orage japonais s’était abattu un jour sur la terre et Papa et Waka étaient morts. Presque en même temps. Liés pour toujours dans le travail et dans la mort. Sa vie, comme la mer, s’était transformée : après le calme, la tempête s’était abattue sur lui. Les Japonais étaient entrés dans le village de Wayan. Maman avait juste eu le temps de le cacher puis plus rien. Maman avait disparu, emportée avec d’autres villageois par les militaires. Wayan avait dû se débrouiller presque tout seul, aidé cependant par quelques villageois qui avaient réussi comme lui à se cacher. Quelques années étaient passées. Combien? Wayan ne s’en souvenait pas exactement, vivant au jour le jour, une journée poussant une nuit puis une année en poussant une autre. La faim, la peur, la misère, les soldats, quelquefois l’espoir, rarement le bonheur…Il ne savait même plus si il ne savait pas, ou si il ne voulait pas savoir combien de temps s’était écoulé depuis la mort de son père et la disparition de sa mère. Mais il vivait, survivait et c’était ça le plus important pour lui. Il vivait dans le seul espoir qu’un jour, il retrouverait sa maman. Puis tout s’était enchainé : son oncle était arrivé un jour pour le chercher. Cet oncle, Maman en avait souvent parlé. Les seules choses dont Wayan se souvenait sur cet oncle étaient qu’il habitait très, très loin et que c’était “un grand homme”. La première fois qu’il aperçut son oncle, Wayan le trouva plutôt petit mais très gentil et rassurant. Sentiment qu’il n’avait plus ressenti depuis très longtemps. Après, les deux étaient partis vers la grande ville de Makassar, si pleine de couleurs, de gens et de bruits. Et ils avaient pris le navire. Son oncle savait donc où était partie Maman, Wayan en avait la conviction. Ils allaient la rejoindre, il en était sûr. Cette peur de l’inconnu, il la chassa de sa tête dès qu’il se retourna une dernière fois sur les lueurs de cette ville. Dos à la proue, il repartit vers sa cabine afin d’aller jouer une partie de Surakarta avec son oncle : après quelques parties, Wayan regarda autour de lui, examina un par un les quelques individus qui partageaient sa cabine. Wayan ignorait leurs noms et encore plus leurs origines. Avant de s’assoupir il prit une grande bouchée d’air, émit un énorme soupir et repensa une dernière fois à sa mère puis il éteignit les lumières après l’accord de ses voisins et s’endormit. Sa première nuit en mer fut pleine de rêves. Des rêves merveilleux. Il revoyait son père qui lui faisait de grands signes. Mais il n’arrivait pas à savoir si c’étaient des signes * Harapan signifie « attente » ou « espoir » en indonésien
  • 2. d’adieux. Puis il y avait Maman : son beau sourire, ses yeux pleins de tendresse et ses longs cheveux noirs. Elle l’attendait, c’était sûr. Le navire voguait sur la mer des Célèbes. Son oncle expliquait à Wayan que les côtes, au loin, très loin, étaient celles des Philippines. « Tu vois, Wayan, là-bas très loin, ce sont les Philippines, lui dit son oncle. C’est un autre pays différent du tien. » « C’est quoi un pays ? » demanda Wayan Que répondre ? Son oncle était étonné et complètement déconcerté par la question de Wayan. Depuis qu’il avait récupéré cet enfant, il ne s’était jamais rendu compte que Wayan ne connaissait que l’instinct de survie. Que pouvait-il répondre à ce jeune garçon qui n’avait connu, depuis trois ans, que les champs, la misère et la peur du lendemain ? Wayan était un inconnu pour lui. C’était le fils de sa sœur bien-aimée qu’il avait quittée très tôt. Il prenait soudainement conscience que Wayan n’était jamais allé a l’école, qu’il ne savait ni lire ni écrire. Wayan n’avait aucune instruction. Par cette question, son oncle se promit une chose. Le voyage en bateau allait être long. Il en profiterait pour lui apprendre le plus simplement possible, la vie, le monde. Il tenterait de lui donner un minimum d’instruction jusqu’à leur arrivée. Après, il savait quoi faire de Wayan. Il allait changer sa vie. Le navire continuait sa route. La mer était plutôt belle. Wayan et son oncle avaient de la chance. L’instruction commença. L’oncle était jour après jour surpris. Wayan avait une telle soif de savoir. Il posait des questions incroyables. Tellement enfantines quelquefois mais si souvent intelligentes. Toutes les nuits, l’oncle entendait Wayan parler tout seul, se répétant en boucle ce qu’il avait appris la journée. Le navire passait près des Philippines et naviguait maintenant en mer de Chine. Le voyage était long. La mer commençait à se former au large. Une énorme tempête éclata. Tout le monde sur le bateau fut malade. Une énorme houle secouait le bateau. La mer était déchainée et d’énormes vagues passaient par-dessus bord. Wayan et son oncle étaient dans la cabine. Une odeur de vomi flottait à l’intérieur. Dormir pour passer le temps était difficile. Sortir de la cabine ? Cela était impossible. Le ventre était trop noueux, le cœur trop serré. Combien de temps durerait encore cet orage ? Ce calvaire dura plusieurs jours et plusieurs nuits. Puis en pleine nuit, soudain, la tempête cessa, le navire s’équilibra. Le calme était revenu. L’oncle et Wayan sortirent sur le pont. Que la mer était belle : calme, reposée, plate. La pleine lune s’étendait sur les vaguelettes, au loin. Le lendemain, l’instruction reprit encore plus vite. Les jours passèrent. Un matin, l’oncle réveilla Wayan. « Réveille-toi, Wayan, je vais te montrer quelque chose. » Wayan suivit son oncle. L’oncle pointa du doigt vers l’horizon et dit à Wayan : « C’est là-bas ! Nous sommes bientôt arrivés… » Très loin, Wayan distingua des côtes. Son oncle lui expliqua que sa vie était là-bas, dans ce pays : l’Indochine. Le bateau accosta sur le port de Saigon une semaine plus tard. Wayan n’en revenait pas. Quelle effervescence ! Il y avait du monde partout sur le quai. Des petites carrioles tirées par des hommes attendaient les passagers du bateau. Ce qui surprenait Wayan aussi, c’était tous ces animaux : des poulets dans des cages en bois, des canards attachés les uns les autres
  • 3. par terre. Des gens, des gens, des gens ! Wayan cherchait partout sa mère. Il était sûr qu’elle l’attendait sur le quai. Il cherchait, cherchait mais ne la voyait pas. « Mon oncle, où est Maman ? Je ne la vois pas ? » « Viens par ici, mon garçon, quelqu’un nous attend de ce côté. » Wayan était très déçu. La personne qui les attendait n’était pas sa maman. C’était une femme, très belle, mais pas sa mère, accompagnée par un jeune garçon de son âge. Plus grand en taille avec un teint plus blanc. « Je te présente Khué, ma femme, et Minh, mon fils. Voici Wayan, mon neveu. » Ils montèrent dans une voiture. Wayan n’avait jamais vu une voiture. Cela avançait tout seul, sans buffle devant et était très bruyant. « Nous allons à la maison. » Wayan n’en croyait pas ses yeux. Saigon était une ville magnifique. Des arbres majestueux bordaient les routes du centre-ville. Ils arrivèrent devant une maison immense avec un grand portail. « Te voici arrivé chez toi. Minh ? Montre-lui sa chambre ! » Wayan et Minh montèrent à l’étage. Minh ouvrit une porte. « Voilà ta chambre ! Je suis juste la porte à côté ! J’ai mis dans l’armoire les chemises et les pantalons qui ne me vont plus. Ça tombe bien ! Tu es plus petit que moi ! Mes anciens vêtements t’iront parfaitement. J’ai mis des chaussures dans ce petit placard. Tu redescends souper dès que tu es changé ! » Et il referma la porte. Heureusement, Wayan avait appris ce qu’étaient des chaussures ! Il se lava rapidement. Puis il se changea et descendit au premier. Son oncle, sa femme et Minh l’attendaient déjà dans le petit salon. Quelle métamorphose ! Wayan était magnifique habillé de sa chemise blanche et de son short bleu. La soirée fut longue et délicieuse. Accompagné de temps en temps par les petits cris des margouillats accrochés aux murs, l’oncle raconta son histoire : il avait quitté son pays jeune, quitté sa famille, sa sœur. Il avait accosté en Indochine, des années auparavant. Il avait beaucoup travaillé pour pouvoir se payer des études. Mais il y était arrivé. Il avait passé le baccalauréat puis de grands diplômes. Il avait rencontré Khué, issue d’une grande et riche famille de Hué. Puis il y avait eu Minh. Ensuite, les Japonais étaient venus en Indochine. Mais lui et sa famille ne risquaient rien en Indochine car il avait des relations. Avec l’invasion japonaise, il avait tout de suite compris que sa sœur, restée si loin, était en danger. Il était parti dès qu’il avait pu mais peut- être trop tard. Et il avait retrouvé Wayan. Wayan écoutait son histoire. Des larmes coulaient le long de ses joues. « Et Maman alors ? Où est Maman ? Tu ne sais pas où est Maman ? » « Non, Wayan. Je ne sais pas. J’ai demandé à des amis de Hanoi. Ils peuvent peut-être me renseigner pour savoir ce qui est arrivé à ta maman. Mais pour l’instant, je n’ai aucune nouvelle. Wayan, je ne veux pas te laisser avec des illusions. Si je sais quoi que ce soit, je te le dirai. Mais pour l’instant, j’attends des réponses. Espère toujours Wayan. L’espoir m’a donné tout ce que je possède aujourd’hui. J’ai décidé de t’élever comme mon fils. Tu auras une nouvelle vie à nos côtés. Nous sommes ta nouvelle famille. » Wayan alla se coucher. C’était la première fois qu’il dormait dans un vrai lit, avec des draps. Il se mit à pleurer. Il aimait cet oncle, cette nouvelle famille, cette nouvelle vie, ce nouveau pays. Mais ce n’était rien par rapport à l’amour qu’il avait pour sa mère. Il était sûr qu’un jour il la retrouverait. Le temps passa. Wayan allait dans la meilleure école de Saigon et avait un précepteur pour lui faire réviser les leçons du jour et l’avancer sur les leçons du lendemain. Il était très doué pour les études.
  • 4. Un jour qu’il rentrait de l’école, son oncle et Khué l’attendaient sous le porche. Ils avaient une expression de visage que jamais Wayan n’avait connue. Il ne savait pas si la nouvelle qu’ils avaient à annoncer était bonne ou mauvaise. « Wayan, un ami très haut placé m’a contacté cet après-midi. Les Japonais ont fait une liste des prisonniers enfermés dans des camps et libérés depuis. Ma sœur bien aimée, ta maman, arrive dans une semaine par le bateau. » Wayan, plein de larmes, sut alors que sa vie avait définitivement changé. François Rostaing