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Des nouvelles d’Anaximandre
et de quelques autres…
Les élèves de 3e
du Collège Saint-Exupéry
Dans le cadre de l’EPI « Sur les traces d’Anaximandre » encadré par
Marie-Hélène Lafon, professeur de lettres classiques
Serge Lejeune, professeur de mathématiques
Christelle Denniel, professeur documentaliste
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SOMMAIRE
1- Histoire d’Archimède par SalahetAmine
2- Les retrouvailles parMaliket Quentin
3- A la recherche de mon idée par Nardjess,YounaetZineb
4- Inconnu sur lesmers par Camille,Alice etLucie
5- Périplesaupays desrêves par Khouloud
6- Naître-vivre-mourirparRomain,Paul,GabrielaetCéline
7- Naissance et jour levantd’une amitié par Elise etHana
8- Coup de tonnerre par AlexandreetClément
9- Le dilemme de Thalès par ElisabethetElena
10- La corde par Lindaet Bakary
11- Mémoire d’unvoyage en Egypte par Simonet Antoine
12- En quête de savoir par Julie,Gabriel etNaomie
13- Verveine citronpar Clara etJulie
14- Eratosthène par Audrey,LiliaetAnne-laure
15- Archimède,lesbataillesde Syracuse par Achraf et Matéo
16- Le doute par SalmaetBaptiste
17- Le défi de la pyramide par Matys, Léoet Hugo
18- Un voyage en Egypte par Garance, Jingying etFélix
19- L’histoire du théorème de Pythagore par Rayan,Eliaset Simon
20- A l’ombre de la pyramide par Enzo,Thomas,Youssef etThomas
21- Anaximandre par Elodie,MyriametMarie
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Histoire d’Archimède
Nous sommes en 180 av J-C en Italie, sur l’ile de Syracuse. Nous allons vous raconter
l’histoire d’Archimède.
Aujourd’hui est une journée ensoleillée. Notre Archimède a sept ans, c’est son
anniversaire. Archimède est un garçon grand pour son âge, il a les yeux bleu azur, il a de
beaux cheveux bruns et bouclés qui lui donnent un air sérieux et c’est un prodige en
mathématiques, sa mère est très fière de lui. Il sait déjà tant de choses ! Sur le chemin de la
maison Archimède récite ses tables de multiplication. Il est pressé de rentrer chez lui pour
faire les devoirs que le maitre lui a donnés pour le lendemain et aussi pour déguster un roulé
au miel, son dessert préféré que sa mère aura certainement préparé à l’avance.
Il arrive devant sa maison et fait un geste de la main pour que sa mère lui ouvre la
porte. Elle l’embrasse et c’est toujours un plaisir de respirer son parfum de rose et de fleur
d’oranger. Archimède se lave les mains et commence ses devoirs, sa mère l’admire comme
une œuvre d’art. Dès qu’il aura terminé, ils dégusteront ensemble le merveilleux dessert…
En mangeant le roulé au miel, une larme coule sur le visage de sa mère et Archimède
pense aussitôt à son père et comprend le chagrin de sa mère en ce moment très émouvant
où ils aimeraient tant, elle et lui, le retrouver. Ils sont sans nouvelles de lui depuis plus de
deux ans, depuis son départ à la guerre. Des rumeurs courent ; d’autres soldats qui sont
revenus racontent qu’ils l’ont vu à l’agonie, blessé, et sanglant dans un fossé …
La nuit passa, et le fils et la mère eurent beaucoup de mal à trouver le sommeil. Le
lendemain Archimède se prépara à aller à l’école. Sur son chemin un homme démuni se mit
en travers de sa route avec une charrette et lui proposa de l’emmener.
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-Bonjour, je m’appelle Archimède, je vous remercie de me proposer de m’emmener à
l’école.
-De rien mon petit, je m’appelle Phidias.
Archimède l’interrompit d’une voix triste :
-Comme mon père …
-Où est-il ton père, Archimède ?
-Mon père m’a laissé quand j’avais cinq ans, il est parti à la guerre pour protéger
notre famille mais il est mort, en tout cas il n’est pas revenu, et ma mère et moi
gardons un petit espoir, et continuons à l’attendre…
Le jeune Archimède et le vieux Phidias se turent. A l’entrée de l’école le jeune Archimède
remercia Phidias de l’avoir accompagné. Ce jour-là Archimède eut du mal à se concentrer à
l’école car il pensait sans arrêt à sa rencontre avec Phidias. Sur le chemin du retour il était
encore sous le choc, il avait le sentiment étrange d’avoir déjà rencontré cette personne
quand il était petit. Arrivé chez lui, il se dirigea directement dans sa chambre sans dire
bonjour à sa mère, contrairement à son habitude. Sa mère ne comprenait pas cette réaction
très étrange, jamais il ne s’était comporté comme ça. Elle se dirigea vers la chambre de son
fils pour obtenir des explications :
-Que se passe-t-il, mon chéri ?
-Ce matin en allant à l’école j’ai rencontré un homme en charrette, balafré au
visage, il m’a barré la route et m’a accompagné à l’école.
-Comment s’appelle cet homme ?
-Il s’appelle comme papa… Phidias !
Sa mère, bouleversée par les propos de son fils, quitte la chambre sans dire un mot et
Archimède, après avoir fait ses devoirs, va se coucher sans manger. La nuit est interminable
pour lui et pour sa mère : ce Phidias serait-il son mari et le père de son fils ?
Comme à son habitude, le lendemain, Archimède se prépare pour aller à l’école, et
comme la veille, il croise le vieux Phidias qui l’accompagne. Chemin faisant ils se racontent
leur vie. Le temps passe, quelques semaines, et Archimède s’attache à Phidias comme s’il
était son père. Pendant plus de deux mois, l’enfant et le vieillard se découvrent
mutuellement et s’apprécient de plus en plus. Les années passent et Archimède devient très
compétent en mathématiques. Tous ses professeurs croient en lui et il a une réputation
fabuleuse dans toute l’ile de Syracuse et même dans le Sud de l’Italie …
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Neuf ans après, le jour de ses seize ans, Archimède reçoit une convocation de la part
du roi de Syracuse, pour résoudre un problème. Archimède en parle à sa mère et au vieux
Phidias puis il se précipite vers la demeure du roi Hiéron II. Une fois arrivé devant la
demeure, il entre dans un immense salon où le roi se trouve sur son trône. Archimède
s'agenouille devant le grand roi :
-Bonjour mon Altesse, vous m’avez convoqué pour résoudre un problème.
-Oui, je t’ai convoqué parce que j’ai un doute sur ma couronne. J’ai donné un kilo d’or
au plus grand joaillier de l’ile et j’ai des doutes sur sa sincérité. Je voudrais savoir si le joaillier
ne m’a pas trompé en mélangeant l’or avec un autre composant, mais, s’il te plaît, je
voudrais que tu n’abimes pas ma couronne.
-J’accepte avec grand plaisir mon seigneur.
Sur ces mots Archimède quitte la salle avec la couronne du roi entre les mains, très
ravi que le roi l’ait choisi pour un tel problème, il rentre chez lui et se détend dans un bain.
Une fois dans le bain Archimède réfléchit au problème que le roi lui avait demandé de
résoudre. Une fois en contact avec l’eau, Archimède expulsa un surplus de liquide, donc il
conclut que l’eau qui sort de son bain équivaut à la masse volumique de son corps, il fixe
l’eau pendant de très longues minutes, il tourne la tête et voit la couronne posée sur la
table. Il prend la couronne et la plonge dans l’eau et comprend que la masse volumique de la
couronne est plus élevée que celle d’un kilo d’or. Il jaillit de son bain, tout nu, en courant et
en criant :
« EUREKA » (j’ai trouvé).
SALAH et AMINE
6
Les retrouvailles
Chapitre 1
Il débarqua sur terre avec son bagage à bout de bras. Il sortit du bateau puis resta
immobile et contempla cette belle ville portuaire. La ville était en amont de la colline de
Chratos, elle était verdoyante et très accueillante. A deux pas du quai, on pouvait apercevoir
un petit marché où l’on vendait du poisson frais. Les habitations étaient d’un blanc opaque
et délavé. Cette petite ville de l’île de Samos avait pendant longtemps bercé son enfance. Ce
parfum d’arbres fruitiers lui rappelait sa jeunesse.
Il s’avança d’un pas décidé car il avait en tête de retrouver ses parents qu’il avait
quittés depuis vingt ans. Il redécouvrait petit à petit les ruelles qu’il avait dévalées étant
enfant. Il marchait lentement sous le soleil radieux du mois de juillet.
Il sentait une légère brise qui lui caressait le visage et le rendait heureux. La fine mélodie des
oiseaux résonnait dans ses oreilles, et lui remémorait d’anciens moments encore brumeux
dans son esprit.
La maison de son père était la dernière de la ville, la plus haute de la colline
surmontée d’un temple splendide. La maison, assez petite, faisait face à la mer. Son père,
Mnésarchus, était un ancien pêcheur de l’île. Il portait un vieil accoutrement de marin et
avait une barbe longue et rugueuse. Son dos courbé et ses jambes maigres comme des
pattes de flamand rose lui permettaient, à l’aide d’une canne, de tenir debout. Ses yeux
noisette contrastaient avec ses cheveux d’un blanc cassé.
7
Pythagore fut surpris d’apercevoir un jeune labrador aux côtés de son père.
Son père lui demanda d’abord d’une voix perplexe :
- Mais qui êtes-vous ?
- C’est moi, l’enfant dont vous vous êtes occupé il y a si longtemps.
- Cela fait tant de temps que je ne t’ai pas vu mon fils. Eh bien tu es presque devenu un
vieillard. Tu as tellement changé après toutes ces années…
Les deux hommes s’embrassèrent, émus.
- Pourquoi m’as-tu laissé si longtemps ? s’exclama le père les larmes aux yeux
- Je ne t’ai pas laissé, je suis parti en voyage afin d’approfondir mes connaissances.
Mais pour quelle raison mère n’est pas présente avec nous ?
- Elle nous a quittés il y a de cela cinq ans. Elle est morte pendant une froide nuit
d’hiver ; elle a rendu son dernier souffle en toute quiétude
Pythagore annonça d’une voix douce :
- Je suis désolé de ne pas avoir été présent ce jour-là.
- Ne t’en fais pas, elle est morte en paix… bien, maintenant ne parlons plus de cela, ça
me brise le coeur.
Les deux hommes se mirent à table.
- Raconte-moi plutôt ce qui s’est passé pendant ton voyage.
- J’ai découvert la ville de Thèbes, c’est une splendeur, avec des paysages magnifiques.
Elle est riche en monuments inoubliables et elle est très célèbre pour sa vaste
bibliothèque, où on peut trouver les plus grands recueils de connaissances du
monde.
- Conte-moi ton périple et surtout n’oublie aucun détail !
- J’étais accompagné de Mohan qui était mon guide durant ma visite à Thèbes, il m’a
emmené où je voulais et était très sympathique. Il parlait en tout trois langues différentes, le
grec, le latin et l’égyptien. Sa barbe brune contrastait avec ses yeux verts. Il était très musclé,
ce qui laissait supposer de nombreuses aventures. Il portait une tunique bleue et marron qui
lui permettait de se protéger du soleil ardent de L’Egypte. Il connaissait tout le monde à
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Thèbes, et je me suis tout de suite senti en confiance avec lui. Je l’ai suivi dans le labyrinthe
de la bibliothèque, dont il me fit découvrit les moindres recoins. Tu ne peux pas imaginer
quelle émotion j’ai ressentie en voyant rassemblé là tout le savoir dont je rêvais depuis
longtemps. Je crois que c’était le plus beau jour de ma vie
Chapitre deux
Le regard de Pythagore s’arrêta, à ce moment précis, sur le visage de son père, qui
l’écoutait, admiratif et ému. Pythagore se tut et but une gorgée de bon vin, pour reprendre
ses esprits. Son père trinqua avec lui avant de lui demander :
- Tu sais mon fils, que je ne suis jamais parti de Samos ; avant de mourir, j’aimerais
bien entendre de ta part, toi qui sais si bien parler, ce qu’il y a de tellement étonnant
et de nouveau chez ces étrangers ? Qu’ont-ils, que nous n’avons pas ?
- Eh bien ils ont tout ! Lorsque je suis arrivé à Thèbes j’étais perdu et émerveillé. La
ville en elle-même est d’une architecture magnifique, les bâtiments sont pour la
plupart d’un blanc opaque, c’est la seule chose qui me faisait penser à Samos. Mais le
plus impressionnant à Thèbes, ce sont les pyramides.
- Les pyra… quoi ?
- Ce sont d’énormes bâtiments, triangulaires et pointus, entièrement bâtis en pierre.
J’étais émerveillé par ces étranges constructions, et figure -toi que ce sont les
tombeaux de ceux qu’ils appellent des pharaons, ce sont leurs rois en Egypte. J’ai pu
également découvrir des plats typiquement égyptiens. Ils étaient très colorés et très
épicés.
- Mais qu’as-tu découvert dans cette bibliothèque ? Je suppose que tu n’as pas fait
tout ce chemin seulement par goût de la gastronomie.
- En arrivant enfin à la bibliothèque, j’ai dû rencontrer le pharaon afin d’obtenir cette
fameuse autorisation. Les deux gardes de la bibliothèque, grands et robustes, m’ont
9
donc laissé pénétrer dans ce temple de la connaissance… J’ai aperçu plusieurs
armoires hautes de plus de cinq mètres, pleines de documents de toutes sortes. Je
me suis directement attardé dans le secteur des Mathématiques et de l’Algèbre. Et
là ! Un livre m’a tout de suite sauté aux yeux. Son titre « Recueil de mathématiques ».
Ce livre contenait plusieurs théorèmes.
-Mais c’est quoi un théorème ?
-Un théorème, c’est une démonstration qui permet de prouver quelque chose de
physique, j’en ai moi-même démontré un.
-Mais à quoi sert- il?
-Il sert à calculer les côtés d’un triangle En deux ans, j’ai pu découvrir en Egypte tant de
choses magnifiques et inoubliables. Mais parmi toutes les villes que j’ai visitées, Thèbes reste
la plus belle expérience.
Leur conversation se prolongea toute la soirée, jusqu’à la nuit. Les deux hommes
partirent se coucher dans leur chambre respective, et le père regarda son fils, longuement
d’un air soulagé et ému.
Le lendemain le père ne se réveilla pas.
Pythagore le mit en terre avec émotion et comprit alors qu’il avait bien fait de revenir sur
sa terre natale pour fermer les yeux de son père.
MALIK ET QUENTIN
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A la recherche de mon idée
Une nuit d’été dans une petite vallée proche d’Alexandrie, où l’on pouvait distinguer
ma maisonnette éloignée des autres, je me réveillai d’un bond, les poils des bras encore
hérissés. Après dix ans de recherches éprouvantes j’avais enfin trouvé ! Mon idée était
apparue en rêve, une voix m’avait donné la clef du mystère. Ne pouvant penser à rien
d’autre, je cherchai de quoi noter ce nombre que j’avais entendu dans mon rêve, avant de
l’oublier à jamais.
Après avoir pu me remémorer seulement des fragments encore obscurs de mon
rêve, j'enfilai en vitesse ma tunique en lin abandonnée au pied du lit et chaussai mes
claquettes à l'entrée. Je partis, mes notes en main, en direction de la célèbre bibliothèque
d'Alexandrie que mon mentor Ptolémée avait fondée. Il m’avait appris à aimer les
mathématiques depuis mon plus jeune âge. C’était grâce à lui que j’avais pu intégrer la plus
grande université du pays et y devenir ensuite professeur. Je lui devais tout ! Il était comme
un père pour moi qui n’avais pas eu la chance de connaître celui qui m’avait donné la vie.
J’avais su seulement à l’âge de quinze ans que mon père avait été victime d’un accident du
travail, le jour de ma naissance. Il construisait une maison et une pierre mal placée était
tombée sur son crâne et l’avait brisé. Ma mère, qui ne s’en était jamais remise, n’avait pas
eu le courage et la force de me dire son nom avant de mourir à son tour. J’avais vécu seul
dans cette maison bâtie en pierre et en terre cuite.
Je quittai donc ma maison afin de partager ma découverte avec Ptolémée pour qu’il
me donne son avis et m’aide davantage dans mes recherches. Je pris alors le chemin le plus
court menant au Pont des ogres. C’est l'endroit le plus dangereux de la vallée, une légende
dit que quiconque s'en approche risque une mort longue et douloureuse. Une fillette était
morte récemment d’une façon assez étrange en traversant ce pont ; apparemment elle se
serait jetée du parapet, attirée par une sorte d’apparition qui l'aurait envoûtée. La légende
raconte qu’elle hante le lieu. D’ailleurs, plusieurs curieux disent l’avoir vu assise au bord du
pont. N’ayant pas peur du « surnaturel », je décidai cependant de traverser à toute allure. Je
pris tout de même des précautions. Pour être sûr de n’être pas attiré par un son ou une
personne, je repliai ma tunique sur mon crâne et me bouchai les oreilles. N’attendant ni une
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ni deux, je courus de toutes mes forces afin de passer au plus vite ce fameux pont. Pendant
un court instant je me sentis oppressé, comme si quelqu’un ou quelque chose voulait me
retenir. Je passai finalement cet obstacle sain et sauf et continuai mon chemin.
Le soleil commençait à se lever et les oiseaux chantaient leurs hymnes. Je marchai
quelques heures en suivant la direction du Nord et m’arrêtais parfois pour contempler le
paysage apaisant et lumineux. Je pensais que cette paix et cette lumière faisaient du bien à
l’esprit aussi, mais je n’en étais pas moins, je m’en rendis bientôt compte, complètement
perdu et incapable de retrouver la bonne direction.
Soudain une silhouette attira mon attention, elle venait en ma direction et faisait des
signes au loin en me priant d’approcher. Nous n’étions à présent qu’à quelques mètres l’un
de l’autre. Elle me dévorait des yeux, comme si elle n’avait encore jamais vu un homme.
J’étais surpris de son apparence ; elle était différente de toutes les petites filles que je
connaissais. Ses mains et ses pieds étaient couverts de boue. Son visage était froid, sans
expression, il ne laissait paraître aucun sentiment. Elle était haute comme trois pommes
mais arrivait pourtant à me déstabiliser. Il y avait quelque chose d’étrange chez elle, mais
quoi ?
Mon soupçon se confirma quand elle ouvrit la bouche pour me parler ; elle
marmonnait des propos incompréhensibles, ce qui m’étonnait beaucoup puisque je
connaissais parfaitement toutes les langues écrites et orales de la région. D’où venait-elle ?
Qui était-elle ? Elle semblait déjà tout savoir de moi et de ma destination et me fit
comprendre par signes qu’elle allait me guider jusqu’à la bibliothèque. Malgré ma nature
méfiante, je sentis que je devais lui faire confiance et la suivre, les yeux fermés.
Un moment après, je ne saurais dire exactement combien de temps s’était écoulé,
nous étions sur le seuil monumental de la bibliothèque. Au moment où je voulus la
remercier, elle s’était volatilisée. Je crus d’abord que mon esprit me jouait un vilain tour et je
ressentis une sensation intense de malaise … comme si la mort en personne m’avait frôlé,
mais je n’eus pas le temps de m’apitoyer sur mon sort puisque je vis surgir à mes côtés deux
solides gaillards armés jusqu’aux dents qui m’empoignèrent sans me laisser placer le
moindre mot.
Je n’en menais pas large et moins de dix minutes plus tard, j’étais en face de
Ptolémée en personne.
- Que me vaut l’honneur de cette visite ? Cela fait des semaines que je n’ai aucune
nouvelle de toi Euclide et voilà que tu réapparais comme par magie ?
- Oui, je m’excuse je… Il m’interrompit :
12
- Je ne veux rien entendre ! Tes élèves m’ont parlé de ton projet de reprendre la
démonstration de Pythagore, est-ce pour cela que tu viens me voir de si bon matin ?
- Oui à vrai dire vous savez…j’ai déjà réuni plusieurs archives qui prouvent que son
raisonnement sur les angles d’un triangle n’est pas solide.
Il marqua une petite pause, me regarda de haut en bas, et reprit :
- Euclide…
- Je sais ce que vous allez me dire, mais regardez par vous-même ! Toutes mes
démarches sont fondées sur son travail, mais regardez. Je lui tendis le petit papier
que j’avais soigneusement rangé dans ma poche. Regardez !
- Un nombre ! dit Ptolémée d’un air outré, Ne me fais pas perdre mon temps, j’ai autre
chose à faire !
- Non, attendez, écoutez ! Ce nombre, je ne l’ai pas écrit par hasard, c’est Pythagore
en personne qui me l’a révélé.
- Tu te paies ma tête ! Cela fait déjà des années qu’il est mort !
- Non ! Enfin oui ! Je veux dire par là que je l’ai entendu dans un rêve, il m’a transmis
un message voilà tout, mais je ne sais encore ce que c’est exactement. Cela paraît
fou, c’est vrai…
Perplexe devant ce que je venais d’annoncer, Ptolémée m’écouta très attentivement. Je
lui expliquai tout, absolument tout, et après un bon moment il me dit :
- Ecoute, tant que ces raisonnements ne sont pas approuvés par une autre personne,
on ne peut être sûr de rien. Je connais quelqu’un qui pourra t’aider. Va au Temple
d’Isis, à Philae, et demande à voir Nectanebo de ma part. Je te conseille vivement de
partir du Grand Port, là-bas tu pourras prendre un navire qui t’amènera directement
sur l’Ile du Phare.
Pendant que Ptolémée me parlait, je distinguai derrière lui, dans une vaste pièce, des
mathématiciens et des philosophes qui étudiaient tous sur la même table. On pouvait lire
sur leurs visages l’enchantement d'étudier ensemble. Cela me réjouissait encore plus dans
ma démarche.
Je partis donc d’un pas décidé vers le Grand Port et j’embarquai dans le premier navire
en direction de l’île du Phare… Le voyage fut plus rapide que prévu, en deux jours j’étais sur
les terres de Philae. Je me dirigeai vers le Nord, comme me l’avait recommandé Ptolémée, et
après une marche interminable, j’aperçus enfin le temple d’Isis. Ne sachant par où rentrer, je
demandai à un homme la direction :
- Je cherche Nectanebo, savez-vous où…, je ne pus finir ma phrase et il me répondit d’un
ton sec :
- C’est moi en personne. Que me vaut l’honneur de cette visite ?
- Je suis Euclide d’Alexandrie, c’est Ptolémée qui m’envoie à votre rencontre.
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- Très bien, je vois, suivez-moi.
Il m'emmena à l'intérieur du temple, dans la tour Est, et m’invita à m’asseoir aux pieds des
marches d’une entrée.
- Pour quelle raison vous a-t-il envoyé précisément ? me demanda-t-il
Je lui fis part de toutes mes recherches, de tous mes doutes et questions. Quand j’eus enfin
fini mon discours, il m’observa un moment et me répondit, après un long silence :
- Intéressant… Je vois tout à fait de quoi vous parlez et je pense sincèrement pouvoir
vous aider.
- Il se leva et ajouta d’une voix douce :
- Venez, ne soyez pas timide.
Il m’invita à entrer dans une pièce où étaient classées une multitude d’archives toutes aussi
intéressantes les unes que les autres. Je lui expliquai que ce nombre, je pensais l’avoir vu
quelque part mais où, je n’en avais aucune idée. Il prit sur une étagère une caisse énorme où
je pus lire l’inscription « Πυθαγόρας », Pythagore en grec ancien. Il sortit plusieurs dossiers
qu’il feuilleta rapidement. Il en prit un qu’il me montra. Et après une longue discussion où
nous essayâmes de démontrer nos hypothèses, Nectanebo prit de quoi écrire et sortit une
feuille.
- Prenons par exemple un triangle ABC, dit-il.
Au même moment il en traça un sur son tas de feuille.
- On prolonge le côté AB comme ceci. Puis je mène par le sommet B par une ligne
droite BE parallèle au côté opposé AC.
- Et bien les angles ACB et CBE sont égaux comme alternes-internes par rapport aux
mêmes parallèles et à la sécante AB, dis-je.
- Exact… Donc la somme des trois angles ABC, ACB et CAB du triangle est égale à la
somme des trois angles adjacents ABC, CBE et EBD formés sur la ligne droite AD.
- C’est-à-dire qu’elle est égale à deux angles droits ! Mais oui c’est ça alors ! La somme
des angles de tout triangle est égale à 180° !
- Attendez ! Comment arrivez-vous à ce résultat ?
Le voyant perdu, je lui expliquai plus en détails les calculs que j’avais effectués
mentalement. Après avoir fini de lui expliquer, je vis apparaître dans ses yeux d’un bleu
profond une vive lueur ! Je compris immédiatement qu’il était d’accord avec moi. Et fous de
joie, nous tombâmes dans les bras l’un et l’autre.
Pour fêter ça Nectanebo m’invita à prendre un bon dîner. Nous étions arrivés dans la
salle à manger, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu un si bon festin, vingt hommes
auraient pu manger et repartir le ventre bien garni. Nous nous assîmes, je ne savais pas par
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quoi commencer, tous mes sens étaient activés. L’odeur de la dinde, de l’agneau et du
fromage me rappelaient bizarrement celle du pain chaud de ma voisine qui en faisait tôt le
matin pour ses enfants. Nous trinquions puis nous discutions de notre découverte et une
atmosphère paisible régnait dans la salle. J’étais assis confortablement dans un fauteuil,
j’avais parfois l’impression d’être sous ma couette, dans mon lit. Nous rîmes jusque tard le
soir, j’avais bien mangé, et me sentais prêt à rentrer chez moi mais Nectanebo m’en
empêcha, il voulait que je reste car le soir les chemins étaient dangereux. Nous nous
trouvions dans la pièce principale quand soudain une lumière chaude m’aveugla, elle était si
douce et si puissante à la fois.
Lorsque j’ouvris les yeux, j’étais dans mon lit, le cœur battant la chamade.
Déboussolé, je me frottai plusieurs fois les yeux. Mais rien ne changea, j’étais bel et bien seul
dans ma petite maison. Ne comprenant absolument rien à ce qu’il venait de se passer, je me
posais une multitude de questions : Comment est-ce possible ? J’étais il y a à peine dix
secondes au côté de Nectanebo ! Je ne me suis pas téléporté tout de même !... Je crus tout
d’abord que ma mémoire me jouait un tour. Que sous l’effet du rhum, j’avais complètement
oublié que j’étais rentré chez moi ce soir-là. Mais non ! Ce n’est pas possible ! Je me souviens
bien de tout ! Du moment où j’ai rencontré cette fille étrange jusqu’au dîner deux jours
après. Je me souviens même avoir glissé un petit bout de papier dans ma poche. Pensant à
cela, je bondis de mon lit cherchant désespérément ma tunique. Quand je l’ai trouvée, je
vide immédiatement les poches, et à ma grande déception il n’y a rien. Je suis pris d’une
grande tristesse et m’étale sur mon lit. Suis-je fou ? Ai-je rêvé ? Non impossible ! Cette
découverte est bien réelle ! Je me dépêchai de prendre de quoi écrire et note à même le sol
tout ce dont je me souviens. L’excitation remplace la tristesse, je tiens quelque chose de
concret. « Oui ! », dis-je à voix haute, « Ce rêve est extraordinaire ! ».
NARDJES, YOUNA et ZINEB
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Inconnu sur la mer
Le clapotis régulier de l’eau calme s’interrompit au passage de la barque. En cette
nuit d’été, l’eau noire de la Méditerranée n’était éclairée que par les étoiles. Les lanternes
suivirent la barque qui continuait son périple silencieux dans ces eaux profondes. Trois
silhouettes se détachaient sur la berge déjà lointaine. La barque ondulait au gré des vagues
sous le regard attristé de ces trois inconnus. La barque erra de longs jours, sans but, sur les
eaux agitées. Les lanternes s’éteignirent une à une. Elles n’auraient abandonné sous aucun
prétexte la tâche qui leur avait été confiée. Pourtant l’une d’elles manqua à son devoir et
tomba dans la barque.
Andrea pêchait comme à son habitude mais cette fois-là, à son grand désespoir, rien
ne tira la ligne. La journée s’annonçait ensoleillée, ce qui le consola. Les oiseaux, dans le ciel,
décrivaient de larges cercles au-dessus du port de Syracuse. Un grand nombre de bateaux
étaient amarrés et, malgré l’heure matinale, le port débordait déjà d’activité.
Andrea sortit de sa torpeur, au contact d’un matériau rugueux sur la peau au bas de
son mollet droit. Ce qu’il découvrit alors dépassait l’imagination ; une barque d’un bois
exotique, sans rames ni aviron, s’était échouée sur la plage. Cependant, notre brave Andrea
ne se laissa pas perturber car il avait connu de plus grandes surprises dans sa vie. C’est une
odeur pestilentielle qui le poussa à observer la barque de plus près. Des taches noirâtres
apparaissaient le long d’une étendue rose pâle. On entrevoyait de-ci du rouge, de-là du bleu
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mais rien de bien distinct. Un cylindre orangé était accroché à l’une de ses extrémités. Oui,
c’était bien un homme qui gisait dans la barque. Un homme couronné d’une lanterne.
Andrea faillit s’évanouir devant ce tableau sinistre. Dans un autre cadre, un homme
couronné d’une lanterne aurait pu être comique, mais Andrea ne rit pas. Titubant, il se
retourna vers la dune immense. Pourtant, rien ne le détourna de son but, pas même l’odeur
nauséabonde qui régnait dans les parages.
Endormi sur son bureau parmi les innombrables papyrus qui jonchaient sa table de
travail Guiseppe n’entendit pas les appels de son dévoué serviteur, Antonio.
- « Monsieur, il est déjà neuf heures, les clients ne vont pas tarder à arriver ! »
Ce ne sont pas les plaintes d’Antonio qui réveillèrent Guiseppe mais l’entrée
fracassante de notre vaillant Andrea.
- « Détective Guiseppe !! Je me trouve devant un mystère, vous seul pouvez m’aider ! »
- « Humm… Antonio, je suis resté ici toute la nuit ! »
- « Oui, monsieur, un client pour vous. »
Andrea encore tremblant, raconta, tant bien que mal, sa découverte à Guiseppe.
En entendant le mot « homme » et « mort », le détective se redressa, bondit sur son
manteau qu’il jeta maladroitement sur ses épaules.
-« Où est-il ? Où est-il ? » s’écria Guiseppe en grec.
-« Suivez-moi, monsieur le détective » répondit Andrea.
Guiseppe accompagna Andrea dans les ruelles étroites de la ville étriquée, puis sur la
route sablonneuse qui longe la côte. Soudain, la barque apparut plus sinistre que jamais.
Guiseppe, courant sur le sable fin, y arriva essoufflé. Il sentit le cadavre, le retourna, le palpa
de tous les côtés, l’observa minutieusement puis lui ouvrit la bouche et lui tira la langue.
Après cet examen fort long, il déclara, d’un ton docte et assuré :
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-« Il est mort. »
Andrea, le regard dépité, observait le détective, tout fier de cette découverte qui
n’en était vraiment pas une.
-« Voyons, mon brave, ne faites pas cette tête-là. Je vais vous dire ce qu’il lui est arrivé à
cet homme.
Premièrement, il a environ quatre-vingt ans, les rides sur son visage témoignent d’un âge
avancé. Deuxièmement, il est mort il y a quatre jours car son corps est en voie de
décomposition, mais le processus n’est pas encore terminé. Ni meurtre, ni suicide, encore
moins noyade : une mort naturelle. A voir l’état de ses pieds desséchés, on peut déduire
qu’il a beaucoup voyagé mais seuls ses pieds et ses mains sont hâlés sans doute par un grand
soleil. Ses mains ne sont pourtant pas celles d’un ouvrier. Il portait donc une toge qui le
protégeait de la forte lumière. On l’a sans doute déposé mort dans la barque comme pour
une sorte d’enterrement… Voilà ce que je peux déduire de mon observation.
Guiseppe reprit son souffle, il inspira deux fois longuement, ce qui était chez lui un signe
de grande concentration.
-« Alors, Andrea, récapitulons ! Nous avons affaire à un homme qui est mort vieux et
naturellement. Il vivait dans un climat sec et a beaucoup voyagé. Habillé d’une toge, il ne
travaillait donc pas de ses mains. Fonctions publiques ? Finance ? Commerce ? Peut-être.
Mais le plus intéressant et le plus déconcertant c’est qu’il est mort aveugle ! Oui, et qu’il a
rédigé un carnet d’adresses ! Ah ah ! Je tiens le bon bout de cette affaire ! Regardez, Andrea,
voici ce que j’ai trouvé au fond de la barque : un carnet avec des noms de villes et des
prénoms en grec. Singulière écriture… Le papier est vieux de soixante-dix ans mais
n’a servi que cinq ans après son achat. L’encre utilisée provient d’un végétal inconnu, nous
pourrons aller voir un spécialiste. Je connais un très vieil ami qui habite à quelques heures
d’ici dans les montagnes. Eh bien, il ne reste plus qu’à savoir qui est cet homme
mystérieux ! »
Sur ce, il se retourna et partit d’un pas triomphal et confiant. Andrea, encore bouleversé,
regarda le cadavre et se demanda comment un homme mort pouvait fournir tant de
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renseignements. Complètement désemparé, il ne savait plus s’il devait continuer à pêcher
tranquillement comme s’il ne s’était rien passé ou suivre rapidement Guiseppe qui était déjà
loin. Il choisit l’aventure et se promit que cette histoire avait commencé avec lui et qu’elle
finirait avec lui ! D’un pas vif et saccadé, il rattrapa Guiseppe qui entrait déjà dans la ville.
Le soleil chauffait déjà fort quand ils s’approchèrent de la crête rocheuse d’où la vue
offrait un panorama exceptionnel sur Syracuse. Andrea commençait à regretter d’avoir suivi
le détective. Ses jambes le faisaient beaucoup souffrir.
-« Peu de temps » avait prétendu Guiseppe ! Ils marchaient depuis deux heures et pas
une goutte d’eau ne lui avait été donnée ! Pourtant on n’en manquait pas. Andrea en avait
même deux litres sur son dos mais il lui était défendu d’en boire car il fallait l’utiliser avec
parcimonie.
Guiseppe, toujours souriant, avançait facilement parmi la végétation peu dense. Aucune
forme de souffrance ne se lisait sur son visage radieux. Cependant un éclat de consternation
luisait dans ses yeux foncés. Le refuge du vieillard n’était plus très loin et les cris de
soulagement d’Andrea fusèrent à la vue du toit. C’était une maison dissimulée dans la
végétation, elle appartenait à la nature. Reculée et paisible, elle ne recevait que peu de
visiteurs. Rares sont ceux qui s’aventurent dans des terres si reculées et si désertes.
Guiseppe porta un coup magistral à la porte, qui céda sous son poids. La serrure s’ouvrit à
grand fracas et un être minuscule sortit de la chaumière en claudiquant :
-« Bonjour Gui, dit-il en ajustant ses lunettes sur son nez. »
-« Mes salutations Benneto, répondit amicalement le détective. »
-« Cela me fait très plaisir que tu viennes me rendre visite. Mais je doute que ce ne
soit qu’une formalité amicale… Me trompé-je ? » interrogea le vieil homme.
-« En effet, cher ami. J’ai un petit service à vous demander. J’ai besoin que vous
m’analysiez cette encre. »
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Benneto saisit le papier, l’humecta de sa salive, en fit suinter un liquide bleuâtre qu’il
recueillit dans une fiole. Après plusieurs manipulations, le vieillard constata la couleur
opaque de cette mystérieuse encre. Soudain, d’un ton docte et assuré, il s’exclama :
-« Cette encre est très rare. On ne peut en dénicher qu’à Cyrène. Allez-y ! Vous y trouverez
plus de renseignements ! »
Sur ce, ils partirent.
Une brise légère s’engouffra entre la cabine et le pont supérieur. Une infâme odeur
de vieux vomi régnait dans cette pièce depuis qu’Andrea était à bord. En effet, notre
aventurier avait le mal de mer. Il était quasiment à l’agonie depuis trois jours et n’avait
même pas pu apercevoir un coin de ciel. Les oiseaux marins tournaient autour du navire
flamboyant, qui fendait les vagues avec majesté. Guiseppe descendit rendre visite à Andrea.
- « Allez Andrea ! Nous arrivons à Cyrène dans une heure. Ressaisissez-vous ! »
Encouragea le détective en évitant de justesse une flaque noirâtre. Figurez-vous, mon ami
que le carnet comporte aussi des adresses. Une seule pour Cyrène. Nous nous y rendrons
aussitôt que le bateau aura accosté. »
Andrea, encore tout nauséeux, monta sur le pont. Il prit un seau d’eau et se le versa
sur la tête pour se réveiller puis enfila une tunique miraculeusement propre. Guiseppe le
suivit d’un regard amusé.
Du bateau la vue était admirable. Aucun nuage n’obscurcissait le ciel et la côte se
dessinait déjà distinctement. Les marins commençaient à ralentir l’allure pour entrer dans le
port. La traversée avait été rapide, les vents avaient été avec eux. Aller de Syracuse à Cyrène
en trois jours était un record. Pourtant, à l’Est le temps se gâtait dangereusement et un
orage approchait. L’humidité de l’air annonçait du grabuge.
Les pains sentaient délicieusement bon, ils embaumaient le romarin et le thym frais.
Leur mie était encore tendre car ils sortaient du four, elle fondait dans la bouche. C’est
exactement ce que se disait Rachid en observant les merveilles qu’il avait façonnées de ses
doigts, et cuites avec amour et patience. Rachid était apprenti boulanger et le jour de la fin
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de sa formation était enfin arrivé. Il avait maintenant le droit de tout faire comme un vrai
boulanger. Depuis sa plus tendre enfance c’était son rêve et il s’était réalisé. Les affaires
marchaient bien à Cyrène où les amateurs de pains étaient nombreux. La boutique ne
désemplissait pas. Les clients arrivaient généralement vers huit heures. Pourtant en cette
matinée d’automne, un étrange duo déambulait dans la rue principale où se trouvait la
boutique ; le premier homme était petit et vert pâle, il ne semblait pas en bonne santé, il
s’arrêtait régulièrement sur le bas-côté, le second marchait droit et le visage haut ; fier, il
était grand et sûr de lui. C’étaient nos deux camarades qui déboulaient dans la rue sous le
regard ahuri de Rachid. Ils s’approchèrent de l’étalage tout en s’informant, pour l’un sur les
pains appétissants, et pour l’autre, sur les numéros de la rue.
-« Eh ! Jeune homme! Interpella Guiseppe, pouvez-vous m’indiquer le numéro 10 de
cette rue ? »
Le nouveau boulanger, encore sous le choc de cette apparition exotique, répondit d’un
ton peu assuré :
-« Oui, monsieur, c’est juste au-dessus. Vous cherchez quelqu’un ? »
-« Oui mais nous ne connaissons pas son nom. Pouvez-vous nous dire qui habite ici ?
demanda poliment le détective. »
-« C’est à dire que la maison est vide. La dame qui y habitait est morte depuis vingt ans
et son mari depuis trente-cinq ans. Je pensais que vous veniez pour racheter la maison,
elle est très mal exposée, vous comprenez, personne n’en veut. »
-« Et le reste de la famille ? Il n’y a pas de descendant ? »
-« Je crois bien qu’ils avaient un fils mais il n’habitait pas avec eux. Il est venu leur
rendre visite peu après la mort du père. Il n’est jamais revenu. Il doit être mort
maintenant. Je ne l’ai pas connu mais mon patron si, vous pouvez le lui demander, il
est dans l’arrière-boutique. Je vais le chercher. »
-« Merci ! »
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Tandis que Rachid se dirigeait vers le fond de la boutique peu lumineuse où
s’empilaient les sacs de farine, Guiseppe se pencha sur Andrea qui s’était allongé sur les
pavés froids :
-« C’est notre homme ! »
Et sur ces mots Andrea vomit pour la dernière fois.
-« Bonjour, bonjour, chers amis ! déclara joyeusement le patron Mais, mais… que s’est-
il passé ? Ce sont les pains aux figues ? Ils n’étaient pas assez cuits ? Je le savais !!! »
-« Ne vous inquiétez pas ! Mon ami a le mal de mer, cela n’a rien à voir avec vos pains
aux figues, qui doivent, d’ailleurs, être excellents ! »
-« Ah, vous me rassurez ! J’espère que votre ami se portera mieux d’ici quelques
jours. »
Après une courte pause, il reprit :
-« Mais, n’êtes-vous pas les clients qui sont à la recherche des fantômes du premier
étage ? »
-« Effectivement, nous le sommes, avez-vous des renseignements sur leur fils ? »
-« Malheureusement Son prénom m’échappe ! Pourtant, lors de l’enterrement de son
père, j’avais discuté avec lui de ses occupations. Il m’avait dit qu’il logeait à Alexandrie
où il dirigeait la grande bibliothèque depuis peu. Je n’en sais pas plus. »
-« Merci mon brave, ces minces informations vont tout de même nous faire avancer!
Pourtant avant de vous dire adieu, je pense que nous allons faire le plein de pains ;
n’est-ce pas, Andrea ? »
En entendant ces paroles qui ne lui rappelaient pas de très heureux souvenirs Andrea,
qui venait de se relever, se rallongea instantanément sur les pavés froids.
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-« Bon je vais prendre cela pour un accord, dit notre détective. Montrez-moi toutes les
merveilles de votre étalage s’il-vous-plaît! »
Rachid proposa à nos amis de leur faire découvrir toutes les variétés de pains
inimaginables.
Après quelques hésitations, Guiseppe ressortit tout heureux, une dizaine de pains
coincées entre son abdomen et ses bras, suivi d’Andrea qui se traînait lamentablement. La
rue commençait à s’animer doucement. Les boutiques étaient à présent toutes ouvertes et
les passants arrivaient, joyeux de savoir que leur garde-manger allait être de nouveau garni.
Pendant que la rue se remplissait à tel point que l’on ne voyait plus les pavés, le bateau
quitta Cyrène en direction d’Alexandrie.
La pluie commença à tomber, comme l’avait annoncé le temps humide qui régnait à
Cyrène. La houle se faisait plus forte et le bateau avançait plus lentement dans le chaos des
vagues. Cette fois-ci, il n’allait pas battre de nouveaux records. Andrea ne resta pas dans la
cale mais fut deux fois plus malade que pendant la traversée précédente. Guiseppe, lui,
dégustait avec plaisir les pains aux olives tout en lisant attentivement le carnet mystérieux.
« Ce jour-ci, 2 février, nous avons parcouru une cinquantaine de kilomètres sous un ciel bien
calme. Dans la journée, je ne passe pas une minute sans essayer d’améliorer mes calculs ou
de dessiner des ébauches de cartes. Le soir, je ne passe pas une minute sans observer les
étoiles, je m’imagine l’immensité de l’étendue céleste,…. »
Voilà l’extrait que Guiseppe tentait tant bien que mal de traduire. Le carnet était écrit
dans une langue qui lui était étrangère. Le démotique. Le ciel s’éclaircit soudain, le brouillard
se leva et la clarté de l’astre nocturne laissa deviner la septième merveille du monde. Le
phare apparut, majestueux, à Andrea qui oublia tous ses ennuis d’estomac.
Les passagers du navire débarquèrent en silence dans la nuit. Le duo longea les
habitations du port et s’engouffra dans une rue perpendiculaire. La bibliothèque se trouvait
à quelques pas de la berge où ils avaient accosté. Les voyageurs entrèrent par une petite
porte rustique qui donnait sur les couloirs étriqués de la bibliothèque. Après avoir parcouru
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un dédale d’autres couloirs similaires, ils arrivèrent enfin à leur but. Ils pénétrèrent dans le
bureau qui surplombait les allées de la bibliothèque.
-« Bonjour, Monsieur, excusez-nous de notre entrée si brutale et nocturne mais il est
de la plus haute importance, au nom du gouvernement de Syracuse, de vous interroger,
déclara le détective d’un ton solennel. »
Le directeur releva la tête, surpris de cette visite.
-« Bonsoir, messieurs, il est vrai que l’heure est tardive mais il n’est jamais trop tard
pour rendre service à l’État. »
-« Merci, monsieur, de votre bienveillant accueil. »
-« Vous pouvez me tutoyer et m’appeler par mon prénom : Suidas. Que désirez-vous
savoir ?
Alors, le détective raconta toutes leurs aventures. Après un temps de silence, Suidas
dit :
-« Je vais vous raconter la partie de l’histoire qui vous manque :
Le nom de cette personne est Eratosthène. Il est mort il y a quelques semaines et
nous, sa fidèle panthère, Symias, morte de vieillesse ce matin, son amie, Thyrénia, et moi-
même, l’avons porté dans une barque et avons lancé des lanternes autour de lui afin de
l’envelopper dans un univers d’étoiles. Il avait une attirance folle pour le ciel et l’univers ;
devenu aveugle, il ne supportait pas de ne plus pouvoir contempler le ciel.
Il dirigeait cette bibliothèque, je lui ai succédé. C’était mon précepteur préféré. Pour
ses vingt ans, il partit voyager en Europe. Il dessina alors des cartes très précises qui sont la
base de notre géographie actuelle. Les étoiles l’émerveillaient, pourtant, il n’a jamais eu le
temps de faire des découvertes abouties sur celles-ci. Il a également, en tant que
mathématicien, déterminé les nombres premiers, que nous utilisons dorénavant. Il a quitté
ses parents à dix ans pour venir étudier ici, sous la tutelle d’Ariston de Chios. »
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Il les conduisit dans l’observatoire et leur fit contempler les étoiles qui scintillaient
dans l’immensité de cette nuit d’été. C’est à cet endroit qu’Eratosthène venait chaque nuit
observer les astres. »
Et, Suidas déclara, ému :
-« C’est ici que tout a commencé ! »
CAMILLE, ALICE ET LUCIE
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Périples au pays des rêves
C'était à Milet ; j'attendais mon disciple qui devait me rejoindre. Je sentais l'odeur de
la mer proche, le port était tout près. Les mouettes criaient, le soleil nous brûlait la peau, le
paysage était magnifique, avec de nombreux arbres aux feuilles printanières, des petites
rues commerçantes où les passants achetaient de quoi nourrir leurs familles, tout était très
agréable. Le soleil s'était déjà levé ; il devait n'être pas moins de huit heures. J'étais venu un
peu plus tôt, très enthousiaste à l'idée de revoir mon ancien élève. Lui et moi avions décidé
de partir terminer nos recherches et faire d'autres découvertes en Égypte. Nous nous étions
donné rendez-vous en ce jour de printemps et je l'attendais avec impatience. Je le vis qui
arrivait enfin.
Il était toujours aussi jeune mais avait grandi ; ses yeux étaient aussi bleus que
l'océan, son corps musclé et ses cheveux parfaitement bruns sans aucun fil blanc. Il portait
une simple tunique légère comme toutes les personnes en cette saison. Il me regardait, le
sourire aux lèvres, il m'avait beaucoup manqué. Il n'était plus l'enfant assis au premier rang
du côté de la fenêtre pour regarder le paysage ; il avait été l'un des premiers élèves de mon
école. Puis quelques années plus tard il m'avait annoncé qu'il partait en Égypte ; j'étais très
fier de lui et de son appétit de savoir. J'avais moi-même voyagé pendant dix ans, au cours
d'un séjour à Samos dans ma famille, j'étais tombé sur mon cher Pythagore, et nous nous
étions donné rendez-vous à Milet au printemps suivant.
Nos retrouvailles furent très joyeuses. Pythagore était toujours aussi souriant et sa
joie de me voir était formidable ! Nous nous embrassâmes et mille questions se bousculaient
dans nos cerveaux et sur nos lèvres. Nous étions là, Pythagore et moi-même, devant ce
navire gigantesque, un navire grec, il devait mesurer vingt-cinq mètres de longueur sur cinq
mètres de largeur, c'était impressionnant. Plusieurs marins s'activaient et il y avait des
marchands qui ne parlaient pas notre langue et leur façon de s'habiller était elle aussi
étrange. Certains nous dévisageaient sans doute à cause de nos regards insistants sur eux.
Des marchands faisaient des allers et retours et déposaient de la marchandise, ils avaient
l'air fatigué. Pythagore me tira de mes pensées pour m'informer que nous partirions dans
moins d'une heure. Nous étions allés déposer nos bagages dans notre dortoir. Nous
marchions d'un bon pas, tout en parlant, et nous nous trouvâmes devant le bateau
gigantesque qui nous emporterait en Égypte.
Nous montâmes sur le pont du bateau qui devait faire plusieurs mètres de longueur.
Certains nous bousculaient avec leurs bagages et d'autres avec leurs membres. Quelques-
uns s'excusaient et d'autres s'en allaient en lâchant des mots incompréhensibles. Nous ne
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faisions pas attention à ces bousculades, trop contents de pouvoir nous reposer, nous
asseoir sur le pont du bateau et parler ; mais pour l'instant nous devions retrouver notre
dortoir. Nos billets nous indiquaient qu'on allait dormir à l'étage de ce gigantesque navire. Le
dortoir était de taille moyenne ; plusieurs planches de bois recouvertes de tissus servaient
de lit et deux autres salles étaient destinées aux provisions et une autre à la toilette, des
seaux garnissaient la salle. Certains voyageurs étaient déjà dans la chambre et avaient
déposé leurs bagages sur ce qui leur servirait de lit. Ils nous saluèrent vaguement et nous
fîmes de même.
Pythagore bailla bruyamment, ce qui me fit sortir de ma contemplation. Je jetai un
regard vers lui et décidai de lui adresser la parole :
- Comment a été ton voyage ?
- Un peu fatigant mais j'étais très content à l'idée de te revoir, m'avoua-t-il.
- Fatigant ? Je me demande comment tu vas supporter notre traversée, ça me fait aussi très
plaisir de te revoir !
Il bailla pour la seconde fois, ses yeux allaient bientôt se fermer, le voyage de Samos
à Milet l'avait épuisé. Je le laissais s'endormir sur sa planche à côté de moi.
D'autres personnes avaient fait leur entrée et s'étaient installées. Nous étions
plusieurs dans la salle ; la plupart des gens étaient venus accompagnés comme moi et
parlaient entre eux. Certains me saluaient, me connaissant grâce à mon école à succès.
J'entendais parler autour de moi plusieurs langues que je connaissais toutes. Malgré mon
amour des voyages, j'avais extrêmement mal à la tête. Le bateau tanguait, des marins
couraient, certains criaient que le bateau démarrerait dans quelques minutes. Ce vacarme
m'était pénible, à mon âge. Mes affaires étaient rangées, mon lit déplié, et j'étais affalé
dessus ; mes yeux se refermaient lentement après toutes les émotions vécues en cette
simple journée de printemps.
Mon sommeil fut court car je me levai en sursaut, Pythagore aussi, après avoir
entendu un bruit strident. Mon âme était soulagée car les autres voyageurs nous
rassurèrent ; c'était le navire qui avait fait ce bruit sourd. Même après tous mes voyages, la
sensation d'être dans un bateau est toujours nouvelle. À chaque embarcation, tout est
nouveau, le navire qui s'en va, l'eau qui s'écrase sur les flancs du bateau. Le silence des gens
endormis ou attentifs à la sensation du départ du navire me fit partir dans mes rêveries et je
m'endormis pour de bon !
Le lendemain matin, l'air frais caressait mon visage, la mer était bleue, très bleue, Pythagore
et moi avions déjeuné de pain, d 'olive et de lait de chèvre. On ne pouvait déjà plus
distinguer la terre, j'entendais le bruit régulier des rames frappant l'eau. Pythagore prit la
parole :
- J'ai croisé Anaximandre et son père Praxiadès dans le second dortoir. Ils m'ont parlé de
leurs recherches et m'ont aussi parlé de toi !
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- Vraiment ? Que t'ont-ils dit ?
- Ils m'ont annoncé qu'ils voulaient finir leurs recherches à la bibliothèque d'Alexandrie pour
prouver que la lune reçoit la lumière du soleil et de quelle manière elle s’éclipse.
Anaximandre m'a dit qu'il allait passer te voir pour te parler.
Après notre court échange, nous décidâmes de visiter ce gigantesque navire pour en
apprendre davantage sur les bateaux.
Chaque recoin du bateau était magnifique ; nous avons visité la cahute et la
timonerie, nous avons marché dans les gaillards d'avant et d'arrière, nous avons aussi
marché sur le faux-pont et le pont principal du navire ; c'était très agréable malgré les
violentes vagues qui s'abattaient sur la cale et le vent qui soufflait fort. Des marins épuisés
s'en allaient en cabine supérieure sûrement pour dormir, ils échangeaient leurs rames avec
d'autres marins prêts à prendre la relève. Nous sommes restés quelques temps à discuter
sur la poulaine du navire ; soudain je vis quelqu'un sortir de la cabine et venir vers nous.
- Mon cher Thalès, comment vas-tu ?
J'étais vraiment étonné, il avait tellement changé ! C'était Anaximandre, un ancien
professeur de mathématiques dans mon école à Milet.
- Très bien, et toi comment vas-tu ? Pythagore m'a informé pour tes recherches.
- Je suis en plein forme ! Je suis ici avec mon père. Pythagore m'a aussi parlé de la prédiction
d'une éclipse de soleil.
- Oh cette éclipse. Je n’en suis pas vraiment sûr mais normalement, d'après mes prédictions,
elle devrait se passer cette semaine.
- J'ai vraiment hâte de pouvoir l'observer, mais que vas-tu faire pendant ton séjour en
Égypte ?
- Si tout se passe pour le mieux, j'irai voir la pyramide ; elle a une base carrée, je me placerai
en face de celle-ci pour obtenir une relation de proportionnalité, et j'obtiendrai la hauteur
de la pyramide grâce à la hauteur de mon ombre.
- Mais c'est fantastique ! Sur quelle pyramide vas-tu faire cette expérience ?
- Sur la Pyramide de Khéops.
Nous continuâmes à parler jusqu'à la nuit, ensuite nous sommes rentrés dans les
cabines à cause des coups de vent qui se faisaient violents. Le matin nous avons mangé du
pain frotté d'ail avec un peu d'eau. J'ai aussi rencontré d'autres mathématiciens ou savants,
comme Solon d'Athènes, Héraclite d'Éphèse, Platon et d'autres qui s'en allaient pour
l'Égypte.Après nos longues retrouvailles avec Anaximandre nous avons dû nous séparer pour
aller dans nos cabines respectives. Pythagore et moi nous sommes endormis après une
bonne toilette à l'eau de mer.
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Nous étions dans ce bateau depuis trois jours. C'était vraiment fatigant, la routine du
matin celle de l'après-midi jusqu'à celle du soir était la même, très ennuyeuse malgré la
présence de Pythagore et d'autres mathématiciens. Pythagore et moi avions déjà visité tout
le bateau de fond en comble ; plus rien ne piquait notre curiosité. Mais ce qui m'effrayait le
plus était le temps, nous allons bientôt finir le voyage ; il ne nous restait plus que deux jours,
la Terre était toujours invisible, nous ne voyions que la mer grise agitée, plusieurs vagues
s'écrasaient sur le bateau, le soleil n'était plus présent, caché par les nuages grisâtres, le
bateau avait un peu de mal à avancer. Sûrement l'éclipse solaire devait être responsable de
tout ce changement. Je me sentais perdre conscience, ma tête tourna puis je tombai à terre.
J'ouvris les yeux ; Pythagore était près de moi, me regardant, l'air soulagé. J'essayais
de me lever mais je dus vite me recoucher car j'avais un terrible mal de tête, Anaximandre se
tenait en face de moi. Je jetai un regard autour de moi, il y avait un silence de mort, certains
étaient blessés. Je pris alors la parole :
- Que s'est-il passé ?
- Une tempête, me répondit simplement Pythagore
- Une tempête au printemps ? Vraiment ? répondis-je, stupéfait.
- Oui ! Nous-mêmes, nous ne nous attendions vraiment pas à cela.
Anaximandre m'avoua alors :
- La tempête était violente, le ciel s’est couvert brusquement alors que le bateau naviguait
paisiblement, l'orage a éclaté, accompagné d'éclairs et de coups de tonnerre, les vagues ont
atteint les quatorze mètres ; l'embarcation tanguait de manière inquiétante, les voiles
s'agitaient dans tous les sens. Nous avons eu peur, et sommes partis nous réfugier dans les
cabines.
Pythagore ajouta alors :
- Le père d'Anaximandre est mort.
Après ces trois mots, Anaximandre se mit à pleurer. D'autres personnes sur le bateau
ne mirent à pleurer elles aussi, certains le connaissaient, c'était un mathématicien respecté,
il était un père pour tous. Nous étions tous fatigués, c'est sur nos pleurs que nous nous
sommes endormis. Nous devions garder nos forces pour le lendemain, car le navire
accosterait à Alexandrie.
Je me réveillai sous le bruit de l'ancre qui s'échoua sur le sol de la mer Méditerranée.
Du haut du bateau je pouvais voir des marins, ils étaient habillés d'une chemisette à
manches et d'un jupon plissé. Les hommes étaient vêtus d'un pagne avec une écharpe
enroulée autour des reins et retenus à la taille par une ceinture, et les femmes d'une robe.
Pythagore et moi allâmes dans notre dortoir pour prendre nos bagages rangés la veille, et
descendîmes du bateau.
29
Le soleil était encore plus chaud qu'en Grèce. Les paysages de la basse Égypte étaient
très agréables à voir comme le fleuve du Nil ou le pyramide de Saqqarah. Mais nous devions
faire vite pour aller dans la demeure du grand Pharaon. Nous montâmes sur des chameaux,
après avoir fait à Alexandrie des réserves d'eau car la traversée durerait trois heures, j'avais
déjà chaud mais je ne devais pas baisser les bras après tout ce parcours déjà accompli. Sur
les chameaux la vue était magnifique, des oiseaux glissaient dans l'air, des poteries aux
motifs et couleurs méditerranéennes étaient exposées devant les boutiques. Le fleuve étant
proche, l'air aussi était agréable malgré la chaleur. Le soleil allait bientôt se coucher. Les
habitants de cette ville étaient tout à fait à l'opposé des habitants de Samos.
- Le Pharaon est comment ? demanda Thalès.
- Je ne sais pas, lui répondis-je
- Mais tu l'as déjà vu ?
- Oui. Mais je ne m'en souviens plus, ça fait plus de dix ans et je ne l'ai pas revu, lui avouai-je
- Quand l'as-tu rencontré ?
- Il y a fort longtemps, je lui avais demandé la permission d'entrer dans sa célèbre
bibliothèque, mais il a refusé.
- Tu penses qu'il va nous laisser entrer cette fois si ? Comment allons-nous faire ? demanda-
t-il, effrayé.
- J'ai alors répondu que je reviendrais le voir quand je deviendrais un savant reconnu. Il m'a
alors dit que quand je reviendrais, il me laisserait faire mes recherches scientifiques selon
mes envies.
Je vis alors de loin la demeure de Pharaon ; elle n'avait pas changé depuis le jour où
je l'avais quitté. Sa maison était luxueuse, à plusieurs étages, imposante. Des gardes étaient
devant la porte. Les maisons de paysans voisines, elles, étaient faites de briques crues
structurées avec des colonnes de roseaux liés, les briques étaient fabriquées avec la boue,
de la paille et de l'eau.
Nous avançons vers les gardes et nous leur adressons alors la parole :
- Nous voulons parler au Pharaon.
- Vous êtes ? demande l'un des gardes d'une voix que se fait agressive.
- Dites au Pharaon que je suis Thalès, je suis accompagné de Pythagore mon élève, je dois lui
parler.
- Nous allons le lui demander.
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Un des gardes s'en va, certains nous toisent du regard. Pythagore, lui, ne parle pas, il
ne connait aucun mot ni aucune lettre de l'alphabet protocananéen, malgré le fait qu'il soit
déjà venu dans ce pays, il attend sagement.
- Entrez, il vous attend.
Nous entrons dans sa grande demeure luxueuse. En passant par le rez-de-chaussée
nous avons eu la chance de pouvoir voir quelques-unes des pièces, une destinée à
l’approvisionnement, plusieurs salles de réception et de séjour. Des fenêtres laissaient
passer le soleil dans les salles, il y avait aussi un côté qui menait au jardin. Le garde reprend
la parole :
- Il est à l'étage.
Nous montons et, là aussi nous découvrons des chambres meublées de manière
raffinée avec juste à côté une salle de bain rangée proprement. C'est une demeure
égyptienne différente de l'architecture grecque. Le garde nous ramène devant une porte
fermée, qu'il ouvre, le pharaon se tient devant nous.
Amasis était roux, il avait les yeux marron, sa peau était peau blanche, très pâle, et
devait mesurer un mètre quatre-vingt-dix, il était très imposant. Il portait une tunique
blanche et n'avait pas vraiment changé en dix ans. Des gardes étaient présents dans la salle,
il leur demanda de sortir ; une fois seuls, nous nous regardons dans les yeux quelques
instants puis il demande :
- Que me vaut ta visite Thalès ?
- Je voudrais faire mesurer la hauteur de l'une de vos Pyramides.
- Je ne sais pas si je devrais te laisser. Aucun Égyptien n'a encore pu la mesurer. Vas-tu
réussir à mesurer la hauteur d'une pyramide ?
- Vous m'aviez promis que si je devenais une personne reconnue, vous me laisseriez faire des
recherches où je voudrais.
Il sembla réfléchir quelque temps avant de répondre :
- Quelle est la pyramide que tu voudrais mesurer ?
- La pyramide de Khéops.
- C'est d'accord, si tu réussis, je te laisserai rentrer dans ma bibliothèque, et je te construirai
une sculpture rien que pour toi.
- Je vous remercie, je ferai de mon mieux pour réussir, je ne vous décevrai pas.
- Quand vas-tu venir ?
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- Je compte venir demain, est-ce possible ?
- Je t'attendrai demain matin alors.
Pythagore et moi sortons de sa maison, joyeux, le sourire aux lèvres. Il fait nuit et
nous nous dirigeons vers nos chameaux pour partir chercher un logement.
Sur le chemin nous nous taisons, c'est un silence agréable, la vue est belle, on peut voir le
coucher du soleil se refléter dans le fleuve, personne n'est là à cette heure, il est tard :
- Je suis heureux pour toi. Tu vas pouvoir visiter la bibliothèque et tu auras une sculpture
rien que pour toi, c'est formidable ! Je te souhaite la réussite.
- Merci, c'est gentil de ta part, Pythagore.
Nous avons trouvé un endroit pour dormir, nous avons mangé quelques spécialités
égyptiennes, assez pour tenir jusqu'au matin, nous avons fait notre toilette avant de nous
endormir, impatients d'être au lendemain et le sourire aux lèvres, heureux.
Le soleil me réveilla, je décidai alors de secouer Pythagore qui était près de moi, il
ouvrit les yeux doucement et se leva. J'étais très fatigué, mais nous devions nous dépêcher
pour ne pas faire attendre Pharaon. La pyramide était proche, nous marchons alors à pied
jusqu'à celle-ci. Après dix minutes de marche, nous nous retrouvons devant la pyramide de
Khéops, elle est construite sur un socle rocheux, elle devait faire près de cent vingt-cinq
mètres de hauteur. De gros blocs de pierre étaient l'un en dessus de l'autre, certains étaient
cassés, et d'autres bien sculptés. Quelques personnes étaient présentes devant cette
pyramide, je reconnus alors le mathématicien nommé Euclide, je le connaissais bien, nous
étions amis, il était né en Égypte, mais vivait en Grèce, car il avait fondé l'école
philosophique de Mégare là-bas. Je décidai d'aller lui parler en attendant l'arrivée du
pharaon :
- Que fais-tu ici Euclide ?
- Je suis venu faire des recherches pour la bibliothèque d'Alexandrie et toi que fais-tu ici avec
Pythagore ?
- Je suis aussi venu faire des recherches, mais nous attendons le Pharaon.
- Aussi pour mesurer la hauteur de la pyramide de Khéops, ajouta Pythagore.
- Je vous souhaite une bonne chance, je dois y aller maintenant.
Nous nous saluons en espérant nous revoir bientôt. C'est à ce moment-là que le Pharaon fit
son entrée, accompagné de ses gardes :
- Je te regarde faire, dit-il simplement
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Je hochai la tête et me mis au travail. Je commençai à expérimenter mon théorème
en me plaçant en face de la pyramide de Khéops, et attendis que le soleil se lève, muni d’un
simple bâton que Thalès m'avait tendu. J'attendis quelques heures pour que le soleil soit
bien placé. Je regardais le Pharaon, il avait l'air ennuyé d'attendre, je devais faire vite.
Après plusieurs heures d'attente sous le soleil, j'étais fatigué mais j'ai tout de même
pu prouver la proportionnalité des longueurs des ombres de la pyramide et de mon bâton
par rapport aux hauteurs de la pyramide et du bâton. Je vis Amasis se diriger vers moi, le
sourire aux lèvres, il me félicita, il demanda à ses gardes de lui ramener le meilleur sculpteur
du pays, mais soudainement, mes yeux se fermèrent peu à peu jusqu'à ce que je sente mon
corps tomber.
J'ouvris les yeux, j'étais dans ma chambre, à Milet.
Alors tout cela n'était donc qu'un rêve ?
KHOULOUD
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Naître – Vivre – Mourir
« Trois évènements sans lesquels aucun être n’existe – venir au jour, séjourner,
périr, - trois évènements qui n’en font qu’un, puisqu’il s’agit des trois moments de cet
événement qu’est l’être lui-même (le fait même d’être) pour ce qui est. »
ANAXIMANDRE (-610 à -546 avant JC)
15 Métageitnion de l’an 575 avant Jésus-Christ.
Cela fait déjà trois semaines que nous sommes partis de Milet, mes compagnons et
moi. Je vous avoue que moi, Anaximandre, ai versé quelques larmes. Je n’avais jamais quitté
mon pays natal jusqu’à maintenant. Certains se sont moqués, comme ce Pythagore, si jeune
et puéril. Si ça ne tenait qu’à moi, il serait resté sur la terre fertile de Milet, mais mon maître
Thalès voulait absolument le prendre pour le voyage. Il me répète sans arrêt : « Ce petit est
intéressant. Passer du temps avec lui pourrait nous apprendre des choses. ». Pour moi, la
seule chose qu’il pourrait nous enseigner est la sottise et l’impulsivité. Maintenant nous en
sommes là, embarqués sur le Lotus, bateau grec à trois mâts.
14 Boédromion de l’an 575 avant Jésus-Christ.
La vie à bord m’est étrangère. Dès l’aube, l’équipage doit se lever et manœuvrer le
bateau jusqu’au crépuscule. Tout le monde s’y met, sauf une personne, ce Pythagore. Cela
fait déjà trois jours qu’il est installé à la proue et qu’il dort. Le capitaine et ses matelots
croient naïvement que ce garçon est une divinité mais j’en ai une autre opinion : c’est
seulement un fainéant ! Heureusement que Thalès joue de la lyre toute la journée.
L’écouter fait passer le temps et m’évite de penser à la fatigue, et c’est ma seule distraction.
Chaque jour, de la pluie, des tempêtes, des vents violents, depuis quasiment deux mois,
nous avons eu seulement quatre jours ensoleillés, quatre jours de repos. Pourquoi t’ai-je
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quittée Chère Milet, mon petit nid douillet ? Je le regrette chaque jour… Je vois que je ne
suis pas fait pour l’aventure…
9 Maimactérion de l’an 575 avant Jésus-Christ.
Nous venons de débarquer sur le sol de Damas. Je pensais découvrir une ville
verdoyante mais au lieu de ça je ne vois qu’une petite bourgade miséreuse entourés de
terres arides. Je sais que nous sommes de passage mais cette étape était-elle vraiment
utile ? Ce triste spectacle me détruit le moral. Je reconnais au moins l’utilité de Pythagore
en ce moment. Même s’il est borné, il me fait tout de même rire. Vivement le départ ! Je n’ai
que cette idée en tête…
Maimactérion de l’an 575 avant Jésus-Christ
Du sable, du sable, du sable, voilà ce que je voyais depuis deux semaines. Ces collines
d’or brûlant et ce soleil cuisant m’épuisaient au plus haut point. Nous ne savions plus quel
jour nous étions, Lundi ? Jeudi ? Etions-nous perdus ? Nous avancions difficilement.
Pythagore se lamentait tout le temps, cela m’agaçait. Thalès au contraire, droit et fier sur
son chameau, ne disait pas un mot, il restait calme et serein, je l’admirais. Tout autour de
nous le silence était écrasant, rythmé seulement par de rares cris d’oiseaux et les plaintes du
vent. Notre seul point de repère était l’Euphrate. A Damas, nous avions fait de grosses
provisions, plusieurs kilos de dattes, ainsi que assez d’eau pour tenir vingt jours. De tout
cela, il nous restait la moitié. Nous avions beau économiser nos ressources, dès que nous
tournions le dos pendant quelques secondes, Pythagore en profitait pour aller s’empiffrer
sans se soucier des autres. J’espérais que bientôt tout cela allait se terminer car j’étais
exténué.
2 Poséidéon de l’an 575 avant Jésus-Christ
Après cet interminable périple dans un désert aride, nous vîmes enfin la première
trace de civilisation depuis notre départ de Damas. Ces immenses murailles nous laissaient
croire que nous étions arrivés au Paradis ; la végétation était luxuriante, des animaux, des
chèvres, des chameaux se désaltéraient, on entendait de joyeuses voix d’enfants, le bruit des
roues des charrettes se mêlait aux claquements des sabots contre le sol et aux cris des
marchands de fruits et de légumes. Des enfants jouaient ensemble dans cette grande cité. Se
promener dans ces rues commerçantes et animées, où l’on trouvait une grande variété
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d’épices, de viandes et toutes sortes d’objets typiques, nous faisait découvrir un autre mode
de vie, même si l’usage d’un grand nombre de ces objets nous demeurait inconnu. Une fois
installés dans une auberge, nous prîmes le temps de flâner dans les rues puis nous allâmes
nous coucher pour reprendre des forces… Nous en avions tant besoin.
2 Gamélion de l’an 574 avant Jésus-Christ.
Aujourd’hui, c‘est l’heure du départ. Cela fait déjà une vingtaine de jours que nous
sommes arrivés et nous avons visité les moindres recoins de la somptueuse Babylone, de la
gigantesque bibliothèque rassemblant le savoir de tant d’hommes jusqu’aux jardins
suspendus ressemblant à ceux décrits dans la Bible. Durant ce séjour, Pythagore, je l’avoue,
m’a beaucoup étonné. Pendant nos visites il se montrait si attentif, comme un grand sage.
« Regardez ! Regardez ! cette architecture est une merveille ! » nous disait-il joyeusement.
Nous avons en effet pu admirer de splendides sculptures sur d’impressionnantes places
publiques, des animaux de toutes sortes vagabondaient dans les rues et chaque rencontre
donnait vie à notre voyage. Thalès voulait visiter tous les temples et lieux culturels de la cité
mais le temps nous a manqué tant cette ville s’est avérée inépuisable … Cette étape était
très importante car le voyage qui nous reste à accomplir ne sera pas de tout repos et je
crains qu’il nous arrive des aventures plus extravagantes que prévisibles. Je sais déjà que
Babylone restera la plus grande aventure et la plus forte émotion de toute ma vie et j’espère
y retourner un jour, peut-être même pour y mourir …
EPILOGUE
14 Mars 2015
Ces fragments du journal d’Anaximandre ont été très récemment découverts dans la
réserve d’une bibliothèque de quartier, quasiment en ruines, au Caire. Ils éclairent d’un jour
nouveau la vie de ce grand mathématicien et permettent au lecteur du XXIe siècle une
plongée totalement inédite dans l’intimité d’un savant du VIème siècle avant Jésus-Christ. A
travers cette œuvre, nous pouvons découvrir les caractères de ses trois mathématiciens qui
ont posé les bases de nos mathématiques ainsi que leurs liens et leurs affinités. Nous y
découvrons le côté humain de ces trois personnages et nous savons aussi que le vœu d’
Anaximandre de mourir à Babylone ne s’est pas réalisé car il rendit son dernier souffle à
Milet, sa ville natale.
ROMAIN, PAUL , GABRIELA, CELINE
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Naissance et jour levant d'une amitié
Chapitre 1: Du côté de l'un...
La route de Léchée éclatait de couleurs. Les voix des marchands fusaient dans la foule
agitée. De part et d’autre de la route, des odeurs émanaient des comptoirs et montaient vers
le ciel azur de l’été. Les étalages regorgeaient d’un vaste choix de vins, d’huiles, d’épices, de
tissus, de bijoux de bronze, d’outils, de meubles, de bétail et d’innombrables choses. Toutes
ces boutiques étaient plus éblouissantes les unes que les autres.
C’était un vendredi spécial : les gens s’empressaient de faire leurs préparatifs en vue
des jeux Isthmiques de Corinthe. Les concurrents des différents domaines n’allaient pas
tarder à arriver. Ils venaient de toute la Grèce. Les épreuves de lutte, course, saut, disque et
javelot auraient lieu dans cinq jours, et celles de musique et poésie dès le lendemain. Les
vainqueurs remporteraient une branche de pin sacré en l’honneur de Poséidon.
Sur les quais du port, les matelots chargeaient et déchargeaient les marchandises des
bateaux. Une quantité prodigieuse de produits extrêmement divers, venant du monde entier,
circulaient entre les entrepôts et les embarcations. Le bruit des charrettes qui roulaient sur
les pavés faisait un cahotement infernal. Par moments, des troupeaux traversaient la rue et
bouchaient la circulation. Les denrées, sous le soleil de midi, répandaient abondamment
leurs odeurs. De temps à autre, une légère brise emportait toutes ces effluves vers le large.
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Un gros bateau marchand s’approchait de la côte rapidement. Il entra dans le port
majestueusement, sa fière figure de proue nous éblouissant de lumière. Je rassemblai mes
quelques affaires. Une fois la passerelle jetée, je montai à bord, et j’allai déposer mes
bagages dans la cale où nous dormirions, puis, comme il me restait un peu de temps avant le
départ, je me baladais sur le pont, et contemplais l’excitation du port et le paisible clapotis
des flots. Des cris aigus et éraillés me surprirent et me sortirent brutalement de ma rêverie :
c’était des mouettes ; dans un brouhaha strident, elles s’élevèrent dans les airs. Je levai la
tête, les suivis du regard. Elles frôlèrent le grand mât. Les cordages crissaient tandis que le
vent s’engouffrait dans la grand-voile et faisait frémir la misaine. Le pont en bois craquait,
astiqué rudement par les matelots sous les ordres du capitaine. Puis, progressivement, les
gens commencèrent à embarquer et on entendit le signal du départ : la traversée
commençait.
Le soir arriva tôt. Il faisait doux, je décidai donc de rester un peu dehors. Je
m’accoudais au bastingage et regardais la terre s’éloigner et disparaître derrière nous.
La mer était tranquille, le bateau avançait vite.
Quand la nuit tomba, je regagnai ma cabine et m’endormis profondément bercé par
la houle.
Le deuxième jour, nous fîmes escale à Kéos, et à Paros. Le temps était chaud, la mer calme,
les dieux cléments. Profitant du soleil, je m’accordai une petite sieste, adossé au bastingage.
Ah, qu’il faisait bon ! Que c’était agréable !
Je pus également profiter du sublime spectacle que m’offrait la riche végétation de Paros.
Le troisième jour fut particulièrement intéressant.
En passant près de l’île de Délos, j’aperçus une envolée de cailles, au sublime plumage ; je
pus étudier leur vol, et constatai qu’une grande partie d’entre elles nichaient sur l’île. Alors
que je les observais, quelqu’un me rejoignit et débuta un long discours sur la vie de ces
oiseaux. C’était un passionné, et un spécialiste, il en savait beaucoup plus long que moi. Nous
discutâmes pendant une bonne heure.
La soirée commença donc ainsi …
La clarté du jour commençait à refluer devant la nuit. Une douce lumière rosée régnait.
Le Soleil allait bientôt passer en dessous de la mer, qui sait ? Peut-être verrais-je le fameux «
rayon vert », qui fait rêver tant de marins.
Une heure plus tard, la nuit était tombée. Une légère brise d’été caressait mon visage ;
la majestueuse voile de notre embarcation frémissait dans l’air pur. Les premières étoiles
apparaissaient dans le ciel. Cette nuit, la Lune ne se montrait pas, je pus donc distinguer
aisément les astres dans le ciel sombre. Devant ce magnifique paysage d’une beauté
incontestable, moi, passionné d’astronomie, je ne pus résister à l’envie de rester sur le pont
pour contempler cette nuit étoilée.
Je m’assis sur une toile épaisse qui recouvrait une partie du pont. C’était le paradis ! Je voyais
le ciel comme jamais auparavant, un vrai bonheur !
J’observai les constellations lorsque tout à coup j’entendis le sol grincer. Je tournai la tête.
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Alors que je pensais être seul, je distinguai vaguement une silhouette. L’inconnu vint
s’installer à côté de moi ; c’était un homme, plutôt jeune.
Il était mince et avait les cheveux courts. Je n’arrivais pas à percevoir ses autres traits
physiques car nous avions pour seule lumière, en cette nuit noire, la clarté des étoiles.
Quelques minutes s’écoulèrent ainsi, et, soudain le mystérieux inconnu m’adressa la parole,
il commença son discours par ces mots :
- Ah ! Je vois que vous aussi appréciez la beauté du ciel ! J’avoue qu’en ces conditions
climatiques et dans ce cadre fabuleux, les astres ressortent divinement bien !
-Mmhm, vous avez parfaitement raison, les étoiles brillent mieux qu’en temps
normal, approuvai-je.
Je pus tout de suite confirmer ma supposition, l’inconnu était bien jeune.
- Vous vous y connaissez Monsieur ? me demanda le jeune homme (de sa voix encore
aigüe, il venait de m’appeler « Monsieur » ce qui indiquait que lui aussi m’avait reconnu
comme étant plus âgé).
- Mmhm, je peux dire que je m’y connais assez oui ! lui répondis-je
- Oh ! Regardez ! Le Grand Chariot !
-Mmhm! C’est cela en effet ! répondis-je
Je vis aussitôt qu’il avait de réelles connaissances en astronomie, il n’avait pas appelé «
Le Grand Chariot » «Grande Ourse», comme font la plupart les gens.
- Et regarde voilà le Petit Chariot ! Euh, Regardez… m’excusai-je, emporté par mon
enthousiasme et l’irrésistible élan de ma jeunesse, je me mis à tutoyer le vieil homme
comme si notre passion commune avait suffi à nous rapprocher.
- Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave, me répondit-il d’un ton calme et magnanime.
Nous continuâmes à discuter ainsi et à contempler les astres étincelants.
Chapitre 2 : Du côté de l'autre...
La nuit avait été calme, je me réveillai et me levai sans peine. Je m’habillai, et me vêtis
d’habits légers car plus nous approchions Samos, plus il faisait chaud. Ce qui n’était ma foi,
pas désagréable.
Je montai sur le pont et je m'assis au même endroit que la veille. Tous les voyageurs s’y
étaient réunis pour contempler l’arrivée. Le débarquement était prévu pour midi.
Il n’était pas loin de dix heures du matin, et le soleil commençait à me réchauffer. De
ma place, je pouvais observer tout l'équipage. Chacun discutait, de tout, de rien, du beau
temps, de Samos, des projets…Tandis que moi, je me contentais paresseusement d’écouter
ce qui me parvenait aux oreilles.
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Soudain, j’eus l’impression de reconnaître une voix. Je ne sus pas tout de suite à qui elle
appartenait. Je me mis à écouter attentivement la conversation. Il s’agissait de deux
hommes, celui qui se trouvait en face de moi avait l’air passionné par les oiseaux, ce qui était
d’ailleurs leur sujet de conversation. Je réfléchis un instant, jusqu’à m’apercevoir que ce
dernier parlait bel et bien avec mon interlocuteur de la nuit dernière ! Cet homme assez
vieux, qui s’y connaissait comme personne en astronomie.
Je le reconnus grâce à son tic de langage, qui était à chaque début de phrase, de
pousser un « mmhm » approbateur. Sa voix m’était donc bien familière !
Tout à coup le duo se dirigea vers les cabines. Je fis de même et les suivis discrètement.
Impossible de les laisser filer sans que je puisse voir qui se cachait derrière cette voix.
L’homme se retourna enfin, et j’eus à peine le temps de m’apercevoir qu’il s’agissait en fait
du Grand Mathématicien Euclide !
J’avais parlé à Euclide la nuit dernière ? Je n’en revenais pas. C’était bel et bien lui ; il avait le
même front, un large front qui inspirait le respect ; le regard pétillant et vif et, il avait des
cheveux assez courts et bouclés, avec des élégants reflets cendrés dus à son âge !
Le bateau glissait sur les eaux calmes, laissant derrière lui un mince sillage. Il était aux
alentours de midi, pourtant l’île était comme endormie, enveloppée d’une brume légère.
Nous pénétrâmes silencieusement dans le port, et nous nous amarrâmes au ponton.
Je descendis, tout en prenant garde de ne pas perdre de vue Euclide.
J’aurais tant voulu lui parler, lui exprimer mon admiration. J’avais lu tous ses ouvrages, et ses
théories. Je l’idolâtrais. Mais j’étais très intimidé, je craignais de le déranger, ou bien même
de l’agacer, sans doute n’avait-il pas beaucoup de temps.
Ma curiosité insatiable prit le dessus, et je décidai alors de le suivre discrètement.
Nous prîmes le chemin d’accès qui conduisait à la cité.
L’acropole nous apparut enfin. Devant cette perfection, une vague d’émotion monta
en moi. Je n’avais jamais encore repensé à ce que j’avais quitté pour venir ici. Puis, nous
arrivâmes devant la cité. Euclide traversa à grandes enjambées la place, je lui emboîtai le pas
tout en faisant attention à rester bien caché.
L’agora était pleine de vie : les gens s’empressaient dans les temples et dans la grande
bibliothèque. Plusieurs visiteurs montaient vers l’acropole. Les enfants jouaient en
chantonnant. Et je ne pus m’empêcher de penser aux comptines de mon enfance.
Je fredonnais du bout des lèvres :
Milisse mou millisse mou
Den se filissa pote mou
Milisse mou milisse mou
Pos na se xehaso pes mou
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Pendant ce temps, nous nous étions éloignés. Nous sortîmes par le portique sud et
continuâmes dans cette direction. Il faisait très chaud, j’étais en nage, et je n’en pouvais plus
de cette course, je n’arrivais plus à suivre Euclide. Je commençai à me demander quand il
allait s’arrêter, et où il pouvait bien aller.
Bientôt, le nombre d’habitations diminua, et il n’y eut plus grand monde. Euclide zigzagua
encore entre deux ruelles, sembla hésiter un instant, puis il s’engagea à gauche. Soudain, je
l’entrevis avec d’autres personnes ; ils se serrèrent la main, puis entrèrent dans un vaste
édifice assez austère.
Je longeais le majestueux bâtiment pour trouver un poste d'espionnage d’où je
pourrais observer ce qui se dit entre grands mathématiciens... La rue était calme sous le
soleil torride. Après avoir fait le tour du bâtiment, je compris qu'aucune fenêtre n'était
facilement accessible, elles étaient toutes trop hautes. Je ne voulais pourtant pas
abandonner si vite.
Je rebroussai chemin jusqu'à la fenêtre qui me paraissait la plus accessible. Je
préférais suivre mon instinct plutôt que la raison, et décidai de tenter l'escalade. Le mur
n’était pas régulier, et offrait donc de bonnes prises. Je progressais facilement, et atteignais
la fenêtre sans encombre.
Quelle chance ! De ma position, je pouvais voir tous les mathématiciens.
Cette pièce était immense, recouverte de tous côtés de tableaux, de cartes de toute la Grèce
et du ciel, et de multiples autres objets. Une bibliothèque monumentale remplie de vieux
livres de géographie, d'histoire, de mathématique, d'astrologie et de physique était installée
dans un coin de la salle.
Des scientifiques réputés dans le monde entier comme Pythagore, Thalès ou même
Anaximandre avaient visité cette bibliothèque.
De l'autre côté de la salle, des télescopes, des balances, des règles, ou encore des loupes
étaient rangés sur de grandes étagères en bois de chêne.
Au centre, était dressée une énorme table en olivier entourée de chaises. Le soleil éclairait
toute la pièce.
Une dizaine de personnes discutaient. Je reconnus avec soulagement Euclide, en
grande conversation avec l’un de ses confrères, honoré par tous.
Au bout de quelques instants, un vieil homme en uniforme militaire invita tout le monde à
s'assoir autour de la table. Un tableau recouvert d'une carte de la Grèce avait été placé en
bout de table. L'homme prit la parole :
-Chers amis, je vous ai convoqués pour prendre une décision importante. Depuis
longtemps, la question est restée en suspens, mais maintenant, la situation ne peut plus
durer. Il faut en découdre et prendre une décision une bonne fois pour toute !
Tous les convives semblaient comprendre les enjeux de cette décision mais moi, je ne
voyais pas du tout de quoi il s'agissait. L'homme continua avec véhémence.
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-Vous connaissez tous la richesse de la Macédoine et vous l'avez tous vue à l'œuvre dans
la conquête de ses cités voisines. Les prochains sur la liste, c'est nous ! Pour résister, nous
devons nous unir et faire une alliance ! Si nous ne réagissons pas, il sera trop tard...
Les convives prirent tour à tour le bâton de parole. Les avis étaient partagés et pourtant
tous justes. Je me demandais comment ils allaient pouvoir prendre une décision qui
conviendrait à tous.
Euclide était resté silencieux. Soudain, il prit la parole. J'étais si absorbé par son discours
que je ne sentis pas mon pied glisser. Trop tard ! J'avais emporté dans ma chute une grosse
pierre qui se fracassa dans un bruit assourdissant.
J'étais à peine relevé, qu'un garde m'avait déjà attrapé par derrière. Il m'empoigna
fermement et m'introduisit dans le bâtiment. Je me rendis compte de la gravité de mon acte.
Après avoir traversé quelques couloirs, il poussa une grosse porte. Me voilà moi aussi dans la
salle ! J'étais partagé entre la peur de ce qui allait advenir, et, en même temps fasciné de voir
tous ces gens et objets de près. Tous les convives me toisaient. Tous, sauf un. Euclide. Il était
sidéré de me voir là. J'étais au moins soulagé qu'il me reconnaisse.
-Voilà le chenapan qui vous espionnait ! s'écria le garde en me brandissant devant les
convives.
-C'est un espion macédonien ! lança un des militaires.
-Il faut l'emprisonner !
-Non, il vaut mieux l'exécuter, ça serait plus sûr ! lança quelqu'un d'autre.
Je n'osais me défendre. Euclide se leva et vint m'observer de plus près. Je connais ce
garçon, dit-il enfin. Laissez-le partir. Il ne fera rien. Personne n'osait contredire ses ordres.
Avant de retourner s'asseoir, il me chuchota discrètement à l'oreille: «Attends-moi dehors».
Le garde me raccompagna. Il semblait déçu qu'on ne me punisse pas plus et ne cessait de me
jeter des regards noirs.
Je m'assis en face de l'entrée, à l'ombre d'un cyprès. Le clapotis d'une fontaine, le
gazouillis des oiseaux et le bruissement du vent dans les feuilles répandaient une
atmosphère paisible. Le temps semblait s'être arrêté. La discussion que j'avais écoutée me
revenait en tête par bribes. Dans cette ambiance sereine, je ne pouvais imaginer l'horreur
d'une guerre.
Le petit groupe de collègues sortit du bâtiment. Ils discutèrent quelques instants, puis se
dispersèrent. J'avais veillé à ce que personne ne puisse me remarquer. Euclide alla se
rafraîchir à la fontaine. Je le rejoignis.
- Je vous ai attendu.
- Quelle idée tu as eue de me suivre ! Tu n'aurais jamais dû, c'était beaucoup trop
dangereux, lança-t-il.
- Mais je...
- Mhmhmh... Tu n'as aucune excuse valable, me coupa-t-il.
- Veuillez m'excusez Monsieur, mais comprenez... Notre première conversation m'avait
tellement subjugué… Je, je ne pouvais imaginer que ce serait la seule.
J'avais été franc, mais je n'attendais rien de la part d'Euclide. Qui étais-je au juste, si ce
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n'est un vagabond quelconque. Euclide semblait bien surpris et dubitatif.
- Mhmh...Je dois reconnaître que tu m’étonnes beaucoup, et que, somme toute, tes
raisons sont assez valables. Puisque tu es là, je peux te montrer quelques livres, si tu en as
envie.
Je fus gagné d'une excitation fébrile. Je n'en croyais pas mes oreilles ! Moi, qui n'étais
encore rien, j'allais pouvoir écouter, apprendre d'Euclide en personne, et consulter ses
livres ?
Dix ans plus tard
Ce matin une page de ma vie s’est tournée. Mon cher maître Euclide est mort dans
son sommeil, moi à son chevet. La douleur est terrible. J’ai besoin d’air, je vais marcher sur la
plage. Je regarde l’horizon. Il fait beau. Le vent soupire. Je respire. Une larme roule
doucement sur ma joue. Je me souviens de ces années partagées avec lui. De ces cours, et de
ces leçons qu’il m’enseignait avec passion. De ces moments, passés à débattre sur un
théorème ; de ces voyages d’affaires où je l’accompagnais. De ces sorties et de ces visites
quotidiennes. De tout ce temps à ses côtés, à apprendre, à comprendre.
Je rebrousse chemin ; mes pas sont lourds et difficiles. Je suis triste. Je voudrais me confier à
quelqu’un ; mais il n’y a que lui et il n’est plus là. J’aimerais pouvoir lui dire tout ce que j’ai
sur le cœur, et que je ne lui jamais dit…
Mon cher maître, cette lettre est pour vous.
Je vous remercie pour tout ce que vous m’avez enseigné. Je suis extrêmement fier d’avoir été
votre élève, apprenti et ami. Sachez que je ne vous oublierai jamais. Vous êtes mon modèle,
inscrit dans mon âme et mon cœur. Et qui, je le sais, m’accompagnera depuis là-haut.
Je ferai de mon mieux pour vous succéder.
Je vous aime infiniment,
Votre dévoué Erathostène.
ELISE ET HANA
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COUP DE TONNERRE
Chapitre I
Il faisait nuit et il pleuvait des cordes. Je pensais qu’il n’y aurait personne dehors à
une heure pareille. Contre toute attente, je vis certains de mes amis se protéger à l’entrée
du temple de Zeus, ils me remarquèrent et me firent signe de les rejoindre. Une fois près
d’eux, j’entendis un grondement sourd et un débat sur le tonnerre commença :
Akilion, un vieillard plutôt aigri, s’exclama, excédé :
- Encore Zeus qui gronde ! Qu’est-ce que l’on lui a fait ? C’est déjà le troisième orage cette
semaine.
- Oh voyons, ne t’énerve pas comme ça, ça rend méchant et bête, lança Athos.
Akilion grogna de dépit : il ne pourrait pas s’opposer à lui puisque Athos, qui était un soldat
noble et respecté de tous, même des grands généraux comme Léonidas, dégageait une force
reposante comme s’il avait des pouvoirs de demi-dieu.
- De toute façon quand les dieux sont en colère, on ne peut rien faire, grogna Kostas.
- Vous savez que certains savants pensent que la foudre peut s’expliquer scientifiquement ?
intervint Klemes.
-Sérieusement ? grogna Alexandros.
- C’est impossible ! s’écria Andréas.
44
- BIEN SUR QUE SI QUE C’EST POSSIBLE, hurla une voix venue de derrière
Chapitre II
Tout le monde se retourna : c’était un vieillard maigre et barbu.
- Monsieur, de quoi vous mêlez-vous ? demanda Alexandros.
- Je m’appelle Anaximandre, je suis un scientifique, rétorqua le vieillard, visiblement vexé.
- Et alors ? demanda Akilion.
- Attends, je sais ! lança Klemes. C’est un grand scientifique : il a notamment établi une carte
du ciel.
- Effectivement il y a d’abord le soleil puis la Terre et les étoiles, expliqua Anaximandre.
- Mais que sont les étoiles ? demanda Andréas, impressionné et conquis par l’aplomb du
vieillard.
- Les étoiles sont de minuscules soleils qu’….
- Vous les scientifiques, vous ne dites que des bêtises, interrompit Akilion, furieux ; les
étoiles sont des dieux !
- Arrêtez de crier comme des sauvages, vous allez réveiller tout le monde, m’exclamai-je.
Ils me regardèrent tous, l’air énervé, prêts à se retourner contre moi, comme une meute de
loups.
- Tais-toi ! Tu ne sais rien du tout, grogna Andréas.
- Parce que tu sais tout, toi ? demanda Athos, moqueur.
Á ce moment-là, le débat partit en vrille : mes oreilles sifflaient tellement ils criaient.
Ils ont commencé à se battre entre eux, j’ai eu peur et je suis parti chercher quelqu’un pour
les arrêter.
J’ai finalement trouvé un soldat et je lui ai demandé de l’aide pour régler la dispute.
45
CHAPITRE III
Le lendemain matin, Kostas vint me prévenir qu’Andréas était chez le médecin.
- Il est si gravement blessé que ça ? demandai-je.
- Je ne sais pas mais j’espère pour lui que non, répondit-il.
Le silence s’installa. Nous étions gênés de parler de la bagarre de la veille, quand
soudainement, nous vîmes un rassemblement de nombreuses personnes.
- Que se passe- t-il ? demanda Kostas.
- Je ne sais pas, allons voir.
Quand nous nous sommes rapprochés du groupe, nous avons vu Athos en train de parler
d’Anaximandre.
- Que se passe-t-il ? insista Kostas.
- Apparemment Anaximandre est mort, répondit-il.
J’eus soudain très chaud car je ne l’avais pas vu partir après la bagarre. Et nous
l’avions peut-être laissé mourir de ses blessures ? A son âge, il était sans doute moins
résistant que des jeunes comme nous.
- Quelqu’un sait comment il est mort ? lança Kostas.
- Je crois qu’il a été foudroyé, lança quelqu’un dans la foule.
- Tu es sûr ? demanda Athos.
- Oui, je crois.
- Je ne te demande pas si tu le crois mais si tu en es sûr ?
- J’en suis sûr : je l’ai vu être touché par un éclair alors qu’il rentrait chez lui, mais j’ai eu
peur, donc je me suis enfui en courant.
-Ouf, ai-je pensé à ce moment.
-Quelle ironie, lança Kostas, lui qui disait que la foudre était un phénomène scientifique : il a
été emporté par la colère de Zeus.
Tout l’auditoire éclata de rire.
- Oh il avait de bonnes idées scientifiques, mais bon, c’est fini maintenant. Qu’il repose en
paix !
46
- Si ça se trouve, il y aura des gens dans le futur qui arriveront à prouver ce qu’il disait.
- Pourquoi pas …
ALEXANDRE ET CLEMENT
47
Le dilemme de Thalès
Ce matin-là, le soleil brillait sur l’écume de la mer Egée. Un jeune homme marchait sur les
quais du port en observant l’horizon. Ses cheveux noirs tombaient en boucles sur ses
épaules musclées. Un petit garçon arriva en courant. Il cria :
- Thalès ! Thalès !
Le jeune homme se retourna et lui demanda :
- Oh, Abel, calme-toi ! Raconte-moi ce qui te met dans cet état.
- Mon maître t’appelle. Il m’a dit de venir te chercher au plus vite car il a eu vent de ton
départ.
- J’arrive, cours prévenir mon père de ma visite.
Abel se remit à courir dans le sens inverse. Thalès le suivit en marchant tranquillement. En
effet quelques jours plutôt lors de sa promenade habituelle Thalès avait eu une révélation.
Sa ville l’étouffait, il voulait partir à l’aventure, découvrir les merveilles du monde avant
que la vieillesse le rattrape et qu’il ne puisse plus bouger. Thalès était la seule famille qui
restait à son père et il ne voulait pas l’inquiéter avec cette séparation qui allait être difficile.
48
Quand Thalès arriva chez lui, il vit son vieux père dans la cour avec son serviteur Abel. Son
père, en larmes, s’approcha de lui et se lamenta :
- Alors, comme ça, mon unique fils veut me quitter ? Veux-tu m’abandonner ? Je
préfèrerais mourir que de te voir partir !
Thalès répondit tristement :
- Mon père, je vous aime tendrement, mais il faut que je parte découvrir le monde et la
vie ! A quoi donc servirai-je si je reste ici ?
Le vieux père regarda longuement son jeune fils. Il l’avait vu grandir et il l’avait élevé. Ne
serait-il pas égoïste de sa part de le garder auprès de lui et de le priver de la connaissance du
monde ? Il leva les yeux noyés de larmes vers le ciel et déclara :
- Si les dieux le veulent, va-t’en. »
Le lendemain il était parti.
Dix jours plus tard Thalès arriva à Alexandrie. Quand il posa son pied sur le sol brûlant
de l’Egypte, il vit le magnifique paysage d’Alexandrie. D’immenses monuments crevaient les
nuages : c’étaient les célèbres pyramides d’Alexandrie.
Thalès resta immobile, tant de beauté lui avait coupé le souffle.
Thalès avança d’un pas et faillit se faire écraser par un char. Le conducteur se
retourna et lui cria quelques vulgarités. Le doute se faufila alors dans son esprit. Avait-il eu
une si bonne idée en quittant sa ville natale et son père ? Ou alors s’était-il trompé sur toute
la ligne et avait-il fait une grosse erreur ? Il chassa ces idées de son esprit et s’enfonça dans
la ville.
Cet après-midi-là, Ethère était à Alexandrie dans l’une de ses nombreuses propriétés. Il
attendait un client qui aurait dû être là depuis longtemps. Il commençait à s’impatienter.
Ethère était un petit homme trapu. Il avait de petits yeux vifs noirs. Il était plutôt
sympathique et très comique. Il avait gagné sa fortune en observant les trajets de
marchandises et les avait améliorés en les rendant plus rapides. Ethère était devenu
prospère et avait décidé d’arrêter son travail pour se retirer de sa vie très prenante.
Maintenant, il louait ses maisons aux étrangers. Cela faisait longtemps maintenant qu’Ethère
attendait ce client, il s’apprêtait à partir quand il entendit un homme qui courait derrière lui.
Il se retourna et vit un jeune homme avec une valise à sa main. Ce dernier s’approcha
d’Ethère et lui demanda :
49
- Je cherche un certain Ethère, savez-vous ou je peux le trouver ?
Ethère lui répondit :
- Oui, il se trouve juste devant vous. Enchanté, Ethère, c’est moi.
Thalès serra la main tendue et dit chaleureusement :
- Excusez-moi de mon retard, c’est la première fois que je viens à Alexandrie, je me suis
perdu dans ces rues tortueuses.
- Vous savez, vous n’êtes pas si en retard, il y a des clients qui ne sont jamais arrivés.
Thalès rit de bon cœur, et Ethère l’invita à entrer dans sa demeure. Les deux hommes
traversèrent la cour intérieure en bavardant.
Quelques jours plus tard, Ethère rentra dans la maison en courant.
- Thalès ! Thalès !
- Que se passe-t-il Ethère ?
- Je suis désolé de crier comme ça, mais il faut absolument que je te présente
quelqu’un !
- Calme-toi et raconte-moi tout.
- Un homme est arrivé récemment en ville et il me loue aussi une maison pas très loin
d’ici. Il est exactement comme toi, il veut découvrir le monde et s’intéresse aux
mathématiques. Il faut que vous vous rencontriez. Il s’appelle Pythagore.
- Très bien, quand pourrai-je le rencontrer ?
- Demain, quatorze heures, à la plage de Marsa-Matrouh.
- D’accord j’y serai.
Le lendemain Thalès se rendit à Marsa-Matrouh. Il vit de loin Ethère accompagné d’un
jeune homme à l’allure svelte. Il leur serra la main, et ils marchèrent le long de la plage.
Thalès commença à raconter son voyage, et comment il avait quitté son père. Pythagore
l’écoutait attentivement et raconta lui aussi son départ de Samos. Ethère avait eu raison, les
deux hommes se trouvèrent beaucoup de points communs, ils avaient tous deux une passion
pour les mathématiques et la philosophie. Ils discutèrent jusqu’à la nuit tombée et se
promirent de se revoir le lendemain.
Deux mois s’étaient écoulés depuis la rencontre de Thalès et Pythagore. Ils avaient tous les
deux fait de grandes découvertes scientifiques et les Egyptiens d’Alexandrie faisaient la
queue devant leurs maisons pour pouvoir poser des questions ou discuter seulement avec
ces érudits. Malgré tout cela Thalès et Pythagore se voyaient toujours et avaient tous les
jours de nouvelles choses à se dire. Pourtant, depuis quelques semaines, Thalès
s’éloignait de Pythagore. Il avait rencontré des personnes très intéressantes avec qui il
aimait passer son temps. Thalès ne pensait plus à son ami qui se sentait délaissé, au point
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Des nouvelles d'Anaximandre et de quelques autres

  • 1. 1 Des nouvelles d’Anaximandre et de quelques autres… Les élèves de 3e du Collège Saint-Exupéry Dans le cadre de l’EPI « Sur les traces d’Anaximandre » encadré par Marie-Hélène Lafon, professeur de lettres classiques Serge Lejeune, professeur de mathématiques Christelle Denniel, professeur documentaliste
  • 2. 2 SOMMAIRE 1- Histoire d’Archimède par SalahetAmine 2- Les retrouvailles parMaliket Quentin 3- A la recherche de mon idée par Nardjess,YounaetZineb 4- Inconnu sur lesmers par Camille,Alice etLucie 5- Périplesaupays desrêves par Khouloud 6- Naître-vivre-mourirparRomain,Paul,GabrielaetCéline 7- Naissance et jour levantd’une amitié par Elise etHana 8- Coup de tonnerre par AlexandreetClément 9- Le dilemme de Thalès par ElisabethetElena 10- La corde par Lindaet Bakary 11- Mémoire d’unvoyage en Egypte par Simonet Antoine 12- En quête de savoir par Julie,Gabriel etNaomie 13- Verveine citronpar Clara etJulie 14- Eratosthène par Audrey,LiliaetAnne-laure 15- Archimède,lesbataillesde Syracuse par Achraf et Matéo 16- Le doute par SalmaetBaptiste 17- Le défi de la pyramide par Matys, Léoet Hugo 18- Un voyage en Egypte par Garance, Jingying etFélix 19- L’histoire du théorème de Pythagore par Rayan,Eliaset Simon 20- A l’ombre de la pyramide par Enzo,Thomas,Youssef etThomas 21- Anaximandre par Elodie,MyriametMarie
  • 3. 3 Histoire d’Archimède Nous sommes en 180 av J-C en Italie, sur l’ile de Syracuse. Nous allons vous raconter l’histoire d’Archimède. Aujourd’hui est une journée ensoleillée. Notre Archimède a sept ans, c’est son anniversaire. Archimède est un garçon grand pour son âge, il a les yeux bleu azur, il a de beaux cheveux bruns et bouclés qui lui donnent un air sérieux et c’est un prodige en mathématiques, sa mère est très fière de lui. Il sait déjà tant de choses ! Sur le chemin de la maison Archimède récite ses tables de multiplication. Il est pressé de rentrer chez lui pour faire les devoirs que le maitre lui a donnés pour le lendemain et aussi pour déguster un roulé au miel, son dessert préféré que sa mère aura certainement préparé à l’avance. Il arrive devant sa maison et fait un geste de la main pour que sa mère lui ouvre la porte. Elle l’embrasse et c’est toujours un plaisir de respirer son parfum de rose et de fleur d’oranger. Archimède se lave les mains et commence ses devoirs, sa mère l’admire comme une œuvre d’art. Dès qu’il aura terminé, ils dégusteront ensemble le merveilleux dessert… En mangeant le roulé au miel, une larme coule sur le visage de sa mère et Archimède pense aussitôt à son père et comprend le chagrin de sa mère en ce moment très émouvant où ils aimeraient tant, elle et lui, le retrouver. Ils sont sans nouvelles de lui depuis plus de deux ans, depuis son départ à la guerre. Des rumeurs courent ; d’autres soldats qui sont revenus racontent qu’ils l’ont vu à l’agonie, blessé, et sanglant dans un fossé … La nuit passa, et le fils et la mère eurent beaucoup de mal à trouver le sommeil. Le lendemain Archimède se prépara à aller à l’école. Sur son chemin un homme démuni se mit en travers de sa route avec une charrette et lui proposa de l’emmener.
  • 4. 4 -Bonjour, je m’appelle Archimède, je vous remercie de me proposer de m’emmener à l’école. -De rien mon petit, je m’appelle Phidias. Archimède l’interrompit d’une voix triste : -Comme mon père … -Où est-il ton père, Archimède ? -Mon père m’a laissé quand j’avais cinq ans, il est parti à la guerre pour protéger notre famille mais il est mort, en tout cas il n’est pas revenu, et ma mère et moi gardons un petit espoir, et continuons à l’attendre… Le jeune Archimède et le vieux Phidias se turent. A l’entrée de l’école le jeune Archimède remercia Phidias de l’avoir accompagné. Ce jour-là Archimède eut du mal à se concentrer à l’école car il pensait sans arrêt à sa rencontre avec Phidias. Sur le chemin du retour il était encore sous le choc, il avait le sentiment étrange d’avoir déjà rencontré cette personne quand il était petit. Arrivé chez lui, il se dirigea directement dans sa chambre sans dire bonjour à sa mère, contrairement à son habitude. Sa mère ne comprenait pas cette réaction très étrange, jamais il ne s’était comporté comme ça. Elle se dirigea vers la chambre de son fils pour obtenir des explications : -Que se passe-t-il, mon chéri ? -Ce matin en allant à l’école j’ai rencontré un homme en charrette, balafré au visage, il m’a barré la route et m’a accompagné à l’école. -Comment s’appelle cet homme ? -Il s’appelle comme papa… Phidias ! Sa mère, bouleversée par les propos de son fils, quitte la chambre sans dire un mot et Archimède, après avoir fait ses devoirs, va se coucher sans manger. La nuit est interminable pour lui et pour sa mère : ce Phidias serait-il son mari et le père de son fils ? Comme à son habitude, le lendemain, Archimède se prépare pour aller à l’école, et comme la veille, il croise le vieux Phidias qui l’accompagne. Chemin faisant ils se racontent leur vie. Le temps passe, quelques semaines, et Archimède s’attache à Phidias comme s’il était son père. Pendant plus de deux mois, l’enfant et le vieillard se découvrent mutuellement et s’apprécient de plus en plus. Les années passent et Archimède devient très compétent en mathématiques. Tous ses professeurs croient en lui et il a une réputation fabuleuse dans toute l’ile de Syracuse et même dans le Sud de l’Italie …
  • 5. 5 Neuf ans après, le jour de ses seize ans, Archimède reçoit une convocation de la part du roi de Syracuse, pour résoudre un problème. Archimède en parle à sa mère et au vieux Phidias puis il se précipite vers la demeure du roi Hiéron II. Une fois arrivé devant la demeure, il entre dans un immense salon où le roi se trouve sur son trône. Archimède s'agenouille devant le grand roi : -Bonjour mon Altesse, vous m’avez convoqué pour résoudre un problème. -Oui, je t’ai convoqué parce que j’ai un doute sur ma couronne. J’ai donné un kilo d’or au plus grand joaillier de l’ile et j’ai des doutes sur sa sincérité. Je voudrais savoir si le joaillier ne m’a pas trompé en mélangeant l’or avec un autre composant, mais, s’il te plaît, je voudrais que tu n’abimes pas ma couronne. -J’accepte avec grand plaisir mon seigneur. Sur ces mots Archimède quitte la salle avec la couronne du roi entre les mains, très ravi que le roi l’ait choisi pour un tel problème, il rentre chez lui et se détend dans un bain. Une fois dans le bain Archimède réfléchit au problème que le roi lui avait demandé de résoudre. Une fois en contact avec l’eau, Archimède expulsa un surplus de liquide, donc il conclut que l’eau qui sort de son bain équivaut à la masse volumique de son corps, il fixe l’eau pendant de très longues minutes, il tourne la tête et voit la couronne posée sur la table. Il prend la couronne et la plonge dans l’eau et comprend que la masse volumique de la couronne est plus élevée que celle d’un kilo d’or. Il jaillit de son bain, tout nu, en courant et en criant : « EUREKA » (j’ai trouvé). SALAH et AMINE
  • 6. 6 Les retrouvailles Chapitre 1 Il débarqua sur terre avec son bagage à bout de bras. Il sortit du bateau puis resta immobile et contempla cette belle ville portuaire. La ville était en amont de la colline de Chratos, elle était verdoyante et très accueillante. A deux pas du quai, on pouvait apercevoir un petit marché où l’on vendait du poisson frais. Les habitations étaient d’un blanc opaque et délavé. Cette petite ville de l’île de Samos avait pendant longtemps bercé son enfance. Ce parfum d’arbres fruitiers lui rappelait sa jeunesse. Il s’avança d’un pas décidé car il avait en tête de retrouver ses parents qu’il avait quittés depuis vingt ans. Il redécouvrait petit à petit les ruelles qu’il avait dévalées étant enfant. Il marchait lentement sous le soleil radieux du mois de juillet. Il sentait une légère brise qui lui caressait le visage et le rendait heureux. La fine mélodie des oiseaux résonnait dans ses oreilles, et lui remémorait d’anciens moments encore brumeux dans son esprit. La maison de son père était la dernière de la ville, la plus haute de la colline surmontée d’un temple splendide. La maison, assez petite, faisait face à la mer. Son père, Mnésarchus, était un ancien pêcheur de l’île. Il portait un vieil accoutrement de marin et avait une barbe longue et rugueuse. Son dos courbé et ses jambes maigres comme des pattes de flamand rose lui permettaient, à l’aide d’une canne, de tenir debout. Ses yeux noisette contrastaient avec ses cheveux d’un blanc cassé.
  • 7. 7 Pythagore fut surpris d’apercevoir un jeune labrador aux côtés de son père. Son père lui demanda d’abord d’une voix perplexe : - Mais qui êtes-vous ? - C’est moi, l’enfant dont vous vous êtes occupé il y a si longtemps. - Cela fait tant de temps que je ne t’ai pas vu mon fils. Eh bien tu es presque devenu un vieillard. Tu as tellement changé après toutes ces années… Les deux hommes s’embrassèrent, émus. - Pourquoi m’as-tu laissé si longtemps ? s’exclama le père les larmes aux yeux - Je ne t’ai pas laissé, je suis parti en voyage afin d’approfondir mes connaissances. Mais pour quelle raison mère n’est pas présente avec nous ? - Elle nous a quittés il y a de cela cinq ans. Elle est morte pendant une froide nuit d’hiver ; elle a rendu son dernier souffle en toute quiétude Pythagore annonça d’une voix douce : - Je suis désolé de ne pas avoir été présent ce jour-là. - Ne t’en fais pas, elle est morte en paix… bien, maintenant ne parlons plus de cela, ça me brise le coeur. Les deux hommes se mirent à table. - Raconte-moi plutôt ce qui s’est passé pendant ton voyage. - J’ai découvert la ville de Thèbes, c’est une splendeur, avec des paysages magnifiques. Elle est riche en monuments inoubliables et elle est très célèbre pour sa vaste bibliothèque, où on peut trouver les plus grands recueils de connaissances du monde. - Conte-moi ton périple et surtout n’oublie aucun détail ! - J’étais accompagné de Mohan qui était mon guide durant ma visite à Thèbes, il m’a emmené où je voulais et était très sympathique. Il parlait en tout trois langues différentes, le grec, le latin et l’égyptien. Sa barbe brune contrastait avec ses yeux verts. Il était très musclé, ce qui laissait supposer de nombreuses aventures. Il portait une tunique bleue et marron qui lui permettait de se protéger du soleil ardent de L’Egypte. Il connaissait tout le monde à
  • 8. 8 Thèbes, et je me suis tout de suite senti en confiance avec lui. Je l’ai suivi dans le labyrinthe de la bibliothèque, dont il me fit découvrit les moindres recoins. Tu ne peux pas imaginer quelle émotion j’ai ressentie en voyant rassemblé là tout le savoir dont je rêvais depuis longtemps. Je crois que c’était le plus beau jour de ma vie Chapitre deux Le regard de Pythagore s’arrêta, à ce moment précis, sur le visage de son père, qui l’écoutait, admiratif et ému. Pythagore se tut et but une gorgée de bon vin, pour reprendre ses esprits. Son père trinqua avec lui avant de lui demander : - Tu sais mon fils, que je ne suis jamais parti de Samos ; avant de mourir, j’aimerais bien entendre de ta part, toi qui sais si bien parler, ce qu’il y a de tellement étonnant et de nouveau chez ces étrangers ? Qu’ont-ils, que nous n’avons pas ? - Eh bien ils ont tout ! Lorsque je suis arrivé à Thèbes j’étais perdu et émerveillé. La ville en elle-même est d’une architecture magnifique, les bâtiments sont pour la plupart d’un blanc opaque, c’est la seule chose qui me faisait penser à Samos. Mais le plus impressionnant à Thèbes, ce sont les pyramides. - Les pyra… quoi ? - Ce sont d’énormes bâtiments, triangulaires et pointus, entièrement bâtis en pierre. J’étais émerveillé par ces étranges constructions, et figure -toi que ce sont les tombeaux de ceux qu’ils appellent des pharaons, ce sont leurs rois en Egypte. J’ai pu également découvrir des plats typiquement égyptiens. Ils étaient très colorés et très épicés. - Mais qu’as-tu découvert dans cette bibliothèque ? Je suppose que tu n’as pas fait tout ce chemin seulement par goût de la gastronomie. - En arrivant enfin à la bibliothèque, j’ai dû rencontrer le pharaon afin d’obtenir cette fameuse autorisation. Les deux gardes de la bibliothèque, grands et robustes, m’ont
  • 9. 9 donc laissé pénétrer dans ce temple de la connaissance… J’ai aperçu plusieurs armoires hautes de plus de cinq mètres, pleines de documents de toutes sortes. Je me suis directement attardé dans le secteur des Mathématiques et de l’Algèbre. Et là ! Un livre m’a tout de suite sauté aux yeux. Son titre « Recueil de mathématiques ». Ce livre contenait plusieurs théorèmes. -Mais c’est quoi un théorème ? -Un théorème, c’est une démonstration qui permet de prouver quelque chose de physique, j’en ai moi-même démontré un. -Mais à quoi sert- il? -Il sert à calculer les côtés d’un triangle En deux ans, j’ai pu découvrir en Egypte tant de choses magnifiques et inoubliables. Mais parmi toutes les villes que j’ai visitées, Thèbes reste la plus belle expérience. Leur conversation se prolongea toute la soirée, jusqu’à la nuit. Les deux hommes partirent se coucher dans leur chambre respective, et le père regarda son fils, longuement d’un air soulagé et ému. Le lendemain le père ne se réveilla pas. Pythagore le mit en terre avec émotion et comprit alors qu’il avait bien fait de revenir sur sa terre natale pour fermer les yeux de son père. MALIK ET QUENTIN
  • 10. 10 A la recherche de mon idée Une nuit d’été dans une petite vallée proche d’Alexandrie, où l’on pouvait distinguer ma maisonnette éloignée des autres, je me réveillai d’un bond, les poils des bras encore hérissés. Après dix ans de recherches éprouvantes j’avais enfin trouvé ! Mon idée était apparue en rêve, une voix m’avait donné la clef du mystère. Ne pouvant penser à rien d’autre, je cherchai de quoi noter ce nombre que j’avais entendu dans mon rêve, avant de l’oublier à jamais. Après avoir pu me remémorer seulement des fragments encore obscurs de mon rêve, j'enfilai en vitesse ma tunique en lin abandonnée au pied du lit et chaussai mes claquettes à l'entrée. Je partis, mes notes en main, en direction de la célèbre bibliothèque d'Alexandrie que mon mentor Ptolémée avait fondée. Il m’avait appris à aimer les mathématiques depuis mon plus jeune âge. C’était grâce à lui que j’avais pu intégrer la plus grande université du pays et y devenir ensuite professeur. Je lui devais tout ! Il était comme un père pour moi qui n’avais pas eu la chance de connaître celui qui m’avait donné la vie. J’avais su seulement à l’âge de quinze ans que mon père avait été victime d’un accident du travail, le jour de ma naissance. Il construisait une maison et une pierre mal placée était tombée sur son crâne et l’avait brisé. Ma mère, qui ne s’en était jamais remise, n’avait pas eu le courage et la force de me dire son nom avant de mourir à son tour. J’avais vécu seul dans cette maison bâtie en pierre et en terre cuite. Je quittai donc ma maison afin de partager ma découverte avec Ptolémée pour qu’il me donne son avis et m’aide davantage dans mes recherches. Je pris alors le chemin le plus court menant au Pont des ogres. C’est l'endroit le plus dangereux de la vallée, une légende dit que quiconque s'en approche risque une mort longue et douloureuse. Une fillette était morte récemment d’une façon assez étrange en traversant ce pont ; apparemment elle se serait jetée du parapet, attirée par une sorte d’apparition qui l'aurait envoûtée. La légende raconte qu’elle hante le lieu. D’ailleurs, plusieurs curieux disent l’avoir vu assise au bord du pont. N’ayant pas peur du « surnaturel », je décidai cependant de traverser à toute allure. Je pris tout de même des précautions. Pour être sûr de n’être pas attiré par un son ou une personne, je repliai ma tunique sur mon crâne et me bouchai les oreilles. N’attendant ni une
  • 11. 11 ni deux, je courus de toutes mes forces afin de passer au plus vite ce fameux pont. Pendant un court instant je me sentis oppressé, comme si quelqu’un ou quelque chose voulait me retenir. Je passai finalement cet obstacle sain et sauf et continuai mon chemin. Le soleil commençait à se lever et les oiseaux chantaient leurs hymnes. Je marchai quelques heures en suivant la direction du Nord et m’arrêtais parfois pour contempler le paysage apaisant et lumineux. Je pensais que cette paix et cette lumière faisaient du bien à l’esprit aussi, mais je n’en étais pas moins, je m’en rendis bientôt compte, complètement perdu et incapable de retrouver la bonne direction. Soudain une silhouette attira mon attention, elle venait en ma direction et faisait des signes au loin en me priant d’approcher. Nous n’étions à présent qu’à quelques mètres l’un de l’autre. Elle me dévorait des yeux, comme si elle n’avait encore jamais vu un homme. J’étais surpris de son apparence ; elle était différente de toutes les petites filles que je connaissais. Ses mains et ses pieds étaient couverts de boue. Son visage était froid, sans expression, il ne laissait paraître aucun sentiment. Elle était haute comme trois pommes mais arrivait pourtant à me déstabiliser. Il y avait quelque chose d’étrange chez elle, mais quoi ? Mon soupçon se confirma quand elle ouvrit la bouche pour me parler ; elle marmonnait des propos incompréhensibles, ce qui m’étonnait beaucoup puisque je connaissais parfaitement toutes les langues écrites et orales de la région. D’où venait-elle ? Qui était-elle ? Elle semblait déjà tout savoir de moi et de ma destination et me fit comprendre par signes qu’elle allait me guider jusqu’à la bibliothèque. Malgré ma nature méfiante, je sentis que je devais lui faire confiance et la suivre, les yeux fermés. Un moment après, je ne saurais dire exactement combien de temps s’était écoulé, nous étions sur le seuil monumental de la bibliothèque. Au moment où je voulus la remercier, elle s’était volatilisée. Je crus d’abord que mon esprit me jouait un vilain tour et je ressentis une sensation intense de malaise … comme si la mort en personne m’avait frôlé, mais je n’eus pas le temps de m’apitoyer sur mon sort puisque je vis surgir à mes côtés deux solides gaillards armés jusqu’aux dents qui m’empoignèrent sans me laisser placer le moindre mot. Je n’en menais pas large et moins de dix minutes plus tard, j’étais en face de Ptolémée en personne. - Que me vaut l’honneur de cette visite ? Cela fait des semaines que je n’ai aucune nouvelle de toi Euclide et voilà que tu réapparais comme par magie ? - Oui, je m’excuse je… Il m’interrompit :
  • 12. 12 - Je ne veux rien entendre ! Tes élèves m’ont parlé de ton projet de reprendre la démonstration de Pythagore, est-ce pour cela que tu viens me voir de si bon matin ? - Oui à vrai dire vous savez…j’ai déjà réuni plusieurs archives qui prouvent que son raisonnement sur les angles d’un triangle n’est pas solide. Il marqua une petite pause, me regarda de haut en bas, et reprit : - Euclide… - Je sais ce que vous allez me dire, mais regardez par vous-même ! Toutes mes démarches sont fondées sur son travail, mais regardez. Je lui tendis le petit papier que j’avais soigneusement rangé dans ma poche. Regardez ! - Un nombre ! dit Ptolémée d’un air outré, Ne me fais pas perdre mon temps, j’ai autre chose à faire ! - Non, attendez, écoutez ! Ce nombre, je ne l’ai pas écrit par hasard, c’est Pythagore en personne qui me l’a révélé. - Tu te paies ma tête ! Cela fait déjà des années qu’il est mort ! - Non ! Enfin oui ! Je veux dire par là que je l’ai entendu dans un rêve, il m’a transmis un message voilà tout, mais je ne sais encore ce que c’est exactement. Cela paraît fou, c’est vrai… Perplexe devant ce que je venais d’annoncer, Ptolémée m’écouta très attentivement. Je lui expliquai tout, absolument tout, et après un bon moment il me dit : - Ecoute, tant que ces raisonnements ne sont pas approuvés par une autre personne, on ne peut être sûr de rien. Je connais quelqu’un qui pourra t’aider. Va au Temple d’Isis, à Philae, et demande à voir Nectanebo de ma part. Je te conseille vivement de partir du Grand Port, là-bas tu pourras prendre un navire qui t’amènera directement sur l’Ile du Phare. Pendant que Ptolémée me parlait, je distinguai derrière lui, dans une vaste pièce, des mathématiciens et des philosophes qui étudiaient tous sur la même table. On pouvait lire sur leurs visages l’enchantement d'étudier ensemble. Cela me réjouissait encore plus dans ma démarche. Je partis donc d’un pas décidé vers le Grand Port et j’embarquai dans le premier navire en direction de l’île du Phare… Le voyage fut plus rapide que prévu, en deux jours j’étais sur les terres de Philae. Je me dirigeai vers le Nord, comme me l’avait recommandé Ptolémée, et après une marche interminable, j’aperçus enfin le temple d’Isis. Ne sachant par où rentrer, je demandai à un homme la direction : - Je cherche Nectanebo, savez-vous où…, je ne pus finir ma phrase et il me répondit d’un ton sec : - C’est moi en personne. Que me vaut l’honneur de cette visite ? - Je suis Euclide d’Alexandrie, c’est Ptolémée qui m’envoie à votre rencontre.
  • 13. 13 - Très bien, je vois, suivez-moi. Il m'emmena à l'intérieur du temple, dans la tour Est, et m’invita à m’asseoir aux pieds des marches d’une entrée. - Pour quelle raison vous a-t-il envoyé précisément ? me demanda-t-il Je lui fis part de toutes mes recherches, de tous mes doutes et questions. Quand j’eus enfin fini mon discours, il m’observa un moment et me répondit, après un long silence : - Intéressant… Je vois tout à fait de quoi vous parlez et je pense sincèrement pouvoir vous aider. - Il se leva et ajouta d’une voix douce : - Venez, ne soyez pas timide. Il m’invita à entrer dans une pièce où étaient classées une multitude d’archives toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Je lui expliquai que ce nombre, je pensais l’avoir vu quelque part mais où, je n’en avais aucune idée. Il prit sur une étagère une caisse énorme où je pus lire l’inscription « Πυθαγόρας », Pythagore en grec ancien. Il sortit plusieurs dossiers qu’il feuilleta rapidement. Il en prit un qu’il me montra. Et après une longue discussion où nous essayâmes de démontrer nos hypothèses, Nectanebo prit de quoi écrire et sortit une feuille. - Prenons par exemple un triangle ABC, dit-il. Au même moment il en traça un sur son tas de feuille. - On prolonge le côté AB comme ceci. Puis je mène par le sommet B par une ligne droite BE parallèle au côté opposé AC. - Et bien les angles ACB et CBE sont égaux comme alternes-internes par rapport aux mêmes parallèles et à la sécante AB, dis-je. - Exact… Donc la somme des trois angles ABC, ACB et CAB du triangle est égale à la somme des trois angles adjacents ABC, CBE et EBD formés sur la ligne droite AD. - C’est-à-dire qu’elle est égale à deux angles droits ! Mais oui c’est ça alors ! La somme des angles de tout triangle est égale à 180° ! - Attendez ! Comment arrivez-vous à ce résultat ? Le voyant perdu, je lui expliquai plus en détails les calculs que j’avais effectués mentalement. Après avoir fini de lui expliquer, je vis apparaître dans ses yeux d’un bleu profond une vive lueur ! Je compris immédiatement qu’il était d’accord avec moi. Et fous de joie, nous tombâmes dans les bras l’un et l’autre. Pour fêter ça Nectanebo m’invita à prendre un bon dîner. Nous étions arrivés dans la salle à manger, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu un si bon festin, vingt hommes auraient pu manger et repartir le ventre bien garni. Nous nous assîmes, je ne savais pas par
  • 14. 14 quoi commencer, tous mes sens étaient activés. L’odeur de la dinde, de l’agneau et du fromage me rappelaient bizarrement celle du pain chaud de ma voisine qui en faisait tôt le matin pour ses enfants. Nous trinquions puis nous discutions de notre découverte et une atmosphère paisible régnait dans la salle. J’étais assis confortablement dans un fauteuil, j’avais parfois l’impression d’être sous ma couette, dans mon lit. Nous rîmes jusque tard le soir, j’avais bien mangé, et me sentais prêt à rentrer chez moi mais Nectanebo m’en empêcha, il voulait que je reste car le soir les chemins étaient dangereux. Nous nous trouvions dans la pièce principale quand soudain une lumière chaude m’aveugla, elle était si douce et si puissante à la fois. Lorsque j’ouvris les yeux, j’étais dans mon lit, le cœur battant la chamade. Déboussolé, je me frottai plusieurs fois les yeux. Mais rien ne changea, j’étais bel et bien seul dans ma petite maison. Ne comprenant absolument rien à ce qu’il venait de se passer, je me posais une multitude de questions : Comment est-ce possible ? J’étais il y a à peine dix secondes au côté de Nectanebo ! Je ne me suis pas téléporté tout de même !... Je crus tout d’abord que ma mémoire me jouait un tour. Que sous l’effet du rhum, j’avais complètement oublié que j’étais rentré chez moi ce soir-là. Mais non ! Ce n’est pas possible ! Je me souviens bien de tout ! Du moment où j’ai rencontré cette fille étrange jusqu’au dîner deux jours après. Je me souviens même avoir glissé un petit bout de papier dans ma poche. Pensant à cela, je bondis de mon lit cherchant désespérément ma tunique. Quand je l’ai trouvée, je vide immédiatement les poches, et à ma grande déception il n’y a rien. Je suis pris d’une grande tristesse et m’étale sur mon lit. Suis-je fou ? Ai-je rêvé ? Non impossible ! Cette découverte est bien réelle ! Je me dépêchai de prendre de quoi écrire et note à même le sol tout ce dont je me souviens. L’excitation remplace la tristesse, je tiens quelque chose de concret. « Oui ! », dis-je à voix haute, « Ce rêve est extraordinaire ! ». NARDJES, YOUNA et ZINEB
  • 15. 15 Inconnu sur la mer Le clapotis régulier de l’eau calme s’interrompit au passage de la barque. En cette nuit d’été, l’eau noire de la Méditerranée n’était éclairée que par les étoiles. Les lanternes suivirent la barque qui continuait son périple silencieux dans ces eaux profondes. Trois silhouettes se détachaient sur la berge déjà lointaine. La barque ondulait au gré des vagues sous le regard attristé de ces trois inconnus. La barque erra de longs jours, sans but, sur les eaux agitées. Les lanternes s’éteignirent une à une. Elles n’auraient abandonné sous aucun prétexte la tâche qui leur avait été confiée. Pourtant l’une d’elles manqua à son devoir et tomba dans la barque. Andrea pêchait comme à son habitude mais cette fois-là, à son grand désespoir, rien ne tira la ligne. La journée s’annonçait ensoleillée, ce qui le consola. Les oiseaux, dans le ciel, décrivaient de larges cercles au-dessus du port de Syracuse. Un grand nombre de bateaux étaient amarrés et, malgré l’heure matinale, le port débordait déjà d’activité. Andrea sortit de sa torpeur, au contact d’un matériau rugueux sur la peau au bas de son mollet droit. Ce qu’il découvrit alors dépassait l’imagination ; une barque d’un bois exotique, sans rames ni aviron, s’était échouée sur la plage. Cependant, notre brave Andrea ne se laissa pas perturber car il avait connu de plus grandes surprises dans sa vie. C’est une odeur pestilentielle qui le poussa à observer la barque de plus près. Des taches noirâtres apparaissaient le long d’une étendue rose pâle. On entrevoyait de-ci du rouge, de-là du bleu
  • 16. 16 mais rien de bien distinct. Un cylindre orangé était accroché à l’une de ses extrémités. Oui, c’était bien un homme qui gisait dans la barque. Un homme couronné d’une lanterne. Andrea faillit s’évanouir devant ce tableau sinistre. Dans un autre cadre, un homme couronné d’une lanterne aurait pu être comique, mais Andrea ne rit pas. Titubant, il se retourna vers la dune immense. Pourtant, rien ne le détourna de son but, pas même l’odeur nauséabonde qui régnait dans les parages. Endormi sur son bureau parmi les innombrables papyrus qui jonchaient sa table de travail Guiseppe n’entendit pas les appels de son dévoué serviteur, Antonio. - « Monsieur, il est déjà neuf heures, les clients ne vont pas tarder à arriver ! » Ce ne sont pas les plaintes d’Antonio qui réveillèrent Guiseppe mais l’entrée fracassante de notre vaillant Andrea. - « Détective Guiseppe !! Je me trouve devant un mystère, vous seul pouvez m’aider ! » - « Humm… Antonio, je suis resté ici toute la nuit ! » - « Oui, monsieur, un client pour vous. » Andrea encore tremblant, raconta, tant bien que mal, sa découverte à Guiseppe. En entendant le mot « homme » et « mort », le détective se redressa, bondit sur son manteau qu’il jeta maladroitement sur ses épaules. -« Où est-il ? Où est-il ? » s’écria Guiseppe en grec. -« Suivez-moi, monsieur le détective » répondit Andrea. Guiseppe accompagna Andrea dans les ruelles étroites de la ville étriquée, puis sur la route sablonneuse qui longe la côte. Soudain, la barque apparut plus sinistre que jamais. Guiseppe, courant sur le sable fin, y arriva essoufflé. Il sentit le cadavre, le retourna, le palpa de tous les côtés, l’observa minutieusement puis lui ouvrit la bouche et lui tira la langue. Après cet examen fort long, il déclara, d’un ton docte et assuré :
  • 17. 17 -« Il est mort. » Andrea, le regard dépité, observait le détective, tout fier de cette découverte qui n’en était vraiment pas une. -« Voyons, mon brave, ne faites pas cette tête-là. Je vais vous dire ce qu’il lui est arrivé à cet homme. Premièrement, il a environ quatre-vingt ans, les rides sur son visage témoignent d’un âge avancé. Deuxièmement, il est mort il y a quatre jours car son corps est en voie de décomposition, mais le processus n’est pas encore terminé. Ni meurtre, ni suicide, encore moins noyade : une mort naturelle. A voir l’état de ses pieds desséchés, on peut déduire qu’il a beaucoup voyagé mais seuls ses pieds et ses mains sont hâlés sans doute par un grand soleil. Ses mains ne sont pourtant pas celles d’un ouvrier. Il portait donc une toge qui le protégeait de la forte lumière. On l’a sans doute déposé mort dans la barque comme pour une sorte d’enterrement… Voilà ce que je peux déduire de mon observation. Guiseppe reprit son souffle, il inspira deux fois longuement, ce qui était chez lui un signe de grande concentration. -« Alors, Andrea, récapitulons ! Nous avons affaire à un homme qui est mort vieux et naturellement. Il vivait dans un climat sec et a beaucoup voyagé. Habillé d’une toge, il ne travaillait donc pas de ses mains. Fonctions publiques ? Finance ? Commerce ? Peut-être. Mais le plus intéressant et le plus déconcertant c’est qu’il est mort aveugle ! Oui, et qu’il a rédigé un carnet d’adresses ! Ah ah ! Je tiens le bon bout de cette affaire ! Regardez, Andrea, voici ce que j’ai trouvé au fond de la barque : un carnet avec des noms de villes et des prénoms en grec. Singulière écriture… Le papier est vieux de soixante-dix ans mais n’a servi que cinq ans après son achat. L’encre utilisée provient d’un végétal inconnu, nous pourrons aller voir un spécialiste. Je connais un très vieil ami qui habite à quelques heures d’ici dans les montagnes. Eh bien, il ne reste plus qu’à savoir qui est cet homme mystérieux ! » Sur ce, il se retourna et partit d’un pas triomphal et confiant. Andrea, encore bouleversé, regarda le cadavre et se demanda comment un homme mort pouvait fournir tant de
  • 18. 18 renseignements. Complètement désemparé, il ne savait plus s’il devait continuer à pêcher tranquillement comme s’il ne s’était rien passé ou suivre rapidement Guiseppe qui était déjà loin. Il choisit l’aventure et se promit que cette histoire avait commencé avec lui et qu’elle finirait avec lui ! D’un pas vif et saccadé, il rattrapa Guiseppe qui entrait déjà dans la ville. Le soleil chauffait déjà fort quand ils s’approchèrent de la crête rocheuse d’où la vue offrait un panorama exceptionnel sur Syracuse. Andrea commençait à regretter d’avoir suivi le détective. Ses jambes le faisaient beaucoup souffrir. -« Peu de temps » avait prétendu Guiseppe ! Ils marchaient depuis deux heures et pas une goutte d’eau ne lui avait été donnée ! Pourtant on n’en manquait pas. Andrea en avait même deux litres sur son dos mais il lui était défendu d’en boire car il fallait l’utiliser avec parcimonie. Guiseppe, toujours souriant, avançait facilement parmi la végétation peu dense. Aucune forme de souffrance ne se lisait sur son visage radieux. Cependant un éclat de consternation luisait dans ses yeux foncés. Le refuge du vieillard n’était plus très loin et les cris de soulagement d’Andrea fusèrent à la vue du toit. C’était une maison dissimulée dans la végétation, elle appartenait à la nature. Reculée et paisible, elle ne recevait que peu de visiteurs. Rares sont ceux qui s’aventurent dans des terres si reculées et si désertes. Guiseppe porta un coup magistral à la porte, qui céda sous son poids. La serrure s’ouvrit à grand fracas et un être minuscule sortit de la chaumière en claudiquant : -« Bonjour Gui, dit-il en ajustant ses lunettes sur son nez. » -« Mes salutations Benneto, répondit amicalement le détective. » -« Cela me fait très plaisir que tu viennes me rendre visite. Mais je doute que ce ne soit qu’une formalité amicale… Me trompé-je ? » interrogea le vieil homme. -« En effet, cher ami. J’ai un petit service à vous demander. J’ai besoin que vous m’analysiez cette encre. »
  • 19. 19 Benneto saisit le papier, l’humecta de sa salive, en fit suinter un liquide bleuâtre qu’il recueillit dans une fiole. Après plusieurs manipulations, le vieillard constata la couleur opaque de cette mystérieuse encre. Soudain, d’un ton docte et assuré, il s’exclama : -« Cette encre est très rare. On ne peut en dénicher qu’à Cyrène. Allez-y ! Vous y trouverez plus de renseignements ! » Sur ce, ils partirent. Une brise légère s’engouffra entre la cabine et le pont supérieur. Une infâme odeur de vieux vomi régnait dans cette pièce depuis qu’Andrea était à bord. En effet, notre aventurier avait le mal de mer. Il était quasiment à l’agonie depuis trois jours et n’avait même pas pu apercevoir un coin de ciel. Les oiseaux marins tournaient autour du navire flamboyant, qui fendait les vagues avec majesté. Guiseppe descendit rendre visite à Andrea. - « Allez Andrea ! Nous arrivons à Cyrène dans une heure. Ressaisissez-vous ! » Encouragea le détective en évitant de justesse une flaque noirâtre. Figurez-vous, mon ami que le carnet comporte aussi des adresses. Une seule pour Cyrène. Nous nous y rendrons aussitôt que le bateau aura accosté. » Andrea, encore tout nauséeux, monta sur le pont. Il prit un seau d’eau et se le versa sur la tête pour se réveiller puis enfila une tunique miraculeusement propre. Guiseppe le suivit d’un regard amusé. Du bateau la vue était admirable. Aucun nuage n’obscurcissait le ciel et la côte se dessinait déjà distinctement. Les marins commençaient à ralentir l’allure pour entrer dans le port. La traversée avait été rapide, les vents avaient été avec eux. Aller de Syracuse à Cyrène en trois jours était un record. Pourtant, à l’Est le temps se gâtait dangereusement et un orage approchait. L’humidité de l’air annonçait du grabuge. Les pains sentaient délicieusement bon, ils embaumaient le romarin et le thym frais. Leur mie était encore tendre car ils sortaient du four, elle fondait dans la bouche. C’est exactement ce que se disait Rachid en observant les merveilles qu’il avait façonnées de ses doigts, et cuites avec amour et patience. Rachid était apprenti boulanger et le jour de la fin
  • 20. 20 de sa formation était enfin arrivé. Il avait maintenant le droit de tout faire comme un vrai boulanger. Depuis sa plus tendre enfance c’était son rêve et il s’était réalisé. Les affaires marchaient bien à Cyrène où les amateurs de pains étaient nombreux. La boutique ne désemplissait pas. Les clients arrivaient généralement vers huit heures. Pourtant en cette matinée d’automne, un étrange duo déambulait dans la rue principale où se trouvait la boutique ; le premier homme était petit et vert pâle, il ne semblait pas en bonne santé, il s’arrêtait régulièrement sur le bas-côté, le second marchait droit et le visage haut ; fier, il était grand et sûr de lui. C’étaient nos deux camarades qui déboulaient dans la rue sous le regard ahuri de Rachid. Ils s’approchèrent de l’étalage tout en s’informant, pour l’un sur les pains appétissants, et pour l’autre, sur les numéros de la rue. -« Eh ! Jeune homme! Interpella Guiseppe, pouvez-vous m’indiquer le numéro 10 de cette rue ? » Le nouveau boulanger, encore sous le choc de cette apparition exotique, répondit d’un ton peu assuré : -« Oui, monsieur, c’est juste au-dessus. Vous cherchez quelqu’un ? » -« Oui mais nous ne connaissons pas son nom. Pouvez-vous nous dire qui habite ici ? demanda poliment le détective. » -« C’est à dire que la maison est vide. La dame qui y habitait est morte depuis vingt ans et son mari depuis trente-cinq ans. Je pensais que vous veniez pour racheter la maison, elle est très mal exposée, vous comprenez, personne n’en veut. » -« Et le reste de la famille ? Il n’y a pas de descendant ? » -« Je crois bien qu’ils avaient un fils mais il n’habitait pas avec eux. Il est venu leur rendre visite peu après la mort du père. Il n’est jamais revenu. Il doit être mort maintenant. Je ne l’ai pas connu mais mon patron si, vous pouvez le lui demander, il est dans l’arrière-boutique. Je vais le chercher. » -« Merci ! »
  • 21. 21 Tandis que Rachid se dirigeait vers le fond de la boutique peu lumineuse où s’empilaient les sacs de farine, Guiseppe se pencha sur Andrea qui s’était allongé sur les pavés froids : -« C’est notre homme ! » Et sur ces mots Andrea vomit pour la dernière fois. -« Bonjour, bonjour, chers amis ! déclara joyeusement le patron Mais, mais… que s’est- il passé ? Ce sont les pains aux figues ? Ils n’étaient pas assez cuits ? Je le savais !!! » -« Ne vous inquiétez pas ! Mon ami a le mal de mer, cela n’a rien à voir avec vos pains aux figues, qui doivent, d’ailleurs, être excellents ! » -« Ah, vous me rassurez ! J’espère que votre ami se portera mieux d’ici quelques jours. » Après une courte pause, il reprit : -« Mais, n’êtes-vous pas les clients qui sont à la recherche des fantômes du premier étage ? » -« Effectivement, nous le sommes, avez-vous des renseignements sur leur fils ? » -« Malheureusement Son prénom m’échappe ! Pourtant, lors de l’enterrement de son père, j’avais discuté avec lui de ses occupations. Il m’avait dit qu’il logeait à Alexandrie où il dirigeait la grande bibliothèque depuis peu. Je n’en sais pas plus. » -« Merci mon brave, ces minces informations vont tout de même nous faire avancer! Pourtant avant de vous dire adieu, je pense que nous allons faire le plein de pains ; n’est-ce pas, Andrea ? » En entendant ces paroles qui ne lui rappelaient pas de très heureux souvenirs Andrea, qui venait de se relever, se rallongea instantanément sur les pavés froids.
  • 22. 22 -« Bon je vais prendre cela pour un accord, dit notre détective. Montrez-moi toutes les merveilles de votre étalage s’il-vous-plaît! » Rachid proposa à nos amis de leur faire découvrir toutes les variétés de pains inimaginables. Après quelques hésitations, Guiseppe ressortit tout heureux, une dizaine de pains coincées entre son abdomen et ses bras, suivi d’Andrea qui se traînait lamentablement. La rue commençait à s’animer doucement. Les boutiques étaient à présent toutes ouvertes et les passants arrivaient, joyeux de savoir que leur garde-manger allait être de nouveau garni. Pendant que la rue se remplissait à tel point que l’on ne voyait plus les pavés, le bateau quitta Cyrène en direction d’Alexandrie. La pluie commença à tomber, comme l’avait annoncé le temps humide qui régnait à Cyrène. La houle se faisait plus forte et le bateau avançait plus lentement dans le chaos des vagues. Cette fois-ci, il n’allait pas battre de nouveaux records. Andrea ne resta pas dans la cale mais fut deux fois plus malade que pendant la traversée précédente. Guiseppe, lui, dégustait avec plaisir les pains aux olives tout en lisant attentivement le carnet mystérieux. « Ce jour-ci, 2 février, nous avons parcouru une cinquantaine de kilomètres sous un ciel bien calme. Dans la journée, je ne passe pas une minute sans essayer d’améliorer mes calculs ou de dessiner des ébauches de cartes. Le soir, je ne passe pas une minute sans observer les étoiles, je m’imagine l’immensité de l’étendue céleste,…. » Voilà l’extrait que Guiseppe tentait tant bien que mal de traduire. Le carnet était écrit dans une langue qui lui était étrangère. Le démotique. Le ciel s’éclaircit soudain, le brouillard se leva et la clarté de l’astre nocturne laissa deviner la septième merveille du monde. Le phare apparut, majestueux, à Andrea qui oublia tous ses ennuis d’estomac. Les passagers du navire débarquèrent en silence dans la nuit. Le duo longea les habitations du port et s’engouffra dans une rue perpendiculaire. La bibliothèque se trouvait à quelques pas de la berge où ils avaient accosté. Les voyageurs entrèrent par une petite porte rustique qui donnait sur les couloirs étriqués de la bibliothèque. Après avoir parcouru
  • 23. 23 un dédale d’autres couloirs similaires, ils arrivèrent enfin à leur but. Ils pénétrèrent dans le bureau qui surplombait les allées de la bibliothèque. -« Bonjour, Monsieur, excusez-nous de notre entrée si brutale et nocturne mais il est de la plus haute importance, au nom du gouvernement de Syracuse, de vous interroger, déclara le détective d’un ton solennel. » Le directeur releva la tête, surpris de cette visite. -« Bonsoir, messieurs, il est vrai que l’heure est tardive mais il n’est jamais trop tard pour rendre service à l’État. » -« Merci, monsieur, de votre bienveillant accueil. » -« Vous pouvez me tutoyer et m’appeler par mon prénom : Suidas. Que désirez-vous savoir ? Alors, le détective raconta toutes leurs aventures. Après un temps de silence, Suidas dit : -« Je vais vous raconter la partie de l’histoire qui vous manque : Le nom de cette personne est Eratosthène. Il est mort il y a quelques semaines et nous, sa fidèle panthère, Symias, morte de vieillesse ce matin, son amie, Thyrénia, et moi- même, l’avons porté dans une barque et avons lancé des lanternes autour de lui afin de l’envelopper dans un univers d’étoiles. Il avait une attirance folle pour le ciel et l’univers ; devenu aveugle, il ne supportait pas de ne plus pouvoir contempler le ciel. Il dirigeait cette bibliothèque, je lui ai succédé. C’était mon précepteur préféré. Pour ses vingt ans, il partit voyager en Europe. Il dessina alors des cartes très précises qui sont la base de notre géographie actuelle. Les étoiles l’émerveillaient, pourtant, il n’a jamais eu le temps de faire des découvertes abouties sur celles-ci. Il a également, en tant que mathématicien, déterminé les nombres premiers, que nous utilisons dorénavant. Il a quitté ses parents à dix ans pour venir étudier ici, sous la tutelle d’Ariston de Chios. »
  • 24. 24 Il les conduisit dans l’observatoire et leur fit contempler les étoiles qui scintillaient dans l’immensité de cette nuit d’été. C’est à cet endroit qu’Eratosthène venait chaque nuit observer les astres. » Et, Suidas déclara, ému : -« C’est ici que tout a commencé ! » CAMILLE, ALICE ET LUCIE
  • 25. 25 Périples au pays des rêves C'était à Milet ; j'attendais mon disciple qui devait me rejoindre. Je sentais l'odeur de la mer proche, le port était tout près. Les mouettes criaient, le soleil nous brûlait la peau, le paysage était magnifique, avec de nombreux arbres aux feuilles printanières, des petites rues commerçantes où les passants achetaient de quoi nourrir leurs familles, tout était très agréable. Le soleil s'était déjà levé ; il devait n'être pas moins de huit heures. J'étais venu un peu plus tôt, très enthousiaste à l'idée de revoir mon ancien élève. Lui et moi avions décidé de partir terminer nos recherches et faire d'autres découvertes en Égypte. Nous nous étions donné rendez-vous en ce jour de printemps et je l'attendais avec impatience. Je le vis qui arrivait enfin. Il était toujours aussi jeune mais avait grandi ; ses yeux étaient aussi bleus que l'océan, son corps musclé et ses cheveux parfaitement bruns sans aucun fil blanc. Il portait une simple tunique légère comme toutes les personnes en cette saison. Il me regardait, le sourire aux lèvres, il m'avait beaucoup manqué. Il n'était plus l'enfant assis au premier rang du côté de la fenêtre pour regarder le paysage ; il avait été l'un des premiers élèves de mon école. Puis quelques années plus tard il m'avait annoncé qu'il partait en Égypte ; j'étais très fier de lui et de son appétit de savoir. J'avais moi-même voyagé pendant dix ans, au cours d'un séjour à Samos dans ma famille, j'étais tombé sur mon cher Pythagore, et nous nous étions donné rendez-vous à Milet au printemps suivant. Nos retrouvailles furent très joyeuses. Pythagore était toujours aussi souriant et sa joie de me voir était formidable ! Nous nous embrassâmes et mille questions se bousculaient dans nos cerveaux et sur nos lèvres. Nous étions là, Pythagore et moi-même, devant ce navire gigantesque, un navire grec, il devait mesurer vingt-cinq mètres de longueur sur cinq mètres de largeur, c'était impressionnant. Plusieurs marins s'activaient et il y avait des marchands qui ne parlaient pas notre langue et leur façon de s'habiller était elle aussi étrange. Certains nous dévisageaient sans doute à cause de nos regards insistants sur eux. Des marchands faisaient des allers et retours et déposaient de la marchandise, ils avaient l'air fatigué. Pythagore me tira de mes pensées pour m'informer que nous partirions dans moins d'une heure. Nous étions allés déposer nos bagages dans notre dortoir. Nous marchions d'un bon pas, tout en parlant, et nous nous trouvâmes devant le bateau gigantesque qui nous emporterait en Égypte. Nous montâmes sur le pont du bateau qui devait faire plusieurs mètres de longueur. Certains nous bousculaient avec leurs bagages et d'autres avec leurs membres. Quelques- uns s'excusaient et d'autres s'en allaient en lâchant des mots incompréhensibles. Nous ne
  • 26. 26 faisions pas attention à ces bousculades, trop contents de pouvoir nous reposer, nous asseoir sur le pont du bateau et parler ; mais pour l'instant nous devions retrouver notre dortoir. Nos billets nous indiquaient qu'on allait dormir à l'étage de ce gigantesque navire. Le dortoir était de taille moyenne ; plusieurs planches de bois recouvertes de tissus servaient de lit et deux autres salles étaient destinées aux provisions et une autre à la toilette, des seaux garnissaient la salle. Certains voyageurs étaient déjà dans la chambre et avaient déposé leurs bagages sur ce qui leur servirait de lit. Ils nous saluèrent vaguement et nous fîmes de même. Pythagore bailla bruyamment, ce qui me fit sortir de ma contemplation. Je jetai un regard vers lui et décidai de lui adresser la parole : - Comment a été ton voyage ? - Un peu fatigant mais j'étais très content à l'idée de te revoir, m'avoua-t-il. - Fatigant ? Je me demande comment tu vas supporter notre traversée, ça me fait aussi très plaisir de te revoir ! Il bailla pour la seconde fois, ses yeux allaient bientôt se fermer, le voyage de Samos à Milet l'avait épuisé. Je le laissais s'endormir sur sa planche à côté de moi. D'autres personnes avaient fait leur entrée et s'étaient installées. Nous étions plusieurs dans la salle ; la plupart des gens étaient venus accompagnés comme moi et parlaient entre eux. Certains me saluaient, me connaissant grâce à mon école à succès. J'entendais parler autour de moi plusieurs langues que je connaissais toutes. Malgré mon amour des voyages, j'avais extrêmement mal à la tête. Le bateau tanguait, des marins couraient, certains criaient que le bateau démarrerait dans quelques minutes. Ce vacarme m'était pénible, à mon âge. Mes affaires étaient rangées, mon lit déplié, et j'étais affalé dessus ; mes yeux se refermaient lentement après toutes les émotions vécues en cette simple journée de printemps. Mon sommeil fut court car je me levai en sursaut, Pythagore aussi, après avoir entendu un bruit strident. Mon âme était soulagée car les autres voyageurs nous rassurèrent ; c'était le navire qui avait fait ce bruit sourd. Même après tous mes voyages, la sensation d'être dans un bateau est toujours nouvelle. À chaque embarcation, tout est nouveau, le navire qui s'en va, l'eau qui s'écrase sur les flancs du bateau. Le silence des gens endormis ou attentifs à la sensation du départ du navire me fit partir dans mes rêveries et je m'endormis pour de bon ! Le lendemain matin, l'air frais caressait mon visage, la mer était bleue, très bleue, Pythagore et moi avions déjeuné de pain, d 'olive et de lait de chèvre. On ne pouvait déjà plus distinguer la terre, j'entendais le bruit régulier des rames frappant l'eau. Pythagore prit la parole : - J'ai croisé Anaximandre et son père Praxiadès dans le second dortoir. Ils m'ont parlé de leurs recherches et m'ont aussi parlé de toi !
  • 27. 27 - Vraiment ? Que t'ont-ils dit ? - Ils m'ont annoncé qu'ils voulaient finir leurs recherches à la bibliothèque d'Alexandrie pour prouver que la lune reçoit la lumière du soleil et de quelle manière elle s’éclipse. Anaximandre m'a dit qu'il allait passer te voir pour te parler. Après notre court échange, nous décidâmes de visiter ce gigantesque navire pour en apprendre davantage sur les bateaux. Chaque recoin du bateau était magnifique ; nous avons visité la cahute et la timonerie, nous avons marché dans les gaillards d'avant et d'arrière, nous avons aussi marché sur le faux-pont et le pont principal du navire ; c'était très agréable malgré les violentes vagues qui s'abattaient sur la cale et le vent qui soufflait fort. Des marins épuisés s'en allaient en cabine supérieure sûrement pour dormir, ils échangeaient leurs rames avec d'autres marins prêts à prendre la relève. Nous sommes restés quelques temps à discuter sur la poulaine du navire ; soudain je vis quelqu'un sortir de la cabine et venir vers nous. - Mon cher Thalès, comment vas-tu ? J'étais vraiment étonné, il avait tellement changé ! C'était Anaximandre, un ancien professeur de mathématiques dans mon école à Milet. - Très bien, et toi comment vas-tu ? Pythagore m'a informé pour tes recherches. - Je suis en plein forme ! Je suis ici avec mon père. Pythagore m'a aussi parlé de la prédiction d'une éclipse de soleil. - Oh cette éclipse. Je n’en suis pas vraiment sûr mais normalement, d'après mes prédictions, elle devrait se passer cette semaine. - J'ai vraiment hâte de pouvoir l'observer, mais que vas-tu faire pendant ton séjour en Égypte ? - Si tout se passe pour le mieux, j'irai voir la pyramide ; elle a une base carrée, je me placerai en face de celle-ci pour obtenir une relation de proportionnalité, et j'obtiendrai la hauteur de la pyramide grâce à la hauteur de mon ombre. - Mais c'est fantastique ! Sur quelle pyramide vas-tu faire cette expérience ? - Sur la Pyramide de Khéops. Nous continuâmes à parler jusqu'à la nuit, ensuite nous sommes rentrés dans les cabines à cause des coups de vent qui se faisaient violents. Le matin nous avons mangé du pain frotté d'ail avec un peu d'eau. J'ai aussi rencontré d'autres mathématiciens ou savants, comme Solon d'Athènes, Héraclite d'Éphèse, Platon et d'autres qui s'en allaient pour l'Égypte.Après nos longues retrouvailles avec Anaximandre nous avons dû nous séparer pour aller dans nos cabines respectives. Pythagore et moi nous sommes endormis après une bonne toilette à l'eau de mer.
  • 28. 28 Nous étions dans ce bateau depuis trois jours. C'était vraiment fatigant, la routine du matin celle de l'après-midi jusqu'à celle du soir était la même, très ennuyeuse malgré la présence de Pythagore et d'autres mathématiciens. Pythagore et moi avions déjà visité tout le bateau de fond en comble ; plus rien ne piquait notre curiosité. Mais ce qui m'effrayait le plus était le temps, nous allons bientôt finir le voyage ; il ne nous restait plus que deux jours, la Terre était toujours invisible, nous ne voyions que la mer grise agitée, plusieurs vagues s'écrasaient sur le bateau, le soleil n'était plus présent, caché par les nuages grisâtres, le bateau avait un peu de mal à avancer. Sûrement l'éclipse solaire devait être responsable de tout ce changement. Je me sentais perdre conscience, ma tête tourna puis je tombai à terre. J'ouvris les yeux ; Pythagore était près de moi, me regardant, l'air soulagé. J'essayais de me lever mais je dus vite me recoucher car j'avais un terrible mal de tête, Anaximandre se tenait en face de moi. Je jetai un regard autour de moi, il y avait un silence de mort, certains étaient blessés. Je pris alors la parole : - Que s'est-il passé ? - Une tempête, me répondit simplement Pythagore - Une tempête au printemps ? Vraiment ? répondis-je, stupéfait. - Oui ! Nous-mêmes, nous ne nous attendions vraiment pas à cela. Anaximandre m'avoua alors : - La tempête était violente, le ciel s’est couvert brusquement alors que le bateau naviguait paisiblement, l'orage a éclaté, accompagné d'éclairs et de coups de tonnerre, les vagues ont atteint les quatorze mètres ; l'embarcation tanguait de manière inquiétante, les voiles s'agitaient dans tous les sens. Nous avons eu peur, et sommes partis nous réfugier dans les cabines. Pythagore ajouta alors : - Le père d'Anaximandre est mort. Après ces trois mots, Anaximandre se mit à pleurer. D'autres personnes sur le bateau ne mirent à pleurer elles aussi, certains le connaissaient, c'était un mathématicien respecté, il était un père pour tous. Nous étions tous fatigués, c'est sur nos pleurs que nous nous sommes endormis. Nous devions garder nos forces pour le lendemain, car le navire accosterait à Alexandrie. Je me réveillai sous le bruit de l'ancre qui s'échoua sur le sol de la mer Méditerranée. Du haut du bateau je pouvais voir des marins, ils étaient habillés d'une chemisette à manches et d'un jupon plissé. Les hommes étaient vêtus d'un pagne avec une écharpe enroulée autour des reins et retenus à la taille par une ceinture, et les femmes d'une robe. Pythagore et moi allâmes dans notre dortoir pour prendre nos bagages rangés la veille, et descendîmes du bateau.
  • 29. 29 Le soleil était encore plus chaud qu'en Grèce. Les paysages de la basse Égypte étaient très agréables à voir comme le fleuve du Nil ou le pyramide de Saqqarah. Mais nous devions faire vite pour aller dans la demeure du grand Pharaon. Nous montâmes sur des chameaux, après avoir fait à Alexandrie des réserves d'eau car la traversée durerait trois heures, j'avais déjà chaud mais je ne devais pas baisser les bras après tout ce parcours déjà accompli. Sur les chameaux la vue était magnifique, des oiseaux glissaient dans l'air, des poteries aux motifs et couleurs méditerranéennes étaient exposées devant les boutiques. Le fleuve étant proche, l'air aussi était agréable malgré la chaleur. Le soleil allait bientôt se coucher. Les habitants de cette ville étaient tout à fait à l'opposé des habitants de Samos. - Le Pharaon est comment ? demanda Thalès. - Je ne sais pas, lui répondis-je - Mais tu l'as déjà vu ? - Oui. Mais je ne m'en souviens plus, ça fait plus de dix ans et je ne l'ai pas revu, lui avouai-je - Quand l'as-tu rencontré ? - Il y a fort longtemps, je lui avais demandé la permission d'entrer dans sa célèbre bibliothèque, mais il a refusé. - Tu penses qu'il va nous laisser entrer cette fois si ? Comment allons-nous faire ? demanda- t-il, effrayé. - J'ai alors répondu que je reviendrais le voir quand je deviendrais un savant reconnu. Il m'a alors dit que quand je reviendrais, il me laisserait faire mes recherches scientifiques selon mes envies. Je vis alors de loin la demeure de Pharaon ; elle n'avait pas changé depuis le jour où je l'avais quitté. Sa maison était luxueuse, à plusieurs étages, imposante. Des gardes étaient devant la porte. Les maisons de paysans voisines, elles, étaient faites de briques crues structurées avec des colonnes de roseaux liés, les briques étaient fabriquées avec la boue, de la paille et de l'eau. Nous avançons vers les gardes et nous leur adressons alors la parole : - Nous voulons parler au Pharaon. - Vous êtes ? demande l'un des gardes d'une voix que se fait agressive. - Dites au Pharaon que je suis Thalès, je suis accompagné de Pythagore mon élève, je dois lui parler. - Nous allons le lui demander.
  • 30. 30 Un des gardes s'en va, certains nous toisent du regard. Pythagore, lui, ne parle pas, il ne connait aucun mot ni aucune lettre de l'alphabet protocananéen, malgré le fait qu'il soit déjà venu dans ce pays, il attend sagement. - Entrez, il vous attend. Nous entrons dans sa grande demeure luxueuse. En passant par le rez-de-chaussée nous avons eu la chance de pouvoir voir quelques-unes des pièces, une destinée à l’approvisionnement, plusieurs salles de réception et de séjour. Des fenêtres laissaient passer le soleil dans les salles, il y avait aussi un côté qui menait au jardin. Le garde reprend la parole : - Il est à l'étage. Nous montons et, là aussi nous découvrons des chambres meublées de manière raffinée avec juste à côté une salle de bain rangée proprement. C'est une demeure égyptienne différente de l'architecture grecque. Le garde nous ramène devant une porte fermée, qu'il ouvre, le pharaon se tient devant nous. Amasis était roux, il avait les yeux marron, sa peau était peau blanche, très pâle, et devait mesurer un mètre quatre-vingt-dix, il était très imposant. Il portait une tunique blanche et n'avait pas vraiment changé en dix ans. Des gardes étaient présents dans la salle, il leur demanda de sortir ; une fois seuls, nous nous regardons dans les yeux quelques instants puis il demande : - Que me vaut ta visite Thalès ? - Je voudrais faire mesurer la hauteur de l'une de vos Pyramides. - Je ne sais pas si je devrais te laisser. Aucun Égyptien n'a encore pu la mesurer. Vas-tu réussir à mesurer la hauteur d'une pyramide ? - Vous m'aviez promis que si je devenais une personne reconnue, vous me laisseriez faire des recherches où je voudrais. Il sembla réfléchir quelque temps avant de répondre : - Quelle est la pyramide que tu voudrais mesurer ? - La pyramide de Khéops. - C'est d'accord, si tu réussis, je te laisserai rentrer dans ma bibliothèque, et je te construirai une sculpture rien que pour toi. - Je vous remercie, je ferai de mon mieux pour réussir, je ne vous décevrai pas. - Quand vas-tu venir ?
  • 31. 31 - Je compte venir demain, est-ce possible ? - Je t'attendrai demain matin alors. Pythagore et moi sortons de sa maison, joyeux, le sourire aux lèvres. Il fait nuit et nous nous dirigeons vers nos chameaux pour partir chercher un logement. Sur le chemin nous nous taisons, c'est un silence agréable, la vue est belle, on peut voir le coucher du soleil se refléter dans le fleuve, personne n'est là à cette heure, il est tard : - Je suis heureux pour toi. Tu vas pouvoir visiter la bibliothèque et tu auras une sculpture rien que pour toi, c'est formidable ! Je te souhaite la réussite. - Merci, c'est gentil de ta part, Pythagore. Nous avons trouvé un endroit pour dormir, nous avons mangé quelques spécialités égyptiennes, assez pour tenir jusqu'au matin, nous avons fait notre toilette avant de nous endormir, impatients d'être au lendemain et le sourire aux lèvres, heureux. Le soleil me réveilla, je décidai alors de secouer Pythagore qui était près de moi, il ouvrit les yeux doucement et se leva. J'étais très fatigué, mais nous devions nous dépêcher pour ne pas faire attendre Pharaon. La pyramide était proche, nous marchons alors à pied jusqu'à celle-ci. Après dix minutes de marche, nous nous retrouvons devant la pyramide de Khéops, elle est construite sur un socle rocheux, elle devait faire près de cent vingt-cinq mètres de hauteur. De gros blocs de pierre étaient l'un en dessus de l'autre, certains étaient cassés, et d'autres bien sculptés. Quelques personnes étaient présentes devant cette pyramide, je reconnus alors le mathématicien nommé Euclide, je le connaissais bien, nous étions amis, il était né en Égypte, mais vivait en Grèce, car il avait fondé l'école philosophique de Mégare là-bas. Je décidai d'aller lui parler en attendant l'arrivée du pharaon : - Que fais-tu ici Euclide ? - Je suis venu faire des recherches pour la bibliothèque d'Alexandrie et toi que fais-tu ici avec Pythagore ? - Je suis aussi venu faire des recherches, mais nous attendons le Pharaon. - Aussi pour mesurer la hauteur de la pyramide de Khéops, ajouta Pythagore. - Je vous souhaite une bonne chance, je dois y aller maintenant. Nous nous saluons en espérant nous revoir bientôt. C'est à ce moment-là que le Pharaon fit son entrée, accompagné de ses gardes : - Je te regarde faire, dit-il simplement
  • 32. 32 Je hochai la tête et me mis au travail. Je commençai à expérimenter mon théorème en me plaçant en face de la pyramide de Khéops, et attendis que le soleil se lève, muni d’un simple bâton que Thalès m'avait tendu. J'attendis quelques heures pour que le soleil soit bien placé. Je regardais le Pharaon, il avait l'air ennuyé d'attendre, je devais faire vite. Après plusieurs heures d'attente sous le soleil, j'étais fatigué mais j'ai tout de même pu prouver la proportionnalité des longueurs des ombres de la pyramide et de mon bâton par rapport aux hauteurs de la pyramide et du bâton. Je vis Amasis se diriger vers moi, le sourire aux lèvres, il me félicita, il demanda à ses gardes de lui ramener le meilleur sculpteur du pays, mais soudainement, mes yeux se fermèrent peu à peu jusqu'à ce que je sente mon corps tomber. J'ouvris les yeux, j'étais dans ma chambre, à Milet. Alors tout cela n'était donc qu'un rêve ? KHOULOUD
  • 33. 33 Naître – Vivre – Mourir « Trois évènements sans lesquels aucun être n’existe – venir au jour, séjourner, périr, - trois évènements qui n’en font qu’un, puisqu’il s’agit des trois moments de cet événement qu’est l’être lui-même (le fait même d’être) pour ce qui est. » ANAXIMANDRE (-610 à -546 avant JC) 15 Métageitnion de l’an 575 avant Jésus-Christ. Cela fait déjà trois semaines que nous sommes partis de Milet, mes compagnons et moi. Je vous avoue que moi, Anaximandre, ai versé quelques larmes. Je n’avais jamais quitté mon pays natal jusqu’à maintenant. Certains se sont moqués, comme ce Pythagore, si jeune et puéril. Si ça ne tenait qu’à moi, il serait resté sur la terre fertile de Milet, mais mon maître Thalès voulait absolument le prendre pour le voyage. Il me répète sans arrêt : « Ce petit est intéressant. Passer du temps avec lui pourrait nous apprendre des choses. ». Pour moi, la seule chose qu’il pourrait nous enseigner est la sottise et l’impulsivité. Maintenant nous en sommes là, embarqués sur le Lotus, bateau grec à trois mâts. 14 Boédromion de l’an 575 avant Jésus-Christ. La vie à bord m’est étrangère. Dès l’aube, l’équipage doit se lever et manœuvrer le bateau jusqu’au crépuscule. Tout le monde s’y met, sauf une personne, ce Pythagore. Cela fait déjà trois jours qu’il est installé à la proue et qu’il dort. Le capitaine et ses matelots croient naïvement que ce garçon est une divinité mais j’en ai une autre opinion : c’est seulement un fainéant ! Heureusement que Thalès joue de la lyre toute la journée. L’écouter fait passer le temps et m’évite de penser à la fatigue, et c’est ma seule distraction. Chaque jour, de la pluie, des tempêtes, des vents violents, depuis quasiment deux mois, nous avons eu seulement quatre jours ensoleillés, quatre jours de repos. Pourquoi t’ai-je
  • 34. 34 quittée Chère Milet, mon petit nid douillet ? Je le regrette chaque jour… Je vois que je ne suis pas fait pour l’aventure… 9 Maimactérion de l’an 575 avant Jésus-Christ. Nous venons de débarquer sur le sol de Damas. Je pensais découvrir une ville verdoyante mais au lieu de ça je ne vois qu’une petite bourgade miséreuse entourés de terres arides. Je sais que nous sommes de passage mais cette étape était-elle vraiment utile ? Ce triste spectacle me détruit le moral. Je reconnais au moins l’utilité de Pythagore en ce moment. Même s’il est borné, il me fait tout de même rire. Vivement le départ ! Je n’ai que cette idée en tête… Maimactérion de l’an 575 avant Jésus-Christ Du sable, du sable, du sable, voilà ce que je voyais depuis deux semaines. Ces collines d’or brûlant et ce soleil cuisant m’épuisaient au plus haut point. Nous ne savions plus quel jour nous étions, Lundi ? Jeudi ? Etions-nous perdus ? Nous avancions difficilement. Pythagore se lamentait tout le temps, cela m’agaçait. Thalès au contraire, droit et fier sur son chameau, ne disait pas un mot, il restait calme et serein, je l’admirais. Tout autour de nous le silence était écrasant, rythmé seulement par de rares cris d’oiseaux et les plaintes du vent. Notre seul point de repère était l’Euphrate. A Damas, nous avions fait de grosses provisions, plusieurs kilos de dattes, ainsi que assez d’eau pour tenir vingt jours. De tout cela, il nous restait la moitié. Nous avions beau économiser nos ressources, dès que nous tournions le dos pendant quelques secondes, Pythagore en profitait pour aller s’empiffrer sans se soucier des autres. J’espérais que bientôt tout cela allait se terminer car j’étais exténué. 2 Poséidéon de l’an 575 avant Jésus-Christ Après cet interminable périple dans un désert aride, nous vîmes enfin la première trace de civilisation depuis notre départ de Damas. Ces immenses murailles nous laissaient croire que nous étions arrivés au Paradis ; la végétation était luxuriante, des animaux, des chèvres, des chameaux se désaltéraient, on entendait de joyeuses voix d’enfants, le bruit des roues des charrettes se mêlait aux claquements des sabots contre le sol et aux cris des marchands de fruits et de légumes. Des enfants jouaient ensemble dans cette grande cité. Se promener dans ces rues commerçantes et animées, où l’on trouvait une grande variété
  • 35. 35 d’épices, de viandes et toutes sortes d’objets typiques, nous faisait découvrir un autre mode de vie, même si l’usage d’un grand nombre de ces objets nous demeurait inconnu. Une fois installés dans une auberge, nous prîmes le temps de flâner dans les rues puis nous allâmes nous coucher pour reprendre des forces… Nous en avions tant besoin. 2 Gamélion de l’an 574 avant Jésus-Christ. Aujourd’hui, c‘est l’heure du départ. Cela fait déjà une vingtaine de jours que nous sommes arrivés et nous avons visité les moindres recoins de la somptueuse Babylone, de la gigantesque bibliothèque rassemblant le savoir de tant d’hommes jusqu’aux jardins suspendus ressemblant à ceux décrits dans la Bible. Durant ce séjour, Pythagore, je l’avoue, m’a beaucoup étonné. Pendant nos visites il se montrait si attentif, comme un grand sage. « Regardez ! Regardez ! cette architecture est une merveille ! » nous disait-il joyeusement. Nous avons en effet pu admirer de splendides sculptures sur d’impressionnantes places publiques, des animaux de toutes sortes vagabondaient dans les rues et chaque rencontre donnait vie à notre voyage. Thalès voulait visiter tous les temples et lieux culturels de la cité mais le temps nous a manqué tant cette ville s’est avérée inépuisable … Cette étape était très importante car le voyage qui nous reste à accomplir ne sera pas de tout repos et je crains qu’il nous arrive des aventures plus extravagantes que prévisibles. Je sais déjà que Babylone restera la plus grande aventure et la plus forte émotion de toute ma vie et j’espère y retourner un jour, peut-être même pour y mourir … EPILOGUE 14 Mars 2015 Ces fragments du journal d’Anaximandre ont été très récemment découverts dans la réserve d’une bibliothèque de quartier, quasiment en ruines, au Caire. Ils éclairent d’un jour nouveau la vie de ce grand mathématicien et permettent au lecteur du XXIe siècle une plongée totalement inédite dans l’intimité d’un savant du VIème siècle avant Jésus-Christ. A travers cette œuvre, nous pouvons découvrir les caractères de ses trois mathématiciens qui ont posé les bases de nos mathématiques ainsi que leurs liens et leurs affinités. Nous y découvrons le côté humain de ces trois personnages et nous savons aussi que le vœu d’ Anaximandre de mourir à Babylone ne s’est pas réalisé car il rendit son dernier souffle à Milet, sa ville natale. ROMAIN, PAUL , GABRIELA, CELINE
  • 36. 36 Naissance et jour levant d'une amitié Chapitre 1: Du côté de l'un... La route de Léchée éclatait de couleurs. Les voix des marchands fusaient dans la foule agitée. De part et d’autre de la route, des odeurs émanaient des comptoirs et montaient vers le ciel azur de l’été. Les étalages regorgeaient d’un vaste choix de vins, d’huiles, d’épices, de tissus, de bijoux de bronze, d’outils, de meubles, de bétail et d’innombrables choses. Toutes ces boutiques étaient plus éblouissantes les unes que les autres. C’était un vendredi spécial : les gens s’empressaient de faire leurs préparatifs en vue des jeux Isthmiques de Corinthe. Les concurrents des différents domaines n’allaient pas tarder à arriver. Ils venaient de toute la Grèce. Les épreuves de lutte, course, saut, disque et javelot auraient lieu dans cinq jours, et celles de musique et poésie dès le lendemain. Les vainqueurs remporteraient une branche de pin sacré en l’honneur de Poséidon. Sur les quais du port, les matelots chargeaient et déchargeaient les marchandises des bateaux. Une quantité prodigieuse de produits extrêmement divers, venant du monde entier, circulaient entre les entrepôts et les embarcations. Le bruit des charrettes qui roulaient sur les pavés faisait un cahotement infernal. Par moments, des troupeaux traversaient la rue et bouchaient la circulation. Les denrées, sous le soleil de midi, répandaient abondamment leurs odeurs. De temps à autre, une légère brise emportait toutes ces effluves vers le large.
  • 37. 37 Un gros bateau marchand s’approchait de la côte rapidement. Il entra dans le port majestueusement, sa fière figure de proue nous éblouissant de lumière. Je rassemblai mes quelques affaires. Une fois la passerelle jetée, je montai à bord, et j’allai déposer mes bagages dans la cale où nous dormirions, puis, comme il me restait un peu de temps avant le départ, je me baladais sur le pont, et contemplais l’excitation du port et le paisible clapotis des flots. Des cris aigus et éraillés me surprirent et me sortirent brutalement de ma rêverie : c’était des mouettes ; dans un brouhaha strident, elles s’élevèrent dans les airs. Je levai la tête, les suivis du regard. Elles frôlèrent le grand mât. Les cordages crissaient tandis que le vent s’engouffrait dans la grand-voile et faisait frémir la misaine. Le pont en bois craquait, astiqué rudement par les matelots sous les ordres du capitaine. Puis, progressivement, les gens commencèrent à embarquer et on entendit le signal du départ : la traversée commençait. Le soir arriva tôt. Il faisait doux, je décidai donc de rester un peu dehors. Je m’accoudais au bastingage et regardais la terre s’éloigner et disparaître derrière nous. La mer était tranquille, le bateau avançait vite. Quand la nuit tomba, je regagnai ma cabine et m’endormis profondément bercé par la houle. Le deuxième jour, nous fîmes escale à Kéos, et à Paros. Le temps était chaud, la mer calme, les dieux cléments. Profitant du soleil, je m’accordai une petite sieste, adossé au bastingage. Ah, qu’il faisait bon ! Que c’était agréable ! Je pus également profiter du sublime spectacle que m’offrait la riche végétation de Paros. Le troisième jour fut particulièrement intéressant. En passant près de l’île de Délos, j’aperçus une envolée de cailles, au sublime plumage ; je pus étudier leur vol, et constatai qu’une grande partie d’entre elles nichaient sur l’île. Alors que je les observais, quelqu’un me rejoignit et débuta un long discours sur la vie de ces oiseaux. C’était un passionné, et un spécialiste, il en savait beaucoup plus long que moi. Nous discutâmes pendant une bonne heure. La soirée commença donc ainsi … La clarté du jour commençait à refluer devant la nuit. Une douce lumière rosée régnait. Le Soleil allait bientôt passer en dessous de la mer, qui sait ? Peut-être verrais-je le fameux « rayon vert », qui fait rêver tant de marins. Une heure plus tard, la nuit était tombée. Une légère brise d’été caressait mon visage ; la majestueuse voile de notre embarcation frémissait dans l’air pur. Les premières étoiles apparaissaient dans le ciel. Cette nuit, la Lune ne se montrait pas, je pus donc distinguer aisément les astres dans le ciel sombre. Devant ce magnifique paysage d’une beauté incontestable, moi, passionné d’astronomie, je ne pus résister à l’envie de rester sur le pont pour contempler cette nuit étoilée. Je m’assis sur une toile épaisse qui recouvrait une partie du pont. C’était le paradis ! Je voyais le ciel comme jamais auparavant, un vrai bonheur ! J’observai les constellations lorsque tout à coup j’entendis le sol grincer. Je tournai la tête.
  • 38. 38 Alors que je pensais être seul, je distinguai vaguement une silhouette. L’inconnu vint s’installer à côté de moi ; c’était un homme, plutôt jeune. Il était mince et avait les cheveux courts. Je n’arrivais pas à percevoir ses autres traits physiques car nous avions pour seule lumière, en cette nuit noire, la clarté des étoiles. Quelques minutes s’écoulèrent ainsi, et, soudain le mystérieux inconnu m’adressa la parole, il commença son discours par ces mots : - Ah ! Je vois que vous aussi appréciez la beauté du ciel ! J’avoue qu’en ces conditions climatiques et dans ce cadre fabuleux, les astres ressortent divinement bien ! -Mmhm, vous avez parfaitement raison, les étoiles brillent mieux qu’en temps normal, approuvai-je. Je pus tout de suite confirmer ma supposition, l’inconnu était bien jeune. - Vous vous y connaissez Monsieur ? me demanda le jeune homme (de sa voix encore aigüe, il venait de m’appeler « Monsieur » ce qui indiquait que lui aussi m’avait reconnu comme étant plus âgé). - Mmhm, je peux dire que je m’y connais assez oui ! lui répondis-je - Oh ! Regardez ! Le Grand Chariot ! -Mmhm! C’est cela en effet ! répondis-je Je vis aussitôt qu’il avait de réelles connaissances en astronomie, il n’avait pas appelé « Le Grand Chariot » «Grande Ourse», comme font la plupart les gens. - Et regarde voilà le Petit Chariot ! Euh, Regardez… m’excusai-je, emporté par mon enthousiasme et l’irrésistible élan de ma jeunesse, je me mis à tutoyer le vieil homme comme si notre passion commune avait suffi à nous rapprocher. - Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave, me répondit-il d’un ton calme et magnanime. Nous continuâmes à discuter ainsi et à contempler les astres étincelants. Chapitre 2 : Du côté de l'autre... La nuit avait été calme, je me réveillai et me levai sans peine. Je m’habillai, et me vêtis d’habits légers car plus nous approchions Samos, plus il faisait chaud. Ce qui n’était ma foi, pas désagréable. Je montai sur le pont et je m'assis au même endroit que la veille. Tous les voyageurs s’y étaient réunis pour contempler l’arrivée. Le débarquement était prévu pour midi. Il n’était pas loin de dix heures du matin, et le soleil commençait à me réchauffer. De ma place, je pouvais observer tout l'équipage. Chacun discutait, de tout, de rien, du beau temps, de Samos, des projets…Tandis que moi, je me contentais paresseusement d’écouter ce qui me parvenait aux oreilles.
  • 39. 39 Soudain, j’eus l’impression de reconnaître une voix. Je ne sus pas tout de suite à qui elle appartenait. Je me mis à écouter attentivement la conversation. Il s’agissait de deux hommes, celui qui se trouvait en face de moi avait l’air passionné par les oiseaux, ce qui était d’ailleurs leur sujet de conversation. Je réfléchis un instant, jusqu’à m’apercevoir que ce dernier parlait bel et bien avec mon interlocuteur de la nuit dernière ! Cet homme assez vieux, qui s’y connaissait comme personne en astronomie. Je le reconnus grâce à son tic de langage, qui était à chaque début de phrase, de pousser un « mmhm » approbateur. Sa voix m’était donc bien familière ! Tout à coup le duo se dirigea vers les cabines. Je fis de même et les suivis discrètement. Impossible de les laisser filer sans que je puisse voir qui se cachait derrière cette voix. L’homme se retourna enfin, et j’eus à peine le temps de m’apercevoir qu’il s’agissait en fait du Grand Mathématicien Euclide ! J’avais parlé à Euclide la nuit dernière ? Je n’en revenais pas. C’était bel et bien lui ; il avait le même front, un large front qui inspirait le respect ; le regard pétillant et vif et, il avait des cheveux assez courts et bouclés, avec des élégants reflets cendrés dus à son âge ! Le bateau glissait sur les eaux calmes, laissant derrière lui un mince sillage. Il était aux alentours de midi, pourtant l’île était comme endormie, enveloppée d’une brume légère. Nous pénétrâmes silencieusement dans le port, et nous nous amarrâmes au ponton. Je descendis, tout en prenant garde de ne pas perdre de vue Euclide. J’aurais tant voulu lui parler, lui exprimer mon admiration. J’avais lu tous ses ouvrages, et ses théories. Je l’idolâtrais. Mais j’étais très intimidé, je craignais de le déranger, ou bien même de l’agacer, sans doute n’avait-il pas beaucoup de temps. Ma curiosité insatiable prit le dessus, et je décidai alors de le suivre discrètement. Nous prîmes le chemin d’accès qui conduisait à la cité. L’acropole nous apparut enfin. Devant cette perfection, une vague d’émotion monta en moi. Je n’avais jamais encore repensé à ce que j’avais quitté pour venir ici. Puis, nous arrivâmes devant la cité. Euclide traversa à grandes enjambées la place, je lui emboîtai le pas tout en faisant attention à rester bien caché. L’agora était pleine de vie : les gens s’empressaient dans les temples et dans la grande bibliothèque. Plusieurs visiteurs montaient vers l’acropole. Les enfants jouaient en chantonnant. Et je ne pus m’empêcher de penser aux comptines de mon enfance. Je fredonnais du bout des lèvres : Milisse mou millisse mou Den se filissa pote mou Milisse mou milisse mou Pos na se xehaso pes mou
  • 40. 40 Pendant ce temps, nous nous étions éloignés. Nous sortîmes par le portique sud et continuâmes dans cette direction. Il faisait très chaud, j’étais en nage, et je n’en pouvais plus de cette course, je n’arrivais plus à suivre Euclide. Je commençai à me demander quand il allait s’arrêter, et où il pouvait bien aller. Bientôt, le nombre d’habitations diminua, et il n’y eut plus grand monde. Euclide zigzagua encore entre deux ruelles, sembla hésiter un instant, puis il s’engagea à gauche. Soudain, je l’entrevis avec d’autres personnes ; ils se serrèrent la main, puis entrèrent dans un vaste édifice assez austère. Je longeais le majestueux bâtiment pour trouver un poste d'espionnage d’où je pourrais observer ce qui se dit entre grands mathématiciens... La rue était calme sous le soleil torride. Après avoir fait le tour du bâtiment, je compris qu'aucune fenêtre n'était facilement accessible, elles étaient toutes trop hautes. Je ne voulais pourtant pas abandonner si vite. Je rebroussai chemin jusqu'à la fenêtre qui me paraissait la plus accessible. Je préférais suivre mon instinct plutôt que la raison, et décidai de tenter l'escalade. Le mur n’était pas régulier, et offrait donc de bonnes prises. Je progressais facilement, et atteignais la fenêtre sans encombre. Quelle chance ! De ma position, je pouvais voir tous les mathématiciens. Cette pièce était immense, recouverte de tous côtés de tableaux, de cartes de toute la Grèce et du ciel, et de multiples autres objets. Une bibliothèque monumentale remplie de vieux livres de géographie, d'histoire, de mathématique, d'astrologie et de physique était installée dans un coin de la salle. Des scientifiques réputés dans le monde entier comme Pythagore, Thalès ou même Anaximandre avaient visité cette bibliothèque. De l'autre côté de la salle, des télescopes, des balances, des règles, ou encore des loupes étaient rangés sur de grandes étagères en bois de chêne. Au centre, était dressée une énorme table en olivier entourée de chaises. Le soleil éclairait toute la pièce. Une dizaine de personnes discutaient. Je reconnus avec soulagement Euclide, en grande conversation avec l’un de ses confrères, honoré par tous. Au bout de quelques instants, un vieil homme en uniforme militaire invita tout le monde à s'assoir autour de la table. Un tableau recouvert d'une carte de la Grèce avait été placé en bout de table. L'homme prit la parole : -Chers amis, je vous ai convoqués pour prendre une décision importante. Depuis longtemps, la question est restée en suspens, mais maintenant, la situation ne peut plus durer. Il faut en découdre et prendre une décision une bonne fois pour toute ! Tous les convives semblaient comprendre les enjeux de cette décision mais moi, je ne voyais pas du tout de quoi il s'agissait. L'homme continua avec véhémence.
  • 41. 41 -Vous connaissez tous la richesse de la Macédoine et vous l'avez tous vue à l'œuvre dans la conquête de ses cités voisines. Les prochains sur la liste, c'est nous ! Pour résister, nous devons nous unir et faire une alliance ! Si nous ne réagissons pas, il sera trop tard... Les convives prirent tour à tour le bâton de parole. Les avis étaient partagés et pourtant tous justes. Je me demandais comment ils allaient pouvoir prendre une décision qui conviendrait à tous. Euclide était resté silencieux. Soudain, il prit la parole. J'étais si absorbé par son discours que je ne sentis pas mon pied glisser. Trop tard ! J'avais emporté dans ma chute une grosse pierre qui se fracassa dans un bruit assourdissant. J'étais à peine relevé, qu'un garde m'avait déjà attrapé par derrière. Il m'empoigna fermement et m'introduisit dans le bâtiment. Je me rendis compte de la gravité de mon acte. Après avoir traversé quelques couloirs, il poussa une grosse porte. Me voilà moi aussi dans la salle ! J'étais partagé entre la peur de ce qui allait advenir, et, en même temps fasciné de voir tous ces gens et objets de près. Tous les convives me toisaient. Tous, sauf un. Euclide. Il était sidéré de me voir là. J'étais au moins soulagé qu'il me reconnaisse. -Voilà le chenapan qui vous espionnait ! s'écria le garde en me brandissant devant les convives. -C'est un espion macédonien ! lança un des militaires. -Il faut l'emprisonner ! -Non, il vaut mieux l'exécuter, ça serait plus sûr ! lança quelqu'un d'autre. Je n'osais me défendre. Euclide se leva et vint m'observer de plus près. Je connais ce garçon, dit-il enfin. Laissez-le partir. Il ne fera rien. Personne n'osait contredire ses ordres. Avant de retourner s'asseoir, il me chuchota discrètement à l'oreille: «Attends-moi dehors». Le garde me raccompagna. Il semblait déçu qu'on ne me punisse pas plus et ne cessait de me jeter des regards noirs. Je m'assis en face de l'entrée, à l'ombre d'un cyprès. Le clapotis d'une fontaine, le gazouillis des oiseaux et le bruissement du vent dans les feuilles répandaient une atmosphère paisible. Le temps semblait s'être arrêté. La discussion que j'avais écoutée me revenait en tête par bribes. Dans cette ambiance sereine, je ne pouvais imaginer l'horreur d'une guerre. Le petit groupe de collègues sortit du bâtiment. Ils discutèrent quelques instants, puis se dispersèrent. J'avais veillé à ce que personne ne puisse me remarquer. Euclide alla se rafraîchir à la fontaine. Je le rejoignis. - Je vous ai attendu. - Quelle idée tu as eue de me suivre ! Tu n'aurais jamais dû, c'était beaucoup trop dangereux, lança-t-il. - Mais je... - Mhmhmh... Tu n'as aucune excuse valable, me coupa-t-il. - Veuillez m'excusez Monsieur, mais comprenez... Notre première conversation m'avait tellement subjugué… Je, je ne pouvais imaginer que ce serait la seule. J'avais été franc, mais je n'attendais rien de la part d'Euclide. Qui étais-je au juste, si ce
  • 42. 42 n'est un vagabond quelconque. Euclide semblait bien surpris et dubitatif. - Mhmh...Je dois reconnaître que tu m’étonnes beaucoup, et que, somme toute, tes raisons sont assez valables. Puisque tu es là, je peux te montrer quelques livres, si tu en as envie. Je fus gagné d'une excitation fébrile. Je n'en croyais pas mes oreilles ! Moi, qui n'étais encore rien, j'allais pouvoir écouter, apprendre d'Euclide en personne, et consulter ses livres ? Dix ans plus tard Ce matin une page de ma vie s’est tournée. Mon cher maître Euclide est mort dans son sommeil, moi à son chevet. La douleur est terrible. J’ai besoin d’air, je vais marcher sur la plage. Je regarde l’horizon. Il fait beau. Le vent soupire. Je respire. Une larme roule doucement sur ma joue. Je me souviens de ces années partagées avec lui. De ces cours, et de ces leçons qu’il m’enseignait avec passion. De ces moments, passés à débattre sur un théorème ; de ces voyages d’affaires où je l’accompagnais. De ces sorties et de ces visites quotidiennes. De tout ce temps à ses côtés, à apprendre, à comprendre. Je rebrousse chemin ; mes pas sont lourds et difficiles. Je suis triste. Je voudrais me confier à quelqu’un ; mais il n’y a que lui et il n’est plus là. J’aimerais pouvoir lui dire tout ce que j’ai sur le cœur, et que je ne lui jamais dit… Mon cher maître, cette lettre est pour vous. Je vous remercie pour tout ce que vous m’avez enseigné. Je suis extrêmement fier d’avoir été votre élève, apprenti et ami. Sachez que je ne vous oublierai jamais. Vous êtes mon modèle, inscrit dans mon âme et mon cœur. Et qui, je le sais, m’accompagnera depuis là-haut. Je ferai de mon mieux pour vous succéder. Je vous aime infiniment, Votre dévoué Erathostène. ELISE ET HANA
  • 43. 43 COUP DE TONNERRE Chapitre I Il faisait nuit et il pleuvait des cordes. Je pensais qu’il n’y aurait personne dehors à une heure pareille. Contre toute attente, je vis certains de mes amis se protéger à l’entrée du temple de Zeus, ils me remarquèrent et me firent signe de les rejoindre. Une fois près d’eux, j’entendis un grondement sourd et un débat sur le tonnerre commença : Akilion, un vieillard plutôt aigri, s’exclama, excédé : - Encore Zeus qui gronde ! Qu’est-ce que l’on lui a fait ? C’est déjà le troisième orage cette semaine. - Oh voyons, ne t’énerve pas comme ça, ça rend méchant et bête, lança Athos. Akilion grogna de dépit : il ne pourrait pas s’opposer à lui puisque Athos, qui était un soldat noble et respecté de tous, même des grands généraux comme Léonidas, dégageait une force reposante comme s’il avait des pouvoirs de demi-dieu. - De toute façon quand les dieux sont en colère, on ne peut rien faire, grogna Kostas. - Vous savez que certains savants pensent que la foudre peut s’expliquer scientifiquement ? intervint Klemes. -Sérieusement ? grogna Alexandros. - C’est impossible ! s’écria Andréas.
  • 44. 44 - BIEN SUR QUE SI QUE C’EST POSSIBLE, hurla une voix venue de derrière Chapitre II Tout le monde se retourna : c’était un vieillard maigre et barbu. - Monsieur, de quoi vous mêlez-vous ? demanda Alexandros. - Je m’appelle Anaximandre, je suis un scientifique, rétorqua le vieillard, visiblement vexé. - Et alors ? demanda Akilion. - Attends, je sais ! lança Klemes. C’est un grand scientifique : il a notamment établi une carte du ciel. - Effectivement il y a d’abord le soleil puis la Terre et les étoiles, expliqua Anaximandre. - Mais que sont les étoiles ? demanda Andréas, impressionné et conquis par l’aplomb du vieillard. - Les étoiles sont de minuscules soleils qu’…. - Vous les scientifiques, vous ne dites que des bêtises, interrompit Akilion, furieux ; les étoiles sont des dieux ! - Arrêtez de crier comme des sauvages, vous allez réveiller tout le monde, m’exclamai-je. Ils me regardèrent tous, l’air énervé, prêts à se retourner contre moi, comme une meute de loups. - Tais-toi ! Tu ne sais rien du tout, grogna Andréas. - Parce que tu sais tout, toi ? demanda Athos, moqueur. Á ce moment-là, le débat partit en vrille : mes oreilles sifflaient tellement ils criaient. Ils ont commencé à se battre entre eux, j’ai eu peur et je suis parti chercher quelqu’un pour les arrêter. J’ai finalement trouvé un soldat et je lui ai demandé de l’aide pour régler la dispute.
  • 45. 45 CHAPITRE III Le lendemain matin, Kostas vint me prévenir qu’Andréas était chez le médecin. - Il est si gravement blessé que ça ? demandai-je. - Je ne sais pas mais j’espère pour lui que non, répondit-il. Le silence s’installa. Nous étions gênés de parler de la bagarre de la veille, quand soudainement, nous vîmes un rassemblement de nombreuses personnes. - Que se passe- t-il ? demanda Kostas. - Je ne sais pas, allons voir. Quand nous nous sommes rapprochés du groupe, nous avons vu Athos en train de parler d’Anaximandre. - Que se passe-t-il ? insista Kostas. - Apparemment Anaximandre est mort, répondit-il. J’eus soudain très chaud car je ne l’avais pas vu partir après la bagarre. Et nous l’avions peut-être laissé mourir de ses blessures ? A son âge, il était sans doute moins résistant que des jeunes comme nous. - Quelqu’un sait comment il est mort ? lança Kostas. - Je crois qu’il a été foudroyé, lança quelqu’un dans la foule. - Tu es sûr ? demanda Athos. - Oui, je crois. - Je ne te demande pas si tu le crois mais si tu en es sûr ? - J’en suis sûr : je l’ai vu être touché par un éclair alors qu’il rentrait chez lui, mais j’ai eu peur, donc je me suis enfui en courant. -Ouf, ai-je pensé à ce moment. -Quelle ironie, lança Kostas, lui qui disait que la foudre était un phénomène scientifique : il a été emporté par la colère de Zeus. Tout l’auditoire éclata de rire. - Oh il avait de bonnes idées scientifiques, mais bon, c’est fini maintenant. Qu’il repose en paix !
  • 46. 46 - Si ça se trouve, il y aura des gens dans le futur qui arriveront à prouver ce qu’il disait. - Pourquoi pas … ALEXANDRE ET CLEMENT
  • 47. 47 Le dilemme de Thalès Ce matin-là, le soleil brillait sur l’écume de la mer Egée. Un jeune homme marchait sur les quais du port en observant l’horizon. Ses cheveux noirs tombaient en boucles sur ses épaules musclées. Un petit garçon arriva en courant. Il cria : - Thalès ! Thalès ! Le jeune homme se retourna et lui demanda : - Oh, Abel, calme-toi ! Raconte-moi ce qui te met dans cet état. - Mon maître t’appelle. Il m’a dit de venir te chercher au plus vite car il a eu vent de ton départ. - J’arrive, cours prévenir mon père de ma visite. Abel se remit à courir dans le sens inverse. Thalès le suivit en marchant tranquillement. En effet quelques jours plutôt lors de sa promenade habituelle Thalès avait eu une révélation. Sa ville l’étouffait, il voulait partir à l’aventure, découvrir les merveilles du monde avant que la vieillesse le rattrape et qu’il ne puisse plus bouger. Thalès était la seule famille qui restait à son père et il ne voulait pas l’inquiéter avec cette séparation qui allait être difficile.
  • 48. 48 Quand Thalès arriva chez lui, il vit son vieux père dans la cour avec son serviteur Abel. Son père, en larmes, s’approcha de lui et se lamenta : - Alors, comme ça, mon unique fils veut me quitter ? Veux-tu m’abandonner ? Je préfèrerais mourir que de te voir partir ! Thalès répondit tristement : - Mon père, je vous aime tendrement, mais il faut que je parte découvrir le monde et la vie ! A quoi donc servirai-je si je reste ici ? Le vieux père regarda longuement son jeune fils. Il l’avait vu grandir et il l’avait élevé. Ne serait-il pas égoïste de sa part de le garder auprès de lui et de le priver de la connaissance du monde ? Il leva les yeux noyés de larmes vers le ciel et déclara : - Si les dieux le veulent, va-t’en. » Le lendemain il était parti. Dix jours plus tard Thalès arriva à Alexandrie. Quand il posa son pied sur le sol brûlant de l’Egypte, il vit le magnifique paysage d’Alexandrie. D’immenses monuments crevaient les nuages : c’étaient les célèbres pyramides d’Alexandrie. Thalès resta immobile, tant de beauté lui avait coupé le souffle. Thalès avança d’un pas et faillit se faire écraser par un char. Le conducteur se retourna et lui cria quelques vulgarités. Le doute se faufila alors dans son esprit. Avait-il eu une si bonne idée en quittant sa ville natale et son père ? Ou alors s’était-il trompé sur toute la ligne et avait-il fait une grosse erreur ? Il chassa ces idées de son esprit et s’enfonça dans la ville. Cet après-midi-là, Ethère était à Alexandrie dans l’une de ses nombreuses propriétés. Il attendait un client qui aurait dû être là depuis longtemps. Il commençait à s’impatienter. Ethère était un petit homme trapu. Il avait de petits yeux vifs noirs. Il était plutôt sympathique et très comique. Il avait gagné sa fortune en observant les trajets de marchandises et les avait améliorés en les rendant plus rapides. Ethère était devenu prospère et avait décidé d’arrêter son travail pour se retirer de sa vie très prenante. Maintenant, il louait ses maisons aux étrangers. Cela faisait longtemps maintenant qu’Ethère attendait ce client, il s’apprêtait à partir quand il entendit un homme qui courait derrière lui. Il se retourna et vit un jeune homme avec une valise à sa main. Ce dernier s’approcha d’Ethère et lui demanda :
  • 49. 49 - Je cherche un certain Ethère, savez-vous ou je peux le trouver ? Ethère lui répondit : - Oui, il se trouve juste devant vous. Enchanté, Ethère, c’est moi. Thalès serra la main tendue et dit chaleureusement : - Excusez-moi de mon retard, c’est la première fois que je viens à Alexandrie, je me suis perdu dans ces rues tortueuses. - Vous savez, vous n’êtes pas si en retard, il y a des clients qui ne sont jamais arrivés. Thalès rit de bon cœur, et Ethère l’invita à entrer dans sa demeure. Les deux hommes traversèrent la cour intérieure en bavardant. Quelques jours plus tard, Ethère rentra dans la maison en courant. - Thalès ! Thalès ! - Que se passe-t-il Ethère ? - Je suis désolé de crier comme ça, mais il faut absolument que je te présente quelqu’un ! - Calme-toi et raconte-moi tout. - Un homme est arrivé récemment en ville et il me loue aussi une maison pas très loin d’ici. Il est exactement comme toi, il veut découvrir le monde et s’intéresse aux mathématiques. Il faut que vous vous rencontriez. Il s’appelle Pythagore. - Très bien, quand pourrai-je le rencontrer ? - Demain, quatorze heures, à la plage de Marsa-Matrouh. - D’accord j’y serai. Le lendemain Thalès se rendit à Marsa-Matrouh. Il vit de loin Ethère accompagné d’un jeune homme à l’allure svelte. Il leur serra la main, et ils marchèrent le long de la plage. Thalès commença à raconter son voyage, et comment il avait quitté son père. Pythagore l’écoutait attentivement et raconta lui aussi son départ de Samos. Ethère avait eu raison, les deux hommes se trouvèrent beaucoup de points communs, ils avaient tous deux une passion pour les mathématiques et la philosophie. Ils discutèrent jusqu’à la nuit tombée et se promirent de se revoir le lendemain. Deux mois s’étaient écoulés depuis la rencontre de Thalès et Pythagore. Ils avaient tous les deux fait de grandes découvertes scientifiques et les Egyptiens d’Alexandrie faisaient la queue devant leurs maisons pour pouvoir poser des questions ou discuter seulement avec ces érudits. Malgré tout cela Thalès et Pythagore se voyaient toujours et avaient tous les jours de nouvelles choses à se dire. Pourtant, depuis quelques semaines, Thalès s’éloignait de Pythagore. Il avait rencontré des personnes très intéressantes avec qui il aimait passer son temps. Thalès ne pensait plus à son ami qui se sentait délaissé, au point