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L’innovation n’est pas un sujet nouveau pour l’armée de Terre, qui l’utilise comme
source de son adaptation aux contingences qu’elle est appelée à rencontrer. Dans un
contexte géostratégique incertain en profonde mutation, elle doit désormais se saisir
des opportunités offertes par l’évolution des nouvelles technologies pour révolutionner
l’équipement et assurer la supériorité opérationnelle des forces terrestres. Dans ce
monde VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous), les Armées ont besoin d’un
outil de défense agile, résilient et innovant.
Face à la complexité des engagements actuels et à l’évolution des conflits, le sujet
du « système combattant » s’impose dans le développement capacitaire et prospectif
de l’Armée de Terre. Ce concept change le paradigme pour faire de l’innovation, la
variable d’ajustement au fantassin : à elle de s’adapter à son utilisateur. Il convient donc
de s’interroger sur une limite humaine au développement et à la mise en œuvre de
l’innovation d’armement.
Cela implique une démarche structurée permettant de mieux appréhender le vécu
opérationnel du fantassin lors de ses engagements en OPEX ou en missions intérieures,
de comprendre les besoins (formulés ou non), les usages et les capacités des utilisateurs.
L’écosystème de l’innovation de défense doit également considérer les émotions induites
par les équipements en dotation ou prospectifs, afin de répondre avec des solutions
innovantes garantes de l’expérience utilisateur du fantassin.
Le processus complexe d’une réflexion centrée sur l’expérience utilisateur suppose donc
de comprendre comment les acteurs français, qui concourent aujourd’hui à l’innovation
de défense, s’organisent-ils pour créer les conditions favorables à l’intégration d’une
innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin.
Ce document tire les principaux enseignements d’un travail de thèse professionnelle
d’octobre 2018 à décembre 2019 dans le cadre du MBA Digital Marketing & Business
à l’EFAP en partenariat avec le Hub Institute. Pour en savoir plus, les pages concernées
de la thèse y sont indiquées par la mention ‘cf’.
Notedesynthèse|ThèseprofessionnellepromotionPartTime2018-2019
Comment intégrer
une innovation
garante de
l’expérience utilisateur
du fantassin ?
©3RPIMa
2
Sans se substituer à l’homme sur le terrain,
l’implémentation incrémentale des algorithmes
auto-apprenants, dits d’intelligence artificielle, et la
cybernétisation des forces, fondée sur l’introduction
de la robotique placée entre l’homme et le risque
potentiel, seront des atouts primordiaux dans la
conduite des opérations.
Si certaines fonctions de la logistique et du
renseignement, font déjà partie d’une catégorie
où l’homme pourrait être remplacé par des robots,
d’autres appellent les états-majors à réfléchir aux
avantages de la non-intégration de ces technologies
ou seulement en appui aux combattants. Une place
devra notamment être préservée pour l’homme
intervenant lors d’opérations spéciales (nécessitant de
l’adaptabilité), et d’opérations de contre-insurrection
(au contact des populations civiles), ou lors de
déploiement d’unités sur le territoire national. Un
modèle dont il faut tenir compte dans la réflexion sur
les développements technologiques qui imposent de
passer d’une perspective industrielle (performance et
domination) à une vision opérationnelle (équilibre de
la relation homme-machine). (cf. p17, 18 et 19)
Quel que soit le niveau d’automatisation, voire
d’autonomie des systèmes d’armes actuels et futurs,
la position politique française concernant l’emploi
des robots se limite à la seule volonté de maintenir
un contrôle et une prise de décision humaine. Le
succès des engagements militaires et la sécurité de la
population ne pourront être abandonnés par l’homme,
au profit d’un commandement par la machine.
La faible maturité de l’IA dans certaines approches
souligne les limites de la technologie, qui n’est pas
exempte de menaces et de risques. La manipulation
des données d’apprentissage, les biais cognitifs
transmis par l’homme aux algorithmes, les systèmes
désorientés et mis en défaut par la modification de
données visuelles, les systèmes de hack à distance,
représentent des facteurs de risque pour les
utilisateurs. (cf. p22, 23 et 24)
Même si les inquiétudes concernent principalement
les SALA, un brouillard de guerre algorithmique
émanant des « données contradictoires » constitue
un risque plus important à court terme. (cf. p22)
Les conditions climatiques des théâtres d’opérations
et la localisation des conflits dans des zones
géographiques complexes (zones urbaines à
fort cloisonnement, environnement exigeant et
éprouvant du combat en jungle, de montagne, de
désert…) rendent certains équipements intégrant
des technologies numériques inutilisables, entre
perturbationdubonfonctionnementdestechnologies
et usure prématurée.
Une des missions pour l’armée de Terre est de faire
comprendre aux industriels qu’il faut absolument
penser et concevoir des innovations par rapport au
terrain, et il n’y a pas de terrain unique.
Pour répondre à notre question initiale « Comment intégrer l’innovation garante de l’expérience utilisateur du
fantassin ? », problématique de cette thèse, nous avons dans un premier temps définis que le combattant à
vocation à rester au centre des capacités militaires. Nous avons pu constater que :
LA PLACE CENTRALE DE L’HOMME DANS LES CAPACITÉS
MILITAIRES
3
Dans un monde totalement rationnel, les trois dimensions, que sont l’organisation, l’humain et le monde, évoluent
en même temps. Cependant, face à l’accélération des progrès technologiques et de l’innovation extrêmement
rapides, les organisations subsistent dans un modèle hiérarchique vertical. Cette accélération soulève une
inversion de l’équilibre entre l’organisation et son environnement. Aujourd’hui, la structure des organisations
évolue beaucoup moins vite que leur environnement et les tensions (écart entre la réalité et le potentiel perçu) en
sont la conséquence naturelle. Un constat également soulevé par l’armée de Terre qui a donc initié un processus
de transformation où l’innovation est le moteur de son adaptation au changement de son environnement.
L’innovation est d’abord une question humaine avant d’être technologique. Si la technologie peut créer les
conditions du changement, celui-ci est également déterminé par les facteurs humains et organisationnels
permettant de marier la rusticité du soldat et la haute technologie…
Général d’armée Jean-Pierre Bosser, ancien CEMAT
‘‘
Comment piloter la mutation complexe
de l’armée de Terre pour favoriser
l’innovation garante de l’expérience
utilisateur ? Comment garder les
avantages du modèle hiérarchique tout
en gagnant de nouvelles capacités pour
donner à une organisation vélocité et
agilité ? Une agilité permettant d’innover
pour répondre aux besoins immédiats
des armées et préparer l’avenir, selon
l’ambition de la loi de programmation
militaire pour 2019-2025. Comment
faire disparaître les tensions induites par
l’innovation ?
Comprendre les raisons de la nécessité d’intégrer
une innovation garante de l’expérience utilisateur du
fantassin dans la transformation digitale de l’armée
de Terre.
Repenser l’organisation pour une nouvelle approche
plus agile, plus transversale, plus efficiente, et la
plus innovante possible, afin de permettre cette
transformation.
Insuffler une nouvelle culture commune, qui va
nécessiter un accompagnement au changement
pour changer les « mindsets » et embarquer tous les
humains de l’organisation.
Transformer les process pour saisir les opportunités
de la transformation numériques en matière de
développement, de conduite de programme ou
d’acquisition d’innovation d’armement.
Comprendre les enjeux stratégiques des données,
un chantier multidimensionnel pour permettre à
l’écosystème de l’innovation de l’armée de Terre
d’accorder besoins, moyens et impacts.
L’armée de Terre est dans un monde en perpétuelle évolution, il est donc nécessaire de :
LA DYNAMIQUE D’UN ÉCOSYSTÈME EN PLEINE MUTATION
4
La part croissante des acteurs civils dans les nouvelles
technologies et leur avancée par rapports aux acteurs de
la défense est l’une des raisons qui font de l’innovation
duale un sujet à part entière. La démocratisation de l’accès
aux nouvelles technologies bénéficie potentiellement aux
Armées, mais également à ses ennemis qui pourraient utiliser
ces systèmes avant eux.
L’ambition de concevoir un « système combattant » impose de prendre en
compte la dimension empirique au combat. En tant que premier maillon
tactique sur les théâtres, le fantassin est soumis à de nombreux facteurs,
qu’ils soient physiques, physiologiques, cognitifs, environnementaux
ou climatiques, ainsi qu’à de nouvelles menaces. Il est donc essentiel de
pouvoir comprendre et répondre à ses besoins/usages en l’intégrant dans
l’ensemble des processus.
Lors de ses engagements, le fantassin est soumis à des réactions de défense qui
accentuent les difficultés d’utilisation de son équipement et des systèmes numériques.
Que ce soit la mobilisation inconsciente ou la mobilisation consciente, l’ensemble
compose très largement sur l’expérience. Cela démontre de l’importance de mettre
l’expérience utilisateur et notamment les facteurs humains au centre des réflexions,
puisque si l’humain est sujet à une réaction de défense incompatible avec l’usage de son
équipement, alors les briques technologiques censées augmenter ses performances ne
seront qu’empilement. (cf. p30)
Les équipements, matériels et systèmes numériques sont d’abord destinés à être utilisés par
de jeunes soldats « digital natives ». Et contrairement à ce que l’on pourrait présupposer, ces
jeunes militaires du rang, sous-officiers et officiers, qui utilisent quotidiennement les technologies
numériques, ne savent pas utiliser d’emblée les systèmes en dotation dans l’armée de Terre. Ils sont
même plutôt réticents à les utiliser dans leur environnement professionnel.
Réduire les écarts entre besoins, usages et solutions. Le processus capacitaire SCORPION
exprime, dès la conception, un besoin de cohérence d’ensemble dans lequel l’homme peut devenir
secondaire dès lors que l’ingénieur doit répondre à des contraintes techniques complexes. Il est
donc nécessaire que les équipes en charge de l’expérience utilisateur contribuent aux projets
d’innovation afin de recentrer systématiquement la réflexion sur l’homme et sur l’activité du
système sociotechnique, dans les futurs incréments. (cf. autres exemples en p33, 34 et 35)
Après avoir défini le périmètre de l’innovation de défense, nous avons étudié 5 chantiers majeurs pour répondre
à notre problématique. En analysant les raisons de l’intégration d’une innovation garante de l’expérience
utilisateur, nous en avons déduit que :
©3RPIMa
5
L’expérience utilisateur, un processus psychologique au centre de l’innovation. Selon Donald Norman,
psychologue cognitiviste américain, l’expérience utilisateur correspond « aux réponses émotionnelles et aux
perceptions d’une personne qui résultent de l’usage ou de l’anticipation de l’usage (…) ». L’expérience utilisateur
n’est donc pas strictement pragmatique comme l’est l’utilisabilité. Cette discipline s’appuie sur de nombreux
aspects : ergonomie, études comportementales, psychologie cognitive… L’utilisabilité (la « facilité d’usage ») et
l’impact émotionnel ressenti sont également deux qualités indispensables et indissociables pour qualifier une
expérience utilisateur d’optimale.
Pour répondre à ces raisons, l’armée de Terre doit adapter l’organisation et créer les conditions favorables à
l’innovation. L’avancement de la transformation peut se résumer à :
Une réorganisation de l’écosystème de défense qui gagne en agilité en créant des synergies entre les différentes
temporalités de l’innovation d’armement (cycle long de l’innovation planifiée, cycle moyen de l’innovation doctrinale,
cycle court de l’innovation d’opportunité, dit innovation participative et innovation ouverte). En adoptant une
logique de collaboration interne et externe, l’armée de Terre crée un équilibre entre :
•	 La démarche « top-down » : privilégiée jusqu’à
aujourd’hui et déployée par l’institution militaire
sur la base d’un besoin exprimé par les autorités
hiérarchiques. L’EMA pour identifier de nouvelles
solutions opérationnelles, la DGA pour trouver
des applications aux nouvelles technologies, et
l’industriel pour se lancer sur le marché.
•	 Et la démarche « bottom-up » : qui résulte d’idées
spontanées ou de découvertes par l’ensemble
des acteurs de l’écosystème de l’innovation de
défense  : chercheur dans un laboratoire, PME,
start-up, expert à la DGA, opérationnel sur le
terrain ou des personnes sollicitées dans le cadre
d’opération de crowdsourcing.
Si l’armée de Terre est un modèle d’agilité en opération, comme le prouve la capacité de projection des forces
terrestres en OPEX sans préavis pourmenerune mission de longue durée, elle doit désormais amenerplus d’agilité/
adaptabilité et de transversalité  : supprimer les silos, hiérarchie horizontale pour l’innovation, collaboration,
interopérabilité, open innovation et flexibilité. (cf. opposition entre la culture traditionnelle et la culture de l’innovation
p39)
5 AXES DE CONSTRUCTION DE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR
6
L’organisation structurelle de l’armée de Terre subsiste depuis longtemps dans un modèle managérial vertical
essentiellement descendant « top-down » et étroitement lié à son organisation en silo. Cela provient de la
confusion entre l’organigramme et le fonctionnement de l’organisation humaine, et entraîne une coupure entre
les chefs militaires et la réalité du terrain, une perte d’expertise des chefs et une démotivation des subalternes.
Pour être efficiente l’organisation humaine doit être adaptée pour être en capacité d’apporter de la transversalité
entre les niveaux hiérarchiques de l’organigramme militaire et entre les entités interarmées, interalliées concourant
à l’innovation de défense.
Éviter les biais de représentativité, notamment
lorsque l’innovation est destinée aux combattants
de l’infanterie. L’armée doit être capable de prendre
en compte l’ensemble des savoir-faire spécifiques
et leurs usages respectifs pour proposer des
innovations cohérentes avec la réalité du terrain.
Elle doit s’organiser pour avoir des équipes projets
pluridisciplinaires représentatives de la diversité de
cette force opérationnelle, quel que soit l’avancement
du projet, pourco-construire des projets d’innovations
technico-opérationnelles en intelligence collective.
Gagner en transversalité entre les différentes
entités d’un corps d’armée, interarmées et interalliées
dédiées à l’innovation. Le fonctionnement en cercle
permet d’adapter facilement les expertises en
fonction du besoin préétabli pour chaque projet.
La collaboration et l’émergence d’une intelligence
collective augmentent les capacités d’innovation,
améliorent l’efficacité concernant les délais de prise
de décision et la productivité.
Bien que la réorganisation structurelle et organisation humaine soient des étapes importantes, elles ne sont
pourtant pas suffisantes. Insuffler une nouvelle culture commune de l’innovation au sein de la DGA, des armées
et de la BITD représente un plus grand défi qui va nécessiter un accompagnement pour changer les « mindsets »
et embarquer tous les humains. (cf les cinq piliers du changement selon Knoster p58)
Opter pour un management opérationnel avec un fonctionnement en cercle permettra à l’organisation d’évoluer
en même temps que son environnement. La faiblesse du fonctionnement en cercle est de dépendre de la volonté
des chefs et des dirigeants militaire de le mettre en place. Cela nécessite un changement du « mindset » des
militaires qui sont dans l’entre-soi et qui ne souhaitent pas être disruptés. Sa force est d’inciter un leadership
dynamisant qui maintiens le niveau d’expertise des chefs, de la cohésion et de la cohérence dans les équipes, de
la communication, de l’autonomie et une grande disposition à la transversalité. Mettre les expertises au centre
de l’organisation et l’innovation au service des utilisateurs, telle est la finalité du fonctionnement en cercle. (cf.
exemple du G.I.G.N. p50) (cf. différence entre hiérarchie et fonctionnement en cercle p51)
Sur des spécialités, avec des expertises et des petits groupes, il est possible de créer un écosystème positif
et optimisant dans une logique d’augmentation des capacités. Cela signifie qu’il faut réussir à agrandir ce
fonctionnement en illustrant par des cas d’innovations et d’usages réussit. « Regardez ce processus a fonctionné
ailleurs, et cet ailleurs existe au sein du même corps d’armée. » (cf. p54)
7
Des efforts sont faits pour accompagner une nouvelle
culture de l’innovation au sein de l’état-major, de
la DGA et de l’industrie avec une évolution du
« mindset » pour passer de la culture du risque zéro
à la culture du risque maîtrisé. Au Québec, « prendre
un risque » se traduit par l’expression « prendre une
chance ». Une première définition pour la culture du
risque maîtrisé pourrait être : la volonté de considérer
le risque d’échec inhérent au projet d’innovation
comme une voie possible d’apprentissage dès lors
que les projets seront conduits dans des délais
suffisamment court. Néanmoins, des difficultés
subsistent pour embarquer les régiments, et donc
les utilisateurs finaux.
L’intégration de l’ensemble des parties prenantes aux
«  Learnings Expeditions  » du Gicat et de l’Agence
de l’innovation de Défense donnera le même
niveau de compréhension, de vision prospective
et stratégique. L’objectif est d’identifier le plus tôt
possible les nouveaux usages, pratiques innovantes
technologies ou start-ups disruptives pouvant avoir
un intérêt pour le milieu terrestres et aéroterrestre.
Telle la loi de la gravité, tout changement crée
une réticence proportionnelle à son intensité de
disruption. L’armée de Terre doit donc anticiper
les résistances au changement. Confronté au
changement, le fantassin passera obligatoirement par
une série de réactions de résistance au changement.
(cf. les 7 étapes de réactions humaines face à un
changement p 63). Un phénomène accentué au regard
de précédents programmes d’armement qui ont
entraîné une perte de confiance des utilisateurs, alors
que celle-ci devrait constituer l’élément fondamental
pour l’intégration de nouveaux systèmes. À court
terme, il en résulte une sous-utilisation (ou une non-
utilisation) du matériel que les soldats ont du mal à
s’approprier et à plus long terme, une augmentation
des coûts pour apporter des modifications et
améliorer ces matériels. (cf. les 7 causes de résistance
p64, 65 et 66)
Communiquer sur la perception réelle de la
précédente conduite des programmes, et sur
les choix effectués pour l’avenir (les causes, les
opportunités et les impacts concrets des évolutions
à mener), auprès de tous les niveaux hiérarchiques,
sera la clé pour convaincre et faire adhérer les unités
d’infanterie. L’intégration d’innovations dépend d’un
phénomène technique, mais surtout d’une prise en
compte humaine du problème. Les unités tactiques
ont autant besoin d’une vision macro « Où va l’armée
de Terre et à plus grande échelle l’écosystème de la
Défense ? » , que micro « Quelle va être ma réalité
sur le terrain  ?  »  , « Comment va-t-on me former
pour intégrer ces technologies ? » , « Comment ces
technologies vont-elles répondre à mes besoins sur
le terrain ? ».
Le manque de communication sur le dispositif des
RSIN, au sein des régiments, ajoute des objectifs
supplémentaires aux référents : celui d’acculturer,
de communiquer et de susciter l’envie auprès des
militaires avant même de pouvoir faire remonter
des idées. (cf. le rôle critique du RSIN dans la relation
innovateur/Battle Lab Terre p47)
Trouver un équilibre pour bénéficier des innovations
le plus rapidement possible tout en offrant le
l’autonomie à son innovateur, nécessite de prendre en
compte le facteur temps. Le détachement devra être
consenti par les deux parties, sinon celui-ci pourrait
être contre-productif pour favoriser l’innovation
participative.
L’innovation participative se fait sur la base du
volontariat, et « en dehors » des profils techniques, les
fantassins volontaires doivent prendre sur leur temps
personnel pour développer leurs projets. Dès lors
que les militaires ne peuvent pas tous bénéficier d’un
temps accordé à l’innovation, il faut leur garantir une
reconnaissance interne et externe. Il est important
de valoriser leur implication dans les processus
d’innovation afin qu’il puisse générer un bon retour
d’expérience auprès de leurs camarades. L’influence
est un facteur clé pour l’innovation participative. (cf.
p67)
En étudiant les « mindsets » des acteurs de l’innovation et en dressant les causes potentielles de résistance au
changement, nous avons compris que :
8
L’envie de s’impliquer et la passion seront des moteurs clé pour transformer
l’organisation, assurer l’expertise et la performance des équipes et de ce fait,
accélérer l’innovation. Pour cela, les approches innovantes du civil pourraient faire
l’objet d’une application au sein de l’organisation. Nous recommandons de :
Au-delà d’adapter son organisation et d’insuffler une
nouvelle culture de l’innovation, la transformation de
l’armée de Terre consiste à développer une culture
de l’apprentissage continu, changer les pratiques et à
donner envie :
•	 aux généraux de rencontrer ponctuellement les forces terrestres
pour se tenir informé ;
•	 auxforcesterrestresdes’intéresseràl’innovationetauxcompétences
des industriels ;
•	 aux industriels de s’intéresser à la réalité des théâtres d’opérations et à
l’expérience des militaires : leurs futurs utilisateurs.
Mettre en place des stratégies
de « reverse mentoring » pour
trouver un équilibre entre
une approche descendante
« top-down » et une approche
ascendante « bottom up » et
créer les conditions d’échange
réciproque entre un général et
un fantassin en valorisant les
connaissances et compétences
de chacun. C’est la richesse de
l’expérience et le dynamisme
de la jeunesse, l’importance
de la vision globale qui est le
privilège du haut gradé et celle
de la vision de terrain qui est
le privilège du soldat, qui crée
les conditions favorables pour
décider des axes d’innovation
répondant aux besoins
opérationnels. (cf. p68 et 69)
Opter pour la pratique de
l’ « executive coaching ». Les
généraux doivent maîtriser
les enjeux des nouvelles
technologies pour les intégrer
aux réflexions sur l’action future
des forces terrestres. À ce
titre, l’ « executive coaching »
est une pratique qui pourrait
convenir pour maintenir le
niveau d’expertises de ces
dirigeants amenés à prendre
des décisions stratégiques dans
un environnement cinétique.
Toutefois la plus-value cette
démarche provient de sa
complémentarité avec la mise
en place d’une stratégie de
« reverse mentoring ». Le général
aura donc une vision globale
de la réalité des théâtres et
des opportunités qu’offrent la
technologie pour répondre aux
besoins des forces terrestres.
Organiser et généraliser les
immersions : du régiment à
l’industrie et inversement. Le
format disruptif de l’immersion
(« vis ma vie ») permettra : aux
militaires d’échanger sur les
pratiques des industriels et de
comprendre les contraintes
auxquelles les ingénieurs sont
confrontés lors de la conception
de solutions. À l’inverse,
l’immersion des industriels
en régiments permettra aux
équipes projets de comprendre
le quotidien en régiment, en
entraînement, en OPEX ou en
MISSIN, afin de réoxygéner
leurs pratiques, de se concentrer
sur l’écoute utilisateur et la
compréhension des besoins,
d’approfondir les problèmes
réels des utilisateurs, et d’obtenir
des retours d’expériences en
direct. (cf. p70 et 71)
9
Grâce à l’adaptation de l’organisation structurelle et humaine à son environnement, l’adoption d’une nouvelle
culture, l’armée de Terre peut désormais s’inspirer des principaux principes des start-ups en matière d’agilité et
d’innovation pour transformer ces process.
Approfondir la connaissance des problématiques et
des usages. L’écosystème de l’innovation a adapté
son organisation pour capter ou faire remonter des
idées d’innovations, qu’elles soient participatives ou
civiles. Cela pousse ses acteurs à passer directement
à une phase de solution. Or, un écart entre « ce qui
est dit » et « ce qui est fait en réalité » est souvent
constaté. En partant du constat que les besoins ne
sont pas toujours bien exprimés, il est nécessaire de
trouver des méthodes permettant non pas d’écouter,
mais d’observer ce que font les fantassins et étudier
ce qu’ils créent, pour éviter de trouver une bonne
solution à un mauvais problème. (cf. p75)
S’inspirer de la pratique des « playtests en aveugle »
pourlestestsutilisateurs.DuPOCauMVP,l’innovation
doit être validée par les utilisateurs finaux, sans avoir
bénéficié d’une formation initiale concernant son
utilisation. Cette démarche permet d’identifier les
irritants et les biais cognitifs des utilisateurs afin que
les équipes projets puissent adapter l’interface en
conséquence, ou itérer dans une nouvelle version.
Inclure les tests utilisateurs dans la préparation
opérationnelle où les conditions humaines et
environnementales se rapprochent de celles des
théâtres d’opérations. Le facteur humain est essentiel
dans la conception d’innovation puisque la facilité
d’utilisation d’outils numérique peut notamment
dépendre de l’état de fatigue ou de stress d’un
fantassin. Les stagiaires en fin de stages commando
représentent un bon panel pour effectuer ces tests.
Les solutions innovantes ne doivent pas être testées
uniquement par des groupes d’experts, puisque les
nouvelles recrues devront subir les biais de ces profils
plus expérimentés avec de meilleures capacités
d’adaptation aux contraintes de leurs équipements.
L’Agile Manifesto défend une vision holistique du management de projet :
de l’innovation à l’itération, en passant par l’expérimentation, la vélocité, le
feedback et l’optimisation. Des méthodes agiles qui adoptent une approche
collaborative et collective opposée à l’approche traditionnelle de l’armée de
Terre. Aujourd’hui, la généralisation de cette pratique dans les entreprises,
pour des projets parfois complexes, prouve la pertinence de l’adoption des
quatre valeurs de l’approche agile. Des valeurs qu’il est possible d’adapter à la
transformation de l’armée de Terre pour la conduite de ses projets d’innovation.
La mise en place du « test and fail fast » au Battle Lab Terre et l’organisation des
sessions de design thinking à l’Innovation Défense Lab sont deux opportunités
pour le combattant innovateur et les industriels d’obtenir un « Proof Of Concept »,
puis avec l’expérimentation le faire évoluer vers un prototype avant d’atteindre
un « Minimum Viable Project », qui pourra faire l’objet d’un passage à l’échelle.
Un processus qui intègre la co-conception au côté des utilisateurs à chaque
itération du projet, et ce, dès les phases initiales d’idéation, de structuration et
de maturation. (cf. zone d’action du Battle Lab Terre p73 et 74)
L’Innovation Défense Lab s’appuie également sur les méthodes agiles de start-
ups avec l’organisation de défis de type « hackathon » pour créer les conditions
culturelles et stratégiques d’une démarche d’innovation en boucle courte.
L’objectif de la transformation des process est de pouvoir passer à l’échelle rapidement, d’industrialiser et de
pouvoir équiper les forces terrestres de manière incrémentale, le tout en suivant la courbe de Gartner. En
donnant une vision prospective des technologies aux généraux, en remettant le fantassin au centre de la boucle
de l’information et des processus d’innovation, tout en créant un écosystème de défense dans lequel l’industrie
collabore avec l’organisation militaire, il sera possible de faire émerger des projets d’innovations répondant aux
besoins/usages des forces terrestres opérationnelles dans un temps plus court.
10
Conséquence de l’évolution des technologies, de la numérisation
des équipements et systèmes d’armes pour atteindre un combat
collaboratif infovalorisé, l’armée de Terre génère une importante
quantité de données. Cette croissance exponentielle des données fait
naître de nouveaux usages dans la défense qui nécessite d’accorder
besoins, moyens et impacts. (cf. p 78 et 79) (cf. cartographie de la
donnée au ministère des Armées p78)
L’approche des données dans la Défense entraîne des changements qui impose
de répondre aux défis technique, opérationnel, de ressources, organisationnel et
sécuritaire. (cf. p80)
Pour répondre au défi des moyens de collecte, stockage et traitement des données, le
projet ARTEMIS a vocation à devenir la future plateforme souveraine pour le stockage
et le traitement des données de masse issues de l’ensemble des SI du ministère et
adaptées aux besoins de la défense.
Nous avons ensuite étudié les enjeux stratégiques de la
donnée dans la défense. Nous avons pu constater que :
L’exploitation de la donnée pose également
le défi des compétences et de la culture des
données. La mise en place d’une donnée
utile à tous les niveaux de l’organisation
nécessite les compétences spécifiques de
data scientist pour transformer les données
en informations, grâce à des algorithmes
conçus pour l’analyse. L’environnement de
plus en plus « data centré » des théâtres
d’opérations impose, quant à lui, le défi de
la formation pour les forces terrestres.
(cf. p 82 et 83)
La création d’un SI data plateforme
permettant à l’ensemble des entités et
acteurs qui concourent à l’innovation
de défense, qu’ils soient civils ou
militaires, d’interagir au sein d’un même
environnement, pour amener plus de
transversalité, favoriser l’interopérabilité
et l’open innovation. Grâce aux données,
la défense pourra créer un environnement
de travail agile et propice à la créativité et
privilégier le partage d’informations avec
des effectifs dispersés. (cf. p83)
©Armée de Terre
11
Enfin, nous avons clôturé cette thèse en identifiant les besoins du fantassin fondés sur le vécu opérationnel et
les points bloquants auxquels sont confrontés les acteurs de l’innovation de défense. Cela nous a permis de
constater que :
Le fantassin a besoin d’autonomie en termes
de logistique, d’optimiser la perception de son
environnement, du traitement des données et de
protection pour mener des missions étendue dans
des milieux complexes aux conditions extrêmes.
Il faut privilégier des innovations intuitives,
modulaires, confortables et durables. Les nouveaux
équipements, qu’ils intègrent des nouvelles
technologies ou non, devront répondre au défi de
l’adaptation aux usages militaires et aux contextes
d’utilisation. Les innovations sont génératrices
d’opportunités pour le fantassin, mais peuvent
également le rendre plus vulnérable. Les acteurs de
l’innovation doivent donc mesurer et maîtriser les
opportunités et les risques.
Privilégier des innovations durables qui ne réduiront
pas l’autonomie du fantassin dans l’exercice de sa
mission ou de proposer des innovations lui permettant
de produire là où il consomme.
La réponse au défi d’adaptation aux usages militaires
et aux contextes d’utilisation passera par des
innovations modulaires, qui peuvent être adaptées
et offrir la flexibilité dont a besoin l’opérationnel. Cela
signifie que le fantassin doit être capable d’opérer
un changement rapide entre les différents modes de
fonctionnement, du numérique au mode « dégradé »,
et d’action, de l’échange avec la population locale à
l’engagement dans des combats de haute intensité
avec l’ennemi. La solution ne devra pas être un frein à
l’adaptabilité du fantassin qui change de situation, ou
devine une menace.
Dès lors que les innovations d’armements intégreront
de l’IA avec du Machine Learning, il est important de
définir précisément à qui soumettre l’apprentissage
des algorithmes, qu’il s’agisse d’une logique
de personnalisation ou de généralisation. Une
personne ? Une unité ? Plusieurs unités ? Un savoir-
faire spécifique ? Un théâtre d’opérations ? Plusieurs
champs de batailles ? Cela pour éviter que les unités
subissent les biais d’une autre unité parce que
l’ingénieur ne sera pas passé par une représentation
globale. (cf. cas de l’exosquelette p91 et 92)
La limite du système cognitif humain représente
un problème récurrent auquel sont confrontés
les ingénieurs qui développent des solutions
technologiques innovantes. Répondre au défi
de l’overdose d’informations et de la surcharge
cognitive suppose donc de : (cf. p88 et 89)
Donner la possibilité aux utilisateurs tactiques de
désactiver la fonction technologique des systèmes
déployés pour passer en fonctionnement en
«  mode dégradé », à chaque fois que la situation
l’impose. (cf. p 90) En outre, la nécessaire discrétion
dont doit faire preuve le fantassin débarqué, n’est
pas forcément compatible avec son équipement
numérique, qui émet de façon quasi-permanente.
Cette démarche ayant pour conséquence un manque
d’interopérabilité temporaire avec le GTIA et le poste
de commandement.
Développer des méthodes de captation de
l’état physiologique et cognitif du fantassin lors
des entraînements ou stages, afin de valider la
pertinence de la solution par rapport à un état qui se
rapproche le plus de celui développé en conditions
réelles. Si dans un premier temps, cette solution
permettra d’améliorer la qualité de l’entraînement
sur simulateur grâce à un programme différencié ou
personnalisé, à terme ces capteurs constitueront de
futurs incréments pour les véhicules du programme
SCORPION et pourront équiper les soldats lors des
entraînements.
DU FANTASSIN AU « SYSTÈME COMBATTANT » : EXPRESSION
DU BESOIN FONDÉ SUR LE VÉCU OPÉRATIONNEL
Équiper les forces de capteurs corporels miniaturisés
pour fournir des données physiologiques et
cognitives permettront de surveiller l’état du soldat.
Dans le cadre d’un emploi opérationnel, ces données
donneraient la possibilité d’augmenter ou diminuer le
volume et la diversité d’informations transmises au
combattant d’une part, mais également d’évaluer la
charge émotionnelle d’une unité pour la relever de
ses fonctions avant qu’il ne soit trop tard.
Cet emport de capteurs pose toutefois la question
d’un hoplite numérique dont la source d’émission lui
offre une vulnérabilité importante à l’attaque cyber.
En outre, l’apport énergétique nécessaire rendrait
le fantassin encore plus dépendant de son véhicule
ou impliquerait que celui-ci acquiert une capacité
d’emport supplémentaire. Il est donc essentiel
de prendre en compte les facteurs logistique et
sécuritaire qui peuvent avoir des conséquence
sur l’autonomie, la mobilité et la protection du
combattant débarqué. Ce constat soulève une
discontinuité entre le combat embarqué et débarqué
qu’il est nécessaire d’appréhender pour garantir
l’expérience de l’émetteur.
Cette discontinuité conduit à s’interroger sur la
capacité de l’intelligence artificielle à croiser les
données d’identification des fantassins émetteurs/
non émetteurs avec les données physiologiques et
cognitives de chaque utilisateur, pour fournir une
information cohérente et représentative de l’état
cognitif à l’échelle du groupe. (cf.91 et 92)
Lauraline Maniglier
lauraline.maniglier@gmail.com
Lauraline_Manig Lauraline Maniglier
en partenariat avec
Pour intégrer une innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin, la recherche d’équipements ne suffit
pas. Si les avancées technologiques constituent un enjeu de supériorité opérationnel certain, l’expertise humaine
est absolument nécessaire sur le terrain. Augmenter le combattant, ce n’est pas seulement la technologie.
C’est également augmenter par l’intelligence collective et le côté collectif qui sera sublimer par l’ensemble des
« features » qui intègrent la technologie. Ainsi, en étudiant la préparation opérationnelle, nous avons constaté
deux points importants : (cf. p93)
Adapter la formation : entre aguerrissement et
usages des technologiques. Le concept de système
combattant s’accompagnera d’un long apprentissage
s’ajoutant à la formation d’aguerrissement militaire.
Cela signifie que les soldats devront donc être formés
et entraînés à la fois à l’utilisation des équipements
intégrant des nouvelles technologies et aux mêmes
usages « en mode dégradé ». Un schéma qui a pour
conséquence un doublement des temps de formation
et donc de préparation opérationnelle. (cf. 94 et 95)
La simulation ne peut se substituer à la préparation
opérationnelle sur le terrain. Celle-ci ne permettant
pas de restituer tous les facteurs environnementaux
et physiques (météorologies, froid…) mais aussi
cognitifs (appréciation des distances, stress...) qui
caractérisent le combat d’infanterie. La simulation
suppose également que l’armée de Terre s’équipe
des derniers logiciels à l’instar de ceux des jeux vidéo
et des nouveaux outils technologiques (casque de
réalité virtuelle, retour haptique…) permettant une
immersion totale.
Au vu de ces recherches, il convient de confirmer que l’intégration d’une innovation garante de l’expérience
utilisateur du fantassin repose sur la création de conditions permettant d’apprécier la dimension empirique et
humaine des unités l’infanterie.

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  • 1. L’innovation n’est pas un sujet nouveau pour l’armée de Terre, qui l’utilise comme source de son adaptation aux contingences qu’elle est appelée à rencontrer. Dans un contexte géostratégique incertain en profonde mutation, elle doit désormais se saisir des opportunités offertes par l’évolution des nouvelles technologies pour révolutionner l’équipement et assurer la supériorité opérationnelle des forces terrestres. Dans ce monde VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous), les Armées ont besoin d’un outil de défense agile, résilient et innovant. Face à la complexité des engagements actuels et à l’évolution des conflits, le sujet du « système combattant » s’impose dans le développement capacitaire et prospectif de l’Armée de Terre. Ce concept change le paradigme pour faire de l’innovation, la variable d’ajustement au fantassin : à elle de s’adapter à son utilisateur. Il convient donc de s’interroger sur une limite humaine au développement et à la mise en œuvre de l’innovation d’armement. Cela implique une démarche structurée permettant de mieux appréhender le vécu opérationnel du fantassin lors de ses engagements en OPEX ou en missions intérieures, de comprendre les besoins (formulés ou non), les usages et les capacités des utilisateurs. L’écosystème de l’innovation de défense doit également considérer les émotions induites par les équipements en dotation ou prospectifs, afin de répondre avec des solutions innovantes garantes de l’expérience utilisateur du fantassin. Le processus complexe d’une réflexion centrée sur l’expérience utilisateur suppose donc de comprendre comment les acteurs français, qui concourent aujourd’hui à l’innovation de défense, s’organisent-ils pour créer les conditions favorables à l’intégration d’une innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin. Ce document tire les principaux enseignements d’un travail de thèse professionnelle d’octobre 2018 à décembre 2019 dans le cadre du MBA Digital Marketing & Business à l’EFAP en partenariat avec le Hub Institute. Pour en savoir plus, les pages concernées de la thèse y sont indiquées par la mention ‘cf’. Notedesynthèse|ThèseprofessionnellepromotionPartTime2018-2019 Comment intégrer une innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin ? ©3RPIMa
  • 2. 2 Sans se substituer à l’homme sur le terrain, l’implémentation incrémentale des algorithmes auto-apprenants, dits d’intelligence artificielle, et la cybernétisation des forces, fondée sur l’introduction de la robotique placée entre l’homme et le risque potentiel, seront des atouts primordiaux dans la conduite des opérations. Si certaines fonctions de la logistique et du renseignement, font déjà partie d’une catégorie où l’homme pourrait être remplacé par des robots, d’autres appellent les états-majors à réfléchir aux avantages de la non-intégration de ces technologies ou seulement en appui aux combattants. Une place devra notamment être préservée pour l’homme intervenant lors d’opérations spéciales (nécessitant de l’adaptabilité), et d’opérations de contre-insurrection (au contact des populations civiles), ou lors de déploiement d’unités sur le territoire national. Un modèle dont il faut tenir compte dans la réflexion sur les développements technologiques qui imposent de passer d’une perspective industrielle (performance et domination) à une vision opérationnelle (équilibre de la relation homme-machine). (cf. p17, 18 et 19) Quel que soit le niveau d’automatisation, voire d’autonomie des systèmes d’armes actuels et futurs, la position politique française concernant l’emploi des robots se limite à la seule volonté de maintenir un contrôle et une prise de décision humaine. Le succès des engagements militaires et la sécurité de la population ne pourront être abandonnés par l’homme, au profit d’un commandement par la machine. La faible maturité de l’IA dans certaines approches souligne les limites de la technologie, qui n’est pas exempte de menaces et de risques. La manipulation des données d’apprentissage, les biais cognitifs transmis par l’homme aux algorithmes, les systèmes désorientés et mis en défaut par la modification de données visuelles, les systèmes de hack à distance, représentent des facteurs de risque pour les utilisateurs. (cf. p22, 23 et 24) Même si les inquiétudes concernent principalement les SALA, un brouillard de guerre algorithmique émanant des « données contradictoires » constitue un risque plus important à court terme. (cf. p22) Les conditions climatiques des théâtres d’opérations et la localisation des conflits dans des zones géographiques complexes (zones urbaines à fort cloisonnement, environnement exigeant et éprouvant du combat en jungle, de montagne, de désert…) rendent certains équipements intégrant des technologies numériques inutilisables, entre perturbationdubonfonctionnementdestechnologies et usure prématurée. Une des missions pour l’armée de Terre est de faire comprendre aux industriels qu’il faut absolument penser et concevoir des innovations par rapport au terrain, et il n’y a pas de terrain unique. Pour répondre à notre question initiale « Comment intégrer l’innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin ? », problématique de cette thèse, nous avons dans un premier temps définis que le combattant à vocation à rester au centre des capacités militaires. Nous avons pu constater que : LA PLACE CENTRALE DE L’HOMME DANS LES CAPACITÉS MILITAIRES
  • 3. 3 Dans un monde totalement rationnel, les trois dimensions, que sont l’organisation, l’humain et le monde, évoluent en même temps. Cependant, face à l’accélération des progrès technologiques et de l’innovation extrêmement rapides, les organisations subsistent dans un modèle hiérarchique vertical. Cette accélération soulève une inversion de l’équilibre entre l’organisation et son environnement. Aujourd’hui, la structure des organisations évolue beaucoup moins vite que leur environnement et les tensions (écart entre la réalité et le potentiel perçu) en sont la conséquence naturelle. Un constat également soulevé par l’armée de Terre qui a donc initié un processus de transformation où l’innovation est le moteur de son adaptation au changement de son environnement. L’innovation est d’abord une question humaine avant d’être technologique. Si la technologie peut créer les conditions du changement, celui-ci est également déterminé par les facteurs humains et organisationnels permettant de marier la rusticité du soldat et la haute technologie… Général d’armée Jean-Pierre Bosser, ancien CEMAT ‘‘ Comment piloter la mutation complexe de l’armée de Terre pour favoriser l’innovation garante de l’expérience utilisateur ? Comment garder les avantages du modèle hiérarchique tout en gagnant de nouvelles capacités pour donner à une organisation vélocité et agilité ? Une agilité permettant d’innover pour répondre aux besoins immédiats des armées et préparer l’avenir, selon l’ambition de la loi de programmation militaire pour 2019-2025. Comment faire disparaître les tensions induites par l’innovation ? Comprendre les raisons de la nécessité d’intégrer une innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin dans la transformation digitale de l’armée de Terre. Repenser l’organisation pour une nouvelle approche plus agile, plus transversale, plus efficiente, et la plus innovante possible, afin de permettre cette transformation. Insuffler une nouvelle culture commune, qui va nécessiter un accompagnement au changement pour changer les « mindsets » et embarquer tous les humains de l’organisation. Transformer les process pour saisir les opportunités de la transformation numériques en matière de développement, de conduite de programme ou d’acquisition d’innovation d’armement. Comprendre les enjeux stratégiques des données, un chantier multidimensionnel pour permettre à l’écosystème de l’innovation de l’armée de Terre d’accorder besoins, moyens et impacts. L’armée de Terre est dans un monde en perpétuelle évolution, il est donc nécessaire de : LA DYNAMIQUE D’UN ÉCOSYSTÈME EN PLEINE MUTATION
  • 4. 4 La part croissante des acteurs civils dans les nouvelles technologies et leur avancée par rapports aux acteurs de la défense est l’une des raisons qui font de l’innovation duale un sujet à part entière. La démocratisation de l’accès aux nouvelles technologies bénéficie potentiellement aux Armées, mais également à ses ennemis qui pourraient utiliser ces systèmes avant eux. L’ambition de concevoir un « système combattant » impose de prendre en compte la dimension empirique au combat. En tant que premier maillon tactique sur les théâtres, le fantassin est soumis à de nombreux facteurs, qu’ils soient physiques, physiologiques, cognitifs, environnementaux ou climatiques, ainsi qu’à de nouvelles menaces. Il est donc essentiel de pouvoir comprendre et répondre à ses besoins/usages en l’intégrant dans l’ensemble des processus. Lors de ses engagements, le fantassin est soumis à des réactions de défense qui accentuent les difficultés d’utilisation de son équipement et des systèmes numériques. Que ce soit la mobilisation inconsciente ou la mobilisation consciente, l’ensemble compose très largement sur l’expérience. Cela démontre de l’importance de mettre l’expérience utilisateur et notamment les facteurs humains au centre des réflexions, puisque si l’humain est sujet à une réaction de défense incompatible avec l’usage de son équipement, alors les briques technologiques censées augmenter ses performances ne seront qu’empilement. (cf. p30) Les équipements, matériels et systèmes numériques sont d’abord destinés à être utilisés par de jeunes soldats « digital natives ». Et contrairement à ce que l’on pourrait présupposer, ces jeunes militaires du rang, sous-officiers et officiers, qui utilisent quotidiennement les technologies numériques, ne savent pas utiliser d’emblée les systèmes en dotation dans l’armée de Terre. Ils sont même plutôt réticents à les utiliser dans leur environnement professionnel. Réduire les écarts entre besoins, usages et solutions. Le processus capacitaire SCORPION exprime, dès la conception, un besoin de cohérence d’ensemble dans lequel l’homme peut devenir secondaire dès lors que l’ingénieur doit répondre à des contraintes techniques complexes. Il est donc nécessaire que les équipes en charge de l’expérience utilisateur contribuent aux projets d’innovation afin de recentrer systématiquement la réflexion sur l’homme et sur l’activité du système sociotechnique, dans les futurs incréments. (cf. autres exemples en p33, 34 et 35) Après avoir défini le périmètre de l’innovation de défense, nous avons étudié 5 chantiers majeurs pour répondre à notre problématique. En analysant les raisons de l’intégration d’une innovation garante de l’expérience utilisateur, nous en avons déduit que : ©3RPIMa
  • 5. 5 L’expérience utilisateur, un processus psychologique au centre de l’innovation. Selon Donald Norman, psychologue cognitiviste américain, l’expérience utilisateur correspond « aux réponses émotionnelles et aux perceptions d’une personne qui résultent de l’usage ou de l’anticipation de l’usage (…) ». L’expérience utilisateur n’est donc pas strictement pragmatique comme l’est l’utilisabilité. Cette discipline s’appuie sur de nombreux aspects : ergonomie, études comportementales, psychologie cognitive… L’utilisabilité (la « facilité d’usage ») et l’impact émotionnel ressenti sont également deux qualités indispensables et indissociables pour qualifier une expérience utilisateur d’optimale. Pour répondre à ces raisons, l’armée de Terre doit adapter l’organisation et créer les conditions favorables à l’innovation. L’avancement de la transformation peut se résumer à : Une réorganisation de l’écosystème de défense qui gagne en agilité en créant des synergies entre les différentes temporalités de l’innovation d’armement (cycle long de l’innovation planifiée, cycle moyen de l’innovation doctrinale, cycle court de l’innovation d’opportunité, dit innovation participative et innovation ouverte). En adoptant une logique de collaboration interne et externe, l’armée de Terre crée un équilibre entre : • La démarche « top-down » : privilégiée jusqu’à aujourd’hui et déployée par l’institution militaire sur la base d’un besoin exprimé par les autorités hiérarchiques. L’EMA pour identifier de nouvelles solutions opérationnelles, la DGA pour trouver des applications aux nouvelles technologies, et l’industriel pour se lancer sur le marché. • Et la démarche « bottom-up » : qui résulte d’idées spontanées ou de découvertes par l’ensemble des acteurs de l’écosystème de l’innovation de défense  : chercheur dans un laboratoire, PME, start-up, expert à la DGA, opérationnel sur le terrain ou des personnes sollicitées dans le cadre d’opération de crowdsourcing. Si l’armée de Terre est un modèle d’agilité en opération, comme le prouve la capacité de projection des forces terrestres en OPEX sans préavis pourmenerune mission de longue durée, elle doit désormais amenerplus d’agilité/ adaptabilité et de transversalité  : supprimer les silos, hiérarchie horizontale pour l’innovation, collaboration, interopérabilité, open innovation et flexibilité. (cf. opposition entre la culture traditionnelle et la culture de l’innovation p39) 5 AXES DE CONSTRUCTION DE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR
  • 6. 6 L’organisation structurelle de l’armée de Terre subsiste depuis longtemps dans un modèle managérial vertical essentiellement descendant « top-down » et étroitement lié à son organisation en silo. Cela provient de la confusion entre l’organigramme et le fonctionnement de l’organisation humaine, et entraîne une coupure entre les chefs militaires et la réalité du terrain, une perte d’expertise des chefs et une démotivation des subalternes. Pour être efficiente l’organisation humaine doit être adaptée pour être en capacité d’apporter de la transversalité entre les niveaux hiérarchiques de l’organigramme militaire et entre les entités interarmées, interalliées concourant à l’innovation de défense. Éviter les biais de représentativité, notamment lorsque l’innovation est destinée aux combattants de l’infanterie. L’armée doit être capable de prendre en compte l’ensemble des savoir-faire spécifiques et leurs usages respectifs pour proposer des innovations cohérentes avec la réalité du terrain. Elle doit s’organiser pour avoir des équipes projets pluridisciplinaires représentatives de la diversité de cette force opérationnelle, quel que soit l’avancement du projet, pourco-construire des projets d’innovations technico-opérationnelles en intelligence collective. Gagner en transversalité entre les différentes entités d’un corps d’armée, interarmées et interalliées dédiées à l’innovation. Le fonctionnement en cercle permet d’adapter facilement les expertises en fonction du besoin préétabli pour chaque projet. La collaboration et l’émergence d’une intelligence collective augmentent les capacités d’innovation, améliorent l’efficacité concernant les délais de prise de décision et la productivité. Bien que la réorganisation structurelle et organisation humaine soient des étapes importantes, elles ne sont pourtant pas suffisantes. Insuffler une nouvelle culture commune de l’innovation au sein de la DGA, des armées et de la BITD représente un plus grand défi qui va nécessiter un accompagnement pour changer les « mindsets » et embarquer tous les humains. (cf les cinq piliers du changement selon Knoster p58) Opter pour un management opérationnel avec un fonctionnement en cercle permettra à l’organisation d’évoluer en même temps que son environnement. La faiblesse du fonctionnement en cercle est de dépendre de la volonté des chefs et des dirigeants militaire de le mettre en place. Cela nécessite un changement du « mindset » des militaires qui sont dans l’entre-soi et qui ne souhaitent pas être disruptés. Sa force est d’inciter un leadership dynamisant qui maintiens le niveau d’expertise des chefs, de la cohésion et de la cohérence dans les équipes, de la communication, de l’autonomie et une grande disposition à la transversalité. Mettre les expertises au centre de l’organisation et l’innovation au service des utilisateurs, telle est la finalité du fonctionnement en cercle. (cf. exemple du G.I.G.N. p50) (cf. différence entre hiérarchie et fonctionnement en cercle p51) Sur des spécialités, avec des expertises et des petits groupes, il est possible de créer un écosystème positif et optimisant dans une logique d’augmentation des capacités. Cela signifie qu’il faut réussir à agrandir ce fonctionnement en illustrant par des cas d’innovations et d’usages réussit. « Regardez ce processus a fonctionné ailleurs, et cet ailleurs existe au sein du même corps d’armée. » (cf. p54)
  • 7. 7 Des efforts sont faits pour accompagner une nouvelle culture de l’innovation au sein de l’état-major, de la DGA et de l’industrie avec une évolution du « mindset » pour passer de la culture du risque zéro à la culture du risque maîtrisé. Au Québec, « prendre un risque » se traduit par l’expression « prendre une chance ». Une première définition pour la culture du risque maîtrisé pourrait être : la volonté de considérer le risque d’échec inhérent au projet d’innovation comme une voie possible d’apprentissage dès lors que les projets seront conduits dans des délais suffisamment court. Néanmoins, des difficultés subsistent pour embarquer les régiments, et donc les utilisateurs finaux. L’intégration de l’ensemble des parties prenantes aux «  Learnings Expeditions  » du Gicat et de l’Agence de l’innovation de Défense donnera le même niveau de compréhension, de vision prospective et stratégique. L’objectif est d’identifier le plus tôt possible les nouveaux usages, pratiques innovantes technologies ou start-ups disruptives pouvant avoir un intérêt pour le milieu terrestres et aéroterrestre. Telle la loi de la gravité, tout changement crée une réticence proportionnelle à son intensité de disruption. L’armée de Terre doit donc anticiper les résistances au changement. Confronté au changement, le fantassin passera obligatoirement par une série de réactions de résistance au changement. (cf. les 7 étapes de réactions humaines face à un changement p 63). Un phénomène accentué au regard de précédents programmes d’armement qui ont entraîné une perte de confiance des utilisateurs, alors que celle-ci devrait constituer l’élément fondamental pour l’intégration de nouveaux systèmes. À court terme, il en résulte une sous-utilisation (ou une non- utilisation) du matériel que les soldats ont du mal à s’approprier et à plus long terme, une augmentation des coûts pour apporter des modifications et améliorer ces matériels. (cf. les 7 causes de résistance p64, 65 et 66) Communiquer sur la perception réelle de la précédente conduite des programmes, et sur les choix effectués pour l’avenir (les causes, les opportunités et les impacts concrets des évolutions à mener), auprès de tous les niveaux hiérarchiques, sera la clé pour convaincre et faire adhérer les unités d’infanterie. L’intégration d’innovations dépend d’un phénomène technique, mais surtout d’une prise en compte humaine du problème. Les unités tactiques ont autant besoin d’une vision macro « Où va l’armée de Terre et à plus grande échelle l’écosystème de la Défense ? » , que micro « Quelle va être ma réalité sur le terrain  ?  »  , « Comment va-t-on me former pour intégrer ces technologies ? » , « Comment ces technologies vont-elles répondre à mes besoins sur le terrain ? ». Le manque de communication sur le dispositif des RSIN, au sein des régiments, ajoute des objectifs supplémentaires aux référents : celui d’acculturer, de communiquer et de susciter l’envie auprès des militaires avant même de pouvoir faire remonter des idées. (cf. le rôle critique du RSIN dans la relation innovateur/Battle Lab Terre p47) Trouver un équilibre pour bénéficier des innovations le plus rapidement possible tout en offrant le l’autonomie à son innovateur, nécessite de prendre en compte le facteur temps. Le détachement devra être consenti par les deux parties, sinon celui-ci pourrait être contre-productif pour favoriser l’innovation participative. L’innovation participative se fait sur la base du volontariat, et « en dehors » des profils techniques, les fantassins volontaires doivent prendre sur leur temps personnel pour développer leurs projets. Dès lors que les militaires ne peuvent pas tous bénéficier d’un temps accordé à l’innovation, il faut leur garantir une reconnaissance interne et externe. Il est important de valoriser leur implication dans les processus d’innovation afin qu’il puisse générer un bon retour d’expérience auprès de leurs camarades. L’influence est un facteur clé pour l’innovation participative. (cf. p67) En étudiant les « mindsets » des acteurs de l’innovation et en dressant les causes potentielles de résistance au changement, nous avons compris que :
  • 8. 8 L’envie de s’impliquer et la passion seront des moteurs clé pour transformer l’organisation, assurer l’expertise et la performance des équipes et de ce fait, accélérer l’innovation. Pour cela, les approches innovantes du civil pourraient faire l’objet d’une application au sein de l’organisation. Nous recommandons de : Au-delà d’adapter son organisation et d’insuffler une nouvelle culture de l’innovation, la transformation de l’armée de Terre consiste à développer une culture de l’apprentissage continu, changer les pratiques et à donner envie : • aux généraux de rencontrer ponctuellement les forces terrestres pour se tenir informé ; • auxforcesterrestresdes’intéresseràl’innovationetauxcompétences des industriels ; • aux industriels de s’intéresser à la réalité des théâtres d’opérations et à l’expérience des militaires : leurs futurs utilisateurs. Mettre en place des stratégies de « reverse mentoring » pour trouver un équilibre entre une approche descendante « top-down » et une approche ascendante « bottom up » et créer les conditions d’échange réciproque entre un général et un fantassin en valorisant les connaissances et compétences de chacun. C’est la richesse de l’expérience et le dynamisme de la jeunesse, l’importance de la vision globale qui est le privilège du haut gradé et celle de la vision de terrain qui est le privilège du soldat, qui crée les conditions favorables pour décider des axes d’innovation répondant aux besoins opérationnels. (cf. p68 et 69) Opter pour la pratique de l’ « executive coaching ». Les généraux doivent maîtriser les enjeux des nouvelles technologies pour les intégrer aux réflexions sur l’action future des forces terrestres. À ce titre, l’ « executive coaching » est une pratique qui pourrait convenir pour maintenir le niveau d’expertises de ces dirigeants amenés à prendre des décisions stratégiques dans un environnement cinétique. Toutefois la plus-value cette démarche provient de sa complémentarité avec la mise en place d’une stratégie de « reverse mentoring ». Le général aura donc une vision globale de la réalité des théâtres et des opportunités qu’offrent la technologie pour répondre aux besoins des forces terrestres. Organiser et généraliser les immersions : du régiment à l’industrie et inversement. Le format disruptif de l’immersion (« vis ma vie ») permettra : aux militaires d’échanger sur les pratiques des industriels et de comprendre les contraintes auxquelles les ingénieurs sont confrontés lors de la conception de solutions. À l’inverse, l’immersion des industriels en régiments permettra aux équipes projets de comprendre le quotidien en régiment, en entraînement, en OPEX ou en MISSIN, afin de réoxygéner leurs pratiques, de se concentrer sur l’écoute utilisateur et la compréhension des besoins, d’approfondir les problèmes réels des utilisateurs, et d’obtenir des retours d’expériences en direct. (cf. p70 et 71)
  • 9. 9 Grâce à l’adaptation de l’organisation structurelle et humaine à son environnement, l’adoption d’une nouvelle culture, l’armée de Terre peut désormais s’inspirer des principaux principes des start-ups en matière d’agilité et d’innovation pour transformer ces process. Approfondir la connaissance des problématiques et des usages. L’écosystème de l’innovation a adapté son organisation pour capter ou faire remonter des idées d’innovations, qu’elles soient participatives ou civiles. Cela pousse ses acteurs à passer directement à une phase de solution. Or, un écart entre « ce qui est dit » et « ce qui est fait en réalité » est souvent constaté. En partant du constat que les besoins ne sont pas toujours bien exprimés, il est nécessaire de trouver des méthodes permettant non pas d’écouter, mais d’observer ce que font les fantassins et étudier ce qu’ils créent, pour éviter de trouver une bonne solution à un mauvais problème. (cf. p75) S’inspirer de la pratique des « playtests en aveugle » pourlestestsutilisateurs.DuPOCauMVP,l’innovation doit être validée par les utilisateurs finaux, sans avoir bénéficié d’une formation initiale concernant son utilisation. Cette démarche permet d’identifier les irritants et les biais cognitifs des utilisateurs afin que les équipes projets puissent adapter l’interface en conséquence, ou itérer dans une nouvelle version. Inclure les tests utilisateurs dans la préparation opérationnelle où les conditions humaines et environnementales se rapprochent de celles des théâtres d’opérations. Le facteur humain est essentiel dans la conception d’innovation puisque la facilité d’utilisation d’outils numérique peut notamment dépendre de l’état de fatigue ou de stress d’un fantassin. Les stagiaires en fin de stages commando représentent un bon panel pour effectuer ces tests. Les solutions innovantes ne doivent pas être testées uniquement par des groupes d’experts, puisque les nouvelles recrues devront subir les biais de ces profils plus expérimentés avec de meilleures capacités d’adaptation aux contraintes de leurs équipements. L’Agile Manifesto défend une vision holistique du management de projet : de l’innovation à l’itération, en passant par l’expérimentation, la vélocité, le feedback et l’optimisation. Des méthodes agiles qui adoptent une approche collaborative et collective opposée à l’approche traditionnelle de l’armée de Terre. Aujourd’hui, la généralisation de cette pratique dans les entreprises, pour des projets parfois complexes, prouve la pertinence de l’adoption des quatre valeurs de l’approche agile. Des valeurs qu’il est possible d’adapter à la transformation de l’armée de Terre pour la conduite de ses projets d’innovation. La mise en place du « test and fail fast » au Battle Lab Terre et l’organisation des sessions de design thinking à l’Innovation Défense Lab sont deux opportunités pour le combattant innovateur et les industriels d’obtenir un « Proof Of Concept », puis avec l’expérimentation le faire évoluer vers un prototype avant d’atteindre un « Minimum Viable Project », qui pourra faire l’objet d’un passage à l’échelle. Un processus qui intègre la co-conception au côté des utilisateurs à chaque itération du projet, et ce, dès les phases initiales d’idéation, de structuration et de maturation. (cf. zone d’action du Battle Lab Terre p73 et 74) L’Innovation Défense Lab s’appuie également sur les méthodes agiles de start- ups avec l’organisation de défis de type « hackathon » pour créer les conditions culturelles et stratégiques d’une démarche d’innovation en boucle courte. L’objectif de la transformation des process est de pouvoir passer à l’échelle rapidement, d’industrialiser et de pouvoir équiper les forces terrestres de manière incrémentale, le tout en suivant la courbe de Gartner. En donnant une vision prospective des technologies aux généraux, en remettant le fantassin au centre de la boucle de l’information et des processus d’innovation, tout en créant un écosystème de défense dans lequel l’industrie collabore avec l’organisation militaire, il sera possible de faire émerger des projets d’innovations répondant aux besoins/usages des forces terrestres opérationnelles dans un temps plus court.
  • 10. 10 Conséquence de l’évolution des technologies, de la numérisation des équipements et systèmes d’armes pour atteindre un combat collaboratif infovalorisé, l’armée de Terre génère une importante quantité de données. Cette croissance exponentielle des données fait naître de nouveaux usages dans la défense qui nécessite d’accorder besoins, moyens et impacts. (cf. p 78 et 79) (cf. cartographie de la donnée au ministère des Armées p78) L’approche des données dans la Défense entraîne des changements qui impose de répondre aux défis technique, opérationnel, de ressources, organisationnel et sécuritaire. (cf. p80) Pour répondre au défi des moyens de collecte, stockage et traitement des données, le projet ARTEMIS a vocation à devenir la future plateforme souveraine pour le stockage et le traitement des données de masse issues de l’ensemble des SI du ministère et adaptées aux besoins de la défense. Nous avons ensuite étudié les enjeux stratégiques de la donnée dans la défense. Nous avons pu constater que : L’exploitation de la donnée pose également le défi des compétences et de la culture des données. La mise en place d’une donnée utile à tous les niveaux de l’organisation nécessite les compétences spécifiques de data scientist pour transformer les données en informations, grâce à des algorithmes conçus pour l’analyse. L’environnement de plus en plus « data centré » des théâtres d’opérations impose, quant à lui, le défi de la formation pour les forces terrestres. (cf. p 82 et 83) La création d’un SI data plateforme permettant à l’ensemble des entités et acteurs qui concourent à l’innovation de défense, qu’ils soient civils ou militaires, d’interagir au sein d’un même environnement, pour amener plus de transversalité, favoriser l’interopérabilité et l’open innovation. Grâce aux données, la défense pourra créer un environnement de travail agile et propice à la créativité et privilégier le partage d’informations avec des effectifs dispersés. (cf. p83) ©Armée de Terre
  • 11. 11 Enfin, nous avons clôturé cette thèse en identifiant les besoins du fantassin fondés sur le vécu opérationnel et les points bloquants auxquels sont confrontés les acteurs de l’innovation de défense. Cela nous a permis de constater que : Le fantassin a besoin d’autonomie en termes de logistique, d’optimiser la perception de son environnement, du traitement des données et de protection pour mener des missions étendue dans des milieux complexes aux conditions extrêmes. Il faut privilégier des innovations intuitives, modulaires, confortables et durables. Les nouveaux équipements, qu’ils intègrent des nouvelles technologies ou non, devront répondre au défi de l’adaptation aux usages militaires et aux contextes d’utilisation. Les innovations sont génératrices d’opportunités pour le fantassin, mais peuvent également le rendre plus vulnérable. Les acteurs de l’innovation doivent donc mesurer et maîtriser les opportunités et les risques. Privilégier des innovations durables qui ne réduiront pas l’autonomie du fantassin dans l’exercice de sa mission ou de proposer des innovations lui permettant de produire là où il consomme. La réponse au défi d’adaptation aux usages militaires et aux contextes d’utilisation passera par des innovations modulaires, qui peuvent être adaptées et offrir la flexibilité dont a besoin l’opérationnel. Cela signifie que le fantassin doit être capable d’opérer un changement rapide entre les différents modes de fonctionnement, du numérique au mode « dégradé », et d’action, de l’échange avec la population locale à l’engagement dans des combats de haute intensité avec l’ennemi. La solution ne devra pas être un frein à l’adaptabilité du fantassin qui change de situation, ou devine une menace. Dès lors que les innovations d’armements intégreront de l’IA avec du Machine Learning, il est important de définir précisément à qui soumettre l’apprentissage des algorithmes, qu’il s’agisse d’une logique de personnalisation ou de généralisation. Une personne ? Une unité ? Plusieurs unités ? Un savoir- faire spécifique ? Un théâtre d’opérations ? Plusieurs champs de batailles ? Cela pour éviter que les unités subissent les biais d’une autre unité parce que l’ingénieur ne sera pas passé par une représentation globale. (cf. cas de l’exosquelette p91 et 92) La limite du système cognitif humain représente un problème récurrent auquel sont confrontés les ingénieurs qui développent des solutions technologiques innovantes. Répondre au défi de l’overdose d’informations et de la surcharge cognitive suppose donc de : (cf. p88 et 89) Donner la possibilité aux utilisateurs tactiques de désactiver la fonction technologique des systèmes déployés pour passer en fonctionnement en «  mode dégradé », à chaque fois que la situation l’impose. (cf. p 90) En outre, la nécessaire discrétion dont doit faire preuve le fantassin débarqué, n’est pas forcément compatible avec son équipement numérique, qui émet de façon quasi-permanente. Cette démarche ayant pour conséquence un manque d’interopérabilité temporaire avec le GTIA et le poste de commandement. Développer des méthodes de captation de l’état physiologique et cognitif du fantassin lors des entraînements ou stages, afin de valider la pertinence de la solution par rapport à un état qui se rapproche le plus de celui développé en conditions réelles. Si dans un premier temps, cette solution permettra d’améliorer la qualité de l’entraînement sur simulateur grâce à un programme différencié ou personnalisé, à terme ces capteurs constitueront de futurs incréments pour les véhicules du programme SCORPION et pourront équiper les soldats lors des entraînements. DU FANTASSIN AU « SYSTÈME COMBATTANT » : EXPRESSION DU BESOIN FONDÉ SUR LE VÉCU OPÉRATIONNEL
  • 12. Équiper les forces de capteurs corporels miniaturisés pour fournir des données physiologiques et cognitives permettront de surveiller l’état du soldat. Dans le cadre d’un emploi opérationnel, ces données donneraient la possibilité d’augmenter ou diminuer le volume et la diversité d’informations transmises au combattant d’une part, mais également d’évaluer la charge émotionnelle d’une unité pour la relever de ses fonctions avant qu’il ne soit trop tard. Cet emport de capteurs pose toutefois la question d’un hoplite numérique dont la source d’émission lui offre une vulnérabilité importante à l’attaque cyber. En outre, l’apport énergétique nécessaire rendrait le fantassin encore plus dépendant de son véhicule ou impliquerait que celui-ci acquiert une capacité d’emport supplémentaire. Il est donc essentiel de prendre en compte les facteurs logistique et sécuritaire qui peuvent avoir des conséquence sur l’autonomie, la mobilité et la protection du combattant débarqué. Ce constat soulève une discontinuité entre le combat embarqué et débarqué qu’il est nécessaire d’appréhender pour garantir l’expérience de l’émetteur. Cette discontinuité conduit à s’interroger sur la capacité de l’intelligence artificielle à croiser les données d’identification des fantassins émetteurs/ non émetteurs avec les données physiologiques et cognitives de chaque utilisateur, pour fournir une information cohérente et représentative de l’état cognitif à l’échelle du groupe. (cf.91 et 92) Lauraline Maniglier lauraline.maniglier@gmail.com Lauraline_Manig Lauraline Maniglier en partenariat avec Pour intégrer une innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin, la recherche d’équipements ne suffit pas. Si les avancées technologiques constituent un enjeu de supériorité opérationnel certain, l’expertise humaine est absolument nécessaire sur le terrain. Augmenter le combattant, ce n’est pas seulement la technologie. C’est également augmenter par l’intelligence collective et le côté collectif qui sera sublimer par l’ensemble des « features » qui intègrent la technologie. Ainsi, en étudiant la préparation opérationnelle, nous avons constaté deux points importants : (cf. p93) Adapter la formation : entre aguerrissement et usages des technologiques. Le concept de système combattant s’accompagnera d’un long apprentissage s’ajoutant à la formation d’aguerrissement militaire. Cela signifie que les soldats devront donc être formés et entraînés à la fois à l’utilisation des équipements intégrant des nouvelles technologies et aux mêmes usages « en mode dégradé ». Un schéma qui a pour conséquence un doublement des temps de formation et donc de préparation opérationnelle. (cf. 94 et 95) La simulation ne peut se substituer à la préparation opérationnelle sur le terrain. Celle-ci ne permettant pas de restituer tous les facteurs environnementaux et physiques (météorologies, froid…) mais aussi cognitifs (appréciation des distances, stress...) qui caractérisent le combat d’infanterie. La simulation suppose également que l’armée de Terre s’équipe des derniers logiciels à l’instar de ceux des jeux vidéo et des nouveaux outils technologiques (casque de réalité virtuelle, retour haptique…) permettant une immersion totale. Au vu de ces recherches, il convient de confirmer que l’intégration d’une innovation garante de l’expérience utilisateur du fantassin repose sur la création de conditions permettant d’apprécier la dimension empirique et humaine des unités l’infanterie.