L’OPAC prend la gestion de notre “14”
La négociation entre notre propriétaire (AREMCAR), la Ville de Paris et l’OPAC a enfin abouti !!!
Notre dialogue pour assurer le maintien de l’UJRE et des Amis de la CCE au “14”, ainsi que pour y créer un Espace de mémoire dédié aux résistants juifs de la M.O.I. va enfin pouvoir reprendre ...
Soyons vigilants : à suivre...
25 ans déjà que la PNM, succédant à la PNH, défend une orientation progressiste du monde juif !
27 JANVIER 1945 Libération du camp d’Auschwitz
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LA PRESSE NOUVELLE
Magazine
Progressiste
Juif
PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toutes les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. PNM se prononce pour une paix juste au Moyen-Orient, sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité, et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.
N° 242 - JANVIER 2007 - 25e A N NÉE
MENSUEL EDITE PAR L’U.J.R.E.
L e N° 5 , 5 0 €
Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide
L’UJRE, et RPJ
L’OPAC prend la gestion
de notre “14”
qui interrompt la publication de sa Lettre d’information
vous invitent ensemble à leur
La négociation entre notre propriétaire (AREMCAR), la Ville de
Paris et l’OPAC a enfin abouti !!!
Assemblée des lecteurs
Notre dialogue pour assurer le maintien de l’UJRE et des
Amis de la CCE au “14”, ainsi que pour y créer un Espace de
mémoire dédié aux résistants juifs de la M.O.I. va enfin
pouvoir reprendre ...
qui se tiendra au “14”*
le samedi 3 fevrier à 15h.
Soyons vigilants : à suivre...
afin de débattre du contenu d’une PNM
répondant toujours mieux à
vos attentes d’une presse progressiste juive
25 ans déjà que la PNM,
succédant à la PNH,
défend une orientation
progressiste du monde juif !
Nous y soufflerons ensemble les 25 bougies de la
Presse Nouvelle Magazine
* 14 rue de Paradis - Escalier C - 1er étage (M° Gare de l’Est)
Mémoire
Proche-Orient
J.Dimet p.3
J.Dimet p.4
La mort de Saddam ne règle rien
Isrraël - Palestine : Les perspectives absentes
Sionisme ?
M. Muller p.6
Dieu, les Etats-Unis et Israël
R. Joseph p.7
Toujours la Constitution
D
Culture
recueilli 19% des voix - se retrouve avec 63% de
députés (paramètre comptable pour le calcul du temps
de parole), ou quand les candidats qui se sont prononcés pour le Oui au referendum disposent d'un temps
(tous moyens audiovisuels confondus) de près de 80%
alors que le Non était majoritaire … ?
Quand Claire Chazal déclare à propos de la bipolarisation de la campagne : “TF1 n'a aucune ligne politique. Les faits s'imposent : c'est quand même Ségolène
Royal qui est allée en Chine ! C'est quand même
Nicolas Sarkozy qui va être sacré candidat de l'UMP
dimanche”. Pour elle, Marie-Georges Buffet ne compte pas, quand elle est à Sandouville avec les Renault,
c'est un non-événement. Ce ne sont pas des faits.
Circulez, y a rien à voir !
Ce que le CSA appelle bipolarisation excessive n'est
en fait qu'un véritable rouleau compresseur étouffant
les propositions des autres candidats et par conséquent
le pluralisme, donnée consubstantielle de la démocratie.
Pendant ce temps, Le Pen qui n'a pas à se plaindre du
traitement médiatique qu'on lui réserve attend, en
embuscade, son heure en s'efforçant de rendre son discours présentable, en en gommant les aspects provocateurs sans rien en changer sur le fond.
La représentation excessive de seulement deux candi-
P. Saly p.4
H. Levart p.5
p.7
Elections : Vous avez dit libre choix ?
onner à chacune et chacun les éléments de
réflexion pour être pleinement citoyen afin
d'exercer son choix en pleine connaissance de
cause. Telle est l'ambition qui devrait animer les
medias et les moyens d'information privés, et a fortiori du service public. Or tout se passe comme si leur
puissance ne focalisait le débat que sur les personnes
de leur choix, plutôt que sur le contenu des politiques.
Par la grâce des sondages, ce serait comme le dit un
politologue “la démocratie d'opinion qui fait la loi”.
Pour sa part, Dominique Wolton, sociologue des
medias, directeur de recherche au CNRS, démontre
que “les medias au vu des sondages effectués dans un
contexte qui est très loin de la réalité ont décidé qu'il
n'y aurait que deux candidats, Nicolas Sarkozy et
Ségolène Royal”. Ils ont choisi de zoomer sur eux en
sous-dimensionnant l'information sur les autres.
Comme s'il n'y avait que légitime le centre droit et le
centre gauche. [le Parisien le 10 janvier]
le
Arlette Chabot directrice de l'information de France
2, en réponse aux griefs du CSA (dans le journal daté
du même jour) explique qu'après le 20 mars, date où
la liste des candidats sera officielle et le temps de parole identique pour chacun, ce sera la règle de l'égalité d'ici-là, ce serait la règle de l'équité.
Mais que veut dire équité, quand l'UMP qui n'a pas
L. Steinberg p.5
p.5
M. Weinstein p.8
Idées
La judéîté au péril de l’enfermement
à propos de votes communautaires
Europe
Roland Wlos
Hommage de la Nation aux Justes de France
Libération du camp d’Auschwitz
Un colloque utile et bienvenu
Editorial
dats, outre qu'elle conduise à une starisation du système, antinomique d’une réflexion sereine, vise à faire
évoluer la politique française vers le modèle américain (dont se réclame le petit Bush français - Sarkozy).
Cette évolution vers le bipartisme est inquiétante car
elle ne peut qu'affaiblir la démocratie. L'expérience
montre en effet que dans les pays soumis à ses règles,
aucune véritable alternative ne permet de s'affranchir
des tendances lourdes du libéralisme. Le seul choix
laissé aux électeurs, c'est éventuellement de corriger
quelques lignes à la marge.
Cependant, rien ne dit que les français se laisseront
dicter leur choix le 22 avril. Les élections précédentes
tendent même à prouver le contraire. En 1988, en
1995, en 2002, tous les pronostics ont été déjoués par
les électeurs. De même par la suite aux régionales,
puis au Referendum. D'autant que bien des inconnues
risquent de peser :
Comment vont se comporter celles et ceux qui s'étaient mobilisés contre le CPE, et tous les nouveaux
électeurs des banlieues, pour la plupart jeunes qui se
sont inscrits en masse sur les listes électorales ?
Vont-ils se satisfaire des joutes oratoires, des paillettes, des petites phrases assassines, ou bien exiger que
soient prises en considération leurs attentes et leur soif
de changement ? ■
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2
CARNET
GABRIEL que j'ai connu au patronage de
la CCE passage Charles Dallery, quand
nous étions en culottes courtes, était
profondément attaché à l'UJRE et à son
journal.
Récemment encore, il participait à une
délégation pour le maintien de l’UJRE
dans ses locaux 14 rue de Paradis.
Gabriel, fils d’un père déporté à
Auschwitz, qui n’en est pas revenu, et
d’une mère militante de l’UJRE, dont
elle partageait le combat humaniste et
solidaire, fit sien dès son plus jeune âge
l’idéal communiste d’émancipation
humaine.
Travailleur acharné, parallèlement à ses
études et ses travaux qui l’ont conduit au
très haut niveau de son art, il était de tous
les combats pour la justice, la liberté, et
contre tous les avilissements et les atteintes à la dignité humaine.
A cet égard, j’ai en mémoire l’action qu’il
déploya contre les berusfverboten, interdictions faites en Allemagne Fédérale aux
antifascistes et aux communistes d’exercer certaines professions, en particulier
dans l’enseignement.
Il prit également une part active à la
GABRIEL,
Tu viens de nous quitter; qui dira la tristesse de ceux qui ont été tes amis ? Je
suis sans voix aujourd'hui et parce que
l'UJRE était chère à ton coeur pour mille
raisons, je vais essayer de dire quelques
mots pour ceux et celles qui n'ont pas eu
la chance de t'avoir comme ami de longue date; je n'étais qu'un gamin quand tu
as fait irruption dans mon univers; qui
pouvait ne pas être frappé par ce front
lumineux, ce regard qui brûlait, et ce rire
sourd et sarcastique avec lequel tu prenais les vicissitudes de l'existence et par
quoi tu moquais l'adversité, les imbéciles, tout ce qui dans la société de l'époque apparaissait comme réactionnaire
et dépassé.
Tu étais un grand mathématicien déjà;
rien dans ton attitude n'a jamais eu le
regard hautain et méprisant qu'on rencontre parfois même hélas chez de très
grands; tu étais la modestie même.
Ma grand-mère, juive d'origine polonaise que la Guerre avait épargnée par une
sorte de miracle, était follement amoureuse de toi (c'est la seule expression qui
convienne et tu ne peux qu'en sourire);
c'est par elle que mes parents et moimême t'avons connu; vous aviez fait
connaissance dans cette maison de
légende qu'était la maison PARENT
dans les Pyrénées Orientales, près de
Mont-Louis et Font-Romeu. Qu'était
donc la maison PARENT sinon le lieu
où se croisaient tous ceux et celles qui
s'activaient pour changer le monde ? c'é-
Au nom du bureau de l'UJRE
et de l’équipe de rédaction de la
PNM, je tiens à exprimer nos sincères condoléances à la famille de
G ABRIEL M OKOBODZKI avec une
pensée particulièrement émue pour
notre amie N ICOLE , membre de
l’équipe de rédaction de la PNM.
Lucien Steinberg
Président de l'UJRE
campagne pour Massera pour la
reconstruction de l’Université de
Montevideo.
Gabriel, trop tôt enlevé à l’affection
des siens, nous laisse le souvenir d’un
homme de conviction, généreux et
fidèle dans l’action, jusqu’à son dernier souffle, à l’idéal et l’engagement
de sa jeunesse, pour la Justice, la
Liberté.
Je voudrais exprimer en mon nom personnel, et en celui de l’UJRE, mes
condoléances attristées à Nicole, et
assurer sa famille et tous ses proches,
dont nous partageons la peine, de
toute notre sympathie.
Roland Wlos
tait un endroit extraordinaire: Parent, le
père, était un anarchiste catalan; par lui,
ont transité des centaines de militants,
républicains espagnols et militants des
Brigades Internationales, par lui ont
trouvé le moyen d'échapper à une mort
hideuse et certaine des centaines de Juifs
de toute origine .
C'était là pour toi une sorte de refuge , ta
façon de "prendre l'air".
La grande affaire de ta vie, c'était la
recherche mathématique; qui dira la fine
écriture à la pointe d'un crayon sur un
bout de papier qui remplissait l'espace
vierge à vue d'oeil ?
Et malgré cette activité de chaque
instant, tu as continué de participer à
tous les combats émancipateurs.
Tu as été l'un des premiers signataires du
manifeste “Une autre voix Juive”; militant détaché depuis longtemps de toute
forme d'attachement religieux, jamais il
ne te serait venu à l'idée de taire tes racines; mais c'était à la condition exclusive
que ce soit utile à l'humanité.
De façon furtive, une fois, à Strasbourg,
tu as évoqué tes années d'enfance; ce
qu'avait signifié le fascisme hitlérien pour
les tiens; trop furtif et trop bref; il eût fallu
recueillir ces souvenirs; qui pouvait penser que tu serais fauché ainsi ?
Gabriel, tu le sais, je n'ai pas davantage
d'attache religieuse que toi, mais permets moi d'utiliser cette expression : tu
as été un Juste.
Salut, Moko !
Olivier GEBUHRER
Plongé depuis quelques jours dans un sommeil où il avait trouvé le repos,
MICHEL
nous a quittés ce matin Lundi 22 Janvier 2007 dans sa 60ème année
Il s'est éteint doucement, paisiblement, dans la chaleur de sa maison. Il avait pourtant tant de choses encore à partager avec ses fils, Fabien et Florent.
Michel a toute sa vie pensé ses actions en fonction de ses amis ou de ses collègues.
Dans cet esprit, les fleurs lors de la cérémonie d’adieu seront remplacées par des
dons en faveur de l'ONG Triangle Génération Humanitaire - 1, rue Montribloud 69009 Lyon - 04 72 20 50 10 - info@trianglegh.org - www.trianglegh.org
... Je vais certainement commettre involontairement des omissions ... Il connaissait
tellement de personnes... Merci de diffuser ce faire-part autour de vous.
Annie Speter
C o u r r i e r
d e s
Gilbert Gibard: Pas toujours d'accord
avec vos positions “angéliques”, notamment sur l'immigration, nous tenons à
signaler les remarquables analyses de R.
Joseph sur la situation en Serbie qui nous
intéressent beaucoup. Tâchez cependant
d'évoluer et de ne plus rester dogmatiques, 68 est loin !
La PNM tient à rester un journal ouvert
qui appele à la réflexion, au débat et à la
confrontation d’idées. Et c’est bien pour-
A vos agendas !
Au 14*, la poésie Yiddish sera
à l’honneur pour ce
ème
9 printemps des poètes
Samedi 10 mars 2007
1ère partie
Interlude
2ème partie
Poésie
Klezmer
Théâtre
* 14 rue de Paradis - Escalier C - 1er étage
(M° Gare de l’Est)
Informations publicitaires et
de soutien à la PNM
Contact journal mèl : ujre@wanadoo.fr
Tél 01 47 70 62 16 Fax 01 45 23 00 96
l e c t e u r s
quoi son équipe, tout en demeurant fidèle
à sa ligne éditoriale rappelée sous le titre
de la Une, organise une assemblée de
lecteurs le 3 février 2007 pour débattre
du contenu d’une PNM répondant toujours mieux à vos attentes ! En espérant
vous y rencontrer !
PNM
Erratum
Nos lecteurs n'auront pas manqué de rectifier d'eux-mêmes une erreur survenue
dans l'article du précédent n° de PNM
sur l'exposition coloniale de 1931*. Ce
ne sont pas les socialistes mais les surréalistes qui ont organisé la contre-exposition. Cela en partenariat avec le parti
communiste français sur un terrain
appartenant à la CGT unitaire, ancienne
place du Combat devenue place du
Colonel Fabien.
Suite à cette parution, un ami nous a
adressé la photocopie d'un Almanach de
l'époque informant de la vente ou de la
cession gratuite de terrains en Algérie.
Les acquéreurs devant être obligatoirement de nationalité française ou européenne. Voici un bel exemple des aspects
positifs de la colonisation.
HL
* PNM 241 décembre 2006 p. 5:
Néo - colonialisme ? L'as-tu vue la casquette du père Bugeaud ?
YIDDISH
(Ré-)Apprendre le yiddish, l'écrire, le parler, apprendre et
comprendre des chansons du
répertoire, les chanter...
L’un de nos amis serait prêt à nous
donner, le vendredi en fin de journée
ou le samedi, des cours de yiddish
dans nos locaux du 14 rue de Paradis,
mais voilà, combien de personnes
seraient intéressées ? et quel jour ?
Vous êtes candidat ? Contactez le
journal en précisant vos préférences :
Mèl : ujre@wanadoo.fr
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LA PRESSE NOUVELLE
SOUSCRIPTION n°36
arrêtée au 15 janvier 2007
NOM
Montant
Magazine Progressiste Juif
édité par l’U.J.R.E.
Comité de rédaction :
Lucien Steinberg, Jacques Dimet,
Bernard Frédérick,
Nicole Mokobodzki,
Tauba-Raymonde Staroswiecki
Roland Wlos
N° paritaire 64825
(en cours de renouvellement)
C.C.P. Paris 5 701 33 R
Directeur de la Publication :
Lucien STEINBERG
Rédaction - Administration :
14, rue de Paradis
75010 PARIS
Tel. : 01 47 70 62 16
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Site : http://ujre.monsite.wanadoo.fr
(bulletin d’abonnement téléchargeable)
Tarif d’abonnement :
France et Union européenne:
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1 an
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Etranger, hors U.E : 70 euros
(*) sauf mention explicite (adhésion, abonnement ou don), les règlements reçus sont
imputés en priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don.
NB : L’Etat vous rembourse 66% de vos
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IMPRIMERIE DE CHABROL
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postale, date de naissance, mèl et téléphone
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Idées
La judéité
au péril de l’enfermement
Proche-Orient
Israël-Palestine
Les perspectives absentes
P. Saly
S
ous le titre “Le monde
moderne et la question juive”*, Edgar
Morin vient de publier un
très suggestif essai qu'il
qualifie lui-même “non
[de] livre d'histoire mais
{de] réflexion historisée”. Le titre
peut surprendre : en quoi l'existence
juive est-elle plus un problème que
n'importe quelle autre existence
collective ? Mais la réponse à ladite
“question” est des plus claires et,
disons-le, tout à fait fondamentale :
l'apport juif à la construction du
monde moderne (intellectuelle,
conceptuelle, morale, politique)
passe par la profondeur et la variété
des contributions de ceux que l'auteur appelle les “judéo-gentils”.
Avant que Rome ne finisse de les
disperser, les juifs constituaient
dans
l'Orient
méditerranéen
antique, à la fois les fidèles d'une
religion et un “peuple” (certains
même emploient le mot “nation”,
plutôt anachronique au regard du
sens moderne du terme), organisé
autour d'une entité étatique.
La destruction de la Judée politique
et culturelle a dispersé les juifs au
milieu des peuples divers, polythéistes, en attendant de se rallier à
tel ou tel des grands monothéismes,
en particulier le christianisme et
l'islam. Les juifs comme peuple
étaient devenus les juifs comme
groupe religieux, minoritaire au
milieu des “gentils” (d'où le terme
clef de l'ouvrage), c'est-à-dire au
milieu des peuples non juifs. Du
choc des croyances est né un “antijudaïsme” religieux, matrice des
futurs antisémitismes, mais différent d'eux. Cette cohabitation a suscité de fructueuses concurrences et
convergences intellectuelles, particulièrement brillantes dans le cadre
extraordinairement pluraliste et
tolérant de l'Espagne arabe et
musulmane au moyen-âge.
Commencée dès le XIe siècle, la
persécution des juifs connut son
moment convulsif avec les grandes
expulsions et conversions forcées
des juifs d'Espagne au XVe siècle.
Marranes et conversos (faux et
vrais convertis) ont été d'éminents
passeurs de culture. Ainsi est née,
dans sa forme moderne, la catégorie
des judéo-gentils nourris à la fois de
culture juive et de pensée structurée
par les interrogations nées au sein
du christianisme et de la pensée
antique et autour d'eux. Puisant à
des sources chrétiennes comme juives, de grandes visions du monde et
de l'homme sont nées (Marx,
Freud, etc.), marquées du sceau
d'un universalisme en rupture, à la fois avec l'enfermement religieux juif et la captation de l'universalisme par
le christianisme, et inscrites
dans les avancées d'un rationalisme en opposition frontale avec le courant principal de la
pensée religieuse chrétienne ou
juive.
Passant du terrain des idées à celui
de la politique concrète, bien des
judéo-gentils se sont engagés, pour
le meilleur et parfois le pire, dans
les combats socialiste et communiste dont l'auteur souligne la dimension messianique, transférée et
transformée à partir du messianisme religieux juif, parfois proche
dans ses formes extérieures, mais
radicalement terrestre, et construit
sur l'analyse de la société présente,
et non sur une espérance trans-historique.
Cet engagement ne fut pas de demimesure : les judéo-gentils ont été
présents et souvent déterminants
dans toutes les aventures théoriques
et pratiques de ce “nouveau messianisme” : réformistes, anarchistes,
révolutionnaires, mencheviks ou
bolcheviks avant 1914, dirigeants
soviétiques, parfois même exécutants des pires répressions staliniennes, mais aussi opposants de la première heure et victimes désignées
du goulag, dirigeants communistes
ou socialistes dans des pays comme
la France, innombrables militants
de base et constructeurs de forces
politiques structurantes des gauches
européenne et mondiale, résistants
héroïques, participants majeurs à la
construction de la modernité politique, non pas en dehors des peuples au sein desquels ils vivaient,
mais en parfaite adéquation avec
les batailles progressistes menées
dans chaque pays. On regrette un
peu que l'auteur n'ait pas donné plus
de place aux contributions pratiques
des judéo-gentils à cette construction.
Il décrit ensuite l'émergence d'une
pensée “nationale” juive, le sionisme, nationalisme tournant le dos à
l'universalisme judéo-gentil, caractérisé comme une “conséquence
directe” de l'antisémitisme.
Les derniers passages de son essai
mettent en question “l'inflation du
mot antisémitisme” et l'instrumentalisation de la notion, au seul profit
de la légitimation de la politique
annexionniste et colonialiste
d'Israël.
Dénonçant une “éthique judéocentrique qui veut maintenir la
séparation avec les gentils”, il
J. Dimet
I
sraël ne se remet toujours pas de
l'intervention au Liban de l'été
dernier. Le gouvernement
Olmert-Peres-Peretz,
qui
a
accueilli un ministre d'extrêmedroite en la personne de Avigor
Liberman est au plus bas dans les
sondages, principalement d'ailleurs
le premier ministre et son ministre
de la défense. L'échec de la guerre
au Liban est patent. Elle n'a en rien
assuré la sécurité des populations
vivant au nord d'Israël, et le
Hezbollah est toujours un des pions
essentiels de la politique libanaise.
L'intervention a aussi montré les
faiblesses de l'armée de défense
d'Israël (Tsahal), son impréparation
et surtout les erreurs stratégiques
de ses dirigeants (l'utilisation massive de l'aviation et de l'artillerie a
été critiquée d'un point de vue militaire tactique). A cette crise postinvasion s'ajoute la mise en cause
de plusieurs membres du gouvernement, dont Olmert lui-même,
dans des affaires de justice.
Dans les territoires palestiniens où
les affrontements entre le Hamas et
le Fatah ont pris une tournure dramatique, la situation économique et
sociale continue de se dégrader.
Les deux principales organisations
palestiniennes tentent de se mettre
d'accord pour trouver une issue à
cette crise, d'autant plus que le précondamne à la fois “l'israélisme
clos”, “le judaïsme clos”, et les
actes de guerre, de conquête, d'oppression qui sont le quotidien de la
politique des dirigeants actuels
d'Israël.
Tournant ainsi le dos au nécessaire
universalisme de la pensée, à la
richesse des apports de la judéogentilité, dont l'auteur se réclame,
aux valeurs de justice ancrées dans
l'expérience juive plurimillénaire,
la politique israélienne risque d'être
“une nouvelle étape vers l'abîme”,
un abîme pour le peuple israélien
lui-même, pour la judaïté dans son
ensemble, voire pour l'humanité,
car “la question juive n'est pas que
juive”.
Quelques textes enfin précisent la
pensée de l'auteur sur le conflit
israélo-palestinien. Il y manque
(renvoyé à une publication ultérieure) l'article qui lui valut une
honteuse poursuite pour antisémitisme, et une incroyable condamnation dont il a été totalement lavé
par une décision de la Cour de
Cassation, pour la plus grande
confusion des plaignants. ■
* Le Monde moderne et la question juive,
Edgard Morin, Ed. Seuil, 2006, 12 €
sident de l'autorité palestinienne,
Mahmoud Abbas, a affirmé que, s'il
n'y avait pas d'accord, il faudrait
revenir devant les urnes pour un
double scrutin présidentiel et législatif*.
Le mouvement de la résistance
islamique (Hamas, selon son acronyme arabe) est organisé en deux
branches : une branche de l'intérieur, réputée plus pragmatique,
dont le premier ministre Ismaïl
Haniyeh est un des représentants,
et une branche plus idéologique (la
véritable direction du parti), le
bureau politique basé à Damas. Le
président du bureau politique (et de
fait le principal dirigeant du
Hamas) est Khaled Mechaal qui
vient de faire une déclaration intéressante concernant l'Etat hébreu.
Réaffirmant que son organisation
ne reconnaissait pas l'Etat d'Israël,
il a cependant précisé : “Il va rester
un Etat qui s'appelle Israël, c'est un
fait. Le problème, ce n'est pas
l'existence d'une entité qui s'appelle Israël. Le problème, c'est que
l'Etat palestinien n'existe pas.” Ce
type de formulation peut enclencher un processus de règlement
politique.
Du côté israélien, si le ministre de
la Défense a donné l'autorisation de
créer une nouvelle colonie en
Cisjordanie, son vice ministre, le
général (CR) Ephraïm Sneh**,
ancien commandant militaire du
Liban sud, puis chef de l'administration de Cisjordanie, a indiqué
qu'il fallait libérer Marwan
Barghouti. L'emblématique prisonnier palestinien, responsable du
Fatah en Cisjordanie, député palestinien, qui fut l'un des jeunes dirigeants de la première Intifada, plusieurs fois condamné à la prison à
vie et incarcéré en Israël, est extrêmement populaire. C'est lui qui est
à l'origine du fameux plan de paix
des prisonniers qui est considéré
comme l'étape obligée de la sortie
de crise en Palestine.
Parallèlement le gouvernement
américain, embourbé dans les
affaires irakiennes, a organisé une
visite de Condoleeza Rice au
Proche Orient. La secrétaire d'Etat
avoue elle-même qu'elle n'a pas de
plan et qu'elle vient “écouter”.
Il est plus que temps d'avancer vers
une solution politique. ■
* Voir PNM 241 (décembre 2006)
** Ephraïm Sneh
ailleurs, le fils de
commandant de la
fondateurs du parti
(Maki).
(travailliste) est, par
Moshé Sneh, ancien
Haganah et l'un des
communiste israélien
6. PNM 242bon
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P.N.M. JANVIER 2007
6
Sionisme ?
Dieu, les Etats-Unis et Israël
Mémoire
Mont-Valérien
Michel Muller
I
l peut paraître délicat
du Christ*.
d'évoquer les groupes
Dans un reportage diffusé le
de pressions états-uni7 mai 2002, la BBC expliens, favorables à la poliquait que depuis le 11 septique du gouvernement
tembre, le soutien à Israël
israélien relative aux Le révérend John Hagee dans l'opinion états-unienne
le 7 février 2006 au meePalestiniens et aux territoi- ting de préfiguration du s'était “massivement” déveres occupés lors de la guerCUFI
loppé notamment avec l'appare de juin 1967, tant appa- Christians United for Israel rition d'un puissant “nouveau
remment, une analyse criphénomène”, le sionisme chrétien,
tique est souvent et facilement frapune doctrine florissant parmi les
pée de l'anathème d'antisémitisme.
quelque 40 millions d'adeptes des
En réalité, aux Etats-Unis, par delà
Eglises de chrétiens conservateurs.
la solidarité traditionnelle (comme
Les “Christian Zionists” affirment
on peut la trouver dans nombre
que leur soutien à la politique
d'autres pays) de communautés juiexpansionniste israélienne est fonves avec l'Etat d'Israël, il existe de
dée sur le chapitre 13 de la Genèse
véritables formes d'identification
proclamant notamment : “Et l'Éteridéologique dans la population
nel dit à Abraham, après que Lot se
états-unienne en tant que telle.
fut séparé de lui : Lève tes yeux, et
Celle-ci prend racine dans l’identité
regarde, du lieu où tu es, vers le
de certains mythes fondateurs des
Nord, et vers le Midi, et vers
deux Etats et donne une force partil'Orient, et vers l'Occident car tout
culière à des convergences idéolole pays que tu vois, je te le donnerai,
giques entre des groupes chrétiens et à ta descendance, pour toules chrétiens sionistes, comme ils
jours”.
s'appellent eux mêmes - et certaines
Mais le terreau spécifiquement
organisations juives états-uniennes.
nord-américain sur lequel fleurit
C'est donc essentiellement ces deux
cette conception messianique
domaines que nous tentons d'éclaid'Israël, et la corrélation entre le
rer un tant soit peu dans cet article.
destin des deux peuples, se trouve
Les 18 et 19 juillet 2006, alors que
dans les mythes fondateurs des
les bombes israéliennes déferlaient
Etats-Unis.
Dans un article
sur le Liban, se tenait à Washington
récent**, Lawrance Davidson, prole premier congrès annuel d'une
fesseur à la West Chester University
nouvelle organisation, “Chrétiens
de Pennsylvanie explique qu'il exisunis pour Israël” (Christians United
te un parallèle entre ce qu'on appelFor Israel). Lors d'un dîner auquel
le le “destin manifeste” des Etatsparticipait l'ambassadeur d'Israël, le
Unis et celui d'Israël dans sa vision
dirigeant de cette organisation, le
biblique, concrète aussi bien que
révérend John Hagee, après avoir lu
métaphysique. Dans le même
des messages de félicitation de
temps, le rôle messianique et proséGeorge W. Bush et du premier
lytique des Etats-Unis (pour “le
ministre israélien, Ehud Olmert,
bien”, la “démocratie” et la “liberté
affirmait que le soutien à Israël était
de commerce”) est lui aussi de droit
“la politique extérieure de Dieu” et
- et, disent certains, de devoir que l'agression en cours contre le
divin.
Liban était “une bataille entre le
C'est ainsi que lors des récentes
bien et le mal”.
funérailles de Ronald Reagan, on ne
Dans le New York Times daté du 13
manqua pas de citer ses références à
novembre dernier, David D.
la “Cité rayonnante sur la colline”,
Kirkpatrick explique : “Nombre de
un concept développé par l'un des
conservateurs chrétiens disent
premiers colons de la Nouvelle
qu'ils croient que le soutien du préAngleterre, John Winthrop. Cet
sident (des Etats-Unis) répond à
équivalent de la “Nouvelle
une injonction biblique de protéger
Jérusalem” - la terre d'Amérique l'Etat juif, dont certains pensent
aurait été accordé par Dieu aux
qu'il jouera un rôle central lors de
puritains anglais fuyant l'oppresla seconde avenue du messie”.
sion de ce roi mécréant que fut
Charles Ier. Présidant au destin de la
Une analyse reprise par Walter
société d'investissement colonial,
Russel Mead (adjoint de Henry
“Massachusetts Bay Company”, ce
Kissinger au sein du Conseil des
“père pèlerin” accompagné de
relations étrangères) qui évoque une
quelques mille disciples, transforma
“vision apocalyptique de la fin du
la compagnie coloniale, dès son
monde et du dernier jugement”
arrivée en Amérique en 1630, en
selon laquelle “tout effort de l'hu“Commonwealth” (Etat) dirigé par
manité pour l'édification d'un
les actionnaires devenus des “freemonde de paix échouera” puisque
men” c'est-à-dire des électeurs***.
ceci ne pourra advenir qu'avec la
A la différence des conquêtes colo“paix de mille ans” après le retour
niales européennes, la “marche vers
l'Ouest” n'est pas, par voie de
conséquence, une acquisition du
territoire d'autrui par la guerre ou le
marchandage, mais tout simplement
le droit biblique de prendre possession de la “Nouvelle Jérusalem”,
celle de la fin des temps - on peut
même trouver sur Internet des sites
expliquant qu'elle se trouverait
quelque part dans le Middle West à l'instar du “droit au retour des
Juifs sur la Terre sainte”, Eretz
Israel, la Terre d'Israël. “Quand les
Américains partaient vers l'Ouest,
ils ne colonisaient pas, ils s'installaient tout simplement chez eux”,
écrit Russel Banks****. Il en va de
même, pour nombre d'Etats-uniens,
quant à l'implantation de colonies
juives dans les territoires palestiniens occupés.
En poursuivant sur cette voie, on
peut aussi tracer une forme d'équivalence avec la conception souvent
enseignée au cours des “écoles du
dimanche” évangélistes, selon
laquelle la Palestine biblique a été
“volée” aux chrétiens et, donc, aux
juifs, par les “musulmans” et celle
selon laquelle, comme le rappelle la
Déclaration d'Indépendance, les
Etats-uniens ont dû affronter les
“impitoyables Sauvages Indiens,
dont la bien connue règle de guerre
est la destruction sans discrimination de (personnes) de tous âges,
sexes et condition”.
Et ce n'est donc pas par hasard que
George W Bush a utilisé le terme de
“croisade” pour qualifier sa volonté
belliciste destinée à “venger” les
victimes des attentats du 11 septembre 2001.
Prendre la plus exacte possible
mesure de ces tendances effrayantes
de certains secteurs de l'opinion
publique des Etats-Unis nous
conduit, dans le même temps, à
constater que la majorité de la population aspire à une conception différente du monde - comme l'ont montré les récentes élections - à l'instar
des autres peuples qui rêvent avant
tout de paix, de justice et de solidarité. Un encouragement à une solidarité pacifiste. ■
* God's Country ? dans Foreing Affairs Septembre-Octobre 2006.
** Le sionisme chrétien, une représentation du Destin manifeste américain dans
Critical Middle Eastern Studies, été
2005.
*** The National Experience - A History
of the United States - Fifth Edition page 25 et suivantes.
**** Amérique, Notre Histoire - Actes Sud
/ Arte Editions, octobre 2006 - 16 €
La flamme de la Résistance
ne s’éteint jamais !
Salomon Calmanovic,
employé de commerce
né à Paris 12° le 19
mai 1915, résidait à
Pavillons sous Bois. Il
s’engagea dans la
Résistance et y obtint le grade de
lieutenant FFI. Arrêté, il fut fusillé au
Mont-Valérien le 22 janvier 1942.
Hommage de
la Nation aux
Justes de France
D
ans le cadre d'une cérémonie grandiose au Panthéon, Monsieur Jacques
Chirac, Président de la République, a
rendu l'hommage de la Nation aux Justes,
ces hommes et femmes qui ont sauvé des
Juifs traqués en France pendant la seconde guerre mondiale.
A ce jour, 1725 ont été recensés par Yad
Vashem, autorité israélienne qui décerne
cette distinction. C'est pourtant un fait,
que le Président de la République a souligné, que le nombre des sauveteurs était
bien plus élevé. Beaucoup sont décédés,
d'autres n'ont pu être recensés, d'autres
encore, beaucoup d'autres, ne se sont
jamais faits connaitre, estimant qu'ils n'avaient fait qu'obéir à leur conscience,
qu'ils n'avaient fait que leur devoir.
Une plaque commémorative a été placée
dans la crypte du Panthéon. Son texte :
Sous la chape de haine et de nuit tombée
sur la France dans les années de l’occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s’éteindre. Nommés “Justes
parmi les nations” ou restés anonymes,
des femmes et des hommes de toutes origines et de toutes conditions ont sauvé
des juifs des persécutions antisémites et
des camps d’extermination. Bravant les
risques encourus, ils ont incarné l’honneur de la France, ses valeurs de justice,
de tolérance et d’humanité.
Dans l'assistance, on remarquait
quelques-uns de ces Justes. Certains
pleuraient. Dans le public qui emplissait
le Panthéon, l'émotion était intense. Elle
était à son comble, lorsque Monsieur
Jacques Chirac, précédé de Madame
Simone Veil, présidente de la Fondation
pour la mémoire de la Shoah, sont descendus dans la crypte pour s'incliner
devant la plaque commémorative.
Une création artistique d'Agnès Varda,
suivie d’une œuvre musicale de Francis
Poulenc interprétée par l'ensemble vocal
Accentus, ont marqué la cérémonie.
PNM tient à rendre hommage aux très
nombreux media - presse écrite, radios,
télévisions - qui se sont fait l'écho de
cette manifestation, en publiant de nombreux témoignages - de Justes comme de
certains de ceux qui leur doivent la vie.
Lucien Steinberg
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7
C U L T U R E
Toujours la Constitution
Europe
A
vec la présidence de l'Union
européenne depuis le 1er janvier, l'Allemagne a décidé de
relancer le projet de constitution mortné. La tâche n'est pas aisée. La
Commission, elle, poursuit le démantèlement des services publics. Et chacune d'elles fournit des sujets d' actualité qui devraient figurer dans les
débats électoraux, puisque qu’ils
conditionnent notre vie nationale.
La chancelière allemande bénéficie de
l'appui des seize pays qui ont dit
“oui”, seize sur vingt-sept après l'admission de la Bulgarie et de la
Roumanie. Par contre, Danemark,
Grande-Bretagne, Irlande, Pologne,
Portugal, République tchèque, Suède
n'ont manifesté aucun empressement.
Il y a discussion. Angela Merkel tient
fermement au projet “en bloc”, rejetant par exemple l'idée de Nicolas
Sarkozy de pratiquer un petit bricolage que pourrait voter le Parlement.
Les ayatollahs de l'ultralibéralisme
parlent de crise institutionnelle, d'impasse, mais ne savent que faire.
Pendant cette présidence qui s'achève
en juillet, il y aura des élections en
France, aux Pays-Bas et la GrandeBretagne aura peut-être un nouveau
premier ministre. Il convient donc
d'attendre l'installation des nouvelles
autorités. La Commission de
Bruxelles entend, elle, pousser les
négociations en décrétant qu'il ne peut
être question d' admettre de nouveaux
Etats en l'absence de réformes. Mais
la Croatie n'est pas attendue avant
2009, et la Turquie ... ensuite.
Les jusqu'auboutistes de l'intégration
reconnaissent aussi une méfiance des
populations de plus en plus ample à
l'égard de leurs objectifs, des réticences plus prononcées au niveau des
Etats. Un climat plus facilement
exploitable par l'ultra-conservatisme
et l'extrémisme de droite que par les
forces de progrès, comme le souligne
l'analyse de Jean-Yves Camus (PNM
239 d’octobre 2006). Tout un symbole : l'extrémisme de droite a pu constituer son groupe au Parlement européen avec l'arrivée de députés bulgares et roumains, un groupe que préside Bruno Gollnisch, le lieutenant de
Le Pen.
Imperturbables, les eurocrates de
Bruxelles multiplient les sacrifices à
leur divinité, la “concurrence libre et
non faussée”. Parmi leurs nombreux
objectifs français, relevons notamment, en vrac, le texte gouvernemental tentant de protéger de l'étranger les
entreprises à caractère stratégique, la
retraite de la Poste, le P.M.U., la
Française des Jeux. Mais le grand
sujet d'actualité demeure le démantèlement des services publics en général
et de l'énergie en particulier
La préoccupation des Etats, après la
querelle Russie-Biélorussie, tient à
l'approvisionnement énergétique de
l'Europe, toujours dépendante de
Robert Joseph
Moscou pour une grande part. En
marge, la Commission annonce qu'elle va recommander l'éclatement du
secteur de l'électricité qui a fait la
preuve de son efficacité, en en séparant la production du transport.
Il devrait y avoir là une nouvelle grande vague de protestation. Depuis
longtemps, les forces vives du pays
s'opposent à la privatisation et au
démantèlement des grands services
publics, qu’il s'agisse de l'énergie ou
du transport. Les développements
autour de l'opération Gaz de FranceSuez en soulignent la capacité. Le
gouvernement qui privatise ardemment dit qu'il s'opposera au démantèlement d'E.D.F. - affaire à suivre alors que des voix allemandes
appuient Bruxelles.
En cette année du cinquantième anniversaire du Traité de Rome, la déjà si
peu démocratique Union européenne
où les non élus, commissaires à
Bruxelles, financiers à Francfort,
imposent leurs décisions aux élus des
nations, les intégristes de la concurrence voudraient en finir avec le vieux
principe institué à l'époque “Un pays,
Une voix”. Ils aimeraient, comme le
disait Nicolas Sarkozy en septembre
dernier, “faire sauter le verrou de l'unanimité”, élargir le plus possible le
champ de la dite “majorité qualifiée”
afin de museler les récalcitrants. Mais
encore faudra-t-il en faire admettre le
principe.
La Commission a été échaudée avec
la “directive Bolkestein” sur les services. Elaborée en catimini en janvier
2004, elle a explosé au printemps
2005 soulevant une vigoureuse protestation, notamment en France. Le
débat public a été ouvert. Le
Parlement européen en a adopté une
version légèrement édulcorée en
février 2006 et finalement, en octobre,
le Conseil européen et la Commission
réintroduisaient des dispositions écartées par le Parlement.
Deux questions : sous le régime de la
“majorité qualifiée”, dans les négociations entre les “25”, combien aurait
pesé la voix de la France, tout de
même assez isolée sur le sujet ?
Pourquoi au nom de la concurrence
bafouer les élus des peuples ?
L'expérience ne peut être oubliée. Et
les candidats à la présidence de la
République doivent s'exprimer clairement - seule Marie-Georges Buffet l'a
fait, et défend ces objectifs - sur ces
aspects déterminants à inscrire dans
les prochaines réformes : la préservation des services publics hors de la
sphère de la concurrence, et la démocratisation du fonctionnement de
l'Union européeenne, en donnant aux
élus des nations du Parlement européen et non à un groupe de technocrates, l'initiative législative et le pouvoir
de décision qu'ils n'ont pas. ■
15/01/2007
L'UJRE, association loi
1901, éditrice du mensuel
d'information La Presse
Nouvelle Magazine, a l’honneur et le
plaisir d’annoncer l’édition prochaine, sous la mention :
ED. DE L'UJRE - PRESSE NOUVELLE
de la seconde édition du manuscrit
sauvegardé :
“ECRIS, PAPA, ÉCRIS”
d’Elie Rozencwajg
traduit du yiddish par Batia Baum
Cette édition revue et complétée,
ouvrira, nous le souhaitons, la porte à
une collection de témoignages de
l'histoire de nos proches, traduits du
yiddish.
L’équipe de la PNM
Le Bureau de l’UJRE
Prévente
assurée par
SOUSCRIPTION
Plus de détails
dans la PNM de
Février 2007
DONA DONA
voyage musical
en français
dans l'imaginaire
yiddish
Donné à Paris* les 3 et 4 février, ce
spectacle est d'ores et déjà programmé
également au Festival d'Avignon Off
en juillet 2007, au Théâtre des
Lucioles.
Longue vie à lui donc, sachant que
vous êtes les meilleurs ambassadeurs
du spectacle ! Venez nombreux, revenez, parlez-en à vos voisins du dessus,
du dessous, en bref passez le message
“sans modération” à vos amis et
connaissances !!!
Il n'y a pas de réservation auprès de la
salle. Venez donc un peu à l'avance,
vous choisirez ainsi la place que vous
préférez.
A très bientôt, amicalement,
Claude Liberman
Dans ce spectacle inédit, le public français
peut enfin découvrir une part de l'extraordinaire patrimoine culturel yiddish Qu’on
se le dise !
* Espace Jean Dame - Places à 15€ et 12
€ 17 rue Léopold Bellan - Paris 2eme M° Sentier - Tél : 01 47 97 80 22 - les :
Samedi 3 février à 20h30
et Dimanche 4 février à 16h
MAISON DE LA CULTURE YIDDISH : Quand la Vistule parlait yiddish
Du 27 janvier au 10 avril
Exposition créée par la Maison de
la culture yiddish et dédiée à l'histoire de la communauté juive de
Varsovie, qui fut l'une des plus
vigoureuses, et productives de
Pologne et d'Europe.
Entrée libre aux horaires de la Maison
01 47 00 14 00
LES JUSTES
Ce documentaire de 55 mn. co-écrit
par Frédéric Martin et
Nicolas Ribowski, réalisateur, lui-même rescapé
de la déportation, retrace
à travers de nombreux
témoignages l'histoire de
ces Françaises et Français qui ont
sauvé la vie de juifs durant la
Seconde Guerre mondiale.
Paris Cap le télédiffusera le jeudi 18
janvier 2007 à 22h00 ainsi que toute
la semaine du 15 au 19 janvier et
pendant les 5 mois qui suivent.
A noter qu’à Paris, la mairie du Vème
arrondissement vendra les souvenirs édités spécialement par
l’APFI (Association
philatélique FranceIsraël) à l’occasion de
la sortie du timbre Les Justes de
France. Une partie de la recette sera
reversée au Comité Français pour
Yad Vashem.
Samedi 27 janvier à 15 h
LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE
VARSOVIE JUSQU'EN 1939
Introduction d’Alexandre Messer
LES JUIFS ET L’INDÉPENDANCE
DE LA POLOGNE EN 1918
NAISSANCE DE L’ANTISÉMITISME
MODERNE DE LA 2° RÉPUBLIQUE
Conférence de Jean-Yves Potel
Projection du documentaire
réalisé par Yitzhak et Saul Goskind
A DAY IN WARSAW
(Pologne / 1938 / 10 min / NB /
yiddish sous-titré anglais)
P. A. F. : 5 €. Membres : 3 €.
M.A.H.J
Hôtel de Saint-Aignan 71, rue du Temple
75003 Paris Tél : 01 53 01 86 60
Lundi 5 février 2007 à 20 h
Lili Brik / Elsa Triolet
Lili
Brick
Lecture par Dominique Reymond
et Maria de Medeiros,
talentueuses comédiennes, de la correspondance entre Elsa Triolet et sa
soeur, Lili Brik, (nées Kagan), qui incarneront ces deux soeurs d’exception.
Cette conversation intime d’un demi-siècle entre deux femmes à la destinée
brillante et dramatique, aimées et célébrées chacune par un grand poète est en
même temps une conversation passionnée entre la France et la Russie, et une
chronique au jour le jour de la vie culturelle de ces deux pays, de l'œuvre de
Maïakovski et de celle d’Aragon.
Elsa
Triolet
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Un colloque utile et bienvenu
Max Weinstein
L
e 15 décembre dernier, un colloque s'est tenu toute la journée, de 9 heures à 18 heures,
dans l'auditorium de l'Hôtel de Ville
de Paris, grâce à l'hospitalité offerte
par la ville de Paris, son maire, monsieur Bertrand Delanoë et madame
Odette Christienne, adjointe chargée
de la Mémoire et des Anciens
Combattants.
Les juifs ont résisté en France 19401945 - c'est le titre donné à cette rencontre par l'AACCE, (Association des
Amis de la Commission Centrale de
l'Enfance). Elle était placée sous la
présidence d'honneur d'Adam Rayski,
avec la participation de l'U.J.R.E.
(Union des Juifs pour la Résistance et
l'Entraide), du Groupe de Travail des
Anciens Résistants de l'U.J.J., (Union
de la Jeunesse Juive et ses Groupes de
Combat), de la toute nouvelle association M.R.J.-M.O.I. (Mémoire des
Résistants juifs de la M.O.I.) et du
musée de la Résistance Nationale de
Champigny, représenté par sa
Présidente, madame Lucienne Nayet.
Elle a débuté par une allocution de
bienvenue du président de l'AACEE,
Joseph Kastersztein, avant que soit
donnée la parole à monsieur David
Douvette, historien, qui dressa, par un
exposé particulièrement documenté
le panorama de la Résistance et de
l'implication des juifs durant la guerre. Il souligna particulièrement les
engagements volontaires de masse
dans l'armée française au début de la
guerre, marquant l'attachement de la
population juive d'immigration
récente, pour sa patrie d'adoption
qu'était la France.
Il importe pour les lecteurs de PNM
de rappeler, sous des formes parfois
personnelles des itinéraires de résistants juifs. Certains de mouvance
communautaire voire religieuse ou
sioniste,
comme
beaucoup
d'Eclaireurs Israélites de France, de
gauche comme Hachomer Hatzair,
militaire comme l'Armée Juive,
l'Organisation Juive de Combat,
voire de sensibilité MOI à divers
degrés: UJRE, UJJ, Union des
Femmes Juives, MNCR.
C'était l'ambition des responsables de
la rencontre - les Amis de la CCE
Ce fut une réussite. Comment traduire l'émotion qui s'empara de l'assistance lors de certains moments forts ?
Pendant l'intervention de Claudie
Bassi-Lederman
par
exemple
(publiée dans la PNM de décembre)
lorsqu'elle évoqua la grande figure de
Charles Lederman, son père, grand
résistant, animateur de l'O.S.E.
(Œuvre de Secours à l'Enfance) président durant de nombreuses années de
l'U.J.R.E., sénateur communiste. Ce
fut également le cas avec l'exposé
clair, simple et plein d'humanité de
Paulette Sarcey qui retraça son itinéraire de résistante, déportée à
Auschwitz d'où elle revint diminuée.
Aussi ce que Roger Trugnan, lui
aussi résistant de la première heure,
également déporté, vint dire en
conclusion des témoignages de la
journée, avec un récit poignant.
Cette journée restera dans les annales
pour ce qui est de l'arrivée au grand
jour de ce que fut la résistance des
organisations juives de l'immigration
récente à l'époque. Il était temps, plus
de soixante ans après la fin de la guerre, alors que certains s'évertuent à
l'occulter, à faire silence sur ce qu'elle
fut, laissant accroire que les juifs s'étaient tous laissés conduire à l'abattoir.
Les interventions qui se sont succédées au long de cette journée, qu'elles
émanent d'historiens, d'invités ou de
témoins, s'inscrivent à contre-courant
de ce silence assourdissant autour de
ce que fut leur engagement.
Les organisateurs avaient décidé de
donner la parole aux témoins, lors de
trois tables rondes, après que les historiens ou spécialistes se soient exprimés. Ce fut une bonne chose car elle
permit l'expression libre, sans contradiction, de ce qu'avaient préparé ceux
qui allaient faire part de leur itinéraire personnel.
Dans un premier temps, Lucien
Steinberg, président de l'U.J.R.E.,
parla non sans émailler son propos
d'une pointe d'humour, des groupes
autres que ceux de la M.O.I. qui
avaient participé à la Résistance, avec
comme intervenant-témoin maître
Théo Klein, Président du Musée d'Art
et d'Histoire du Judaïsme, qui entretint l'assistance de l'action des
Eclaireurs Israélites de France (E.I.F.)
et de la Sixième. Cela ne manqua pas
de retenir l'attention de l'assistance.
C'est à Adam Rayski, historien,
ancien responsable national de la section juive de la M.O.I., retenu pour
des raisons de santé, que revenait, par
la voix de son fils Benoit, de traiter de
la question de la branche juive de la
M.O.I. en en présentant la stratégie et
l'organisation générale.
Joseph Minc, également retenu pour
raisons de santé, avait fait parvenir un
texte traitant de l'action de l'U.J.R.E.
concernant le sauvetage des enfants
ainsi que la création par cette organisation de la Commission Centrale de
l'Enfance après guerre, dont il fut l'initiateur et le fondateur. Son texte fut
lu par Christiane Galili, de la direction de l'AACCE.
En conclusion de cette première partie, Daniel Darès, directeur du théâtre Antoine, fit une lecture pleine d'émotion du texte d'Aragon: “Groupe
Manouchian” ou l'Affiche Rouge.
Après la pause, la première table
ronde se mit en place sous la présidence de madame Nayet, présidente
de l'Association des amis du musée de
la Résistance Nationale de
Champigny. Le thème en était :
“L'engagement des femmes et des
jeunes : les actions pour le sauvetage
des enfants.” Y prirent part Claude
Collin, sociologue, Katy Hazan, historienne et David Douvette. En tant
que témoins, on entendit Claudie
Bassi évoquer son père Charles
Lederman, Madeleine Dimet alias
Josée, ancienne résistante de l'U.J.J.
zone sud, Tolek Skrobek, ami de longue date de Sophie Schwartz, Yvonne
dans la clandestinité, dont il parla
avec une grande humanité et
Salomon Korolitski, alias Yvan,
ancien résistant de l'U.J.J. zone sud
qui fit part de son parcours de l'époque.
La PNM se propose de publier dans
les numéros à venir les interventions
des témoins, tranches de vie de ces
jeunes juifs engagés dans la résistance au sein de leurs organisations :
l'U.J.J. zone sud et l'U.J.J. à Paris.
Les Amis de la CCE ont décidé d'éditer les “minutes intégrales” du colloque. La PNM ne manquera pas d'en
informer ses lecteurs.
Ce fut alors la pause repas.
La séance reprit à 14 heures avec la
seconde table ronde placée sous la
présidence de Sacha Kleinberg,
membre de la direction de l'AACCE.
Le thème en était : “Le travail de propagande et les actions directes des
résistants de la M.O.I.”
Après les interventions de Claude
Collin et de Denis Peschanski, directeur de recherche au CNRS, quatre
témoins furent entendus : Robert
Endewelt qui parla avec beaucoup de
sensibilité de l'action de l'U.J.J. dans
la région parisienne où il agit durant
toute la guerre, Pierre Gluckstein
(alias Marc), ancien résistant de
l'U.J.J. zone sud qui fut à partir du
début de 1944 responsable des grou-
pes de jeunes de la M.O.I. de toutes
nationalités qui s'étaient créés, évoqua en termes simples son itinéraire
de jeune juif parisien.
Il y eut ensuite Maurice Lubczanski
(alias Gérard Moréno) Il anima une
imprimerie clandestine à Bron dans la
banlieue lyonnaise et retraça avec
verve et humour son parcours de
jeune résistant de la première heure à
Paris dès l'automne de 1940, et sa
descente vers Lyon où il devint un des
responsables de l'U.J.J. Paulette
Sarcey intervint ensuite avec beaucoup de sensibilité el de pudeur; elle
retraça son passé résistant à Paris
avant d'être arrêtée, emprisonnée et
déportée.
A la fin de cette table ronde, la parole
fut donnée à Bernard Frédérick,
Président de la toute nouvelle association : M.R.J.-M.O.I. Il présenta le
projet à partir duquel a été initiée
cette nouvelle organisation dont le
but est de promouvoir publiquement le rôle des résistants juifs de
la M.O.I., dans un espace de
mémoire situé au 14 de la rue de
Paradis. Cet espace serait destiné à
recevoir, en collaboration avec le
musée de la Résistance Nationale de
Champigny, un certain nombre d’éléments mis à la disposition du grand
public, des enfants des écoles et
lycées, etc. afin de porter à la connaissance du plus grand nombre ce que
fut la contribution des juifs de la
M.O.I. dans les combats et luttes pour
la libération de la France.
Il y eut deux conclusions à cette
journée mémorable :
L'intervention tellement humaine et
douloureuse de Roger Trugnan évoquant le calvaire des déportés, lui qui
fut un résistant de la première heure à
Paris avec Paulette Sarcey, Maurice
Lubczanski et d'autres, avant d'être
arrêté et envoyé en camp de concentration nazi.
La présentation et projection du film
de Jorge Amat et Denis Peschanski :
“La traque de l'Affiche Rouge”. Un
film qui fera date par les recherches
qui ont présidé à sa réalisation, sa
qualité et l'apport qu'il représente
pour la connaissance de ces évènements tragiques et glorieux tout à la
fois.
Ce fut autour du verre de l'amitié
offert par la municipalité de Paris en
présence de madame Odette
Christienne que se termina cette journée exemplaire. ■