1. La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.
MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.
Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide
ISSN : 07572395
- Bobigny Gare
de la Déportation
PNM n° 283 – Février 2011 – 29e année
"Espace Mémoire du 14"
vous sollicite
Moyen-Orient
Politique
De la Tunisie à l'Égypte...
Société
6
J.Dimet 3
Marine Le Pen pdte. du FN JY.Camus 3
Cycle "Être juif au XXIe siècle ?"
Plus le mensonge est gros...
D.Vidal 3
Recette juive
pour fabriquer...
L.Sablic 4
Mémoire
Andrésy et SainteMaxime
Voyage du souvenir
5
AFMA 6
Rony Brauman,
un humaniste sans frontières
À partir de l'été 1943, Bobigny se substitua à la
gare du Bourget comme lieu de départ des
convois de la déportation vers Auschwitz.
M.Muller 6
Itinéraire
Le billet d'humeur
Culture
Démographie, démagogie
J.Franck 5
Côté expos : F. Nussbaum
F.Mathieu 7
La chronique Cinéma de
L.Laufer 7
Proust ... l'affaire Dreyfus GG. Lemaire 8
Henri Levart
L
e Collège interarmées de défense formant les
grands chefs militaires vient de reprendre son
nom d’École de guerre : mesure significative des
orientations officielles, à quels desseins ? L’Algérie,
le Vietnam, c’était le bon temps ! Décidément, l’Af
ghanistan ne suffit plus. Un mot terrifiant : la guerre.
Mais n’estelle pas, par une politique ultraréaction
naire, menée contre le peuple ?
Guerre contre les conquêtes sociales, guerre contre les
services publics, guerre contre l’Éducation nationale,
guerre contre les Roms et les sanspapiers, guerre
contre les libertés démocratiques. Pas un jour ne passe
sans que l’on n’apprenne des licenciements, des mises
en examen, des inculpations, des incarcérations de
délégués syndicaux, des expulsions de réfugiés.
Le dialogue social à la sauce élyséenne, c’est la ré
pression dans maintes entreprises privées ou d’État.
Un tel acharnement, sans compter les tests ADN
auxquels se refusent les militants incriminés, ne to
lère aucune expression de mécontentement. Les
CRS ont violemment dispersé les manifestants lors
de la visite de Sarkozy à Toulouse. Un important
dispositif policier a été déployé devant un immeuble
parisien de haut luxe occupé par des « galériens du
logement ». Sur un ordre de réquisition, le préfet a
cassé la grève des agents de sécurité de l’aéroport de
Marseille.
La France, terre d’accueil, est défigurée quand un
journaliste chilien, venu chercher dans un commis
sariat son fils indûment arrêté, est molesté et mis en
garde à vue un jour durant. Mgr Gaillot a bien raison
de s’exclamer : « Police partout. Justice nulle
part. » JeanPierre Dubois, président de la Ligue des
droits de l’Homme aussi, qui déclare :
Le N° 5,50 €
Février
20/02/2011 : Journée mondiale de la justice sociale
21/02/1944 : 23 membres de la M.O.I. – dit groupe
Manouchian – sont fusillés au MontValérien
21/02/2011 : l'Affiche Rouge : projections et con
férences au Mémorial de la Shoah de 14h. à 17h.
25 janvier 2011. Aboutissement de longues années
de démarches de nombreuses organisations et de la
ville de Bobigny. Catherine Peyge, son maire, et
Guillaume Pepy, président de la SNCF, signent
l'acte transférant, moyennant l'euro symbolique,
l'ancienne gare de Bobigny à la Ville.
Simone Veil, présente, a manifesté, au nom de la
Fondation pour la mémoire de la Shoah, sa
confiance à la municipalité de Bobigny dans son
projet d'aménager cette gare en lieu de Mémoire et
d'Histoire, en partenariat avec les associations de
déportés et de résistants.
A (re)voir, l'émouvant film d'Henri Jouf Gare de la douleur
et des photos de la cérémonie de transfert de propriété de la
gare de Bobigny (www.garedeportation.bobigny.fr/index.php/
Accueilgaleriephotos)
J’ai pas volé l’orange
« Si les policiers ne sont plus les représentants du
droit, on va les obliger à mener une guerre…Le gou
vernement fait peu à peu de l’État de droit une co
quille vide ».
C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de Loi
d’orientation et de programmation pour la perfor
mance (sic) de la sécurité intérieure (LOPPSI 2)
adopté par le Sénat. Voici l’énumération de ses dispo
sitions liberticides :
Expulsion en 48h, sans contrôle du juge, de tous ha
bitants d’habitats hors normes (tank, cabane, cara
vane, yourte, mobil home, bidonville, bus ou camion
aménagé) sur terrain public ou privé et destruction de
leurs habitats.
Contrôle accru sur les prestations sociales et obliga
tion pour les travailleurs sociaux de procéder à la dé
lation.
Couvrefeu pour les mineurs de treize ans.
Extension de contrat de responsabilité parentale.
Renforcement du contrôle administratif des mineurs
délinquants et procédure de comparution immédiate
devant le Tribunal pour enfants.
Reconduction des fichiers de police et de gendarme
rie actuels. Les personnes innocentées resteront ainsi
fichées.
Les entreprises privées pourront installer des camé
ras aux abords de leurs établissements et les préfets
le long des manifestations.
La police pourra avoir accès en direct aux images
captées dans les halls et les parties communes d’im
meubles.
Les images de vidéosurveillance publique pourront
être exploitées par des entreprises privées agréées par
le préfet.
Des logiciels de reconnaissance faciale automatique
pourront être utilisés aux fins d’identification des sujets.
Filtrage et censure de sites Internet.
Renforcement des pouvoirs de la police munici
pale.
Instauration d’un Conseil national des activités pri
vées de sécurité, entérinant la privatisation croissante
de cette sécurité.
Comble de l’illégalité : création d’une milice sup
plétive, dite « réserve civile » de 200.000 gendarmes
et policiers à la retraite et étudiants rémunérés.
Une législation qui nous prépare une société de con
trôle fondée sur la tension et la stigmatisation. Le
Crif n’a pas tardé à s’y engouffrer. A l’aide d’un slo
gan stupide : « Le palestinisme est source d’anti
sémitisme » et avec l’appui de la ministre de
l’Enseignement supérieur, il a obtenu l’interdiction*
d’une conférencedébat prévue dans les locaux de
l’Ecole Normale Supérieure à laquelle Stéphane
Hessel devait participer et qui portait sur la politique
expansionniste d’Israël.
Revenons à l’Enfance : le pouvoir avait déjà préconi
sé de détecter le symptôme de la délinquance dès
l’âge de trois ans. Deux polissons qui avaient em
prunté et restitué des bicyclettes avaient été appré
hendés dans les locaux de leur école. Tout
récemment, un petit garçon scolarisé depuis 4 ans
avait été maintenu en rétention avec son père, ar
ménien.
Il y en a qui s’en mettent impunément plein les
poches par leurs malversations. Dans la chanson de
Gilbert Bécaud, un gamin apeuré clame son
innocence : « J’ai pas volé, pas volé, pas volé
l’orange du marchand ».
* Lire en p.5, Dominique Vidal "Plus le mensonge est gros..."
2. 2
Carnet
Joseph Minc
L a
P re s s e
N o u v e l l e
M a g a z i n e
–
I S S N
:
0 7 5 7 2 3 9 5
est mort le 8 janvier 2011
Militant du parti communiste polonais dès
l’âge de seize ans, il arrive en France en
1931 et rejoint durant la seconde guerre
mondiale les rangs de la M.O.I. Il fut, jus
qu’en juin 1946, secrétaire général de la
Commission centrale de l’enfance (CCE)
auprès de l’UJRE. Il participa ensuite à la
création du MRAP, issu du MNCR, et devint
secrétaire général de l’UGEVRE (Union gé
nérale des engagés volontaires et resistants
d’origine étrangère). Pour l’évoquer, nous
donnons la parole à son fils, en publiant
des extraits de l’allocution prononcée le 12
janvier au cimetière de Bagneux :
« Vous verrez, dans les fairepart qui se
ront publiés qu’il est écrit Joseph Minc,
ancien résistant M.O.I. C’était son souhait
et c’est le résumé du long chemin qui part
de BrestLitovsk en 1908 et s’achève au
jourd’hui dans ce cimetière parisien. Dans
ces mots “résistant M.O.I.”, que de conti
nents engloutis ! Le “shtetl” de son en
fance ; le judaïsme dont il s’était à la fois
éloigné et qui demeurait néanmoins,
comme pour notre mère, si proche ; le
communisme qui l’a aidé à s’émanciper de
l’omniprésence rabbinique et dont il s’est,
plus tard, écarté en amoureux déçu mais
toujours attentif ; quant à la Résistance,
c’est elle qui a fait de cet immigré, un
Français à part entière, dont la première
tâche fut de s’occuper des orphelins de la
Shoah… »
Rappelons que fidèle à son idéal, il figure
parmi les parrains de l'association Mémoire
des Résistants Juifs de la M.O.I.
Les équipes de l’Ujre et de la Pnm
Magazine Progressiste Juif
fondé en 1934
Editions :
19341993: quotidienne en yiddish, Naïe Presse
(clandestine de 1940 à 1944)
19651982: hebdomadaire en français, P NH
depuis 1982 : mensuelle en français, P NM
éditées par l'U.J.R.E
N° de commission paritaire 0614 G 89897
Directeur de la publication
Jacques LEWKOWICZ
Rédacteur en chef
Roland Wlos
Conseil de rédaction
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Jeannette GaliliLafon, Patrick Kamenka,
Nicole Mokobodzki
Administration Abonnements
Secrétaire de rédaction
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Rédaction – Administration
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qués... Communiqués ...
P.N.M. 283 Février 2011
Communiqués ... Communiqués ...
Sauvons la liberté d'expression
L
a direction de l’ École Normale Supérieure de Paris, mettant fin
à une
tradition de libre expression qui la caractérisait, a annulé, après l'avoir au
torisée, la conférencedébat du 18 janvier que devait donner Stéphane Hessel
avec Leïla Shahid (ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Euro
péenne), Jamal Zahalka (dirigeant de Balad, député au Parlement israélien),
Michel Warchavski (fondateur du Centre d'information alternative israélien),
Benoist Hurel (secrétaire général adjoint du Syndicat de la Magistrature)…
Le Crif, prétendant agir au nom des juifs de France alors qu’il n’en représente
que 10% environ, se félicite d'avoir pu, en faisant intervenir différentes per
sonnalités, mettre fin à l'expression d'idées qui lui déplaisent.
L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) ne saurait tolérer la
réduction des droits d’expression des citoyens et ne peut accepter une telle at
teinte à la liberté d’expression en France. Quels que soient ses désaccords
concernant les appels au boycott, l’ UJRE s’élève contre les poursuites judi
ciaires visant leurs auteurs et contre cette censure, qui s'inscrivent dans le
cadre des tentatives répétées pour faire taire tous ceux qui critiquent la poli
tique du gouvernement israélien et militent pour une paix juste, durable et né
gociée entre les deux États.
Pour toutes ces raisons, l’ UJRE a appellé à participer au rassemblement de
protestation du mardi 18 janvier 2011, à 18h 30, place du Panthéon (Paris).
Pour une
nouvelle politique de
l’Union européenne au
Proche-Orient
Appel
L
(...)
’impunité, c’est l’assurance que se per
pétuera la même politique. (...) Les gou
vernements israéliens successifs s’obstinent
à nier les droits fondamentaux du peuple pa
lestinien, à saccager le contenu de tous les
accords de paix proposés depuis ceux
d’Oslo. (...) Sanctionner la politique is
raélienne apparaît aujourd’hui comme une
nécessité si l'on veut faire avancer la cause
d’une paix juste au ProcheOrient (...).
Des sanctions ? Mais lesquelles ? La
question nécessite une clarification. (...)
La première exigence est la suspension de
l’accord préférentiel entre l’Union euro
péenne et l’Etat d’Israël. Ne pas le suspen
dre encourage une politique qui nie en per
manence les droits humains les plus
élémentaires. L’Union européenne a (...)
adopté des textes, relatifs à la traçabilité des
produits israéliens ou supposés tels, qu’elle
n’applique que de façon partielle et insuf
fisante. Les investissements d’entreprises eu
ropéennes qui facilitent la colonisation ou
en profitent doivent cesser.
Suspendre l’accord préférentiel jusqu’à ce
qu’Israël s’engage réellement dans un pro
cessus de paix, appliquer les textes qui inter
disent aux produits des colonies d’être
importés en Europe sous label israélien,
deux décisions qui constituent à nos yeux
des objectifs politiques immédiats, crédi
bles, justes, efficaces, rassembleurs. Les pa
roles creuses de soutien aux droits palesti
niens, démenties par les encouragements de
facto à la politique qui les nie, laissent le
champ libre aux dirigeants actuels d’Israël.
(...)
Nous rejetons deux posi
tions antagonistes : D’un
côté celle qui prône le boy
cott total d’Israël, mesure
proclamée radicale ; d’un
autre côté, celle des forces qui n’ont jamais
agi pour que l’Union européenne exerce
une pression réelle sur la politique israé
lienne et prennent prétexte de la prétendue
radicalité du boycott total, qualifié de cam
pagne de haine, pour exiger d’inacceptables
censures ou poursuites judiciaires. Nous
considérons qu’il faut être aux côtés des
progressistes israéliens, qui soutiennent le
boycott des produits des colonies, comme
aux côtés des progressistes palestiniens.
Nous soutenons la demande de hauts res
ponsables palestiniens pour une action vers
l’Union européenne, en vue de sanctions ef
ficaces, et non du boycott total d’Israël.
(...) Seule [ la ] clarté permettra de con
vaincre ; elle seule permettra l’union la plus
large pour que cesse enfin un conflit meur
trier, absurde en tout point car les condi
tions du règlement pacifique juste et
négocié sont connues et elles s’imposeront.
(...)
Nous nous y engageons*, nous vous y
engageons.
* Notons, parmi les signataires auxquels
vous pouvez vous joindre en adressant un
mèl à : lederer@lps.upsud.fr
Raymond Aubrac, résistant
MarieGeorge Buffet, députée PCF
Maurice Cling, ancien déporté, professeur d'univer
(janvier 2010)
Par l'édition de la Presse Nouvelle Magazi
ne, l'UJRE maintient l'expression d'une voix
juive, laïque et progressiste dans ses locaux
historiques du "14". Ceuxci, rénovés par
la Ville de Paris, sont désormais gérés par la
Fédération "Espace Mémoire du 14" qui
regroupe ses trois fondateurs : l'Union des
Juifs pour la Résistance et l'Entraide
(UJRE), la Mémoire des Résistants Juifs de
la MOI (MRJMOI) et Les Amis de la CCE
(AACCE). Si l'action de chaque association
est spécifique, ensemble, elles œuvrent à
réaliser au "14" un Espace Mémoire dédié à
l'engagement des résistants immigrés juifs
de la M.O.I. (cf. p.5). Conscients des nom
breux appels faits à votre générosité, nous
souhaitons préciser pourquoi l'UJRE
maintient dans ces colonnes sa souscription
permanente – et où va l'argent ? S'ajoutant
aux cotisations de nos adhérents et aux
abonnements de la PNM, il contribue au fi
nancement de la Fédération pour sa gestion
des locaux et assure le développement des
activités de l'UJRE (rencontres, débats) et
notammment de son activité éditoriale.
Connaissant votre attachement à notre jour
nal "pas comme les autres", nous vous
remercions d'avance pour votre soutien.
Jacques Lewkowicz, président de l’Ujre
Total 715
(*) sauf mention explicite (adhésion, réabon
nement ou don), vos règlements sont imputés
en priorité en renouvellement d’abonnement,
puis en don. Pour rappel, 66% des montants
d’adhésion à l’UJRE et des dons sont déduc
tibles de vos revenus. Nous prions nos abon
nés de bien vouloir renouveler spontanément
leur abonnement, pour nous épargner des frais
de relance. Votre PNM vous en remercie
d’avance.
sité honoraire
Michel Dreyfus, historien
JeanPierre Dubois, pdt. LDH
Stéphane Hessel, Ambassadeur de France
Henri Leclerc, pdt. d’honneur LDH
Pascal Lederer, physicien, coanimateur d’UAVJ
Maurice Rajsfus, pdt. de l’Observatoire des libertés
Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT
Roland Wlos, ancien conseiller municipal de Paris
Avis de recherche
in décembre 2010, Sophie Szejer nous adressait
l'avis de recherche de ses cousines, Rachel et Georgette Chimisz (voir Pnm n°
282 de janvier 2011).
Depuis, grâce à nos amis lecteurs, qu'ils en soient remerciés, nous retrouvons trace
de Rachel Belhassen née Chimisz, par le très beau témoignage sur son père, Kalme
Chimisz, paru sur le site de l'association Convoi 73*.
Georgette Chimisz aussi qui, enfant, était au foyer du Raincy Côteaux...
Il ne nous manque plus que leurs coordonnées, merci si vous avez des éléments de
réponse de les transmettre au journal.
PNM
* http://www.convoi73.org/temoignages/026_kalme_chimisz/
F
Ujre
- La Presse Nouvelle Souscription* n° 58
F
Les 4 fusillés
du KremlinBicêtre
rance 3
diffuse le
26 février à
15h25 et le 28 fé
vrier à 00h35 ce
documentaire
(2009) d'une qualité exceptionelle, réa
lisé par Caroline Bray, jeune diplômée
de philosophie à partir de quelques
photos, lettres et documents trouvés
par hasard dans une décharge, les
photos ayant attiré son attention.
Au sortir de ce film chacun est plus
que convaincu de l'importance de pré
server tout document, qui peut parfois
sembler ne présenter aucun intérêt.
3. P.N.M. 283 Février 2011
Politique
Marine Le Pen devient
présidente du Front national
E
lle a été élue à Tours le 16 janvier avec
67% des voix des militants.
Estce un FN nouvelle formule qui est
apparu le 15 janvier sous les traits d’une
Marine Le Pen très confortablement choisie
par les militants, face à Bruno Gollnisch ?
Le contraste est déjà saisissant, dans la
forme, entre Marine et son père, et même
entre Marine candidate et Marine installée.
Le 15 janvier, pour son dernier discours
présidentiel, JeanMarie Le Pen était apparu
égal à luimême : dénonçant « le mythe de
la Résistance », parlant de l’Indochine et de
l’Algérie comme de « guerres de décoloni
sation dans lesquelles les soldats français
[étaient] venus protéger les populations ci
viles », rappelant la mémoire de l’historien
négationniste et antisémite François Duprat,
cadre fondateur du FN naissant dans les an
nées 70.
Le discours de Marine Le Pen, le lende
main, marque une inflexion sensible. Tout
le monde a noté sa tonalité sociale, l’accent
mis sur la défense des couches populaires
face aux « superriches », à « l’injustice gé
néralisée » et au « règne déchaîné de l’ar
gent », la volonté de réhabiliter la notion
d’État interventionniste. Tout le monde a
remarqué aussi que l’immigration devenait
un thème secondaire, la nouvelle présidente
mettant l’accent sur les valeurs républi
caines, la laïcité et le refus de la visibilité de
l’Islam sur le sol français.
Estce pour autant que le Front national a
définitivement tourné le dos à l’extrême
droite ? Il y a certes l’omniprésence des ré
férences à la République. Mais il reste l’at
taque mariniste contre la « repentance
névrotique » et plus encore celle contre
« les associations prétendument “antira
cistes”, qui sont appelées à jouer les procu
reurs, prérogatives illégitimes qu’elles
utilisent abusivement pour imposer une
censure politique ou exercer un véritable
racket sur les justiciables »... On note aussi
la dénonciation de la « fracture ethnique »
opposant une France fondée sur les
« principes chrétiens sécularisés » à
l’Islam. Marine Le Pen s’attaque au multi
culturalisme en général, assurant que le FN
veut « tout pour les citoyens, rien pour les
communautés » et promet que son parti
« fera inscrire dans la Constitution : “La Ré
publique ne reconnaît aucune communauté” ».
L
A quoi ressemble l’appareil frontiste désor
mais ? Avec 32,35% des voix, les partisans
de Bruno Gollnisch représentent un tiers
des militants. Au comité central du FN, ils
disposent de 42 sièges sur 120 et au bureau
politique, de 10 places sur 42. Dans le nou
vel organigramme, un homme fort : le ma
riniste Steeve Briois, élu local de
HéninBeaumont, nommé secrétaire géné
ral. Le bureau exécutif est entre les mains
de « marinistes » convaincus comme Alain
Jamet, Louis Aliot ou MarieChristine Ar
nautu, qui est en charge des questions so
ciales. Pour gagner en crédibilité, Marine
Le Pen a fait entrer directement au bureau
politique deux intellectuels : Laurent Ozon,
écologiste formé par la Nouvelle Droite et
qui a travaillé avec Antoine Waechter, ainsi
que le géopolitologue David Mascré, ancien
chargé de mission au ministère des Affaires
étrangères, auteur d’un livre sur l’affaire
Ilan Halimi, « Des barbares dans la cité »,
ce qui lui a permis d’être invité plusieurs
fois au salon du livre du Bnai Brith.
Au sein de la tendance minoritaire, les radi
caux continueront à siéger. Yvan Benedetti,
Alexandre Gabriac, issus de l’Œuvre fran
çaise, sont au comité central. Farid Smahi,
qui joua un rôle dans l’organisation de la vi
site de Dieudonné à un meeting frontiste au
Bourget en 2006, élu brillamment au Comi
té Central, a par contre exprimé son désir de
quitter le parti. Motif : il reproche à Marine
Le Pen d’« être financée par les sionistes
comme tous les autres mouvements d’ex
trême droite » et de se taire sur la « véri
table colonisation, (celle) des territoires
occupés palestiniens. ». Aux poubelles de
l’Histoire…
Le FN version Marine est donc un parti ra
jeuni, doté d’une dirigeante qui a envie du
pouvoir et qui a voulu imprimer tout de
suite sa marque. La question identitaire,
l’évocation du rôle « d’éveilleur » joué par
le parti, le thème du localisme et celui de
l’écologie, évoquent une influence in
déniable des idées néodroitières et de
cadres naguère tentés par Bruno Mégret.
Bruno Gollnisch lui, compte regarder d’un
peu loin se mettre en œuvre une stratégie
qu’il juge vouée à l’échec. Quoi qu’il en
soit, le congrès du FN, n’en déplaise à Na
dine Morano, n’était pas un « non événe
ment ». Surtout pas pour l’UMP…
Jean-Yves Camus
3
Plus le mensonge est gros...
M
ardi 18 décembre 2010 à 20 h.
l'École nationale supérieure (ENS)
de la rue d'Ulm devait accueillir
une conférence organisée par les initia
teurs de l' « Appel de solidarité avec Sté
phane Hessel et toutes les victimes de la
répression 1».
Avant de déshonorer le Quai d’Orsay en
proposant à Ben Ali le renfort du « savoir
faire français » afin de rétablir l’ordre (dic
tatorial), Michèle AlliotMarie avait sévi
place Vendôme. Ministre de l’Injustice, elle
inventa de toutes pièces, à l’occasion d’un
dîner du Crif d’Aquitaine, le 18 février
2010, un « boycott des produits casher 2»…
dont elle niait encore l’existence neuf mois
plus tôt à l’Assemblée nationale 3. Et pour
cause : personne n'a jamais prôné une ac
tion aussi révoltante – on attend toujours les
preuves annoncées par MAM…
Cette manipulation lui a néanmoins permis
d’appliquer aux militants de la Paix l'alinéa
8 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881,
qui punit la « provocation publique à la dis
crimination » de peines allant jusqu’à 3 ans
de prison ferme, 45 000 euros d'amende –
plus, s'agissant de fonctionnaires, la radia
tion de la Fonction publique. L'incroyable
disproportion entre le « délit » reproché –
un tract, une affiche, un autocollant – et les
sanctions encourues a scandalisé tous ceux
qui s’inquiètent des atteintes répétées du
pouvoir aux libertés publiques.
D'où l'extraordinaire succès de l'Appel : plus
de 15 000 signatures, parmi lesquelles de
nombreuses personnalités intellectuelles et
politiques dont certaines n'avaient jamais
apposé leur nom au bas d’une critique de la
politique israélienne. Parallèlement, Sté
phane Hessel est devenu millionnaire en...
brochures au titre explicite : Indignezvous !
Voilà qui a fait perdre leurs nerfs aux plus
inconditionnels des amis français de Be
nyamin Netanyahou. On se souvient qu'à la
mioctobre dernier, un certain Taguieff, na
guère suspecté comme « rougebrun » dans
les colonnes du Monde, traita le vieux dé
fenseur de toutes les causes justes de « ser
pent venimeux dont on comprend qu'on ait
envie de lui écraser la tête », avant de qua
lifier le résistant, envoyé de Londres en
France, arrêté et torturé par la Gestapo, puis
déporté à Buchenwald de… « garde
chiourme » des SS…
Bref, lorsque la directrice de l'ENS, Mme
CantoSperber, accorda une salle à Sté
phane Hessel et à ses invités 4, Richard
Prasquier, le président du Crif, utilisa toutes
ses « relations » pour faire interdire la
Le Front national reste le Front national !
e ripolinage de Marine Le Pen n’aura duré que le temps
d’une campagne de communication voulant donner à
penser que la présidente et son parti étaient désormais
fréquentables…par certains à l’UMP.
Parmi les constantes du FN, le mensonge, la haine de la dé
mocratie, des journalistes et des juifs sont toujours aussi pré
sents et « le ventre est toujours fécond ».
Samedi soir [15/01], Michaël Szames journaliste à France 24
arrive à Tours pour exercer son métier d’informateur.
Vers 22h30 il entre, en tant que journaliste à un dîner de gala
du FN afin de recueillir des informations sur le vote qui s’est
déroulé pendant plusieurs jours ; il se fait insulter, agresser,
déposséder de sa carte de presse et jeter comme un chien par
sept nervis du service d’ordre du FN qui lui tiennent les
mains derrière le dos.
Les cervicales, le genou sont touchés, il souffre de multiples
contusions, sans compter le traumatisme subi : quinze jours
d’arrêt maladie et accident du travail.
Paris le 17 janvier 2011
[ Communiqué ]
Le président sortant du FN n’a pas manqué de poursuivre
dans l’ignoble en affirmant dimanche lors d’un point de
presse : « Le personnage en question a cru pouvoir dire que
c'est parce qu'il était juif qu'il avait été expulsé... Cela ne se
voyait ni sur sa carte d'identité ni, si j'ose dire, sur son nez ».
Quand à Marine Le Pen, elle a osé affirmer lundi sur RMC
InfoBFM TV : « Il aurait dû dire sur son front, ça au moins
cela aurait évité la polémique ».
Et en plus le FHaine porterait plainte pour dénonciation ca
lomnieuse !
Michaël Szamez ayant porté plainte pour agression, le SNJ*
CGT se portera partie civile à ses côtés, s’il le souhaite, pour
atteinte à la liberté de la presse.
Il est temps que la profession démasque ce qu’est et reste vé
ritablement le FN : un parti antidémocratique, dont le pro
gramme économique et social est à l’opposé de l’intérêt des
salariés et des couches populaires qu’il prétend sans honte
défendre.
* SNJ : Syndicat National des Journalistes
Société
conférence. Fier comme Artaban, il le narra
luimême dans un éditorial sur le site du
Conseil 5: « Valérie Pécresse, ministre des
Universités, ainsi que le rectorat de l’Uni
versité de Paris que nous avons contactés
en urgence ont réagi sans ambiguïté : je
leur rends hommage, ainsi qu’à Claude
CohenTannoudji, Prix Nobel de Physique,
BernardHenri Lévy et Alain Finkielkraut,
tous anciens élèves de l'École normale su
périeure. Et une pensée particulière à Mme
CantoSperber qui mène un combat inces
sant contre des dérives inquiétantes. » Et
d’enfoncer le clou : « C’est bien le Crif qui
est à la manœuvre derrière toutes les procé
dures contre le boycott. »
Cette arrogance ne dura guère. Car la plu
part des « personnalités » citées démentirent
avoir exigé une quelconque censure. Quant
à la conférence, elle se déroula devant le
Panthéon : comme un hommage de la pa
trie reconnaissante à ce grand jeune
homme, bien vivant, lui, de 93 ans...
Tout est bien qui finit bien, diraton. Sauf
que Prasquier, Pécresse, CantoSperber, Co
henTannoudji, BHL, Finkielkraut et la qua
sitotalité des commentateurs ont rabâché la
même contrevérité : la conférence aurait eu
pour but d'appeler au boycott d'Israël.
Il était pourtant facile de consulter le site de
l'Appel pour en vérifier le verbatim : « Cer
tains d’entre nous appellent au boycott de
tous les produits israéliens ; d’autres
“ciblent” les seuls produits des colonies is
raéliennes ; d’autres encore choisissent des
formes d’action différentes. Mais nous
sommes tous unis pour refuser catégorique
ment que les militantes de la campagne
internationale BoycottDésinvestissement
Sanctions (BDS) soient accusés et jugés
pour “provocation publique à la discrimi
nation” alors qu’au contraire ils com
battent contre toute forme de discri
mination, pour le droit de tous les peuples à
l’autodétermination, pour l’application à
tous les États du droit international et des
sanctions prévues lorsqu’ils le bafouent. »
L’invitation à la conférence, elle, ne com
portait même pas le mot « boycott ». Et les
1 500 participants au meeting du Panthéon
(cinq fois plus que la salle de l’ENS n’en au
rait accueillis) peuvent en témoigner : si
certains des orateurs ont évoqué ledit boy
cott, presque tous ont prôné celui des pro
duits des colonies israéliennes de Cis
jordanie – conformément aux décisions de
la Cour de justice de l’Union européenne.
Comment, cela dit, qualifier un pays où une
ministre, le président d’un Conseil commu
nautaire, la directrice d’un des hauts lieux
de l’intelligence française, deux philo
sophes qui prétendent incarner celleci et la
plupart des journalistes répètent, toute honte
bue, une contrevérité, dans le plus parfait
mépris de leurs concitoyens ? Un tel com
portement devrait être sanctionné, au moins
symboliquement. Car, comme le notait le
pamphlétaire angloaméricain Thomas
Payne, « c’est un affront que de traiter le
mensonge avec complaisance ».
Dominique Vidal
1. Voir site www.collectifpaixjustepalestine.org
2. « Michèle AlliotMarie : “Ma présence parmi
vous ce soir est l’occasion de réaffirmer la place
de la communauté juive au sein de notre Na
tion”, www.crif.org
3. Séance unique du 20/05/2009, Ass. nationale
4. En toute connaissance de cause, comme le
prouvent les mèls envoyés par le signataire de
ces lignes à son assistante.
5. http://www.crif.org/index.php?page=articles
_display/detail&aid=23242&returnto=searchadv/
motor&artyd=70
4. 4
C ycl e
o pi n i o n s
:
ê t re
J u i f
a u
X X I em e
s i è cl e
P.N.M. 283 Février 2011
Recette juive pour fabriquer
de bons petits Français !
Laurent Sablic
V
ers l’âge de 8 ans, quand un de
mes camarades me demandait
pourquoi, contrairement à la
quasitotalité des écoliers de ma
classe, je n’allais pas le jeudi au caté
chisme, je répondais que j’étais juif
communiste ! Il me semblait que cette
explication devait suffire à éclairer
leur lanterne. À CharentonlePont,
ValdeMarne, ville où j’habitais alors,
cette réponse me conférait une cer
taine notoriété, un parfum d’originali
té, mais elle ne m’aidait guère à
renforcer ma cote de popularité. Pour
tant, je n’en ai guère souffert. Les co
lonies de vacances de la CCE*, au
château du Roc et à Celles sur Plaine,
me fournissaient un contingent suffi
sant de jeunes de mon âge fréquen
tables et normaux, c’est à dire tous…
juifscommunistes.
Après avoir déménagé vers un quartier
normal lui aussi, le XIe arrondisse
ment, tant au patronage, passage
Charles Dallery, qu’au Lycée Voltaire,
j’ai pu également vérifier qu’il était
plus courant dans notre pays de se dé
nommer Eisenberg, Poznanski, Tenen
baum, Rosenblat, Wainberg ou
Szwarcblik que Martin, Pion ou Dela
nois. J’ai aussi découvert, au fil du
temps et de mon engagement poli
tique, qu’au sein de cette catégorie im
mense des juifscommunistes il
existait des variantes assez nom
breuses : des trotskistes – euxmêmes
subdivisés en pas mal de souscatégo
ries , des maoïstes, des réformistes,
des staliniens… Heureusement pour
mon équilibre psychique, ils étaient
tous juifs. Quand même !
Ainsi, pendant une longue période,
celle de mon enfance et de mon ado
lescence, je n’ai guère rencontré de
problèmes identitaires, comme on dit
de nos jours. Chez mes grandsparents
et dans les fêtes de famille, ça parlait
yiddish, ça chantait yiddish, ça s’en
gueulait yiddish, et bien sûr, ça man
geait yiddish.
serter longuement sur les différences
entre Montagnards et Girondins. Bref,
entre la maison, les vacances, le lycée,
rien ne venait faire de l’ombre à ce
sentiment d’être au bon endroit, et au
bon moment, en France dans les an
nées 60/70.
J’ai aujourd’hui 53 ans, quatre en
fants, et LA question qui se pose à pré
sent pour moi, comme à d’autres
j’imagine, c’est :
Et la France ? Quoi, la France ?
Pas de synagogue, pas de shabbat, pas
de fêtes juives.
Bien entendu, il y avait la déportation,
le génocide – on ne disait pas Shoah –,
nos familles disparues et la commémo
ration annuelle, rue de Lancry, du sou
lèvement héroïque du ghetto de
Varsovie, avec au final un récital de la
Chorale populaire juive dans laquelle
chantaient mes grandsparents. Mais
là encore, ces récits, ces témoignages
étaient surtout l’occasion de mettre en
avant les actes de résistance des nom
breux juifs communistes face à la bar
barie nazie plutôt qu’à souligner une
spécificité de notre condition de juifs.
Plus persécutés que les autres, certes,
mais aussi, plus engagés, plus valeu
reux, plus admirables. Je n’ai compris
C’était notre pays, à nous les juifs
communistes. Contrairement aux
autres, terme dont je n’ai compris que
tardivement qu’il désignait les sio
nistes, ceux dont mon grandpère ne
parlait qu’avec un mépris appuyé et
qui s’intéressaient à un pays lointain
appelé Israël et qui de surcroît lisaient
Unzer Vort et non le grand journal fa
milial, la Naïe Presse, je me sentais
plus français que les Français. Du
reste, contrairement aux rares goys
égarés dans nos classes du lycée
Voltaire, j’avais lu Hugo et Zola, en
couragé par ma grandmère qui les li
sait en yiddish ; grâce aux "14 juillet"
de la CCE, je pouvais à onze ans dis
Que restetil de tout cela ?
Q’avonsnous à transmettre ?
A vrai dire, il reste peu d’éléments ob
jectifs de la culture juive que je puisse
réellement envisager de confier en hé
ritage à Mathilde, Hugo, Josépha et
Gabrielle.
La religion a été totalement absente de
mon éducation, et, pour être clair, je
n’en conçois aucun regret. Le récit de
Pâques, fait par Mme Slovès au patro
nage, n’avait guère de chances de
nous permettre de renouer avec nos ra
cines : il prenait la dimension hé
roïque des luttes internationales des
peuples du monde pour leur libération
et, dans ces années là, du Vietnam à
Cuba, on ne manquait pas d’exemples
plus récents que les tribulations de ces
malheureux Hébreux, il y a quelques
milliers d’années. Aussi bien, Sacco et
Vanzetti rejoignaient les époux Rosen
berg dans notre Panthéon progressiste
et j’ai plus fréquenté Lénine que
Moïse au cours de nos veillées de
chant, au Roc. Je me souviens même,
lors des fameux spectacles qui consti
tuaient le moment le plus attendu de
nos colos, d'avoir joué un B52 bom
bardant le valeureux peuple vietna
mien au cours d’une représentation de
l'Homme aux sandales de caoutchouc,
une pièce de Kateb Yacine ! Heureuse
ment, je pense qu’il n’existe pas de
traces de cette soirée.
que plus tard, la dimension particu
lière de cette volonté méthodique
d’anéantissement des juifs. Mais, ce
que j’ai sinon perdu, du moins mis du
temps à saisir, est compensé par ce
que j’ai gagné : le sentiment que le
sort des juifs, aussi singulier soitil,
n’est pas d’une nature si différente des
souffrances et des luttes des autres hu
mains de notre planète. Cela, j’ai es
sayé de le transmettre.
Et puis, il y a d’autres valeurs que
nous ont transmis nos familles et nos
éducateurs de la CCE : le droit des en
fants de s’exprimer et de prendre part
aux décisions qui les concernent ; la
stricte égalité entre garçons et filles ;
le caractère sacré de la lecture ;
l’amour de ce pays, la France, qui a
tant de choses à dire au monde… Sans
doute, il n’y a pas besoin d’être juif
pour partager ces valeurs. Mais, le fait
est que nous pensions que tout ça avait
un petit côté juif. En face, d’autres le
pensaient et le pensent encore.
Enfin, il y a l’humour, les blagues, les
witz** … Hélas ! Pour ma famille et
pour mes amis, c’est sans doute la part
la plus avérée de ma culture juive !
Mais c’est un tel trésor et qui résume
si bien la distance nécessaire qui doit
faire de nous des hommes et non des
soldats.
Pour conclure...
Je dirai que l’éducation juivecom
muniste, reçue principalement à la
CCE, a produit quelque chose d’ir
remplaçable pour notre génération :
elle nous a permis de nous passer de
cette référence permanente à notre sin
gularité. En cela, elle est fidèle à ses
principes. Audelà de la nostalgie, des
moments chaleureux et amicaux que
nous avons vécus, cette éducation
nous a permis, parfois à son corps dé
fendant, de nous émanciper et d’entrer
de plainpied dans la société française.
Une éducation laïque, donc.
Grâce au Château du Roc, à nos moni
teurs, à nos chansons, à nos représenta
tions théâtrales, à nos copains, nous
sommes devenus des membres à part
entière d’un pays extraordinaire, la
France. La CCE nous a protégés,
vaccinés, contre toute tentation de re
pli sur les origines, d’exaltation de
l’appartenance à un groupe, de com
munautarisme pour employer ce mot
qui ne veut pas dire grandchose.
J’éprouve une grande tendresse pour
la CCE, je n’apprécie guère les procès
que l’on fait à ceux qui l’ont animée
toutes ces années, et en général –
après en avoir fait partie –, je n’aime
guère les donneurs de leçons. Quelles
que soient leurs erreurs, ils nous ont
donné beaucoup de leur temps, la plu
part d’entre eux nous ont aimés sincè
rement, parfois avec maladresse,
toujours avec enthousiasme et avec un
projet, des valeurs dignes de respect.
Mais, c’est le passé. Un passé qui mé
rite certes d’être rappelé, étudié, mais
ni d’être exalté ni de remplacer la vie,
celle que nous vivons ici et mainte
nant.
Je dois donc reconnaître que tout ce
la, me concernant, c’est une histoire
qui s’épuise, qui s’éloigne, qui va
prendre fin inéluctablement. Et même
si la nostalgie est là, cette disparition
n’est pas tragique, elle est aussi la
condition pour que nous vivions notre
époque de l’intérieur, comme acteurs
engagés et non comme une élite
distinguée par un quelconque mérite
tiré de ses origines.
Au fond, c’est cela que je me sens
en mesure de transmettre : la possi
bilité donnée à mes enfants de pouvoir
être ce que le nazisme a refusé aux
juifs européens, de jeunes adultes
comme les autres avec un avenir à
construire, dotés d’une histoire fami
liale, de quelques récits, de valeurs
qu’ils réinventeront, et … d’un solide
humour juif !
Laurent Sablic
* CCE : Commission Centrale de
l'Enfance. Créée par l'UJRE dès la Li
bération, elle prend la forme d'une as
sociation (loi 1901) en 1947.
** Witz : Mot d'esprit, plaisanterie.
Jean-François Zygel
entouré de
Philippe
Berrod
Talila
présente
M
Martine
Bailly
iv
ma famille ju
is h p o k he ,
en hommage
à Shalom Zygel,
son arrièregrandpère,
hazan
(cantor de synagogue)
en Pologne
Représentation exceptionnelle
Dimanche 6 mars à 19h.
au Palace 8 rue du Fg. Montmartre Paris 9e
au profit de la Maison de la culture yiddish
Réservation : 33 (0)1 47 00 14 00
e
6. 6
Le doute créateur d'un
humaniste sans frontières
Le billet d'humeur
Itinéraire
«
Dans son livre sur Eichmann, Han
nah Arendt montre un homme à la
conscience assoupie, un criminel
qui n'était pas tant animé par la soif du mal
que par la volonté de bien faire son travail,
c'estàdire, en l'occurrence, organiser la dé
portation des juifs d'Europe ainsi que des
Polonais, des Slovènes et des Tsiganes vers
les camps. (…) Avant d'être un acteur de l'ex
termination, c'était un travailleur, un “expert
en émigration”, devenu chef logisticien de la
“solution finale du problème juif.” (…) C'est
de cette façon que des actes monstrueux
peuvent être commis par des hommes qui ne
sont pas des monstres et dont la caracté
ristique n'est pas la stupidité, mais l'absence
de pensée. (…) Je ne pouvais, à l'époque [où
j'ai lu Hannah Arendt] concevoir démocratie
et totalitarisme qu'en confrontation audes
sus d'un gouffre qui les séparait (…). Non
que démocratie et totalitarisme soient la
même chose, mais, avec le personnage
d'Eichmann, apparaissent des liens qui font
qu'un sujet ordinaire, d'une société ordinaire,
peut fonctionner dans le cadre d'un crime
extraordinaire avec la quasitotalité de son
outillage intellectuel (…). »
L'auteur de ces réflexions est Rony Brau
man répondant aux questions de Catherine
Portevin dans un ouvrage intitulé Penser
dans l'urgence*. D'une certaine manière,
c'est bien cette inquiétude permanente de fuir
le piège de « l'absence de pensée » qui est au
cœur de la vie de l'ancien président (1982 à
1994) de Médecins sans frontières (MSF),
acteur depuis la fin des années 1970 de l'hu
manitaire dont « une caractéristique fon
damentale » est « l’ambiguïté » et « une
incitation renouvelée à la penser ».
« Né » à la politique dans le grand chambou
lement de mai 196768 et le combat contre la
guerre américaine du Vietnam, fasciné un
temps par le maoïsme dans son acception
plaçant sur un même plateau le militant du
PCF, de la CGT, « ces sociauxtraîtres » et
les nervis de l'extrême droite, Rony Brauman
se sentait, dans un même mouvement, enga
gé dans un combat vital et dans l'effroi devant
« la rapidité avec laquelle une idée devient
un cliché dès lors qu'elle est répétée ».
« La rhétorique humanitaire, toujours tentée
d'exprimer, comme le gauchisme, l'idée d'un
Bien universel, sombre vite dans le vide des
lieux communs », si ce n'est le pire comme ce
fut le cas – explique Rony Brauman – en
Éthiopie en 198485 où les ONG ont été
instrumentalisées par la dictature « révolu
tionnaire » du DERG** lors d'un programme
de déplacement massif et mortel (plus de
500.000 victimes) de populations, sous cou
vert d'actions d'urgence contre la famine et
de création de « l'homme nouveau ». Le pire,
aussi, a été commis lors du génocide des Tut
si au Rwanda en 1994 – avec la France « aux
côtés d'un pouvoir raciste et sanglant » et
ce qui en a suivi, qualifié de « crise humani
taire » par le Conseil de sécurité des Nations
Unies, couvrant ainsi d'un même manteau le
génocide et les massacres qui ont suivi au
L
RonyBrauman
P.N.M. 283 Février 2011
Démographie - Démagogie
D
ans Judaïsme et Liberté, Monsieur ClaudeGérard Marcus, ancien bras
Zaïre. On a ainsi, dit Brauman, « inventé une
droit de Monsieur Chirac et fidèle du chanoine président Nicolas, se
nouvelle version du crime parfait, celuilà
même où il n'y avait que des victimes ». Et,
risque à rompre des lances pour la loi sur les retraites.
soulignetil, du « tous innocents » au « tous Il invoque l'allongement considérable de la durée de vie ; même si l'autre volet
coupables », il « n'y a qu'un pas ».
de son exposé démographique met en évidence un accroissement de la natalité.
«Devoir d'ingérence », « communauté inter Donc de la population active qui cotisera pour les retraites des futurs vieillards
nationale », deux expressions qui fleurissent (sauf chômage massif).
ces tempsci autour du drame de la Côte " Vous voulez vivre plus longtemps ? Eh bien bossez plus longtemps et ne privez
d'Ivoire avec tous leurs relents empoisonnés pas le patronat de quelques années d'exploitation supplémentaire. N'alourdissez
d'interventions armées, de « sanctions », surtout pas ses charges."
d'arrogance des vieilles puissances impé
riales et coloniales dont les peuples seuls sont En gros, c'est ça la vraie raison. Elle ne figure pas dans l'article.
les victimes. Et dans le même temps, c'est au A la lecture de ce texte, une chose saute aux yeux : Monsieur Marcus manipule
nom d'une prétendue noningérence en Tuni les données de la démographie pour vendre la politique antisociale du président
sie que la ministre française des Affaires chanoine. Il est intelligent.
étrangères et européennes, Mme AlliotMa Nous pas. Il en administre la preuve en invoquant l'ignorance crasse de beau
rie, en est arrivée à proposer les services de coup de nos concitoyens, y compris des hommes politiques.
notre pays au totalitarisme d'un Ben Ali pour Au moins sept millions de travailleurs, de syndicalistes, d'étudiants, de lycéens,
réprimer plus efficacement..., sans doute au d'élus, de femmes et d'hommes de tous âges et de toutes régions ont manifesté
nom « de la civilisation » dont le puissant se l'automne dernier pour le maintien d'un droit acquis, la retraite à 60 ans.
dit porteur face au faible.
Pour Monsieur Marcus et Judaïsme et Liberté, ce sont sept millions d'imbéciles.
Né en Israël en 1950 – son père était un Je m'honore d'en être.
Jacques Franck
combattant de la Haganah – Rony Brauman
20 janvier 2010
est, tout naturellement, conduit à s'interroger
sur le devenir de ce pays. « Historiquement,
le sionisme a été à la fois un mouvement de "En souvenir du premier jour où nous avons ouvert la porte du 14, pour
Daniel Darès
libération nationale et un mouvement de qu'elle ne se referme jamais"...
conquête coloniale », constatetil. « Réparer
une horreur par une injustice, qui plus est,
L NOUS RESTE À ÉDIFIER
ENT
envers un peuple qui n'avait aucune res URG
L SPACE
ÉMOIRE DU
ponsabilité dans l'horreur, ne pouvait être
une issue viable », ditil encore à propos de
Fondée par l’UJRE, l’AACCE, RPJ et l’UJJ, MRJMOI
la création de l'État d'Israël, « une erreur po
s’est donné pour objectif de créer au 14 rue de Paradis un
litique majeure de l'aprèsguerre ». Mais,
soulignetil avec une même force, « Israël
Espace Mémoire destiné à faire connaître et à transmettre
existe et la question qui se pose désormais
l’engagement des résistants juifs immigrés de la M.O.I.,
est de savoir comment composer avec cette
partie intégrante de la Résistance française.
réalité pour que soient reconnus et respectés
Vous avez été des centaines à parrainer cette initiative au
les droits politiques des Palestiniens ».
Dans son permanent souci de ne pas se lais près des pouvoirs publics en signant notre appel. Grâce à vous, grâce au sou
ser piéger dans le nonpenser au nom de l'ur tien et à l’engagement de la Ville de Paris et de son Maire, notre projet prend
gence, Rony Brauman dénonce la tentative corps. Mais nous devons fournir 40 000 € pour financer les travaux d’aména
de culpabilisation de toute critique de la poli gement de l’Espace muséal que nous voulons créer dans ce lieu historique.
tique israélienne ou de recherche d'une solu
tion juste et durable « au nom de la mémoire MRJMOI sollicite les pouvoirs publics et a lancé une souscription auprès
» sacralisée de la Shoah. « Aucune mémoire des particuliers. Vous avez déjà répondu avec votre générosité habituelle.
ne ménage de place pour les victimes des Mais il nous manque encore 22 000 € et nous n'avons plus que quatre mois
victimes. Pas plus la mémoire juive que la pour les réunir. Le temps presse. Chaque don est important. Les noms des
mémoire japonaise, africaine ou palesti donateurs qui le souhaitent seront inscrits sur un mur de l'Espace Mémoire.
nienne ».
Et, pourraiton conclure avec Rony Brau La PNM soutient cette souscription.
man, il affirme que « si l'on veut s'appuyer
Merci de votre soutien. Un reçu fiscal vous sera adressé.
sur le passé pour tenter de conjurer les dan
gers du présent, seule l'Histoire, avec ses
OUI je veux participer à la création de l’Espace Mémoire dédié
complexités, peut nous aider ».
aux résistants juifs de la M.O.I.
« Finalement, si on vous demande : qu'estce
qu'être juif pour vous? Estce une question
Nom
Prénom
qui peut avoir du sens ? ».
Adresse
A cette question existentielle de Cathe
rine Portevin, l'humaniste sans frontières
CP
Ville
Pays
répond : « C'est un fait. Quel est le sens
d'un fait quand on n'est pas croyant ? ».
Mail
Tél
Michel Muller
Je fais un don de
I
* Rony Brauman, Penser dans l'urgence Par
cours critique d'un humanitaire, Éd. du Seuil,
Paris, 2006, 267 p., 21 €
** NDLR DERG : Nom du groupe de soldats
dissidents qui renversa Haïlé Sélassié en 1974
M
à inscrire sur le mur de l'Espace Mémoire : OUI
"14"
Chèque à l’ordre de M.R.J.M.O.I. à envoyer au 14 rue de Paradis 75010 Paris
Voyage du Souvenir et de la Mémoire
¥¥¥¥¥ Pologne, du 3 au 6 avril 2011
¥¥¥¥en
’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz (AFMA)
organise un voyage du Souvenir et de la Mémoire.
Du 3 au 6 avril 2011, l’AFMA codirigera les visites
historiques des camps d’AuschwitzBirkenau, Tre
blinka et des sites de Cracovie et Varsovie (Po
logne), en présence de témoins rescapés.
Durant quatre jours, les participants se rendront à Au
schwitzBirkenau, Plaszow et Treblinka. Une visite
de Cracovie (l’ancien quartier de Kazimiertz, la syna
gogue Remuth, le cimetière, le ghetto, Podgorze, le
'E
musée de la pharmacie sous l’aigle, l’ancienne usine
Schindler) et de Varsovie (vieille ville et ghetto) est
aussi prévue.
Comme chaque année, l’AFMA prend en charge l’or
ganisation matérielle du déplacement avec ses parte
naires : réservation de places d’avion allerretour, de
logements (en hôtel deux étoiles) pour les trois nuits
ainsi que les déplacements sur place.
AFMA 17 rue Geoffroy l’Asnier 75004 Paris
01 48 32 07 42 afma.local@free.fr www.afma.fr
NON
AFMA : Fondée en 1987 au nom des rescapés des camps d’ex
termination nazis et de leurs familles pour pérenniser la mémoire
des millions d’hommes, femmes et enfants, victimes innocentes
des crimes les plus monstrueux et odieux de l’histoire de l’hu
manité, perpétrés par Hitler et ses sbires au cours de la deuxième
guerre mondiale – Soutenue par les Fédérations nationales de dé
portés – FNDIRP et FNDIR, par des associations et amicales de
déportés rescapés du camp d’Auschwitz et de ses annexes (Kom
mandos), de combattants et de résistants. Elle compte aujourd’hui
plus de 2 000 adhérents individuels, représentants de trois généra
tions... – Voyage du souvenir pour les adultes, accompagnement
pédagogique de milliers d’enfants dans leur visite des camps, ex
position permanente ‘Les yeux de la Mémoire’ dans ce que fut le
Camp de Drancy, partenariat avec les communes de Bobigny et
Drancy et d’autres associations pour rendre à l’histoire et à la mé
moire, l’ancienne gare de Bobigny, gare de la Déportation... au
tant d'éléments emblématiques de l'action de l'AFMA.
7. P.N.M. 283 Février 2011
la chronique de
Laura Laufer
La Cinémathèque française organise en
janvier et en février une intégrale de l’œuvre
d’Alfred Hitchcock. C’est l'occasion de dé
Memory
of the Camps
de Sidney Bernstein
GrandeBretagne, 1945
couvrir un documentaire, rarement montré, qui bénéficia de ses conseils : Me
mory of camps qui fut tourné pour l’essentiel au camp de BergenBelsen, sous la
direction de Sidney Bernstein et dont nombre d’images, aujourd’hui embléma
tiques de la barbarie nazie dans les camps, ont été reprises par d’autres cinéastes,
à commencer par Alain Resnais dans Nuit et Brouillard.
ernstein, qui fut membre du parti communiste anglais, avait travaillé jus
qu’en 1944 comme conseiller auprès du ministère britannique de
l’Information. A partir de 1944, il travaille, à l’Etatmajor suprême des
forces expéditionnaires alliées (SHAEF), en
qualité de chef de la Section cinématogra
phique. Hitchcock, ami proche, le rejoint pour
parler du projet qu’ils ont ensemble de créer
une société de production indépendante la
Transatlantic Pictures. C’est alors qu’Hitch
cock réalise deux films en français, conçus en
soutien à la Résistance française : Bon voyage
et Aventure malgache. En 1945, décidant de
produire, à partir d'images tournées pas des
photographes alliés, un film destiné à être pro
jeté dans toute l’Allemagne pour montrer et garder trace des atrocités nazies, Bern
stein demande à Hitchcock de l'aider dans cette réalisation. Celuici préconise de
filmer en plans longs, sans coupe et de s’interdire, autant que possible, le montage,
car le montage est mensonge.
Cette question du « montage interdit » invite à s'interroger sur l’écriture cinémato
graphique de l’Histoire. D'où le questionnement d'Hitchcock : comment faire pour
que le spectateur puisse être convaincu de la vérité de l’image ? Comment identi
fier le lieu et le moment de la prise de vue ? Comment reconnaître acteurs et ac
tions ? Toute écriture historique se doit d’identifier le document source et d'en
déterminer l'authenticité. Hitchcock recommande, entre autres, d’inscrire dans un
même plan panoramique charnier de victimes, bourreaux et témoins (Allemands
du voisinage ou soldats libérateurs) afin de prouver le nontrucage des images de
cadavres.
Il semble que la version de Memory of the camps montrée à la Cinémathèque soit
un remontage du film, datant de 1985, où l'on a cru bon de couper l’ouverture et
d'ajouter un commentaire ininterrompu qui aboutit à ce que les images soient as
sourdies sous la voix de Trevor Howard. Si mes souvenirs sont exacts, à l’ouver
ture du film d’origine, on entendait et voyait Hitler vociférer, acclamé par la foule
qui venait de l’élire, puis, silence. La caméra entrait dans le camp de BergenBel
sen et, sans bande sonore, témoignait par les seules images, le silence faisant choc
après les hurlements d’Hitler. On y voyait aussi d’autres camps, la campagne tran
quille, aux alentours notamment d’un camp du Tyrol où les nazis déportaient les
handicapés mentaux pour s’y livrer à de monstrueuses expériences.
C’est bien souvent de ce film que sont issues les images des collections morbides
découvertes dans les camps : montagnes de cheveux, de lunettes, de vêtements,
objets fabriqués à partir des corps des déportés (bougies, abatjour de lampes ...).
Le film inachevé ne fut jamais montré. La réconciliation avec l’Allemagne étant
à l’ordre du jour, il fut interdit de diffusion durant la guerre froide. Dans les années
80, on le vit dans quelques projections, accompagné d’un documentaire sur
l’histoire de sa réalisation, La mémoire meurtrie.
Aujourd’hui, les extraits du document d’origine ont été maintes fois recyclés, re
vus et noyés dans le flux des propagandes visuelles qui se déversent sur tous les
écrans du monde. Comment les sortir de leur banalisation ? Et à l’heure où les sur
vivants de cette histoire disparaissent, la question des formes de transmission de
son récit se posent. Il reste que s’interrogeant sur la représentation de la vérité,
Hitchcock a répondu par l’écriture cinématographique, une écriture où l’éthique et
la pensée de l’image participaient de la construction de l’Histoire.
B
Au delà
de Clint
Eastwood
E
astwood aborde le domaine de la
mort en trois récits fantastiques
qui se mêlent. Si le sujet touche, le
film convainc moins que les derniers
opus du cinéaste, même s’il est à voir.
Le risque est de trouver Au delà plus
simpliste que simple : Eastwood a
déjà réalisé des films plus complexes
et plus beaux.
(Art)
(Spiegelman)
s'est vu décerner
le Grand Prix
du 38e Festival international
de la bande dessinée
d'Angoulême.
Rappelons qu'il est l'au
teur de Maus (1987), évo
quant sous forme de
bande dessinée, le géno
cide nazi, seule BD ayant
reçu le prix Pulitzer en
1992.
Côté
Expos
Felix Nussbaum
7
Culture
peintre assassiné à Auschwitz
Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris a fait découvrir à plus de
40 000 visiteurs Felix Nussbaum, peintre juif allemand assassiné à Auschwitz
P
oursuivant son programme d’ex
positions consacrées à des artistes
persécutés et assassinés pendant le
judéocide, Friedl DickerBrandeis, Bruno
Schulz, Charlotte Salomon, ou rescapés
et marqués à jamais, Isaak Celnikier,
Serge Lask, le Musée d’art et d’histoire
du judaïsme de Paris* a présenté du 23
septembre 2010 au 23 janvier 2011 un
ensemble unique de cinquanteneuf
œuvres d’un peintre allemand découvert
tardivement en Allemagne et encore in
connu en France, Felix Nussbaum (1904
1944), habituellement visibles pour une
grande partie d’entre elles dans un musée
construit par l’architecte américain d’ori
gine polonaise, Daniel Libeskind (qui a
aussi conçu le Musée juif de Berlin), à
Osnabrück, la ville natale du peintre.
La « Felix Nussbaum Haus » qui, durant
cette exposition parisienne, s’agrandis
sait, a montré continuellement plus de
cent soixante œuvres de Nussbaum, ac
complissant ainsi sa volonté : « Si je
meurs, ne laissez pas mes peintures me
suivre, mais montrezles aux hommes. »
Peintre sensible aux leçons de la « Nou
velle Objectivité », de la peinture méta
physique italienne et du surréalisme,
Felix Nussbaum n’a jamais caché l’in
fluence de Van Gogh, Rousseau, Ensor,
Chirico, Beckmann, Dix, Ludwig Meid
ner, son professeur et de Felka Platek, son
épouse. Puis, jeté sur les routes de l’émi
gration par la venue de Hitler au pouvoir,
il a su faire siennes leurs manières, les dé
passer pour traduire son angoisse, son ef
froi, son désespoir de Juif livré à la folie
génocidaire des nazis.
Dans les salles de l’hôtel SaintAignan,
on pouvait, pour découvrir le chemin de
la tragédie vécue par Nussbaum et tra
duite en peinture, faire quatre stations.
La Place folle, 1931. La Pariserplatz. Au
centre la porte de Brandebourg. Au fond,
à droite, la colonne tronquée de la Vic
toire, devant laquelle passe un peloton de
croquemorts. À droite, jouxtant la cé
lèbre porte, l’immeuble en ruine où ha
bite Max Liebermann, le président de
l’Académie prussienne des arts. À gau
che, ladite académie vers laquelle se di
rige un long défilé ordonné de vieux aca
démiciens en frac. Des angelots le sur
volent, l’un brandissant le drapeau prus
sien, un deuxième soufflant dans la trom
pette de la renommée, deux autres répan
dant des fleurs sur les têtes et aux pieds
des vieillards. Occupant le centre de la
place, vingtdeux jeunes peintres en
blouse blanche déchargent d’un camion
des tableaux ou en montrent d’autres. Fe
lix Nussbaum est l’un d’entre eux. Ses
peintures sont reconnaissables. Sur la ter
rasse de son immeuble, Max Lieber
mann, le dos tourné à la place, peint l’un
de ses nombreux autoportraits que sur
monte, horizontal, l’ange doré de la co
lonne de la Victoire. Les peintres que
l’Académie a refusés préparent l’exposi
tion de la Sécession berlinoise.
Autoportrait dans le camp, 1940. L’ar
tiste à SaintCyprien près de Perpignan. Il
a été arrêté par les autorités belges et, dé
claré « étranger ennemi », déporté dans
ce camp, comme cinq à huit mille autres
Juifs allemands qui avaient fui le Reich.
En buste de trois quarts à droite. La veste
brune déchirée, rapiécée, une calotte
noire effrangée sur la tête. Le regard dur,
impénétrable. La bouche ferme. Le ciel
est sombre. Une rangée de hauts barbelés
enchevêtrés sépare l’espace du camp
d’un désert bosselé rougebrun, le dehors
sans espoir. De chaque côté du tableau,
un baraquement. Devant l’un, le visage
caché dans ses mains, un homme assis à
une table de planches récupérées. Devant
l’autre, deux hommes. L’un, deminu, as
sis au bord d’un tonneau d’aisances dé
goulinant d’excréments ; l’autre, dé
charné, un bouchon de paille à la main
pour s’essuyer. Devant eux, le peintre
nous jette son regard froid. Il accuse !
Autoportrait au passeport juif, vers
1943. Même manière. Felix Nussbaum
s’est évadé, est revenu à Bruxelles. Dé
noncés par un homme avec qui il s’était
lié d’amitié, agent sournois de la Gestapo,
le peintre et sa femme, Felka Platek, se
cachent. Devant de hauts murs infran
chissables, l’artiste en buste de trois
quarts à droite, encore. Coiffé d’un feutre.
Mal rasé, émacié, il relève de la main
droite le col de son manteau pour
qu’apparaisse mieux son étoile jaune. De
la gauche, il tient sa carte d’identité, avec,
mis en abyme, son portrait photogra
phique : mêmes traits, même feutre. Ins
crits au tampon rouge au centre du docu
ment : JUIFJOOD. Derrière le mur, un
arbre élagué ras, dressé comme une po
tence à six bras. Pourtant, les quelques
branches d’un arbre en fleurs.
Triomphe de la mort (Les squelettes
jouent une danse), daté du 18 avril 1944.
Le 20 juin, dénoncés, Felix et Felka sont
arrêtés par la Wehrmacht. Le 31 juillet, ils
montent dans le dernier train en partance
de Belgique pour Auschwitz, où ils ar
rivent le 2 août. Scène d’apocalypse. Sa
rabande macabre immobile pour un
pressentiment. Le Triomphe de la mort de
Bruegel, Les Désastres de la guerre de
Goya, La Guerre d’Otto Dix, Guernica
de Picasso. Devant, la terre jonchée des
vestiges détruits des arts, des techniques,
des sciences, des métiers. Audessus, la
bande centrale des squelettes ricanant qui
sonnent de leurs instruments de musique
sur un fond de ruines la cacophonie du
Jugement dernier. Dans le ciel aussi brun
que le reste du tableau, des cerfsvolants
grimaçants, menaçants, et une escadre de
huit minuscules navires aériens.
À Auschwitz, le couple est assassiné.
Nussbaum a légué à l’humanité quelques
unes des œuvres les plus émouvantes,
uniques, interprétations des persécutions
des Juifs par Hitler et les siens. Ses pein
tures ne l’ont pas suivi, elles sont mon
trées aux hommes. François Mathieu
* A voir : une visite guidée de l'exposition et les tableaux décrits dans cet article sur le site de l'UJRE : http://ujre.pagespersoorange.fr/pages/nussbaum.htm
8. 8
Littérature
Proust à l'époque de l'affaire Dreyfus
P.N.M. 283 Février 2011
Cet article paraît alors que France 2 vient de diffuser deux soirs d'affilée l'adaptation par Nina Companeez d'À la recherche du temps per
du. Dans le grand œuvre de Marcel Proust se tisse en filigrane une méditation sur le monde juif de son temps. Des personnages illustrent la
situation des Juifs en France : Swann d'abord (le Juif "intégré", qui se hisse dans les hautes sphères de la société) et Bloch, camarade de
classe du narrateur (le Juif incarnant la judéité, mais aussi très critique à ce sujet). S'il n'a pas renié ses origines, Proust, qui a été un drey
fusard convaincu, reste un mystère car il a eu pour amis les plus acharnés antisémites d'alors...
À
la Recherche du temps perdu
est une œuvre qui peut se lire
de bien des façons. Elle peut
être lue comme un pur traité d’esthé
tique où l’on retrouve des méta
phores sans nombre ayant trait à la
peinture ancienne ou à l’époque de
l’auteur. Elle peut bien sûr être vue
comme la mise en scène d’un monde
triomphant mais qui est en train de
sombrer et dont la Grande Guerre
aura raison – une sorte d’antiZola
puisque Marcel Proust ne cherche
pas à dresser un tableau exhaustif
des strates sociales, de ses mœurs, de
ses aspirations et des mécanismes de
la société française. Comme dans
tous ses livres qui sont des monu
ments, aucune interprétation ne par
vient à l’expliquer et surtout à
l’épuiser.
Il y a un personnage dans ce roman
fleuve qui n’est comparable à aucun
autre. Il ne donne lieu à aucune ex
ploration poussée de sa personnalité,
ni à une description de sa circulation
dans les cercles mondains. Il n’existe
que pour dire ou faire certaines
choses bien précises. C’est un ami
de lycée du narrateur et il apparaît
assez tôt et de manière brusque dans
Du côté de chez Swann. Il s’appelle
Bloch. Proust introduit ce dernier
dans son cercle familial. Mais son
grandpère exprime une sorte de ré
serve : « C’était toujours un juif, ce
qui ne lui eût pas déplu en principe –
même son ami Swann était d’origine
juive – s’il n’avait trouvé que ce
n’était pas d’habitude parmi les
meilleurs que je le choisissais. » Si
Swann a, aux yeux du narrateur, une
dimension héroïque, Bloch a une
fonction révélatrice dans le récit. Il
est vite détesté par le reste des
proches du narrateur, surtout par sa
mère qui juge son influence perni
cieuse. « Mais j’aimais Bloch »,
avouetil. Une profonde complicité
unit ces deux jeunes gens. Mais
Bloch disparaît longuement une fois
cette situation exposée.
Il réapparaît bien plus tard dans
l’histoire, dans la première partie
d’À l’ombre des jeunes filles en
fleurs (« Un amour de Swann ») :
c’est Bloch qui lui permet d’avoir
accès chez les Swann pour rencon
trer Odette et c’est encore lui qui lui
fait découvrir de nouveaux hori
zons : « Ce fut vers cette époque que
Bloch bouleversa ma conception du
monde, ouvrit pour moi des possibi
lités de bonheur… » En réalité, il le
conduit dans une maison de passe. Il
apprend que « le bonheur, la posses
sion de la beauté, ne sont pas choses
inaccessibles…» Et ces joies se pré
sentent sous l’apparence de Rachel,
qui se concluent par bien des souf
frances et de mornes souvenirs.
Mais Bloch n’est pas seulement son
cicerone, en poésie et en amour char
nel. C’est aussi son double en Juif
identifiable comme tel. Quand il
dîne dans sa famille, il examine son
père, qu’il regarde comme un
homme se donnant une « importance
illusoire ». Il les scrute avec atten
tion, sans complaisance. Il comprend
qu’ils ne sont pas reçus dans les mi
lieux de la haute société. Il se rend
compte aussi qu’entre eux ils uti
lisent « un dialecte miallemand, mi
juif…». La description de la soirée
montre un microcosme un peu ridi
cule et plein de suffisance, sans par
ler de traits de caractères particuliè
rement risibles (« Enfin, dans ce
milieu où les grandeurs factices de
l’aristocratie n’existent pas, on les
remplace par des distinctions plus
folles encore. »).
Cette vision très caustique fait écho
à l’incident survenu chez Mme de
Marsantes quand Odette Swann ar
rive en même temps que Lady Is
raels (elle « était sur des épines. »).
Somme toute, si Bloch est omnipré
sent, c’est parce qu’il révèle le
monde juif à luimême, pouvant en
rire sans pitié. A Balbec (Cabourg),
le narrateur entend une voix gogue
narde: « On ne peut pas faire deux
pas sans en rencontrer […] Je ne
suis pas par principe irréductible
ment hostile à la nationalité juive,
mais ici il y a pléthore. On n‘entend
que “Dis donc, Abraham, « chai fu
Chakop »”. On se croirait rue
d’Aboukir. »
Cette voix, c’est celle de son cama
rade Bloch. Force lui est de recon
naître qu’il est accompagné de toute
une colonie « plus pittoresque
qu’agréable. […] Toujours en
semble, sans mélange d’aucun autre
élément, quand les cousines et les
oncles de Bloch, ou leur coreligion
naires mâles ou femelles se ren
daient au Casino, les uns pour le
« bal », les autres bifurquant vers le
baccara, ils formaient un cortège
homogène en soi et entièrement dis
semblable des gens qui les regar
daient passer […] Quant aux
hommes, malgré l’éclat des smo
kings et de souliers vernis, l’exagé
ration de leur type faisait penser à
ces recherches dites « intelligentes »
des peintres qui, ayant à illustrer les
Évangiles ou les Mille et une Nuits,
pensent au pays où la scène se passe
et donnent à Saint Pierre ou à Ali
Baba précisément la figure qu’avait
le plus gros « ponte » de Balbec. »
À vos agendas !
L’UEVACJEA* organise mardi 1er
mars à 17h30 à l'auditorium de
l'Hôtel de Ville de Paris**, une pro
jectiondébat autour du film :
- LES RÉGIMENTS FICELLES -
Des héros dans la tourmente de 1940
Documentaire de R. Mugnerot
sur une idée de JP. Richardot,
sur l'engagement massif des
étrangers dans l'Armée française
en septembre 1939
* Uevacjea Réservation : 01 42 77 73 32 /
uevacjea@free.fr
** Hôtel de Ville de Paris Auditorium 5
rue Lobau Paris 4e
Marcel Proust (18711922)
Marcel Proust, luimême entre deux
mondes, celuilà (par sa mère, née
Veil) et celui du « beau monde » (par
son père), lâche le nom de Charles
Maurras et fait état de l’affaire Drey
fus, qui amena selon lui un nouveau
« kaléidoscope » peu après qu’il ait
connu Mme Swann et Gilberte. Il
observe : « Tout ce qui était juif pas
sa en bas, fûtce la dame élégante, et
des nationalités obscures montèrent
prendre sa place. » Mais il fait aussi
remarquer les aspects positifs de
Juifs qui, par exemple, ont su se
montrer patriotes.
C’est ainsi qu’il enregistre de loin en
loin les variations sur le sismographe
de l’opinion de son temps au sujet de
cette communauté aveuglée par l’es
pérance de se fondre dans la culture
française et de s’y imposer. Ce qui
fait penser qu’en filigrane, la Re
cherche est une analyse sans conces
sion d’un pays qui s’est converti à
La France juive d’Édouard Drumont
et à sa ligue antisémite tout en étant
une critique mifigue miraisin et
pleine d’ambiguïté des aspirations
des Juifs enrichis et plus ou moins
intégrés qui tentent de forcer les
portes de la noblesse et de la haute
bourgeoisie d’affaires issue du Se
cond Empire, dont il fait apparaître
de la même façon les travers et les
fauxsemblants.
Gérard-Georges Lemaire
Fin 2010, l'actualité sociale ne
nous a pas permis de publier les
propos confiés par Stéphane Hes
sel à Hélène Amblard.
Qu'ils nous le pardonnent, nos
lecteurs trouveront dans le pro
chain numéro, une interview de
Stéphane Hessel. P NM
L’IREMMO* organise mardi 1er
mars à 18h30 une rencontre avec
Victor Segré, auteur de :
L'EXIL Mes années en Israël
Présentation de l'ouvrage sous forme
d’un dialogue entre l'auteur et Alain
Gresh du Monde diplomatique. Ce
livre est le récit d’un fragment de vie
d’un jeune communiste juif originaire
d’Égypte où il s’est engagé, avec tant
d’autres, dans un combat politique en
faveur des pauvres et du rêve d’un
monde meilleur. Arrêté, il doit se ré
soudre à l’exil. Après un bref séjour en
Italie, il choisit Israël où il arrive en
1949. C’est de ce parcours dont Victor
Segré viendra parler. Discussion suivie
d’une séance de signatures.
* Iremmo : Institut de Recherche et d'Études
Méditerranée Moyen Orient Information :
01 43 29 05 65 / iremmo.sg@gmail.com
5 rue Basse des Carmes 75005 Paris
Le gros lot
Vous les avez adorés en juin, en no
vembre ... ou vous les avez ratés ? En
allant (re)voir jouer Dos groyse ge
vins (Le gros lot), pièce de Sholem
Aleichem jouée en yiddish, surtitrée
en français, le dimanche 13 mars à
16h. à l'Espace Rachi, non seule
ment vous saurez ce que Shimele et
sa famille deviennent après avoir ga
gné le gros lot, mais vous aiderez à
financer le voyage du “Troïm Tea
ter” de Charlotte Messer, troupe in
vitée à participer au Festival
International de Théâtre Yiddish de
Montréal, du 13 au 23 juin 2011.
Information Maison de la culture yiddish
01 47 00 14 00