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La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien.

MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.
Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide

ISSN : 0757­2395

- Bobigny Gare
de la Déportation

PNM n° 283 – Février 2011 – 29e année
"Espace Mémoire du 14"
vous sollicite

Moyen-Orient
Politique

De la Tunisie à l'Égypte...

Société

6
J.Dimet 3

Marine Le Pen pdte. du FN J­Y.Camus 3

Cycle "Être juif au XXIe siècle ?"
Plus le mensonge est gros...

D.Vidal 3

Recette juive
pour fabriquer...

L.Sablic 4

Mémoire

Andrésy et Sainte­Maxime
Voyage du souvenir

5
AFMA 6

Rony Brauman,
un humaniste sans frontières

À partir de l'été 1943, Bobigny se substitua à la
gare du Bourget comme lieu de départ des
convois de la déportation vers Auschwitz.

M.Muller 6

Itinéraire

Le billet d'humeur

Culture

Démographie, démagogie

J.Franck 5

Côté expos : F. Nussbaum
F.Mathieu 7
La chronique Cinéma de
L.Laufer 7
Proust ... l'affaire Dreyfus G­G. Lemaire 8

Henri Levart

L

e Collège interarmées de défense formant les
grands chefs militaires vient de reprendre son
nom d’École de guerre : mesure significative des
orientations officielles, à quels desseins ? L’Algérie,
le Vietnam, c’était le bon temps ! Décidément, l’Af­
ghanistan ne suffit plus. Un mot terrifiant : la guerre.
Mais n’est­elle pas, par une politique ultraréaction­
naire, menée contre le peuple ?
Guerre contre les conquêtes sociales, guerre contre les
services publics, guerre contre l’Éducation nationale,
guerre contre les Roms et les sans­papiers, guerre
contre les libertés démocratiques. Pas un jour ne passe
sans que l’on n’apprenne des licenciements, des mises
en examen, des inculpations, des incarcérations de
délégués syndicaux, des expulsions de réfugiés.
Le dialogue social à la sauce élyséenne, c’est la ré­
pression dans maintes entreprises privées ou d’État.
Un tel acharnement, sans compter les tests ADN
auxquels se refusent les militants incriminés, ne to­
lère aucune expression de mécontentement. Les
CRS ont violemment dispersé les manifestants lors
de la visite de Sarkozy à Toulouse. Un important
dispositif policier a été déployé devant un immeuble
parisien de haut luxe occupé par des « galériens du
logement ». Sur un ordre de réquisition, le préfet a
cassé la grève des agents de sécurité de l’aéroport de
Marseille.
La France, terre d’accueil, est défigurée quand un
journaliste chilien, venu chercher dans un commis­
sariat son fils indûment arrêté, est molesté et mis en
garde à vue un jour durant. Mgr Gaillot a bien raison
de s’exclamer : « Police partout. Justice nulle
part. » Jean­Pierre Dubois, président de la Ligue des
droits de l’Homme aussi, qui déclare :

Le N° 5,50 €
Février

20/02/2011 : Journée mondiale de la justice sociale
21/02/1944 : 23 membres de la M.O.I. – dit groupe
Manouchian – sont fusillés au Mont­Valérien
21/02/2011 : l'Affiche Rouge : projections et con­
férences au Mémorial de la Shoah de 14h. à 17h.

25 janvier 2011. Aboutissement de longues années
de démarches de nombreuses organisations et de la
ville de Bobigny. Catherine Peyge, son maire, et
Guillaume Pepy, président de la SNCF, signent
l'acte transférant, moyennant l'euro symbolique,
l'ancienne gare de Bobigny à la Ville.
Simone Veil, présente, a manifesté, au nom de la
Fondation pour la mémoire de la Shoah, sa
confiance à la municipalité de Bobigny dans son
projet d'aménager cette gare en lieu de Mémoire et
d'Histoire, en partenariat avec les associations de
déportés et de résistants.
A (re)voir, l'émouvant film d'Henri Jouf Gare de la douleur
et des photos de la cérémonie de transfert de propriété de la
gare de Bobigny (www.garedeportation.bobigny.fr/index.php/
Accueil­galerie­photos)

J’ai pas volé l’orange
« Si les policiers ne sont plus les représentants du
droit, on va les obliger à mener une guerre…Le gou­
vernement fait peu à peu de l’État de droit une co­
quille vide ».
C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de Loi
d’orientation et de programmation pour la perfor­
mance (sic) de la sécurité intérieure (LOPPSI 2)
adopté par le Sénat. Voici l’énumération de ses dispo­
sitions liberticides :
­ Expulsion en 48h, sans contrôle du juge, de tous ha­
bitants d’habitats hors normes (tank, cabane, cara­
vane, yourte, mobil home, bidonville, bus ou camion
aménagé) sur terrain public ou privé et destruction de
leurs habitats.
­ Contrôle accru sur les prestations sociales et obliga­
tion pour les travailleurs sociaux de procéder à la dé­
lation.
­ Couvre­feu pour les mineurs de treize ans.
­ Extension de contrat de responsabilité parentale.
­ Renforcement du contrôle administratif des mineurs
délinquants et procédure de comparution immédiate
devant le Tribunal pour enfants.
­ Reconduction des fichiers de police et de gendarme­
rie actuels. Les personnes innocentées resteront ainsi
fichées.
­ Les entreprises privées pourront installer des camé­
ras aux abords de leurs établissements et les préfets
le long des manifestations.
­ La police pourra avoir accès en direct aux images
captées dans les halls et les parties communes d’im­
meubles.
­ Les images de vidéosurveillance publique pourront
être exploitées par des entreprises privées agréées par
le préfet.

­ Des logiciels de reconnaissance faciale automatique
pourront être utilisés aux fins d’identification des sujets.
­ Filtrage et censure de sites Internet.
­ Renforcement des pouvoirs de la police munici­
pale.
­ Instauration d’un Conseil national des activités pri­
vées de sécurité, entérinant la privatisation croissante
de cette sécurité.
­ Comble de l’illégalité : création d’une milice sup­
plétive, dite « réserve civile » de 200.000 gendarmes
et policiers à la retraite et étudiants rémunérés.
Une législation qui nous prépare une société de con­
trôle fondée sur la tension et la stigmatisation. Le
Crif n’a pas tardé à s’y engouffrer. A l’aide d’un slo­
gan stupide : « Le palestinisme est source d’anti­
sémitisme » et avec l’appui de la ministre de
l’Enseignement supérieur, il a obtenu l’interdiction*
d’une conférence­débat prévue dans les locaux de
l’Ecole Normale Supérieure à laquelle Stéphane
Hessel devait participer et qui portait sur la politique
expansionniste d’Israël.
Revenons à l’Enfance : le pouvoir avait déjà préconi­
sé de détecter le symptôme de la délinquance dès
l’âge de trois ans. Deux polissons qui avaient em­
prunté et restitué des bicyclettes avaient été appré­
hendés dans les locaux de leur école. Tout
récemment, un petit garçon scolarisé depuis 4 ans
avait été maintenu en rétention avec son père, ar­
ménien.
Il y en a qui s’en mettent impunément plein les
poches par leurs malversations. Dans la chanson de
Gilbert Bécaud, un gamin apeuré clame son
innocence : « J’ai pas volé, pas volé, pas volé
l’orange du marchand ».
* Lire en p.5, Dominique Vidal "Plus le mensonge est gros..."
2

Carnet

Joseph Minc

L a

P re s s e

N o u v e l l e

M a g a z i n e

–

I S S N

:

0 7 5 7 ­ 2 3 9 5

est mort le 8 janvier 2011
Militant du parti communiste polonais dès
l’âge de seize ans, il arrive en France en
1931 et rejoint durant la seconde guerre
mondiale les rangs de la M.O.I. Il fut, jus­
qu’en juin 1946, secrétaire général de la
Commission centrale de l’enfance (CCE)
auprès de l’UJRE. Il participa ensuite à la
création du MRAP, issu du MNCR, et devint
secrétaire général de l’UGEVRE (Union gé­
nérale des engagés volontaires et resistants
d’origine étrangère). Pour l’évoquer, nous
donnons la parole à son fils, en publiant
des extraits de l’allocution prononcée le 12
janvier au cimetière de Bagneux :
« Vous verrez, dans les faire­part qui se­
ront publiés qu’il est écrit Joseph Minc,
ancien résistant M.O.I. C’était son souhait
et c’est le résumé du long chemin qui part
de Brest­Litovsk en 1908 et s’achève au­
jourd’hui dans ce cimetière parisien. Dans
ces mots “résistant M.O.I.”, que de conti­
nents engloutis ! Le “shtetl” de son en­
fance ; le judaïsme dont il s’était à la fois
éloigné et qui demeurait néanmoins,
comme pour notre mère, si proche ; le
communisme qui l’a aidé à s’émanciper de
l’omniprésence rabbinique et dont il s’est,
plus tard, écarté en amoureux déçu mais
toujours attentif ; quant à la Résistance,
c’est elle qui a fait de cet immigré, un
Français à part entière, dont la première
tâche fut de s’occuper des orphelins de la
Shoah… »
Rappelons que fidèle à son idéal, il figure
parmi les parrains de l'association Mémoire
des Résistants Juifs de la M.O.I.
Les équipes de l’Ujre et de la Pnm

Magazine Progressiste Juif
fondé en 1934
Editions :
1934­1993: quotidienne en yiddish, Naïe Presse
(clandestine de 1940 à 1944)
1965­1982: hebdomadaire en français, P NH
depuis 1982 : mensuelle en français, P NM
éditées par l'U.J.R.E

N° de commission paritaire 0614 G 89897
Directeur de la publication
Jacques LEWKOWICZ
Rédacteur en chef
Roland Wlos
Conseil de rédaction
Claudie Bassi­Lederman, Jacques Dimet,
Jeannette Galili­Lafon, Patrick Kamenka,
Nicole Mokobodzki
Administration ­ Abonnements
Secrétaire de rédaction
Tauba­Raymonde Alman
Rédaction – Administration
14, rue de Paradis
75010 PARI S
Tel : 01 47 70 62 16
Fax : 01 45 23 00 96
Courriel : lujre@orange.fr
Site : http://ujre.monsite.orange.fr
(bulletin d'abonnement téléchargeable)
Tarif d'abonnement :
France et Union Européenne :
6 mois
28 euros
1 an
55 euros
Etranger (hors U.E.) 70 euros
IMPRIMERIE DE CHABROL
PARIS

BULLETIN D'ABONNEMENT
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"pas comme les autres"
magazine progressiste juif.
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Téléphone .................................
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qués... Communiqués ...

P.N.M. 283 ­ Février 2011

Communiqués ... Communiqués ...

Sauvons la liberté d'expression

L

a direction de l’ École Normale Supérieure de Paris, mettant fin
à une
tradition de libre expression qui la caractérisait, a annulé, après l'avoir au­
torisée, la conférence­débat du 18 janvier que devait donner Stéphane Hessel
avec Leïla Shahid (ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Euro­
péenne), Jamal Zahalka (dirigeant de Balad, député au Parlement israélien),
Michel Warchavski (fondateur du Centre d'information alternative israélien),
Benoist Hurel (secrétaire général adjoint du Syndicat de la Magistrature)…
Le Crif, prétendant agir au nom des juifs de France alors qu’il n’en représente
que 10% environ, se félicite d'avoir pu, en faisant intervenir différentes per­
sonnalités, mettre fin à l'expression d'idées qui lui déplaisent.
L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) ne saurait tolérer la
réduction des droits d’expression des citoyens et ne peut accepter une telle at­
teinte à la liberté d’expression en France. Quels que soient ses désaccords
concernant les appels au boycott, l’ UJRE s’élève contre les poursuites judi­
ciaires visant leurs auteurs et contre cette censure, qui s'inscrivent dans le
cadre des tentatives répétées pour faire taire tous ceux qui critiquent la poli­
tique du gouvernement israélien et militent pour une paix juste, durable et né­
gociée entre les deux États.
Pour toutes ces raisons, l’ UJRE a appellé à participer au rassemblement de
protestation du mardi 18 janvier 2011, à 18h 30, place du Panthéon (Paris).

Pour une
nouvelle politique de
l’Union européenne au
Proche-Orient

Appel

L

(...)

’impunité, c’est l’assurance que se per­
pétuera la même politique. (...) Les gou­
vernements israéliens successifs s’obstinent
à nier les droits fondamentaux du peuple pa­
lestinien, à saccager le contenu de tous les
accords de paix proposés depuis ceux
d’Oslo. (...) Sanctionner la politique is­
raélienne apparaît aujourd’hui comme une
nécessité si l'on veut faire avancer la cause
d’une paix juste au Proche­Orient (...).
Des sanctions ? Mais lesquelles ? La
question nécessite une clarification. (...)
La première exigence est la suspension de
l’accord préférentiel entre l’Union euro­
péenne et l’Etat d’Israël. Ne pas le suspen­
dre encourage une politique qui nie en per­
manence les droits humains les plus
élémentaires. L’Union européenne a (...)
adopté des textes, relatifs à la traçabilité des
produits israéliens ou supposés tels, qu’elle
n’applique que de façon partielle et insuf­
fisante. Les investissements d’entreprises eu­
ropéennes qui facilitent la colonisation ou
en profitent doivent cesser.
Suspendre l’accord préférentiel jusqu’à ce
qu’Israël s’engage réellement dans un pro­
cessus de paix, appliquer les textes qui inter­
disent aux produits des colonies d’être
importés en Europe sous label israélien,
deux décisions qui constituent à nos yeux
des objectifs politiques immédiats, crédi­
bles, justes, efficaces, rassembleurs. Les pa­
roles creuses de soutien aux droits palesti­
niens, démenties par les encouragements de
facto à la politique qui les nie, laissent le
champ libre aux dirigeants actuels d’Israël.
(...)

Nous rejetons deux posi­
tions antagonistes : D’un
côté celle qui prône le boy­
cott total d’Israël, mesure
proclamée radicale ; d’un
autre côté, celle des forces qui n’ont jamais
agi pour que l’Union européenne exerce
une pression réelle sur la politique israé­
lienne et prennent prétexte de la prétendue
radicalité du boycott total, qualifié de cam­
pagne de haine, pour exiger d’inacceptables
censures ou poursuites judiciaires. Nous
considérons qu’il faut être aux côtés des
progressistes israéliens, qui soutiennent le
boycott des produits des colonies, comme
aux côtés des progressistes palestiniens.
Nous soutenons la demande de hauts res­
ponsables palestiniens pour une action vers
l’Union européenne, en vue de sanctions ef­
ficaces, et non du boycott total d’Israël.
(...) Seule [ la ] clarté permettra de con­
vaincre ; elle seule permettra l’union la plus
large pour que cesse enfin un conflit meur­
trier, absurde en tout point car les condi­
tions du règlement pacifique juste et
négocié sont connues et elles s’imposeront.
(...)

Nous nous y engageons*, nous vous y
engageons.
* Notons, parmi les signataires auxquels
vous pouvez vous joindre en adressant un
mèl à : lederer@lps.u­psud.fr
Raymond Aubrac, résistant
Marie­George Buffet, députée PCF
Maurice Cling, ancien déporté, professeur d'univer­

(janvier 2010)

Par l'édition de la Presse Nouvelle Magazi­
ne, l'UJRE maintient l'expression d'une voix
juive, laïque et progressiste dans ses locaux
historiques du "14". Ceux­ci, rénovés par
la Ville de Paris, sont désormais gérés par la
Fédération "Espace Mémoire du 14" qui
regroupe ses trois fondateurs : l'Union des
Juifs pour la Résistance et l'Entraide
(UJRE), la Mémoire des Résistants Juifs de
la MOI (MRJ­MOI) et Les Amis de la CCE
(AACCE). Si l'action de chaque association
est spécifique, ensemble, elles œuvrent à
réaliser au "14" un Espace Mémoire dédié à
l'engagement des résistants immigrés juifs
de la M.O.I. (cf. p.5). Conscients des nom­
breux appels faits à votre générosité, nous
souhaitons préciser pourquoi l'UJRE
maintient dans ces colonnes sa souscription
permanente – et où va l'argent ? S'ajoutant
aux cotisations de nos adhérents et aux
abonnements de la PNM, il contribue au fi­
nancement de la Fédération pour sa gestion
des locaux et assure le développement des
activités de l'UJRE (rencontres, débats) et
notammment de son activité éditoriale.
Connaissant votre attachement à notre jour­
nal "pas comme les autres", nous vous
remercions d'avance pour votre soutien.
Jacques Lewkowicz, président de l’Ujre

Total 715
(*) sauf mention explicite (adhésion, réabon­
nement ou don), vos règlements sont imputés
en priorité en renouvellement d’abonnement,
puis en don. Pour rappel, 66% des montants
d’adhésion à l’UJRE et des dons sont déduc­
tibles de vos revenus. Nous prions nos abon­
nés de bien vouloir renouveler spontanément
leur abonnement, pour nous épargner des frais
de relance. Votre PNM vous en remercie
d’avance.

sité honoraire

Michel Dreyfus, historien
Jean­Pierre Dubois, pdt. LDH
Stéphane Hessel, Ambassadeur de France
Henri Leclerc, pdt. d’honneur LDH
Pascal Lederer, physicien, co­animateur d’UAVJ
Maurice Rajsfus, pdt. de l’Observatoire des libertés
Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT
Roland Wlos, ancien conseiller municipal de Paris

Avis de recherche

in décembre 2010, Sophie Szejer nous adressait
l'avis de recherche de ses cousines, Rachel et Georgette Chimisz (voir Pnm n°
282 de janvier 2011).
Depuis, grâce à nos amis lecteurs, qu'ils en soient remerciés, nous retrouvons trace
de Rachel Belhassen née Chimisz, par le très beau témoignage sur son père, Kalme
Chimisz, paru sur le site de l'association Convoi 73*.
Georgette Chimisz aussi qui, enfant, était au foyer du Raincy Côteaux...
Il ne nous manque plus que leurs coordonnées, merci si vous avez des éléments de
réponse de les transmettre au journal.
PNM
* http://www.convoi73.org/temoignages/026_kalme_chimisz/

F

Ujre
- La Presse Nouvelle Souscription* n° 58

F

Les 4 fusillés
du KremlinBicêtre

rance 3
diffuse le
26 février à
15h25 et le 28 fé­
vrier à 00h35 ce
documentaire
(2009) d'une qualité exceptionelle, réa­
lisé par Caroline Bray, jeune diplômée
de philosophie à partir de quelques
photos, lettres et documents trouvés
par hasard dans une décharge, les
photos ayant attiré son attention.
Au sortir de ce film chacun est plus
que convaincu de l'importance de pré­
server tout document, qui peut parfois
sembler ne présenter aucun intérêt.
P.N.M. 283 ­ Février 2011

Politique

Marine Le Pen devient
présidente du Front national

E

lle a été élue à Tours le 16 janvier avec
67% des voix des militants.
Est­ce un FN nouvelle formule qui est
apparu le 15 janvier sous les traits d’une
Marine Le Pen très confortablement choisie
par les militants, face à Bruno Gollnisch ?
Le contraste est déjà saisissant, dans la
forme, entre Marine et son père, et même
entre Marine candidate et Marine installée.
Le 15 janvier, pour son dernier discours
présidentiel, Jean­Marie Le Pen était apparu
égal à lui­même : dénonçant « le mythe de
la Résistance », parlant de l’Indochine et de
l’Algérie comme de « guerres de décoloni­
sation dans lesquelles les soldats français
[étaient] venus protéger les populations ci­
viles », rappelant la mémoire de l’historien
négationniste et antisémite François Duprat,
cadre fondateur du FN naissant dans les an­
nées 70.
Le discours de Marine Le Pen, le lende­
main, marque une inflexion sensible. Tout
le monde a noté sa tonalité sociale, l’accent
mis sur la défense des couches populaires
face aux « super­riches », à « l’injustice gé­
néralisée » et au « règne déchaîné de l’ar­
gent », la volonté de réhabiliter la notion
d’État interventionniste. Tout le monde a
remarqué aussi que l’immigration devenait
un thème secondaire, la nouvelle présidente
mettant l’accent sur les valeurs républi­
caines, la laïcité et le refus de la visibilité de
l’Islam sur le sol français.
Est­ce pour autant que le Front national a
définitivement tourné le dos à l’extrême
droite ? Il y a certes l’omniprésence des ré­
férences à la République. Mais il reste l’at­
taque mariniste contre la « repentance
névrotique » et plus encore celle contre
« les associations prétendument “antira­
cistes”, qui sont appelées à jouer les procu­
reurs, prérogatives illégitimes qu’elles
utilisent abusivement pour imposer une
censure politique ou exercer un véritable
racket sur les justiciables »... On note aussi
la dénonciation de la « fracture ethnique »
opposant une France fondée sur les
« principes chrétiens sécularisés » à
l’Islam. Marine Le Pen s’attaque au multi­
culturalisme en général, assurant que le FN
veut « tout pour les citoyens, rien pour les
communautés » et promet que son parti
« fera inscrire dans la Constitution : “La Ré­
publique ne reconnaît aucune communauté” ».

L

A quoi ressemble l’appareil frontiste désor­
mais ? Avec 32,35% des voix, les partisans
de Bruno Gollnisch représentent un tiers
des militants. Au comité central du FN, ils
disposent de 42 sièges sur 120 et au bureau
politique, de 10 places sur 42. Dans le nou­
vel organigramme, un homme fort : le ma­
riniste Steeve Briois, élu local de
Hénin­Beaumont, nommé secrétaire géné­
ral. Le bureau exécutif est entre les mains
de « marinistes » convaincus comme Alain
Jamet, Louis Aliot ou Marie­Christine Ar­
nautu, qui est en charge des questions so­
ciales. Pour gagner en crédibilité, Marine
Le Pen a fait entrer directement au bureau
politique deux intellectuels : Laurent Ozon,
écologiste formé par la Nouvelle Droite et
qui a travaillé avec Antoine Waechter, ainsi
que le géopolitologue David Mascré, ancien
chargé de mission au ministère des Affaires
étrangères, auteur d’un livre sur l’affaire
Ilan Halimi, « Des barbares dans la cité »,
ce qui lui a permis d’être invité plusieurs
fois au salon du livre du Bnai Brith.
Au sein de la tendance minoritaire, les radi­
caux continueront à siéger. Yvan Benedetti,
Alexandre Gabriac, issus de l’Œuvre fran­
çaise, sont au comité central. Farid Smahi,
qui joua un rôle dans l’organisation de la vi­
site de Dieudonné à un meeting frontiste au
Bourget en 2006, élu brillamment au Comi­
té Central, a par contre exprimé son désir de
quitter le parti. Motif : il reproche à Marine
Le Pen d’« être financée par les sionistes
comme tous les autres mouvements d’ex­
trême droite » et de se taire sur la « véri­
table colonisation, (celle) des territoires
occupés palestiniens. ». Aux poubelles de
l’Histoire…
Le FN version Marine est donc un parti ra­
jeuni, doté d’une dirigeante qui a envie du
pouvoir et qui a voulu imprimer tout de
suite sa marque. La question identitaire,
l’évocation du rôle « d’éveilleur » joué par
le parti, le thème du localisme et celui de
l’écologie, évoquent une influence in­
déniable des idées néo­droitières et de
cadres naguère tentés par Bruno Mégret.
Bruno Gollnisch lui, compte regarder d’un
peu loin se mettre en œuvre une stratégie
qu’il juge vouée à l’échec. Quoi qu’il en
soit, le congrès du FN, n’en déplaise à Na­
dine Morano, n’était pas un « non événe­
ment ». Surtout pas pour l’UMP…

Jean-Yves Camus

3

Plus le mensonge est gros...

M

ardi 18 décembre 2010 à 20 h.
l'École nationale supérieure (ENS)
de la rue d'Ulm devait accueillir
une conférence organisée par les initia­
teurs de l' « Appel de solidarité avec Sté­
phane Hessel et toutes les victimes de la
répression 1».
Avant de déshonorer le Quai d’Orsay en
proposant à Ben Ali le renfort du « savoir­
faire français » afin de rétablir l’ordre (dic­
tatorial), Michèle Alliot­Marie avait sévi
place Vendôme. Ministre de l’Injustice, elle
inventa de toutes pièces, à l’occasion d’un
dîner du Crif d’Aquitaine, le 18 février
2010, un « boycott des produits casher 2»…
dont elle niait encore l’existence neuf mois
plus tôt à l’Assemblée nationale 3. Et pour
cause : personne n'a jamais prôné une ac­
tion aussi révoltante – on attend toujours les
preuves annoncées par MAM…
Cette manipulation lui a néanmoins permis
d’appliquer aux militants de la Paix l'alinéa
8 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881,
qui punit la « provocation publique à la dis­
crimination » de peines allant jusqu’à 3 ans
de prison ferme, 45 000 euros d'amende –
plus, s'agissant de fonctionnaires, la radia­
tion de la Fonction publique. L'incroyable
disproportion entre le « délit » reproché –
un tract, une affiche, un autocollant – et les
sanctions encourues a scandalisé tous ceux
qui s’inquiètent des atteintes répétées du
pouvoir aux libertés publiques.
D'où l'extraordinaire succès de l'Appel : plus
de 15 000 signatures, parmi lesquelles de
nombreuses personnalités intellectuelles et
politiques dont certaines n'avaient jamais
apposé leur nom au bas d’une critique de la
politique israélienne. Parallèlement, Sté­
phane Hessel est devenu millionnaire en...
brochures au titre explicite : Indignez­vous !
Voilà qui a fait perdre leurs nerfs aux plus
inconditionnels des amis français de Be­
nyamin Netanyahou. On se souvient qu'à la
mi­octobre dernier, un certain Taguieff, na­
guère suspecté comme « rouge­brun » dans
les colonnes du Monde, traita le vieux dé­
fenseur de toutes les causes justes de « ser­
pent venimeux dont on comprend qu'on ait
envie de lui écraser la tête », avant de qua­
lifier le résistant, envoyé de Londres en
France, arrêté et torturé par la Gestapo, puis
déporté à Buchenwald de… « garde­
chiourme » des SS…
Bref, lorsque la directrice de l'ENS, Mme
Canto­Sperber, accorda une salle à Sté­
phane Hessel et à ses invités 4, Richard
Prasquier, le président du Crif, utilisa toutes
ses « relations » pour faire interdire la

Le Front national reste le Front national !

e ripolinage de Marine Le Pen n’aura duré que le temps
d’une campagne de communication voulant donner à
penser que la présidente et son parti étaient désormais
fréquentables…par certains à l’UMP.
Parmi les constantes du FN, le mensonge, la haine de la dé­
mocratie, des journalistes et des juifs sont toujours aussi pré­
sents et « le ventre est toujours fécond ».
Samedi soir [15/01], Michaël Szames journaliste à France 24
arrive à Tours pour exercer son métier d’informateur.
Vers 22h30 il entre, en tant que journaliste à un dîner de gala
du FN afin de recueillir des informations sur le vote qui s’est
déroulé pendant plusieurs jours ; il se fait insulter, agresser,
déposséder de sa carte de presse et jeter comme un chien par
sept nervis du service d’ordre du FN qui lui tiennent les
mains derrière le dos.
Les cervicales, le genou sont touchés, il souffre de multiples
contusions, sans compter le traumatisme subi : quinze jours
d’arrêt maladie et accident du travail.

Paris le 17 janvier 2011
[ Communiqué ]

Le président sortant du FN n’a pas manqué de poursuivre
dans l’ignoble en affirmant dimanche lors d’un point de
presse : « Le personnage en question a cru pouvoir dire que
c'est parce qu'il était juif qu'il avait été expulsé... Cela ne se
voyait ni sur sa carte d'identité ni, si j'ose dire, sur son nez ».
Quand à Marine Le Pen, elle a osé affirmer lundi sur RMC
Info­BFM TV : « Il aurait dû dire sur son front, ça au moins
cela aurait évité la polémique ».
Et en plus le FHaine porterait plainte pour dénonciation ca­
lomnieuse !
Michaël Szamez ayant porté plainte pour agression, le SNJ*­
CGT se portera partie civile à ses côtés, s’il le souhaite, pour
atteinte à la liberté de la presse.
Il est temps que la profession démasque ce qu’est et reste vé­
ritablement le FN : un parti anti­démocratique, dont le pro­
gramme économique et social est à l’opposé de l’intérêt des
salariés et des couches populaires qu’il prétend sans honte
défendre.
* SNJ : Syndicat National des Journalistes

Société

conférence. Fier comme Artaban, il le narra
lui­même dans un éditorial sur le site du
Conseil 5: « Valérie Pécresse, ministre des
Universités, ainsi que le rectorat de l’Uni­
versité de Paris que nous avons contactés
en urgence ont réagi sans ambiguïté : je
leur rends hommage, ainsi qu’à Claude
Cohen­Tannoudji, Prix Nobel de Physique,
Bernard­Henri Lévy et Alain Finkielkraut,
tous anciens élèves de l'École normale su­
périeure. Et une pensée particulière à Mme
Canto­Sperber qui mène un combat inces­
sant contre des dérives inquiétantes. » Et
d’enfoncer le clou : « C’est bien le Crif qui
est à la manœuvre derrière toutes les procé­
dures contre le boycott. »
Cette arrogance ne dura guère. Car la plu­
part des « personnalités » citées démentirent
avoir exigé une quelconque censure. Quant
à la conférence, elle se déroula devant le
Panthéon : comme un hommage de la pa­
trie reconnaissante à ce grand jeune
homme, bien vivant, lui, de 93 ans...
Tout est bien qui finit bien, dira­t­on. Sauf
que Prasquier, Pécresse, Canto­Sperber, Co­
hen­Tannoudji, BHL, Finkielkraut et la qua­
si­totalité des commentateurs ont rabâché la
même contre­vérité : la conférence aurait eu
pour but d'appeler au boycott d'Israël.
Il était pourtant facile de consulter le site de
l'Appel pour en vérifier le verbatim : « Cer­
tains d’entre nous appellent au boycott de
tous les produits israéliens ; d’autres
“ciblent” les seuls produits des colonies is­
raéliennes ; d’autres encore choisissent des
formes d’action différentes. Mais nous
sommes tous unis pour refuser catégorique­
ment que les militant­e­s de la campagne
internationale Boycott­Désinvestissement­
Sanctions (BDS) soient accusés et jugés
pour “provocation publique à la discrimi­
nation” alors qu’au contraire ils com­
battent contre toute forme de discri­
mination, pour le droit de tous les peuples à
l’autodétermination, pour l’application à
tous les États du droit international et des
sanctions prévues lorsqu’ils le bafouent. »
L’invitation à la conférence, elle, ne com­
portait même pas le mot « boycott ». Et les
1 500 participants au meeting du Panthéon
(cinq fois plus que la salle de l’ENS n’en au­
rait accueillis) peuvent en témoigner : si
certains des orateurs ont évoqué ledit boy­
cott, presque tous ont prôné celui des pro­
duits des colonies israéliennes de Cis­
jordanie – conformément aux décisions de
la Cour de justice de l’Union européenne.
Comment, cela dit, qualifier un pays où une
ministre, le président d’un Conseil commu­
nautaire, la directrice d’un des hauts lieux
de l’intelligence française, deux philo­
sophes qui prétendent incarner celle­ci et la
plupart des journalistes répètent, toute honte
bue, une contre­vérité, dans le plus parfait
mépris de leurs concitoyens ? Un tel com­
portement devrait être sanctionné, au moins
symboliquement. Car, comme le notait le
pamphlétaire anglo­américain Thomas
Payne, « c’est un affront que de traiter le
mensonge avec complaisance ».
Dominique Vidal
1. Voir site www.collectifpaixjustepalestine.org
2. « Michèle Alliot­Marie : “Ma présence parmi
vous ce soir est l’occasion de réaffirmer la place
de la communauté juive au sein de notre Na­
tion”, www.crif.org
3. Séance unique du 20/05/2009, Ass. nationale
4. En toute connaissance de cause, comme le
prouvent les mèls envoyés par le signataire de
ces lignes à son assistante.
5. http://www.crif.org/index.php?page=articles
_display/detail&aid=23242&returnto=searchadv/
motor&artyd=70
4

C ycl e

o pi n i o n s

:

ê t re

J u i f

a u

X X I em e

s i è cl e

P.N.M. 283 ­ Février 2011

Recette juive pour fabriquer
de bons petits Français !
Laurent Sablic

V

ers l’âge de 8 ans, quand un de
mes camarades me demandait
pourquoi, contrairement à la
quasi­totalité des écoliers de ma
classe, je n’allais pas le jeudi au caté­
chisme, je répondais que j’étais juif­
communiste ! Il me semblait que cette
explication devait suffire à éclairer
leur lanterne. À Charenton­le­Pont,
Val­de­Marne, ville où j’habitais alors,
cette réponse me conférait une cer­
taine notoriété, un parfum d’originali­
té, mais elle ne m’aidait guère à
renforcer ma cote de popularité. Pour­
tant, je n’en ai guère souffert. Les co­
lonies de vacances de la CCE*, au
château du Roc et à Celles sur Plaine,
me fournissaient un contingent suffi­
sant de jeunes de mon âge fréquen­
tables et normaux, c’est à dire tous…
juifs­communistes.
Après avoir déménagé vers un quartier
normal lui aussi, le XIe arrondisse­
ment, tant au patronage, passage
Charles Dallery, qu’au Lycée Voltaire,
j’ai pu également vérifier qu’il était
plus courant dans notre pays de se dé­
nommer Eisenberg, Poznanski, Tenen­
baum, Rosenblat, Wainberg ou
Szwarcblik que Martin, Pion ou Dela­
nois. J’ai aussi découvert, au fil du
temps et de mon engagement poli­
tique, qu’au sein de cette catégorie im­
mense des juifs­communistes il
existait des variantes assez nom­
breuses : des trotskistes – eux­mêmes
subdivisés en pas mal de sous­catégo­
ries ­, des maoïstes, des réformistes,
des staliniens… Heureusement pour
mon équilibre psychique, ils étaient
tous juifs. Quand même !
Ainsi, pendant une longue période,
celle de mon enfance et de mon ado­
lescence, je n’ai guère rencontré de
problèmes identitaires, comme on dit
de nos jours. Chez mes grands­parents
et dans les fêtes de famille, ça parlait
yiddish, ça chantait yiddish, ça s’en­
gueulait yiddish, et bien sûr, ça man­
geait yiddish.

serter longuement sur les différences
entre Montagnards et Girondins. Bref,
entre la maison, les vacances, le lycée,
rien ne venait faire de l’ombre à ce
sentiment d’être au bon endroit, et au
bon moment, en France dans les an­
nées 60/70.
J’ai aujourd’hui 53 ans, quatre en­
fants, et LA question qui se pose à pré­
sent pour moi, comme à d’autres
j’imagine, c’est :

Et la France ? Quoi, la France ?

Pas de synagogue, pas de shabbat, pas
de fêtes juives.
Bien entendu, il y avait la déportation,
le génocide – on ne disait pas Shoah –,
nos familles disparues et la commémo­
ration annuelle, rue de Lancry, du sou­
lèvement héroïque du ghetto de
Varsovie, avec au final un récital de la
Chorale populaire juive dans laquelle
chantaient mes grands­parents. Mais
là encore, ces récits, ces témoignages
étaient surtout l’occasion de mettre en
avant les actes de résistance des nom­
breux juifs communistes face à la bar­
barie nazie plutôt qu’à souligner une
spécificité de notre condition de juifs.
Plus persécutés que les autres, certes,
mais aussi, plus engagés, plus valeu­
reux, plus admirables. Je n’ai compris

C’était notre pays, à nous les juifs­
communistes. Contrairement aux
autres, terme dont je n’ai compris que
tardivement qu’il désignait les sio­
nistes, ceux dont mon grand­père ne
parlait qu’avec un mépris appuyé et
qui s’intéressaient à un pays lointain
appelé Israël et qui de surcroît lisaient
Unzer Vort et non le grand journal fa­
milial, la Naïe Presse, je me sentais
plus français que les Français. Du
reste, contrairement aux rares goys
égarés dans nos classes du lycée
Voltaire, j’avais lu Hugo et Zola, en­
couragé par ma grand­mère qui les li­
sait en yiddish ; grâce aux "14 juillet"
de la CCE, je pouvais à onze ans dis­

Que reste­t­il de tout cela ?
Q’avons­nous à transmettre ?
A vrai dire, il reste peu d’éléments ob­
jectifs de la culture juive que je puisse
réellement envisager de confier en hé­
ritage à Mathilde, Hugo, Josépha et
Gabrielle.
La religion a été totalement absente de
mon éducation, et, pour être clair, je
n’en conçois aucun regret. Le récit de
Pâques, fait par Mme Slovès au patro­
nage, n’avait guère de chances de
nous permettre de renouer avec nos ra­
cines : il prenait la dimension hé­
roïque des luttes internationales des
peuples du monde pour leur libération
et, dans ces années là, du Vietnam à
Cuba, on ne manquait pas d’exemples
plus récents que les tribulations de ces
malheureux Hébreux, il y a quelques
milliers d’années. Aussi bien, Sacco et
Vanzetti rejoignaient les époux Rosen­
berg dans notre Panthéon progressiste
et j’ai plus fréquenté Lénine que
Moïse au cours de nos veillées de
chant, au Roc. Je me souviens même,
lors des fameux spectacles qui consti­
tuaient le moment le plus attendu de
nos colos, d'avoir joué un B52 bom­
bardant le valeureux peuple vietna­
mien au cours d’une représentation de
l'Homme aux sandales de caoutchouc,
une pièce de Kateb Yacine ! Heureuse­
ment, je pense qu’il n’existe pas de
traces de cette soirée.

que plus tard, la dimension particu­
lière de cette volonté méthodique
d’anéantissement des juifs. Mais, ce
que j’ai sinon perdu, du moins mis du
temps à saisir, est compensé par ce
que j’ai gagné : le sentiment que le
sort des juifs, aussi singulier soit­il,
n’est pas d’une nature si différente des
souffrances et des luttes des autres hu­
mains de notre planète. Cela, j’ai es­
sayé de le transmettre.
Et puis, il y a d’autres valeurs que
nous ont transmis nos familles et nos
éducateurs de la CCE : le droit des en­
fants de s’exprimer et de prendre part
aux décisions qui les concernent ; la
stricte égalité entre garçons et filles ;
le caractère sacré de la lecture ;
l’amour de ce pays, la France, qui a
tant de choses à dire au monde… Sans
doute, il n’y a pas besoin d’être juif
pour partager ces valeurs. Mais, le fait
est que nous pensions que tout ça avait
un petit côté juif. En face, d’autres le
pensaient et le pensent encore.
Enfin, il y a l’humour, les blagues, les
witz** … Hélas ! Pour ma famille et
pour mes amis, c’est sans doute la part
la plus avérée de ma culture juive !
Mais c’est un tel trésor et qui résume
si bien la distance nécessaire qui doit
faire de nous des hommes et non des
soldats.
Pour conclure...
Je dirai que l’éducation juive­com­
muniste, reçue principalement à la
CCE, a produit quelque chose d’ir­
remplaçable pour notre génération :
elle nous a permis de nous passer de
cette référence permanente à notre sin­
gularité. En cela, elle est fidèle à ses
principes. Au­delà de la nostalgie, des
moments chaleureux et amicaux que
nous avons vécus, cette éducation
nous a permis, parfois à son corps dé­
fendant, de nous émanciper et d’entrer
de plain­pied dans la société française.

Une éducation laïque, donc.
Grâce au Château du Roc, à nos moni­
teurs, à nos chansons, à nos représenta­
tions théâtrales, à nos copains, nous
sommes devenus des membres à part
entière d’un pays extraordinaire, la
France. La CCE nous a protégés,
vaccinés, contre toute tentation de re­
pli sur les origines, d’exaltation de
l’appartenance à un groupe, de com­
munautarisme pour employer ce mot
qui ne veut pas dire grand­chose.
J’éprouve une grande tendresse pour
la CCE, je n’apprécie guère les procès
que l’on fait à ceux qui l’ont animée
toutes ces années, et en général –
après en avoir fait partie –, je n’aime
guère les donneurs de leçons. Quelles
que soient leurs erreurs, ils nous ont
donné beaucoup de leur temps, la plu­
part d’entre eux nous ont aimés sincè­

rement, parfois avec maladresse,
toujours avec enthousiasme et avec un
projet, des valeurs dignes de respect.
Mais, c’est le passé. Un passé qui mé­
rite certes d’être rappelé, étudié, mais
ni d’être exalté ni de remplacer la vie,
celle que nous vivons ici et mainte­
nant.
Je dois donc reconnaître que tout ce­
la, me concernant, c’est une histoire
qui s’épuise, qui s’éloigne, qui va
prendre fin inéluctablement. Et même
si la nostalgie est là, cette disparition
n’est pas tragique, elle est aussi la
condition pour que nous vivions notre
époque de l’intérieur, comme acteurs
engagés et non comme une élite
distinguée par un quelconque mérite
tiré de ses origines.
Au fond, c’est cela que je me sens
en mesure de transmettre : la possi­
bilité donnée à mes enfants de pouvoir
être ce que le nazisme a refusé aux
juifs européens, de jeunes adultes
comme les autres avec un avenir à
construire, dotés d’une histoire fami­
liale, de quelques récits, de valeurs
qu’ils réinventeront, et … d’un solide
humour juif !
Laurent Sablic
* CCE : Commission Centrale de
l'Enfance. Créée par l'UJRE dès la Li­
bération, elle prend la forme d'une as­
sociation (loi 1901) en 1947.
** Witz : Mot d'esprit, plaisanterie.

Jean-François Zygel
entouré de

Philippe
Berrod
Talila
présente

M

Martine
Bailly

iv
ma famille ju
is h p o k he ,

en hommage
à Shalom Zygel,
son arrière­grand­père,
hazan
(cantor de synagogue)
en Pologne

Représentation exceptionnelle
Dimanche 6 mars à 19h.
au Palace 8 rue du Fg. Montmartre Paris 9e
au profit de la Maison de la culture yiddish
Réservation : 33 (0)1 47 00 14 00

e
P.N.M. 283 ­ Février 2011

Moyen-Orient

I

D e l a Tu n i s i e à
l’Egypte
- le temps des révolutions de vivre démocratiquement et donc d’en
finir avec des régimes où pouvoir, argent
et famille se confondent. De la société
elle­même sont nées des formes d’auto­
organisation, même si les prémices en
avaient été jetées durant les luttes menés
depuis des décennies.
Pour Rachad Antonius, sociologue égyp­
tien, les “Frères musulmans” « ont acquis
un poids du fait de la répression. Celle­ci
a beaucoup plus affecté les forces laïques
que les “Frères musulmans” qui avaient
le réseau des mosquées pour s’organiser.
Mais cette révolte a montré que les gens
sont capables de s’organiser en dehors
des partis religieux. Le poids réel des
“Frères musulmans” est bien moindre
qu’on ne l’imaginait. Le régime les utilise
comme une sorte d’épouvantail. »
Amr Ali, porte­parole du Mouvement du
6 avril* ne dit pas autre chose : « Les
“Frères musulmans” font partie inté­
grante du régime parce qu’ils servent de
repoussoir. Les jeunes en Égypte et le
Mouvement du 6 avril en particulier ont
montré qu’il existait une troisième voie
entre le régime dictatorial de Moubarak
et l’islamisme des “Frères musulmans”,
c’est le peuple lui­même. »
On peut dès lors s’interroger sur certaines
prises de position qui justifient à l’avance
un coup d’Etat militaire ou qui regrettent
le régime Moubarak (ou celui de Ben Ali)
par peur de l’avenir**.
Rien n’est évidemment écrit d’avance et
c’est pourquoi les révolutions tunisienne
et égyptienne ont besoin du soutien de
tous les démocrates.
Jacques Dimet
* Le Mouvement du 6 avril a été crée par de
jeunes égyptiens en 2008 en soutien aux
grèves ouvrières de Mahallah, réprimées dans
le sang.
** L’ancien président du Crif, Roger Cukierman,
écrit dans la newsletter du Crif datée du 8 fé­
vrier 2011 : « Ce qui se passe en Egypte n’est
pas de bon augure ! Nous en sommes venus à
souhaiter le maintien au pouvoir de l’armée,
non par amour de la dictature, mais par crainte
de l’arrivée des Frères musulmans (…) » Et le
même Roger Cukierman d’affirmer sans rire
qu’aucune démocratie ne peut s’installer dans
un pays arabe.convictions.

Belle soirée, riche débat vendredi
28 janvier à l'auditorium de l'Hôtel
de Ville !
Les Amis de la CCE y célébraient
leurs 20 ans d'existence.
Plaisir de revoir Nous continuons,
film produit par l'UJRE en 1946,
les enfants, notamment d'Andrésy,
de Sainte­Maxime... (voir ci­contre)
Nous y reviendrons dans la PNM
de mars.

Andrésy
Dimanche 30 janvier.
Une après­midi d'hiver
comme les autres et
pourtant
différente.
L'espace Julien Green
accueille les “anciens des foyers”, leur
amicale, leurs amis, des andrésiens, la mu­
nicipalité d'Andrésy... pour la première de
la création de Valises d'enfance, spectacle
de marionnettes pédagogique, musical,
dansé et imagé. L'aventure commence
quand la compagnie PIPA SOL*, installée en
résidence par la municipalité d'Andrésy au
Chalet Denouval, découvre l'histoire du
manoir, utilisé dès 1945 par la Commission
Centrale de l'Enfance auprès de l'UJRE qui
y ouvre sa première maison "d'enfants de
fusillés et déportés". Sollicitée en mars
2009 par Agnès Gaulin Hardy, animatrice
de la compagnie, l'UJRE organise une ren­
contre avec les anciens du foyer d'Andrésy.
Le "travail" est lancé... qui aboutit à ce
spectacle, "expérience d’une intime er­
rance dont le partage assurera la trans­
mission de parcours de mémoires"**.
Spectacle émouvant, à voir en famille (dès
8 ans). Nous y reviendrons en mars.
Mercredi 30 mars à 15h30
Scolaires à 10h et 15h30 les 29 et 31 mars
au Centre d'animation Montgallet
4 passage Stinville, Paris 12e
Réservation 01 43 41 47 87
* LA CIE PIPA SOL (www.pipasol.fr), créée en
1996, réalise des spectacles destinés avant tout à
un jeune public mais dont la pertinence peut
interpeller un public plus large.
** Lire Quand l'histoire sort des pantins in Le
courrier des Yvelines, 19/01/2011

Sainte
Maxime

La Villa Massilia
fut la première
colonie
ouverte, dès la Libération, par l'UJRE. Puis,
elle accueillit, de 1945 à 1948, “les enfants
de parents résistants (...) fusillés et dépor­
tés. (...) Gérée par l'Union des juifs pour la
résistance et l'entraide, elle a accueilli
trente à quarante orphelins (...) scolarisés
à l'école Siméon­Fabre, où ils ont eu pour
camarades de classe de nombreux petits
Maximois.”* “Un groupe d'amis**,
soucieux d'informer la population d'au­
jourd'hui” (...) a fait appel à la mémoire de
tous les Maximois “qui étaient sur les
bancs de l'école Siméon­Fabre entre oc­
tobre 1945 et mars 1948, [en vue] de par­
tager leurs souvenirs de jeunesse.”* Ainsi
vit le jour le Comité Massilia, soutenu par
la municipalité de Sainte­Maxime qui a ac­
cueilli en 2010 une exposition de la Fonda­
tion pour la Mémoire de la Déportation.
Grâce à leurs efforts, les "anciens" vont
pouvoir témoigner dans les écoles et col­
lèges de Sainte­maxime et une plaque être
apposée au portail de l'école. Nous serons
nombreux à cette cérémonie qui se tiendra
à Sainte­Maxime (Var), le :

Vendredi 18 mars 2011

* Nice­matin, 14 avril 2010
** Alain Prato, professeur d'histoire­géographie à la
retraite, Daniel Libéron, ancien boulanger et
président de la section locale de l'AMAC, Yvette
Bain et Germaine Dupin dont le père M. Bruno,
était le gardien de la villa Massilia

tria

Cela fut rappelé aussi lors de la victoire
du Hamas aux élections palestiniennes : le
« mouvement de la résistance isla­
mique », nom officiel du mouvement dont
l’acronyme arabe est Hamas, avait été por­
té sur les fonts baptismaux par Israël pour,
dans un premier temps, contrer une OLP
plus séculière et pluraliste. On sait ce qu’il
en advint. D’autant plus que tout embryon
d’un Etat palestinien fut systématique­
ment détruit.
En Egypte aussi, le pouvoir, bien que la
confrérie des Frères musulmans fût inter­
dite depuis 1954, s’appuya à plusieurs re­
prises sur les « Frères » pour démanteler
la gauche nationaliste et les communistes.
En Tunisie comme en Egypte, ré­
gnèrent pendant des décennies la ré­
pression, la torture, les exécutions et
une dégradation sociale.
Les révoltes ouvrières notamment à Gafsa
(Tunisie) ou à Mahallah (Egypte) furent
réprimées dans le sang, comme les ré­
voltes ouvrières au Maroc. On entendit
peu, c’est le moins que l’on puisse dire,
les voix qui portèrent leur solidarité aux
mouvements sociaux durement réprimés.
Comme on entend peu encore au­
jourd’hui ceux qui s’élèvent contre les at­
teintes aux libertés, à la démocratie et au
droit des femmes en Arabie saoudite déjà
citée, mais aussi dans les monarchies du
Golfe et dans d’autres régions du monde.
Aujourd’hui, Alain Juppé, ministre de la
Défense, peut se donner bonne
conscience en faisant une (relative) auto­
critique (« Beaucoup des dirigeants de
ces pays ont dit que c’était eux ou le
chaos islamiste. Il faut prendre au­
jourd’hui le pari de l’émergence des
forces démocratiques »), il n’en reste pas
moins que, pendant des décennies, les
puissances occidentales ont soutenu les ré­
gimes autoritaires en écoutant et en s’ap­
puyant sur leurs dirigeants.
L’élément déclencheur de la révolution
tunisienne fut l’immolation de Moham­
med Bouazizi, jeune diplômé contraint
par la crise économique à vendre des
fruits sur un marché et en butte aux tracas­
series policières.
Le peuple tunisien – notamment à par­
tir de sa jeunesse – a conduit un proces­
sus révolutionnaire qui a précipité le
départ de Ben Ali.
On affirme parfois que c’est sur ordre –
ou conseil – de Washington, que l’armée,
représentée par le chef d’État­major de
l’armée de terre, a forcé au départ de l’au­
tocrate. La réalité est plus simple, c’est la
force du mouvement social et populaire
en Tunisie qui a amené toutes les parties à
trouver une solution. Les Américains
n’ont pas besoin d’un nouveau foyer de
tension dans cette région du monde, ils
sont donc pour une sortie de crise rapide.
Les événements de Tunisie et d’Égypte
montrent que les régimes autoritaires ne
peuvent plus tenir quand le degré d’exas­
pération de larges couches de la popula­
tion est à son comble. Aux revendications
sociales se sont ajoutées les revendica­
tions directement politiques : la volonté

Mémoire de la C.C.E.

c Bou
© Lu

l y a cent ans, à quelques semaines
près, une révolution populaire, princi­
palement paysanne, renversait un
gouvernement dictatorial. Le Mexique
vivait alors une des premières révolutions
du XXe siècle (la révolution russe de 1905
ayant connu le sort que l’on sait). John Reed
que l’on retrouva en 1917 témoin engagé
de la révolution d’Octobre fut aussi un té­
moin de la révolution mexicaine, dont il
tira un livre Insurgent Mexico.
L’Histoire ne se répète pas, disait Marx,
elle bégaie. Mais à un siècle d’intervalle,
force est de se dire que le XXIe siècle
peut bien aussi être le siècle des révolu­
tions démocratiques. Deux événements
considérables sont, en effet, en train de
se dérouler, de l’autre côté de la Médi­
terranée.
Des régimes, soutenus jusqu’au bout par
les démocraties occidentales et par les
Etats­Unis d’Amérique au prétexte qu’ils
auraient été un « rempart » contre les isla­
mistes, sont mis à mal.
La Tunisie d’abord où le régime dictato­
rial de Ben Ali est en train de rendre
gorge après la fuite du dictateur en…
Arabie saoudite, pays que personne ne
peut décemment qualifier de démocrate
ou de non fondamentaliste.
Ben Ali prit le pouvoir le 7 novembre
1987, en éjectant un Bourguiba vieillis­
sant qui avait transformé la Tunisie indé­
pendante en pouvoir autoritaire et
autocratique. Le danger islamiste, du
moins dans le monde sunnite, était alors
relatif. La prise de conscience de ce dan­
ger vint avec les progrès du FIS en Algé­
rie, l’annulation par le pouvoir algérien
des élections de 1991 et les années de
quasi guerre civile que connut l’Algérie.
On sait aussi que, durant des décennies,
les Britanniques, puis les Américains,
préférèrent s’appuyer et appuyer des
mouvements religieux fondamentalistes
contre les forces progressistes, et en parti­
culier contre les communistes. Ce fut leur
choix de soutenir, par exemple, les mo­
narchies arabes contre la volonté d’éman­
cipation des peuples dans les années
cinquante et soixante.
Ce fut le soutien aux troupes d’Arabie
saoudite qui menèrent la guerre au Yé­
men dans les années 80, à la fois pour
empêcher tout progrès démocratique au
Nord et pour tenter d’éliminer le Yémen
du Sud, alors marxiste et laïque. Ce fut le
cas, à une échelle encore plus grande, en
Indonésie (le plus grand pays musulman
du monde) où les milices paramilitaires
islamistes furent mises à contribution
dans le massacre des communistes et des
progressistes après 1965 (de 500 000 à
un million de morts, selon les estima­
tions). Et on n’oubliera pas non plus que
ce furent essentiellement les Américains
qui armèrent et formèrent les premiers
djihadistes en Afghanistan (Ben Laden
fut financé, formé et armé par la CIA),
avant de reporter leurs espoirs sur les tali­
bans. Souvent les créatures échappent à
leur maître, il n’est qu’à se souvenir du
Golem.

5
6

Le doute créateur d'un
humaniste sans frontières

Le billet d'humeur

Itinéraire

«

Dans son livre sur Eichmann, Han­
nah Arendt montre un homme à la
conscience assoupie, un criminel
qui n'était pas tant animé par la soif du mal
que par la volonté de bien faire son travail,
c'est­à­dire, en l'occurrence, organiser la dé­
portation des juifs d'Europe ainsi que des
Polonais, des Slovènes et des Tsiganes vers
les camps. (…) Avant d'être un acteur de l'ex­
termination, c'était un travailleur, un “expert
en émigration”, devenu chef logisticien de la
“solution finale du problème juif.” (…) C'est
de cette façon que des actes monstrueux
peuvent être commis par des hommes qui ne
sont pas des monstres et dont la caracté­
ristique n'est pas la stupidité, mais l'absence
de pensée. (…) Je ne pouvais, à l'époque [où
j'ai lu Hannah Arendt] concevoir démocratie
et totalitarisme qu'en confrontation au­des­
sus d'un gouffre qui les séparait (…). Non
que démocratie et totalitarisme soient la
même chose, mais, avec le personnage
d'Eichmann, apparaissent des liens qui font
qu'un sujet ordinaire, d'une société ordinaire,
peut fonctionner dans le cadre d'un crime
extraordinaire avec la quasi­totalité de son
outillage intellectuel (…). »
L'auteur de ces réflexions est Rony Brau­
man répondant aux questions de Catherine
Portevin dans un ouvrage intitulé Penser
dans l'urgence*. D'une certaine manière,
c'est bien cette inquiétude permanente de fuir
le piège de « l'absence de pensée » qui est au
cœur de la vie de l'ancien président (1982 à
1994) de Médecins sans frontières (MSF),
acteur depuis la fin des années 1970 de l'hu­
manitaire dont « une caractéristique fon­
damentale » est « l’ambiguïté » et « une
incitation renouvelée à la penser ».
« Né » à la politique dans le grand chambou­
lement de mai 1967­68 et le combat contre la
guerre américaine du Vietnam, fasciné un
temps par le maoïsme dans son acception
plaçant sur un même plateau le militant du
PCF, de la CGT, « ces sociaux­traîtres » et
les nervis de l'extrême droite, Rony Brauman
se sentait, dans un même mouvement, enga­
gé dans un combat vital et dans l'effroi devant
« la rapidité avec laquelle une idée devient
un cliché dès lors qu'elle est répétée ».
« La rhétorique humanitaire, toujours tentée
d'exprimer, comme le gauchisme, l'idée d'un
Bien universel, sombre vite dans le vide des
lieux communs », si ce n'est le pire comme ce
fut le cas – explique Rony Brauman – en
Éthiopie en 1984­85 où les ONG ont été
instrumentalisées par la dictature « révolu­
tionnaire » du DERG** lors d'un programme
de déplacement massif et mortel (plus de
500.000 victimes) de populations, sous cou­
vert d'actions d'urgence contre la famine et
de création de « l'homme nouveau ». Le pire,
aussi, a été commis lors du génocide des Tut­
si au Rwanda en 1994 – avec la France « aux
côtés d'un pouvoir raciste et sanglant » ­ et
ce qui en a suivi, qualifié de « crise humani­
taire » par le Conseil de sécurité des Nations
Unies, couvrant ainsi d'un même manteau le
génocide et les massacres qui ont suivi au

L

RonyBrauman

P.N.M. 283 ­ Février 2011

Démographie - Démagogie

D

ans Judaïsme et Liberté, Monsieur Claude­Gérard Marcus, ancien bras
Zaïre. On a ainsi, dit Brauman, « inventé une
droit de Monsieur Chirac et fidèle du chanoine président Nicolas, se
nouvelle version du crime parfait, celui­là
même où il n'y avait que des victimes ». Et,
risque à rompre des lances pour la loi sur les retraites.
souligne­t­il, du « tous innocents » au « tous Il invoque l'allongement considérable de la durée de vie ; même si l'autre volet
coupables », il « n'y a qu'un pas ».
de son exposé démographique met en évidence un accroissement de la natalité.
«Devoir d'ingérence », « communauté inter­ Donc de la population active qui cotisera pour les retraites des futurs vieillards
nationale », deux expressions qui fleurissent (sauf chômage massif).
ces temps­ci autour du drame de la Côte " Vous voulez vivre plus longtemps ? Eh bien bossez plus longtemps et ne privez
d'Ivoire avec tous leurs relents empoisonnés pas le patronat de quelques années d'exploitation supplémentaire. N'alourdissez
d'interventions armées, de « sanctions », surtout pas ses charges."
d'arrogance des vieilles puissances impé­
riales et coloniales dont les peuples seuls sont En gros, c'est ça la vraie raison. Elle ne figure pas dans l'article.
les victimes. Et dans le même temps, c'est au A la lecture de ce texte, une chose saute aux yeux : Monsieur Marcus manipule
nom d'une prétendue non­ingérence en Tuni­ les données de la démographie pour vendre la politique antisociale du président
sie que la ministre française des Affaires chanoine. Il est intelligent.
étrangères et européennes, Mme Alliot­Ma­ Nous pas. Il en administre la preuve en invoquant l'ignorance crasse de beau­
rie, en est arrivée à proposer les services de coup de nos concitoyens, y compris des hommes politiques.
notre pays au totalitarisme d'un Ben Ali pour Au moins sept millions de travailleurs, de syndicalistes, d'étudiants, de lycéens,
réprimer plus efficacement..., sans doute au d'élus, de femmes et d'hommes de tous âges et de toutes régions ont manifesté
nom « de la civilisation » dont le puissant se l'automne dernier pour le maintien d'un droit acquis, la retraite à 60 ans.
dit porteur face au faible.
Pour Monsieur Marcus et Judaïsme et Liberté, ce sont sept millions d'imbéciles.
Né en Israël en 1950 – son père était un Je m'honore d'en être.
Jacques Franck
combattant de la Haganah – Rony Brauman
20 janvier 2010
est, tout naturellement, conduit à s'interroger
sur le devenir de ce pays. « Historiquement,
le sionisme a été à la fois un mouvement de "En souvenir du premier jour où nous avons ouvert la porte du 14, pour
Daniel Darès
libération nationale et un mouvement de qu'elle ne se referme jamais"...
conquête coloniale », constate­t­il. « Réparer
une horreur par une injustice, qui plus est,
L NOUS RESTE À ÉDIFIER
ENT
envers un peuple qui n'avait aucune res­ URG
L SPACE
ÉMOIRE DU
ponsabilité dans l'horreur, ne pouvait être
une issue viable », dit­il encore à propos de
Fondée par l’UJRE, l’AACCE, RPJ et l’UJJ, MRJ­MOI
la création de l'État d'Israël, « une erreur po­
s’est donné pour objectif de créer au 14 rue de Paradis un
litique majeure de l'après­guerre ». Mais,
souligne­t­il avec une même force, « Israël
Espace Mémoire destiné à faire connaître et à transmettre
existe et la question qui se pose désormais
l’engagement des résistants juifs immigrés de la M.O.I.,
est de savoir comment composer avec cette
partie intégrante de la Résistance française.
réalité pour que soient reconnus et respectés
Vous avez été des centaines à parrainer cette initiative au­
les droits politiques des Palestiniens ».
Dans son permanent souci de ne pas se lais­ près des pouvoirs publics en signant notre appel. Grâce à vous, grâce au sou­
ser piéger dans le non­penser au nom de l'ur­ tien et à l’engagement de la Ville de Paris et de son Maire, notre projet prend
gence, Rony Brauman dénonce la tentative corps. Mais nous devons fournir 40 000 € pour financer les travaux d’aména­
de culpabilisation de toute critique de la poli­ gement de l’Espace muséal que nous voulons créer dans ce lieu historique.
tique israélienne ou de recherche d'une solu­
tion juste et durable « au nom de la mémoire MRJ­MOI sollicite les pouvoirs publics et a lancé une souscription auprès
» sacralisée de la Shoah. « Aucune mémoire des particuliers. Vous avez déjà répondu avec votre générosité habituelle.
ne ménage de place pour les victimes des Mais il nous manque encore 22 000 € et nous n'avons plus que quatre mois
victimes. Pas plus la mémoire juive que la pour les réunir. Le temps presse. Chaque don est important. Les noms des
mémoire japonaise, africaine ou palesti­ donateurs qui le souhaitent seront inscrits sur un mur de l'Espace Mémoire.
nienne ».
Et, pourrait­on conclure avec Rony Brau­ La PNM soutient cette souscription.
man, il affirme que « si l'on veut s'appuyer
Merci de votre soutien. Un reçu fiscal vous sera adressé.
sur le passé pour tenter de conjurer les dan­
gers du présent, seule l'Histoire, avec ses
OUI je veux participer à la création de l’Espace Mémoire dédié
complexités, peut nous aider ».
aux résistants juifs de la M.O.I.
« Finalement, si on vous demande : qu'est­ce
qu'être juif pour vous? Est­ce une question
Nom
Prénom
qui peut avoir du sens ? ».
Adresse
A cette question existentielle de Cathe­
rine Portevin, l'humaniste sans frontières
CP
Ville
Pays
répond : « C'est un fait. Quel est le sens
d'un fait quand on n'est pas croyant ? ».
Mail
Tél
Michel Muller
Je fais un don de

I

* Rony Brauman, Penser dans l'urgence ­ Par­
cours critique d'un humanitaire, Éd. du Seuil,
Paris, 2006, 267 p., 21 €
** NDLR DERG : Nom du groupe de soldats
dissidents qui renversa Haïlé Sélassié en 1974

M

à inscrire sur le mur de l'Espace Mémoire : OUI

"14"

Chèque à l’ordre de M.R.J.­M.O.I. à envoyer au 14 rue de Paradis 75010 Paris

Voyage du Souvenir et de la Mémoire
¥¥¥¥¥ Pologne, du 3 au 6 avril 2011
¥¥¥¥en

’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz (AFMA)
organise un voyage du Souvenir et de la Mémoire.
Du 3 au 6 avril 2011, l’AFMA codirigera les visites
historiques des camps d’Auschwitz­Birkenau, Tre­
blinka et des sites de Cracovie et Varsovie (Po­
logne), en présence de témoins rescapés.
Durant quatre jours, les participants se rendront à Au­
schwitz­Birkenau, Plaszow et Treblinka. Une visite
de Cracovie (l’ancien quartier de Kazimiertz, la syna­
gogue Remuth, le cimetière, le ghetto, Podgorze, le

'E

musée de la pharmacie sous l’aigle, l’ancienne usine
Schindler) et de Varsovie (vieille ville et ghetto) est
aussi prévue.
Comme chaque année, l’AFMA prend en charge l’or­
ganisation matérielle du déplacement avec ses parte­
naires : réservation de places d’avion aller­retour, de
logements (en hôtel deux étoiles) pour les trois nuits
ainsi que les déplacements sur place.
AFMA ­ 17 rue Geoffroy l’Asnier 75004 Paris
01 48 32 07 42 ­ afma.local@free.fr ­ www.afma.fr

NON

AFMA : Fondée en 1987 au nom des rescapés des camps d’ex­
termination nazis et de leurs familles pour pérenniser la mémoire
des millions d’hommes, femmes et enfants, victimes innocentes
des crimes les plus monstrueux et odieux de l’histoire de l’hu­
manité, perpétrés par Hitler et ses sbires au cours de la deuxième
guerre mondiale – Soutenue par les Fédérations nationales de dé­
portés – FNDIRP et FNDIR, par des associations et amicales de
déportés rescapés du camp d’Auschwitz et de ses annexes (Kom­
mandos), de combattants et de résistants. Elle compte aujourd’hui
plus de 2 000 adhérents individuels, représentants de trois généra­
tions... – Voyage du souvenir pour les adultes, accompagnement
pédagogique de milliers d’enfants dans leur visite des camps, ex­
position permanente ‘Les yeux de la Mémoire’ dans ce que fut le
Camp de Drancy, partenariat avec les communes de Bobigny et
Drancy et d’autres associations pour rendre à l’histoire et à la mé­
moire, l’ancienne gare de Bobigny, gare de la Déportation... au­
tant d'éléments emblématiques de l'action de l'AFMA.
P.N.M. 283 ­ Février 2011

la chronique de
Laura Laufer

La Cinémathèque française organise en
janvier et en février une intégrale de l’œuvre
d’Alfred Hitchcock. C’est l'occasion de dé­

Memory
of the Camps

de Sidney Bernstein

Grande­Bretagne, 1945
couvrir un documentaire, rarement montré, qui bénéficia de ses conseils : Me­
mory of camps qui fut tourné pour l’essentiel au camp de Bergen­Belsen, sous la
direction de Sidney Bernstein et dont nombre d’images, aujourd’hui embléma­
tiques de la barbarie nazie dans les camps, ont été reprises par d’autres cinéastes,
à commencer par Alain Resnais dans Nuit et Brouillard.
ernstein, qui fut membre du parti communiste anglais, avait travaillé jus­
qu’en 1944 comme conseiller auprès du ministère britannique de
l’Information. A partir de 1944, il travaille, à l’Etat­major suprême des
forces expéditionnaires alliées (SHAEF), en
qualité de chef de la Section cinématogra­
phique. Hitchcock, ami proche, le rejoint pour
parler du projet qu’ils ont ensemble de créer
une société de production indépendante la
Transatlantic Pictures. C’est alors qu’Hitch­
cock réalise deux films en français, conçus en
soutien à la Résistance française : Bon voyage
et Aventure malgache. En 1945, décidant de
produire, à partir d'images tournées pas des
photographes alliés, un film destiné à être pro­
jeté dans toute l’Allemagne pour montrer et garder trace des atrocités nazies, Bern­
stein demande à Hitchcock de l'aider dans cette réalisation. Celui­ci préconise de
filmer en plans longs, sans coupe et de s’interdire, autant que possible, le montage,
car le montage est mensonge.
Cette question du « montage interdit » invite à s'interroger sur l’écriture cinémato­
graphique de l’Histoire. D'où le questionnement d'Hitchcock : comment faire pour
que le spectateur puisse être convaincu de la vérité de l’image ? Comment identi­
fier le lieu et le moment de la prise de vue ? Comment reconnaître acteurs et ac­
tions ? Toute écriture historique se doit d’identifier le document source et d'en
déterminer l'authenticité. Hitchcock recommande, entre autres, d’inscrire dans un
même plan panoramique charnier de victimes, bourreaux et témoins (Allemands
du voisinage ou soldats libérateurs) afin de prouver le non­trucage des images de
cadavres.
Il semble que la version de Memory of the camps montrée à la Cinémathèque soit
un remontage du film, datant de 1985, où l'on a cru bon de couper l’ouverture et
d'ajouter un commentaire ininterrompu qui aboutit à ce que les images soient as­
sourdies sous la voix de Trevor Howard. Si mes souvenirs sont exacts, à l’ouver­
ture du film d’origine, on entendait et voyait Hitler vociférer, acclamé par la foule
qui venait de l’élire, puis, silence. La caméra entrait dans le camp de Bergen­Bel­
sen et, sans bande sonore, témoignait par les seules images, le silence faisant choc
après les hurlements d’Hitler. On y voyait aussi d’autres camps, la campagne tran­
quille, aux alentours notamment d’un camp du Tyrol où les nazis déportaient les
handicapés mentaux pour s’y livrer à de monstrueuses expériences.
C’est bien souvent de ce film que sont issues les images des collections morbides
découvertes dans les camps : montagnes de cheveux, de lunettes, de vêtements,
objets fabriqués à partir des corps des déportés (bougies, abat­jour de lampes ...).
Le film inachevé ne fut jamais montré. La réconciliation avec l’Allemagne étant
à l’ordre du jour, il fut interdit de diffusion durant la guerre froide. Dans les années
80, on le vit dans quelques projections, accompagné d’un documentaire sur
l’histoire de sa réalisation, La mémoire meurtrie.
Aujourd’hui, les extraits du document d’origine ont été maintes fois recyclés, re­
vus et noyés dans le flux des propagandes visuelles qui se déversent sur tous les
écrans du monde. Comment les sortir de leur banalisation ? Et à l’heure où les sur­
vivants de cette histoire disparaissent, la question des formes de transmission de
son récit se posent. Il reste que s’interrogeant sur la représentation de la vérité,
Hitchcock a répondu par l’écriture cinématographique, une écriture où l’éthique et
la pensée de l’image participaient de la construction de l’Histoire.

B

Au delà

de Clint
Eastwood

E

astwood aborde le domaine de la
mort en trois récits fantastiques
qui se mêlent. Si le sujet touche, le
film convainc moins que les derniers
opus du cinéaste, même s’il est à voir.
Le risque est de trouver Au delà plus
simpliste que simple : Eastwood a
déjà réalisé des films plus complexes
et plus beaux.

(Art)
(Spiegelman)
s'est vu décerner
le Grand Prix
du 38e Festival international
de la bande dessinée
d'Angoulême.
Rappelons qu'il est l'au­
teur de Maus (1987), évo­
quant sous forme de
bande dessinée, le géno­
cide nazi, seule BD ayant
reçu le prix Pulitzer en
1992.

Côté
Expos

Felix Nussbaum

7

Culture

peintre assassiné à Auschwitz

Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris a fait découvrir à plus de
40 000 visiteurs Felix Nussbaum, peintre juif allemand assassiné à Auschwitz

P

oursuivant son programme d’ex­
positions consacrées à des artistes
persécutés et assassinés pendant le
judéocide, Friedl Dicker­Brandeis, Bruno
Schulz, Charlotte Salomon, ou rescapés
et marqués à jamais, Isaak Celnikier,
Serge Lask, le Musée d’art et d’histoire
du judaïsme de Paris* a présenté du 23
septembre 2010 au 23 janvier 2011 un
ensemble unique de cinquante­neuf
œuvres d’un peintre allemand découvert
tardivement en Allemagne et encore in­
connu en France, Felix Nussbaum (1904­
1944), habituellement visibles pour une
grande partie d’entre elles dans un musée
construit par l’architecte américain d’ori­
gine polonaise, Daniel Libeskind (qui a
aussi conçu le Musée juif de Berlin), à
Osnabrück, la ville natale du peintre.
La « Felix Nussbaum Haus » qui, durant
cette exposition parisienne, s’agrandis­
sait, a montré continuellement plus de
cent soixante œuvres de Nussbaum, ac­
complissant ainsi sa volonté : « Si je
meurs, ne laissez pas mes peintures me
suivre, mais montrez­les aux hommes. »
Peintre sensible aux leçons de la « Nou­
velle Objectivité », de la peinture méta­
physique italienne et du surréalisme,
Felix Nussbaum n’a jamais caché l’in­
fluence de Van Gogh, Rousseau, Ensor,
Chirico, Beckmann, Dix, Ludwig Meid­
ner, son professeur et de Felka Platek, son
épouse. Puis, jeté sur les routes de l’émi­
gration par la venue de Hitler au pouvoir,
il a su faire siennes leurs manières, les dé­
passer pour traduire son angoisse, son ef­
froi, son désespoir de Juif livré à la folie
génocidaire des nazis.
Dans les salles de l’hôtel Saint­Aignan,
on pouvait, pour découvrir le chemin de
la tragédie vécue par Nussbaum et tra­
duite en peinture, faire quatre stations.
La Place folle, 1931. La Pariserplatz. Au
centre la porte de Brandebourg. Au fond,
à droite, la colonne tronquée de la Vic­
toire, devant laquelle passe un peloton de
croque­morts. À droite, jouxtant la cé­
lèbre porte, l’immeuble en ruine où ha­
bite Max Liebermann, le président de
l’Académie prussienne des arts. À gau­
che, ladite académie vers laquelle se di­
rige un long défilé ordonné de vieux aca­
démiciens en frac. Des angelots le sur­
volent, l’un brandissant le drapeau prus­
sien, un deuxième soufflant dans la trom­
pette de la renommée, deux autres répan­
dant des fleurs sur les têtes et aux pieds
des vieillards. Occupant le centre de la
place, vingt­deux jeunes peintres en
blouse blanche déchargent d’un camion
des tableaux ou en montrent d’autres. Fe­
lix Nussbaum est l’un d’entre eux. Ses
peintures sont reconnaissables. Sur la ter­
rasse de son immeuble, Max Lieber­
mann, le dos tourné à la place, peint l’un
de ses nombreux autoportraits que sur­
monte, horizontal, l’ange doré de la co­
lonne de la Victoire. Les peintres que
l’Académie a refusés préparent l’exposi­
tion de la Sécession berlinoise.

Autoportrait dans le camp, 1940. L’ar­
tiste à Saint­Cyprien près de Perpignan. Il
a été arrêté par les autorités belges et, dé­
claré « étranger ennemi », déporté dans
ce camp, comme cinq à huit mille autres
Juifs allemands qui avaient fui le Reich.
En buste de trois quarts à droite. La veste
brune déchirée, rapiécée, une calotte
noire effrangée sur la tête. Le regard dur,
impénétrable. La bouche ferme. Le ciel
est sombre. Une rangée de hauts barbelés
enchevêtrés sépare l’espace du camp
d’un désert bosselé rouge­brun, le dehors
sans espoir. De chaque côté du tableau,
un baraquement. Devant l’un, le visage
caché dans ses mains, un homme assis à
une table de planches récupérées. Devant
l’autre, deux hommes. L’un, demi­nu, as­
sis au bord d’un tonneau d’aisances dé­
goulinant d’excréments ; l’autre, dé­
charné, un bouchon de paille à la main
pour s’essuyer. Devant eux, le peintre
nous jette son regard froid. Il accuse !
Autoportrait au passeport juif, vers
1943. Même manière. Felix Nussbaum
s’est évadé, est revenu à Bruxelles. Dé­
noncés par un homme avec qui il s’était
lié d’amitié, agent sournois de la Gestapo,
le peintre et sa femme, Felka Platek, se
cachent. Devant de hauts murs infran­
chissables, l’artiste en buste de trois
quarts à droite, encore. Coiffé d’un feutre.
Mal rasé, émacié, il relève de la main
droite le col de son manteau pour
qu’apparaisse mieux son étoile jaune. De
la gauche, il tient sa carte d’identité, avec,
mis en abyme, son portrait photogra­
phique : mêmes traits, même feutre. Ins­
crits au tampon rouge au centre du docu­
ment : JUIF­JOOD. Derrière le mur, un
arbre élagué ras, dressé comme une po­
tence à six bras. Pourtant, les quelques
branches d’un arbre en fleurs.
Triomphe de la mort (Les squelettes
jouent une danse), daté du 18 avril 1944.
Le 20 juin, dénoncés, Felix et Felka sont
arrêtés par la Wehrmacht. Le 31 juillet, ils
montent dans le dernier train en partance
de Belgique pour Auschwitz, où ils ar­
rivent le 2 août. Scène d’apocalypse. Sa­
rabande macabre immobile pour un
pressentiment. Le Triomphe de la mort de
Bruegel, Les Désastres de la guerre de
Goya, La Guerre d’Otto Dix, Guernica
de Picasso. Devant, la terre jonchée des
vestiges détruits des arts, des techniques,
des sciences, des métiers. Au­dessus, la
bande centrale des squelettes ricanant qui
sonnent de leurs instruments de musique
sur un fond de ruines la cacophonie du
Jugement dernier. Dans le ciel aussi brun
que le reste du tableau, des cerfs­volants
grimaçants, menaçants, et une escadre de
huit minuscules navires aériens.
À Auschwitz, le couple est assassiné.
Nussbaum a légué à l’humanité quelques­
unes des œuvres les plus émouvantes,
uniques, interprétations des persécutions
des Juifs par Hitler et les siens. Ses pein­
tures ne l’ont pas suivi, elles sont mon­
trées aux hommes. François Mathieu

* A voir : une visite guidée de l'exposition et les tableaux décrits dans cet article sur le site de l'UJRE : http://ujre.pagesperso­orange.fr/pages/nussbaum.htm
8

Littérature

Proust à l'époque de l'affaire Dreyfus

P.N.M. 283 ­ Février 2011

Cet article paraît alors que France 2 vient de diffuser deux soirs d'affilée l'adaptation par Nina Companeez d'À la recherche du temps per­
du. Dans le grand œuvre de Marcel Proust se tisse en filigrane une méditation sur le monde juif de son temps. Des personnages illustrent la
situation des Juifs en France : Swann d'abord (le Juif "intégré", qui se hisse dans les hautes sphères de la société) et Bloch, camarade de
classe du narrateur (le Juif incarnant la judéité, mais aussi très critique à ce sujet). S'il n'a pas renié ses origines, Proust, qui a été un drey­
fusard convaincu, reste un mystère car il a eu pour amis les plus acharnés antisémites d'alors...

À

la Recherche du temps perdu
est une œuvre qui peut se lire
de bien des façons. Elle peut
être lue comme un pur traité d’esthé­
tique où l’on retrouve des méta­
phores sans nombre ayant trait à la
peinture ancienne ou à l’époque de
l’auteur. Elle peut bien sûr être vue
comme la mise en scène d’un monde
triomphant mais qui est en train de
sombrer et dont la Grande Guerre
aura raison – une sorte d’anti­Zola
puisque Marcel Proust ne cherche
pas à dresser un tableau exhaustif
des strates sociales, de ses mœurs, de
ses aspirations et des mécanismes de
la société française. Comme dans
tous ses livres qui sont des monu­
ments, aucune interprétation ne par­
vient à l’expliquer et surtout à
l’épuiser.
Il y a un personnage dans ce roman­
fleuve qui n’est comparable à aucun
autre. Il ne donne lieu à aucune ex­
ploration poussée de sa personnalité,
ni à une description de sa circulation
dans les cercles mondains. Il n’existe
que pour dire ou faire certaines
choses bien précises. C’est un ami
de lycée du narrateur et il apparaît
assez tôt et de manière brusque dans
Du côté de chez Swann. Il s’appelle
Bloch. Proust introduit ce dernier
dans son cercle familial. Mais son
grand­père exprime une sorte de ré­
serve : « C’était toujours un juif, ce
qui ne lui eût pas déplu en principe –
même son ami Swann était d’origine
juive – s’il n’avait trouvé que ce
n’était pas d’habitude parmi les
meilleurs que je le choisissais. » Si
Swann a, aux yeux du narrateur, une
dimension héroïque, Bloch a une
fonction révélatrice dans le récit. Il
est vite détesté par le reste des
proches du narrateur, surtout par sa
mère qui juge son influence perni­
cieuse. « Mais j’aimais Bloch »,
avoue­t­il. Une profonde complicité
unit ces deux jeunes gens. Mais
Bloch disparaît longuement une fois
cette situation exposée.
Il réapparaît bien plus tard dans
l’histoire, dans la première partie
d’À l’ombre des jeunes filles en
fleurs (« Un amour de Swann ») :
c’est Bloch qui lui permet d’avoir
accès chez les Swann pour rencon­
trer Odette et c’est encore lui qui lui
fait découvrir de nouveaux hori­
zons : « Ce fut vers cette époque que
Bloch bouleversa ma conception du
monde, ouvrit pour moi des possibi­
lités de bonheur… » En réalité, il le
conduit dans une maison de passe. Il
apprend que « le bonheur, la posses­
sion de la beauté, ne sont pas choses
inaccessibles…» Et ces joies se pré­

sentent sous l’apparence de Rachel,
qui se concluent par bien des souf­
frances et de mornes souvenirs.
Mais Bloch n’est pas seulement son
cicerone, en poésie et en amour char­
nel. C’est aussi son double en Juif
identifiable comme tel. Quand il
dîne dans sa famille, il examine son
père, qu’il regarde comme un
homme se donnant une « importance
illusoire ». Il les scrute avec atten­
tion, sans complaisance. Il comprend
qu’ils ne sont pas reçus dans les mi­
lieux de la haute société. Il se rend
compte aussi qu’entre eux ils uti­
lisent « un dialecte mi­allemand, mi­
juif…». La description de la soirée
montre un microcosme un peu ridi­
cule et plein de suffisance, sans par­
ler de traits de caractères particuliè­
rement risibles (« Enfin, dans ce
milieu où les grandeurs factices de
l’aristocratie n’existent pas, on les
remplace par des distinctions plus
folles encore. »).
Cette vision très caustique fait écho
à l’incident survenu chez Mme de
Marsantes quand Odette Swann ar­
rive en même temps que Lady Is­
raels (elle « était sur des épines. »).
Somme toute, si Bloch est omnipré­
sent, c’est parce qu’il révèle le
monde juif à lui­même, pouvant en
rire sans pitié. A Balbec (Cabourg),
le narrateur entend une voix gogue­
narde: « On ne peut pas faire deux
pas sans en rencontrer […] Je ne
suis pas par principe irréductible­
ment hostile à la nationalité juive,
mais ici il y a pléthore. On n‘entend
que “Dis donc, Abraham, « chai fu
Chakop »”. On se croirait rue
d’Aboukir. »
Cette voix, c’est celle de son cama­
rade Bloch. Force lui est de recon­
naître qu’il est accompagné de toute
une colonie « plus pittoresque
qu’agréable. […] Toujours en­
semble, sans mélange d’aucun autre
élément, quand les cousines et les
oncles de Bloch, ou leur coreligion­
naires mâles ou femelles se ren­
daient au Casino, les uns pour le
« bal », les autres bifurquant vers le
baccara, ils formaient un cortège
homogène en soi et entièrement dis­
semblable des gens qui les regar­
daient passer […] Quant aux
hommes, malgré l’éclat des smo­
kings et de souliers vernis, l’exagé­
ration de leur type faisait penser à
ces recherches dites « intelligentes »
des peintres qui, ayant à illustrer les
Évangiles ou les Mille et une Nuits,
pensent au pays où la scène se passe
et donnent à Saint Pierre ou à Ali
Baba précisément la figure qu’avait
le plus gros « ponte » de Balbec. »

À vos agendas !
L’UEVACJ­EA* organise mardi 1er
mars à 17h30 à l'auditorium de
l'Hôtel de Ville de Paris**, une pro­
jection­débat autour du film :

- LES RÉGIMENTS FICELLES -

Des héros dans la tourmente de 1940

Documentaire de R. Mugnerot
sur une idée de J­P. Richardot,
sur l'engagement massif des
étrangers dans l'Armée française
en septembre 1939
* Uevacjea ­ Réservation : 01 42 77 73 32 /
uevacjea@free.fr
** Hôtel de Ville de Paris ­ Auditorium ­ 5
rue Lobau Paris 4e

Marcel Proust (1871­1922)

Marcel Proust, lui­même entre deux
mondes, celui­là (par sa mère, née
Veil) et celui du « beau monde » (par
son père), lâche le nom de Charles
Maurras et fait état de l’affaire Drey­
fus, qui amena selon lui un nouveau
« kaléidoscope » peu après qu’il ait
connu Mme Swann et Gilberte. Il
observe : « Tout ce qui était juif pas­
sa en bas, fût­ce la dame élégante, et
des nationalités obscures montèrent
prendre sa place. » Mais il fait aussi
remarquer les aspects positifs de
Juifs qui, par exemple, ont su se
montrer patriotes.
C’est ainsi qu’il enregistre de loin en
loin les variations sur le sismographe
de l’opinion de son temps au sujet de
cette communauté aveuglée par l’es­
pérance de se fondre dans la culture
française et de s’y imposer. Ce qui
fait penser qu’en filigrane, la Re­
cherche est une analyse sans conces­
sion d’un pays qui s’est converti à
La France juive d’Édouard Drumont
et à sa ligue antisémite tout en étant
une critique mi­figue mi­raisin et
pleine d’ambiguïté des aspirations
des Juifs enrichis et plus ou moins
intégrés qui tentent de forcer les
portes de la noblesse et de la haute
bourgeoisie d’affaires issue du Se­
cond Empire, dont il fait apparaître
de la même façon les travers et les
faux­semblants.
Gérard-Georges Lemaire
Fin 2010, l'actualité sociale ne
nous a pas permis de publier les
propos confiés par Stéphane Hes­
sel à Hélène Amblard.
Qu'ils nous le pardonnent, nos
lecteurs trouveront dans le pro­
chain numéro, une interview de
Stéphane Hessel. P NM

L’IREMMO* organise mardi 1er
mars à 18h30 une rencontre avec
Victor Segré, auteur de :
L'EXIL ­ Mes années en Israël
Présentation de l'ouvrage sous forme
d’un dialogue entre l'auteur et Alain
Gresh du Monde diplomatique. Ce
livre est le récit d’un fragment de vie
d’un jeune communiste juif originaire
d’Égypte où il s’est engagé, avec tant
d’autres, dans un combat politique en
faveur des pauvres et du rêve d’un
monde meilleur. Arrêté, il doit se ré­
soudre à l’exil. Après un bref séjour en
Italie, il choisit Israël où il arrive en
1949. C’est de ce parcours dont Victor
Segré viendra parler. Discussion suivie
d’une séance de signatures.
* Iremmo : Institut de Recherche et d'Études
Méditerranée Moyen Orient ­ Information :
01 43 29 05 65 / iremmo.sg@gmail.com ­
5 rue Basse des Carmes 75005 Paris

Le gros lot

Vous les avez adorés en juin, en no­
vembre ... ou vous les avez ratés ? En
allant (re)voir jouer Dos groyse ge­
vins (Le gros lot), pièce de Sholem
Aleichem jouée en yiddish, sur­titrée
en français, le dimanche 13 mars à
16h. à l'Espace Rachi, non seule­
ment vous saurez ce que Shimele et
sa famille deviennent après avoir ga­
gné le gros lot, mais vous aiderez à
financer le voyage du “Troïm Tea­
ter” de Charlotte Messer, troupe in­
vitée à participer au Festival
International de Théâtre Yiddish de
Montréal, du 13 au 23 juin 2011.
Information ­ Maison de la culture yiddish ­
01 47 00 14 00

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  • 1. La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'État d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un État du peuple palestinien. MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E. Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide ISSN : 0757­2395 - Bobigny Gare de la Déportation PNM n° 283 – Février 2011 – 29e année "Espace Mémoire du 14" vous sollicite Moyen-Orient Politique De la Tunisie à l'Égypte... Société 6 J.Dimet 3 Marine Le Pen pdte. du FN J­Y.Camus 3 Cycle "Être juif au XXIe siècle ?" Plus le mensonge est gros... D.Vidal 3 Recette juive pour fabriquer... L.Sablic 4 Mémoire Andrésy et Sainte­Maxime Voyage du souvenir 5 AFMA 6 Rony Brauman, un humaniste sans frontières À partir de l'été 1943, Bobigny se substitua à la gare du Bourget comme lieu de départ des convois de la déportation vers Auschwitz. M.Muller 6 Itinéraire Le billet d'humeur Culture Démographie, démagogie J.Franck 5 Côté expos : F. Nussbaum F.Mathieu 7 La chronique Cinéma de L.Laufer 7 Proust ... l'affaire Dreyfus G­G. Lemaire 8 Henri Levart L e Collège interarmées de défense formant les grands chefs militaires vient de reprendre son nom d’École de guerre : mesure significative des orientations officielles, à quels desseins ? L’Algérie, le Vietnam, c’était le bon temps ! Décidément, l’Af­ ghanistan ne suffit plus. Un mot terrifiant : la guerre. Mais n’est­elle pas, par une politique ultraréaction­ naire, menée contre le peuple ? Guerre contre les conquêtes sociales, guerre contre les services publics, guerre contre l’Éducation nationale, guerre contre les Roms et les sans­papiers, guerre contre les libertés démocratiques. Pas un jour ne passe sans que l’on n’apprenne des licenciements, des mises en examen, des inculpations, des incarcérations de délégués syndicaux, des expulsions de réfugiés. Le dialogue social à la sauce élyséenne, c’est la ré­ pression dans maintes entreprises privées ou d’État. Un tel acharnement, sans compter les tests ADN auxquels se refusent les militants incriminés, ne to­ lère aucune expression de mécontentement. Les CRS ont violemment dispersé les manifestants lors de la visite de Sarkozy à Toulouse. Un important dispositif policier a été déployé devant un immeuble parisien de haut luxe occupé par des « galériens du logement ». Sur un ordre de réquisition, le préfet a cassé la grève des agents de sécurité de l’aéroport de Marseille. La France, terre d’accueil, est défigurée quand un journaliste chilien, venu chercher dans un commis­ sariat son fils indûment arrêté, est molesté et mis en garde à vue un jour durant. Mgr Gaillot a bien raison de s’exclamer : « Police partout. Justice nulle part. » Jean­Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’Homme aussi, qui déclare : Le N° 5,50 € Février 20/02/2011 : Journée mondiale de la justice sociale 21/02/1944 : 23 membres de la M.O.I. – dit groupe Manouchian – sont fusillés au Mont­Valérien 21/02/2011 : l'Affiche Rouge : projections et con­ férences au Mémorial de la Shoah de 14h. à 17h. 25 janvier 2011. Aboutissement de longues années de démarches de nombreuses organisations et de la ville de Bobigny. Catherine Peyge, son maire, et Guillaume Pepy, président de la SNCF, signent l'acte transférant, moyennant l'euro symbolique, l'ancienne gare de Bobigny à la Ville. Simone Veil, présente, a manifesté, au nom de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, sa confiance à la municipalité de Bobigny dans son projet d'aménager cette gare en lieu de Mémoire et d'Histoire, en partenariat avec les associations de déportés et de résistants. A (re)voir, l'émouvant film d'Henri Jouf Gare de la douleur et des photos de la cérémonie de transfert de propriété de la gare de Bobigny (www.garedeportation.bobigny.fr/index.php/ Accueil­galerie­photos) J’ai pas volé l’orange « Si les policiers ne sont plus les représentants du droit, on va les obliger à mener une guerre…Le gou­ vernement fait peu à peu de l’État de droit une co­ quille vide ». C’est dans ce contexte que s’inscrit le projet de Loi d’orientation et de programmation pour la perfor­ mance (sic) de la sécurité intérieure (LOPPSI 2) adopté par le Sénat. Voici l’énumération de ses dispo­ sitions liberticides : ­ Expulsion en 48h, sans contrôle du juge, de tous ha­ bitants d’habitats hors normes (tank, cabane, cara­ vane, yourte, mobil home, bidonville, bus ou camion aménagé) sur terrain public ou privé et destruction de leurs habitats. ­ Contrôle accru sur les prestations sociales et obliga­ tion pour les travailleurs sociaux de procéder à la dé­ lation. ­ Couvre­feu pour les mineurs de treize ans. ­ Extension de contrat de responsabilité parentale. ­ Renforcement du contrôle administratif des mineurs délinquants et procédure de comparution immédiate devant le Tribunal pour enfants. ­ Reconduction des fichiers de police et de gendarme­ rie actuels. Les personnes innocentées resteront ainsi fichées. ­ Les entreprises privées pourront installer des camé­ ras aux abords de leurs établissements et les préfets le long des manifestations. ­ La police pourra avoir accès en direct aux images captées dans les halls et les parties communes d’im­ meubles. ­ Les images de vidéosurveillance publique pourront être exploitées par des entreprises privées agréées par le préfet. ­ Des logiciels de reconnaissance faciale automatique pourront être utilisés aux fins d’identification des sujets. ­ Filtrage et censure de sites Internet. ­ Renforcement des pouvoirs de la police munici­ pale. ­ Instauration d’un Conseil national des activités pri­ vées de sécurité, entérinant la privatisation croissante de cette sécurité. ­ Comble de l’illégalité : création d’une milice sup­ plétive, dite « réserve civile » de 200.000 gendarmes et policiers à la retraite et étudiants rémunérés. Une législation qui nous prépare une société de con­ trôle fondée sur la tension et la stigmatisation. Le Crif n’a pas tardé à s’y engouffrer. A l’aide d’un slo­ gan stupide : « Le palestinisme est source d’anti­ sémitisme » et avec l’appui de la ministre de l’Enseignement supérieur, il a obtenu l’interdiction* d’une conférence­débat prévue dans les locaux de l’Ecole Normale Supérieure à laquelle Stéphane Hessel devait participer et qui portait sur la politique expansionniste d’Israël. Revenons à l’Enfance : le pouvoir avait déjà préconi­ sé de détecter le symptôme de la délinquance dès l’âge de trois ans. Deux polissons qui avaient em­ prunté et restitué des bicyclettes avaient été appré­ hendés dans les locaux de leur école. Tout récemment, un petit garçon scolarisé depuis 4 ans avait été maintenu en rétention avec son père, ar­ ménien. Il y en a qui s’en mettent impunément plein les poches par leurs malversations. Dans la chanson de Gilbert Bécaud, un gamin apeuré clame son innocence : « J’ai pas volé, pas volé, pas volé l’orange du marchand ». * Lire en p.5, Dominique Vidal "Plus le mensonge est gros..."
  • 2. 2 Carnet Joseph Minc L a P re s s e N o u v e l l e M a g a z i n e – I S S N : 0 7 5 7 ­ 2 3 9 5 est mort le 8 janvier 2011 Militant du parti communiste polonais dès l’âge de seize ans, il arrive en France en 1931 et rejoint durant la seconde guerre mondiale les rangs de la M.O.I. Il fut, jus­ qu’en juin 1946, secrétaire général de la Commission centrale de l’enfance (CCE) auprès de l’UJRE. Il participa ensuite à la création du MRAP, issu du MNCR, et devint secrétaire général de l’UGEVRE (Union gé­ nérale des engagés volontaires et resistants d’origine étrangère). Pour l’évoquer, nous donnons la parole à son fils, en publiant des extraits de l’allocution prononcée le 12 janvier au cimetière de Bagneux : « Vous verrez, dans les faire­part qui se­ ront publiés qu’il est écrit Joseph Minc, ancien résistant M.O.I. C’était son souhait et c’est le résumé du long chemin qui part de Brest­Litovsk en 1908 et s’achève au­ jourd’hui dans ce cimetière parisien. Dans ces mots “résistant M.O.I.”, que de conti­ nents engloutis ! Le “shtetl” de son en­ fance ; le judaïsme dont il s’était à la fois éloigné et qui demeurait néanmoins, comme pour notre mère, si proche ; le communisme qui l’a aidé à s’émanciper de l’omniprésence rabbinique et dont il s’est, plus tard, écarté en amoureux déçu mais toujours attentif ; quant à la Résistance, c’est elle qui a fait de cet immigré, un Français à part entière, dont la première tâche fut de s’occuper des orphelins de la Shoah… » Rappelons que fidèle à son idéal, il figure parmi les parrains de l'association Mémoire des Résistants Juifs de la M.O.I. Les équipes de l’Ujre et de la Pnm Magazine Progressiste Juif fondé en 1934 Editions : 1934­1993: quotidienne en yiddish, Naïe Presse (clandestine de 1940 à 1944) 1965­1982: hebdomadaire en français, P NH depuis 1982 : mensuelle en français, P NM éditées par l'U.J.R.E N° de commission paritaire 0614 G 89897 Directeur de la publication Jacques LEWKOWICZ Rédacteur en chef Roland Wlos Conseil de rédaction Claudie Bassi­Lederman, Jacques Dimet, Jeannette Galili­Lafon, Patrick Kamenka, Nicole Mokobodzki Administration ­ Abonnements Secrétaire de rédaction Tauba­Raymonde Alman Rédaction – Administration 14, rue de Paradis 75010 PARI S Tel : 01 47 70 62 16 Fax : 01 45 23 00 96 Courriel : lujre@orange.fr Site : http://ujre.monsite.orange.fr (bulletin d'abonnement téléchargeable) Tarif d'abonnement : France et Union Européenne : 6 mois 28 euros 1 an 55 euros Etranger (hors U.E.) 70 euros IMPRIMERIE DE CHABROL PARIS BULLETIN D'ABONNEMENT Je souhaite m'abonner à votre journal "pas comme les autres" magazine progressiste juif. Je vous adresse ci–joint mes nom, adresse postale, date de naissance, mèl et téléphone PA R R A I N A G E (10 € pour 3 mois) J' O F F R E U N A B O N N E M E N T À : Nom et Prénom ......................... Adresse ..................................... Téléphone ................................. Courriel ..................................... qués... Communiqués ... P.N.M. 283 ­ Février 2011 Communiqués ... Communiqués ... Sauvons la liberté d'expression L a direction de l’ École Normale Supérieure de Paris, mettant fin à une tradition de libre expression qui la caractérisait, a annulé, après l'avoir au­ torisée, la conférence­débat du 18 janvier que devait donner Stéphane Hessel avec Leïla Shahid (ambassadrice de la Palestine auprès de l’Union Euro­ péenne), Jamal Zahalka (dirigeant de Balad, député au Parlement israélien), Michel Warchavski (fondateur du Centre d'information alternative israélien), Benoist Hurel (secrétaire général adjoint du Syndicat de la Magistrature)… Le Crif, prétendant agir au nom des juifs de France alors qu’il n’en représente que 10% environ, se félicite d'avoir pu, en faisant intervenir différentes per­ sonnalités, mettre fin à l'expression d'idées qui lui déplaisent. L’Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide (UJRE) ne saurait tolérer la réduction des droits d’expression des citoyens et ne peut accepter une telle at­ teinte à la liberté d’expression en France. Quels que soient ses désaccords concernant les appels au boycott, l’ UJRE s’élève contre les poursuites judi­ ciaires visant leurs auteurs et contre cette censure, qui s'inscrivent dans le cadre des tentatives répétées pour faire taire tous ceux qui critiquent la poli­ tique du gouvernement israélien et militent pour une paix juste, durable et né­ gociée entre les deux États. Pour toutes ces raisons, l’ UJRE a appellé à participer au rassemblement de protestation du mardi 18 janvier 2011, à 18h 30, place du Panthéon (Paris). Pour une nouvelle politique de l’Union européenne au Proche-Orient Appel L (...) ’impunité, c’est l’assurance que se per­ pétuera la même politique. (...) Les gou­ vernements israéliens successifs s’obstinent à nier les droits fondamentaux du peuple pa­ lestinien, à saccager le contenu de tous les accords de paix proposés depuis ceux d’Oslo. (...) Sanctionner la politique is­ raélienne apparaît aujourd’hui comme une nécessité si l'on veut faire avancer la cause d’une paix juste au Proche­Orient (...). Des sanctions ? Mais lesquelles ? La question nécessite une clarification. (...) La première exigence est la suspension de l’accord préférentiel entre l’Union euro­ péenne et l’Etat d’Israël. Ne pas le suspen­ dre encourage une politique qui nie en per­ manence les droits humains les plus élémentaires. L’Union européenne a (...) adopté des textes, relatifs à la traçabilité des produits israéliens ou supposés tels, qu’elle n’applique que de façon partielle et insuf­ fisante. Les investissements d’entreprises eu­ ropéennes qui facilitent la colonisation ou en profitent doivent cesser. Suspendre l’accord préférentiel jusqu’à ce qu’Israël s’engage réellement dans un pro­ cessus de paix, appliquer les textes qui inter­ disent aux produits des colonies d’être importés en Europe sous label israélien, deux décisions qui constituent à nos yeux des objectifs politiques immédiats, crédi­ bles, justes, efficaces, rassembleurs. Les pa­ roles creuses de soutien aux droits palesti­ niens, démenties par les encouragements de facto à la politique qui les nie, laissent le champ libre aux dirigeants actuels d’Israël. (...) Nous rejetons deux posi­ tions antagonistes : D’un côté celle qui prône le boy­ cott total d’Israël, mesure proclamée radicale ; d’un autre côté, celle des forces qui n’ont jamais agi pour que l’Union européenne exerce une pression réelle sur la politique israé­ lienne et prennent prétexte de la prétendue radicalité du boycott total, qualifié de cam­ pagne de haine, pour exiger d’inacceptables censures ou poursuites judiciaires. Nous considérons qu’il faut être aux côtés des progressistes israéliens, qui soutiennent le boycott des produits des colonies, comme aux côtés des progressistes palestiniens. Nous soutenons la demande de hauts res­ ponsables palestiniens pour une action vers l’Union européenne, en vue de sanctions ef­ ficaces, et non du boycott total d’Israël. (...) Seule [ la ] clarté permettra de con­ vaincre ; elle seule permettra l’union la plus large pour que cesse enfin un conflit meur­ trier, absurde en tout point car les condi­ tions du règlement pacifique juste et négocié sont connues et elles s’imposeront. (...) Nous nous y engageons*, nous vous y engageons. * Notons, parmi les signataires auxquels vous pouvez vous joindre en adressant un mèl à : lederer@lps.u­psud.fr Raymond Aubrac, résistant Marie­George Buffet, députée PCF Maurice Cling, ancien déporté, professeur d'univer­ (janvier 2010) Par l'édition de la Presse Nouvelle Magazi­ ne, l'UJRE maintient l'expression d'une voix juive, laïque et progressiste dans ses locaux historiques du "14". Ceux­ci, rénovés par la Ville de Paris, sont désormais gérés par la Fédération "Espace Mémoire du 14" qui regroupe ses trois fondateurs : l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE), la Mémoire des Résistants Juifs de la MOI (MRJ­MOI) et Les Amis de la CCE (AACCE). Si l'action de chaque association est spécifique, ensemble, elles œuvrent à réaliser au "14" un Espace Mémoire dédié à l'engagement des résistants immigrés juifs de la M.O.I. (cf. p.5). Conscients des nom­ breux appels faits à votre générosité, nous souhaitons préciser pourquoi l'UJRE maintient dans ces colonnes sa souscription permanente – et où va l'argent ? S'ajoutant aux cotisations de nos adhérents et aux abonnements de la PNM, il contribue au fi­ nancement de la Fédération pour sa gestion des locaux et assure le développement des activités de l'UJRE (rencontres, débats) et notammment de son activité éditoriale. Connaissant votre attachement à notre jour­ nal "pas comme les autres", nous vous remercions d'avance pour votre soutien. Jacques Lewkowicz, président de l’Ujre Total 715 (*) sauf mention explicite (adhésion, réabon­ nement ou don), vos règlements sont imputés en priorité en renouvellement d’abonnement, puis en don. Pour rappel, 66% des montants d’adhésion à l’UJRE et des dons sont déduc­ tibles de vos revenus. Nous prions nos abon­ nés de bien vouloir renouveler spontanément leur abonnement, pour nous épargner des frais de relance. Votre PNM vous en remercie d’avance. sité honoraire Michel Dreyfus, historien Jean­Pierre Dubois, pdt. LDH Stéphane Hessel, Ambassadeur de France Henri Leclerc, pdt. d’honneur LDH Pascal Lederer, physicien, co­animateur d’UAVJ Maurice Rajsfus, pdt. de l’Observatoire des libertés Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT Roland Wlos, ancien conseiller municipal de Paris Avis de recherche in décembre 2010, Sophie Szejer nous adressait l'avis de recherche de ses cousines, Rachel et Georgette Chimisz (voir Pnm n° 282 de janvier 2011). Depuis, grâce à nos amis lecteurs, qu'ils en soient remerciés, nous retrouvons trace de Rachel Belhassen née Chimisz, par le très beau témoignage sur son père, Kalme Chimisz, paru sur le site de l'association Convoi 73*. Georgette Chimisz aussi qui, enfant, était au foyer du Raincy Côteaux... Il ne nous manque plus que leurs coordonnées, merci si vous avez des éléments de réponse de les transmettre au journal. PNM * http://www.convoi73.org/temoignages/026_kalme_chimisz/ F Ujre - La Presse Nouvelle Souscription* n° 58 F Les 4 fusillés du KremlinBicêtre rance 3 diffuse le 26 février à 15h25 et le 28 fé­ vrier à 00h35 ce documentaire (2009) d'une qualité exceptionelle, réa­ lisé par Caroline Bray, jeune diplômée de philosophie à partir de quelques photos, lettres et documents trouvés par hasard dans une décharge, les photos ayant attiré son attention. Au sortir de ce film chacun est plus que convaincu de l'importance de pré­ server tout document, qui peut parfois sembler ne présenter aucun intérêt.
  • 3. P.N.M. 283 ­ Février 2011 Politique Marine Le Pen devient présidente du Front national E lle a été élue à Tours le 16 janvier avec 67% des voix des militants. Est­ce un FN nouvelle formule qui est apparu le 15 janvier sous les traits d’une Marine Le Pen très confortablement choisie par les militants, face à Bruno Gollnisch ? Le contraste est déjà saisissant, dans la forme, entre Marine et son père, et même entre Marine candidate et Marine installée. Le 15 janvier, pour son dernier discours présidentiel, Jean­Marie Le Pen était apparu égal à lui­même : dénonçant « le mythe de la Résistance », parlant de l’Indochine et de l’Algérie comme de « guerres de décoloni­ sation dans lesquelles les soldats français [étaient] venus protéger les populations ci­ viles », rappelant la mémoire de l’historien négationniste et antisémite François Duprat, cadre fondateur du FN naissant dans les an­ nées 70. Le discours de Marine Le Pen, le lende­ main, marque une inflexion sensible. Tout le monde a noté sa tonalité sociale, l’accent mis sur la défense des couches populaires face aux « super­riches », à « l’injustice gé­ néralisée » et au « règne déchaîné de l’ar­ gent », la volonté de réhabiliter la notion d’État interventionniste. Tout le monde a remarqué aussi que l’immigration devenait un thème secondaire, la nouvelle présidente mettant l’accent sur les valeurs républi­ caines, la laïcité et le refus de la visibilité de l’Islam sur le sol français. Est­ce pour autant que le Front national a définitivement tourné le dos à l’extrême droite ? Il y a certes l’omniprésence des ré­ férences à la République. Mais il reste l’at­ taque mariniste contre la « repentance névrotique » et plus encore celle contre « les associations prétendument “antira­ cistes”, qui sont appelées à jouer les procu­ reurs, prérogatives illégitimes qu’elles utilisent abusivement pour imposer une censure politique ou exercer un véritable racket sur les justiciables »... On note aussi la dénonciation de la « fracture ethnique » opposant une France fondée sur les « principes chrétiens sécularisés » à l’Islam. Marine Le Pen s’attaque au multi­ culturalisme en général, assurant que le FN veut « tout pour les citoyens, rien pour les communautés » et promet que son parti « fera inscrire dans la Constitution : “La Ré­ publique ne reconnaît aucune communauté” ». L A quoi ressemble l’appareil frontiste désor­ mais ? Avec 32,35% des voix, les partisans de Bruno Gollnisch représentent un tiers des militants. Au comité central du FN, ils disposent de 42 sièges sur 120 et au bureau politique, de 10 places sur 42. Dans le nou­ vel organigramme, un homme fort : le ma­ riniste Steeve Briois, élu local de Hénin­Beaumont, nommé secrétaire géné­ ral. Le bureau exécutif est entre les mains de « marinistes » convaincus comme Alain Jamet, Louis Aliot ou Marie­Christine Ar­ nautu, qui est en charge des questions so­ ciales. Pour gagner en crédibilité, Marine Le Pen a fait entrer directement au bureau politique deux intellectuels : Laurent Ozon, écologiste formé par la Nouvelle Droite et qui a travaillé avec Antoine Waechter, ainsi que le géopolitologue David Mascré, ancien chargé de mission au ministère des Affaires étrangères, auteur d’un livre sur l’affaire Ilan Halimi, « Des barbares dans la cité », ce qui lui a permis d’être invité plusieurs fois au salon du livre du Bnai Brith. Au sein de la tendance minoritaire, les radi­ caux continueront à siéger. Yvan Benedetti, Alexandre Gabriac, issus de l’Œuvre fran­ çaise, sont au comité central. Farid Smahi, qui joua un rôle dans l’organisation de la vi­ site de Dieudonné à un meeting frontiste au Bourget en 2006, élu brillamment au Comi­ té Central, a par contre exprimé son désir de quitter le parti. Motif : il reproche à Marine Le Pen d’« être financée par les sionistes comme tous les autres mouvements d’ex­ trême droite » et de se taire sur la « véri­ table colonisation, (celle) des territoires occupés palestiniens. ». Aux poubelles de l’Histoire… Le FN version Marine est donc un parti ra­ jeuni, doté d’une dirigeante qui a envie du pouvoir et qui a voulu imprimer tout de suite sa marque. La question identitaire, l’évocation du rôle « d’éveilleur » joué par le parti, le thème du localisme et celui de l’écologie, évoquent une influence in­ déniable des idées néo­droitières et de cadres naguère tentés par Bruno Mégret. Bruno Gollnisch lui, compte regarder d’un peu loin se mettre en œuvre une stratégie qu’il juge vouée à l’échec. Quoi qu’il en soit, le congrès du FN, n’en déplaise à Na­ dine Morano, n’était pas un « non événe­ ment ». Surtout pas pour l’UMP… Jean-Yves Camus 3 Plus le mensonge est gros... M ardi 18 décembre 2010 à 20 h. l'École nationale supérieure (ENS) de la rue d'Ulm devait accueillir une conférence organisée par les initia­ teurs de l' « Appel de solidarité avec Sté­ phane Hessel et toutes les victimes de la répression 1». Avant de déshonorer le Quai d’Orsay en proposant à Ben Ali le renfort du « savoir­ faire français » afin de rétablir l’ordre (dic­ tatorial), Michèle Alliot­Marie avait sévi place Vendôme. Ministre de l’Injustice, elle inventa de toutes pièces, à l’occasion d’un dîner du Crif d’Aquitaine, le 18 février 2010, un « boycott des produits casher 2»… dont elle niait encore l’existence neuf mois plus tôt à l’Assemblée nationale 3. Et pour cause : personne n'a jamais prôné une ac­ tion aussi révoltante – on attend toujours les preuves annoncées par MAM… Cette manipulation lui a néanmoins permis d’appliquer aux militants de la Paix l'alinéa 8 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, qui punit la « provocation publique à la dis­ crimination » de peines allant jusqu’à 3 ans de prison ferme, 45 000 euros d'amende – plus, s'agissant de fonctionnaires, la radia­ tion de la Fonction publique. L'incroyable disproportion entre le « délit » reproché – un tract, une affiche, un autocollant – et les sanctions encourues a scandalisé tous ceux qui s’inquiètent des atteintes répétées du pouvoir aux libertés publiques. D'où l'extraordinaire succès de l'Appel : plus de 15 000 signatures, parmi lesquelles de nombreuses personnalités intellectuelles et politiques dont certaines n'avaient jamais apposé leur nom au bas d’une critique de la politique israélienne. Parallèlement, Sté­ phane Hessel est devenu millionnaire en... brochures au titre explicite : Indignez­vous ! Voilà qui a fait perdre leurs nerfs aux plus inconditionnels des amis français de Be­ nyamin Netanyahou. On se souvient qu'à la mi­octobre dernier, un certain Taguieff, na­ guère suspecté comme « rouge­brun » dans les colonnes du Monde, traita le vieux dé­ fenseur de toutes les causes justes de « ser­ pent venimeux dont on comprend qu'on ait envie de lui écraser la tête », avant de qua­ lifier le résistant, envoyé de Londres en France, arrêté et torturé par la Gestapo, puis déporté à Buchenwald de… « garde­ chiourme » des SS… Bref, lorsque la directrice de l'ENS, Mme Canto­Sperber, accorda une salle à Sté­ phane Hessel et à ses invités 4, Richard Prasquier, le président du Crif, utilisa toutes ses « relations » pour faire interdire la Le Front national reste le Front national ! e ripolinage de Marine Le Pen n’aura duré que le temps d’une campagne de communication voulant donner à penser que la présidente et son parti étaient désormais fréquentables…par certains à l’UMP. Parmi les constantes du FN, le mensonge, la haine de la dé­ mocratie, des journalistes et des juifs sont toujours aussi pré­ sents et « le ventre est toujours fécond ». Samedi soir [15/01], Michaël Szames journaliste à France 24 arrive à Tours pour exercer son métier d’informateur. Vers 22h30 il entre, en tant que journaliste à un dîner de gala du FN afin de recueillir des informations sur le vote qui s’est déroulé pendant plusieurs jours ; il se fait insulter, agresser, déposséder de sa carte de presse et jeter comme un chien par sept nervis du service d’ordre du FN qui lui tiennent les mains derrière le dos. Les cervicales, le genou sont touchés, il souffre de multiples contusions, sans compter le traumatisme subi : quinze jours d’arrêt maladie et accident du travail. Paris le 17 janvier 2011 [ Communiqué ] Le président sortant du FN n’a pas manqué de poursuivre dans l’ignoble en affirmant dimanche lors d’un point de presse : « Le personnage en question a cru pouvoir dire que c'est parce qu'il était juif qu'il avait été expulsé... Cela ne se voyait ni sur sa carte d'identité ni, si j'ose dire, sur son nez ». Quand à Marine Le Pen, elle a osé affirmer lundi sur RMC Info­BFM TV : « Il aurait dû dire sur son front, ça au moins cela aurait évité la polémique ». Et en plus le FHaine porterait plainte pour dénonciation ca­ lomnieuse ! Michaël Szamez ayant porté plainte pour agression, le SNJ*­ CGT se portera partie civile à ses côtés, s’il le souhaite, pour atteinte à la liberté de la presse. Il est temps que la profession démasque ce qu’est et reste vé­ ritablement le FN : un parti anti­démocratique, dont le pro­ gramme économique et social est à l’opposé de l’intérêt des salariés et des couches populaires qu’il prétend sans honte défendre. * SNJ : Syndicat National des Journalistes Société conférence. Fier comme Artaban, il le narra lui­même dans un éditorial sur le site du Conseil 5: « Valérie Pécresse, ministre des Universités, ainsi que le rectorat de l’Uni­ versité de Paris que nous avons contactés en urgence ont réagi sans ambiguïté : je leur rends hommage, ainsi qu’à Claude Cohen­Tannoudji, Prix Nobel de Physique, Bernard­Henri Lévy et Alain Finkielkraut, tous anciens élèves de l'École normale su­ périeure. Et une pensée particulière à Mme Canto­Sperber qui mène un combat inces­ sant contre des dérives inquiétantes. » Et d’enfoncer le clou : « C’est bien le Crif qui est à la manœuvre derrière toutes les procé­ dures contre le boycott. » Cette arrogance ne dura guère. Car la plu­ part des « personnalités » citées démentirent avoir exigé une quelconque censure. Quant à la conférence, elle se déroula devant le Panthéon : comme un hommage de la pa­ trie reconnaissante à ce grand jeune homme, bien vivant, lui, de 93 ans... Tout est bien qui finit bien, dira­t­on. Sauf que Prasquier, Pécresse, Canto­Sperber, Co­ hen­Tannoudji, BHL, Finkielkraut et la qua­ si­totalité des commentateurs ont rabâché la même contre­vérité : la conférence aurait eu pour but d'appeler au boycott d'Israël. Il était pourtant facile de consulter le site de l'Appel pour en vérifier le verbatim : « Cer­ tains d’entre nous appellent au boycott de tous les produits israéliens ; d’autres “ciblent” les seuls produits des colonies is­ raéliennes ; d’autres encore choisissent des formes d’action différentes. Mais nous sommes tous unis pour refuser catégorique­ ment que les militant­e­s de la campagne internationale Boycott­Désinvestissement­ Sanctions (BDS) soient accusés et jugés pour “provocation publique à la discrimi­ nation” alors qu’au contraire ils com­ battent contre toute forme de discri­ mination, pour le droit de tous les peuples à l’autodétermination, pour l’application à tous les États du droit international et des sanctions prévues lorsqu’ils le bafouent. » L’invitation à la conférence, elle, ne com­ portait même pas le mot « boycott ». Et les 1 500 participants au meeting du Panthéon (cinq fois plus que la salle de l’ENS n’en au­ rait accueillis) peuvent en témoigner : si certains des orateurs ont évoqué ledit boy­ cott, presque tous ont prôné celui des pro­ duits des colonies israéliennes de Cis­ jordanie – conformément aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne. Comment, cela dit, qualifier un pays où une ministre, le président d’un Conseil commu­ nautaire, la directrice d’un des hauts lieux de l’intelligence française, deux philo­ sophes qui prétendent incarner celle­ci et la plupart des journalistes répètent, toute honte bue, une contre­vérité, dans le plus parfait mépris de leurs concitoyens ? Un tel com­ portement devrait être sanctionné, au moins symboliquement. Car, comme le notait le pamphlétaire anglo­américain Thomas Payne, « c’est un affront que de traiter le mensonge avec complaisance ». Dominique Vidal 1. Voir site www.collectifpaixjustepalestine.org 2. « Michèle Alliot­Marie : “Ma présence parmi vous ce soir est l’occasion de réaffirmer la place de la communauté juive au sein de notre Na­ tion”, www.crif.org 3. Séance unique du 20/05/2009, Ass. nationale 4. En toute connaissance de cause, comme le prouvent les mèls envoyés par le signataire de ces lignes à son assistante. 5. http://www.crif.org/index.php?page=articles _display/detail&aid=23242&returnto=searchadv/ motor&artyd=70
  • 4. 4 C ycl e o pi n i o n s : ê t re J u i f a u X X I em e s i è cl e P.N.M. 283 ­ Février 2011 Recette juive pour fabriquer de bons petits Français ! Laurent Sablic V ers l’âge de 8 ans, quand un de mes camarades me demandait pourquoi, contrairement à la quasi­totalité des écoliers de ma classe, je n’allais pas le jeudi au caté­ chisme, je répondais que j’étais juif­ communiste ! Il me semblait que cette explication devait suffire à éclairer leur lanterne. À Charenton­le­Pont, Val­de­Marne, ville où j’habitais alors, cette réponse me conférait une cer­ taine notoriété, un parfum d’originali­ té, mais elle ne m’aidait guère à renforcer ma cote de popularité. Pour­ tant, je n’en ai guère souffert. Les co­ lonies de vacances de la CCE*, au château du Roc et à Celles sur Plaine, me fournissaient un contingent suffi­ sant de jeunes de mon âge fréquen­ tables et normaux, c’est à dire tous… juifs­communistes. Après avoir déménagé vers un quartier normal lui aussi, le XIe arrondisse­ ment, tant au patronage, passage Charles Dallery, qu’au Lycée Voltaire, j’ai pu également vérifier qu’il était plus courant dans notre pays de se dé­ nommer Eisenberg, Poznanski, Tenen­ baum, Rosenblat, Wainberg ou Szwarcblik que Martin, Pion ou Dela­ nois. J’ai aussi découvert, au fil du temps et de mon engagement poli­ tique, qu’au sein de cette catégorie im­ mense des juifs­communistes il existait des variantes assez nom­ breuses : des trotskistes – eux­mêmes subdivisés en pas mal de sous­catégo­ ries ­, des maoïstes, des réformistes, des staliniens… Heureusement pour mon équilibre psychique, ils étaient tous juifs. Quand même ! Ainsi, pendant une longue période, celle de mon enfance et de mon ado­ lescence, je n’ai guère rencontré de problèmes identitaires, comme on dit de nos jours. Chez mes grands­parents et dans les fêtes de famille, ça parlait yiddish, ça chantait yiddish, ça s’en­ gueulait yiddish, et bien sûr, ça man­ geait yiddish. serter longuement sur les différences entre Montagnards et Girondins. Bref, entre la maison, les vacances, le lycée, rien ne venait faire de l’ombre à ce sentiment d’être au bon endroit, et au bon moment, en France dans les an­ nées 60/70. J’ai aujourd’hui 53 ans, quatre en­ fants, et LA question qui se pose à pré­ sent pour moi, comme à d’autres j’imagine, c’est : Et la France ? Quoi, la France ? Pas de synagogue, pas de shabbat, pas de fêtes juives. Bien entendu, il y avait la déportation, le génocide – on ne disait pas Shoah –, nos familles disparues et la commémo­ ration annuelle, rue de Lancry, du sou­ lèvement héroïque du ghetto de Varsovie, avec au final un récital de la Chorale populaire juive dans laquelle chantaient mes grands­parents. Mais là encore, ces récits, ces témoignages étaient surtout l’occasion de mettre en avant les actes de résistance des nom­ breux juifs communistes face à la bar­ barie nazie plutôt qu’à souligner une spécificité de notre condition de juifs. Plus persécutés que les autres, certes, mais aussi, plus engagés, plus valeu­ reux, plus admirables. Je n’ai compris C’était notre pays, à nous les juifs­ communistes. Contrairement aux autres, terme dont je n’ai compris que tardivement qu’il désignait les sio­ nistes, ceux dont mon grand­père ne parlait qu’avec un mépris appuyé et qui s’intéressaient à un pays lointain appelé Israël et qui de surcroît lisaient Unzer Vort et non le grand journal fa­ milial, la Naïe Presse, je me sentais plus français que les Français. Du reste, contrairement aux rares goys égarés dans nos classes du lycée Voltaire, j’avais lu Hugo et Zola, en­ couragé par ma grand­mère qui les li­ sait en yiddish ; grâce aux "14 juillet" de la CCE, je pouvais à onze ans dis­ Que reste­t­il de tout cela ? Q’avons­nous à transmettre ? A vrai dire, il reste peu d’éléments ob­ jectifs de la culture juive que je puisse réellement envisager de confier en hé­ ritage à Mathilde, Hugo, Josépha et Gabrielle. La religion a été totalement absente de mon éducation, et, pour être clair, je n’en conçois aucun regret. Le récit de Pâques, fait par Mme Slovès au patro­ nage, n’avait guère de chances de nous permettre de renouer avec nos ra­ cines : il prenait la dimension hé­ roïque des luttes internationales des peuples du monde pour leur libération et, dans ces années là, du Vietnam à Cuba, on ne manquait pas d’exemples plus récents que les tribulations de ces malheureux Hébreux, il y a quelques milliers d’années. Aussi bien, Sacco et Vanzetti rejoignaient les époux Rosen­ berg dans notre Panthéon progressiste et j’ai plus fréquenté Lénine que Moïse au cours de nos veillées de chant, au Roc. Je me souviens même, lors des fameux spectacles qui consti­ tuaient le moment le plus attendu de nos colos, d'avoir joué un B52 bom­ bardant le valeureux peuple vietna­ mien au cours d’une représentation de l'Homme aux sandales de caoutchouc, une pièce de Kateb Yacine ! Heureuse­ ment, je pense qu’il n’existe pas de traces de cette soirée. que plus tard, la dimension particu­ lière de cette volonté méthodique d’anéantissement des juifs. Mais, ce que j’ai sinon perdu, du moins mis du temps à saisir, est compensé par ce que j’ai gagné : le sentiment que le sort des juifs, aussi singulier soit­il, n’est pas d’une nature si différente des souffrances et des luttes des autres hu­ mains de notre planète. Cela, j’ai es­ sayé de le transmettre. Et puis, il y a d’autres valeurs que nous ont transmis nos familles et nos éducateurs de la CCE : le droit des en­ fants de s’exprimer et de prendre part aux décisions qui les concernent ; la stricte égalité entre garçons et filles ; le caractère sacré de la lecture ; l’amour de ce pays, la France, qui a tant de choses à dire au monde… Sans doute, il n’y a pas besoin d’être juif pour partager ces valeurs. Mais, le fait est que nous pensions que tout ça avait un petit côté juif. En face, d’autres le pensaient et le pensent encore. Enfin, il y a l’humour, les blagues, les witz** … Hélas ! Pour ma famille et pour mes amis, c’est sans doute la part la plus avérée de ma culture juive ! Mais c’est un tel trésor et qui résume si bien la distance nécessaire qui doit faire de nous des hommes et non des soldats. Pour conclure... Je dirai que l’éducation juive­com­ muniste, reçue principalement à la CCE, a produit quelque chose d’ir­ remplaçable pour notre génération : elle nous a permis de nous passer de cette référence permanente à notre sin­ gularité. En cela, elle est fidèle à ses principes. Au­delà de la nostalgie, des moments chaleureux et amicaux que nous avons vécus, cette éducation nous a permis, parfois à son corps dé­ fendant, de nous émanciper et d’entrer de plain­pied dans la société française. Une éducation laïque, donc. Grâce au Château du Roc, à nos moni­ teurs, à nos chansons, à nos représenta­ tions théâtrales, à nos copains, nous sommes devenus des membres à part entière d’un pays extraordinaire, la France. La CCE nous a protégés, vaccinés, contre toute tentation de re­ pli sur les origines, d’exaltation de l’appartenance à un groupe, de com­ munautarisme pour employer ce mot qui ne veut pas dire grand­chose. J’éprouve une grande tendresse pour la CCE, je n’apprécie guère les procès que l’on fait à ceux qui l’ont animée toutes ces années, et en général – après en avoir fait partie –, je n’aime guère les donneurs de leçons. Quelles que soient leurs erreurs, ils nous ont donné beaucoup de leur temps, la plu­ part d’entre eux nous ont aimés sincè­ rement, parfois avec maladresse, toujours avec enthousiasme et avec un projet, des valeurs dignes de respect. Mais, c’est le passé. Un passé qui mé­ rite certes d’être rappelé, étudié, mais ni d’être exalté ni de remplacer la vie, celle que nous vivons ici et mainte­ nant. Je dois donc reconnaître que tout ce­ la, me concernant, c’est une histoire qui s’épuise, qui s’éloigne, qui va prendre fin inéluctablement. Et même si la nostalgie est là, cette disparition n’est pas tragique, elle est aussi la condition pour que nous vivions notre époque de l’intérieur, comme acteurs engagés et non comme une élite distinguée par un quelconque mérite tiré de ses origines. Au fond, c’est cela que je me sens en mesure de transmettre : la possi­ bilité donnée à mes enfants de pouvoir être ce que le nazisme a refusé aux juifs européens, de jeunes adultes comme les autres avec un avenir à construire, dotés d’une histoire fami­ liale, de quelques récits, de valeurs qu’ils réinventeront, et … d’un solide humour juif ! Laurent Sablic * CCE : Commission Centrale de l'Enfance. Créée par l'UJRE dès la Li­ bération, elle prend la forme d'une as­ sociation (loi 1901) en 1947. ** Witz : Mot d'esprit, plaisanterie. Jean-François Zygel entouré de Philippe Berrod Talila présente M Martine Bailly iv ma famille ju is h p o k he , en hommage à Shalom Zygel, son arrière­grand­père, hazan (cantor de synagogue) en Pologne Représentation exceptionnelle Dimanche 6 mars à 19h. au Palace 8 rue du Fg. Montmartre Paris 9e au profit de la Maison de la culture yiddish Réservation : 33 (0)1 47 00 14 00 e
  • 5. P.N.M. 283 ­ Février 2011 Moyen-Orient I D e l a Tu n i s i e à l’Egypte - le temps des révolutions de vivre démocratiquement et donc d’en finir avec des régimes où pouvoir, argent et famille se confondent. De la société elle­même sont nées des formes d’auto­ organisation, même si les prémices en avaient été jetées durant les luttes menés depuis des décennies. Pour Rachad Antonius, sociologue égyp­ tien, les “Frères musulmans” « ont acquis un poids du fait de la répression. Celle­ci a beaucoup plus affecté les forces laïques que les “Frères musulmans” qui avaient le réseau des mosquées pour s’organiser. Mais cette révolte a montré que les gens sont capables de s’organiser en dehors des partis religieux. Le poids réel des “Frères musulmans” est bien moindre qu’on ne l’imaginait. Le régime les utilise comme une sorte d’épouvantail. » Amr Ali, porte­parole du Mouvement du 6 avril* ne dit pas autre chose : « Les “Frères musulmans” font partie inté­ grante du régime parce qu’ils servent de repoussoir. Les jeunes en Égypte et le Mouvement du 6 avril en particulier ont montré qu’il existait une troisième voie entre le régime dictatorial de Moubarak et l’islamisme des “Frères musulmans”, c’est le peuple lui­même. » On peut dès lors s’interroger sur certaines prises de position qui justifient à l’avance un coup d’Etat militaire ou qui regrettent le régime Moubarak (ou celui de Ben Ali) par peur de l’avenir**. Rien n’est évidemment écrit d’avance et c’est pourquoi les révolutions tunisienne et égyptienne ont besoin du soutien de tous les démocrates. Jacques Dimet * Le Mouvement du 6 avril a été crée par de jeunes égyptiens en 2008 en soutien aux grèves ouvrières de Mahallah, réprimées dans le sang. ** L’ancien président du Crif, Roger Cukierman, écrit dans la newsletter du Crif datée du 8 fé­ vrier 2011 : « Ce qui se passe en Egypte n’est pas de bon augure ! Nous en sommes venus à souhaiter le maintien au pouvoir de l’armée, non par amour de la dictature, mais par crainte de l’arrivée des Frères musulmans (…) » Et le même Roger Cukierman d’affirmer sans rire qu’aucune démocratie ne peut s’installer dans un pays arabe.convictions. Belle soirée, riche débat vendredi 28 janvier à l'auditorium de l'Hôtel de Ville ! Les Amis de la CCE y célébraient leurs 20 ans d'existence. Plaisir de revoir Nous continuons, film produit par l'UJRE en 1946, les enfants, notamment d'Andrésy, de Sainte­Maxime... (voir ci­contre) Nous y reviendrons dans la PNM de mars. Andrésy Dimanche 30 janvier. Une après­midi d'hiver comme les autres et pourtant différente. L'espace Julien Green accueille les “anciens des foyers”, leur amicale, leurs amis, des andrésiens, la mu­ nicipalité d'Andrésy... pour la première de la création de Valises d'enfance, spectacle de marionnettes pédagogique, musical, dansé et imagé. L'aventure commence quand la compagnie PIPA SOL*, installée en résidence par la municipalité d'Andrésy au Chalet Denouval, découvre l'histoire du manoir, utilisé dès 1945 par la Commission Centrale de l'Enfance auprès de l'UJRE qui y ouvre sa première maison "d'enfants de fusillés et déportés". Sollicitée en mars 2009 par Agnès Gaulin Hardy, animatrice de la compagnie, l'UJRE organise une ren­ contre avec les anciens du foyer d'Andrésy. Le "travail" est lancé... qui aboutit à ce spectacle, "expérience d’une intime er­ rance dont le partage assurera la trans­ mission de parcours de mémoires"**. Spectacle émouvant, à voir en famille (dès 8 ans). Nous y reviendrons en mars. Mercredi 30 mars à 15h30 Scolaires à 10h et 15h30 les 29 et 31 mars au Centre d'animation Montgallet 4 passage Stinville, Paris 12e Réservation 01 43 41 47 87 * LA CIE PIPA SOL (www.pipasol.fr), créée en 1996, réalise des spectacles destinés avant tout à un jeune public mais dont la pertinence peut interpeller un public plus large. ** Lire Quand l'histoire sort des pantins in Le courrier des Yvelines, 19/01/2011 Sainte Maxime La Villa Massilia fut la première colonie ouverte, dès la Libération, par l'UJRE. Puis, elle accueillit, de 1945 à 1948, “les enfants de parents résistants (...) fusillés et dépor­ tés. (...) Gérée par l'Union des juifs pour la résistance et l'entraide, elle a accueilli trente à quarante orphelins (...) scolarisés à l'école Siméon­Fabre, où ils ont eu pour camarades de classe de nombreux petits Maximois.”* “Un groupe d'amis**, soucieux d'informer la population d'au­ jourd'hui” (...) a fait appel à la mémoire de tous les Maximois “qui étaient sur les bancs de l'école Siméon­Fabre entre oc­ tobre 1945 et mars 1948, [en vue] de par­ tager leurs souvenirs de jeunesse.”* Ainsi vit le jour le Comité Massilia, soutenu par la municipalité de Sainte­Maxime qui a ac­ cueilli en 2010 une exposition de la Fonda­ tion pour la Mémoire de la Déportation. Grâce à leurs efforts, les "anciens" vont pouvoir témoigner dans les écoles et col­ lèges de Sainte­maxime et une plaque être apposée au portail de l'école. Nous serons nombreux à cette cérémonie qui se tiendra à Sainte­Maxime (Var), le : Vendredi 18 mars 2011 * Nice­matin, 14 avril 2010 ** Alain Prato, professeur d'histoire­géographie à la retraite, Daniel Libéron, ancien boulanger et président de la section locale de l'AMAC, Yvette Bain et Germaine Dupin dont le père M. Bruno, était le gardien de la villa Massilia tria Cela fut rappelé aussi lors de la victoire du Hamas aux élections palestiniennes : le « mouvement de la résistance isla­ mique », nom officiel du mouvement dont l’acronyme arabe est Hamas, avait été por­ té sur les fonts baptismaux par Israël pour, dans un premier temps, contrer une OLP plus séculière et pluraliste. On sait ce qu’il en advint. D’autant plus que tout embryon d’un Etat palestinien fut systématique­ ment détruit. En Egypte aussi, le pouvoir, bien que la confrérie des Frères musulmans fût inter­ dite depuis 1954, s’appuya à plusieurs re­ prises sur les « Frères » pour démanteler la gauche nationaliste et les communistes. En Tunisie comme en Egypte, ré­ gnèrent pendant des décennies la ré­ pression, la torture, les exécutions et une dégradation sociale. Les révoltes ouvrières notamment à Gafsa (Tunisie) ou à Mahallah (Egypte) furent réprimées dans le sang, comme les ré­ voltes ouvrières au Maroc. On entendit peu, c’est le moins que l’on puisse dire, les voix qui portèrent leur solidarité aux mouvements sociaux durement réprimés. Comme on entend peu encore au­ jourd’hui ceux qui s’élèvent contre les at­ teintes aux libertés, à la démocratie et au droit des femmes en Arabie saoudite déjà citée, mais aussi dans les monarchies du Golfe et dans d’autres régions du monde. Aujourd’hui, Alain Juppé, ministre de la Défense, peut se donner bonne conscience en faisant une (relative) auto­ critique (« Beaucoup des dirigeants de ces pays ont dit que c’était eux ou le chaos islamiste. Il faut prendre au­ jourd’hui le pari de l’émergence des forces démocratiques »), il n’en reste pas moins que, pendant des décennies, les puissances occidentales ont soutenu les ré­ gimes autoritaires en écoutant et en s’ap­ puyant sur leurs dirigeants. L’élément déclencheur de la révolution tunisienne fut l’immolation de Moham­ med Bouazizi, jeune diplômé contraint par la crise économique à vendre des fruits sur un marché et en butte aux tracas­ series policières. Le peuple tunisien – notamment à par­ tir de sa jeunesse – a conduit un proces­ sus révolutionnaire qui a précipité le départ de Ben Ali. On affirme parfois que c’est sur ordre – ou conseil – de Washington, que l’armée, représentée par le chef d’État­major de l’armée de terre, a forcé au départ de l’au­ tocrate. La réalité est plus simple, c’est la force du mouvement social et populaire en Tunisie qui a amené toutes les parties à trouver une solution. Les Américains n’ont pas besoin d’un nouveau foyer de tension dans cette région du monde, ils sont donc pour une sortie de crise rapide. Les événements de Tunisie et d’Égypte montrent que les régimes autoritaires ne peuvent plus tenir quand le degré d’exas­ pération de larges couches de la popula­ tion est à son comble. Aux revendications sociales se sont ajoutées les revendica­ tions directement politiques : la volonté Mémoire de la C.C.E. c Bou © Lu l y a cent ans, à quelques semaines près, une révolution populaire, princi­ palement paysanne, renversait un gouvernement dictatorial. Le Mexique vivait alors une des premières révolutions du XXe siècle (la révolution russe de 1905 ayant connu le sort que l’on sait). John Reed que l’on retrouva en 1917 témoin engagé de la révolution d’Octobre fut aussi un té­ moin de la révolution mexicaine, dont il tira un livre Insurgent Mexico. L’Histoire ne se répète pas, disait Marx, elle bégaie. Mais à un siècle d’intervalle, force est de se dire que le XXIe siècle peut bien aussi être le siècle des révolu­ tions démocratiques. Deux événements considérables sont, en effet, en train de se dérouler, de l’autre côté de la Médi­ terranée. Des régimes, soutenus jusqu’au bout par les démocraties occidentales et par les Etats­Unis d’Amérique au prétexte qu’ils auraient été un « rempart » contre les isla­ mistes, sont mis à mal. La Tunisie d’abord où le régime dictato­ rial de Ben Ali est en train de rendre gorge après la fuite du dictateur en… Arabie saoudite, pays que personne ne peut décemment qualifier de démocrate ou de non fondamentaliste. Ben Ali prit le pouvoir le 7 novembre 1987, en éjectant un Bourguiba vieillis­ sant qui avait transformé la Tunisie indé­ pendante en pouvoir autoritaire et autocratique. Le danger islamiste, du moins dans le monde sunnite, était alors relatif. La prise de conscience de ce dan­ ger vint avec les progrès du FIS en Algé­ rie, l’annulation par le pouvoir algérien des élections de 1991 et les années de quasi guerre civile que connut l’Algérie. On sait aussi que, durant des décennies, les Britanniques, puis les Américains, préférèrent s’appuyer et appuyer des mouvements religieux fondamentalistes contre les forces progressistes, et en parti­ culier contre les communistes. Ce fut leur choix de soutenir, par exemple, les mo­ narchies arabes contre la volonté d’éman­ cipation des peuples dans les années cinquante et soixante. Ce fut le soutien aux troupes d’Arabie saoudite qui menèrent la guerre au Yé­ men dans les années 80, à la fois pour empêcher tout progrès démocratique au Nord et pour tenter d’éliminer le Yémen du Sud, alors marxiste et laïque. Ce fut le cas, à une échelle encore plus grande, en Indonésie (le plus grand pays musulman du monde) où les milices paramilitaires islamistes furent mises à contribution dans le massacre des communistes et des progressistes après 1965 (de 500 000 à un million de morts, selon les estima­ tions). Et on n’oubliera pas non plus que ce furent essentiellement les Américains qui armèrent et formèrent les premiers djihadistes en Afghanistan (Ben Laden fut financé, formé et armé par la CIA), avant de reporter leurs espoirs sur les tali­ bans. Souvent les créatures échappent à leur maître, il n’est qu’à se souvenir du Golem. 5
  • 6. 6 Le doute créateur d'un humaniste sans frontières Le billet d'humeur Itinéraire « Dans son livre sur Eichmann, Han­ nah Arendt montre un homme à la conscience assoupie, un criminel qui n'était pas tant animé par la soif du mal que par la volonté de bien faire son travail, c'est­à­dire, en l'occurrence, organiser la dé­ portation des juifs d'Europe ainsi que des Polonais, des Slovènes et des Tsiganes vers les camps. (…) Avant d'être un acteur de l'ex­ termination, c'était un travailleur, un “expert en émigration”, devenu chef logisticien de la “solution finale du problème juif.” (…) C'est de cette façon que des actes monstrueux peuvent être commis par des hommes qui ne sont pas des monstres et dont la caracté­ ristique n'est pas la stupidité, mais l'absence de pensée. (…) Je ne pouvais, à l'époque [où j'ai lu Hannah Arendt] concevoir démocratie et totalitarisme qu'en confrontation au­des­ sus d'un gouffre qui les séparait (…). Non que démocratie et totalitarisme soient la même chose, mais, avec le personnage d'Eichmann, apparaissent des liens qui font qu'un sujet ordinaire, d'une société ordinaire, peut fonctionner dans le cadre d'un crime extraordinaire avec la quasi­totalité de son outillage intellectuel (…). » L'auteur de ces réflexions est Rony Brau­ man répondant aux questions de Catherine Portevin dans un ouvrage intitulé Penser dans l'urgence*. D'une certaine manière, c'est bien cette inquiétude permanente de fuir le piège de « l'absence de pensée » qui est au cœur de la vie de l'ancien président (1982 à 1994) de Médecins sans frontières (MSF), acteur depuis la fin des années 1970 de l'hu­ manitaire dont « une caractéristique fon­ damentale » est « l’ambiguïté » et « une incitation renouvelée à la penser ». « Né » à la politique dans le grand chambou­ lement de mai 1967­68 et le combat contre la guerre américaine du Vietnam, fasciné un temps par le maoïsme dans son acception plaçant sur un même plateau le militant du PCF, de la CGT, « ces sociaux­traîtres » et les nervis de l'extrême droite, Rony Brauman se sentait, dans un même mouvement, enga­ gé dans un combat vital et dans l'effroi devant « la rapidité avec laquelle une idée devient un cliché dès lors qu'elle est répétée ». « La rhétorique humanitaire, toujours tentée d'exprimer, comme le gauchisme, l'idée d'un Bien universel, sombre vite dans le vide des lieux communs », si ce n'est le pire comme ce fut le cas – explique Rony Brauman – en Éthiopie en 1984­85 où les ONG ont été instrumentalisées par la dictature « révolu­ tionnaire » du DERG** lors d'un programme de déplacement massif et mortel (plus de 500.000 victimes) de populations, sous cou­ vert d'actions d'urgence contre la famine et de création de « l'homme nouveau ». Le pire, aussi, a été commis lors du génocide des Tut­ si au Rwanda en 1994 – avec la France « aux côtés d'un pouvoir raciste et sanglant » ­ et ce qui en a suivi, qualifié de « crise humani­ taire » par le Conseil de sécurité des Nations Unies, couvrant ainsi d'un même manteau le génocide et les massacres qui ont suivi au L RonyBrauman P.N.M. 283 ­ Février 2011 Démographie - Démagogie D ans Judaïsme et Liberté, Monsieur Claude­Gérard Marcus, ancien bras Zaïre. On a ainsi, dit Brauman, « inventé une droit de Monsieur Chirac et fidèle du chanoine président Nicolas, se nouvelle version du crime parfait, celui­là même où il n'y avait que des victimes ». Et, risque à rompre des lances pour la loi sur les retraites. souligne­t­il, du « tous innocents » au « tous Il invoque l'allongement considérable de la durée de vie ; même si l'autre volet coupables », il « n'y a qu'un pas ». de son exposé démographique met en évidence un accroissement de la natalité. «Devoir d'ingérence », « communauté inter­ Donc de la population active qui cotisera pour les retraites des futurs vieillards nationale », deux expressions qui fleurissent (sauf chômage massif). ces temps­ci autour du drame de la Côte " Vous voulez vivre plus longtemps ? Eh bien bossez plus longtemps et ne privez d'Ivoire avec tous leurs relents empoisonnés pas le patronat de quelques années d'exploitation supplémentaire. N'alourdissez d'interventions armées, de « sanctions », surtout pas ses charges." d'arrogance des vieilles puissances impé­ riales et coloniales dont les peuples seuls sont En gros, c'est ça la vraie raison. Elle ne figure pas dans l'article. les victimes. Et dans le même temps, c'est au A la lecture de ce texte, une chose saute aux yeux : Monsieur Marcus manipule nom d'une prétendue non­ingérence en Tuni­ les données de la démographie pour vendre la politique antisociale du président sie que la ministre française des Affaires chanoine. Il est intelligent. étrangères et européennes, Mme Alliot­Ma­ Nous pas. Il en administre la preuve en invoquant l'ignorance crasse de beau­ rie, en est arrivée à proposer les services de coup de nos concitoyens, y compris des hommes politiques. notre pays au totalitarisme d'un Ben Ali pour Au moins sept millions de travailleurs, de syndicalistes, d'étudiants, de lycéens, réprimer plus efficacement..., sans doute au d'élus, de femmes et d'hommes de tous âges et de toutes régions ont manifesté nom « de la civilisation » dont le puissant se l'automne dernier pour le maintien d'un droit acquis, la retraite à 60 ans. dit porteur face au faible. Pour Monsieur Marcus et Judaïsme et Liberté, ce sont sept millions d'imbéciles. Né en Israël en 1950 – son père était un Je m'honore d'en être. Jacques Franck combattant de la Haganah – Rony Brauman 20 janvier 2010 est, tout naturellement, conduit à s'interroger sur le devenir de ce pays. « Historiquement, le sionisme a été à la fois un mouvement de "En souvenir du premier jour où nous avons ouvert la porte du 14, pour Daniel Darès libération nationale et un mouvement de qu'elle ne se referme jamais"... conquête coloniale », constate­t­il. « Réparer une horreur par une injustice, qui plus est, L NOUS RESTE À ÉDIFIER ENT envers un peuple qui n'avait aucune res­ URG L SPACE ÉMOIRE DU ponsabilité dans l'horreur, ne pouvait être une issue viable », dit­il encore à propos de Fondée par l’UJRE, l’AACCE, RPJ et l’UJJ, MRJ­MOI la création de l'État d'Israël, « une erreur po­ s’est donné pour objectif de créer au 14 rue de Paradis un litique majeure de l'après­guerre ». Mais, souligne­t­il avec une même force, « Israël Espace Mémoire destiné à faire connaître et à transmettre existe et la question qui se pose désormais l’engagement des résistants juifs immigrés de la M.O.I., est de savoir comment composer avec cette partie intégrante de la Résistance française. réalité pour que soient reconnus et respectés Vous avez été des centaines à parrainer cette initiative au­ les droits politiques des Palestiniens ». Dans son permanent souci de ne pas se lais­ près des pouvoirs publics en signant notre appel. Grâce à vous, grâce au sou­ ser piéger dans le non­penser au nom de l'ur­ tien et à l’engagement de la Ville de Paris et de son Maire, notre projet prend gence, Rony Brauman dénonce la tentative corps. Mais nous devons fournir 40 000 € pour financer les travaux d’aména­ de culpabilisation de toute critique de la poli­ gement de l’Espace muséal que nous voulons créer dans ce lieu historique. tique israélienne ou de recherche d'une solu­ tion juste et durable « au nom de la mémoire MRJ­MOI sollicite les pouvoirs publics et a lancé une souscription auprès » sacralisée de la Shoah. « Aucune mémoire des particuliers. Vous avez déjà répondu avec votre générosité habituelle. ne ménage de place pour les victimes des Mais il nous manque encore 22 000 € et nous n'avons plus que quatre mois victimes. Pas plus la mémoire juive que la pour les réunir. Le temps presse. Chaque don est important. Les noms des mémoire japonaise, africaine ou palesti­ donateurs qui le souhaitent seront inscrits sur un mur de l'Espace Mémoire. nienne ». Et, pourrait­on conclure avec Rony Brau­ La PNM soutient cette souscription. man, il affirme que « si l'on veut s'appuyer Merci de votre soutien. Un reçu fiscal vous sera adressé. sur le passé pour tenter de conjurer les dan­ gers du présent, seule l'Histoire, avec ses OUI je veux participer à la création de l’Espace Mémoire dédié complexités, peut nous aider ». aux résistants juifs de la M.O.I. « Finalement, si on vous demande : qu'est­ce qu'être juif pour vous? Est­ce une question Nom Prénom qui peut avoir du sens ? ». Adresse A cette question existentielle de Cathe­ rine Portevin, l'humaniste sans frontières CP Ville Pays répond : « C'est un fait. Quel est le sens d'un fait quand on n'est pas croyant ? ». Mail Tél Michel Muller Je fais un don de I * Rony Brauman, Penser dans l'urgence ­ Par­ cours critique d'un humanitaire, Éd. du Seuil, Paris, 2006, 267 p., 21 € ** NDLR DERG : Nom du groupe de soldats dissidents qui renversa Haïlé Sélassié en 1974 M à inscrire sur le mur de l'Espace Mémoire : OUI "14" Chèque à l’ordre de M.R.J.­M.O.I. à envoyer au 14 rue de Paradis 75010 Paris Voyage du Souvenir et de la Mémoire ¥¥¥¥¥ Pologne, du 3 au 6 avril 2011 ¥¥¥¥en ’Association Fonds Mémoire d’Auschwitz (AFMA) organise un voyage du Souvenir et de la Mémoire. Du 3 au 6 avril 2011, l’AFMA codirigera les visites historiques des camps d’Auschwitz­Birkenau, Tre­ blinka et des sites de Cracovie et Varsovie (Po­ logne), en présence de témoins rescapés. Durant quatre jours, les participants se rendront à Au­ schwitz­Birkenau, Plaszow et Treblinka. Une visite de Cracovie (l’ancien quartier de Kazimiertz, la syna­ gogue Remuth, le cimetière, le ghetto, Podgorze, le 'E musée de la pharmacie sous l’aigle, l’ancienne usine Schindler) et de Varsovie (vieille ville et ghetto) est aussi prévue. Comme chaque année, l’AFMA prend en charge l’or­ ganisation matérielle du déplacement avec ses parte­ naires : réservation de places d’avion aller­retour, de logements (en hôtel deux étoiles) pour les trois nuits ainsi que les déplacements sur place. AFMA ­ 17 rue Geoffroy l’Asnier 75004 Paris 01 48 32 07 42 ­ afma.local@free.fr ­ www.afma.fr NON AFMA : Fondée en 1987 au nom des rescapés des camps d’ex­ termination nazis et de leurs familles pour pérenniser la mémoire des millions d’hommes, femmes et enfants, victimes innocentes des crimes les plus monstrueux et odieux de l’histoire de l’hu­ manité, perpétrés par Hitler et ses sbires au cours de la deuxième guerre mondiale – Soutenue par les Fédérations nationales de dé­ portés – FNDIRP et FNDIR, par des associations et amicales de déportés rescapés du camp d’Auschwitz et de ses annexes (Kom­ mandos), de combattants et de résistants. Elle compte aujourd’hui plus de 2 000 adhérents individuels, représentants de trois généra­ tions... – Voyage du souvenir pour les adultes, accompagnement pédagogique de milliers d’enfants dans leur visite des camps, ex­ position permanente ‘Les yeux de la Mémoire’ dans ce que fut le Camp de Drancy, partenariat avec les communes de Bobigny et Drancy et d’autres associations pour rendre à l’histoire et à la mé­ moire, l’ancienne gare de Bobigny, gare de la Déportation... au­ tant d'éléments emblématiques de l'action de l'AFMA.
  • 7. P.N.M. 283 ­ Février 2011 la chronique de Laura Laufer La Cinémathèque française organise en janvier et en février une intégrale de l’œuvre d’Alfred Hitchcock. C’est l'occasion de dé­ Memory of the Camps de Sidney Bernstein Grande­Bretagne, 1945 couvrir un documentaire, rarement montré, qui bénéficia de ses conseils : Me­ mory of camps qui fut tourné pour l’essentiel au camp de Bergen­Belsen, sous la direction de Sidney Bernstein et dont nombre d’images, aujourd’hui embléma­ tiques de la barbarie nazie dans les camps, ont été reprises par d’autres cinéastes, à commencer par Alain Resnais dans Nuit et Brouillard. ernstein, qui fut membre du parti communiste anglais, avait travaillé jus­ qu’en 1944 comme conseiller auprès du ministère britannique de l’Information. A partir de 1944, il travaille, à l’Etat­major suprême des forces expéditionnaires alliées (SHAEF), en qualité de chef de la Section cinématogra­ phique. Hitchcock, ami proche, le rejoint pour parler du projet qu’ils ont ensemble de créer une société de production indépendante la Transatlantic Pictures. C’est alors qu’Hitch­ cock réalise deux films en français, conçus en soutien à la Résistance française : Bon voyage et Aventure malgache. En 1945, décidant de produire, à partir d'images tournées pas des photographes alliés, un film destiné à être pro­ jeté dans toute l’Allemagne pour montrer et garder trace des atrocités nazies, Bern­ stein demande à Hitchcock de l'aider dans cette réalisation. Celui­ci préconise de filmer en plans longs, sans coupe et de s’interdire, autant que possible, le montage, car le montage est mensonge. Cette question du « montage interdit » invite à s'interroger sur l’écriture cinémato­ graphique de l’Histoire. D'où le questionnement d'Hitchcock : comment faire pour que le spectateur puisse être convaincu de la vérité de l’image ? Comment identi­ fier le lieu et le moment de la prise de vue ? Comment reconnaître acteurs et ac­ tions ? Toute écriture historique se doit d’identifier le document source et d'en déterminer l'authenticité. Hitchcock recommande, entre autres, d’inscrire dans un même plan panoramique charnier de victimes, bourreaux et témoins (Allemands du voisinage ou soldats libérateurs) afin de prouver le non­trucage des images de cadavres. Il semble que la version de Memory of the camps montrée à la Cinémathèque soit un remontage du film, datant de 1985, où l'on a cru bon de couper l’ouverture et d'ajouter un commentaire ininterrompu qui aboutit à ce que les images soient as­ sourdies sous la voix de Trevor Howard. Si mes souvenirs sont exacts, à l’ouver­ ture du film d’origine, on entendait et voyait Hitler vociférer, acclamé par la foule qui venait de l’élire, puis, silence. La caméra entrait dans le camp de Bergen­Bel­ sen et, sans bande sonore, témoignait par les seules images, le silence faisant choc après les hurlements d’Hitler. On y voyait aussi d’autres camps, la campagne tran­ quille, aux alentours notamment d’un camp du Tyrol où les nazis déportaient les handicapés mentaux pour s’y livrer à de monstrueuses expériences. C’est bien souvent de ce film que sont issues les images des collections morbides découvertes dans les camps : montagnes de cheveux, de lunettes, de vêtements, objets fabriqués à partir des corps des déportés (bougies, abat­jour de lampes ...). Le film inachevé ne fut jamais montré. La réconciliation avec l’Allemagne étant à l’ordre du jour, il fut interdit de diffusion durant la guerre froide. Dans les années 80, on le vit dans quelques projections, accompagné d’un documentaire sur l’histoire de sa réalisation, La mémoire meurtrie. Aujourd’hui, les extraits du document d’origine ont été maintes fois recyclés, re­ vus et noyés dans le flux des propagandes visuelles qui se déversent sur tous les écrans du monde. Comment les sortir de leur banalisation ? Et à l’heure où les sur­ vivants de cette histoire disparaissent, la question des formes de transmission de son récit se posent. Il reste que s’interrogeant sur la représentation de la vérité, Hitchcock a répondu par l’écriture cinématographique, une écriture où l’éthique et la pensée de l’image participaient de la construction de l’Histoire. B Au delà de Clint Eastwood E astwood aborde le domaine de la mort en trois récits fantastiques qui se mêlent. Si le sujet touche, le film convainc moins que les derniers opus du cinéaste, même s’il est à voir. Le risque est de trouver Au delà plus simpliste que simple : Eastwood a déjà réalisé des films plus complexes et plus beaux. (Art) (Spiegelman) s'est vu décerner le Grand Prix du 38e Festival international de la bande dessinée d'Angoulême. Rappelons qu'il est l'au­ teur de Maus (1987), évo­ quant sous forme de bande dessinée, le géno­ cide nazi, seule BD ayant reçu le prix Pulitzer en 1992. Côté Expos Felix Nussbaum 7 Culture peintre assassiné à Auschwitz Le Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris a fait découvrir à plus de 40 000 visiteurs Felix Nussbaum, peintre juif allemand assassiné à Auschwitz P oursuivant son programme d’ex­ positions consacrées à des artistes persécutés et assassinés pendant le judéocide, Friedl Dicker­Brandeis, Bruno Schulz, Charlotte Salomon, ou rescapés et marqués à jamais, Isaak Celnikier, Serge Lask, le Musée d’art et d’histoire du judaïsme de Paris* a présenté du 23 septembre 2010 au 23 janvier 2011 un ensemble unique de cinquante­neuf œuvres d’un peintre allemand découvert tardivement en Allemagne et encore in­ connu en France, Felix Nussbaum (1904­ 1944), habituellement visibles pour une grande partie d’entre elles dans un musée construit par l’architecte américain d’ori­ gine polonaise, Daniel Libeskind (qui a aussi conçu le Musée juif de Berlin), à Osnabrück, la ville natale du peintre. La « Felix Nussbaum Haus » qui, durant cette exposition parisienne, s’agrandis­ sait, a montré continuellement plus de cent soixante œuvres de Nussbaum, ac­ complissant ainsi sa volonté : « Si je meurs, ne laissez pas mes peintures me suivre, mais montrez­les aux hommes. » Peintre sensible aux leçons de la « Nou­ velle Objectivité », de la peinture méta­ physique italienne et du surréalisme, Felix Nussbaum n’a jamais caché l’in­ fluence de Van Gogh, Rousseau, Ensor, Chirico, Beckmann, Dix, Ludwig Meid­ ner, son professeur et de Felka Platek, son épouse. Puis, jeté sur les routes de l’émi­ gration par la venue de Hitler au pouvoir, il a su faire siennes leurs manières, les dé­ passer pour traduire son angoisse, son ef­ froi, son désespoir de Juif livré à la folie génocidaire des nazis. Dans les salles de l’hôtel Saint­Aignan, on pouvait, pour découvrir le chemin de la tragédie vécue par Nussbaum et tra­ duite en peinture, faire quatre stations. La Place folle, 1931. La Pariserplatz. Au centre la porte de Brandebourg. Au fond, à droite, la colonne tronquée de la Vic­ toire, devant laquelle passe un peloton de croque­morts. À droite, jouxtant la cé­ lèbre porte, l’immeuble en ruine où ha­ bite Max Liebermann, le président de l’Académie prussienne des arts. À gau­ che, ladite académie vers laquelle se di­ rige un long défilé ordonné de vieux aca­ démiciens en frac. Des angelots le sur­ volent, l’un brandissant le drapeau prus­ sien, un deuxième soufflant dans la trom­ pette de la renommée, deux autres répan­ dant des fleurs sur les têtes et aux pieds des vieillards. Occupant le centre de la place, vingt­deux jeunes peintres en blouse blanche déchargent d’un camion des tableaux ou en montrent d’autres. Fe­ lix Nussbaum est l’un d’entre eux. Ses peintures sont reconnaissables. Sur la ter­ rasse de son immeuble, Max Lieber­ mann, le dos tourné à la place, peint l’un de ses nombreux autoportraits que sur­ monte, horizontal, l’ange doré de la co­ lonne de la Victoire. Les peintres que l’Académie a refusés préparent l’exposi­ tion de la Sécession berlinoise. Autoportrait dans le camp, 1940. L’ar­ tiste à Saint­Cyprien près de Perpignan. Il a été arrêté par les autorités belges et, dé­ claré « étranger ennemi », déporté dans ce camp, comme cinq à huit mille autres Juifs allemands qui avaient fui le Reich. En buste de trois quarts à droite. La veste brune déchirée, rapiécée, une calotte noire effrangée sur la tête. Le regard dur, impénétrable. La bouche ferme. Le ciel est sombre. Une rangée de hauts barbelés enchevêtrés sépare l’espace du camp d’un désert bosselé rouge­brun, le dehors sans espoir. De chaque côté du tableau, un baraquement. Devant l’un, le visage caché dans ses mains, un homme assis à une table de planches récupérées. Devant l’autre, deux hommes. L’un, demi­nu, as­ sis au bord d’un tonneau d’aisances dé­ goulinant d’excréments ; l’autre, dé­ charné, un bouchon de paille à la main pour s’essuyer. Devant eux, le peintre nous jette son regard froid. Il accuse ! Autoportrait au passeport juif, vers 1943. Même manière. Felix Nussbaum s’est évadé, est revenu à Bruxelles. Dé­ noncés par un homme avec qui il s’était lié d’amitié, agent sournois de la Gestapo, le peintre et sa femme, Felka Platek, se cachent. Devant de hauts murs infran­ chissables, l’artiste en buste de trois quarts à droite, encore. Coiffé d’un feutre. Mal rasé, émacié, il relève de la main droite le col de son manteau pour qu’apparaisse mieux son étoile jaune. De la gauche, il tient sa carte d’identité, avec, mis en abyme, son portrait photogra­ phique : mêmes traits, même feutre. Ins­ crits au tampon rouge au centre du docu­ ment : JUIF­JOOD. Derrière le mur, un arbre élagué ras, dressé comme une po­ tence à six bras. Pourtant, les quelques branches d’un arbre en fleurs. Triomphe de la mort (Les squelettes jouent une danse), daté du 18 avril 1944. Le 20 juin, dénoncés, Felix et Felka sont arrêtés par la Wehrmacht. Le 31 juillet, ils montent dans le dernier train en partance de Belgique pour Auschwitz, où ils ar­ rivent le 2 août. Scène d’apocalypse. Sa­ rabande macabre immobile pour un pressentiment. Le Triomphe de la mort de Bruegel, Les Désastres de la guerre de Goya, La Guerre d’Otto Dix, Guernica de Picasso. Devant, la terre jonchée des vestiges détruits des arts, des techniques, des sciences, des métiers. Au­dessus, la bande centrale des squelettes ricanant qui sonnent de leurs instruments de musique sur un fond de ruines la cacophonie du Jugement dernier. Dans le ciel aussi brun que le reste du tableau, des cerfs­volants grimaçants, menaçants, et une escadre de huit minuscules navires aériens. À Auschwitz, le couple est assassiné. Nussbaum a légué à l’humanité quelques­ unes des œuvres les plus émouvantes, uniques, interprétations des persécutions des Juifs par Hitler et les siens. Ses pein­ tures ne l’ont pas suivi, elles sont mon­ trées aux hommes. François Mathieu * A voir : une visite guidée de l'exposition et les tableaux décrits dans cet article sur le site de l'UJRE : http://ujre.pagesperso­orange.fr/pages/nussbaum.htm
  • 8. 8 Littérature Proust à l'époque de l'affaire Dreyfus P.N.M. 283 ­ Février 2011 Cet article paraît alors que France 2 vient de diffuser deux soirs d'affilée l'adaptation par Nina Companeez d'À la recherche du temps per­ du. Dans le grand œuvre de Marcel Proust se tisse en filigrane une méditation sur le monde juif de son temps. Des personnages illustrent la situation des Juifs en France : Swann d'abord (le Juif "intégré", qui se hisse dans les hautes sphères de la société) et Bloch, camarade de classe du narrateur (le Juif incarnant la judéité, mais aussi très critique à ce sujet). S'il n'a pas renié ses origines, Proust, qui a été un drey­ fusard convaincu, reste un mystère car il a eu pour amis les plus acharnés antisémites d'alors... À la Recherche du temps perdu est une œuvre qui peut se lire de bien des façons. Elle peut être lue comme un pur traité d’esthé­ tique où l’on retrouve des méta­ phores sans nombre ayant trait à la peinture ancienne ou à l’époque de l’auteur. Elle peut bien sûr être vue comme la mise en scène d’un monde triomphant mais qui est en train de sombrer et dont la Grande Guerre aura raison – une sorte d’anti­Zola puisque Marcel Proust ne cherche pas à dresser un tableau exhaustif des strates sociales, de ses mœurs, de ses aspirations et des mécanismes de la société française. Comme dans tous ses livres qui sont des monu­ ments, aucune interprétation ne par­ vient à l’expliquer et surtout à l’épuiser. Il y a un personnage dans ce roman­ fleuve qui n’est comparable à aucun autre. Il ne donne lieu à aucune ex­ ploration poussée de sa personnalité, ni à une description de sa circulation dans les cercles mondains. Il n’existe que pour dire ou faire certaines choses bien précises. C’est un ami de lycée du narrateur et il apparaît assez tôt et de manière brusque dans Du côté de chez Swann. Il s’appelle Bloch. Proust introduit ce dernier dans son cercle familial. Mais son grand­père exprime une sorte de ré­ serve : « C’était toujours un juif, ce qui ne lui eût pas déplu en principe – même son ami Swann était d’origine juive – s’il n’avait trouvé que ce n’était pas d’habitude parmi les meilleurs que je le choisissais. » Si Swann a, aux yeux du narrateur, une dimension héroïque, Bloch a une fonction révélatrice dans le récit. Il est vite détesté par le reste des proches du narrateur, surtout par sa mère qui juge son influence perni­ cieuse. « Mais j’aimais Bloch », avoue­t­il. Une profonde complicité unit ces deux jeunes gens. Mais Bloch disparaît longuement une fois cette situation exposée. Il réapparaît bien plus tard dans l’histoire, dans la première partie d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs (« Un amour de Swann ») : c’est Bloch qui lui permet d’avoir accès chez les Swann pour rencon­ trer Odette et c’est encore lui qui lui fait découvrir de nouveaux hori­ zons : « Ce fut vers cette époque que Bloch bouleversa ma conception du monde, ouvrit pour moi des possibi­ lités de bonheur… » En réalité, il le conduit dans une maison de passe. Il apprend que « le bonheur, la posses­ sion de la beauté, ne sont pas choses inaccessibles…» Et ces joies se pré­ sentent sous l’apparence de Rachel, qui se concluent par bien des souf­ frances et de mornes souvenirs. Mais Bloch n’est pas seulement son cicerone, en poésie et en amour char­ nel. C’est aussi son double en Juif identifiable comme tel. Quand il dîne dans sa famille, il examine son père, qu’il regarde comme un homme se donnant une « importance illusoire ». Il les scrute avec atten­ tion, sans complaisance. Il comprend qu’ils ne sont pas reçus dans les mi­ lieux de la haute société. Il se rend compte aussi qu’entre eux ils uti­ lisent « un dialecte mi­allemand, mi­ juif…». La description de la soirée montre un microcosme un peu ridi­ cule et plein de suffisance, sans par­ ler de traits de caractères particuliè­ rement risibles (« Enfin, dans ce milieu où les grandeurs factices de l’aristocratie n’existent pas, on les remplace par des distinctions plus folles encore. »). Cette vision très caustique fait écho à l’incident survenu chez Mme de Marsantes quand Odette Swann ar­ rive en même temps que Lady Is­ raels (elle « était sur des épines. »). Somme toute, si Bloch est omnipré­ sent, c’est parce qu’il révèle le monde juif à lui­même, pouvant en rire sans pitié. A Balbec (Cabourg), le narrateur entend une voix gogue­ narde: « On ne peut pas faire deux pas sans en rencontrer […] Je ne suis pas par principe irréductible­ ment hostile à la nationalité juive, mais ici il y a pléthore. On n‘entend que “Dis donc, Abraham, « chai fu Chakop »”. On se croirait rue d’Aboukir. » Cette voix, c’est celle de son cama­ rade Bloch. Force lui est de recon­ naître qu’il est accompagné de toute une colonie « plus pittoresque qu’agréable. […] Toujours en­ semble, sans mélange d’aucun autre élément, quand les cousines et les oncles de Bloch, ou leur coreligion­ naires mâles ou femelles se ren­ daient au Casino, les uns pour le « bal », les autres bifurquant vers le baccara, ils formaient un cortège homogène en soi et entièrement dis­ semblable des gens qui les regar­ daient passer […] Quant aux hommes, malgré l’éclat des smo­ kings et de souliers vernis, l’exagé­ ration de leur type faisait penser à ces recherches dites « intelligentes » des peintres qui, ayant à illustrer les Évangiles ou les Mille et une Nuits, pensent au pays où la scène se passe et donnent à Saint Pierre ou à Ali Baba précisément la figure qu’avait le plus gros « ponte » de Balbec. » À vos agendas ! L’UEVACJ­EA* organise mardi 1er mars à 17h30 à l'auditorium de l'Hôtel de Ville de Paris**, une pro­ jection­débat autour du film : - LES RÉGIMENTS FICELLES - Des héros dans la tourmente de 1940 Documentaire de R. Mugnerot sur une idée de J­P. Richardot, sur l'engagement massif des étrangers dans l'Armée française en septembre 1939 * Uevacjea ­ Réservation : 01 42 77 73 32 / uevacjea@free.fr ** Hôtel de Ville de Paris ­ Auditorium ­ 5 rue Lobau Paris 4e Marcel Proust (1871­1922) Marcel Proust, lui­même entre deux mondes, celui­là (par sa mère, née Veil) et celui du « beau monde » (par son père), lâche le nom de Charles Maurras et fait état de l’affaire Drey­ fus, qui amena selon lui un nouveau « kaléidoscope » peu après qu’il ait connu Mme Swann et Gilberte. Il observe : « Tout ce qui était juif pas­ sa en bas, fût­ce la dame élégante, et des nationalités obscures montèrent prendre sa place. » Mais il fait aussi remarquer les aspects positifs de Juifs qui, par exemple, ont su se montrer patriotes. C’est ainsi qu’il enregistre de loin en loin les variations sur le sismographe de l’opinion de son temps au sujet de cette communauté aveuglée par l’es­ pérance de se fondre dans la culture française et de s’y imposer. Ce qui fait penser qu’en filigrane, la Re­ cherche est une analyse sans conces­ sion d’un pays qui s’est converti à La France juive d’Édouard Drumont et à sa ligue antisémite tout en étant une critique mi­figue mi­raisin et pleine d’ambiguïté des aspirations des Juifs enrichis et plus ou moins intégrés qui tentent de forcer les portes de la noblesse et de la haute bourgeoisie d’affaires issue du Se­ cond Empire, dont il fait apparaître de la même façon les travers et les faux­semblants. Gérard-Georges Lemaire Fin 2010, l'actualité sociale ne nous a pas permis de publier les propos confiés par Stéphane Hes­ sel à Hélène Amblard. Qu'ils nous le pardonnent, nos lecteurs trouveront dans le pro­ chain numéro, une interview de Stéphane Hessel. P NM L’IREMMO* organise mardi 1er mars à 18h30 une rencontre avec Victor Segré, auteur de : L'EXIL ­ Mes années en Israël Présentation de l'ouvrage sous forme d’un dialogue entre l'auteur et Alain Gresh du Monde diplomatique. Ce livre est le récit d’un fragment de vie d’un jeune communiste juif originaire d’Égypte où il s’est engagé, avec tant d’autres, dans un combat politique en faveur des pauvres et du rêve d’un monde meilleur. Arrêté, il doit se ré­ soudre à l’exil. Après un bref séjour en Italie, il choisit Israël où il arrive en 1949. C’est de ce parcours dont Victor Segré viendra parler. Discussion suivie d’une séance de signatures. * Iremmo : Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen Orient ­ Information : 01 43 29 05 65 / iremmo.sg@gmail.com ­ 5 rue Basse des Carmes 75005 Paris Le gros lot Vous les avez adorés en juin, en no­ vembre ... ou vous les avez ratés ? En allant (re)voir jouer Dos groyse ge­ vins (Le gros lot), pièce de Sholem Aleichem jouée en yiddish, sur­titrée en français, le dimanche 13 mars à 16h. à l'Espace Rachi, non seule­ ment vous saurez ce que Shimele et sa famille deviennent après avoir ga­ gné le gros lot, mais vous aiderez à financer le voyage du “Troïm Tea­ ter” de Charlotte Messer, troupe in­ vitée à participer au Festival International de Théâtre Yiddish de Montréal, du 13 au 23 juin 2011. Information ­ Maison de la culture yiddish ­ 01 47 00 14 00