Les lo has nouvel horizon pour les offres d'épargne v2
1. Convaincre les LoHaS : le nouvel horizon de l’offre d’épargne
Les analyses sociologiques des modes de vie dans les pays développés discernent depuis plus d’une décennie
un détachement grandissant de la société de consommation, caractérisés notamment par de nouveaux
comportements consommatoires. Cette mutation sociétale suscite chez les marketeurs une segmentation ad
hoc dénommée LoHaS pour « Life of Health and Sustainability ».
Nous abordons ici deux questions : Quelles sont les caractéristiques prétendues des personnes ‘LoHaS’ ?
Puis, comment les offres d’épargne aux particuliers peuvent-elles répondre aux aspirations montantes de ce
segment de population ?
Qui sont donc les LoHaS ?
Ces personnes se démarqueraient par une attention très soutenue à leur santé, à leur bien-être et surtout à un
mode de vie « durable ». Le terme, apparu initialement au Japon, désigne un segment que l’on retrouve dans
les pays développés. Des recherches universitaires convergentes menées sur plusieurs années aux Etats-Unis,
puis en Europe confirment la pertinence de la segmentation et ont consacré un autre nom : les
« Créatifs Culturels» ; il faut entendre par là les créateurs d’une nouvelle culture, qui dépasse, sans la rejeter,
la société de consommation telle que nous la connaissons, i.e. fondée sur la primauté de l’individu, l’émulation
par la compétition, l’esprit de conquête, le recours aux biens de consommation comme principale réponse aux
aspirations de bien-être.
Dans leur rapport au monde, les LoHaS relèguent la consommation derrière la recherche d’un développement
personnel ancré dans une relation solidaire aux autres et empreint de responsabilité écologique. Cette
recherche, toujours selon ces études, appelle une cohérence entre les pensées et le comportement d’achat et
de consommation. La ligne de conduite est « penser ce que l’on fait, agir au quotidien comme l’on pense ».
Concernant l’épargne, les LoHaS veulent ainsi savoir à quoi sert leur épargne et notamment si les placements
financent des activités aux impacts sociaux et environnementaux positifs ou, à défaut, sans causer des
dommages notoires.
Ces attitudes qui se renforcent année après année paraissent d’autant plus vigoureuses, qu’elles concernent
l’ensemble du corps social et transcendent les générations, les identités ethniques ou encore les catégories
socioprofessionnelles, en dépit d’une légère prévalence des milieux éduqués et urbains. Seule corrélation un
peu plus nette : 60 % sont des femmes. L’étude américaine estime à 35% la part de la population adulte
correspondant en 2008 aux caractéristiques des LoHaS et cette part doit augmenter avec la tranche d’âge 18-
24 ans.
En termes de marketing de l’offre, comment reconnaître et s’adapter à ces clients ? Quelle peut être la
dynamique du marché ?
Quelle traduction dans les offres d’épargne des banques ?
Si le rôle premier de l’épargne pour l’épargnant reste bien de prévenir les coups durs, préparer un achat
conséquent, s’assurer une retraite convenable ou gagner encore plus d’argent, les épargnants LoHaS voient
aussi dans leur épargne un moyen d’agir sur la société. Dès lors, l’offre ne peut plus se limiter à articuler un
rendement, un horizon de placement et un niveau de risque.
2. Regardons l’état actuel de l’offre : livrets réglementés, livrets non-réglementés, placements sur les marchés
financiers intermédiés ou directs, ISR et fonds solidaires
L’investissement sur les marchés financiers
Avec l’assurance-vie, la gestion collective des OPCVM, l’épargne salariale, l’épargne retraite, (et même leur
cotisations sociales, santé et retraite, gérées sur les marchés financiers par les caisses de recouvrement et
répartition, sans demander leur avis aux assujettis) les Français investissent sur les marchés financiers. Avec
ces placements, ils soutiennent l’activité d’entreprises, notamment les
plus grandes, sans pouvoir regarder aisément ni même cautionner les
pratiques sociales et environnementales.
Pour pallier ce défaut, l’ISR, Investissement Socialement Responsable,
a pour vocation de répondre à cette demande en se positionnant sur
des actifs en fonction de critères financiers ET extra-financiers aussi
appelés critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance).
Dans les faits, ces fonds ISR contiennent des valeurs mobilières
d’entreprises dont les activités sont controversées (BP, Total, Areva…)
et se distinguent peu des fonds classiques. Nous prendrons l’exemple du financement par Axa de fabricants de
mines anti-personnelles (98% des victimes sont des civils et 27% des enfants) pour illustrer la non-maîtrise des
impacts sociaux. Il aura fallu trois ans d’action d’ONG pour que le Groupe d’assurance finisse par arrêter en
2009 de financer ces entreprises.
Pour faire le tri au sein de ces fonds, l’épargnant peut se référer à des organismes comme Finansol ou
Novethic (entité de la Caisse des Dépôts), qui labellisent les fonds selon l’existence d’une analyse ESG et la
pratique de la transparence. Cela porte en premier lieu sur la publication de l’intégralité des entreprises
présentes dans les fonds, ce qui est un problème pour les fonds de fonds. Mais les labels ne se prononcent pas
sur la responsabilité sociétale, qui est pourtant l’essentiel...
Les livrets réglementés
La réglementation de ces livrets porte sur les taux de rémunération et sur l’utilisation des fonds. Pour autant,
la responsabilité sociale et
Impacts sociaux et
environnementale de ces fonds n’est Produits d’épargne
environnementaux
pas toujours assurée. La destination de
• Parts sociales d’entreprise et de financeurs
• Impacts positifs
l’épargne déposée sur les PEL, CEL et le solidaires
• Comptes de dépôt à terme Nef
livret Jeune est non-publiée et ces • Livrets solidaires Nef
fonds peuvent être utilisés par la
• Livrets solidaires : Codevair (Banque Populaire)
banque pour tous types d’opérations. • Impacts positifs • Fonds solidaires
partiels
Seuls les livrets A, Développement • Livrets réglementés : Livret A, LEP, LDD
• Produits ISR labellisés (Finansol, Novethic)
durable et le livret d’épargne populaire
offrent une certaine transparence. • Livrets réglementés : PEL, CEL, Livret jeune
• Risques peu • Produits ISR non labellisés
maîtrisés
Pour le livret A, une grande partie est
gérée par la Caisse des Dépôts et
Consignations (CDC). Un peu plus de la • Livrets non réglementés et non solidaires
• Risques très • Fonds de partage
moitié sert à financer le logement peu maîtrisés • OPCVM (FCP et SICAV)
• Assurance-vie
social, tandis que le reste est placé sur • Epargne retraite (PERP et PERCO)
les marchés financiers. La partie non- • Epargne salariale (PEE)
• Plan d’épargne en actions (PEA)
• Actionnariat direct sans critères ESG
Figure 1 – Risques ESG des types d'épargne, d'après financeresponsable.fr
3. collectée (cf supra) par la CDC est placée par les banques comme bon leur semble.
Les livrets non réglementés
Ces livrets ne servent qu’à attirer des nouveaux clients avec un taux d’intérêt élevé sur une courte durée.
L’utilisation des fonds est opaque.
L’investissement solidaire
L’investissement solidaire est, à ce jour, la solution la plus sûre pour garantir l’utilisation transparente ainsi que
les utilités sociale et environnementale de l’épargne. Cet investissement est porté par des institutions
financières solidaires, qui émettent des livrets solidaires et des comptes à
termes. Le placement des actifs sous gestion vient épauler des projets de
proximité de PME ou de coopératives dans les secteurs du recyclage, de la
récupération, du commerce équitable, de l'agriculture bio...
Ces fonds ont un rôle vital pour ces entreprises, qui rencontrent des difficultés à
se financer auprès des grands réseaux. Pour autant, en 2009, les Sicav et FCP
comprenant jusqu'à 10% d'actifs solidaires, appelés «fonds 90/10», ont connu
une moindre dégradation de leur performance que ceux ne comprenant que des produits financiers
traditionnels, signalant ainsi une difficulté des grands réseaux à véritablement discerner le potentiel de ces
entreprises innovantes.
L’importance du marché
Le nombre des épargnants solidaires a passé la barre des 700.000 personnes en 2010, des actifs sous gestion
d’épargne solidaire avoisinant les 3,15 milliards d'euros, soit une hausse de 31% sur un an. Toutefois, au
regard des actifs sous gestion d’épargne en valeurs mobilières évalués à 3900 milliards d’euros par la Banque
de France, dont 500 milliards placés sur des livrets, l’épargne solidaire représente donc moins d’un millième du
total et moins d’un pour cent des actifs sous gestion sur livrets… C’est encore bien peu. Quant à l’ISR français,
il s’élève, fin 2010, à 68,3 milliards d’euros.
Mais pour apprécier le potentiel du marché de l’épargne solidaire, prenons un détour par le marché des
produits « Bio ». Vraisemblablement, l’épargne solidaire se situe aujourd’hui là où était le marché du Bio il y a
20 ans. L’achat de produits Bio sensiblement plus coûteux fournit en effet un excellent indicateur de la volonté
des particuliers à réorienter, au moins
partiellement, l’emploi de leurs revenus
pour leur donner plus de sens.
Plusieurs constats :
- Le Bio a été, mais n’est plus un
micro-segment : En 2010, 43% des
Français ont déclaré consommer
au moins un produit bio au moins
une fois par mois (Source :
baromètre CSA/Agence BIO 2010).
Avec 3,5 milliards d’euros TTC de
CA en 2010, le marché de
l’alimentation bio atteint 2% du
4. marché alimentaire total, en hausse de 100% depuis 2005 malgré un contexte de compétition sur les
prix très vive. Le succès du Bio est dû à la clarté radicale de ses principes (pas d’intrants chimiques, pas
d’OGM), qui tranche avec les allégations subtiles, voire sibyllines, des autres pratiques agricoles
(agriculture raisonnée…). Gageons que dans le domaine de l’épargne, les fonds solidaires et l’ISR
labellisé vont tenir la corde, pour cette même raison de lisibilité.
- La dynamique du Bio est robuste et s’amplifie : les consommateurs de produits biologiques sont
fidèles, avec une ancienneté moyenne de 8 ans. Parallèlement, 25% des consommateurs-acheteurs en
consomment depuis moins de 2 ans. La progression se confirme année après année.
- Enfin, les grandes enseignes historiques sont maintenant responsables du changement d’échelle du
marché du Bio après les années d’amorçage. La GSA représente, en 2010, 47% des ventes de produits
Bio. Porté au début par des petits acteurs indépendants animés de convictions de fond, l’essor des
ventes est désormais tracté par les enseignes de la GSA (Grandes Surfaces Alimentaires), qui mettent à
profit leur savoir-faire de distributeur selon un pur esprit de commerçant, plutôt que par credo
agricole ou sanitaire.
Gageons que si de nouveaux acteurs émergent, comme Triodos Bank au Benelux, Alternative Bank
Schweiz en Suisse, le Crédit Coopératif ou la Nef en France, en exploitant avant les autres les nouvelles
attentes sociétales, en commençant par séduire le segment des LoHaS, ce sont malgré tout les grandes
enseignes bancaires qui porteront demain massivement l’offre d’épargne solidaire et l’ISR labellisé.
Pour en savoir plus : www.epargnonssolidaire.fr, www.financeresponsable.org, http://financedurable-
lefilm.com, The Cultural Creatives de Paul H. Ray et Ruth Anderson