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Les critères de
définition des zones
humides bouleversés
par la jurisprudence
CE, 22 février 2017 et CAA Bordeaux,
11 avril 2017
page 223
Commentaire d’Olivier Cizel, juriste, journaliste
N°257
Juin 2017
27e
année
www.droit-environnement.frActualités juridiques de l’environnement et du développement durable
DROIT DE L’EAU
JUIN 2016  MAI 2017
InstitutdeDroitdel’environnementetduDéveloppementdurable,
AixMarseilleUniversité,sousladirectiondeVirginieMercier
Synthèse
Durée de vie des
produits: « Nous
sommes entrés dans
une société du jetable »
PascalDurand,députéeuropéen,rapporteurde« Une
duréedeviepluslonguedesproduits:avantagespour
lesconsommateursetlesentreprises »
INTERVIEW
Chroniques & opinions
Le renouvellement des concessions
hydroélectriques, une chance pour
la France et ses territoires
Benjamin Thibault, Business Development Manager
Cours et tribunaux
Le Tribunal Monsanto a « dit le droit »
Tribunal Monsanto, 18 avril 2017
Catherine le Bris, chargée de recherche 1 au CNRS,
Institut des sciences juridique et philosophique de
la Sorbonne, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Décryptage
Une amélioration inachevée des procédures
de participation du public
Décret n° 2017-626 du 25 avril 2017
Par Raphaël Brett, docteur en droit public, Institut
d’études de droit public, université Paris-Sud
Chroniques & opinions
L
e renouvellement des concessions hydroé-
lectriques est-il le serpent de mer de la
politiqueénergétiquefrançaise?D’annonces
en reports, de modifications réglementaires en
rapportsadministratifs,lesuspensetientenhaleine
les spectateurs, producteurs d’électricité en tête,
depuisplusdedixans.TellelasœurAnne,enserons-
nousréduitsànerienvoirvenir?Plusieurséléments,
réglementaires d’abord, politiques ensuite doivent
au contraire faire espérer une résolution rapide de
ce sujet, devenu au fil des années un objet de dis-
cordeentrelaFranceetlaCommissionEuropéenne.
Il en va de l’intérêt de la France et de ses territoires.
I. L’OUVERTURE DES CONCESSIONS
HYDROÉLECTRIQUES, UNE
OBLIGATION JURIDIQUE
Lecadrejuridiquedesentrepriseshydroélectriquessouslaforme
de concessions trouve sa source dans la loi du 16 octobre 1919
relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, qui précise en
particulierdanssonarticle2quelesentreprisesdontlapuissance
hydraulique excède 4 500 kilowatts sont placées sous le régime
de la concession.
Si la nature juridique des concessions hydrauliques a pu faire
question au cours du 20e
siècle2
, il faut noter le rôle capital de
la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la
corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques (dite « loi Sapin ») qui, en disposant en
sonarticle38que « lesdélégationsdeservicepublicdespersonnes
morales de droit public sont soumises par l’autorité délégante à
uneprocéduredepublicitépermettantlaprésentationdeplusieurs
offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en
Conseild’État »aboutitàcequelesconcessionshydroélectriques
soient perçues comme présentant un caractère de délégation
deservicepublic,etdèslorssoumisesàunemiseencompétition.
1. Cet article représente les opinions personnelles de l’auteur, et n’engage en
rien l’entreprise qui l’emploie.
2. On se référera à l’article de Noël Chahid-Nouraï et Geoffroy Berthon, avo-
cats chez Orrick Herrington et Sutcliffe pour approfondissement « La vraie
nature des concessions hydroélectriques », RFDA 2017.
Lerenouvellementdesconcessions
hydroélectriques,unechancepour
laFranceetsesterritoires
Benjamin Thibault1
,
Business Development
Manager, Fortum.
Après plus de dix années de débats, il est temps pour la France d’ouvrir à la concurrence
les concessions hydroélectriques. Plus qu’une question de mise en adéquation avec le cadre
réglementaire européen, il s’agit de saisir une opportunité économique qui améliorera
la production hydroélectrique, mais aussi l’avenir économique des territoires.
Deux éléments pouvaient néanmoins limiter
l’ouverture à la concurrence requise par la loi:
● un droit de préférence existait (article 13 de la
loidu16 octobre1919)quipermettaitauconces-
sionnaireenplacequienfaisaitlademanded’être
prolongé lors d’un renouvellement sous réserve
d’acceptation du nouveau cahier des charges;
● l’article 41 de la loi Sapin prévoyait par ailleurs
que l’obligation de publicité ne s’appliquait pas
aux délégations de service public en particulier
lorsque la loi instituait un monopole au profit
d’uneentreprise,oulorsqueleserviceétaitconfié
à«unétablissementpublicouàunesociétépublique
locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle com-
parable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalise
l’essentiel de leurs activités pour elle».
Ces deux possibilités allaient être levées au début des années
2000.L’exceptiond’obligationdepublicitédisparutd’elle-même
avec l‘ouverture à la concurrence du marché de la production
d’électricité en 2000 et lorsque EDF (qui gère environ 80 % des
concessions françaises) fut transformée en société anonyme
suite au vote de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au
service public de l›électricité et du gaz et aux entreprises élec-
triques et gazières.
Le droit de préférence allait quant à lui disparaître par étapes
sous la pression de la Commission européenne qui, voyant dans
le droit de préférence un élément « incompatibleavecleprincipe
de liberté d’établissement qui interdit les restrictions à l’exercice
d’activités économiques sur le plan transfrontalier et notamment
touteformedediscriminationdirecteouindirecteentreopérateurs
communautaires », saisit en 2005 la Cour de justice des commu-
nautés européennes. Suite à cette saisine, la France supprima
la référence au droit de préférence par la publication de la loi
n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux
aquatiques, puis par le décret n° 2008-1009 du 26 septembre
2008, qui est venu modifier le décret n° 94-894 du 13 octobre
1994, en ajoutant en son article 1 que « lesconcessionsd’énergie
hydraulique régies par la loi du 16 octobre 1919 font l’objet d’une
procédurerégieparlesarticles38,40et40-1delaloidu29janvier
1993etledécretdu24mars1993,[…]quiviseàchoisirledéléga-
tairelemieuxàmêmedegarantirl’efficacitéénergétiquedel’exploi-
218 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
tationdelachuted’eau,lerespectdesintérêtsmentionnésàl’article
L. 211-1 du Code de l’environnement et les meilleures conditions
économiques et financières pour le concédant».
Sur ces bases, le gouvernement annonça en avril 2010, le coup
d’envoidurenouvellementdesconcessionshydroélectriquespar
voie de mise en concurrence. Dix concessions regroupées dans
différentes vallées, représentant 5,3 GW de capacité – 20 % de la
puissance hydroélectrique française – devaient être mises pro-
gressivementencompétition,surlabasede3critèresdesélection:
valorisation énergétique, prise en compte des contraintes envi-
ronnementales et redevances payées par le concessionnaire.
Avec l’arrivée en 2012 d’un nouveau gouvernement et d’une
nouvelle majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, une
tension politico-juridique allait s’instaurer entre d’une part, une
tendance politique à vouloir éviter une « libéralisation » de la
production hydroélectrique en recherchant des solutions alter-
natives, et d’autre part une logique juridique qui requerrait la
miseenappeld’offresdesconcessionshydroélectriquesarrivées
à échéance.
Cette tension s’est résolue avec la mise en place graduelle et à
rythme mesuré des briques réglementaires permettant à terme
l’ouverture des concessions hydroélectriques à la compétition,
par le vote de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la
transition énergétique pour la croissance verte (« LTECV »), la
transpositiondeladirectiveeuropéenne2014/23/UEdu26février
2014 en droit français via l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier
2016relativeauxcontratsdeconcession(clarifiantensonarticle 11
que celle-ci s’applique aux contrats de concessions relatifs à « la
mise à disposition, l‘exploitation ou l’alimentation de réseaux fixes
destinésàfournirunserviceaupublicdansledomainedelaproduc-
tion,dutransportoudeladistributiond’électricité», et insère dans
les dispositions législatives du Code de l’énergie les concessions
hydroélectriquesdanslecadredel’ordonnance– cf. article 70)et
le décret n° 2016-86 du 1er
février 2016 relatif aux
contrats de concession, le décret n° 2016-530 du 27
avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydrau-
liqueetapprouvantlemodèledecahierdescharges
applicable à ces concessions (décret d’application
de la LTECV), et enfin l’arrêté du 13 février 2017 por-
tantdiversesdispositionsd’applicationdelapartieréglementaire
du Code de l’énergie relatives aux concessions d’énergie (qui
préciseentreautreslecontenududossierdedemandedeconces-
sion par le concessionnaire pressenti et précise le taux d’actuali-
sation à utiliser pour les regroupements de concessions.)
D’unpointdevueéconomique,laLTECVetsondécretd’application
jouentunrôlecentraldansl’organisationdel’ouvertureàlaconcur-
rencedesconcessionshydroélectriques.LaLTECVgraveainsidans
lemarbretroisprincipesrelatifsauxconcessionshydroélectriques:
● leregroupementdesconcessionspar«chaîned’aménagements
hydrauliquement liés », afin d’optimiser énergétiquement et du
point de vue environnemental l’exploitation de la chaîne de
production (Art. L 521-16-1), qui seront mis en concurrence;
● la possibilité de proroger les concessions existantes, « lorsque
la réalisation de travaux nécessaires à l’atteinte des objectifs » de
la concession l’exige (Art L. 521-16-3);
● la possibilité de créer des sociétés d’économie mixte hydroé-
lectriques (SEMH), pour associer État et collectivités territoriales
intéressées à l’exécution de certaines concessions, au côté d’un
acteur économique « actionnaire opérateur ».
Néanmoins, plus encore que la loi, c’est la revue des conditions
de l’application de cette loi via le décret n° 2016-530 qui doit
retenir toute notre attention. En particulier, ce décret:
● confirme les 3 critères de sélection des concessionnaires pres-
sentis, sans toutefois en préciser les poids relatifs (qui seront
définis pour chaque concession);
● encadrelesdélaisetprocéduresd’instructiondurenouvellement
des concessions;
● décritlecontenudurèglementd’eauapplicableàlaconcession;
● propose un modèle de cahier des charges pour la concession,
à adapter au cas par cas;
● fixe les conditions du regroupement des concessions;
● expose les règles de fondation des SEMH;
● présente les règles de calcul des redevances;
● instauredescomitésdesuividel’exécutionetdelagestiondes
usages de l’eau, constitué de l’État, du concessionnaire, des
collectivités territoriales et des riverains.
Le cadre juridique est ainsi en place pour permettre une mise
en compétition des concessions hydroélectriques françaises.
Plusieursélémentsdecestextesrestentmalheureusementinsa-
tisfaisants d’un point de vue concurrentiel.
Premièrement, les règles de regroupement des concessions
manquent de clarté. Les regroupements sont définis en cas
d’influence hydraulique « moyenne ou forte » entre deux amé-
nagements, en fonction de deux critères difficilement appré-
hendables par les potentiels entrants3
. Afortiori, le 2° de l’article
R.521-60 explique que les regroupements de deux aménage-
ments sont aussi possibles si deux aménagements alimentés
parlamêmeretenueamont,ouversantdansunemêmeretenue
avaloùdansunmêmecoursd’eauontdesconditions
d’exploitation « régulièrement dépendantes ». De
larges possibilités sont listées, comme la configu-
ration physique, le respect des règles en matière
de débit du cours d’eau, mais aussi les exigences
de respect des principes énoncés à l’article L. 211-
1 du Code de l’environnement4
. Cette définition qui aurait pu
être plus précise ouvre à l’État une certaine latitude pour définir
les groupements et peut impacter in fine les dates d’ouverture
de ces groupements, la date d’échéance commune des regrou-
pements étant calculée sur la base des flux de trésorerie dispo-
nibles (définis comme l’excédent brut d’exploitation déduction
faite des investissements et de l’impôt sur les sociétés) futurs
estimés des concessions regroupées.
Deuxièmement,sil’instaurationdeSEMHpeut,desoncôté,s’ins-
3. Cf. art. R. 521-60, paragraphe 1° et II décret n° 2016-530 du 27 avril 2016
relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de
cahier des charges applicable à ces concessions, pour plus de détails.
4. Article qui propose un large panel de possibilités de lier, ou non, deux
aménagements, entre autres: prévention des inondations, préservation des
écosystèmes aquatiques et des zones humides, lutte contre la pollution,
amélioration de la qualité de l’eau, valorisation de l’eau comme ressource
économique, restauration de la qualité des eaux, satisfaire les exigences de
la santé, mais aussi promotion de l‘agriculture, de la pêche, de l’industrie, etc.
Lesrèglesde
regroupement
desconcessions
manquentdeclarté.
219DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
Chroniques & opinions
crire dans une logique de plus grande information de toutes les
partiesprenantesetd’uneaméliorationdelagouvernancelocale
des concessions, il est nécessaire que sa mise en œuvre soit à la
foisbienencadréeetquelagouvernance,soitclairementdéfinie,
notamment pour éviter toute exploitation sous-op-
timale, voire favoriser, en raison de leur présence
locale multidécennale, les concessionnaires histo-
riques.Toutd’abord,danslecadredelamiseenplace
d’uneSEMH,ilparaîtnécessairequelerôledel’opé-
rateurIndustrielsoitsécurisé,etquecelui-ci,encharge
de la production électrique et de la gestion des ins-
tallationshydrauliques,soitpleinementresponsable
et libre dans l’optimisation de la production et des
investissements associés, dans le respect complet
des réglementations, du cahier des charges et des
exigences de sécurité. À ce titre, il faut pouvoir, par
exemple, s’assurer de la possibilité des partenaires publics (État,
collectivitéslocales,personnesmoralesdedroitpublic)àfinancer,
initialementmaisaussidansl’avenir,lesinvestissementsnécessaires
à l’exploitation de la concession et de son amélioration.
Troisièmement, l’ouverture de la possibilité pour l’État de pro-
longer contre investissement les concessionnaires actuels dans
leurs fonctions semble difficilement justifiable au regard de
l’exigence de compétition. Le flou reste entier quant à la justifi-
cation des investissements permettant prorogation, ceux-ci
devant être « nécessaires »5
à l’atteinte d’objectifs très larges,
comme par exemple, favoriser l’émergence d’une économie
compétitive et riche en emplois, assurer la sécurité d’approvi-
sionnement, maintenir un prix de l’énergie compétitif et attrac-
tif au plan international, lutter contre l’effet de serre, garantir la
cohésion sociale et territoriale, lutter contre la précarité énergé-
tique, développer les territoires à énergie positive, réduire les
émissionsdegazàeffetdeserre,etc.6
L’absencedeplafonnement
temporel de toute prorogation pose aussi problème. La prolon-
gation contre investissement crée un déséquilibre entre les
concessionnairesactuelsetlespotentielsnouveauxentrants,qui
nesevoientpasoffrirlapossibilitédecandidateràl’appeld’offres.
À minima, des compensations claires devraient être mises en
placepourassurerunecompétitionjusteetsincère.Parexemple,
touteprorogationd’unconcessionnairehistoriquesuruneconces-
sion donnée pourrait être assortie d’une interdiction de partici-
per à la mise en compétition d’autres concessions.
En conclusion, si l’intégralité du cadre juridique est aujourd’hui
enplacepourpermettrelamiseencompétitiondesconcessions
hydroélectriques(deplusenplusnombreusesàêtreaujourd’hui
échues), plusieurs points essentiels demeurent toujours ouverts
qui peuvent faire craindre une compétition non équilibrée, qui
pourrait être biaisée en faveur des opérateurs historiques. Sur-
tout, il est dommageable pour tous les acteurs en présence que,
plus de dix ans après la saisine de la Cour de justice des com-
munautés européennes, aucun appel à candidature n’ait été
émis pour les concessions hydroélectriques françaises. Pour
rappel, les délais rapportés par l’État et les différents textes
5. Article L.531-1-3 Code de l’énergie.
6. Atteinte des objectifs mentionnés aux articles L 11-1, L11-2, L100-4 du
Code de l’énergie.
faisant référence à un délai de cinq ans avant l’échéance d’une
concession pour lancer la mise en compétition7
, peuvent faire
craindre que, même mises en compétition aujourd’hui, les
premières concessions hydroélectriques, ne changeront pas
d’opérateurs avant 2022-2023.
Ces retards ont eu pour conséquence une mise en
demeure de la France d’ouvrir à la concurrence les
concessions hydroélectriques par la Commission
Européenneenoctobre20158
,celle-ciluireprochant
de ne pas avoir favorisé la concurrence dans l’attri-
butiondesesconcessionshydroélectriques.Depuis,
les faits n’ont que peu bougé, et Margrethe Vesta-
ger, Commissaire européenne à la concurrence,
pouvait regretter encore, face à la commission des
affaires économiques de l’Assemblée nationale le
1er
décembre 2016, que l’ouverture à la concurrence des conces-
sions hydroélectriques n’ait « pas beaucoup avancé.»
II. L’OUVERTURE DES CONCESSIONS
HYDROÉLECTRIQUES, UNE
OPPORTUNITÉ POUR LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE ET LES TERRITOIRES
Ces délais trouvent peut-être leur source dans les interrogations
qui ont pu s’exprimer à diverses reprises à propos du renouvel-
lementdesconcessions,perçuparcertainscommeune menace
pour le modèle énergétique français. Privatisation des actifs de
production, moindre sécurité des barrages, augmentation des
tarifs régulés, déstabilisation des énergéticiens nationaux et
pertes d’emplois sont ainsi souvent brandies comme les consé-
quences néfastes qui pourraient découler de la mise en concur-
rence des concessions hydroélectriques, qu’il faudrait dès lors
empêcher à tout prix. Ces inquiétudes, pourtant, ne paraissent
que peu résister à l’analyse des faits.
L’Étatreste,toutd’abord,lepropriétairedesactifsdeproductions,
seule la gestion étant concédée. L’arrivée d’un nouveau conces-
sionnaire ne peut donc être synonyme de spoliation du patri-
moine national : le renouvellement des concessions signifie
l’engagement de nombreux investissements, qui, bien au
contraire, revaloriseront les actifs possédés par l’État et contri-
bueront à l’intérêt général du pays, au service des Français.
Deuxièmement, il n’y a pas à craindre que le renouvellement
entraîne une diminution de la sécurité des barrages. Les règles
de sécurité des barrages et actifs de production sont fortement
réglementées et le cahier des charges de chaque concession
7. Voir par exemple la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016,
Compte de commerce 914 de la Cour des comptes, qui rappelle page 21 que
le processus de renouvellement [est] implicitement estimé à cinq ans. Cf. par
exemple article R 521-62 du Code de l’énergie (créé par Décret n° 2015-1823
Code de l’énergie « dans un délai de dix-huit mois suivant la demande de
l’autorité administrative compétente et au plus tard cinq ans avant la date
normale d’expiration du titre de concession, le concessionnaire fournit…»
8. Mise en demeure à l’origine de la DG concurrence, avec un contentieux
« anti-trust » sur la position dominante d’EDF, s’appuyant sur les articles 102
et 106 du TFUE. Ce contentieux est beaucoup plus rapide qu’un contentieux
sur les aides d’État, et permet la mise en place d’une décision immédiate-
ment exécutoire.
L’ouverture de la
possibilité pour l’État
de prolonger contre
investissement les
concessionnaires
actuels dans leurs
fonctions semble
difficilement justifiable
au regard de l’exigence
de compétition.
220 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
encadre les obligations de sécurité et d’exploitation. Par ailleurs,
les investissements réalisés pour la modernisation des actifs,
amélioreront de facto la sécurité des ouvrages. On peut faire
confiance à l’État pour n’accorder des concessions qu’à des
candidats dont l’exigence sécuritaire sera de premier ordre, ce
qui est le cas de tous les grands énergéticiens qui pourraient
être qualifiés par l’État dans le cadre des appels d’offres. À ce
titre, L’expérience avérée dans la gestion de grands ouvrages
hydroélectriques devra être un facteur de premier plan dans le
processus de sélection.
Troisièmement, on peut douter que le renouvellement des
concessionsmetteendangerl’équilibreéconomiquedesconces-
sionnaires actuels, ou qu’il renchérisse les tarifs régulés (qui sont
définisparrapportauxcoûtsmoyensdeproduction).Lesconces-
sionnaires actuels pourront tout d’abord participer au renou-
vellement des concessions et rester en place, sous des règles
nouvelles, si leurs offres sont retenues. Par ailleurs, même dans
l’hypothèse large où les concessionnaires actuels perdraient
50 % des concessions mises en compétition, cela ne représen-
terait environ que 1 % de la production électrique française9
.
Une si faible proportion ne peut réellement mettre en danger
les entreprises énergétiques françaises ni influer
sur leur coût moyen de production.
Enfin, sur la question primordiale de l’emploi, ici
encore les craintes paraissent exagérées. Il y a fort
à parier que ce point soit regardé de très près par
l’État lors des appels d’offres, et que dans ce cadre,
touteoffrequineprendraitpasencomptel’aspect
social ait peu de chances d’être retenue – on peut souligner que
plusieurs entreprises intéressées par les concessions hydroélec-
triques françaises avaient publiquement indiqué par le passé
qu’elles s’inscriraient au moins dans la continuité. Le Code du
travail protège par ailleurs les employés, en rappelant dans son
article L. 1224-1 que les employés seront transférés au nouveau
concessionnaire.Maissurtout,c’estlacompétenceetl’expérience
des employés, construites depuis des dizaines d’années, qui
sont leurs plus grands atouts.Ils ont acquis une connaissance
intime et inégalée des infrastructures, de leur exploitation et
desterritoiresetilsreprésententàcetitrenonunhandicap,mais
bien un atout de grande valeur pour tout opérateur qui repren-
dra la gestion des concessions.
Les reports successifs du processus d’ouverture des concessions
hydroélectriquessontd’autantplusregrettablesqu’ilsreprésentent
sur le long terme une perte tant technique qu’économique,
ceux-ci ralentissant la nécessaire adaptation de l’appareil pro-
ductif hydroélectrique français construit principalement entre
lafindelasecondeguerremondialeetlesannéessoixante.Dans
ce cadre, il paraît essentiel de souligner les formidables oppor-
tunités que la mise en concurrence représente pour la France et
ses territoires. Tout d’abord, elle sera l’occasion d’un renouveau
pour les territoires, via des recettes économiques nouvelles tant
9. En moyenne la production hydroélectrique totale représente 50 à 60 TWh
(~10 % de la production française totale). Aujourd’hui, seuls 5,3GW (sur
20,3), soit 26 % de la capacité hydroélectrique, sont mis en compétition, soit
environ 12-15 TWh. 50 % représente donc entre 6 et 7 TWh par an, soit un
peu plus de 1 % de la production totale française.
au niveau local et national, tout en donnant l’occasion de repen-
serlagouvernancedel’eau,biencommunancrédanslesterritoires.
À ce jour, les concessionnaires existants dont les concessions
sontarrivéesàéchéancerestentconcessionnairessouslerégime
des « délais glissants », c’est-à-dire sous une prorogation de fait
du contrat sous les contraintes réglementaires antérieures. En
pratique,celasignifiequ’ilsrestentconcessionnairessanss’acquit-
ter de la redevance proportionnelle prévue à l’article L. 523-2
du Code de l’énergie10
. Ce manque à gagner, de plusieurs cen-
taines de millions d’euros cumulés, représente une perte nette
pour l’État (qui doit toucher la moitié des redevances), mais
surtout pour les collectivités locales qui, dans un contexte de
disette budgétaire, voient s’éloigner une source de revenus
considérable11
. Le renouvellement des concessions permettra
que les redevances soient enfin versées aux collectivités locales.
Au-delàdecesgainsfinanciers,lerenouvellementdesconcessions
seraaussil’opportunitédedévelopperunegouvernancemoder-
niséeauniveaulocal.Lamiseencompétitionannoncéeen2010
avait été l’occasion d’une mobilisation inédite des acteurs des
territoires qui, vallée par vallée, avaient pu, dans le cadre des
consultations Gedre (Gestion équilibrée de la res-
sourceeneau)faireconnaîtreleurcompréhension
des enjeux et attentes concernant l’utilisation de
l’eau, bien commun des territoires. Si l’opérateur
sélectionné doit rester maître de la production et
de la gestion des installations hydrauliques, il est
importantquecesattentessoientprisesencompte
dans une gouvernance locale au service de toutes
lespartiesprenantesduterritoire.Ainsi,touslesusages(produc-
tion électrique, mais aussi agriculture, loisir, protection de l’envi-
ronnement) seront pris en considération et l’information des
acteurs locaux (par exemple sur hydrologie naturelle, les débits
artificiels et lâchers d’eau, les programmes de travaux) sera
améliorée.
La mise en place d’une gouvernance renouvelée sera l’acte
fondateurd’unpartenariatfortentrelenouveauconcessionnaire
et les collectivités locales, des actions de développement local
pouvant être planifiées en concertation, dans le cadre d’une
programmation pluriannuelle. Le nouveau concessionnaire,
acteuréconomiquemajeurdesterritoires,devra,danslaprolon-
gationdurenouvellementdesconcessions,s’inscrirepleinement
dans le développement du tissu économique local, moins au
traversdeprogrammesdedéveloppementdéfinisàsadiscrétion,
ou dans le cadre de partenariats ponctuels adhoc, que dans des
projets gouvernés par les acteurs locaux, au service du dévelop-
pementéconomiquesurlelongterme.Ensuite,lerenouvellement
10. La Cour des comptes, dans son référé sur le renouvellement des conces-
sions hydroélectriques du 21 juin 2013, précise ainsi que les pertes étaient de
50 M€ en 2013, pour atteindre près de 100 M€ par an en 2020. Elle précisait
par ailleurs : « Dans la mesure où le renouvellement n’aura lieu au mieux
qu’en 2016, au vu de la longueur de la procédure type, la perte cumulée sur
la période pourrait atteindre plus de 250 M€ et, le cas échéant 600 M€ d’ici à
2020. » Compte tenu des retards supplémentaires pris, cette perte cumulée
pourrait être supérieure.
11. Les redevances proportionnelles aux recettes de la concession sont
affectées pour un tiers aux départements et pour un douzième chacun entre
les communes et les groupements de communes sur lesquels coulent les
cours d’eaux concédés.
Le renouvellement
des concessions sera
aussi l’opportunité
de développer une
gouvernance modernisée
au niveau local.
221DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
Chroniques & opinions
desconcessionshydroélectriquesfrançaisespermettradedéga-
ger les sommes nécessaires pour investir dans la modernisation
desouvrages,toutenpermettantdemettreenœuvre,parvallée,
les innovations technologiques les plus récentes. Les équipe-
mentiers et opérateurs hydroélectriques continuent d’investir
au quotidien pour améliorer leurs solutions techniques. À titre
d’exemple, l’efficacité des turbines augmente continûment avec
le temps12
, si bien que pour une technologie de turbine donnée,
l’efficacité des turbines les plus récentes est meilleure que celles
des turbines plus anciennes.
D’autre part, l’innovation, outre la modernisation technique des
actifs(etdesméthodes)deproduction,concerneaussilesaspects
environnementaux.Unemiseencompétitionper-
mettra d’assurer que les meilleures expertises
écologiquesetlespratiqueslesplusrécentes(tant
dans les équipements que dans la gestion) soient
misesenplace.Lamiseenconcurrencepermettra,
via de nouveaux investissements, de tirer pleine-
ment parti du potentiel de chaque vallée pour répondre aux
défisposésparlatransitionénergétique,climatiqueetécologique.
L’hydroélectricité a en effet un rôle central à jouer dans la tran-
sition énergétique en cours. Non seulement les investissements
permettront une augmentation brute de la production13
mais
surtout,cetteproductionaccrueseferaauservicedelatransition
du système énergétique dans son ensemble. En effet, en raison
de ses capacités de stockage (réservoirs) et de ses spécificités
techniques, l’hydroélectricité est capable d’apporter plus de
flexibilitéausystème,qu’ils’agissedeproduireselonlesbesoins,
oudefournirlesservicesauxiliairesauréseau(stockageàgrande
échelle,Quickstart/Blackstart,régulationdelafréquence,contrôle
de la puissance réactive, etc.). Au fur et à mesure d’une intégra-
tion plus forte des énergies renouvelables dans le système, et
d’une consommation électrique qui devient de plus en plus
« active » (véhicules électriques, demand-response, solutions
énergétiques domotiques, décentralisation de la production,
etc.), cette « flexi-capacité » de l’hydroélectricité doit être maxi-
misée,etl’ouverturedesconcessionshydroélectriquesàlaconcur-
rencepermettrad’assurerquelesdernièresinnovationsexistantes
soient mise en œuvre par les meilleurs experts du secteur.
La France est aujourd’hui à la croisée des chemins. Après plus
de dix années de reports et d’inertie dans la procédure, aucun
appelàcandidaturen’aencoreétélancé.Septdesdixconcessions
annoncées en 2010 sont arrivées à échéance, et il est d’ores et
déjà trop tard pour que les trois autres soient renouvelées avant
leur date de fin de concession estimée, compte tenu de la durée
de la procédure. Alors qu’un nouveau président vient d’être élu,
doté d’une majorité à l’Assemblée nationale, sur un programme
12. Cf. par exemple le chapitre “Technology leadership and innovation: The
hydropower sector’s contribution to a sustainable and prosperous Europe”,
Main Report, 10 juin 2015, DNV-GL on behalf of “A European Hydropower
Initiative of Hydropower Companies” https://www.hydropower.org/sites/de-
-
bution%20to%20a%20Sustainable%20and%20Prosperous%20Europe%20
%E2%80%93%20Main%20Report.pdf
13. L’Union française de l’électricité estime ainsi dans l’un de ses rapports
que la modernisation des actifs existants pourrait engendrer 1,1TWh sup-
plémentaire.
tout entier orienté vers l’action positive, l’État doit sans attendre
annoncer l’ouverture des concessions hydroélectriques: plus
qu’unequestiondemiseenadéquationaveclecadreréglemen-
taire européen, il s’agit de saisir une opportunité économique
réelle qui améliorera non seulement la production hydroélec-
trique,assurantaupassageunemeilleureadaptationdusystème
électrique national à la transition énergétique en cours, mais
aussi l’avenir économique des territoires.
Pour ce faire, la première étape est de confirmer au plus vite les
regroupements des concessions, sur des critères clairs et com-
préhensiblespartous.Puislancerle processusassurantunaccès
équitable et transparent à toutes les informations nécessaires.
Et enfin préciser, pour chaque concession, la vo-
lonté ou non de mettre en place une SEMH, dont
lefonctionnement,lerôle,etlagouvernanceseront
clarifiés. Le concessionnaire sélectionné doit pou-
voir mettre en œuvre l’expertise et l’excellence qui
est la sienne, à savoir l’optimisation de la produc-
tion au service du système électrique et du développement
territorial.Alorsquelesentreprisesénergétiquesnationalessont
soumises à de très fortes contraintes financières incompatibles
avec les investissements nécessaires pour moderniser l’intégra-
lité de la flotte de production, il serait regrettable que l’hydroé-
lectricité, en grand besoin de modernisation et d’amélioration,
soit le parent pauvre du système énergétique français. Plusieurs
acteurs, parmi les meilleurs producteurs hydroélectriques mon-
diaux, sont prêts à apporter leur expertise au service des prio-
rités de la France et de l’Europe. Comme le souligne l’AIE dans
sonrapportsurlaFrance2016,l’ouverturecomplèteàlaconcur-
rence permettra d’améliorer la compétition sur le marché de
gros, tout en améliorant la sécurité d’approvisionnement pour
couvrir la demande de pointe en France.
Tous les atouts sont disponibles. Il reste à en décider la mise en
action. B.T.
L’hydroélectricité a
un rôle central à jouer
dans la transition
énergétique en cours.
222 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017

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LE renouvellement des concessions hydroélectriques, une chance pour la France et ses territoires

  • 1. Pixabay Les critères de définition des zones humides bouleversés par la jurisprudence CE, 22 février 2017 et CAA Bordeaux, 11 avril 2017 page 223 Commentaire d’Olivier Cizel, juriste, journaliste N°257 Juin 2017 27e année www.droit-environnement.frActualités juridiques de l’environnement et du développement durable DROIT DE L’EAU JUIN 2016  MAI 2017 InstitutdeDroitdel’environnementetduDéveloppementdurable, AixMarseilleUniversité,sousladirectiondeVirginieMercier Synthèse Durée de vie des produits: « Nous sommes entrés dans une société du jetable » PascalDurand,députéeuropéen,rapporteurde« Une duréedeviepluslonguedesproduits:avantagespour lesconsommateursetlesentreprises » INTERVIEW Chroniques & opinions Le renouvellement des concessions hydroélectriques, une chance pour la France et ses territoires Benjamin Thibault, Business Development Manager Cours et tribunaux Le Tribunal Monsanto a « dit le droit » Tribunal Monsanto, 18 avril 2017 Catherine le Bris, chargée de recherche 1 au CNRS, Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Décryptage Une amélioration inachevée des procédures de participation du public Décret n° 2017-626 du 25 avril 2017 Par Raphaël Brett, docteur en droit public, Institut d’études de droit public, université Paris-Sud
  • 2. Chroniques & opinions L e renouvellement des concessions hydroé- lectriques est-il le serpent de mer de la politiqueénergétiquefrançaise?D’annonces en reports, de modifications réglementaires en rapportsadministratifs,lesuspensetientenhaleine les spectateurs, producteurs d’électricité en tête, depuisplusdedixans.TellelasœurAnne,enserons- nousréduitsànerienvoirvenir?Plusieurséléments, réglementaires d’abord, politiques ensuite doivent au contraire faire espérer une résolution rapide de ce sujet, devenu au fil des années un objet de dis- cordeentrelaFranceetlaCommissionEuropéenne. Il en va de l’intérêt de la France et de ses territoires. I. L’OUVERTURE DES CONCESSIONS HYDROÉLECTRIQUES, UNE OBLIGATION JURIDIQUE Lecadrejuridiquedesentrepriseshydroélectriquessouslaforme de concessions trouve sa source dans la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, qui précise en particulierdanssonarticle2quelesentreprisesdontlapuissance hydraulique excède 4 500 kilowatts sont placées sous le régime de la concession. Si la nature juridique des concessions hydrauliques a pu faire question au cours du 20e siècle2 , il faut noter le rôle capital de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (dite « loi Sapin ») qui, en disposant en sonarticle38que « lesdélégationsdeservicepublicdespersonnes morales de droit public sont soumises par l’autorité délégante à uneprocéduredepublicitépermettantlaprésentationdeplusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseild’État »aboutitàcequelesconcessionshydroélectriques soient perçues comme présentant un caractère de délégation deservicepublic,etdèslorssoumisesàunemiseencompétition. 1. Cet article représente les opinions personnelles de l’auteur, et n’engage en rien l’entreprise qui l’emploie. 2. On se référera à l’article de Noël Chahid-Nouraï et Geoffroy Berthon, avo- cats chez Orrick Herrington et Sutcliffe pour approfondissement « La vraie nature des concessions hydroélectriques », RFDA 2017. Lerenouvellementdesconcessions hydroélectriques,unechancepour laFranceetsesterritoires Benjamin Thibault1 , Business Development Manager, Fortum. Après plus de dix années de débats, il est temps pour la France d’ouvrir à la concurrence les concessions hydroélectriques. Plus qu’une question de mise en adéquation avec le cadre réglementaire européen, il s’agit de saisir une opportunité économique qui améliorera la production hydroélectrique, mais aussi l’avenir économique des territoires. Deux éléments pouvaient néanmoins limiter l’ouverture à la concurrence requise par la loi: ● un droit de préférence existait (article 13 de la loidu16 octobre1919)quipermettaitauconces- sionnaireenplacequienfaisaitlademanded’être prolongé lors d’un renouvellement sous réserve d’acceptation du nouveau cahier des charges; ● l’article 41 de la loi Sapin prévoyait par ailleurs que l’obligation de publicité ne s’appliquait pas aux délégations de service public en particulier lorsque la loi instituait un monopole au profit d’uneentreprise,oulorsqueleserviceétaitconfié à«unétablissementpublicouàunesociétépublique locale sur lesquels la personne publique exerce un contrôle com- parable à celui qu’elle exerce sur ses propres services et qui réalise l’essentiel de leurs activités pour elle». Ces deux possibilités allaient être levées au début des années 2000.L’exceptiond’obligationdepublicitédisparutd’elle-même avec l‘ouverture à la concurrence du marché de la production d’électricité en 2000 et lorsque EDF (qui gère environ 80 % des concessions françaises) fut transformée en société anonyme suite au vote de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l›électricité et du gaz et aux entreprises élec- triques et gazières. Le droit de préférence allait quant à lui disparaître par étapes sous la pression de la Commission européenne qui, voyant dans le droit de préférence un élément « incompatibleavecleprincipe de liberté d’établissement qui interdit les restrictions à l’exercice d’activités économiques sur le plan transfrontalier et notamment touteformedediscriminationdirecteouindirecteentreopérateurs communautaires », saisit en 2005 la Cour de justice des commu- nautés européennes. Suite à cette saisine, la France supprima la référence au droit de préférence par la publication de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, puis par le décret n° 2008-1009 du 26 septembre 2008, qui est venu modifier le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994, en ajoutant en son article 1 que « lesconcessionsd’énergie hydraulique régies par la loi du 16 octobre 1919 font l’objet d’une procédurerégieparlesarticles38,40et40-1delaloidu29janvier 1993etledécretdu24mars1993,[…]quiviseàchoisirledéléga- tairelemieuxàmêmedegarantirl’efficacitéénergétiquedel’exploi- 218 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
  • 3. tationdelachuted’eau,lerespectdesintérêtsmentionnésàl’article L. 211-1 du Code de l’environnement et les meilleures conditions économiques et financières pour le concédant». Sur ces bases, le gouvernement annonça en avril 2010, le coup d’envoidurenouvellementdesconcessionshydroélectriquespar voie de mise en concurrence. Dix concessions regroupées dans différentes vallées, représentant 5,3 GW de capacité – 20 % de la puissance hydroélectrique française – devaient être mises pro- gressivementencompétition,surlabasede3critèresdesélection: valorisation énergétique, prise en compte des contraintes envi- ronnementales et redevances payées par le concessionnaire. Avec l’arrivée en 2012 d’un nouveau gouvernement et d’une nouvelle majorité présidentielle à l’Assemblée nationale, une tension politico-juridique allait s’instaurer entre d’une part, une tendance politique à vouloir éviter une « libéralisation » de la production hydroélectrique en recherchant des solutions alter- natives, et d’autre part une logique juridique qui requerrait la miseenappeld’offresdesconcessionshydroélectriquesarrivées à échéance. Cette tension s’est résolue avec la mise en place graduelle et à rythme mesuré des briques réglementaires permettant à terme l’ouverture des concessions hydroélectriques à la compétition, par le vote de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (« LTECV »), la transpositiondeladirectiveeuropéenne2014/23/UEdu26février 2014 en droit français via l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016relativeauxcontratsdeconcession(clarifiantensonarticle 11 que celle-ci s’applique aux contrats de concessions relatifs à « la mise à disposition, l‘exploitation ou l’alimentation de réseaux fixes destinésàfournirunserviceaupublicdansledomainedelaproduc- tion,dutransportoudeladistributiond’électricité», et insère dans les dispositions législatives du Code de l’énergie les concessions hydroélectriquesdanslecadredel’ordonnance– cf. article 70)et le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatif aux contrats de concession, le décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydrau- liqueetapprouvantlemodèledecahierdescharges applicable à ces concessions (décret d’application de la LTECV), et enfin l’arrêté du 13 février 2017 por- tantdiversesdispositionsd’applicationdelapartieréglementaire du Code de l’énergie relatives aux concessions d’énergie (qui préciseentreautreslecontenududossierdedemandedeconces- sion par le concessionnaire pressenti et précise le taux d’actuali- sation à utiliser pour les regroupements de concessions.) D’unpointdevueéconomique,laLTECVetsondécretd’application jouentunrôlecentraldansl’organisationdel’ouvertureàlaconcur- rencedesconcessionshydroélectriques.LaLTECVgraveainsidans lemarbretroisprincipesrelatifsauxconcessionshydroélectriques: ● leregroupementdesconcessionspar«chaîned’aménagements hydrauliquement liés », afin d’optimiser énergétiquement et du point de vue environnemental l’exploitation de la chaîne de production (Art. L 521-16-1), qui seront mis en concurrence; ● la possibilité de proroger les concessions existantes, « lorsque la réalisation de travaux nécessaires à l’atteinte des objectifs » de la concession l’exige (Art L. 521-16-3); ● la possibilité de créer des sociétés d’économie mixte hydroé- lectriques (SEMH), pour associer État et collectivités territoriales intéressées à l’exécution de certaines concessions, au côté d’un acteur économique « actionnaire opérateur ». Néanmoins, plus encore que la loi, c’est la revue des conditions de l’application de cette loi via le décret n° 2016-530 qui doit retenir toute notre attention. En particulier, ce décret: ● confirme les 3 critères de sélection des concessionnaires pres- sentis, sans toutefois en préciser les poids relatifs (qui seront définis pour chaque concession); ● encadrelesdélaisetprocéduresd’instructiondurenouvellement des concessions; ● décritlecontenudurèglementd’eauapplicableàlaconcession; ● propose un modèle de cahier des charges pour la concession, à adapter au cas par cas; ● fixe les conditions du regroupement des concessions; ● expose les règles de fondation des SEMH; ● présente les règles de calcul des redevances; ● instauredescomitésdesuividel’exécutionetdelagestiondes usages de l’eau, constitué de l’État, du concessionnaire, des collectivités territoriales et des riverains. Le cadre juridique est ainsi en place pour permettre une mise en compétition des concessions hydroélectriques françaises. Plusieursélémentsdecestextesrestentmalheureusementinsa- tisfaisants d’un point de vue concurrentiel. Premièrement, les règles de regroupement des concessions manquent de clarté. Les regroupements sont définis en cas d’influence hydraulique « moyenne ou forte » entre deux amé- nagements, en fonction de deux critères difficilement appré- hendables par les potentiels entrants3 . Afortiori, le 2° de l’article R.521-60 explique que les regroupements de deux aménage- ments sont aussi possibles si deux aménagements alimentés parlamêmeretenueamont,ouversantdansunemêmeretenue avaloùdansunmêmecoursd’eauontdesconditions d’exploitation « régulièrement dépendantes ». De larges possibilités sont listées, comme la configu- ration physique, le respect des règles en matière de débit du cours d’eau, mais aussi les exigences de respect des principes énoncés à l’article L. 211- 1 du Code de l’environnement4 . Cette définition qui aurait pu être plus précise ouvre à l’État une certaine latitude pour définir les groupements et peut impacter in fine les dates d’ouverture de ces groupements, la date d’échéance commune des regrou- pements étant calculée sur la base des flux de trésorerie dispo- nibles (définis comme l’excédent brut d’exploitation déduction faite des investissements et de l’impôt sur les sociétés) futurs estimés des concessions regroupées. Deuxièmement,sil’instaurationdeSEMHpeut,desoncôté,s’ins- 3. Cf. art. R. 521-60, paragraphe 1° et II décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions, pour plus de détails. 4. Article qui propose un large panel de possibilités de lier, ou non, deux aménagements, entre autres: prévention des inondations, préservation des écosystèmes aquatiques et des zones humides, lutte contre la pollution, amélioration de la qualité de l’eau, valorisation de l’eau comme ressource économique, restauration de la qualité des eaux, satisfaire les exigences de la santé, mais aussi promotion de l‘agriculture, de la pêche, de l’industrie, etc. Lesrèglesde regroupement desconcessions manquentdeclarté. 219DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
  • 4. Chroniques & opinions crire dans une logique de plus grande information de toutes les partiesprenantesetd’uneaméliorationdelagouvernancelocale des concessions, il est nécessaire que sa mise en œuvre soit à la foisbienencadréeetquelagouvernance,soitclairementdéfinie, notamment pour éviter toute exploitation sous-op- timale, voire favoriser, en raison de leur présence locale multidécennale, les concessionnaires histo- riques.Toutd’abord,danslecadredelamiseenplace d’uneSEMH,ilparaîtnécessairequelerôledel’opé- rateurIndustrielsoitsécurisé,etquecelui-ci,encharge de la production électrique et de la gestion des ins- tallationshydrauliques,soitpleinementresponsable et libre dans l’optimisation de la production et des investissements associés, dans le respect complet des réglementations, du cahier des charges et des exigences de sécurité. À ce titre, il faut pouvoir, par exemple, s’assurer de la possibilité des partenaires publics (État, collectivitéslocales,personnesmoralesdedroitpublic)àfinancer, initialementmaisaussidansl’avenir,lesinvestissementsnécessaires à l’exploitation de la concession et de son amélioration. Troisièmement, l’ouverture de la possibilité pour l’État de pro- longer contre investissement les concessionnaires actuels dans leurs fonctions semble difficilement justifiable au regard de l’exigence de compétition. Le flou reste entier quant à la justifi- cation des investissements permettant prorogation, ceux-ci devant être « nécessaires »5 à l’atteinte d’objectifs très larges, comme par exemple, favoriser l’émergence d’une économie compétitive et riche en emplois, assurer la sécurité d’approvi- sionnement, maintenir un prix de l’énergie compétitif et attrac- tif au plan international, lutter contre l’effet de serre, garantir la cohésion sociale et territoriale, lutter contre la précarité énergé- tique, développer les territoires à énergie positive, réduire les émissionsdegazàeffetdeserre,etc.6 L’absencedeplafonnement temporel de toute prorogation pose aussi problème. La prolon- gation contre investissement crée un déséquilibre entre les concessionnairesactuelsetlespotentielsnouveauxentrants,qui nesevoientpasoffrirlapossibilitédecandidateràl’appeld’offres. À minima, des compensations claires devraient être mises en placepourassurerunecompétitionjusteetsincère.Parexemple, touteprorogationd’unconcessionnairehistoriquesuruneconces- sion donnée pourrait être assortie d’une interdiction de partici- per à la mise en compétition d’autres concessions. En conclusion, si l’intégralité du cadre juridique est aujourd’hui enplacepourpermettrelamiseencompétitiondesconcessions hydroélectriques(deplusenplusnombreusesàêtreaujourd’hui échues), plusieurs points essentiels demeurent toujours ouverts qui peuvent faire craindre une compétition non équilibrée, qui pourrait être biaisée en faveur des opérateurs historiques. Sur- tout, il est dommageable pour tous les acteurs en présence que, plus de dix ans après la saisine de la Cour de justice des com- munautés européennes, aucun appel à candidature n’ait été émis pour les concessions hydroélectriques françaises. Pour rappel, les délais rapportés par l’État et les différents textes 5. Article L.531-1-3 Code de l’énergie. 6. Atteinte des objectifs mentionnés aux articles L 11-1, L11-2, L100-4 du Code de l’énergie. faisant référence à un délai de cinq ans avant l’échéance d’une concession pour lancer la mise en compétition7 , peuvent faire craindre que, même mises en compétition aujourd’hui, les premières concessions hydroélectriques, ne changeront pas d’opérateurs avant 2022-2023. Ces retards ont eu pour conséquence une mise en demeure de la France d’ouvrir à la concurrence les concessions hydroélectriques par la Commission Européenneenoctobre20158 ,celle-ciluireprochant de ne pas avoir favorisé la concurrence dans l’attri- butiondesesconcessionshydroélectriques.Depuis, les faits n’ont que peu bougé, et Margrethe Vesta- ger, Commissaire européenne à la concurrence, pouvait regretter encore, face à la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2016, que l’ouverture à la concurrence des conces- sions hydroélectriques n’ait « pas beaucoup avancé.» II. L’OUVERTURE DES CONCESSIONS HYDROÉLECTRIQUES, UNE OPPORTUNITÉ POUR LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET LES TERRITOIRES Ces délais trouvent peut-être leur source dans les interrogations qui ont pu s’exprimer à diverses reprises à propos du renouvel- lementdesconcessions,perçuparcertainscommeune menace pour le modèle énergétique français. Privatisation des actifs de production, moindre sécurité des barrages, augmentation des tarifs régulés, déstabilisation des énergéticiens nationaux et pertes d’emplois sont ainsi souvent brandies comme les consé- quences néfastes qui pourraient découler de la mise en concur- rence des concessions hydroélectriques, qu’il faudrait dès lors empêcher à tout prix. Ces inquiétudes, pourtant, ne paraissent que peu résister à l’analyse des faits. L’Étatreste,toutd’abord,lepropriétairedesactifsdeproductions, seule la gestion étant concédée. L’arrivée d’un nouveau conces- sionnaire ne peut donc être synonyme de spoliation du patri- moine national : le renouvellement des concessions signifie l’engagement de nombreux investissements, qui, bien au contraire, revaloriseront les actifs possédés par l’État et contri- bueront à l’intérêt général du pays, au service des Français. Deuxièmement, il n’y a pas à craindre que le renouvellement entraîne une diminution de la sécurité des barrages. Les règles de sécurité des barrages et actifs de production sont fortement réglementées et le cahier des charges de chaque concession 7. Voir par exemple la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2016, Compte de commerce 914 de la Cour des comptes, qui rappelle page 21 que le processus de renouvellement [est] implicitement estimé à cinq ans. Cf. par exemple article R 521-62 du Code de l’énergie (créé par Décret n° 2015-1823 Code de l’énergie « dans un délai de dix-huit mois suivant la demande de l’autorité administrative compétente et au plus tard cinq ans avant la date normale d’expiration du titre de concession, le concessionnaire fournit…» 8. Mise en demeure à l’origine de la DG concurrence, avec un contentieux « anti-trust » sur la position dominante d’EDF, s’appuyant sur les articles 102 et 106 du TFUE. Ce contentieux est beaucoup plus rapide qu’un contentieux sur les aides d’État, et permet la mise en place d’une décision immédiate- ment exécutoire. L’ouverture de la possibilité pour l’État de prolonger contre investissement les concessionnaires actuels dans leurs fonctions semble difficilement justifiable au regard de l’exigence de compétition. 220 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
  • 5. encadre les obligations de sécurité et d’exploitation. Par ailleurs, les investissements réalisés pour la modernisation des actifs, amélioreront de facto la sécurité des ouvrages. On peut faire confiance à l’État pour n’accorder des concessions qu’à des candidats dont l’exigence sécuritaire sera de premier ordre, ce qui est le cas de tous les grands énergéticiens qui pourraient être qualifiés par l’État dans le cadre des appels d’offres. À ce titre, L’expérience avérée dans la gestion de grands ouvrages hydroélectriques devra être un facteur de premier plan dans le processus de sélection. Troisièmement, on peut douter que le renouvellement des concessionsmetteendangerl’équilibreéconomiquedesconces- sionnaires actuels, ou qu’il renchérisse les tarifs régulés (qui sont définisparrapportauxcoûtsmoyensdeproduction).Lesconces- sionnaires actuels pourront tout d’abord participer au renou- vellement des concessions et rester en place, sous des règles nouvelles, si leurs offres sont retenues. Par ailleurs, même dans l’hypothèse large où les concessionnaires actuels perdraient 50 % des concessions mises en compétition, cela ne représen- terait environ que 1 % de la production électrique française9 . Une si faible proportion ne peut réellement mettre en danger les entreprises énergétiques françaises ni influer sur leur coût moyen de production. Enfin, sur la question primordiale de l’emploi, ici encore les craintes paraissent exagérées. Il y a fort à parier que ce point soit regardé de très près par l’État lors des appels d’offres, et que dans ce cadre, touteoffrequineprendraitpasencomptel’aspect social ait peu de chances d’être retenue – on peut souligner que plusieurs entreprises intéressées par les concessions hydroélec- triques françaises avaient publiquement indiqué par le passé qu’elles s’inscriraient au moins dans la continuité. Le Code du travail protège par ailleurs les employés, en rappelant dans son article L. 1224-1 que les employés seront transférés au nouveau concessionnaire.Maissurtout,c’estlacompétenceetl’expérience des employés, construites depuis des dizaines d’années, qui sont leurs plus grands atouts.Ils ont acquis une connaissance intime et inégalée des infrastructures, de leur exploitation et desterritoiresetilsreprésententàcetitrenonunhandicap,mais bien un atout de grande valeur pour tout opérateur qui repren- dra la gestion des concessions. Les reports successifs du processus d’ouverture des concessions hydroélectriquessontd’autantplusregrettablesqu’ilsreprésentent sur le long terme une perte tant technique qu’économique, ceux-ci ralentissant la nécessaire adaptation de l’appareil pro- ductif hydroélectrique français construit principalement entre lafindelasecondeguerremondialeetlesannéessoixante.Dans ce cadre, il paraît essentiel de souligner les formidables oppor- tunités que la mise en concurrence représente pour la France et ses territoires. Tout d’abord, elle sera l’occasion d’un renouveau pour les territoires, via des recettes économiques nouvelles tant 9. En moyenne la production hydroélectrique totale représente 50 à 60 TWh (~10 % de la production française totale). Aujourd’hui, seuls 5,3GW (sur 20,3), soit 26 % de la capacité hydroélectrique, sont mis en compétition, soit environ 12-15 TWh. 50 % représente donc entre 6 et 7 TWh par an, soit un peu plus de 1 % de la production totale française. au niveau local et national, tout en donnant l’occasion de repen- serlagouvernancedel’eau,biencommunancrédanslesterritoires. À ce jour, les concessionnaires existants dont les concessions sontarrivéesàéchéancerestentconcessionnairessouslerégime des « délais glissants », c’est-à-dire sous une prorogation de fait du contrat sous les contraintes réglementaires antérieures. En pratique,celasignifiequ’ilsrestentconcessionnairessanss’acquit- ter de la redevance proportionnelle prévue à l’article L. 523-2 du Code de l’énergie10 . Ce manque à gagner, de plusieurs cen- taines de millions d’euros cumulés, représente une perte nette pour l’État (qui doit toucher la moitié des redevances), mais surtout pour les collectivités locales qui, dans un contexte de disette budgétaire, voient s’éloigner une source de revenus considérable11 . Le renouvellement des concessions permettra que les redevances soient enfin versées aux collectivités locales. Au-delàdecesgainsfinanciers,lerenouvellementdesconcessions seraaussil’opportunitédedévelopperunegouvernancemoder- niséeauniveaulocal.Lamiseencompétitionannoncéeen2010 avait été l’occasion d’une mobilisation inédite des acteurs des territoires qui, vallée par vallée, avaient pu, dans le cadre des consultations Gedre (Gestion équilibrée de la res- sourceeneau)faireconnaîtreleurcompréhension des enjeux et attentes concernant l’utilisation de l’eau, bien commun des territoires. Si l’opérateur sélectionné doit rester maître de la production et de la gestion des installations hydrauliques, il est importantquecesattentessoientprisesencompte dans une gouvernance locale au service de toutes lespartiesprenantesduterritoire.Ainsi,touslesusages(produc- tion électrique, mais aussi agriculture, loisir, protection de l’envi- ronnement) seront pris en considération et l’information des acteurs locaux (par exemple sur hydrologie naturelle, les débits artificiels et lâchers d’eau, les programmes de travaux) sera améliorée. La mise en place d’une gouvernance renouvelée sera l’acte fondateurd’unpartenariatfortentrelenouveauconcessionnaire et les collectivités locales, des actions de développement local pouvant être planifiées en concertation, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle. Le nouveau concessionnaire, acteuréconomiquemajeurdesterritoires,devra,danslaprolon- gationdurenouvellementdesconcessions,s’inscrirepleinement dans le développement du tissu économique local, moins au traversdeprogrammesdedéveloppementdéfinisàsadiscrétion, ou dans le cadre de partenariats ponctuels adhoc, que dans des projets gouvernés par les acteurs locaux, au service du dévelop- pementéconomiquesurlelongterme.Ensuite,lerenouvellement 10. La Cour des comptes, dans son référé sur le renouvellement des conces- sions hydroélectriques du 21 juin 2013, précise ainsi que les pertes étaient de 50 M€ en 2013, pour atteindre près de 100 M€ par an en 2020. Elle précisait par ailleurs : « Dans la mesure où le renouvellement n’aura lieu au mieux qu’en 2016, au vu de la longueur de la procédure type, la perte cumulée sur la période pourrait atteindre plus de 250 M€ et, le cas échéant 600 M€ d’ici à 2020. » Compte tenu des retards supplémentaires pris, cette perte cumulée pourrait être supérieure. 11. Les redevances proportionnelles aux recettes de la concession sont affectées pour un tiers aux départements et pour un douzième chacun entre les communes et les groupements de communes sur lesquels coulent les cours d’eaux concédés. Le renouvellement des concessions sera aussi l’opportunité de développer une gouvernance modernisée au niveau local. 221DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017
  • 6. Chroniques & opinions desconcessionshydroélectriquesfrançaisespermettradedéga- ger les sommes nécessaires pour investir dans la modernisation desouvrages,toutenpermettantdemettreenœuvre,parvallée, les innovations technologiques les plus récentes. Les équipe- mentiers et opérateurs hydroélectriques continuent d’investir au quotidien pour améliorer leurs solutions techniques. À titre d’exemple, l’efficacité des turbines augmente continûment avec le temps12 , si bien que pour une technologie de turbine donnée, l’efficacité des turbines les plus récentes est meilleure que celles des turbines plus anciennes. D’autre part, l’innovation, outre la modernisation technique des actifs(etdesméthodes)deproduction,concerneaussilesaspects environnementaux.Unemiseencompétitionper- mettra d’assurer que les meilleures expertises écologiquesetlespratiqueslesplusrécentes(tant dans les équipements que dans la gestion) soient misesenplace.Lamiseenconcurrencepermettra, via de nouveaux investissements, de tirer pleine- ment parti du potentiel de chaque vallée pour répondre aux défisposésparlatransitionénergétique,climatiqueetécologique. L’hydroélectricité a en effet un rôle central à jouer dans la tran- sition énergétique en cours. Non seulement les investissements permettront une augmentation brute de la production13 mais surtout,cetteproductionaccrueseferaauservicedelatransition du système énergétique dans son ensemble. En effet, en raison de ses capacités de stockage (réservoirs) et de ses spécificités techniques, l’hydroélectricité est capable d’apporter plus de flexibilitéausystème,qu’ils’agissedeproduireselonlesbesoins, oudefournirlesservicesauxiliairesauréseau(stockageàgrande échelle,Quickstart/Blackstart,régulationdelafréquence,contrôle de la puissance réactive, etc.). Au fur et à mesure d’une intégra- tion plus forte des énergies renouvelables dans le système, et d’une consommation électrique qui devient de plus en plus « active » (véhicules électriques, demand-response, solutions énergétiques domotiques, décentralisation de la production, etc.), cette « flexi-capacité » de l’hydroélectricité doit être maxi- misée,etl’ouverturedesconcessionshydroélectriquesàlaconcur- rencepermettrad’assurerquelesdernièresinnovationsexistantes soient mise en œuvre par les meilleurs experts du secteur. La France est aujourd’hui à la croisée des chemins. Après plus de dix années de reports et d’inertie dans la procédure, aucun appelàcandidaturen’aencoreétélancé.Septdesdixconcessions annoncées en 2010 sont arrivées à échéance, et il est d’ores et déjà trop tard pour que les trois autres soient renouvelées avant leur date de fin de concession estimée, compte tenu de la durée de la procédure. Alors qu’un nouveau président vient d’être élu, doté d’une majorité à l’Assemblée nationale, sur un programme 12. Cf. par exemple le chapitre “Technology leadership and innovation: The hydropower sector’s contribution to a sustainable and prosperous Europe”, Main Report, 10 juin 2015, DNV-GL on behalf of “A European Hydropower Initiative of Hydropower Companies” https://www.hydropower.org/sites/de- - bution%20to%20a%20Sustainable%20and%20Prosperous%20Europe%20 %E2%80%93%20Main%20Report.pdf 13. L’Union française de l’électricité estime ainsi dans l’un de ses rapports que la modernisation des actifs existants pourrait engendrer 1,1TWh sup- plémentaire. tout entier orienté vers l’action positive, l’État doit sans attendre annoncer l’ouverture des concessions hydroélectriques: plus qu’unequestiondemiseenadéquationaveclecadreréglemen- taire européen, il s’agit de saisir une opportunité économique réelle qui améliorera non seulement la production hydroélec- trique,assurantaupassageunemeilleureadaptationdusystème électrique national à la transition énergétique en cours, mais aussi l’avenir économique des territoires. Pour ce faire, la première étape est de confirmer au plus vite les regroupements des concessions, sur des critères clairs et com- préhensiblespartous.Puislancerle processusassurantunaccès équitable et transparent à toutes les informations nécessaires. Et enfin préciser, pour chaque concession, la vo- lonté ou non de mettre en place une SEMH, dont lefonctionnement,lerôle,etlagouvernanceseront clarifiés. Le concessionnaire sélectionné doit pou- voir mettre en œuvre l’expertise et l’excellence qui est la sienne, à savoir l’optimisation de la produc- tion au service du système électrique et du développement territorial.Alorsquelesentreprisesénergétiquesnationalessont soumises à de très fortes contraintes financières incompatibles avec les investissements nécessaires pour moderniser l’intégra- lité de la flotte de production, il serait regrettable que l’hydroé- lectricité, en grand besoin de modernisation et d’amélioration, soit le parent pauvre du système énergétique français. Plusieurs acteurs, parmi les meilleurs producteurs hydroélectriques mon- diaux, sont prêts à apporter leur expertise au service des prio- rités de la France et de l’Europe. Comme le souligne l’AIE dans sonrapportsurlaFrance2016,l’ouverturecomplèteàlaconcur- rence permettra d’améliorer la compétition sur le marché de gros, tout en améliorant la sécurité d’approvisionnement pour couvrir la demande de pointe en France. Tous les atouts sont disponibles. Il reste à en décider la mise en action. B.T. L’hydroélectricité a un rôle central à jouer dans la transition énergétique en cours. 222 DROIT DE L’ENVIRONNEMENT n° 257 - Juin 2017