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LA REFONDATION
DES CCI
AU SERVICE DE
LA CROISSANCE
Bruno Jacquemin
Déc. 2009
CCI du Loiret - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
2
La refondation des CCI au service de la
croissance
En guise de préambule
Le processus de réforme, engagé par le Réseau des CCI en 2008 et annoncé par le gouvernement
en Conseil des Ministres en juillet 2009, semble s’enliser. Sans doute par ce qu’il n’aborde que des
aspects organisationnels et budgétaires, sans donner de sens, de perspectives à l’action des CCI.
Or le sujet est clairement existentiel pour ce Réseau et le dépasse en même temps car il impacte la
manière dont les acteurs publics veulent intervenir sur le champ économique territorial.
Ce dossier (présenté dans une version mise à jour par rapport à sa première édition d’octobre 2008) se
veut une proposition de réponse à cette dernière question, insuffisamment examinée ou débattue
dans les instances publiques, et même au sein du Réseau consulaire lui-même.
Sommaire
A : Résumé du dossier : La rénovation des CCI pour remettre l’entreprise et le territoire au
cœur de la modernisation du pays, pour une nouvelle croissance
B : Proposition pour bouger les lignes : engager la rupture et faire des choix !
C : Dossier : histoire, impasse… et opportunités
#1 : une originalité fondatrice… et ambiguë
#2 : rappel historique : une évolution des missions
#3 : depuis 20 ans : l’impasse
#4 : retrouver les fondamentaux : de l’indépendance, du lien, de la confiance, de la vitesse
#5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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A : Résumé du dossier : La rénovation des CCI pour remettre
l’entreprise et le territoire au cœur de la modernisation du pays, pour
une nouvelle croissance
1. Après vingt ans d'impasse, retrouver les fondamentaux : les CCI parlent des
entreprises et de leur croissance
Au-delà des services rendus et de leurs valeurs ajoutées, ce qui fonde la légitimité et la
crédibilité des CCI aux yeux des entreprises, c'est la capacité qu'elles ont à représenter leurs
intérêts auprès de l’ensemble des pouvoirs publics, avec clarté et efficacité, en expliquant
l’économie dans l’ensemble de ses dimensions, notamment territoriales. La CCI est d’abord le
« Parlement » des entreprises. Ce rôle est complémentaire de celui de vigie économique des
territoires sur lesquelles elles œuvrent, permettant à l'ensemble des acteurs publics et privés
d'anticiper les mutations.
Maîtrisant des savoir-faire collaboratifs, d'ingénierie de projet et financière, porteurs de la
confiance des acteurs économiques, elles peuvent s'affirmer comme porteurs de projets
collaboratifs de croissance, par exemple dans l'accompagnement des filières en mutation sur
les territoires, l’implication dans les mécanismes financiers de l’innovation, la gestion du
déficit de compétences dans les principaux métiers, ou la mise en œuvre d’équipement lourds
d’intérêts collectifs pour les entreprises.
Quant à la mission d’accompagnement et au-delà de segments bien identifiés comme
l’entrepreneuriat et l’international, les CCI sont les acteurs de la mise en synergie des
entrepreneurs, en s'appuyant notamment sur le net, dans un objectif de favoriser les partages de
savoir, de savoir faire et de bonnes pratiques : la CCI devient alors la plate-forme d’échanges
réactive de la communauté économique de son territoire, favorisant les liens sans
obligatoirement les structurer ou les piloter.
2. La rénovation des CCI pour remettre l'entreprise et le territoire au cœur de
la modernisation du pays, pour une nouvelle croissance
L'état de confusion des CCI est révélateur d’un ensemble de problématiques qui les dépassent
largement… Voilà pourquoi il ne faut pas les défendre pour elles-mêmes mais pour les
principes et les espoirs qu’elles peuvent porter en termes de réforme de l’appareil public au
service d’une nouvelle dynamique territoriale et de modernisation d’un système global
générateur d’une croissance économique réinventée :
• Parce qu’elles sont à l’interface du territoire, de l’entreprise et des pouvoirs publics.
• Parce qu’elles sont dotées intrinsèquement d’une plasticité qui devrait favoriser leur
adaptation aux mutations.
• Parce qu’elles sont à la fois établissement public et voix de l’économie des territoires
• Parce qu’elles portent une réalité de la proximité et de la mobilité territoriales de
l’activité économique, problématiques dont personne n’appréhende suffisamment les
impacts aujourd’hui.
• Parce qu’elles expriment la diversité des territoires économiques qui forment notre pays.
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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Voilà pourquoi les CCI doivent affirmer un projet qui n'est pas que budgétaire et organisationnel.
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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B : Proposition pour bouger les lignes : engager la rupture et faire
des choix !
Aujourd’hui, les CCI sont à l’heure de restrictions budgétaires drastiques souhaitées par le pouvoir
politique sur le fonctionnement de l’appareil public : comment ne pas s’en réjouir ? Le réseau
consulaire n’ayant pas su exprimer une vision stratégique permettant de placer le débat à un autre
niveau que celui des coûts est donc confronté à la nécessité d’engager des économies importantes
de fonctionnement dans des délais très rapides. Et c’est finalement une formidable chance que lui
donne l’Etat de mettre en œuvre une vraie rupture qui s’impose (cf. : Dossier). Encore faut-il que le
réseau consulaire appréhende la mise en œuvre de ces économies avec un minimum de vision
stratégique et fasse des choix.
Osons donc quelques propositions rapides qu’il serait ensuite utile de chiffrer, tant par les
économies qu’elles pourraient générer que par les effets de levier qu’elles pourraient provoquer :
Sur le champ de l’accompagnement de la croissance de notre tissu économique, qui constitue le
vrai sujet d’intérêt national, pourrait être décidé :
1. Création du FCPR CCI Croissance Innovation, outil commun d’investissement des CCI
dans les PME en croissance, doté de 100 M€ (voire plus) provenant des trésoreries des CCI
en contrepartie d’une neutralité fiscale dans leur gestion, et géré régionalement avec la
Caisse des Dépôts et OSEO. Le dossier est prêt, travaillé avec CDCEntreprises en 2009.
Sur le champ des métiers exercés par toutes les CCI, il semble que s’impose la mise en place
d’une norme de fonctionnement mise en œuvre par des équipes dédiées et organisées au sein
d’entité à périmètre national ou multi-régional, à l’instar de ce que réalisent, depuis plusieurs
années, les réseaux bancaires mutualistes :
2. Création de CCI International, au-delà d’une marque (présentée fin 2008) et d’un
catalogue des bonnes pratiques (présenté en déc.-09) du réseau des CCI sur le métier
d’accompagnement à l’international, c’est un socle commun d’offres clients (du SVP à
l’accompagnement), une équipe dédiée, une localisation dans les CCI locales, une
gouvernance avec un Conseil d’Administration composé de représentants des CCI locales.
Gageons que cela permettrait d’alléger les coûts de gestion, d’uniformiser l’offre en la
rendant lisible, d’engager avec UBI France un partenariat négocié d’égal à égal.
3. Création de Chambres Création Reprise, filiale commune de l’ensemble du réseau des
CCI et des Chambres de Métiers et d’Artisanat, sur le métier d’accompagnement des
créateurs et repreneurs d’entreprise, filiale conçue sur le même principe que précédemment
et qui revient à filialiser Entreprendre en France. L’opportunité de mutualiser
4. Création de Chambres Formalités, filiale commune de l’ensemble du réseau des CCI et
des Chambres de Métiers et d’Artisanat, pour gérer l’ensemble des formalités
administratives, avec les mêmes logiciels, les mêmes normes, un partenariat renouvelé avec
les Greffiers et les administrations publiques. C’est la véritable réponse à la directive
européenne concernant le Guichet Unique, au sens où l’entend l’Union Européenne, de
gestion de la relation à l’administration pour les entreprises pour minimiser les contraintes.
Même principe de conception et de gouvernance que les exemples précités.
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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Sur le champ des grandes fonctions ressources, que le réseau a tant besoin de professionnaliser:
5. Création d’une unité transversale au réseau mobilité CCI destinée à gérer la formation, la
mobilité et le développement ou la reconversion en compétences des 25 000 collaborateurs
du réseau des CCI.
6. Création d’un centre d’appel CCI Service en ligne, filiale commune de l’ensemble du
réseau des CCI pour gérer l’ensemble des demandes de renseignements administratifs ou
économiques que les CCI traitent pour l’instant en local, même si des centres d’appels se
mettent en place dans certaines CCI (Morbihan, Lyon, Nice, Paris). Une filiale centralisée
en un ou plusieurs points (5 maximum) au niveau national.
La formidable ressource que représente la CCIP en matière de gestion de l’information
devrait pouvoir être mutualisée à l’ensemble du réseau.
6. Création de CCI-Ecobiz, filiale commune de l’ensemble du réseau des CCI pour gérer les
plateformes collaboratives indispensables aujourd’hui à la mise en œuvre de communautés
professionnelles sur les territoires et à la performance de la « mission » de mise en réseau
des entrepreneurs. Même principe de conception et de gouvernance que l’exemple cité en 2.
Sur le champ des compétences spécifiques, source de création de valeur ou d’innovation
territoriale :
7. Création de CCI Equipement Ingénierie, regroupant l’ensemble des compétences que
certaines CCI ont développées et enrichies depuis plusieurs décennies en matière de
création et gestion d’infrastructures et d’équipement, aujourd’hui engagées dans des
partenariats publics privés.
Le réseau des CCI pourrait, par ce biais, largement concourir au développement des
partenariats publics privés (PPP) en France et poursuivre l’action opérationnelle du
réseau dans la gestion d’infrastructures.
Sur le champ de l’enseignement formation, sur lequel les CCI ont tant de mal à faire valoir à
leurs partenaires publics leurs spécificités et leurs résultats :
8. Mutualisation à l’échelle régionale des équipements de formation continue et
d’apprentissage, dans le cadre d’une négociation avec les Conseils régionaux réaffirmant
nos prérogatives sur l’affectation directe de taxe d’apprentissage.
9. Développement des labels d’enseignement supérieur et mise en œuvre d’un statut juridique
innovant de SA à vocation éducative pour gérer les écoles avec un engagement spécifique
des CCI à l’échelle régionale ou multi-régionale.
Dégager des économies importantes dans le coût de fonctionnement du réseau est finalement plutôt
aisé, si l’on raisonne efficacité clients pour les différents métiers des CCI. Les chefs d’entreprises
qui gouvernent les CCI ont vu –et pour certains expérimenté- suffisamment de fusions territoriales,
notamment dans les groupes privés ou mutualistes, pour ne pas en tirer quelques leçons !
Ces propositions –que l’on peut facilement compléter, car l’idée n’est pas ici d’en faire
l’inventaire- relèvent toute d’un principe simple : la professionnalisation aboutie des métiers que
réalisent aujourd’hui les CCI sur les territoires. Elles privilégient la filialisation nationale des
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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métiers d’accompagnement direct des entreprises qui nécessitent des processus rigoureux,
normalisés. Elles privilégient aussi la filialisation nationale des ressources dont le réseau à besoin
pour fonctionner efficacement (référentiels, outils informatiques, logiciels, centres d’appels, …).
A l’instar de l’initiative de la CCIP et de la CCI Nice Côte d’Azur GIE CCI Finances, ce sont de
véritables mutualisations opérationnelles qui sont encore largement possibles.
Si elles sont engagées, et rien ne s’oppose à ce que cela soit fait dès maintenant en fixant un
calendrier et des objectifs de résultats à 3 ans, alors oui, les CCI peuvent réaliser au moins 5% par
an d’économie de fonctionnement à périmètre constant, soit près de 180 M€ / an au bout de 3 ans.
Et ceci, sans compter les économies qu’une redéfinition précise des périmètres d’action
permettraient de réaliser.
3 facteurs clés de succès semblent également aujourd’hui impératifs pour garantir le succès de leur
potentielle mise en œuvre :
• Garantir la gouvernance par des conseils d’administration composés de personnes de terrain
• Gérer l’impact social –majeur- pour une grande partie des personnels, surtout administratifs,
des CCI et CRCI et en négocier l’impact financier avec l’Etat.
• Régler la question du financement de ces filiales nationales qui ne peut passer, à notre sens,
que par un minimum d’harmonisation fiscale et un prorata de TATP fléché à la source en
fonction du nombre de ressortissants.
Parallèlement, les Chambres doivent garder leur ancrage et leur légitimité politique locale sur des
fonctions resserrées et lisibles, pour jour de rôle de "Parlement des entreprises" qui fonde leur
légitimité et leur capacité de conduire des projets de croissance (collaboratifs ou d’investissement)
au plus près du terrain.
Elles doivent disposer, à cette fin, de l'autonomie politique et budgétaire indispensables. S'il
délègue des compétences métiers à des structures mutualisées, le réseau doit donc rester
fondamentalement décentralisé. Et cela n’est pas contradictoire, loin s’en faut avec l’efficacité.
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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C : Dossier : histoire, impasse… et opportunités
#1 : une originalité fondatrice… et ambiguë
Depuis 1898, les CCI sont considérées comme des établissements publics administratifs de l’Etat,
dont l’exécutif est confié à des entrepreneurs, élus par leurs pairs. Leurs missions sont à l'époque
ainsi définies : Représenter les intérêts du commerce et de l’industrie ; concourir au développement
des entreprises et des territoires de leur circonscription.
Leur essence publique les a amené à être aujourd'hui sous la tutelle du préfet de région (et de facto
du trésorier payeur général), à respecter le code des marchés publics, à traiter leurs contentieux au
tribunal administratif et à gérer leurs collaborateurs dans le cadre d’un statut proche de celui de la
fonction publique territoriale.
Par ailleurs, leur gouvernance privée les oriente vers des champs d’action librement décidés par des
chefs d’entreprise qui ont toute latitude pour orienter actions et budget de l’établissement. Leur
véritable frein est l’inertie inhérente à la nature publique d’un système qui fonctionne hors de la
sanction des marchés ; mais ceci peut aussi être un atout pour engager des actions sur la durée.
Les CCI ne pratiquant quasiment jamais la formation de leurs élus, ceux-ci, motivés par l’envie
d’une utilité pour l’économie, ont à découvrir par eux mêmes ce qu’est une Chambre consulaire,
quelque part entre le syndicat professionnel, le club services, l’association et la collectivité
publique... Pressentis par les branches ou organisations professionnelles, élus maintenant pour 5
ans, par collèges sensés assurer une représentation équitable des différentes activités économiques
du territoire, ils peinent à sortir d’un rôle de défense d’intérêts catégoriels parfois très opposés
(commerçants et industriels par exemple) pour endosser la vision globale de l’économie de leur
territoire. Et quand ils l’ont acquise, l’ambiguïté demeure dans l’absence de définition précise du
champ « d’intérêt général » ou « d’intérêt collectif » des actions des CCI.
#2 : rappel historique : une évolution des missions
La question ne se pose pas à l’origine, quand en 1599, les marchands de Marseille créent la
première Chambre de Commerce. Ils sont alors confrontés à des enjeux majeurs liés d’une part à
une redistribution des rôles dans le commerce méditerranéen et d’autre part à des exigences
nouvelles de leurs fournisseurs dans l’arrière-pays provençal : une globalisation en quelque sorte et
une mutation des conditions des échanges… Il est tentant de tracer un parallèle avec ce que vit
l’économie d’aujourd’hui avec la mondialisation et Internet. La prise de conscience des marchands
se concrétise à l’époque par la mise en place de services communs (une bourse) et d’une
représentation commune à des fins de lobbying… déjà les 2 piliers des missions consulaires.
Ce qui caractérise l’histoire des Chambres de Commerce dans les 2 siècles qui suivent, c’est leur
« récupération » par un Etat déjà dirigiste et interventionniste. Sous Louis XIV et Colbert d’une
part avec la création de Chambres de Commerce sur les principaux ports du littoral, clés de
l’économie du pays. Sous le Consulat et l’Empire ensuite, avec notamment la création de la
Chambre de Commerce de Paris (la future CCIP) en 1803, dans un objectif de relation avec le
monde influent des affaires. C’est la même préoccupation qui procédera sous la IIIe République à
la finalisation du paysage consulaire – très représentatif de l’activité économique résultant de la
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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révolution industrielle de la fin du XIXe siècle -, paysage quasi figé jusqu’à ces dernières années
qui auront vu la mise en œuvre d’un processus de fusion à l’échelle départementale faisant
disparaître 35 CCI en moins de 10 ans.
Les missions des CCI sont au XVIIe, XVIIIe, XIXe et à la première moitié du XXe siècle
largement dominées par un enjeu de représentation et d’expression du pouvoir économique dans le
pays, au-delà des corporatismes historiques des métiers issus de l’ancien régime. Les choses
évoluent fortement après 1945. Les services des CCI s’étoffent considérablement et de manière
quasi continue jusqu’au milieu des années 90, principalement parce que les CCI additionnent les
missions :
Sous les 30 Glorieuses, les CCI sont d’abord aménageurs d’un pays en pleine expansion
économique qui a besoin de zones industrielles, de parcs d’activités, de palais des congrès, de parc
expositions, d’entrepôts, de ports, d’aéroports, … Créateurs des équipements, elles en deviennent
gestionnaires dans un état de quasi monopole. L’initiative part du besoin des entreprises, les
entrepreneurs gèrent des outils utiles pour la communauté économique. C'est l'âge d'or...
A la fin des années 60, elles s’engagent dans la formation, continue avec le développement de
centres d’apprentissage et initiale avec la création du réseau des Sup de Co, mais aussi d’écoles
d’ingénieurs, d’écoles spécialisées. Très vite elles sont amenées à s'associer à d'autres partenaires,
voire à filialiser ces activités pour leur permettre de se développer.
Au milieu des années 70, en pleine crise énergétique mais aussi crise des grands conglomérats
publics ayant de forts impacts sur la sous-traitance locale, les CCI répondent à des besoins de
conseil et d’assistance exprimés sur le terrain, pallient l’insuffisance de l’offre privée et deviennent
des quasi « consultants » publics. Elles embauchent largement à cette époque des Assistants
Techniques au Commerce, à l’Industrie, à l’Export, au Tourisme… Cette orientation marque
fortement l’histoire récente des CCI car elle focalise la relation de la Chambre avec un nombre
restreint d’entreprises, et les positionne comme expert, les faisant perdre ainsi de vue la nécessité
d’exprimer une vision économique, un projet pour le territoire. Par ailleurs, en restant durablement
sur le champ du conseil, les CCI ont pris le risque de se retrouver en concurrence frontale –et
déloyale- avec des opérateurs privés dont le nombre a considérablement augmenté en 30 années de
tertiarisation de l’économie.
#3 : depuis vingt ans : l’impasse
L’orientation vers le conseil individuel aveugle les CCI au moment de la mise en œuvre de la
décentralisation, dans les années 80, qui donne légitimité, pouvoir et moyens aux collectivités
locales d’investir le champ économique. Même si ces dernières le font moins en réinventant la
relation de l’entreprise au territoire qu’en déconcentrant des processus de gestion d’aides étatiques,
principalement en développant des guichets, sans réel impact national sur l’évolution des politiques
publiques pour les entreprises, pour les CCI, la concurrence s’installe.
Obsédées par leur souci de légitimité et de représentativité face à des syndicats professionnels qui
se sont aussi « musclés » sur le terrain depuis les années 60, les CCI ne font aucune proposition
constructive vis-à-vis des collectivités locales ; elles deviennent plutôt la « force de vente » des
aides publiques territoriales, en percevant au passage des rémunérations leur permettant de salarier
les collaborateurs en charge. En voulant préserver le « privilège » du contact avec l'entreprise, elles
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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ont ainsi dénaturé le sens de leur mission originelle.
Ces évolutions se sont traduites par une extraordinaire hétérogénéité des métiers, des actions et in
fine de la fiscalité des CCI. Sur ce dernier point, signalons d’une part que les CCI prélevaient au
global jusQU4EN 2009 environ 1,2 milliards d’euros par an sous forme d’une taxe additionnelle à
la taxe professionnelle (TATP) qui pour l’entreprise représente en moyenne 2% de sa taxe
professionnelle et d’autre part que le taux de pression fiscale s’échelonne, selon les CCI de 0,5 à
3% avec une moyenne de 1,2 en 2007, ce qui fait de cette TATP un impôt assez marginal ; surtout
quand on compare le taux moyen au 6 à 7% que prend l’Etat pour gérer cet impôt.
Cette diversité a évidemment des conséquences sur les moyens et la qualité des actions
qu’engagent les CCI sur leurs territoires. Notons que depuis les années 2000, elles développent de
plus en plus de projets transversaux et thématiques impliquant des réseaux d'entreprises ; beaucoup
sont à l'origine de pôles de compétences, pôles d'excellence, pôles de compétitivité, ou de projet
ayant de vrais impacts sur leur environnement et reconnus localement.
Dans la même période, l’Etat, dans une seconde vague de la décentralisation, tente de structurer le
réseau. Il impose la diminution du nombre de CCI, il privilégie le niveau régional comme un
niveau d’arbitrage ou de mise en œuvre de certaines politiques publiques –comme l’appui à
l’international-, il confie au privé ou aux collectivités la gestion des équipements (aéroports en
particulier) et il transfère aux CCI des fonctions administratives (contrôle des contrats
d’apprentissage ou gestion de l’aide au chômeur créateur d’entreprise –ACCRE- par exemple), ce
qui allège ses propres structures départementales mais accentue la position d’administration
économique des CCI. Cette orientation para-étatique de la CCI est vécue alors comme une
contrainte par les entrepreneurs élus des CCI.
Mais, sans lisibilité sur leur utilité, sans coordination nationale par métiers, sans organisation
structurée et efficace, sans vision d’avenir partagée, sans doctrine sur les politiques publiques, sans
hiérarchisation de leurs mission, les CCI évoluent aujourd’hui sur leur territoire au gré des enjeux
de ceux-ci, de la présence de leaders entrepreneurs ayant envie de s’engager pour leur
environnement économique, du positionnement des collectivités locales et de leurs agences de
développement.
Pour la quasi-totalité d’entre elles, au moment où le gouvernement engage une révision générale
des politiques publiques, elles sont sur la défensive…
#4 : retrouver les fondamentaux : Le Parlement des entreprises, activateur de croissance
Néanmoins, depuis quelques années, certains dirigeants de CCI (Présidents, DG) prennent
conscience que la stratification des missions des CCI et l’absence de mesure réelle de leur impact
provoquent une illisibilité complète de leur valeur ajoutée, une remise en cause de leur utilité et
finalement un réel risque pour leur efficacité.
Pour refonder l’action de leur CCI, ils décident de repartir des fondamentaux (les missions
originelles de 1898) et de les confronter aux défis de la modernisation.
Ils remettent au cœur la mission politique de représentation en structurant une action de lobbying
sur l'économie dans les territoires dans un fort esprit d’indépendance vis-à-vis des autres acteurs
publics. Les CCI redeviennent alors le « Parlement » des entreprises, n'ayant de compte à
rendre qu'aux entreprises et à l'Etat. Elles portent la voix des entreprises, expriment leurs attentes,
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
11
leurs idées, leurs propositions sur le devenir économique de leur territoire ou sur l’action des
collectivités publiques : Cette liberté d’intervenir sur la scène de l'intérêt général de leur territoire
les amène souvent à dénouer les liens de dépendance –notamment financière- qui les liaient aux
collectivités locales. Plus largement, elles expriment un discours pédagogique sur les réalités du
monde économique, loin des partis pris idéologiques.
Proches du terrain au quotidien, elles mobilisent les connaissances en réseau pour anticiper les
mutations qui s’y déroulent, comme une vigie économique territoriale. Elles conduisent des
études sur les enjeux structurants de leur territoire, avec une sensibilité entrepreneuriale et l'objectif
de faire émerger des solutions opérantes.
Maîtrisant des savoir-faire collaboratifs, d'ingénierie de projet et financière, porteurs de la
confiance des acteurs économiques, elles s'affirment comme porteurs de projets collaboratifs de
croissance, par exemple dans l'accompagnement des filières en mutation sur les territoires,
l’implication dans les mécanismes financiers de l’innovation, la gestion du déficit de compétences
dans les principaux métiers, ou la mise en œuvre d’équipement lourds d’intérêts collectifs pour les
entreprises.
Forts de cette compréhension fine des réalités économiques, les dirigeants de ces CCI positionnent
également la mission d'accompagnement comme une action de mise en synergie des entrepreneurs,
dans un objectif de favoriser les partages de savoir, de savoir faire et de bonnes pratiques : la CCI
devient alors la plate-forme d’échanges réactive de la communauté économique de son
territoire, favorisant les liens sans obligatoirement les structurer ou les piloter, garantissant
aux acteurs une indépendance, une neutralité, une confiance globale. A la fois « eBay » (vente
en ligne) et « Viadeo », (réseau social professionnel), elle agit sur un territoire réel, celui de ses
entreprises ; en visant clairement un objectif de développement de croissance, elle se concentre sur
l’essence même du business : la relation, la transaction !
Ce faisant, les CCI prennent un virage majeur, celui de la société de la connaissance basée sur
l’innovation permanente et l’économie de l’immatériel : activer le partage de connaissance et
développer le management de l’information, c’est développer les actifs immatériels de l’entreprise,
provoquer des ruptures de désordre créatif, décloisonner les modes de pensée et d’action,
privilégier la réussite collective. En bref, c’est apporter à l’entreprise les clés de sa compétitivité !
#5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires
Cette évolution impose aux CCI qui s’y engagent à la fois des mutations sur leur posture, leur
organisation et leur modèle économique, en rupture forte avec le passé mais aussi une remise en
cause difficile et volontaire qui ne repose que sur la motivation de ses dirigeants.
Un des éléments clés de cette rupture, c’est l’abandon de la logique de l’expert et du sachant au
profit de celle, d'une part de l'initiateur et du gestionnaire de projets complexes et d'autre part
de l’activateur de partage de connaissances, de bonnes pratiques et de savoir faire au service
de ses clients ; ceci impose une posture radicalement différente, celle de la CCI comme plate-
forme de projet au service des entreprises, en lien avec les acteurs publics et organisations
professionnelles et plate-forme au service des entreprises considérées comme ensemble de
personnes maîtrisant des savoir-faire et des connaissances.
Mais pour fonctionner ainsi, la CCI doit convaincre les entrepreneurs eux-mêmes de s’engager
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
12
dans l’écosystème qu’elle met ainsi à leur disposition. Cela nécessite pour elle de retrouver une
audience forte de la part de son tissu économique ce qui nécessite qu’elle suscite de l’intérêt et
dégage une crédibilité. Ce n’est que par son action de voix des entreprises, d’expression libre de
leurs attentes et d’un discours de vérité sur la réalité de l’économie qu’elle peut gagner cette
crédibilité.
Muter l’organisation en ce sens se heurte alors aux rigidités du modèle social public et nécessite
conviction et implication. Le modèle économique est aussi impacté : la prestation de service se
réduit fortement ou disparaît au profit d’un modèle de gratuité; le partenariat, le sponsoring et la
subvention ponctuelle pour des actions innovantes deviennent des leviers importants. Se pose
ensuite la question de la ressource fiscale, les CCI percevant leur taxe additionnelle à la taxe
professionnelle (TATP) pour une mission qui n’est pas clarifiée : est-ce pour l’ensemble des
prestations administratives ? Est-ce pour financer l'activité de "Parlement des entreprises" et les
actions professionnelles de lobbying qui en découlent? Est-ce pour garantir la neutralité et l’intérêt
général de l’écosystème d’échanges et de partage ? Est-ce pour investir dans des projets
structurants sur les territoires ? Sans doute un peu des quatre, mais le niveau des prélèvements
obligatoires pesant sur l’entreprise nécessite que les CCI clarifient une fois pour toute la question.
Le sujet de la fiscalité, la pression de l’Etat orientant les Chambres vers plus d’administration pour
les entreprises et la révision générale des politiques publiques en cours de définition nécessitent de
s’attaquer à une rupture majeure qui dépasse largement la problématique des CCI, les renvoyant
plutôt à un symptôme d’un mal chronique : celui de la pensée stratégique française appliquée au
développement des entreprises et des territoires. Autrement dit : quelles politiques publiques pour
nos entreprises ancrées dans leur environnement ? Ainsi, l'’ineptie, mainte fois soulignée mais
jamais suivie d’effet, des 65 milliards d’euros annuels d’aides publiques aux entreprises en est une
manifestation éclatante. On peut néanmoins considérer que l’impact de la crise financière de
2008/2009 a engagé une profonde mutation du rôle de l’acteur public en ce domaine, en
privilégiant l’accès aux financements des entreprises pour leur développement.
Au regard de ces 65 milliards, le coût public du système des CCI - 1,2 milliard de taxe
additionnelle à la taxe professionnelle – est finalement peu élevé si l’on s’en sert pour affronter une
refondation qui paraît tous les jours plus urgente : celle de la relation entreprise / territoire /
pouvoirs publics… Les CCI y sont évidemment au cœur mais elles n’arrivent pas à démontrer cette
position privilégiée, à l'articulation de la sphère publique et de la sphère privée, maillant de plus
finement la diversité des bassins d’emploi de notre pays, dans sa diversité démographique –mais
aussi géographique et historique. En remédiant à la confusion de leur positionnement, en
réaffirmant leurs valeurs et leurs fondamentaux, tout en s'inscrivant dans la modernité des réseaux,
elles sont à même d'apporter de la richesse aux entreprises et à l'évolution de l'économie de leur
territoire, en s'affirmant enfin dans l'espace de la décentralisation.
CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009
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2009 12 doc la refondation des cci

  • 1. LA REFONDATION DES CCI AU SERVICE DE LA CROISSANCE Bruno Jacquemin Déc. 2009
  • 2. CCI du Loiret - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 2
  • 3. La refondation des CCI au service de la croissance En guise de préambule Le processus de réforme, engagé par le Réseau des CCI en 2008 et annoncé par le gouvernement en Conseil des Ministres en juillet 2009, semble s’enliser. Sans doute par ce qu’il n’aborde que des aspects organisationnels et budgétaires, sans donner de sens, de perspectives à l’action des CCI. Or le sujet est clairement existentiel pour ce Réseau et le dépasse en même temps car il impacte la manière dont les acteurs publics veulent intervenir sur le champ économique territorial. Ce dossier (présenté dans une version mise à jour par rapport à sa première édition d’octobre 2008) se veut une proposition de réponse à cette dernière question, insuffisamment examinée ou débattue dans les instances publiques, et même au sein du Réseau consulaire lui-même. Sommaire A : Résumé du dossier : La rénovation des CCI pour remettre l’entreprise et le territoire au cœur de la modernisation du pays, pour une nouvelle croissance B : Proposition pour bouger les lignes : engager la rupture et faire des choix ! C : Dossier : histoire, impasse… et opportunités #1 : une originalité fondatrice… et ambiguë #2 : rappel historique : une évolution des missions #3 : depuis 20 ans : l’impasse #4 : retrouver les fondamentaux : de l’indépendance, du lien, de la confiance, de la vitesse #5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 3
  • 4. A : Résumé du dossier : La rénovation des CCI pour remettre l’entreprise et le territoire au cœur de la modernisation du pays, pour une nouvelle croissance 1. Après vingt ans d'impasse, retrouver les fondamentaux : les CCI parlent des entreprises et de leur croissance Au-delà des services rendus et de leurs valeurs ajoutées, ce qui fonde la légitimité et la crédibilité des CCI aux yeux des entreprises, c'est la capacité qu'elles ont à représenter leurs intérêts auprès de l’ensemble des pouvoirs publics, avec clarté et efficacité, en expliquant l’économie dans l’ensemble de ses dimensions, notamment territoriales. La CCI est d’abord le « Parlement » des entreprises. Ce rôle est complémentaire de celui de vigie économique des territoires sur lesquelles elles œuvrent, permettant à l'ensemble des acteurs publics et privés d'anticiper les mutations. Maîtrisant des savoir-faire collaboratifs, d'ingénierie de projet et financière, porteurs de la confiance des acteurs économiques, elles peuvent s'affirmer comme porteurs de projets collaboratifs de croissance, par exemple dans l'accompagnement des filières en mutation sur les territoires, l’implication dans les mécanismes financiers de l’innovation, la gestion du déficit de compétences dans les principaux métiers, ou la mise en œuvre d’équipement lourds d’intérêts collectifs pour les entreprises. Quant à la mission d’accompagnement et au-delà de segments bien identifiés comme l’entrepreneuriat et l’international, les CCI sont les acteurs de la mise en synergie des entrepreneurs, en s'appuyant notamment sur le net, dans un objectif de favoriser les partages de savoir, de savoir faire et de bonnes pratiques : la CCI devient alors la plate-forme d’échanges réactive de la communauté économique de son territoire, favorisant les liens sans obligatoirement les structurer ou les piloter. 2. La rénovation des CCI pour remettre l'entreprise et le territoire au cœur de la modernisation du pays, pour une nouvelle croissance L'état de confusion des CCI est révélateur d’un ensemble de problématiques qui les dépassent largement… Voilà pourquoi il ne faut pas les défendre pour elles-mêmes mais pour les principes et les espoirs qu’elles peuvent porter en termes de réforme de l’appareil public au service d’une nouvelle dynamique territoriale et de modernisation d’un système global générateur d’une croissance économique réinventée : • Parce qu’elles sont à l’interface du territoire, de l’entreprise et des pouvoirs publics. • Parce qu’elles sont dotées intrinsèquement d’une plasticité qui devrait favoriser leur adaptation aux mutations. • Parce qu’elles sont à la fois établissement public et voix de l’économie des territoires • Parce qu’elles portent une réalité de la proximité et de la mobilité territoriales de l’activité économique, problématiques dont personne n’appréhende suffisamment les impacts aujourd’hui. • Parce qu’elles expriment la diversité des territoires économiques qui forment notre pays. CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 4
  • 5. Voilà pourquoi les CCI doivent affirmer un projet qui n'est pas que budgétaire et organisationnel. CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 5
  • 6. B : Proposition pour bouger les lignes : engager la rupture et faire des choix ! Aujourd’hui, les CCI sont à l’heure de restrictions budgétaires drastiques souhaitées par le pouvoir politique sur le fonctionnement de l’appareil public : comment ne pas s’en réjouir ? Le réseau consulaire n’ayant pas su exprimer une vision stratégique permettant de placer le débat à un autre niveau que celui des coûts est donc confronté à la nécessité d’engager des économies importantes de fonctionnement dans des délais très rapides. Et c’est finalement une formidable chance que lui donne l’Etat de mettre en œuvre une vraie rupture qui s’impose (cf. : Dossier). Encore faut-il que le réseau consulaire appréhende la mise en œuvre de ces économies avec un minimum de vision stratégique et fasse des choix. Osons donc quelques propositions rapides qu’il serait ensuite utile de chiffrer, tant par les économies qu’elles pourraient générer que par les effets de levier qu’elles pourraient provoquer : Sur le champ de l’accompagnement de la croissance de notre tissu économique, qui constitue le vrai sujet d’intérêt national, pourrait être décidé : 1. Création du FCPR CCI Croissance Innovation, outil commun d’investissement des CCI dans les PME en croissance, doté de 100 M€ (voire plus) provenant des trésoreries des CCI en contrepartie d’une neutralité fiscale dans leur gestion, et géré régionalement avec la Caisse des Dépôts et OSEO. Le dossier est prêt, travaillé avec CDCEntreprises en 2009. Sur le champ des métiers exercés par toutes les CCI, il semble que s’impose la mise en place d’une norme de fonctionnement mise en œuvre par des équipes dédiées et organisées au sein d’entité à périmètre national ou multi-régional, à l’instar de ce que réalisent, depuis plusieurs années, les réseaux bancaires mutualistes : 2. Création de CCI International, au-delà d’une marque (présentée fin 2008) et d’un catalogue des bonnes pratiques (présenté en déc.-09) du réseau des CCI sur le métier d’accompagnement à l’international, c’est un socle commun d’offres clients (du SVP à l’accompagnement), une équipe dédiée, une localisation dans les CCI locales, une gouvernance avec un Conseil d’Administration composé de représentants des CCI locales. Gageons que cela permettrait d’alléger les coûts de gestion, d’uniformiser l’offre en la rendant lisible, d’engager avec UBI France un partenariat négocié d’égal à égal. 3. Création de Chambres Création Reprise, filiale commune de l’ensemble du réseau des CCI et des Chambres de Métiers et d’Artisanat, sur le métier d’accompagnement des créateurs et repreneurs d’entreprise, filiale conçue sur le même principe que précédemment et qui revient à filialiser Entreprendre en France. L’opportunité de mutualiser 4. Création de Chambres Formalités, filiale commune de l’ensemble du réseau des CCI et des Chambres de Métiers et d’Artisanat, pour gérer l’ensemble des formalités administratives, avec les mêmes logiciels, les mêmes normes, un partenariat renouvelé avec les Greffiers et les administrations publiques. C’est la véritable réponse à la directive européenne concernant le Guichet Unique, au sens où l’entend l’Union Européenne, de gestion de la relation à l’administration pour les entreprises pour minimiser les contraintes. Même principe de conception et de gouvernance que les exemples précités. CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 6
  • 7. Sur le champ des grandes fonctions ressources, que le réseau a tant besoin de professionnaliser: 5. Création d’une unité transversale au réseau mobilité CCI destinée à gérer la formation, la mobilité et le développement ou la reconversion en compétences des 25 000 collaborateurs du réseau des CCI. 6. Création d’un centre d’appel CCI Service en ligne, filiale commune de l’ensemble du réseau des CCI pour gérer l’ensemble des demandes de renseignements administratifs ou économiques que les CCI traitent pour l’instant en local, même si des centres d’appels se mettent en place dans certaines CCI (Morbihan, Lyon, Nice, Paris). Une filiale centralisée en un ou plusieurs points (5 maximum) au niveau national. La formidable ressource que représente la CCIP en matière de gestion de l’information devrait pouvoir être mutualisée à l’ensemble du réseau. 6. Création de CCI-Ecobiz, filiale commune de l’ensemble du réseau des CCI pour gérer les plateformes collaboratives indispensables aujourd’hui à la mise en œuvre de communautés professionnelles sur les territoires et à la performance de la « mission » de mise en réseau des entrepreneurs. Même principe de conception et de gouvernance que l’exemple cité en 2. Sur le champ des compétences spécifiques, source de création de valeur ou d’innovation territoriale : 7. Création de CCI Equipement Ingénierie, regroupant l’ensemble des compétences que certaines CCI ont développées et enrichies depuis plusieurs décennies en matière de création et gestion d’infrastructures et d’équipement, aujourd’hui engagées dans des partenariats publics privés. Le réseau des CCI pourrait, par ce biais, largement concourir au développement des partenariats publics privés (PPP) en France et poursuivre l’action opérationnelle du réseau dans la gestion d’infrastructures. Sur le champ de l’enseignement formation, sur lequel les CCI ont tant de mal à faire valoir à leurs partenaires publics leurs spécificités et leurs résultats : 8. Mutualisation à l’échelle régionale des équipements de formation continue et d’apprentissage, dans le cadre d’une négociation avec les Conseils régionaux réaffirmant nos prérogatives sur l’affectation directe de taxe d’apprentissage. 9. Développement des labels d’enseignement supérieur et mise en œuvre d’un statut juridique innovant de SA à vocation éducative pour gérer les écoles avec un engagement spécifique des CCI à l’échelle régionale ou multi-régionale. Dégager des économies importantes dans le coût de fonctionnement du réseau est finalement plutôt aisé, si l’on raisonne efficacité clients pour les différents métiers des CCI. Les chefs d’entreprises qui gouvernent les CCI ont vu –et pour certains expérimenté- suffisamment de fusions territoriales, notamment dans les groupes privés ou mutualistes, pour ne pas en tirer quelques leçons ! Ces propositions –que l’on peut facilement compléter, car l’idée n’est pas ici d’en faire l’inventaire- relèvent toute d’un principe simple : la professionnalisation aboutie des métiers que réalisent aujourd’hui les CCI sur les territoires. Elles privilégient la filialisation nationale des CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 7
  • 8. métiers d’accompagnement direct des entreprises qui nécessitent des processus rigoureux, normalisés. Elles privilégient aussi la filialisation nationale des ressources dont le réseau à besoin pour fonctionner efficacement (référentiels, outils informatiques, logiciels, centres d’appels, …). A l’instar de l’initiative de la CCIP et de la CCI Nice Côte d’Azur GIE CCI Finances, ce sont de véritables mutualisations opérationnelles qui sont encore largement possibles. Si elles sont engagées, et rien ne s’oppose à ce que cela soit fait dès maintenant en fixant un calendrier et des objectifs de résultats à 3 ans, alors oui, les CCI peuvent réaliser au moins 5% par an d’économie de fonctionnement à périmètre constant, soit près de 180 M€ / an au bout de 3 ans. Et ceci, sans compter les économies qu’une redéfinition précise des périmètres d’action permettraient de réaliser. 3 facteurs clés de succès semblent également aujourd’hui impératifs pour garantir le succès de leur potentielle mise en œuvre : • Garantir la gouvernance par des conseils d’administration composés de personnes de terrain • Gérer l’impact social –majeur- pour une grande partie des personnels, surtout administratifs, des CCI et CRCI et en négocier l’impact financier avec l’Etat. • Régler la question du financement de ces filiales nationales qui ne peut passer, à notre sens, que par un minimum d’harmonisation fiscale et un prorata de TATP fléché à la source en fonction du nombre de ressortissants. Parallèlement, les Chambres doivent garder leur ancrage et leur légitimité politique locale sur des fonctions resserrées et lisibles, pour jour de rôle de "Parlement des entreprises" qui fonde leur légitimité et leur capacité de conduire des projets de croissance (collaboratifs ou d’investissement) au plus près du terrain. Elles doivent disposer, à cette fin, de l'autonomie politique et budgétaire indispensables. S'il délègue des compétences métiers à des structures mutualisées, le réseau doit donc rester fondamentalement décentralisé. Et cela n’est pas contradictoire, loin s’en faut avec l’efficacité. CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 8
  • 9. C : Dossier : histoire, impasse… et opportunités #1 : une originalité fondatrice… et ambiguë Depuis 1898, les CCI sont considérées comme des établissements publics administratifs de l’Etat, dont l’exécutif est confié à des entrepreneurs, élus par leurs pairs. Leurs missions sont à l'époque ainsi définies : Représenter les intérêts du commerce et de l’industrie ; concourir au développement des entreprises et des territoires de leur circonscription. Leur essence publique les a amené à être aujourd'hui sous la tutelle du préfet de région (et de facto du trésorier payeur général), à respecter le code des marchés publics, à traiter leurs contentieux au tribunal administratif et à gérer leurs collaborateurs dans le cadre d’un statut proche de celui de la fonction publique territoriale. Par ailleurs, leur gouvernance privée les oriente vers des champs d’action librement décidés par des chefs d’entreprise qui ont toute latitude pour orienter actions et budget de l’établissement. Leur véritable frein est l’inertie inhérente à la nature publique d’un système qui fonctionne hors de la sanction des marchés ; mais ceci peut aussi être un atout pour engager des actions sur la durée. Les CCI ne pratiquant quasiment jamais la formation de leurs élus, ceux-ci, motivés par l’envie d’une utilité pour l’économie, ont à découvrir par eux mêmes ce qu’est une Chambre consulaire, quelque part entre le syndicat professionnel, le club services, l’association et la collectivité publique... Pressentis par les branches ou organisations professionnelles, élus maintenant pour 5 ans, par collèges sensés assurer une représentation équitable des différentes activités économiques du territoire, ils peinent à sortir d’un rôle de défense d’intérêts catégoriels parfois très opposés (commerçants et industriels par exemple) pour endosser la vision globale de l’économie de leur territoire. Et quand ils l’ont acquise, l’ambiguïté demeure dans l’absence de définition précise du champ « d’intérêt général » ou « d’intérêt collectif » des actions des CCI. #2 : rappel historique : une évolution des missions La question ne se pose pas à l’origine, quand en 1599, les marchands de Marseille créent la première Chambre de Commerce. Ils sont alors confrontés à des enjeux majeurs liés d’une part à une redistribution des rôles dans le commerce méditerranéen et d’autre part à des exigences nouvelles de leurs fournisseurs dans l’arrière-pays provençal : une globalisation en quelque sorte et une mutation des conditions des échanges… Il est tentant de tracer un parallèle avec ce que vit l’économie d’aujourd’hui avec la mondialisation et Internet. La prise de conscience des marchands se concrétise à l’époque par la mise en place de services communs (une bourse) et d’une représentation commune à des fins de lobbying… déjà les 2 piliers des missions consulaires. Ce qui caractérise l’histoire des Chambres de Commerce dans les 2 siècles qui suivent, c’est leur « récupération » par un Etat déjà dirigiste et interventionniste. Sous Louis XIV et Colbert d’une part avec la création de Chambres de Commerce sur les principaux ports du littoral, clés de l’économie du pays. Sous le Consulat et l’Empire ensuite, avec notamment la création de la Chambre de Commerce de Paris (la future CCIP) en 1803, dans un objectif de relation avec le monde influent des affaires. C’est la même préoccupation qui procédera sous la IIIe République à la finalisation du paysage consulaire – très représentatif de l’activité économique résultant de la CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 9
  • 10. révolution industrielle de la fin du XIXe siècle -, paysage quasi figé jusqu’à ces dernières années qui auront vu la mise en œuvre d’un processus de fusion à l’échelle départementale faisant disparaître 35 CCI en moins de 10 ans. Les missions des CCI sont au XVIIe, XVIIIe, XIXe et à la première moitié du XXe siècle largement dominées par un enjeu de représentation et d’expression du pouvoir économique dans le pays, au-delà des corporatismes historiques des métiers issus de l’ancien régime. Les choses évoluent fortement après 1945. Les services des CCI s’étoffent considérablement et de manière quasi continue jusqu’au milieu des années 90, principalement parce que les CCI additionnent les missions : Sous les 30 Glorieuses, les CCI sont d’abord aménageurs d’un pays en pleine expansion économique qui a besoin de zones industrielles, de parcs d’activités, de palais des congrès, de parc expositions, d’entrepôts, de ports, d’aéroports, … Créateurs des équipements, elles en deviennent gestionnaires dans un état de quasi monopole. L’initiative part du besoin des entreprises, les entrepreneurs gèrent des outils utiles pour la communauté économique. C'est l'âge d'or... A la fin des années 60, elles s’engagent dans la formation, continue avec le développement de centres d’apprentissage et initiale avec la création du réseau des Sup de Co, mais aussi d’écoles d’ingénieurs, d’écoles spécialisées. Très vite elles sont amenées à s'associer à d'autres partenaires, voire à filialiser ces activités pour leur permettre de se développer. Au milieu des années 70, en pleine crise énergétique mais aussi crise des grands conglomérats publics ayant de forts impacts sur la sous-traitance locale, les CCI répondent à des besoins de conseil et d’assistance exprimés sur le terrain, pallient l’insuffisance de l’offre privée et deviennent des quasi « consultants » publics. Elles embauchent largement à cette époque des Assistants Techniques au Commerce, à l’Industrie, à l’Export, au Tourisme… Cette orientation marque fortement l’histoire récente des CCI car elle focalise la relation de la Chambre avec un nombre restreint d’entreprises, et les positionne comme expert, les faisant perdre ainsi de vue la nécessité d’exprimer une vision économique, un projet pour le territoire. Par ailleurs, en restant durablement sur le champ du conseil, les CCI ont pris le risque de se retrouver en concurrence frontale –et déloyale- avec des opérateurs privés dont le nombre a considérablement augmenté en 30 années de tertiarisation de l’économie. #3 : depuis vingt ans : l’impasse L’orientation vers le conseil individuel aveugle les CCI au moment de la mise en œuvre de la décentralisation, dans les années 80, qui donne légitimité, pouvoir et moyens aux collectivités locales d’investir le champ économique. Même si ces dernières le font moins en réinventant la relation de l’entreprise au territoire qu’en déconcentrant des processus de gestion d’aides étatiques, principalement en développant des guichets, sans réel impact national sur l’évolution des politiques publiques pour les entreprises, pour les CCI, la concurrence s’installe. Obsédées par leur souci de légitimité et de représentativité face à des syndicats professionnels qui se sont aussi « musclés » sur le terrain depuis les années 60, les CCI ne font aucune proposition constructive vis-à-vis des collectivités locales ; elles deviennent plutôt la « force de vente » des aides publiques territoriales, en percevant au passage des rémunérations leur permettant de salarier les collaborateurs en charge. En voulant préserver le « privilège » du contact avec l'entreprise, elles CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 10
  • 11. ont ainsi dénaturé le sens de leur mission originelle. Ces évolutions se sont traduites par une extraordinaire hétérogénéité des métiers, des actions et in fine de la fiscalité des CCI. Sur ce dernier point, signalons d’une part que les CCI prélevaient au global jusQU4EN 2009 environ 1,2 milliards d’euros par an sous forme d’une taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) qui pour l’entreprise représente en moyenne 2% de sa taxe professionnelle et d’autre part que le taux de pression fiscale s’échelonne, selon les CCI de 0,5 à 3% avec une moyenne de 1,2 en 2007, ce qui fait de cette TATP un impôt assez marginal ; surtout quand on compare le taux moyen au 6 à 7% que prend l’Etat pour gérer cet impôt. Cette diversité a évidemment des conséquences sur les moyens et la qualité des actions qu’engagent les CCI sur leurs territoires. Notons que depuis les années 2000, elles développent de plus en plus de projets transversaux et thématiques impliquant des réseaux d'entreprises ; beaucoup sont à l'origine de pôles de compétences, pôles d'excellence, pôles de compétitivité, ou de projet ayant de vrais impacts sur leur environnement et reconnus localement. Dans la même période, l’Etat, dans une seconde vague de la décentralisation, tente de structurer le réseau. Il impose la diminution du nombre de CCI, il privilégie le niveau régional comme un niveau d’arbitrage ou de mise en œuvre de certaines politiques publiques –comme l’appui à l’international-, il confie au privé ou aux collectivités la gestion des équipements (aéroports en particulier) et il transfère aux CCI des fonctions administratives (contrôle des contrats d’apprentissage ou gestion de l’aide au chômeur créateur d’entreprise –ACCRE- par exemple), ce qui allège ses propres structures départementales mais accentue la position d’administration économique des CCI. Cette orientation para-étatique de la CCI est vécue alors comme une contrainte par les entrepreneurs élus des CCI. Mais, sans lisibilité sur leur utilité, sans coordination nationale par métiers, sans organisation structurée et efficace, sans vision d’avenir partagée, sans doctrine sur les politiques publiques, sans hiérarchisation de leurs mission, les CCI évoluent aujourd’hui sur leur territoire au gré des enjeux de ceux-ci, de la présence de leaders entrepreneurs ayant envie de s’engager pour leur environnement économique, du positionnement des collectivités locales et de leurs agences de développement. Pour la quasi-totalité d’entre elles, au moment où le gouvernement engage une révision générale des politiques publiques, elles sont sur la défensive… #4 : retrouver les fondamentaux : Le Parlement des entreprises, activateur de croissance Néanmoins, depuis quelques années, certains dirigeants de CCI (Présidents, DG) prennent conscience que la stratification des missions des CCI et l’absence de mesure réelle de leur impact provoquent une illisibilité complète de leur valeur ajoutée, une remise en cause de leur utilité et finalement un réel risque pour leur efficacité. Pour refonder l’action de leur CCI, ils décident de repartir des fondamentaux (les missions originelles de 1898) et de les confronter aux défis de la modernisation. Ils remettent au cœur la mission politique de représentation en structurant une action de lobbying sur l'économie dans les territoires dans un fort esprit d’indépendance vis-à-vis des autres acteurs publics. Les CCI redeviennent alors le « Parlement » des entreprises, n'ayant de compte à rendre qu'aux entreprises et à l'Etat. Elles portent la voix des entreprises, expriment leurs attentes, CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 11
  • 12. leurs idées, leurs propositions sur le devenir économique de leur territoire ou sur l’action des collectivités publiques : Cette liberté d’intervenir sur la scène de l'intérêt général de leur territoire les amène souvent à dénouer les liens de dépendance –notamment financière- qui les liaient aux collectivités locales. Plus largement, elles expriment un discours pédagogique sur les réalités du monde économique, loin des partis pris idéologiques. Proches du terrain au quotidien, elles mobilisent les connaissances en réseau pour anticiper les mutations qui s’y déroulent, comme une vigie économique territoriale. Elles conduisent des études sur les enjeux structurants de leur territoire, avec une sensibilité entrepreneuriale et l'objectif de faire émerger des solutions opérantes. Maîtrisant des savoir-faire collaboratifs, d'ingénierie de projet et financière, porteurs de la confiance des acteurs économiques, elles s'affirment comme porteurs de projets collaboratifs de croissance, par exemple dans l'accompagnement des filières en mutation sur les territoires, l’implication dans les mécanismes financiers de l’innovation, la gestion du déficit de compétences dans les principaux métiers, ou la mise en œuvre d’équipement lourds d’intérêts collectifs pour les entreprises. Forts de cette compréhension fine des réalités économiques, les dirigeants de ces CCI positionnent également la mission d'accompagnement comme une action de mise en synergie des entrepreneurs, dans un objectif de favoriser les partages de savoir, de savoir faire et de bonnes pratiques : la CCI devient alors la plate-forme d’échanges réactive de la communauté économique de son territoire, favorisant les liens sans obligatoirement les structurer ou les piloter, garantissant aux acteurs une indépendance, une neutralité, une confiance globale. A la fois « eBay » (vente en ligne) et « Viadeo », (réseau social professionnel), elle agit sur un territoire réel, celui de ses entreprises ; en visant clairement un objectif de développement de croissance, elle se concentre sur l’essence même du business : la relation, la transaction ! Ce faisant, les CCI prennent un virage majeur, celui de la société de la connaissance basée sur l’innovation permanente et l’économie de l’immatériel : activer le partage de connaissance et développer le management de l’information, c’est développer les actifs immatériels de l’entreprise, provoquer des ruptures de désordre créatif, décloisonner les modes de pensée et d’action, privilégier la réussite collective. En bref, c’est apporter à l’entreprise les clés de sa compétitivité ! #5 : une rupture douloureuse mais porteuse d’une nouvelle opportunité pour les territoires Cette évolution impose aux CCI qui s’y engagent à la fois des mutations sur leur posture, leur organisation et leur modèle économique, en rupture forte avec le passé mais aussi une remise en cause difficile et volontaire qui ne repose que sur la motivation de ses dirigeants. Un des éléments clés de cette rupture, c’est l’abandon de la logique de l’expert et du sachant au profit de celle, d'une part de l'initiateur et du gestionnaire de projets complexes et d'autre part de l’activateur de partage de connaissances, de bonnes pratiques et de savoir faire au service de ses clients ; ceci impose une posture radicalement différente, celle de la CCI comme plate- forme de projet au service des entreprises, en lien avec les acteurs publics et organisations professionnelles et plate-forme au service des entreprises considérées comme ensemble de personnes maîtrisant des savoir-faire et des connaissances. Mais pour fonctionner ainsi, la CCI doit convaincre les entrepreneurs eux-mêmes de s’engager CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 12
  • 13. dans l’écosystème qu’elle met ainsi à leur disposition. Cela nécessite pour elle de retrouver une audience forte de la part de son tissu économique ce qui nécessite qu’elle suscite de l’intérêt et dégage une crédibilité. Ce n’est que par son action de voix des entreprises, d’expression libre de leurs attentes et d’un discours de vérité sur la réalité de l’économie qu’elle peut gagner cette crédibilité. Muter l’organisation en ce sens se heurte alors aux rigidités du modèle social public et nécessite conviction et implication. Le modèle économique est aussi impacté : la prestation de service se réduit fortement ou disparaît au profit d’un modèle de gratuité; le partenariat, le sponsoring et la subvention ponctuelle pour des actions innovantes deviennent des leviers importants. Se pose ensuite la question de la ressource fiscale, les CCI percevant leur taxe additionnelle à la taxe professionnelle (TATP) pour une mission qui n’est pas clarifiée : est-ce pour l’ensemble des prestations administratives ? Est-ce pour financer l'activité de "Parlement des entreprises" et les actions professionnelles de lobbying qui en découlent? Est-ce pour garantir la neutralité et l’intérêt général de l’écosystème d’échanges et de partage ? Est-ce pour investir dans des projets structurants sur les territoires ? Sans doute un peu des quatre, mais le niveau des prélèvements obligatoires pesant sur l’entreprise nécessite que les CCI clarifient une fois pour toute la question. Le sujet de la fiscalité, la pression de l’Etat orientant les Chambres vers plus d’administration pour les entreprises et la révision générale des politiques publiques en cours de définition nécessitent de s’attaquer à une rupture majeure qui dépasse largement la problématique des CCI, les renvoyant plutôt à un symptôme d’un mal chronique : celui de la pensée stratégique française appliquée au développement des entreprises et des territoires. Autrement dit : quelles politiques publiques pour nos entreprises ancrées dans leur environnement ? Ainsi, l'’ineptie, mainte fois soulignée mais jamais suivie d’effet, des 65 milliards d’euros annuels d’aides publiques aux entreprises en est une manifestation éclatante. On peut néanmoins considérer que l’impact de la crise financière de 2008/2009 a engagé une profonde mutation du rôle de l’acteur public en ce domaine, en privilégiant l’accès aux financements des entreprises pour leur développement. Au regard de ces 65 milliards, le coût public du système des CCI - 1,2 milliard de taxe additionnelle à la taxe professionnelle – est finalement peu élevé si l’on s’en sert pour affronter une refondation qui paraît tous les jours plus urgente : celle de la relation entreprise / territoire / pouvoirs publics… Les CCI y sont évidemment au cœur mais elles n’arrivent pas à démontrer cette position privilégiée, à l'articulation de la sphère publique et de la sphère privée, maillant de plus finement la diversité des bassins d’emploi de notre pays, dans sa diversité démographique –mais aussi géographique et historique. En remédiant à la confusion de leur positionnement, en réaffirmant leurs valeurs et leurs fondamentaux, tout en s'inscrivant dans la modernité des réseaux, elles sont à même d'apporter de la richesse aux entreprises et à l'évolution de l'économie de leur territoire, en s'affirmant enfin dans l'espace de la décentralisation. CCI du LoiretBJ - Pour une réforme ambitieuse et profonde des CCI - Déc. 2009 13