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INTRODUCTION :
Le cumul du mandat social et du contrat de travail fait opposer deux
branches de droit :le droit des sociétés et droit de travail dont les
objectifs sont distincts.ainsi le droit des sociétés vise à protéger les
biens sociaux contre tout abus par l’interdiction de tout contrat fictif.
Tandis que le droit de travail tend à protéger le salarié qui, une fois
investi d’un mandat social,risque d’être révoqué ad-nutum c’est à
dire à tout moment.
En effet les dirigeants des SA sont en principe révocables ad-nutum,
tandis que les salariés, en cas de licenciement non fondé sur une
faute grave de leur part, bénéficient de l’indemnités de préavis, de
l’indemnité d’ancienneté et de l’indemnité de licenciement abusif.
En cas de cumul, le dirigeant est révoqué, il continue de bénéficier de
son contrat de travail. Ce qui suppose que la société doit maintenir en
fonctions salariées,un dirigeant en qui les mandants ont perdu
confiance.
D’une manière générale, l’existence d’un contrat de travail conduit à
mettre en échec le principe de la révocation ad-nutum ; le dirigeant
salarié bénéficie des garanties liées à sa qualité de salarié.
En outre, le cumul du mandat social et du contrat de travail fait
apparaître une contradiction.En effet, le statut du dirigeant suppose
que celui-ci agit au nom de la société et qu’il est investi de larges
pouvoirs qu’il exerce en toute indépendance.Tandis que le statut du
salarié suppose que celui-ci est placé dans un état de subordination,
est dont la combinaison de ces deux statuts reste difficile à concevoir.
Cependant, malgré ces difficultés,le cumul représente un facteur de
progrès social qui permet au salarié d’accéder aux fonctions
d’administration et de direction d’une société.
Sous l’égide de la loi marocaine du 11 août 1922, le cumul n’était pas
interdit, mais la jurisprudence marocaine refusait d’admettre cette
possibilité de cumul.
Toutefois,le cumul est expressément prévu par la loi 17-95 relative
aux SA dans son article 43 ( pour les membres du conseil
d’administration) et l’article 80 pour les membres du directoire).
Cependant, malgré la réglementation du cumul par le droit des
sociétés,les tribunaux, pour apprécier sa validité,appliquent les
principes du droit du travail ;
C’est pourquoi nous traiterons dans une première partie le cadre
juridique du cumul quant à la deuxième, elle sera réservée à
l’application des principes du droit de travail au cumul.
PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE DU CUMUL :
Nous allons étudier en premier lieu, les conditions du cumul telles
qu’elles ont été prévues par la loi ( I ) avant de voir les conséquences
du cumul notamment sur le contrat de travail ( II ).
I- les conditions du cumul :
A- le cumul dans la S A classique :
le cumul d’un contrat de travail avec la fonction
d’administrateur est expressément reconnu par l’article 43 de la loi
17-95 mais celle-ci n’autorise le cumul des fonctions que sous
certaines conditions :
- Ainsi,l’existence du contrat de travail doit être
antérieure à la nomination au sein du conseil
d’administration.
Ce principe est clairement posé par la loi. L’article 43 de la loi
17-95 précise que l’intéressé ne perd pas le bénéfice de son contrat
de travail
De même, en droit français, cette condition d’antériorité a été
décelée par l’interprétation de l’article 107 de la loi de 1966 qui
interdit aux administrateurs des rémunérations autres que celles
prévues par les textes ; or ceux-ci ne visent pas les salariés.
Ce texte, même en étant explicite,suppose que la rémunération
au titre de contrat de travail existe déjà puisque le contrat de travail
doit précéder impérativement la nomination d’un administrateur.
Dans ces dispositions,il découle de la condition d’antériorité,
que le contrat de travail ne peut être conclu ni concomitamment ni
postérieurement de la nomination du mandataire social.Mais aussi, il
faut souligner qu’on retrouve la condition d’antériorité exclusivement
dans le cadre du cumul au niveau de la SA à conseil
d’administration.
- De même, la loi précise expressément que le contrat
de travail doit correspondre à un emploi effectif.
Cela veut dire que le contrat de travail de l’intéressé doit être
sérieux et réel. Le contrat de travail doit être sérieux c’est à dire
non artificiel.
Cette condition s’apprécie en tenant compte des avantages
conférés à l’intéressé.
On doit notamment considérer que le contrat de travail n’est pas
sérieux lorsqu’il stipule des indemnités de licenciement dont
l’importance serait de nature à dissuader la société de se
séparer de l’administrateur salarié.
Le contrat de travail doit être réel ; cela veut dire que les
fonctions salariées doivent être distinctes des attributions
sociales.
Toutefois,l’emploi effectif doit persister pendant toute la durée
d’exercice des fonctions sociales et cette condition constitue l’un
des critères systématiques examinés par la jurisprudence pour
admettre ou rejeter le maintien du contrat de travail.
- la proportion des salariés dans le conseil
d’administration
Cette condition est relative au pourcentage des membres du
conseil d’administration pouvant bénéficier d’un contrat de
travail. Ainsi le nombre d’administrateurs titulaires d’un contrat
de travail ne peut dépasser le tiers des membres en fonction.
C’est ce qui découle de la deuxième alinéa de l’article 43 précité.
Enfin,, il faut noter que tous les administrateurs sont visés par
le texte. Celui-ci ne fait aucune distinction entre le simple
administrateur et celui chargé des fonctions de direction,le
président du conseil d’administration ou éventuellement le
directeur général.
B- le cumul du mandat social et du contrat de travail dans
la SA de type dualiste :
1) les membres du directoire :
L’esprit original de cette forme de SA conduit en fait de faciliter le
cumul d’un mandat social et du contrat de travail pour les
membres du directoire sans que ceux-ci connaissent les problèmes
rencontrés par les administrateurs.
Ainsi le cumul d’un contrat de travail et de la qualité de membre du
directoire,a été expressément prévu par l’article 79 de la loi 17-95
dans son alinéa 3 que les directeurs généraux peuvent être des
salariés de la société. De même que l’article 80 alinéa 2 stipule que
« le contrat de travail du membre du directoire révoqué que se
trouve être en même temps salarié de la société, n’est pas résilié
du seul fait de la révocation »
On trouve une pareille disposition dans l’article 121 alinéa 2 de la
loi française ; et de ce fait la possibilité du cumul des membres du
directoire de leur fonction sociale et d’un contrat de travail, découle
implicitement de cet article qui se rapproche de l’article 80 précité.
Tandis que la loi marocaine a encore précisé nettement cette
possibilité de cumul dans l’article 79. cette possibilité n’étant assortie
d’aucune condition particulière,on considère que le cumul est
possible aussi bien lorsque le salarié est nommé au directoire,que
dans le cas ou le contrat de travail est conclu soit concomitamment à
la nomination soit au cours du mandat.
Il faut souligner que si le contrat de travail intervient au cours du
mandat, ce contrat doit recevoir l’autorisation préalable du conseil de
surveillance ( article 95 de la loi 17-95).
2) les membres du conseil de surveillance :
L’article 94 de la loi 17-95 édicte l’interdiction d’allouer aux
membres du conseil de surveillance une rémunération autre que
celles prévues aux articles 92 et 93 à savoir les jetons et les
rémunérations exceptionnelles pour les mandats et les missions.
Il ressort aussi de l’article 94 une interdiction aux membres du
conseil surveillance de cumuler un mandat social et un contrat
de travail. L’article 94 a repris les mêmes dispositions de
l’article 142 de la loi française du 24 juillet 1966, mais i faut
souligner que le législateur français a marqué une évolution
puisque le nouvel article 142 de la loi du 11 février 1994 ajoute
à l’énonciation des rémunérations que peuvent recevoir les
membres du conseil de surveillance celle résultant d’un contrat
de travail qui correspond à un emploi effectif.
A notre avis, puisque le conseil de surveillance est investi d’un
pouvoir de contrôle de la gestion de la société, son
indépendance est mal assurée si ces membres sont placés sous
l’autorité de la société employeur et c’est cette raison qui est
probablement à l’origine de la reprise par le législateur marocain
des dispositions de l’ancien article 142 de la loi française.
II- les conséquences du cumul irrégulier :
Lorsque les conditions de fond édictées par la loi sont remplies,
l’intéressé va cumuler les deux statuts qui vont coexister de façon
autonome.
La révocation du mandat laisse subsister le contrat de travail.
Le licenciement laisse théoriquement intact le mandat social et le
salarié bénéficie de tous les droits et avantages découlant du contrat
de travail.
Néanmoins, il faut être prudent dans la rédaction du contrat. De
même en cas de modification ou de renouvellement du contrat de
travail, il faut veiller à ce que les modifications ne soient pas trop
importantes sous peine de créer une novation entraînant un nouveau
contrat qui serait prohibé si le titulaire est administrateur.
Cependant, la question qui serait importante de se poser est celle de
savoir quelles sont les conséquences du cumul irrégulier ?
Le non-respect des conditions du cumul entraîne soit la nullité de la
nomination ( A ) soit la nullité du contrat de travail ( B ).
A- la nullité de la nomination :
Toute nomination intervenue en dehors des dispositions relatives à
l’antériorité du contrat de travail et au caractère effectif de l’emploi
est nulle ( article 43 de la loi 17-95 ).
La nullité de la nomination aux fonctions d’administrateur peut
entraîner des conséquences pécuniaires ; En effet, l’administrateur
irrégulièrement nommé, est tenu de restituer les jetons de présence
éventuellement perçus dans le cadre des fonctions sociales.Les
délibérations du conseil auxquelles l’intéressé a participé,ne sont
pas remises en cause.
Le texte légal ne donne toutefois aucune précision lorsque la nullité
affecte,l’administrateur désigne en qualité de président du conseil
d’administration.Dans cette hypothèse, il faut sans doute se
référer aux dispositions générales.
De même, le dépassement du nombre de salariés dans le conseil
d’administration,entraîne la nullité de la nomination et non du
contrat de travail puisqu’il s’agit d’une nomination intervenue en
violation du texte légal ( article 43 de la loi 17-95. Et c’est cette
solution qui a été adoptée également par la cour de cassation dans
un arrêt qu’elle avait rendu le 11 janvier 1986.
Bien qu’elle soit prévue par la loi, la nullité de la nomination n’est
pas la règle générale appliquée par la jurisprudence française.
Ainsi certaines décisions ont considéré qu’un salarié, même ne
remplissant pas la condition d’antériorité,pouvait renoncer au
contrat de travail afin d’exercer le mandat d’administrateur ( cour
de cassation, chambre sociale 17 novembre 1976 ).
B- la nullité du contrat de travail :
Lorsque la nullité de la nomination résulte de l’absence d’un
emploi effectif,dans une telle hypothèse et par application des
règles de droit commun, le contrat de travail est frappé de nullité
ou considéré comme inexistant du fait de son caractère fictif.Mais
ce n’est pas la nomination irrégulière qui affecte le contrat mais
son caractère fictif.De même lorsque le lien de subordination ou la
spécificité du contrat ne sont pas suffisants,la règle traditionnelle
était de faire disparaître le contrat de travail.
C’est ainsi qu’avant un arrêt de la cour de cassation française du
12 décembre 1990, de nombreuses décisions prononçaient la
rupture du contrat de travail ou le faisaient disparaître en
considérant que le contrat de travail avait été absorbé par les
fonctions sociales.
Cependant, à partir de cet arrêt, une nouvelle orientation s’est
dessinée en faveur de la suspension du contrat de travail pendant
la durée du mandat social,en l’absence de convention contraire.
Ainsi la formule de la cour de cassation française dans son arrêt
du 12 décembre 1990, « le contrat de travail se trouve en,
l’absence de convention contraire, suspendu pendant la durée
d’exercice du mandat », donne lieu à deux précisions :
- la suspension joue de plein droit mais n’intervient qu’en
l’absence de convention contraire
- Le contrat de travail n’est suspendu de droit que dans les
hypothèses qui rendent impossible un cumul effectif.
DEUXIÈME PARTIE : L’APPLICATION DES PRINCIPES DU DROIT
DE TRAVAIL AU CUMUL :
Devant les tribunaux, la question qui se pose le plus souvent est celle
de savoir si le dirigeant qui se prévaut du cumul et qui remplit les
conditions prévues par la loi pour y prétendre, s’est effectivement
comporté comme un salarié pendant la durée de ce mandat. Les
magistrats sont donc amenés à se référer aux règles de droit de
travail et à examiner si le dirigeant a exercé son activité dans les
conditions prévues par cette réglementation.
Pour ce faire, les magistrats qui seront amenés à apprécier la validité
du cumul, devront vérifier les modalités d’exercice des fonctions
salariées et l’existence de lien de subordination,critère essentiel du
contrat de travail. Ce qui nous amène à traiter successivement ces
deux points.
I- Les modalités d’exercice des fonctions salariées :
Les fonctions salariées doivent pouvoir se distinguer des fonctions
sociales,ce qui mène à traiter la nature des fonctions salariées ( A ),
de plus, ces fonctions doivent revêtir une certaine ancienneté ( B ) :
A- La nature des fonctions salariées :
L’essence même du cumul repose sur l’existence de deux statuts
distincts.Ainsi,le dirigeant qui se prévaut du cumul doit prouver
d’une double activités relevant de chacun de ces deux statuts.
Pour ce faire, le dirigeant peut prouver qu’il perçoit une rémunération
au titre de son activité salariée. Ceci nous fait penser à un arrêt de la
cour suprême marocaine en date du 6 avril 1987 qui a considéré
qu’un actionnaire d’une SA et qui a été élu par la majorité des
membres du conseil d’administration comme président du conseil
d’administration,ne pouvait être un salarié de la société, et dans la
mesure ou sa mission consiste à gérer la société,il ne pouvait être lié
à la société par un contrat de travail et de ce fait la rémunération qu’il
percevait ne constitue pas un salaire mais seulement une indemnité
pour le temps qu’il consacrait à la société.
La cour suprême a déduit de ces éléments que l’éviction du président
du conseil d’administration ne constitue pas un licenciement abusif
générateur de l’octroi d’indemnités.
On en conclut que le salaire, l’un des éléments constitutifs du contrat
de travail, doit être prouvé par la personne qui se prévaut du cumul,
mais encore faut-il que le montant du salaire soit adéquat avec
l’emploi revendiqué.
D’une façon générale, la nature de l’activité salariée exercée,influe
sur la qualification du cumul.
Donc, lorsqu’un dirigeant exerce des fonctions techniques spécialisées
( directeur technique, ingénieur… ) sa situation est plus favorable
qu’un cadre administratif dont l’activité se confond avec la situation
d’un dirigeant. Ainsi un arrêt de la cour suprême française du 19
février 1986 a reconnu le bénéfice du cumul à un directeur technique
puisqu’il dispose que « viole l’article 93 de la loi du 24 juillet 1966,
l’arrêt qui dénie le maintien du contrat de travail d’un directeur
technique devenu président du conseil d’administration qui, en
exécution d’une décision du conseil d’administration,a continué à
exercer des fonctions techniques pour lesquelles il a reçu un salaire ;
en conséquence, l’intéressé peut obtenir des indemnités de rupture.
( Voir annexe, jurisprudence Joly du droit des sociétés pages 121 et
122 ).
Cependant, si l’activité salariée consiste en des fonctions purement
commerciales, elle risque de se confondre avec l’activité du dirigeant.
C’est ainsi qu’un arrêt de la cour de cassation française du 7 juin
1988 avait dénié l’existence d’un lien de subordination et donc
l’existence du cumul pour un président du conseil d’administration et
qui était aussi directeur commercial. La cour de cassation avait
souligné que « ne pouvait être considéré en état de subordination vis
à vis de la société,un mandataire social dont les compétences
exercées en qualité de salarié ne revêtaient aucun caractère de
technicité particulière,qui avait permis de les distinguer de celles qui
résultaient de son mandat.
En outre, ce dirigeant qui assure effectivement les missions
attachées à son mandat, ne voyait ses fonctions de directeur
commercial que soumises à sa propre autorité » ( voir annexe ;
jurisprudence Joly page 123 ).
Ainsi pour faire valoir le caractère particulier de son activité salariée,
le dirigeant peut avancer des arguments relatifs à sa formation
spécialisée, sa compétence professionnelle mais surtout sa présence
effective dans un poste de travail ( atelier,laboratoire…).
Enfin cette analyse de la nature de l’activité produit des
conséquences qu’il faut relever au sein des groupes de sociétés.
En effet,selon M.Thierry Gauthier, les groupes de sociétés comportent
une société exerçant une domination sur les autres sociétés liées : il
s’agit de sociétés-mères ;leur activité consiste le plus souvent dans la
gestion des participations financières qu’elles détiennent dans les
autres sociétés.Dans les sociétés-mères, la destination des fonctions
de dirigeant et des fournisseur salariées s’avère difficile en raison de
l’objet réduit de l’activité de ces sociétés.
En outre l’occupation d’un dirigeant dans un poste de l’activité
industrielle n’est pas envisageable dans un tel cas.
B- l’ancienneté du contrat de travail :
l’antériorité du contrat de travail constitue l’un des éléments
déterminant ^pour conforter la situation du salarié puisque l’existence
du contrat de travail garantit la reconnaissance des prestations au
titre de l’activité salariée encore faut-il que l’intéressé exerce son
activité professionnelle dans les conditions prévues par son contrat de
travail ou qu’il n’ait pas été remplacé à son poste durant la période de
son mandat.
Cependant, cette question s’avère difficile à résoudre dans les
groupes de sociétés . lorsque l’intéressé exerce ses fonctions salariées
dans une société et est nommé dirigeant dans une autre société, son
ancienneté au sein du groupe peut-elle satisfaire à la condition
d’antériorité ?. La jurisprudence française reconnaît l’antériorité dans
des opérations de restructuration prévue par la loi ; à titre d’exemple,
le cas d’une SARL qui se transforme en SA ou en cas d’apport partiel
d’actif,dans ces hypothèses tout contrat de travail conclu avec la
société sous son ancienne forme juridique est valablement considérée
comme antérieure sur la base des principes du droit de travail qui
prévoient qu’en cas de modification de la situation de l’employeur,les
contrats de travail sont maintenus entre nouvel employeur et le
personnel. Ce qui, sous entend que l’ancienneté acquise au service de
l’ancien employeur est opposable au nouveau.(activité L 122-12 du
code de travail français et activité 754 alinéa 7 du DOC ).
Ainsi la prise en compte de l’antériorité acquise au service d’une autre
société du groupe, intervient même si les conditions de l’article
L 122-12 du code de travail ne sont pas réunies.
En effet cet article dresse une liste des modifications de situation
juridique de l’employeur ( la succession , la vente, la fusion,la
transformation en fonds et la mise en société) ou le maintien du
contrat de travail doit intervenir pour qu’il soit applicable,la
jurisprudence retient au delà de cette liste le critère de la continuité
de l’entreprise.C’est ainsi qu’un arrêt de la cour d’appel d’Aix en
Province du 8 avril 1997, avait déclaré que « …en cas de mutation du
salarié à l’intérieur d’un groupe de sociétés étroitement associées et
présentant une cohésion économique, c’est dans le cadre de ce groupe
qu’il convient d’apprécier si cette condition d’antériorité est remplie. »
Pour admettre la continuité du contrat, il ne faut pas considéré que
c’est la société qui est employeur mais plutôt le groupe.
II- Le lien de subordination :
le lien de subordination fait confronter le droit du travail et le droit
des sociétés. Mais pour mieux apprécier l’existence de lien de
subordination,des critères ont été forgés par la jurisprudence.
A- Le lien de subordination, élément de confrontation
du droit de travail et du droit des sociétés :
Selon J H CAMERLYNCK un salarié est en état de subordination
lorsqu’il est soumis à « l’autorité de son employeur qui lui donne des
ordres concernant l’exécution du travail, en contrôle
l’accomplissement, en vérifie les résultats.
La jurisprudence et la doctrine française définissent le lien de
subordination comme l’intégration du salarié dans un service
organisé par autrui.
Le lien de subordination n’est que la conséquence de l’existence du
pouvoir exercée par l’employeur.Cette même personne est forcément
une personne physique.L’existence d’un lien de subordination ne
peut être relevée que si le détenteur du pouvoir der l’employeur est
identifiable.Dans la situation du cumul, celui qui reçoit des ordres est
un dirigeant ; c’est incompatibilité entre le statut du dirigeant et du
salarié peut se résumer dans une expression de P. FIESCHI-VIVET
selon laquelle le cumul implique que l’on puisse « diriger le dirigeant ».
Les pouvoirs de direction impliquent par nature le pouvoir de
commandement et supposent une indépendance dans l’exercice des
fonctions sociales qui est peu compatible avec une subordination
dans le cadre dans fonctions salariées.
En outre, le mécanisme du droit des sociétés prévoit un contrôle de
l’activité des dirigeants, lequel est confié selon le cas à un conseil de
surveillance ou aux assemblées d’actionnaires ou d’associés.Ce
contrôle est sanctionné le cas échéant par la révocation ou le non-
renouvellement de son mandat social.Ce pouvoir de contrôle ne peut
dés lors être assimilé au pouvoir de l’employeur,celui-ci connaît une
amplitude largement plus étendue quant à ses modes d’expression et
peut en outre s’exprimer à tout moment et non pas lors de réunion
institutionnelle.
B- les critères d’appréciation du lien de subordination :
Le lien de subordination est apprécié selon certains critères dont les
plus importants sont : l’amplitude du pouvoir et la participation au
capital.
- l’amplitude du pouvoir :
Dés l’instant ou un dirigeant exerce la plénitude des pouvoirs,la
jurisprudence considère que le mandat social absorbe l’activité
salariée et exclut l’existence du lien de subordination. Cet
argument est opposé à l’ensemble des dirigeants qui sont investis
du pouvoir d’engager la société ( le président du conseil
d’administration,les membres du directoire ou les gérants). C’est
en ce sens qu’un arrêt de la cour suprême marocaine du 20
novembre 1989, avait considéré qu’un président du conseil
d’administration qui a été élu par l’assemblée générale et qui n’est
soumis qu’au contrôle de cette assemblée qui se réunit
périodiquement, ne peut être considéré comme un salarié de la
société en l’absence du lien de subordination,élément constitutif
du contrat de travail. Et d’autre part le fait qu’il perçoive un salaire
et qu’il soit affilié à la CNSS, ne fait pas de lui un salarié pour
autant.
La cour suprême a donc estimé que le président du conseil
d’administration,investi de pouvoirs étendus, ne pouvait être lié à
la société par un contrat de travail en l’absence du lien de
subordination.
On peut évoquer également à ce niveau un arrêt de la cour de
cassation française du 3 décembre 1987 qui constate que « c’est à
bon droit qu’une cour d’appel a déduit qu’un président directeur
général d’une société n’était pas lié par un contrat de travail du
seul fait que « ce dernier avait exercé son activité sans lien de
subordination et qu’il n’avait pas perçu de rémunération distincte
de celle qui s’était attribué à titre de mandataire social « ( Voir
annexe : juridique Joly page 123 ).
A l’inverse,l’attribution de pouvoirs spécifiés nettement déterminés
tels qui résultent par exemple d’une délégation,peut permettre au
dirigeant de se prévaloir d’un état de subordination ( cour de
cassation, arrêt du 8 octobre 1980 ).
Dans les SARL, alors qu’un gérant unique ( ou des cogérants ) a les
pouvoirs les plus étendus pour engager la société,la limitation
statutaire est prise en considération pour justifier l’existence du
pouvoir de subordination mais encore faut-il que l’intéressé
n’exerce pas ses fonctions techniques en « toute indépendance
« car l’état de subordination serait alors contesté ( Voir annexe ;
Joly arrêt de la cour de cassation, chambre sociale du 19 février
1986 page 122 ).
D’un autre côté, le cumul d’un gérant qui a le monopole des
fonctions technique présente le risque d’être qualifié d’irrégulier ;
un tel monopole conduit à ce que le gérant ne connaisse aucun
pouvoir de commandement dans l’exercice de ses fonctions
salariées.
- la participation au capital :
La participation importante au capital n’a été relevée que dans le
cas du gérant de la SARL. La cour de cassation française ayant
dénié au gérant majoritaire toute possibilité de se prévaloir du
cumul (cour de cassation la chambre sociale du 7 février 1979).
La position adpotée à l’égard du gérant majoritaire doit cependant
être appréciée avec une certaine réserve. Certaines décisions n’ont
pas admis le cumul pour un simple associé titulaire d’une fraction
significative du capital le mettant à l’abri de toute révocation ( cour
de cassation, chambre commerciale arrêt du 17 avril 1980). La
jurisprudence française a opposé ce critère aussi à l’associé
égalitaire d’une SARL ; un arrêt de la cour de cassation du 24
février 1987 dispose que « la notion d’associé égalitaire dans une
société de deux personnes dont l’autre associé est investi de
fonctions de gérant unique exclut l’existence d’un état de
subordination du premier par rapport au second »( Voir annexe
jurisprudence Joly page 127).
Cependant, ce critère de possession de la majorité du capital est
beaucoup moins opposé aux dirigeants des SA par les tribunaux.
En effet,selon J.F BULL » les tribunaux considèrent sans doute que
le gérant devient irrévocable en fait alors que le président du
conseil d’administration ou les membres du directoire restent
toujours révocables par un autre organe dont ils peuvent ne pas
avoir l’entier contrôle même s’ils sont majoritaires ». D’après ce
même auteur, cette conception repose sur une interprétation bien
théorique de la situation du président du conseil d’administration
détenant la majorité du capital social, car celui-ci révoqué par un
conseil d’administration,peut dans une assemblée générale
procéder rapidement à la révocation des autres membres du
conseil d’administration.
En tout état de cause la détention d’une fraction importante du
capital social est toujours de nature à influer sur la décision du
juge.
Toutefois,l’analyse des décisions judiciaires fait apparaître une
tendance très nette de la jurisprudence à contester l’existence du
lien de subordination ; Il est donc souvent opposé aux dirigeants
leur rôle de chef d’entreprise employeur. D’où il résulte une
absence totale de subordination.
Deux atténuations à ce principe peuvent cependant être relevées.
Les dirigeants, membres d’un organe collégial et ne disposant pas
de pouvoir personnel semblent encore pouvoir faire valoir un lien
de subordination à l’égard de la société.Certains commentateurs
d’un autre coté considèrent que la cour de cassation fait souvent
appel à une notion de subordination psychologique.Selon cette
conception, le dirigeant d’une société soumis au contrôle d’un autre
organe se trouverait dans un état caractéristique de la
subordination dés lors qu’il pouvait être destitué de ses fonctions
sociales.
Certains arrêts relèvent par exemple que le conseil
d’administration exerce sur l’activité salariée de son président un
contrôle continu générateur de subordination.Ils expliquent
également que le cumul a été systématiquement écarté dans le cas
du gérant majoritaire d’une SARL qui ne se trouve plus dans une
situation de dépendance à l’égard de l’organe susceptible de
prononcer sa révocation.
Cependant certains auteurs ont critiqué cette notion de
subordination psychologique,ainsi Y.CHARTIER a considéré que »
le lien de subordination est tellement difficile à envisager
intellectuellement ». Tandis que P.LE CANNU considère qu’il faut se
résoudre à réduire les conditions du cumul à l’exigence de
fonctions distinctes.

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CUMUL.doc

  • 1. INTRODUCTION : Le cumul du mandat social et du contrat de travail fait opposer deux branches de droit :le droit des sociétés et droit de travail dont les objectifs sont distincts.ainsi le droit des sociétés vise à protéger les biens sociaux contre tout abus par l’interdiction de tout contrat fictif. Tandis que le droit de travail tend à protéger le salarié qui, une fois investi d’un mandat social,risque d’être révoqué ad-nutum c’est à dire à tout moment. En effet les dirigeants des SA sont en principe révocables ad-nutum, tandis que les salariés, en cas de licenciement non fondé sur une faute grave de leur part, bénéficient de l’indemnités de préavis, de l’indemnité d’ancienneté et de l’indemnité de licenciement abusif. En cas de cumul, le dirigeant est révoqué, il continue de bénéficier de son contrat de travail. Ce qui suppose que la société doit maintenir en fonctions salariées,un dirigeant en qui les mandants ont perdu confiance. D’une manière générale, l’existence d’un contrat de travail conduit à mettre en échec le principe de la révocation ad-nutum ; le dirigeant salarié bénéficie des garanties liées à sa qualité de salarié. En outre, le cumul du mandat social et du contrat de travail fait apparaître une contradiction.En effet, le statut du dirigeant suppose que celui-ci agit au nom de la société et qu’il est investi de larges pouvoirs qu’il exerce en toute indépendance.Tandis que le statut du salarié suppose que celui-ci est placé dans un état de subordination, est dont la combinaison de ces deux statuts reste difficile à concevoir. Cependant, malgré ces difficultés,le cumul représente un facteur de progrès social qui permet au salarié d’accéder aux fonctions d’administration et de direction d’une société. Sous l’égide de la loi marocaine du 11 août 1922, le cumul n’était pas interdit, mais la jurisprudence marocaine refusait d’admettre cette possibilité de cumul. Toutefois,le cumul est expressément prévu par la loi 17-95 relative aux SA dans son article 43 ( pour les membres du conseil d’administration) et l’article 80 pour les membres du directoire). Cependant, malgré la réglementation du cumul par le droit des sociétés,les tribunaux, pour apprécier sa validité,appliquent les principes du droit du travail ;
  • 2. C’est pourquoi nous traiterons dans une première partie le cadre juridique du cumul quant à la deuxième, elle sera réservée à l’application des principes du droit de travail au cumul. PREMIERE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE DU CUMUL : Nous allons étudier en premier lieu, les conditions du cumul telles qu’elles ont été prévues par la loi ( I ) avant de voir les conséquences du cumul notamment sur le contrat de travail ( II ). I- les conditions du cumul : A- le cumul dans la S A classique : le cumul d’un contrat de travail avec la fonction d’administrateur est expressément reconnu par l’article 43 de la loi 17-95 mais celle-ci n’autorise le cumul des fonctions que sous certaines conditions : - Ainsi,l’existence du contrat de travail doit être antérieure à la nomination au sein du conseil d’administration. Ce principe est clairement posé par la loi. L’article 43 de la loi 17-95 précise que l’intéressé ne perd pas le bénéfice de son contrat de travail De même, en droit français, cette condition d’antériorité a été décelée par l’interprétation de l’article 107 de la loi de 1966 qui interdit aux administrateurs des rémunérations autres que celles prévues par les textes ; or ceux-ci ne visent pas les salariés. Ce texte, même en étant explicite,suppose que la rémunération au titre de contrat de travail existe déjà puisque le contrat de travail doit précéder impérativement la nomination d’un administrateur. Dans ces dispositions,il découle de la condition d’antériorité, que le contrat de travail ne peut être conclu ni concomitamment ni postérieurement de la nomination du mandataire social.Mais aussi, il faut souligner qu’on retrouve la condition d’antériorité exclusivement dans le cadre du cumul au niveau de la SA à conseil d’administration. - De même, la loi précise expressément que le contrat de travail doit correspondre à un emploi effectif. Cela veut dire que le contrat de travail de l’intéressé doit être sérieux et réel. Le contrat de travail doit être sérieux c’est à dire non artificiel. Cette condition s’apprécie en tenant compte des avantages conférés à l’intéressé. On doit notamment considérer que le contrat de travail n’est pas sérieux lorsqu’il stipule des indemnités de licenciement dont
  • 3. l’importance serait de nature à dissuader la société de se séparer de l’administrateur salarié. Le contrat de travail doit être réel ; cela veut dire que les fonctions salariées doivent être distinctes des attributions sociales. Toutefois,l’emploi effectif doit persister pendant toute la durée d’exercice des fonctions sociales et cette condition constitue l’un des critères systématiques examinés par la jurisprudence pour admettre ou rejeter le maintien du contrat de travail. - la proportion des salariés dans le conseil d’administration Cette condition est relative au pourcentage des membres du conseil d’administration pouvant bénéficier d’un contrat de travail. Ainsi le nombre d’administrateurs titulaires d’un contrat de travail ne peut dépasser le tiers des membres en fonction. C’est ce qui découle de la deuxième alinéa de l’article 43 précité. Enfin,, il faut noter que tous les administrateurs sont visés par le texte. Celui-ci ne fait aucune distinction entre le simple administrateur et celui chargé des fonctions de direction,le président du conseil d’administration ou éventuellement le directeur général. B- le cumul du mandat social et du contrat de travail dans la SA de type dualiste : 1) les membres du directoire : L’esprit original de cette forme de SA conduit en fait de faciliter le cumul d’un mandat social et du contrat de travail pour les membres du directoire sans que ceux-ci connaissent les problèmes rencontrés par les administrateurs. Ainsi le cumul d’un contrat de travail et de la qualité de membre du directoire,a été expressément prévu par l’article 79 de la loi 17-95 dans son alinéa 3 que les directeurs généraux peuvent être des salariés de la société. De même que l’article 80 alinéa 2 stipule que « le contrat de travail du membre du directoire révoqué que se trouve être en même temps salarié de la société, n’est pas résilié du seul fait de la révocation » On trouve une pareille disposition dans l’article 121 alinéa 2 de la loi française ; et de ce fait la possibilité du cumul des membres du directoire de leur fonction sociale et d’un contrat de travail, découle implicitement de cet article qui se rapproche de l’article 80 précité. Tandis que la loi marocaine a encore précisé nettement cette possibilité de cumul dans l’article 79. cette possibilité n’étant assortie d’aucune condition particulière,on considère que le cumul est possible aussi bien lorsque le salarié est nommé au directoire,que
  • 4. dans le cas ou le contrat de travail est conclu soit concomitamment à la nomination soit au cours du mandat. Il faut souligner que si le contrat de travail intervient au cours du mandat, ce contrat doit recevoir l’autorisation préalable du conseil de surveillance ( article 95 de la loi 17-95). 2) les membres du conseil de surveillance : L’article 94 de la loi 17-95 édicte l’interdiction d’allouer aux membres du conseil de surveillance une rémunération autre que celles prévues aux articles 92 et 93 à savoir les jetons et les rémunérations exceptionnelles pour les mandats et les missions. Il ressort aussi de l’article 94 une interdiction aux membres du conseil surveillance de cumuler un mandat social et un contrat de travail. L’article 94 a repris les mêmes dispositions de l’article 142 de la loi française du 24 juillet 1966, mais i faut souligner que le législateur français a marqué une évolution puisque le nouvel article 142 de la loi du 11 février 1994 ajoute à l’énonciation des rémunérations que peuvent recevoir les membres du conseil de surveillance celle résultant d’un contrat de travail qui correspond à un emploi effectif. A notre avis, puisque le conseil de surveillance est investi d’un pouvoir de contrôle de la gestion de la société, son indépendance est mal assurée si ces membres sont placés sous l’autorité de la société employeur et c’est cette raison qui est probablement à l’origine de la reprise par le législateur marocain des dispositions de l’ancien article 142 de la loi française. II- les conséquences du cumul irrégulier : Lorsque les conditions de fond édictées par la loi sont remplies, l’intéressé va cumuler les deux statuts qui vont coexister de façon autonome. La révocation du mandat laisse subsister le contrat de travail. Le licenciement laisse théoriquement intact le mandat social et le salarié bénéficie de tous les droits et avantages découlant du contrat de travail. Néanmoins, il faut être prudent dans la rédaction du contrat. De même en cas de modification ou de renouvellement du contrat de travail, il faut veiller à ce que les modifications ne soient pas trop importantes sous peine de créer une novation entraînant un nouveau contrat qui serait prohibé si le titulaire est administrateur. Cependant, la question qui serait importante de se poser est celle de savoir quelles sont les conséquences du cumul irrégulier ? Le non-respect des conditions du cumul entraîne soit la nullité de la nomination ( A ) soit la nullité du contrat de travail ( B ).
  • 5. A- la nullité de la nomination : Toute nomination intervenue en dehors des dispositions relatives à l’antériorité du contrat de travail et au caractère effectif de l’emploi est nulle ( article 43 de la loi 17-95 ). La nullité de la nomination aux fonctions d’administrateur peut entraîner des conséquences pécuniaires ; En effet, l’administrateur irrégulièrement nommé, est tenu de restituer les jetons de présence éventuellement perçus dans le cadre des fonctions sociales.Les délibérations du conseil auxquelles l’intéressé a participé,ne sont pas remises en cause. Le texte légal ne donne toutefois aucune précision lorsque la nullité affecte,l’administrateur désigne en qualité de président du conseil d’administration.Dans cette hypothèse, il faut sans doute se référer aux dispositions générales. De même, le dépassement du nombre de salariés dans le conseil d’administration,entraîne la nullité de la nomination et non du contrat de travail puisqu’il s’agit d’une nomination intervenue en violation du texte légal ( article 43 de la loi 17-95. Et c’est cette solution qui a été adoptée également par la cour de cassation dans un arrêt qu’elle avait rendu le 11 janvier 1986. Bien qu’elle soit prévue par la loi, la nullité de la nomination n’est pas la règle générale appliquée par la jurisprudence française. Ainsi certaines décisions ont considéré qu’un salarié, même ne remplissant pas la condition d’antériorité,pouvait renoncer au contrat de travail afin d’exercer le mandat d’administrateur ( cour de cassation, chambre sociale 17 novembre 1976 ). B- la nullité du contrat de travail : Lorsque la nullité de la nomination résulte de l’absence d’un emploi effectif,dans une telle hypothèse et par application des règles de droit commun, le contrat de travail est frappé de nullité ou considéré comme inexistant du fait de son caractère fictif.Mais ce n’est pas la nomination irrégulière qui affecte le contrat mais son caractère fictif.De même lorsque le lien de subordination ou la spécificité du contrat ne sont pas suffisants,la règle traditionnelle était de faire disparaître le contrat de travail. C’est ainsi qu’avant un arrêt de la cour de cassation française du 12 décembre 1990, de nombreuses décisions prononçaient la rupture du contrat de travail ou le faisaient disparaître en considérant que le contrat de travail avait été absorbé par les fonctions sociales. Cependant, à partir de cet arrêt, une nouvelle orientation s’est dessinée en faveur de la suspension du contrat de travail pendant la durée du mandat social,en l’absence de convention contraire.
  • 6. Ainsi la formule de la cour de cassation française dans son arrêt du 12 décembre 1990, « le contrat de travail se trouve en, l’absence de convention contraire, suspendu pendant la durée d’exercice du mandat », donne lieu à deux précisions : - la suspension joue de plein droit mais n’intervient qu’en l’absence de convention contraire - Le contrat de travail n’est suspendu de droit que dans les hypothèses qui rendent impossible un cumul effectif. DEUXIÈME PARTIE : L’APPLICATION DES PRINCIPES DU DROIT DE TRAVAIL AU CUMUL : Devant les tribunaux, la question qui se pose le plus souvent est celle de savoir si le dirigeant qui se prévaut du cumul et qui remplit les conditions prévues par la loi pour y prétendre, s’est effectivement comporté comme un salarié pendant la durée de ce mandat. Les magistrats sont donc amenés à se référer aux règles de droit de travail et à examiner si le dirigeant a exercé son activité dans les conditions prévues par cette réglementation. Pour ce faire, les magistrats qui seront amenés à apprécier la validité du cumul, devront vérifier les modalités d’exercice des fonctions salariées et l’existence de lien de subordination,critère essentiel du contrat de travail. Ce qui nous amène à traiter successivement ces deux points. I- Les modalités d’exercice des fonctions salariées : Les fonctions salariées doivent pouvoir se distinguer des fonctions sociales,ce qui mène à traiter la nature des fonctions salariées ( A ), de plus, ces fonctions doivent revêtir une certaine ancienneté ( B ) : A- La nature des fonctions salariées : L’essence même du cumul repose sur l’existence de deux statuts distincts.Ainsi,le dirigeant qui se prévaut du cumul doit prouver d’une double activités relevant de chacun de ces deux statuts. Pour ce faire, le dirigeant peut prouver qu’il perçoit une rémunération au titre de son activité salariée. Ceci nous fait penser à un arrêt de la cour suprême marocaine en date du 6 avril 1987 qui a considéré qu’un actionnaire d’une SA et qui a été élu par la majorité des membres du conseil d’administration comme président du conseil d’administration,ne pouvait être un salarié de la société, et dans la mesure ou sa mission consiste à gérer la société,il ne pouvait être lié à la société par un contrat de travail et de ce fait la rémunération qu’il percevait ne constitue pas un salaire mais seulement une indemnité pour le temps qu’il consacrait à la société.
  • 7. La cour suprême a déduit de ces éléments que l’éviction du président du conseil d’administration ne constitue pas un licenciement abusif générateur de l’octroi d’indemnités. On en conclut que le salaire, l’un des éléments constitutifs du contrat de travail, doit être prouvé par la personne qui se prévaut du cumul, mais encore faut-il que le montant du salaire soit adéquat avec l’emploi revendiqué. D’une façon générale, la nature de l’activité salariée exercée,influe sur la qualification du cumul. Donc, lorsqu’un dirigeant exerce des fonctions techniques spécialisées ( directeur technique, ingénieur… ) sa situation est plus favorable qu’un cadre administratif dont l’activité se confond avec la situation d’un dirigeant. Ainsi un arrêt de la cour suprême française du 19 février 1986 a reconnu le bénéfice du cumul à un directeur technique puisqu’il dispose que « viole l’article 93 de la loi du 24 juillet 1966, l’arrêt qui dénie le maintien du contrat de travail d’un directeur technique devenu président du conseil d’administration qui, en exécution d’une décision du conseil d’administration,a continué à exercer des fonctions techniques pour lesquelles il a reçu un salaire ; en conséquence, l’intéressé peut obtenir des indemnités de rupture. ( Voir annexe, jurisprudence Joly du droit des sociétés pages 121 et 122 ). Cependant, si l’activité salariée consiste en des fonctions purement commerciales, elle risque de se confondre avec l’activité du dirigeant. C’est ainsi qu’un arrêt de la cour de cassation française du 7 juin 1988 avait dénié l’existence d’un lien de subordination et donc l’existence du cumul pour un président du conseil d’administration et qui était aussi directeur commercial. La cour de cassation avait souligné que « ne pouvait être considéré en état de subordination vis à vis de la société,un mandataire social dont les compétences exercées en qualité de salarié ne revêtaient aucun caractère de technicité particulière,qui avait permis de les distinguer de celles qui résultaient de son mandat. En outre, ce dirigeant qui assure effectivement les missions attachées à son mandat, ne voyait ses fonctions de directeur commercial que soumises à sa propre autorité » ( voir annexe ; jurisprudence Joly page 123 ). Ainsi pour faire valoir le caractère particulier de son activité salariée, le dirigeant peut avancer des arguments relatifs à sa formation spécialisée, sa compétence professionnelle mais surtout sa présence effective dans un poste de travail ( atelier,laboratoire…). Enfin cette analyse de la nature de l’activité produit des conséquences qu’il faut relever au sein des groupes de sociétés.
  • 8. En effet,selon M.Thierry Gauthier, les groupes de sociétés comportent une société exerçant une domination sur les autres sociétés liées : il s’agit de sociétés-mères ;leur activité consiste le plus souvent dans la gestion des participations financières qu’elles détiennent dans les autres sociétés.Dans les sociétés-mères, la destination des fonctions de dirigeant et des fournisseur salariées s’avère difficile en raison de l’objet réduit de l’activité de ces sociétés. En outre l’occupation d’un dirigeant dans un poste de l’activité industrielle n’est pas envisageable dans un tel cas. B- l’ancienneté du contrat de travail : l’antériorité du contrat de travail constitue l’un des éléments déterminant ^pour conforter la situation du salarié puisque l’existence du contrat de travail garantit la reconnaissance des prestations au titre de l’activité salariée encore faut-il que l’intéressé exerce son activité professionnelle dans les conditions prévues par son contrat de travail ou qu’il n’ait pas été remplacé à son poste durant la période de son mandat. Cependant, cette question s’avère difficile à résoudre dans les groupes de sociétés . lorsque l’intéressé exerce ses fonctions salariées dans une société et est nommé dirigeant dans une autre société, son ancienneté au sein du groupe peut-elle satisfaire à la condition d’antériorité ?. La jurisprudence française reconnaît l’antériorité dans des opérations de restructuration prévue par la loi ; à titre d’exemple, le cas d’une SARL qui se transforme en SA ou en cas d’apport partiel d’actif,dans ces hypothèses tout contrat de travail conclu avec la société sous son ancienne forme juridique est valablement considérée comme antérieure sur la base des principes du droit de travail qui prévoient qu’en cas de modification de la situation de l’employeur,les contrats de travail sont maintenus entre nouvel employeur et le personnel. Ce qui, sous entend que l’ancienneté acquise au service de l’ancien employeur est opposable au nouveau.(activité L 122-12 du code de travail français et activité 754 alinéa 7 du DOC ). Ainsi la prise en compte de l’antériorité acquise au service d’une autre société du groupe, intervient même si les conditions de l’article L 122-12 du code de travail ne sont pas réunies. En effet cet article dresse une liste des modifications de situation juridique de l’employeur ( la succession , la vente, la fusion,la transformation en fonds et la mise en société) ou le maintien du contrat de travail doit intervenir pour qu’il soit applicable,la jurisprudence retient au delà de cette liste le critère de la continuité de l’entreprise.C’est ainsi qu’un arrêt de la cour d’appel d’Aix en Province du 8 avril 1997, avait déclaré que « …en cas de mutation du salarié à l’intérieur d’un groupe de sociétés étroitement associées et
  • 9. présentant une cohésion économique, c’est dans le cadre de ce groupe qu’il convient d’apprécier si cette condition d’antériorité est remplie. » Pour admettre la continuité du contrat, il ne faut pas considéré que c’est la société qui est employeur mais plutôt le groupe. II- Le lien de subordination : le lien de subordination fait confronter le droit du travail et le droit des sociétés. Mais pour mieux apprécier l’existence de lien de subordination,des critères ont été forgés par la jurisprudence. A- Le lien de subordination, élément de confrontation du droit de travail et du droit des sociétés : Selon J H CAMERLYNCK un salarié est en état de subordination lorsqu’il est soumis à « l’autorité de son employeur qui lui donne des ordres concernant l’exécution du travail, en contrôle l’accomplissement, en vérifie les résultats. La jurisprudence et la doctrine française définissent le lien de subordination comme l’intégration du salarié dans un service organisé par autrui. Le lien de subordination n’est que la conséquence de l’existence du pouvoir exercée par l’employeur.Cette même personne est forcément une personne physique.L’existence d’un lien de subordination ne peut être relevée que si le détenteur du pouvoir der l’employeur est identifiable.Dans la situation du cumul, celui qui reçoit des ordres est un dirigeant ; c’est incompatibilité entre le statut du dirigeant et du salarié peut se résumer dans une expression de P. FIESCHI-VIVET selon laquelle le cumul implique que l’on puisse « diriger le dirigeant ». Les pouvoirs de direction impliquent par nature le pouvoir de commandement et supposent une indépendance dans l’exercice des fonctions sociales qui est peu compatible avec une subordination dans le cadre dans fonctions salariées. En outre, le mécanisme du droit des sociétés prévoit un contrôle de l’activité des dirigeants, lequel est confié selon le cas à un conseil de surveillance ou aux assemblées d’actionnaires ou d’associés.Ce contrôle est sanctionné le cas échéant par la révocation ou le non- renouvellement de son mandat social.Ce pouvoir de contrôle ne peut dés lors être assimilé au pouvoir de l’employeur,celui-ci connaît une amplitude largement plus étendue quant à ses modes d’expression et peut en outre s’exprimer à tout moment et non pas lors de réunion institutionnelle. B- les critères d’appréciation du lien de subordination :
  • 10. Le lien de subordination est apprécié selon certains critères dont les plus importants sont : l’amplitude du pouvoir et la participation au capital. - l’amplitude du pouvoir : Dés l’instant ou un dirigeant exerce la plénitude des pouvoirs,la jurisprudence considère que le mandat social absorbe l’activité salariée et exclut l’existence du lien de subordination. Cet argument est opposé à l’ensemble des dirigeants qui sont investis du pouvoir d’engager la société ( le président du conseil d’administration,les membres du directoire ou les gérants). C’est en ce sens qu’un arrêt de la cour suprême marocaine du 20 novembre 1989, avait considéré qu’un président du conseil d’administration qui a été élu par l’assemblée générale et qui n’est soumis qu’au contrôle de cette assemblée qui se réunit périodiquement, ne peut être considéré comme un salarié de la société en l’absence du lien de subordination,élément constitutif du contrat de travail. Et d’autre part le fait qu’il perçoive un salaire et qu’il soit affilié à la CNSS, ne fait pas de lui un salarié pour autant. La cour suprême a donc estimé que le président du conseil d’administration,investi de pouvoirs étendus, ne pouvait être lié à la société par un contrat de travail en l’absence du lien de subordination. On peut évoquer également à ce niveau un arrêt de la cour de cassation française du 3 décembre 1987 qui constate que « c’est à bon droit qu’une cour d’appel a déduit qu’un président directeur général d’une société n’était pas lié par un contrat de travail du seul fait que « ce dernier avait exercé son activité sans lien de subordination et qu’il n’avait pas perçu de rémunération distincte de celle qui s’était attribué à titre de mandataire social « ( Voir annexe : juridique Joly page 123 ). A l’inverse,l’attribution de pouvoirs spécifiés nettement déterminés tels qui résultent par exemple d’une délégation,peut permettre au dirigeant de se prévaloir d’un état de subordination ( cour de cassation, arrêt du 8 octobre 1980 ). Dans les SARL, alors qu’un gérant unique ( ou des cogérants ) a les pouvoirs les plus étendus pour engager la société,la limitation statutaire est prise en considération pour justifier l’existence du pouvoir de subordination mais encore faut-il que l’intéressé n’exerce pas ses fonctions techniques en « toute indépendance « car l’état de subordination serait alors contesté ( Voir annexe ; Joly arrêt de la cour de cassation, chambre sociale du 19 février 1986 page 122 ).
  • 11. D’un autre côté, le cumul d’un gérant qui a le monopole des fonctions technique présente le risque d’être qualifié d’irrégulier ; un tel monopole conduit à ce que le gérant ne connaisse aucun pouvoir de commandement dans l’exercice de ses fonctions salariées. - la participation au capital : La participation importante au capital n’a été relevée que dans le cas du gérant de la SARL. La cour de cassation française ayant dénié au gérant majoritaire toute possibilité de se prévaloir du cumul (cour de cassation la chambre sociale du 7 février 1979). La position adpotée à l’égard du gérant majoritaire doit cependant être appréciée avec une certaine réserve. Certaines décisions n’ont pas admis le cumul pour un simple associé titulaire d’une fraction significative du capital le mettant à l’abri de toute révocation ( cour de cassation, chambre commerciale arrêt du 17 avril 1980). La jurisprudence française a opposé ce critère aussi à l’associé égalitaire d’une SARL ; un arrêt de la cour de cassation du 24 février 1987 dispose que « la notion d’associé égalitaire dans une société de deux personnes dont l’autre associé est investi de fonctions de gérant unique exclut l’existence d’un état de subordination du premier par rapport au second »( Voir annexe jurisprudence Joly page 127). Cependant, ce critère de possession de la majorité du capital est beaucoup moins opposé aux dirigeants des SA par les tribunaux. En effet,selon J.F BULL » les tribunaux considèrent sans doute que le gérant devient irrévocable en fait alors que le président du conseil d’administration ou les membres du directoire restent toujours révocables par un autre organe dont ils peuvent ne pas avoir l’entier contrôle même s’ils sont majoritaires ». D’après ce même auteur, cette conception repose sur une interprétation bien théorique de la situation du président du conseil d’administration détenant la majorité du capital social, car celui-ci révoqué par un conseil d’administration,peut dans une assemblée générale procéder rapidement à la révocation des autres membres du conseil d’administration. En tout état de cause la détention d’une fraction importante du capital social est toujours de nature à influer sur la décision du juge. Toutefois,l’analyse des décisions judiciaires fait apparaître une tendance très nette de la jurisprudence à contester l’existence du lien de subordination ; Il est donc souvent opposé aux dirigeants leur rôle de chef d’entreprise employeur. D’où il résulte une absence totale de subordination. Deux atténuations à ce principe peuvent cependant être relevées.
  • 12. Les dirigeants, membres d’un organe collégial et ne disposant pas de pouvoir personnel semblent encore pouvoir faire valoir un lien de subordination à l’égard de la société.Certains commentateurs d’un autre coté considèrent que la cour de cassation fait souvent appel à une notion de subordination psychologique.Selon cette conception, le dirigeant d’une société soumis au contrôle d’un autre organe se trouverait dans un état caractéristique de la subordination dés lors qu’il pouvait être destitué de ses fonctions sociales. Certains arrêts relèvent par exemple que le conseil d’administration exerce sur l’activité salariée de son président un contrôle continu générateur de subordination.Ils expliquent également que le cumul a été systématiquement écarté dans le cas du gérant majoritaire d’une SARL qui ne se trouve plus dans une situation de dépendance à l’égard de l’organe susceptible de prononcer sa révocation. Cependant certains auteurs ont critiqué cette notion de subordination psychologique,ainsi Y.CHARTIER a considéré que » le lien de subordination est tellement difficile à envisager intellectuellement ». Tandis que P.LE CANNU considère qu’il faut se résoudre à réduire les conditions du cumul à l’exigence de fonctions distinctes.