1. OPINIONS
CARTE BLANCHE À…
Comment exploiter la mine d’or
des données publiques
de les convertir, à moindre coût, dans
DENIS BERTHAULT, coanimateur du groupe
« donnéespubliques »auGroupementfran-
des formats correspondant aux besoins
çaisdesindustriesdel’information,s’interroge des réutilisateurs. Cette usine de conver-
surlesmoyensd’améliorer,aumoindrecoût, sion de données serait interministérielle,
la qualité des données sans attendre que permettant à la fois aux administrations,
l’Administration ait les outils nécessaires. qu’elles soient centrales ou décentrali-
sées, riches ou pauvres, de développer de
nouvelles applications répondant à leurs
Avec la création d’Etalab, la tarification besoins propres, tout en favorisant la
des données publiques devient un sujet réutilisation de leurs informations.
tabou. Certes, les textes encadrant la Pour traiter et élever le niveau de service
réutilisation des informations publiques, sur les données – qu’elles soient ou non
qu’ils soient actuels (directive de 2003, déjà diffusées –, cette structure devrait
loi de 1978, décret de mai 2011) ou à venir en priorité s’interfacer avec les sites
(projet de révision de la Commission publics existants à l’échelon national
européenne), autorisent explicitement (dont Data.gouv.fr), voire à l’échelon
cette tarification. Toutefois, nombreux local. La « data factory » proposerait des
DR
sont ceux qui pensent que, l’impôt ayant fonctionnalités « à la demande » de
déjà payé la production des données, il transformation de format, d’ajout de
est anormal que la réutilisation des in- « Nous proposons une usine métadonnées, voire d’anonymisation ou
formations publiques soit tarifée. interministérielle d’extraction de nettoyage d’informations. Elle serait
Hélas, si l’impôt a bien financé la produc- et de conversion des données » aussi en mesure de proposer des services
tion, il n’a que très rarement subventionné de stockage, d’intégration et d’accès aux
la diffusion et encore moins les moyens données (API, services web…).
de rendre réutilisables ces données. Pour administrations dans le monde, mais
comprendre le problème, il suffit de re- peut-être plus encore à cause d’une orga-
garder les sites publics (ministères, établis- nisation hiérarchique et d’un fort souci Le financement par la taxe ?
sements publics, autorités administra- de confidentialité, l’Administration fran- Ainsi, cette « data factory » permettrait
tives...): les informations textuelles sont çaise n’est ni préparée, ni organisée, ni, à la sphère publique de disposer d’une
restituées en PDF, un format propriétaire a fortiori, équipée pour diffuser et/ou structure habilitée à stocker, améliorer
qui interdit toute réutilisation, les don- rendre réutilisables ses informations. et diffuser les données publiques ou-
nées tabulaires, en format propriétaire Cela n’entre pas dans la mission pour vertes françaises. Comment financer
(Excel). Cette tendance se retrouve, bien laquelle elle a été créée. Il y a donc un une telle structure ? Très simplement !
sûr, sur Data.gouv.fr où moins de 1 % des abîme entre la réalité et les désirs des En prélevant une taxe (25 % ?) sur le
données est en format ouvert. acteurs politiques européens ou français, chiffre d’affaires perçu par les adminis-
relayés par de nombreuses associations trations qui vendent leurs informations.
en France, de disposer de données dans Il est en effet paradoxal que seules les
Une structure centralisée pour un « format lisible par la machine et administrations disposant de données
01BUSINESS & TECHNO I 8/03/2012 I 01net-entreprises.fr
résoudre le problème du format accompagnées de métadonnées ». vendables retirent 100 % des revenus
Ce constat souffre, évidemment, d’ex- Comment, alors, permettre aux admi- alors qu’une vraie politique d’open data
ceptions : des administrations dont la nistrations de diffuser – rapidement, consiste justement à mettre à disposition
diffusion a toujours fait partie intégrante dans un format réutilisable et au plus un maximum d’informations, en lais-
de la mission (Dila, IGN, Inpi, Insee, juste coût – leurs informations ? Pour sant au marché (entreprises, associa-
Météo France…) se sont depuis une résorber ce goulet d’étranglement consti- tions, développeurs…) le soin de déve-
vingtaine d’années organisées pour re- tué par la question du format, nous lopper des services autour.
diffuser leurs données. Quelques proposons la création d’une structure La France aurait alors l’opportunité de se
administrations traditionnelles s’y sont technique centralisée, sorte de « data doter de modalités d’accès communes à
récemment essayées (Finances, Intérieur, factory mutualisée », chargée de collecter toutes les données libérées dans l’Hexa-
Justice…), avec des bonheurs divers et les données en l’état, c’est-à-dire sans gone, gage d’efficacité et d’économies
après des investissements trop impor- imposer à l’Administration un quelcon- d’échelle pour tous les réutilisateurs. M
tants. Comme l’immense majorité des que changement ou investissement, puis DENIS BERTHAULT
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